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Les droits de l'homme et les difficultes de leur application en Haiti

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par Clement Noel
Faculte de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince, Haiti - Licence 2013
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

L'homme est un «  animal politique1(*) », dit Aristote. Ce qui équivaut à dire qu'il est sociable ; et c'est cette sociabilité qui lui permet de pouvoir s'intégrer dans une société, ce pour pouvoir travailler à son organisation. A ce titre, cela est possible grâce à une capacité de rationalité dont il est doté et qui, du même coup, lui permet de pouvoir se différencier de l'animal qui, lui, est soumis à ses instincts. Cette capacité de rationalité permet à l'homme d'accéder à ce que Rousseau appelle « la perfectibilité2(*) », qui s'explique par le fait qu'il a, dans sa manière de penser le social, une possibilité de remettre en question son animalité, d'améliorer de jour en jour sa condition de vie dans l'espace où il évolue et de pouvoir prendre en considération ses droits ; en d'autres termes, cette capacité de perfectibilité lui donne le pouvoir de s'élever au-dessus de sa condition originelle. C'est, en effet, ce désir d'amélioration des conditions de vie dans la société qui pousse certains philosophes contractualistes comme Thomas Hobbes dans « Léviathan », John Locke dans « Traité sur le gouvernement civil »  et Jean Jacques Rousseau dans son « Du contrat social » , qui se sont révélés comme de véritables « vir bonus, dicendi peritus 3(*)», à initier, dans leur rhétorique, un ensemble de réflexions philosophico-politiques sur la nécessité d'un contrat social, c'est-à-dire la nécessité d'établir un modèle de structuration sociale susceptible d'assurer une combinaison harmonieuse entre les valeurs de l'état de nature avec celles imposées par la société. Mais cette question de contrat social n'est pas capable de résoudre définitivement la problématique de la complexité de la relation des hommes dans la société. L'adoption du contrat est l'objet de grandes controverses.

Ainsi, si pour certains il s'agit d'un instrument de pouvoir améliorer rationnellement la relation des hommes en société, pour d'autres, la question du contrat social est une mesure, dans une certaine mesure, de réduction de la liberté de l'homme dans la société, d'autant qu'il ne pourra pas agir en fonction de ses désirs, de sa volonté, mais en fonction des desiderata des autres membres de la société à laquelle il appartient. Car c'est à l'état de nature, d'après la « philosophie rousseauiste », que l'homme jouit pleinement et parfaitement de toute sa liberté. C'est l'exercice par chacun de celle-ci qui conduit purement et simplement à l'égalité. Contrairement à Rousseau, Hobbes pense qu'à l'état de nature l'homme est traversé par un instinct de domination et de conservation. Cela signifie que la société n'implique pas la corruption de l'homme. De ce point de vue, il faut mettre en place une entité morale neutre appelée à arbitrer la relation des hommes entre eux et à garantir la cohérence de la société, à prendre des décisions. Cette entité n'est autre que l'Etat. En revanche, ces décisions prises par ce dernier doivent refléter les aspirations de la conscience collective. Ce processus de la prise de décisions par l'Etat relève, d'une part, d'une manière d'endosser ses responsabilités en établissant un environnement propice à la prise en compte du bien-être collectif ; d'autre part, cela est lié aussi à une dimension d'institutionnalisation d'un certain nombre de principes lui permettant non seulement de pouvoir assurer la cristallisation de certains objectifs d'intérêt commun, mais surtout d'instituer une ère de bien-être, et un climat de protection en vue de contribuer à la construction d'un édifice de confort pour la vraie manifestation de la dignité de la personne humaine dans la société. D'où l'idée de l'instauration d'un véritable climat propice à la prise en considération des Droits de l'Homme.

L'idée des Droits de l'Homme, bien que problématique tant sur le plan politique que philosophique, est devenue un pôle d'attraction de la pensée intellectuelle moderne et une référence presque incontournable pour toute société qui se veut démocratique et libérale. En effet, le souci de contribuer à la propagation et à l'évangélisation de cette idée est une réponse logico-rationnelle à la situation de violence dont les individus sont l'objet, malgré la présence de l'Etat détenant, aux dires de Max Webber « le monopole de la contrainte physique légitime4(*) », dans la société de la part des groupes, des organismes politiques. Dans cette même logique, Georges Morel avance en disant qu'il faut : « supprimer dans toute la réalité publique les discriminations et les dominations, travailler à rendre tous les hommes libres, égaux et fraternels5(*) ». Cependant, de l'avis de Jean-Marie Domenach, l'idée des Droits de l'Homme est l'expression de la non acceptation de « l'individualisme égoïste, destructeur de la vie civique6(*) », dans la mesure où celle-ci est caractérisée par le sens du bien commun, et la prise en compte des besoins et des aspirations de la collectivité. D'ailleurs, cela est à l'origine même de la création de l'Etat qui doit incorporer, dans ses buts et revendications, les Droits de l'Homme, invoqués pour assurer la défense de l'humanité dont l'homme est porteur contre les agressions de l'Etat ou tout autre groupe.

Devenue une grande préoccupation pour la pensée politique moderne, la question de protection et de prise en compte de manière effective de la personne humaine semble ne pas relever de la responsabilité d'une catégorie de gens déterminée, d'une société donnée ou d'un pays spécifique, mais de la responsabilité morale de toutes les sociétés humaines, de tous les pays qu'ils soient développés ou sous -développés. Cette prise en compte de la dignité de la personne humaine en prônant la question des Droits de l'Homme, comprise comme possibilité certaine d'accessibilité à une meilleure condition de vie, se révèle surtout comme une garantie contre les risques que peuvent engendrer les inégalités sociales. En effet, cette idée de la prise en compte de la valeur du citoyen dans la société se manifeste dans de nombreux textes internationaux. C'est le cas de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 en France. Cette Déclaration est porteuse d'une revendication sociale susceptible de vouloir réorganiser rationnellement la société française à cette époque. Sans doute constitue-t-elle, par l'émission de ses rayons de lumière, l'un des symboles annonçant la fin de l'asservissement de l'homme. Elle a été renforcée, par la suite, par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 qui a marqué non seulement une nouvelle étape dans l'histoire des Droits de l'Homme en leur conférant une dimension universelle, mais encore elle a donné le « coup d'envoi » de la juridicisation des Droits de l'Homme. En outre, elle favorise la prise en charge par la communauté internationale de ces derniers à travers la mise en place d'un certain nombre d'institutions qui doivent présider à la préservation des principes émis par cette déclaration. Parmi ces institutions se trouvent, entre autres, le Conseil des Droits de l'Homme, le Haut commissariat aux Droits de l'Homme et la Cour Pénale Internationale.

Il faut souligner, toutefois, que les Droits de l'Homme sont devenus un terrain de disputes et de contradictions, et aussi menacés de discrédits. Car leur concrétisation requiert non seulement l'établissement d'un Etat de Droit, mais aussi une prise en compte de certaines différenciations culturelles. Par contre, l'Etat de Droit, pour son plein établissement et surtout son respect, exige la force. Ce qui ne fait qu'allumer la flamme, qui ne fait que surgir le problème, d'autant que tout recours à une force entraine des violations. De ce fait, la notion des Droits de l'Homme est une notion d'une fragilité extrême dans son application d'un pays à un autre dépendamment de la politique, ou de la stratégie qu'on met en place.

En effet, la Convention Européenne des Droits de l'Homme en 1950, dans le cadre du Conseil de l'Europe, établie par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, reconnait à tout individu, quand ses droits sont piétinés par un Etat ayant ratifié la convention, le droit de porter plainte par devant cette cour contre cet Etat. Ainsi, Haïti, éprouvée ce même désir de protection de la dignité de ses filles et fils, et ayant ratifié un certain nombre de traités et de conventions dans le domaine des Droits de l'Homme, ne saurait pouvoir échapper au respect de ces derniers, voire les fouler au pied. A ce titre, elle doit faire en sorte que ses sujets soient protégés contre un ensemble de pratiques dans la société haïtienne.

Toutefois, en observant avec une attention soutenue l'évolution de la situation des Droits de l'Homme en Haïti, compte tenu de l'intention manifeste de la part des organismes des droits humains tant sur le plan national qu'international présents dans ce pays pour assurer le respect de ces droits, on voit qu'il y a une sorte d'incohérence conjuguée d'une cassure déconcertante entre les discours construits autour du concept des Droits de l'Homme et la réalité de la situation des conditions de vie de la grande majorité de la population haïtienne. En clair, la question des Droits de l'Homme en Haïti s'inscrit dans une dynamique de violations fréquentes. L'Etat est incapable non seulement de respecter la dignité morale de l'être haïtien, c'est-à-dire la rationalité et la liberté de ce dernier, mais surtout l'Etat haïtien n'est pas en mesure de construire des stratégies devant lui permettre de freiner cette dynamique de violence dans laquelle évoluent les Droits de l'Homme.

Cette situation de violation des droits des citoyens haïtiens est due à un problème d'application réelle des Droits de l'Homme en Haïti. Attiré par un souci de recherche d'une explication cohérente et rationnelle de ce problème, on a jeté le dévolu sur ce sujet : « Les Droits de l'Homme et les difficultés de leur application en Haïti ». Et cette situation nous pousse aussi à poser certaines questions : sur quoi se fondent les difficultés d'application des Droits de l'Homme en Haïti ? Pourquoi l'Etat, signataire d'un ensemble d'instruments internationaux relatifs aux Droits de l'Homme, n'arrive pas à garantir ou protéger les prescrits incorporés dans les textes ? La question des Droits de l'Homme peut-elle se réaliser sans une prise en compte du fonctionnement de la société ? Y-a-t-il un problème de structures ou de volonté politique ?

En vue de répondre à de telles interrogations, nous avons formulé l'hypothèse qui suit : «  Les difficultés d'application des droits de l'homme en Haïti se fondent sur des facteurs politiques, économiques, sociaux et culturels ».

En traitant ce sujet, nous poursuivons les objectifs suivants :

- Dépister les problèmes qui font obstacle à une concrétisation réelle de l'application des Droits de l'Homme en Haïti ;

- Montrer que les cas de violation grave des Droits de l'Homme en Haïti sont fonction de la vulnérabilité de l'organisation de la société, des structures étatiques et de notre situation de sous-développement caractérisé par une misère absolue à laquelle fait face la grande partie de la population haïtienne, par voie de conséquence, handicap majeur à l'instauration d'un environnement propice aux Droits de l'Homme, à la démocratie et à l'Etat de droit ;

- Proposer des mesures palliatives en vue de colmater les brèches qui sont de nature à fragiliser une mise en application réelle des Droits de l'Homme en Haïti.

A la recherche d'une confirmation non seulement de l'hypothèse, mais aussi d'atteindre les objectifs de notre mémoire, nous avons privilégié, dans le cadre de notre travail, tout un ensemble de méthodes en vue de pouvoir mieux cerner la portée du sujet. Car la méthode, elle est saisie par Grawitz comme « est un moyen de parvenir à un aspect de la vérité, de répondre plus particulièrement à la question comment7(*) ». Vu que l'une ou l'autre méthode n'est pas suffisante par elle-même, c'est-à-dire l'une complète l'autre, nous avons envisagé : l'approche historique, celle qui nous a permis de saisir le contexte d'émergence dans lequel les Droits de l'Homme sont apparus. En outre, on a adoptée la méthode analytique, laquelle nous offre la possibilité de confronter les Droits de l'Homme par rapport à la réalité sociopolitique en Haïti. La méthode comparative a été également mise en valeur pour dresser une comparaison tant sur le plan international que national au niveau de l'application des Droits de l'Homme. Enfin, a été utilisée, dans notre travail, la méthode dialectique. En effet, selon Madeleine Grawitz la dialectique est  « la plus complète, la plus riche, la plus achevée des méthodes conduisant à l'explication en sociologie. Elle part des contradictions qui nous entourent8(*) ». Cette méthode nous permet de saisir dialectiquement la dynamique dans laquelle s'inscrit l'évolution des Droits de l'Homme en Haïti par rapport à la réalité sociopolitique.

Ce travail, à la recherche d'une compréhension rationnelle et logique des difficultés d'application des Droits de l'Homme en Haïti, et en vue de proposer des mesures susceptibles de favoriser l'application de ces derniers, nous l'avons élaboré en deux grandes parties, quatre chapitres, huit sections et seize sous-sections. La première partie, se subdivisant en deux chapitres, s'attache, d'une part à faire un tour d'horizon de l'histoire des Droits de l'Homme dans le temps et dans l'espace, et à saisir les Droits de l'Homme dans leur dimension épistémologique ; d'autre part, à faire aussi une mise au point relative aux mécanismes qui concourent à la protection des Droits de l'Homme. Pourtant, la deuxième partie, comportant elle aussi deux chapitres, s'inscrit dans une dynamique rationnelle d'explication et de compréhension des difficultés liées à l'application des Droits de l'Homme en Haïti. Elle vise également à faire état de la situation de violation des Droits de l'Homme en Haïti, et à proposer des mesures à adopter pour favoriser une application efficace et cohérente de ces derniers.

PREMIERE PARTIE

LES FONDEMENTS EPISTEMOLOGIQUES ET THEORIQUES DES DROITS DE L'HOMME

Les Droits de l'Homme, concept d'une singularité nuancée de part son extensibilité sémantique, constituent l'achèvement d'un système de valeurs, de principes généreux et l'aboutissement d'une évolution inscrite dans le frontispice de l'histoire de la philosophie où ils puisent leur véritable point d'ancrage. Cela équivaut à dire que la question des Droits de l'Homme est l'émanation d'un processus politique et historique et d'une prise de conscience de l'homme en sa dignité. Dans l'objectif de pouvoir opérationnaliser et préserver cette philosophie articulée autour de la prise de conscience de la dignité de l'homme, on a procédé à la mise en évidence de tout un ensemble de mécanismes.

CHAPITRE I

LA CONTEXTUALISATION HISTORIQUE ET THEORIQUE DES DROITS DE L'HOMME

La culture occidentale est celle, par sa grandeur, qui a exercé une fascination sur l'histoire de la pensée des philosophes de l'antiquité dont l'écho continue, jusqu'à présent, à retentir dans le tympan des hommes de nos jours. Comprendre le contexte d'émergence des Droits de l'Homme exige que l'on prenne en compte tout un ensemble d'idées qu'il convient de sérier avec sérieux, lesquelles constituent un premier élément de leur explication. Ces idées sont inscrites dans une catégorie historique, c'est dire que les Droits de l'Homme ne relèvent pas d'une catégorie intemporelle. Et donc, ils sont le produit de l'histoire.

SECTION 1: LA CREATION DE LA NOTION DES DROITS DE L'HOMME

Le contexte historique de l'apparition des Droits de l'Homme est lié à un ensemble de conditions, c'est-à-dire une série d'idées philosophiques dont les racines remontent à un passé lointain. Il est vrai que ces idées remontent très loin dans le temps, mais cela n'empêche certainement pas à certains chercheurs, en particulier ceux oeuvrant dans le domaine des Droits de l'Homme, de repérer et de préciser des dates essentielles marquant l'histoire de ces derniers.

A- Les conditions de l'émergence des droits de l'homme

Les Droits de l'Homme, dit Danièle Lochack, ne sont pas « une catégorie intemporelle9(*) ». Ce qui revient à dire qu'ils doivent être envisagés comme s'inscrivant dans une catégorie historique, donc ils ont une histoire qui occupe une place importante dans l'histoire culturelle des sociétés occidentales. Le concept des Droits Humains connait ses grandes manifestations dans une lente maturation de la pensée politique et philosophique dans l'Europe du XVIIe et du XVIIIe siècle. Dès lors, c'est l'un des concepts qui ne cesse de bouleverser, en grande partie, toute la pensée occidentale, malgré certains paradoxes et mésententes qu'il provoque. On dirait que c'est un concept qui sème la terreur dans l'esprit même les plus intelligents. Un fait est certain, c'est que les Droits de l'Homme ne sont pas créés par l'effet de la main capricieuse du hasard, dans la mesure où ils sont une réponse à une nécessité de prendre en considération l'humanité dont chaque être humain, sans discrimination aucune, est porteur.

En effet, dans toutes les cultures du monde, il y a toujours une tendance à vouloir développer des conceptions d'un ordre supérieur, basées soit sur la nature, soit sur la religion. En essayant d'interroger la réalité sociopolitique, de nouvelles formes de légitimation de pouvoir sont nées. De ce fait, les dirigeants ne peuvent plus gouverner arbitrairement, ils doivent non seulement répondre de leurs actions politiques, mais encore inscrire leurs actions dans une perspective de la rationalisation dans la gestion de la Res Publica «  de la chose publique10(*) », c'est-à-dire de tout le monde.

D'emblée, aborder la problématique des Droits de l'Homme revient non seulement à mettre l'emphase sur une série de dates, mais surtout on doit considérer qu'ils ont été le résultat d'une philosophie orientée vers la prise en compte, aussi difficile que cela puisse être, la situation des gens dans la cité. Pour ce faire, il y a, entre autres, trois sources qui méritent d'être considérées : biblique, littéraire et philosophique.

1- Les sources bibliques

Dans cette entreprise, gigantesque bien sûr, qui consiste à trouver ou à construire une explication susceptible de pouvoir mieux approcher l'origine des idées des Droits de l'Homme, on a pu faire ressortir cet élément : celui de la bible. Les premières idées bibliques de reconnaissance de l'importance de l'autre, des droits essentiels de l'homme, c'est-à-dire les droits fondamentaux inhérents à la nature de la personne humaine, apparaissent, particulièrement dans le texte de « Dix commandements 11(*) ». L'un des principes phares que l'on y trouve, c'est « tu ne tueras point 12(*)». Cela traduit bien une illustration éloquente du respect de la vie de l'autre, et donc le caractère sacré de la vie. En outre, on retrouve aussi cet aspect dans les textes de St Paul à travers l'épître aux corinthiens où il parle de l'homme vierge à qui il faut accorder protection, c'est-à-dire que l'on doit indubitablement respecter sa dignité.

2- Les sources philosophiques

La philosophie antique, marquée particulièrement par trois grands piliers : Socrate, Platon, Aristote, constitue un des moments forts dans le processus de compréhension des idées- forces de l'origine des Droits de l'Homme. En effet, les droits naturels ou droits intrinsèques à l'homme sont explicitement posés chez Platon. Il pose, dans sa démarche philosophique, la question de la valeur intérieure de l'homme qu'il faut protéger.

Il n'y a pas que Platon à vouloir défendre la dignité de l'homme, il faut mentionner également Marc-Aurel qui, d'ailleurs, a repris la démarche de Platon, et l'apport de l'école de pensée des stoïciens. De cette même logique, il ne serait pas superfétatoire de faire mention d'Emmanuel Kant, celui dont la philosophie est, sans conteste, une contribution non négligeable à la propulsion de l'idée du respect des Droits de l'Homme. Pour lui, « l'humanité est par elle-même une dignité : l'Homme ne peut être traite par l'homme comme un simple moyen, mais il doit toujours être traité comme étant une fin13(*) ». Cette approche indique, sans ambigüité, son degré de sensibilité pour le respect de la dignité de la personne humaine. D'ailleurs, il est généralement considéré comme un penseur incontournable des Droits de l'Homme. Ce sont, en quelque sorte, des éléments assez importants dans le processus d'élucidation philosophique en matière de la mise en valeur de ces droits. Cela allait même constituer la base de presque toutes les interventions dans ce domaine au plan international pour justifier la valeur de la prise en considération de la dignité de l'homme dans la cité. Et aussi, cela a provoqué une étonnante accélération, sur la scène internationale, de l'évolution des Droits de l'Homme.

3- Les sources littéraires

La dimension littéraire que l'on retrouve dans l'explication des idées relatives aux origines des Droits de l'Homme est mentionnée dans la pièce de théâtre Antigone de Sophocle14(*). Cette pièce, fruit de la littérature de la Grèce antique, est une tragédie qui a célébré la loi démocratique contre les anciennes organisations religieuses et aristocratiques. D'ailleurs, ce texte est considéré par Philippe Granarolo comme « précurseur des Droits de l'Homme 15(*)». C'est dans cette même veine que Adel Hakim avance : «  Malgré une fuite effrénée des âmes vers la folie et l'anéantissement, la pièce de Sophocle est un chant d'amour et d'espoir, une symphonie des sentiments, un météore précieux et brillant incrusté dans le noir du ciel qui semble vouloir l'ombre même de la mort, en attisant notre gout pour lutte et pour la vie16(*) ». A cet égard, il est tentant de considérer ce passage comme un cri de coeur en la croyance de la valeur de la vie comme quelque chose de sacré. Car la philosophie même des Droits de l'Homme s'inscrit dans cette dynamique de la croyance en la dignité humaine.

Par ailleurs, la dimension littéraire en ce qui concerne les sources explicatives dans la manifestation des droits de l'homme se montre dans le surréalisme, mouvement littéraire du 20e siècle, vu que son objectif, fixé par André Breton, dans son premier « Manifeste du surréalisme »(1924), est «  la réalisation de l'égalité entre homme et femme17(*) » à travers deux slogans : «  changer la vie et changer le monde ». Cet objectif, en effet, fait apercevoir une dimension marxiste, celle qui vise le bonheur, et l'horizontalité entre les hommes dans la vie sociale. Tout individu a des potentialités, les mêmes chances de réussite, il ne faut pas qu'il y ait un groupe d'hommes particulier prétendant être mieux placés pour dominer un autre groupe jugé en position inferieure. De ce fait, il va de soi que la philosophie vers laquelle tend ce mouvement littéraire, à savoir « Le surréalisme » se rejoint à celle prônée par les apôtres des Droits de l'Homme, surtout les apôtres marxistes. D'ailleurs, lors de la révolution bolchevique18(*), les surréalistes se retrouvaient, pour manifester leur adhésion à la philosophie de celle-ci, aux cotés des communistes, camp de la résistance.

B- L'histoire des Droits de l'Homme

La question des Droits de l'Homme ne se réduit donc pas seulement à la prise en compte des sources, qu'elles soient bibliques, philosophiques, littéraires ou autres, mais il y a aussi de grands textes, adoptés dans des moments particuliers, constituant des socles incontournables dont on doit tenir compte en matière de l'histoire des Droits de l'Homme. En fait, ces moments ne sont que l'expression d'une prise de conscience de l'importance des Droits de l'Homme. A part leur histoire, il importe de mentionner que les Droits de l'Homme se répartissent en catégorie, c'est-à-dire qu'on les met dans une classification permettant de mieux les saisir par ordre d'importance.

1- Les grands moments et les grandes dates internationaux des Droits de l'Homme

D'entrée de jeu, on a recourt généralement à un ensemble d'expressions, inscrites dans un contexte historique bien déterminé, ayant de grandes valeurs sur le plan sémantique quand on aborde la question des Droits de l'Homme : « Ne ris pas d'un aveugle, ne taquine pas un nain, l'étranger a droit à l'huile de ta jarre, etc. ». On fait remonter ces expressions très loin dans le temps dans un texte datant des siècles. Ces expressions, à bien interpréter, traduisent non seulement l'obligation morale de partager avec les autres ce que l'on a, mais aussi l'idée de respect des autres avec leurs qualités, ou leurs défauts.

Il y a trois générations de textes, selon M. Dumais19(*), qui, sur le plan international favorisent historiquement l'extension des droits de l'homme. La première génération remonte aux premières déclarations telles que la Magna carta en 1215 (en Angleterre), la procédure en Habeas corpus en 1679, le Bill of rights en 1689, la Constitution du Généralat Pascal de Paoli en Corse20(*) en 1755, la Déclaration de l'Indépendance Américaine en 1776, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en France en 1789. Cette dernière demeure le symbole de la revendication parvenue au faîte des droits de la personne humaine. Cette Déclaration postule comme principe cardinal : le droit à la vie et les divers droits civils et politiques. La deuxième génération de texte s'inscrit surtout au XXe siècle, depuis la révolution russe de 1917 qui consacre un ensemble de droits sociaux : travail, rémunération, protection sociale. La troisième se rattache à l'article 28 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, relatif à l'ordre social et international ; elle vise les droits dits collectifs : indépendance, paix, développement.

Dans cette perspective, il y a, pour paraphraser Monique Dumais, deux idées cardinales dans la conception des Droits de l'Homme qui ne sont pas contradictoires, mais qui laissent transparaitre une certaine nuance. D'abord, la première idée postule le principe d'immutabilité et la permanence de la nature humaine, indépendamment de son origine, de sa condition sociale ou de son milieu. Cette conception, résultée du droit naturel, est fort ancienne : elle remonte aux débuts du christianisme et jusqu'aux oeuvres de l'antiquité. Jacques Maritain affirmait que l'idée du droit naturel est un héritage de la pensée chrétienne et de la pensée classique. Cette idée ne remonte pas à la philosophie du XVIIIème siècle qui l'a plus ou moins déformée, mais à Grotius, et plus loin dans l'antiquité grecque avec Cicéron. Il s'agit là des droits classiques ou traditionnels qui se trouvent rattachés à l'essence de tout être humain. Ensuite, il y a une autre représentation de ces droits qui vise la réalisation concrète des facultés incluses dans les droits naturels. L'expression « droits sociaux » permet de rendre compte que l'être humain se réalise dans les multiples rapports sociaux dans lesquels il est engagé et que l'Etat a des devoirs dans le processus de la concrétisation de ces droits. Ce qui requiert la création d'un environnement propice à l'Etat de droit. Dans les démocraties libérales et socialistes, on déploie des efforts considérables pour garantir le respect des droits civils et politiques des populations.

2- La classification des Droits de l'Homme

Il peut paraitre étonnant et superfétatoire de vouloir établir une catégorisation, c'est-à-dire une classification, ou du moins une hiérarchisation des Droits de l'Homme dans la mesure où il est, sur le plan philosophique, difficilement concevable d'accorder une importance fondamentale à une liberté par rapport à une autre. Toutefois, il est une exigence logico méthodologique de procéder à une catégorisation des Droits de l'Homme. La catégorisation de ces derniers traduit l'idée de l'hétérogénéité des Droits de l'Homme qui consiste à fragiliser leur capacité comme notion ou catégorie juridique, tout est fonction de la situation socioculturelle dans laquelle ils vont s'appliquer. Car chaque pays est habilité à choisir les droits humains qui sont prioritaires en fonction de la nature de son développement.

En réalité, cet exercice de catégorisation des Droits de l'Homme met en évidence deux positions théoriques différentes, développées par le professeur Patrice Meyer-Bisch21(*) : la théorie de l'ultra-libérale et la théorie sociale-étatiste. Pour la première théorie, seuls les droits civils et politiques sont des Droits de l'Homme à part entière. Par contre, pour la seconde, les droits économiques, sociaux et culturels passent avant les autres, puisqu'ils les conditionnent. Pour la communauté internationale, les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux sont indivisibles et interdépendants. Toutefois, cette dichotomie théorique semble ne pas pouvoir résoudre ce problème. C'est pourquoi, toujours dans la logique de mieux saisir les droits de l'homme, on recourt à la théorie des générations des Droits de l'Homme. La mise en évidence de cette théorie se justifie par le fait que ces derniers n'occupent pas le même rang, ou n'impliquent pas le même degré de responsabilité. Les Droits de l'Homme se repartissent en trois générations.

La première génération des Droits de l'Homme

La première génération des Droits de l'Homme se retrouve inscrite dans la déclaration française de 1789 ou celle du Bill of Right américain. Cette première catégorie se retrouve confinée dans les droits civils et politiques : le principe d'égalité, la liberté individuelle (l'absence des mesures arbitraires de la part de l'Etat, la liberté d'aller et venir, les garanties dans la répression pénale), la protection du domicile, de la correspondance, de la vie privée, la liberté de l'information, la liberté d'opinion, la liberté d'association, la liberté de réunion, etc. Pour assurer le respect des libertés, on met le plus en évidence une abstention de l'Etat.

La deuxième génération des Droits de l'Homme

La deuxième génération des Droits de l'Homme concerne les droits économiques, sociaux, et culturels qui, eux, contrairement à la première génération, réclament l'intervention de l'Etat de manière à assurer leur garantie. Ils comprennent la liberté syndicale, le droit au travail, le droit à la sécurité sociale, le droit à la formation professionnelle, le droit à un niveau de vie suffisant, le droit à la santé, le droit à l'éducation.

La troisième génération des Droits de l'Homme

La troisième génération des Droits de l'Homme, on l'appelle aussi droit de solidarité, est issue d'une prise de conscience concernant un certain nombre de problèmes dont la résolution requiert la mobilisation de la solidarité de tout le monde. De fait, cette génération traduit une nouvelle façon de voir la vie en communauté dont la réalisation réclame la conjugaison des efforts de tous les participants de la vie en société : individus, Etats, autres entités publiques ou privées. Cette génération englobe un ensemble de droits qui sont : droit à un environnement décent, droit à l'eau potable, droit à la paix, droit au développement, etc. Autrement dit, la troisième génération des Droits de l'Homme permet d'assurer ce que l'on appelle aujourd'hui la qualité de vie.

Ces trois générations des Droits de l'Homme se retrouvent dans une relation de complémentarité, dès l'instant que les droits civils et politiques ont une influence sur les droits sociaux et culturels. Et la concrétisation des droits de la troisième génération est fonction en grande partie des deux premières générations.

Il est intéressant de souligner, au passage, que la théorie des générations des droits de l'homme est une théorie imposée par le modèle occidental, qui n'est pas forcément susceptible de pouvoir être appliquée dans toutes les sociétés. Les pays sous-développés peuvent se retrouver dans l'impossibilité de mettre en application ce modèle occidental. D'ailleurs, il revient au pays de définir les critères des Droits de l'Homme qui sont prioritaires en fonction de la nature de son développement. Selon cette théorie, la classification des Droits de l'Homme en génération ne convient pas pour tous les pays. L'application de ces catégories de Droits de l'Homme en Haïti se révèle éminemment problématique dans la mesure où elles sont l'émanation de la culture occidentale, et de plus, Haïti est un pays sous-développé. Et qui dit sous-développement dit obstacle au respect des Droits de l'Homme. Aussi cela n'est-il pas cause de nombreux cas de violations de ces derniers que l'on a enregistrés et que l'on continue à enregistrer encore dans le pays.

Par ailleurs, il faut considérer aussi la nature du régime politique du pays suivant qu'il est socialiste ou capitaliste dans la détermination des priorités à accorder à telle ou telle génération des Droits de l'Homme. A cet effet, la priorité d'une génération par rapport à une autre peut connaitre de variations d'un Etat à un autre. Ainsi, s'agissant d'un Etat capitaliste, il s'attache surtout au respect des droits civils et politiques, tandis que pour les sociétés à régime socialiste les droits économiques, sociaux et culturels doivent être priorisés, ce qui nous permet d'évoquer les fondements idéologiques et théoriques des Droits de l'Homme.

SECTION 2. LES FONDEMENTS IDEOLOGIQUES ET THEORIQUES DES DROITS DE L'HOMME

Pour appréhender les Droits de l'Homme, il n'y a pas une méthode universellement admise, vu qu'il est très difficile de les circonscrire dans une catégorie théorique déterminée. En effet, les définitions qu'on leur attribue font toujours l'objet de bon nombre de mésententes paradigmatiques. Et cela est aussi dû au fait qu'ils comportent une forte dimension de transversalité et de complexité. Ainsi, selon une définition qu'offre PNUD, les Droits de l'Homme : «  sont des droits dont disposent toutes les personnes, en vertu de leur condition humaine, pour vivre libres et dans la dignité. Ces droits confèrent à chacun des créances morales sur le comportement des autres individus, ainsi que sur la structure des dispositifs sociaux. Ils sont universels, inaliénables et indivisibles22(*) ». Cette définition est loin de pouvoir calmer les esprits. Car il y a d'autres théories qui essayent, bien avant cela, de les définir. Ces théories résultent de la philosophie du droit. Celle-ci se porte, d'abord sur l'opposition de deux courants théoriques : les théories du droit naturel et celles du positivisme, qui se résument en ce qu'on appelle les doctrines des Droits de l'Homme. Et ensuite, elle concerne les conceptions fondamentales modernes des Droits de l'Homme.

A- Les doctrines des Droits de l'Homme

Les doctrines des Droits de l'Homme mettent en évidence ce que l'on appelle généralement la philosophie du droit. Et c'est cette dernière qui, à son tour, fait appel à deux grandes tendances ou deux théories : théories du droit naturel et théories du positivisme, qu'il faut, de toute évidence, mettre en exergue. Cela répond, d'ailleurs, à souci de compartimentation épistémologique.

1- Les théories du droit naturel

Les théories du droit naturel ne sont pas tombées du ciel comme de la manne. Elles correspondent à une longue étape de la pensée juridico-philosophique de l'antiquité. Plus concrètement, la question du droit naturel tire son titre de noblesse, à bien des égards, dans l'Antigone de Sophocle en avançant que, pour justifier sa désobéissance à l'égard de l'édit de Créon pour avoir donné à son frère une sépulture : «  Je ne pensais pas qu'il eût assez de force, ton édit, pour donner à un être mortel le pouvoir de violer les divines lois non écrites que personne ne peut ébranler. Elles ne sont pas d'aujourd'hui, ni d'hier, mais elles sont éternelles, et personne ne sait quel est leur auteur passé profond23(*).» Cicéron (Republica). Par ailleurs, la réflexion de Socrate, personnage emblématique de la philosophie grecque, a irrigué cette philosophie du droit naturel en réagissant contre le matérialisme positiviste des sophistes. D'ailleurs, cette réaction allait lui coûter la vie. D'autres disciples de Socrate ont pu emboîter le pas en interprétant sa pensée dans de sens différents. Ces disciples de Socrate sont : Platon, Aristote. Entre ces deux piliers de la philosophie antique, il y a une cloison étanche. En effet, Aristote considère que la nature, oeuvre d'un Dieu créateur, obéit à un ordre rationnel. En ce sens, il doit exister une harmonie entre la loi et la nature. Ainsi la loi doit-elle découler, non d'un sentiment intérieur, mais d'une observation intelligente de l'ordre naturel, supposé rationnel. Cette approche sera reprise par saint Thomas d'Aquin dont la conception est que : « La loi naturelle est le reflet de la loi divine 24(*)». De là se dégage l'idée de droit naturel positif.

Cependant, il y a d'autres philosophes dont Platon, qui semblent ne pas vouloir s'adhérer à cette approche. Pour lui, la loi vient de la nature de l'homme. Elle lui est édictée par la droite raison, c'est-à-dire parce qu'il y a de divin en chaque individu. Supérieure à l'homme, elle ne lui est pas étrangère. Se mêlant à d'autres dont le stoïcisme, la philosophie platonicienne aura non seulement une très grande diffusion dans le monde antique, mais aussi, influencera Cicéron lorsqu'il a précisé que «  une loi vraie, c'est la droite raison, conforme à la nature, répandue dans tous les êtres. » D'où le droit naturel subjectif.

En effet, le droit naturel subjectif postule l'idée, dans un sens restreint, d'un ensemble de règles qui se trouvent inscrites dans la nature humaine, c'est-à-dire qu'elles font entièrement partie du patrimoine génétique de l'humanité tout entière et sont inscrites aussi sur la carte chromosomique de tout être humain ; et donc, de toute évidence, méritent d'être prises en considération ces règles. Autrement dit, il s'agit des droits qui existent indépendamment de toute intervention des acteurs juridiques, des droits qui découlent directement de l'ordre du cosmos ou de la nature humaine. Les droits naturels sont des droits qui dérivent de la nature de l'homme sans prendre en considération sa race, sa position sociale, sa nationalité et son ethnie. Cela semble, d'ailleurs, se résumer dans les trois préceptes d'Ulpien, jurisconsulte de la Rome impériale, à savoir : Honeste viviere (vivre dans la dignité) ; neminem laedere (ne faire de tort à personne, c'est le principe de la personnalité) ; suum cuique tribuere (à chacun le sien, respecter les droits individuels25(*)).

A part cela, d'autres formulations du concept de droit naturel, sur le plan d'idées, viennent de l'école de Salamanque, et ont ensuite été reprises et reformulées par les philosophes contractualistes : Thomas Hobbes, John Locke, Jean Jacques Rousseau, etc. D'où la position théorique qui prédomine dans le domaine des Droits de l'Homme. Toute la question des Droits de l'Homme gravite autour d'elle, à savoir une compréhension subjectiviste de la théorie du droit naturel.

Outre cela, le droit naturel étant supposé exister partout même s'il n'est pas effectivement appliqué et sanctionné, il n'est donc pas nécessairement un droit opposable; étant fondé sur la nature humaine et non sur la réalité sociale dans laquelle vit chaque individu, le droit naturel est réputé universellement valable même dans les lieux et aux époques où il n'existait aucun moyen concret de le faire respecter. Cette universalité s'inscrit dans une dynamique de reconnaissance de manière réelle et non discriminatoire de la dignité inhérente à tout être humain. D'ailleurs, cette universalité des Droits de l'Homme constitue la véritable boussole des Nations Unies.

Cette conception théorique du droit est, historiquement, l'émanation de la pensée de la civilisation occidentale moderne. Il y a plusieurs auteurs qui sont à la base de la mise en évidence de cette conception du droit. Parmi lesquels se trouve le philosophe néerlandais Hugo Grotius (1583-1645). Il est souvent considéré comme l'un des fondateurs du droit naturel moderne. Il est aussi le premier philosophe à avoir étudié cette question en rapport avec le droit international et le droit du commerce, à une époque où le commerce maritime se développait considérablement. Il y a un philosophe, très influencé par Grotius, qui s'est penché sur cette question : Samuel Von Pufendorf.

Toutefois, malgré toute l'importance de la conception du droit naturel subjectif, elle a été fortement critiquée. Généralement, les critiques qui lui sont administrées sont au nombre de trois. D'abord, pour les doctrinaires comme Kelsen et Carré de Malberg, ils estiment que cette conception correspond à une vision métaphasique du droit. Et cette vision est incompatible, voire une entrave à une approche scientifique de ce dernier. Ensuite, on lui a adressé également une critique ontologique qui s'inscrit dans une logique de rejet de la question d'universalité des droits de l'homme. Ceux-ci ne sont pas universels, dans la mesure où il faut prendre en compte le contexte social, culturel et historique de l'homme du pays dans lequel ils sont appelés à être appliqués. De l'avis de Marx particulièrement, la notion de nature humaine est jugée très problématique. Enfin, la dernière critique, elle est de nature épistémologique. La question qui la résume est la suivante : à supposer même que les droits naturels existent, comment peut-on les connaître ? C'est une critique formulée par Pascal contre Hobbes: la raison ne peut servir à nous indiquer des lois naturelles universelles. Cette objection se rapproche du non-cognitivisme éthique, qui s'oppose à une sorte de réalisme moral. Elle est reprise par Jeremy Bentham, qui insiste sur l'équivocité, c'est-à-dire l'ambiguïté entourant la notion de droits naturels dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Il essaie alors de construire une vision utilitariste des Droits de l'Homme.

2- Les théories positivistes

Les doctrines positivistes est le contraire des théories du droit naturel. Elles postulent que : « Il n'y a de droit que posé26(*) ». Cela équivaut à dire que le contenu dans les sources matérielles du droit n'est donc pas du droit. Ce contenu deviendra du droit qu'après avoir été posé par une autorité compétente. En fait, les théories positivistes se divisent en positivisme juridique et en positivisme sociologique. Le positivisme juridique, bien que ce soit en France que l'on retrouve cette pensée dominante, n'est pas le fruit de la main capricieuse de la modernité. Il y eut de tout temps des positivismes dans la mesure où les dirigeants athéniens, par exemple, dans le but de pouvoir mieux organiser la cité, exigèrent l'obéissance au nom des ordres qu'ils promulguaient ; nul n'a besoin alors de justification théorique pour s'y soumettre. Mais, celle-ci apparut seulement lorsqu'il existait des tendances contradictoires. Et c'est à cela que l'on a pu assister dans la cité grecque. Les sophistes enseignaient la primauté de la loi humaine.

En outre, il existait à Rome certaines tendances positivistes, mais elles furent moins théorisées. L'apparition de l'Etat moderne, s'opposant, comme son nom l'indique nettement, non seulement aux formes politiques de l'Antiquité, mais aussi aux monarchies traditionnelles de l'Europe médiévale, au 17e siècle qui battaient leur plein, a permis de poser le problème de l'organisation du pouvoir en provoquant une importante mutation sociale, en témoigne même la naissance de l'Etat moderne, car il est fondé sur une démarche réaliste visant à consolider l'ordre et la souveraineté, et favoriser une transformation positive de la société. L'Etat moderne a été pensé par les philosophes politiques. Il exprime, en effet, l'aspiration à un pouvoir rationnel, organisé dans un cadre géographique limité par l'existence d'autres Etats. Toutefois, il fallait attendre le XXe siècle, sous l'influence de Kelsen, dans sa théorie pure du droit, pour que l'on puisse assister au plein épanouissement de la doctrine du positivisme juridique, concept central dans la compréhension de la question de l'Etat moderne. Le positivisme de Kelsen est diamétralement opposé aux théories du droit naturel dans la mesure où il affirme qu'il n'existe que le droit positif, c'est-à-dire le droit posé par les acteurs juridiques.

En effet, le positivisme juridique met l'emphase sur la définition de la Science du droit, puisqu'il est saisi comme une conception éminemment scientifique du droit. Cette conception considère le droit comme un ordre clos, coupé non seulement de toute métaphysique, mais de toute référence aux valeurs morales. De fait, c'est l'Etat qui est la seule source du droit, cela signifie qu'il est le créateur du droit.

Il y a aussi le positivisme sociologique qui conçoit le droit comme un fait de société qui peut être observé. Il n'émane pas de la volonté plus ou moins arbitraire des gouvernants, mais est imposé par la conscience collective du groupe.

Le positivisme juridique et le positivisme sociologique partagent l'idée de la légitimité des normes juridiques régulièrement formées, quel que soit leur contenu. Par contre, contrairement au positivisme juridique, le positivisme sociologique admet qu'une norme soit légitime lorsque son contenu reflète les aspirations de la conscience collective. En un mot, le positivisme juridique et sociologique s'affirment contre le droit naturel, car celui-ci ne correspond pas à une conception scientifique du droit.

B- Les conceptions fondamentales modernes des Droits de l'Homme

Aborder la question des Droits de l'Homme, aussi intéressante et fructueuse qu'elle puisse être, crée une certaine frayeur dans l'esprit. Mais ne pas l'aborder relève d'une certaine naïveté intellectuelle. En effet, elle relève d'une catégorie de droit s'ancrant dans une complexité. Cette complexité se situe au niveau de la sémantique des Droits de l'Homme et à celui des idéologies qui les traversent. Il y a toute une concurrence idéologique, c'est-à-dire plusieurs paradigmes s'affrontent en matière de ces droits. Les uns sont dotés d'une puissance explicative plus que d'autres. Ainsi, on rencontre les trois grandes conceptions des Droits de l'Homme qui vont être développées ci-dessous : la conception libérale, la conception marxiste et la conception communautariste des Droits de l'Homme. Lesquelles conceptions constituent une sorte de nappe phréatique destinée à nourrir épistémologiquement les sources théoriques de ces droits.

1- La conception libérale des Droits de l'Homme

L'expression « Droits de l'Homme» est une grande caractéristique de la modernité politique, puisqu'on est obligé de la considérer comme le but à atteindre, le centre de gravite de tout souci d'organisation rationnelle de la vie collective. Force est de reconnaitre que tout discours politique moderne doit être couronné par les couleurs chatoyantes des droits de l'homme. Cette expression remonte au XVIIIe siècle, période à partir de laquelle elle a su étendre ses tentacules dans toutes les fibres de la pensée des intellectuels comme Montesquieu, Voltaire, Rousseau, etc. De là vient l'idée de la conception libérale, l'une des conceptions les plus dominantes en matière des Droits de l'Homme. Pour s'en tenir à l'essentiel, cette conception trouve son point d'ancrage dans la philosophie des lumières et dans la pensée chrétienne. Elle est fondée sur l'abstention de l'Etat et la reconnaissance pour chaque individu d'une sphère d'indépendance dans laquelle l'Etat ne doit pas s'immiscer. Ce qui traduit l'idée de liberté de l'individu. La notion de liberté, l'une des caractéristiques essentielles de la philosophie des lumières, se retrouve ainsi définie sous la plume de Voltaire comme « la faculté de raisonner juste et de connaitre les Droits de l'Homme 27(*)». Plus loin avec Rousseau, ce philosophe français, l'homme se définit par sa liberté. D'ailleurs, c'est la proclamation sur laquelle s'ouvre le premier chapitre de son contrat social : « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers28(*) ». Il s'agit là d'une définition anthropologique de la liberté, qui doit figurer en entame de toute méditation relative aux Droits de l'Homme. C'est donc la reconnaissance de la liberté à tout individu que ces penseurs s'attaquent au système ancien pour instaurer un climat où la dignité de l'homme, le progrès de la société seront pris en considération.

Après une longue période de gestation, la conception libérale voit son épanouissement en 1789 dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en France. Par la suite, elle se transformera progressivement, et cette transformation se concrétisera en 1946, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre.

2- La conception marxiste des Droits de l'Homme

La conception marxiste des Droits de l'Homme se retrouve aux antipodes de la conception libérale de Droits de l'Homme. Elle est une conception difficile à cerner. Sa difficulté nait, en effet, du fait qu'elle est d'une grande complexité susceptible d'impressionner toute approche simpliste.

La conception marxiste des Droits de l'Homme utilise presque le même terme que la conception libérale des Droits de l'Homme : la liberté. Mais la notion de liberté dans ces deux conceptions n'a pas la même acception. La conception marxiste part du principe que la liberté n'est pas à l'homme. Elle est une conquête dont la réalisation est fonction des transformations de la société, d'une révolution sociale. L'homme se doit de lutter pour assurer la garantie de sa liberté, puisque selon Marx, il est sous la domination d'un ensemble de réseaux de déterminismes façonnant ses idées et sa compréhension des choses. Car il est produit de sa condition sociale de l'existence. C'est en remettant en question celle-ci qu'il va accéder à la liberté réelle. De ce fait, la conception marxiste des Droits de l'Homme est lecture critique de la conception libérale des Droits de l'Homme dans la mesure où celle-ci ne favorise pas l'épanouissement des Droits de l'Homme, mais constitue une véritable limitation et une hypothèque pour la cristallisation réelle de ces des droits. Le libéralisme s'inscrit dans une perspective consistant à propulser l'individualisme égoïste, qui est une menace pour le développement du sens du bien commun, et peut provoquer une déchirure des liens sociaux. Donc, il est susceptible de détruire tout sentiment d'appartenance à une communauté humaine. Il fragmente la société. Aussi est-il perçu comme un danger éminent pour la vraie matérialisation des Droits de l'Homme. Car ils ne peuvent pas se réaliser dans une société fragmentée, déchirée et inégalitaire.

3- La conception communautariste des Droits de l'Homme

Le communautarisme est un concept sociologique qui a été créé aux Etats-Unis dans les années 1980. En effet, la création de ce concept rentre dans le cadre d'une nouvelle conception philosophique de l'homme par rapport à un ensemble de valeurs susceptibles d'harmoniser ses relations avec la communauté. Le communautarisme sert à designer une philosophie dite "communautarienne" affirmant que l'individu n'existe pas indépendamment de ses appartenances : culturelles, ethniques, religieuses ou sociales. Il s'agit d'une conception qui accorde la préséance au groupe, à la communauté. Transposée dans le domaine des Droits de l'Homme, cette conception met l'accent sur la nécessité de saisir ces derniers non pas de manière individuelle, mais de manière collective. De ce point de vue, Le Vicomte de Bonald avance pour dire que : « L'homme n'existe que pour la société, la société le forme pour elle-même 29(*)». C'est cette conception des Droits de l'Homme qui prévaut en Afrique, surtout avec la création de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Cependant, cette conception est très critiquée. Dans la perspective du professeur Y. Madiot, elle présente deux caractéristiques fondamentales : « Une condamnation de l'individualisme, une glorification de l'Etat et l'affirmation des devoirs et des obligations de l'individu30(*) ». Ces caractéristiques même sont considérées comme une menace pour la liberté individuelle. Dans ce cas, l'individu se trouve obligé d'hypothéquer une partie de sa liberté au profit des intérêts de l'Etat. Et aussi, les droits d'un individu risquent de devenir différents en fonction de son appartenance à telle ou telle communauté, fondée sur une religion, une ethnie, etc.

4- Les facteurs d'encadrement des Droits de l'Homme

Selon Yves Madiot : « Les Droits de l'Homme n'existent pas de façon autonome comme un idéal fixé une fois pour toutes et qui indiqueraient la voie du progrès de la société 31(*)». Cela sous-entend qu'ils ne sauraient être pensés en dehors d'un ensemble de facteurs favorisant leur matérialisation. Ainsi, d'après ce même auteur, parmi les facteurs encadrant les Droits de l'Homme se trouvent : facteur politico-juridique, facteur culturel, facteur socio-économique.

Les facteurs politico-juridiques d'encadrement des Droits de l'Homme

Les facteurs politico-juridiques des Droits de l'Homme sont nombreux. On retiendra la notion de démocratie et celle d'Etat de Droit comme les conditions d'existence réelles des Droits de l'Homme.

Démocratie et Droits de l'Homme

Selon D. Lochak «Les Droits de l'Homme ne peuvent exister que dans une démocratie32(*) ». Cela sous-entend qu'il existe une relation de consubstantialité entre Droits de l'Homme et Démocratie. La démocratie est la véritable garantie de la question des Droits de l'Homme. Et constitue, à bien des égards, une évidence. A telle enseigne que cela se trouve mentionné dans le préambule de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) : « Le maintien des libertés fondamentales repose essentiellement sur un régime politique démocratique 33(*)». De plus, dans le cadre de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe(CSCE), les Etats réunis en 1990 à Copenhague reconnaissaient que « La démocratie pluraliste et l'Etat de droit sont essentiels pour garantir le respect de tous les Droits de l'Homme et de toutes les libertés fondamentales 34(*)». Ces réflexions se trouvent renforcées par la définition qu'A. Lincon a pu attribuer à la démocratie : « Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Toutefois, l'existence d'un régime démocratique ne traduit pas automatiquement que les droits de cette majorité sont respectés même si, lorsque ses droits sont foulés au pied, c'est-à-dire que l'on perd les rails de la démocratie, elle peut forcer les gouvernants à céder le pouvoir. D'où la notion d'alternance politique. Elle est l'une des caractéristiques essentielles de la démocratie libérale se caractérisant aussi par l'acceptation de la diversité d'opinions, la tolérance et l'esprit d'ouverture.

Droits de l'Homme et Etat de Droit

L'Etat de Droit, concept de la modernité, est une réponse à ceux qui pensent qu'avoir le pouvoir, c'est faire ce qu'on veut sans la prise en compte de la loi et des droits fondamentaux des citoyens. Il propose une nouvelle vision de la gestion du pouvoir dans la mesure où il implique l'idée d'une limitation du pouvoir. Cela rejoint cette fameuse théorie de Montesquieu, celle de la séparation des pouvoirs. Selon lui, « il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir35(*) ». En fait, l'Etat de Droit s'inscrit dans un processus de constitutionnalisation en prônant le respect de la hiérarchie des normes, une notion chère à Kelsen à travers sa théorie pure du droit.

L'Etat de Droit est, en effet, une grande thématique des Droits de l'Homme. En d'autres termes, l'Etat de Droit ne renvoie pas seulement au respect de la hiérarchie, mais aussi au respect des droits fondamentaux. L'Etat de Droit et les Droits de l'Homme constituent une sorte de binôme inséparable, c'est-à-dire qu'ils se retrouvent dans une relation symbiotique ; les deux notions s'impliquent mutuellement au point d'apparaitre interdépendants. Cette interdépendance est aussi mise en évidence dans les discours internationaux. C'est ainsi par exemple, lors de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE), le trinôme Droits de l'Homme-Démocratie-Etat de Droit a été considéré comme la clé de voûte de la nouvelle Europe. Mesurant l'importance de ce trinôme et se sentant concerner naturellement par la nécessité de préserver cela, les Etats, ayant participé à cette Conférence, ont lancé un message dont l'écho demeure jusqu'à aujourd'hui pour renforcer les institutions qui maintiennent l'Etat de Droit, et ce pour créer les conditions permettant à chacun de jouir des droits universels et des libertés fondamentales.

Le facteur d'ordre culturel d'encadrement des Droits de l'Homme

L'épanouissement des Droits de l'Homme est étroitement lié à la culture du pays où ils se retrouvent. Cela suppose que la population en question doit avoir un certain niveau d'éducation. Or, dans les pays sous-développés, ce facteur d'éducation n'est pas assuré. Le niveau d'éducation de la nation permet au peuple d'avoir une meilleure compréhension des droits de l'homme. C'est en ce sens que l'art 26 al.2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme précise que : « L'éducation doit viser à l'épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux36(*) ». Par contre, il se pose un sérieux problème au niveau d'une compréhension réelle des Droits de l'Homme dans un pays comme Haïti, d'autant que le peuple fait face à un manque de prise de conscience de l'existence, voire un manque de connaissance de ces derniers.

Les facteurs social et économique d'encadrement des Droits de l'Homme

La conception marxiste est en grande partie dominée par les rapports de production dans les sociétés. Les Droits de l'Homme seraient le produit des rapports de production formant la base de ces droits.

Il convient de souligner, avec évidence, que les facteurs d'encadrement des Droits de l'Homme varient d'un pays à un autre, même si l'on peut admettre qu'il ait un certain niveau de standardisation. On ne peut pas les importer, et donc toute idée d'importation de ces facteurs est une bataille perdue à l'avance. A ce titre, pour ce qui a trait à la réalité haïtienne, il faut faire en sorte que les Droits de l'Homme puissent correspondre à la dimension de la réalité socioculturelle haïtienne. Car ces droits ne sauraient se penser en dehors d'une prise en compte de la situation des conditions matérielles d'existence des gens du pays dans lequel ils sont appelés à être appliqués à travers des mécanismes ou structures de protection des Droits de l'Homme.

CHAPITRE 2

LES MECANISMES DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

L'idée de la reconnaissance de manière absolue des Droits de l'Homme serait tout à fait utopique si on n'avait pas pensé à mettre en place tout un ensemble de mécanismes en vue d'assurer la protection de ces derniers. Ces mécanismes de protection se retrouvent tant sur le plan international que national. Dans ce chapitre, nous aborderons donc dans un premier temps, les assises juridiques de protection internationale des Droits de l'Homme et, dans un second temps, seront mis en évidence les instruments juridiques de protection nationale des Droits de l'Homme.

SECTION 1 : LES ASSISES JURIDIQUES DES SYSTEMES DE PROTECTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME

Il y a tout un ensemble de systèmes de protection internationale des Droits de l'Homme qui sont placés pour assurer la surveillance des prescrits relatifs à ces droits. Pour ce faire, ils sont dotés de certaines assises juridiques dont l'importance mérite d'être considérée. Ces assises juridiques présentent une grande valeur qui se manifeste à travers les textes internationaux adoptés dans le domaine des Droits de l'Homme. Et ces textes nous amènent à considérer les mécanismes de protection internationale des Droits de l'Homme.

A- La valeur juridique des textes internationaux adoptés dans le domaine des Droits de l'Homme

Sur le plan international, il y a tout un ensemble de textes qui fondent le corpus juridiques des Droits de l'Homme. Ils se classent en deux catégories : les textes à portée universelle, et les textes à portée régionale.

1- Les textes à portée universelle

Les textes à portée universelle : le Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 (DUDH), le Pacte relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) et le Pacte International relatif aux Droits civils et Politiques.

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948

Il est évident que l'année 1945 est date indélébile dans l'histoire de l'humanité. Et elle est aussi la date marquant le moment far en matière de l'internationalisation et de l'universalisation des Droits de l'Homme, car elle dénote à la fois, en s'inscrivant dans une double dialectique, un moment de négation des Droits de l'Homme, vu qu'il s'agit d'une année à partir de laquelle a su connaitre bon nombre d'atrocités, et un moment où la conscience mondiale allait être interpelée sur un ensemble de questions se rapportant au devenir de l'humanité par rapport à sa dignité. Cette année a vu naître l'ONU : institution internationale de haut prestige tenant compte de sa mission de pacification du monde. Trois ans plus tard, après la création de cette institution, l'idée d'une déclaration universelle allait poser ses tentacules dans toutes les fibres des débats internationaux. Cette idée s'est imposée comme une réponse qu'il faut articuler rationnellement pour résoudre une série de conflits à l'échelle de la planète, surtout dans le domaine des libertés, de la démocratie et des Droits de l'Homme. De là est amenée l'idée d'une Déclaration Universelle des Droits de l'Homme le 10 décembre 1948. Cette déclaration, considérée comme le premier acte de reconnaissance universelle des droits et des libertés inhérents à la dignité de la personne humaine, constitue le véritable socle juridique international de l'édifice des Droits de l'Homme. Autrement dit, cette Déclaration forme un système juridiquement contraignant pour assurer la promotion, la protection et la garantie de ces derniers.

La valeur juridique de la Déclaration Universelle peut se reposer sur un fondement autre que conventionnel. Ce qu'il convient de noter, c'est que certaines règles de la déclaration universelle font partie du « jus cogens », c'est-à-dire des normes impératives en droit international public. Ainsi, M. Zotiades, dans la classification qu'il établit des règles du jus cogens figure les règles relatives aux Droits de l'Homme. Celles-ci sont intégrées dans l'ordre international au point que tout traité ou convention contraire aux règles de jus cogens peut être frappé de nullité. Elle s'inscrit dans le prolongement de la Déclaration française de 1789, puisque l'on y retrouve les grands principes mis en exergue dans cette dernière. Ainsi, l'article premier complète l'article 2 de la Déclaration Universelle en prohibant toute forme de discrimination.

Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels et Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

La déclaration est une proclamation de la foi en l'homme, en la dignité de la personne humaine. Elle n'a pas pour autant la force contraignante, c'est-à-dire la force juridique, sinon une valeur morale qui n'est pas susceptible de permettre la prise de sanction contre un Etat qui l'aurait violée. Il était donc nécessaire de reprendre, sous une forme juridiquement obligatoire, les droits énoncés dans la déclaration. De là, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté à l'unanimité deux pactes, soit le 16 décembre 1966 : le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels et le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques. Ces deux pactes sont considérés comme deux pactes jumeaux. Le premier traite du droit au travail, à la sécurité, à un niveau de vie suffisante, à la santé et à l'éducation, et le deuxième concerne particulièrement le droit à la sureté, la protection contre les arrestations arbitraires, les libertés de pensée, de conscience, de religion, d'association.

2- Les textes à portée régionale

Les textes à portée régionale regroupent, entre autres, les textes européens (La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et la Charte sociale européenne), les textes interaméricains (la Convention Américaine des Droits de l'Homme et la Déclaration Américaine des Droits et Devoirs de l'Homme) et les textes africains. On a, entre autres, la Charte Africaine de 1981.

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 aout 1789

La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 dont la signification philosophico-politique résulte du XVIIIe siècle particulièrement en Europe n'est, en réalité, pas le premier texte que l'on pourrait considérer comme texte qui fonde juridiquement les Droits de l'Homme, puisque cette idée de juridisation de ces derniers se retrouvait dans bon nombre de déclarations dont la déclaration en Angleterre en 1215. Toutefois, les textes de déclarations anciennes sont perçus comme des procédures juridiques susceptibles de préserver les droits et les libertés. En ce sens, la déclaration de 1789, une déclaration dont la majesté éveille même les esprits les plus somnolents, est interprétée de diverses façons. Ainsi, pour l'éminent juriste allemand Jellinek, cette déclaration serait essentiellement germanique. Car c'est la seule civilisation qui a su préserver et amorcer les principes relatifs à la liberté individuelle, ce qui allait être repris par la France. La déclaration française de 1789 n'est qu'une copie des textes précédents, et ne présente absolument aucune originalité ni sur le fond, ni sous la forme. Pour Boutmy, juriste français, par contre, les principes émis par cette déclaration sont à l'origine de l'instauration d'un monde nouveau et d'une cité nouvelle où les dirigeants doivent cesser de hisser sur l'étendard de la logique irrationnelle des choses pour sacrifier l'humanité dans sa dignité. La genèse de ces derniers se serait réalisée au sein d'un peuple prédestiné par l'histoire. D'ailleurs, la France, à cette époque du XVIIIe siècle, était non seulement un objet de fascination par sa grande culture, mais surtout la première puissance politique occidentale.

A part ces considérations, bien entendu importantes, un fait est certain, c'est que la déclaration de 1789, point d'ancrage idéologique de la révolution française, constitue la germination d'une nouvelle vision des choses, c'est -à-dire la question de la dignité de la personne est devenue une priorité pour la philosophie du XVIIIe siècle en favorisant la relance d'un processus de juridicisation des droits et des libertés fondamentales. Ce texte de dix-sept (17) articles est la consécration de l'idée d'universalité des Droits de l'Homme d'autant que les droits proclamés sont ceux de l'homme et du citoyen, et non ceux des seuls citoyens français de 1789. Ils valent pour tout être humain. C'est ce qui fait, par rapport aux autres, la particularité de cette déclaration : elle promet la liberté à tous les hommes. La déclaration de 1789, en effet, dans son article premier, énonce que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune37(*) ». Dans cet article, deux droits fondamentaux sont pris en considération : liberté et égalité. Cet article, cependant, précise les limites et les garanties de cette liberté dans la mesure où aux termes de l'article 4, il est dit : «La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi38(*) ». Cela équivaut à dire que la liberté ne traduit l'absence de contraintes établies par la loi. Car la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent, disait Montesquieu.

La Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950

L'année 1949 marque la naissance du Conseil de l'Europe. Celui-ci est à l'origine du mouvement de la protection des Droits de l'Homme dans la sphère européenne. Selon les statuts de ce conseil (3 aout 1949), plus particulièrement dans l'article 3 : « Tout Etat membre du Conseil de l'Europe reconnait le principe de la prédominance du droit et le principe en vertu duquel toute personne doit jouir des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ». Le conseil a pour but, dans le cadre de la promotion des Droits de l'Homme, de réaliser une union plus étroite entre ses membres. Il est aussi précisé dans l'art. 1 du statut du conseil que « la sauvegarde et le développement des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales » constituent l'un des puissants moyens pour pouvoir réaliser cette idée. A ce titre, l'Assemblée Consultative du Conseil s'est engagée dans cette voie, en tant haut lieu du débat européen relatif aux droits de l'homme. D'où est venue l'idée géniale de créer la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales(CESDH), qui est son texte fondamental. Le Conseil de l'Europe joue un rôle de gendarme en ce qui concerne le respect des droits de l'homme. Outre de préserver ces derniers, il a mission sacro-sainte consistant à promouvoir l'éducation, l'autorité de la loi et la démocratie.

En effet, cette Convention, signée le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953, et source juridique européenne en matière des Droits de l'Homme, est la suite logique de la déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948. D'ailleurs, elle ne fait que la reprendre, sinon la renforcer. Le préambule de la Convention est une preuve éloquente de l'importance accordée aux droits et aux libertés fondamentaux. De plus, il est clairement énoncé dans l'article 1 de la Convention : «  obligation de respecter les droits de l'homme. Les hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente convention39(*) ». Toutefois, la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme présente une certaine particularité par rapport à ses novations.

La Charte Sociale Européenne de 1961

La Charte sociale européenne a été signée à Turin le 18 octobre 1961 et est entrée en vigueur le 25 février 1965. Elle a été adoptée dans le but de compléter la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui a déjà consacré principalement des droits civils, politiques et sociaux. Parmi ceux-ci se trouve, pour l'essentiel, le droit au travail, le droit syndical, etc. La Charte Sociale Européenne a mis en valeur, elle aussi, les principaux droits économiques et sociaux : droit au travail, liberté syndicale et droit de grève, protection du travail des enfants et des femmes, droit à la formation professionnelle, droit à la sécurité sociale. Elle n'a pas pour effet de conférer directement des droits aux ressortissants des Etats parties, mais elle contient un intéressant mécanisme d'engagement de la part des Etats.

La Convention Américaine aux Droits de l'Homme

La Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme, dont les origines remontent à la Conférence interaméricaine de 1945 tenue à Mexico, portant sur les problèmes relatifs à la guerre et la paix, a été adoptée le 21 novembre 1969 à San José de Costa-Rica. Elle a été entrée en vigueur le 18 juillet 1978. En effet, cette Convention a posé, dans son premier paragraphe, les bases de la consolidation sur le continent américain, dans le cadre des institutions démocratiques, un régime de liberté individuelle et de justice sociale, fondé sur le respect des droits fondamentaux de l'homme. Elle met à la charge des Etats l'obligation de respecter les droits et libertés qu'elle consacre, et elle leur impose le devoir d'adopter dans leur législation interne les dispositions nécessaires pour assurer la jouissance effective de ces droits.

On peut tout aussi bien considérer comme texte interaméricain important en matière des Droits de l'Homme, la Déclaration Américaine des Droits et Devoirs de l'Homme. Cette Déclaration a été adoptée à la Neuvième Conférence Internationale Américaine, Bogota, Colombie en 1948. En effet, elle a le mérite d'être le premier texte instrument international de son genre qui a été adoptée plusieurs mois avant la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme des Nations Unies du 10 décembre 1948.

En un mot, tous ces instruments se concrétisent à travers des structures et des mécanismes définis dans le cadre des systèmes de protection des Droits de l'Homme.

B- Les mécanismes de protection internationale des Droits de l'Homme

Sur le plan international, à part les textes assurant la juridicité des Droits de l'Homme, il y a tout un ensemble de systèmes de protection mis en place répondant à un besoin de matérialisation des voeux exprimés dans les textes internationaux. Parmi ces systèmes se trouvent quatre qui sont considérés comme plus importants: le système onusien de protection des Droits de l'Homme, le système interaméricain de protection des Droits de l'Homme, le système européen de protection des Droits de l'Homme et le système africain de protection des Droits de l'Homme.

1- Le système onusien de protection des Droits de l'Homme

Le système onusien de protection des Droits de l'Homme est fondé sur la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme le 10 décembre 1948. Il est le seul système à avoir un caractère universel dans la mesure où ses décisions en matière des violations des Droits de l'Homme ont une valeur universelle, c'est-à-dire s'imposent à tous les pays, bien entendu, ceux qui font partie de l'ONU. En effet, assurer la promotion et la protection des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales est, comme il est prévu dans la Charte des Nations Unies, une de ses principales missions. Et ceci depuis l'adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les Nations Unies mettent en oeuvre de nombreuses normes en matière de protection des Droits de l'Homme, ainsi que des mécanismes pour la promotion et la protection de ces derniers. On sait que la question des Droits de l'Homme est très préoccupante pour l'ONU, à cotés, bien sûr, d'autres questions : la démocratie réelle, la paix durable, la sécurité internationale, le développement durable. Etant une des questions préoccupantes pour l'ONU, celle-ci y intervient suivant trois axes : la prévention, la protection et la promotion des Droits de l'Homme.

Il est mis en exergue, par l'ONU, un ensemble d'organes pour assurer l'efficacité de travail de garantie, de promotion et protection des Droits de l'Homme. Ces mécanismes sont : le Conseil des Droits de l'Homme, le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme et la Cour Pénale Internationale.

Le Conseil des Droits de l'Homme

L'Organisation des Nations Unies (ONU) comprend six (6) organes : Le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, la Cour pénale internationale, le Conseil de tutelle, le Secrétariat et l'Assemblée générale. Cette dernière est l'organe principal qui intervient dans la question des droits de l'homme par l'entremise du Conseil économique et social. Ce dernier adresse des recommandations à l'Assemblée générale au sujet des questions relatives aux Droits de l'Homme. Dans le cadre de ses travaux, le Conseil économique et social a créé la Commission des Droits de l'Homme qui allait être remplacée en 2006 par le Conseil des Droits de l'Homme. Celui-ci est le principal organe des Nations Unies qui est responsable de la question des Droits de l'Homme. Le Conseil a une principale mission consistant à analyser l'évolution de la situation des droits de l'Homme dans les Etats membres de l'ONU. Il assure ce rôle en mettant en place un mécanisme assez intéressant : Examen périodique universel (EPU). Il s'agit d'un nouveau mécanisme créé par la Résolution 60/251 de l'Assemblée générale. La résolution dispose que le Conseil aura pour vocation de :

« procéder à un examen périodique universel, sur la foi d'informations objectives et fiables, du respect par chaque État de ses obligations et engagements en matière de droits de l'homme de façon à garantir l'universalité de son action et l'égalité de traitement de tous les États ; se voulant une entreprise de coopération fondée sur un dialogue auquel le pays concerné est pleinement associé et qui tient compte des besoins de ce dernier en termes de renforcement de ses capacités, cet examen viendra compléter l'oeuvre des organes conventionnels sans faire double emploi ».

En d'autres termes, par la mise en place de l'Examen périodique universel, chaque pays membre des Nations Unies doit préparer un rapport sur la situation des Droits de l'Homme. La préparation de ce rapport est présentée par le gouvernement du pays. Mais le gouvernement du pays en question peut refuser de collaborer en vue de la réalisation d'un examen périodique relatif aux Droits de l'Homme. C'est pourquoi on tient compte d'autres rapports comme ceux de la société civile et des organisations nationales de défense de ces droits. Il y a, de surcroit, la procédure de 1503 qui permet à tout individu victime des violations des Droits de l'Homme de présenter des plaintes et des pétitions devant le conseil des Droits de l'Homme après avoir, bien entendu, épuisé toutes les voies de recours internes.

Le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme

Le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme (HCDH), créé en 1993, est une structure mise en place par l'ONU dont le but est d'examiner, de promouvoir et de renseigner sur le respect du droit international des Droits de l'Homme et du droit international humanitaire dans le monde, selon l'adoption de la Déclaration et du Programme d'Action de Vienne. Cette structure est l'élément moteur de toutes les activités des Nations Unies dans le domaine des Droits de l'Homme. En effet, le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, pour pouvoir exécuter ses tâches, produit des rapports et mène des enquêtes à la demande de l'Assemblée Générale de l'ONU. Il établit également une coopération avec les gouvernements et les organisations internationales, régionales et non gouvernementales pour assurer une meilleure protection des Droits de l'Homme. Pour l'organisation des réunions par les organismes des Nations Unies s'occupant des questions relatives à ces derniers, il se sert du secrétariat.

Le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme est une structure technique, composée non d'Etat, mais de techniciens de nationalités différentes qui sont des hauts fonctionnaires internationaux spécialisés dans la question des Droits de l'Homme. Il a à sa tête une personnalité qui planifie surtout les réunions dont le litre est « Haut Commissaire aux Droits de l'Homme ».

La Cour Pénale Internationale

La Cour Pénale Internationale est un tribunal international qui a été créée à Rome le 17 juillet 1998 et devenue effective en 2002. Ce tribunal est l'une des structures importantes du système des Nations Unies de protection des Droits de l'Homme qui intervient aussi dans les questions relatives aux Droits de l'Homme. Cela se remarque d'ailleurs dans le préambule même de cette Cour : « Conscients que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs cultures forment un patrimoine commun, et soucieux du fait que cette mosaïque délicate puisse être brisée à tout moment. Ayant à l'esprit qu'au cours de ce siècle des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont été victimes d'atrocités qui défient l'imagination et heurte profondément la conscience humaine. Reconnaissant que des crimes d'une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde...Résolus à garantir durablement le respect de la mise en oeuvre de la justice international...e40(*) ». Ce préambule est une illustration des efforts déployés par le système des Nations Unies de protection des Droits de l'Homme. Ces efforts d'assurer la protection des Droits de l'Homme se trouvent aussi dans l'article premier du Statut de la Cour : « Il est créé une Cour pénale internationale en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut. Elle est complémentaire des juridictions criminelles nationales...41(*)». Comme il est mentionné dans cet article, cette juridiction internationale juge les individus commettant des crimes qui réprouvent la conscience internationale, d'où sa compétence. Celle-ci est clairement énoncée dans l'art. 5.1 du présent Statut : « La compétence de la cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale : le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, le crime d'agression 42(*)». La notion de crime contre l'humanité, très récurrente d'ailleurs dans les discours en faveur des Droits de l'Homme, est définie comme crime qui défie l'imagination humaine. Pour le dire autrement, il s'agit d'un crime qui révolte la conscience humaine. L'article 7 du Statut de la cour précise que : 

« Le crime contre l'humanité est le crime commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en reconnaissant de cette attaque : Meurtre, Extermination, Réduction en esclavage, Déportation ou transfert forcé de population, Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, Torture, Viol, Esclavage sexuel, Prostitution forcée...43(*) ».

Cette disposition est une contribution internationale susceptible d'amener les Etats à prendre conscience de l'importance dont est revêtue la question des Droits de l'Homme.

2- Le système interaméricain de protection des Droits de l'Homme

Les pays des continents américains en 1948 ont éprouvé la grande nécessité de créer une institution régionale répondant au nom de l'Organisation des Etats Américains (OEA). Cette dernière contient des structures destinées à protéger et promouvoir la question des Droits de l'Homme. Elle est régie par la Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme. Ce document a été adopté à San José, Costa Rica, le 22 novembre 1969, à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les Droits de l'Homme. Cet instrument international régional se situe dans le prolongement des principes défendus par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Il est fait obligation de respecter ces droits. A telle enseigne que dans l'article premier de la dite convention il est énoncé ce qui suit :

« Les Etats parties s'engagent à respecter les droits et libertés reconnus dans la présente convention et à en garantir le libre et plein exercice à toute personne relevant de leur compétence, sans aucune distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la situation économique, la naissance ou toute autre condition sociale ».

En effet, cette convention est un signe de respect de la dignité humaine, et aussi un instrument qui participe à l'épanouissement, pour ainsi dire, à l'émancipation des droits et des libertés fondamentaux. La charte de cette organisation régionale porte sur plusieurs domaines : démocratie, droits économiques, droit à l'éducation et à l'égalité, etc. La Charte établit également deux structures principales désignées particulièrement pour la protection et la promotion des Droits de l'Homme : la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH), la structure la plus importante du système interaméricain de protection des Droits de l'Homme, et la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme. L'organisation protège les droits par la création de normes substantives et maintient ces normes par un processus de pétition.

La Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme

La Commission interaméricaine des Droits de l'Homme n'est pas composée d'Etats, mais de personnalités, qui sont au nombre de sept (7). Ces personnalités sont désignées suivant deux critères spécifiques, aux termes de l'article 34 de la Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme où il est énoncé : « La Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme comprend sept membres, lesquels doivent être des personnes jouissant d'une haute moralité et possédant une compétence reconnue en matière de droits de l'homme ». Ce qui signifie que n'importe qui ne peut pas être membre de cette Commission.

Les membres de cette Commission ne représentent pas, selon l'article 36.1 de la convention relative aux Droits de l'Homme, leur pays d'origine, mais en font partie à titre personnel. La mission de cette Commission se retrouve dans l'article 41 de la Convention. Cette Commission a une double tâche à accomplir. D'abord, observer la situation des Droits de l'Homme dans le continent américain, ensuite assurer la défense des droits de l'homme à travers ce dernier. Pour pouvoir remplir ces rôles, la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme effectue des visites de terrain. Ces dernières peuvent se faire de deux manières : le gouvernement du pays peut l'inviter à venir évaluer la situation des droits de l'homme, ou la Commission peut elle-même décider de venir sans l'invitation du gouvernement. Toutefois, dans le second cas, celui-ci doit être au courant de la visite de la Commission. Il y a également une grande possibilité qu'offre cette dernière, en recevant des pétitions ou requêtes, à tous ceux qui sont victimes des violations des droits de l'homme (art. 44) de la Convention. Pour le dire autrement, tout individu victime de violations des Droits de l'Homme peut porter plainte par devant cette Commission dont le siège est à Washington. Il y a des conditions dont il faut tenir compte pour présenter une pétition. Ces conditions sont listées dans l'art 45.1 de la Convention :

« La Commission ne retient ou communication présentées conformément aux articles 44 ou 45 que les conditions suivantes, à savoir :

a. que toutes les voies de recours internes aient été dument utilisées et épuisées conforment aux principes du Droit international généralement reconnus ;

b. que la pétition ou communication soit introduite dans les six mois à compter de la date à laquelle l'individu présumé lésé dans ses droits a pris connaissance définitive ;

c. que l'objet de la pétition ou communication ne soit pas en cours d'examen devant une autre instance internationale, et

d. que dans le cas prévu à l'article 44, la pétition indique le nom, la nationalité, la profession, le domicile, et porte la signature de la personne ou des personnes, ou du représentant légal de l'entité dont émane la pétition...  ». 

Cela est évident que la Commission Interaméricaine de la Protection des Droits de l'Homme ne dispose pas de moyens de coercition susceptibles de réprimer un Etat qui serait coupable de violations graves des Droits de l'Homme. La sanction, d'habitude, que l'on administre à cet Etat, elle est d'ordre moral, ce qui ne l'empêche pas de continuer à violer les Droits de l'Homme. C'est ce qui constitue, en quelque sorte, un blocage à l'efficacité de ce système.

La Cour Interaméricaine des Droits l'HOMME

La Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme est une institution judiciaire autonome basée à San José, Costa Rica. Cette cour, une des grandes structures du système de protection des droits de l'homme de l'Organisation des Etats Américains (OEA), en collaboration avec la commission des Droits de l'Homme, défend, promeut et assure la protection des droits fondamentaux ainsi que des libertés individuelles dans le continent américain.

La Cour a été établie en 1979 dans le but de faire appliquer et interpréter les dispositions de la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme. Elle a deux fonctions principales : arbitrage et conseiller. Dans le premier cas, elle entend et règle des cas spécifiques de violations des Droits Humains qui lui sont soumis. Dans le second cas, elle émet des avis sur des questions d'interprétation juridique qui ont été portées à son attention par d'autres organes de l'OEA ou les États membres.

La Cour, saisie d'une affaire relative à un cas de violation des droits de l'homme par un Etat, et après avoir entendu les plaignants, si elle arrive à établir sa culpabilité, peut rendre son jugement de condamnation de cet Etat pour réparer les dommages faits aux victimes. La réparation fixée par la cour peut être à la fois en espèce et en nature. La forme la plus directe de réparation est obtenue par des paiements en espèces accordés aux victimes ou à leurs proches. Toutefois, l'État peut également être contraint à accorder des prestations en nature, afin d'offrir une reconnaissance publique de sa responsabilité vis-à-vis de ce cas de violation de ces droits, à prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues se reproduisent à l'avenir, et d'autres formes de compensation non monétaires. C'est le cas, par exemple, du Pérou qui a été accusé en novembre 2001 dans l'affaire du massacre de Barrios Altos. Il s'agit d'une affaire concernant un massacre de 15 personnes par l'escadron de la mort à l'Etat-parrainé par le groupe Colina en novembre 1991 à Lima (Pérou). La Cour, dans son jugement, a ordonné le paiement de $ 175 000 pour les quatre survivants et pour les proches des victimes assassinées et un paiement de $ 250 000 dollars pour la famille de l'une des victimes. Par la suite, l'État du Pérou a été aussi contraint :

1) à accorder aux familles des victimes des soins de santé gratuits et diverses formes de soutien éducatif, y compris des bourses et des fournitures d'uniformes scolaires, du matériel et des livres;

2) à abroger deux lois d'amnistie controversés;

3) à reconnaitre le crime d'exécution extrajudiciaire dans son droit interne;

4) à ratifier la Convention internationale sur la non applicabilité de la prescription pour les crimes de guerre et crimes contre l'Humanité;

5) à publier le jugement de la Cour dans les médias nationaux;

6) à faire des excuses publiques pour l'incident et à s'engager pour que des événements similaires ne se reproduisent pas à l'avenir;

7) à ériger un monument à la mémoire des victimes du massacre.

3- Le système européen de protection des Droits de l'Homme

On se souvient que l'Europe, après la deuxième guerre mondiale en 1945, a été dévastée totalement. Il fallait faire feu de tout bois, c'est-à-dire tout mettre en place pour renouveler la paix et la coopération internationale. A l'orée des grands conflits qu'on a enregistrés pendant cette période tumultueuse, les dirigeants de toutes les régions ont pu créer trois organisations : le Conseil de l'Europe, l'Union Européenne (anciennement Communauté Européenne du charbon et de l'acier), et ensuite l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (anciennement Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe). Ces organisations ont survécu à la guerre froide et à la fin du communisme, et continuent jusqu'à ce jour à servir d'assemblées pour le dialogue et l'échange sur le continent européen.

Il est vrai que ces organisations ont été créées dans une perspective de paix et de stabilité de l'Europe, mais elles ont été établies chacune en fonction des objectifs différents. Ainsi, le Conseil de l'Europe promeut l'autorité de la loi, les Droits de l'Homme, et la démocratie. L'Union Européenne, quand à elle, a été conçue comme institution de promotion du commerce et de la stabilité économique pour ses membres. Enfin, on a l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) qui a été fondée pour maintenir la paix et la sécurité militaire en Europe.

En effet, la sensibilité manifestée à l'égard du respect des Droits de l'Homme qui se cristallise dans les créations de ces organisations est à la base de la légitimation du système européen de protection des Droits de l'Homme. Ce système de protection est régional. Mais le Conseil de l'Europe (CE) est le plus impliqué dans la question de la promotion des Droits de l'Homme, vu que les bases sur lesquelles il repose sont la démocratie pluraliste, les Droits de l'Homme et l'autorité de la loi. Ce Conseil, créé en mai 1949 par le Traité de Londres, est composé de 47 Etats membres.

La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, plus connue généralement sous le nom de Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) est considérée comme le texte fondamental du système européen de protection des Droits de l'Homme. Elle a été adoptée en 1950 et entrée en vigueur en 1953 après la ratification de plusieurs Etats. La principale structure chargée d'examiner les questions relatives aux Droits de l'Homme, c'est la Cour Européenne des Droits de l'Homme dont le siège est à Strasbourg en France. Elle reçoit les plaintes relatives aux violations des Droits de l'Homme et est aussi compétente pour connaitre des plaintes depuis la fusion de la Commission et de la Cour Européenne en une seule structure. Mais sa compétence de cette dernière n'est valable que pour les Etats européens l'ayant ratifié.

Par ailleurs, il convient de signaler, au passage, que les pays de l'Asie n'ont vraiment pas un système de Droits de l'Homme codifié, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas un système de protection des Droits de l'Homme à proprement parler, compte tenu de leur grande diversité culturelle, mais ils s'inspirent du système européen de protection des Droits de l'Homme. Car la promotion pour la diversité culturelle est une des priorités du Conseil de l'Europe. Certains pays d'Asie centrale font partie de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe(OSCE). Cette Organisation s'occupe des domaines de l'alerte précoce, de la prévention des conflits, de la prévention des crises, etc. En fait, ses taches sont axées principalement sur la diplomatie préventive, la démocratisation et la promotion des Droits de l'Homme.

4- Le système africain de protection des Droits de l'Homme

L'Afrique, à l'instar de ses devancières (Europe et Amérique), s'est dotée d'un système de protection des Droits de l'Homme, dont la caractéristique essentielle est qu'il allie tradition et modernité. Cette alliance apparait notamment dans les variétés des droits garantis, à cotés des droits individuels. De ce point de vue, la Charte africaine, qui a été adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya) lors de la 18ème conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), constitue un élément essentiel qui fonde le système africain de protection des Droits de l'Homme. Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986, après sa ratification par 25 Etats, et ratifiée par la suite par 53 Etats membres de l'ex-OUA. Tout en tenant compte des vertus des traditions historiques africaines et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs réflexions sur la conception des Droits de l'Homme et des Peuples, la Charte Africaine s'appuie sur la Charte des Nations Unies ainsi que sur la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Elle a consacré les droits collectifs autrefois appelés droits des peuples, et des mécanismes très particuliers de règlements des conflits résultant de leurs éventuelles violations par les autorités étatiques. Plus concrètement, sans tomber dans une analyse détaillée de la Charte, c'est sa deuxième partie qui a prévu la création des mesures de sauvegarde, c'est-a-dire les mécanismes de règlements de conflits. Parmi les mécanismes se trouve la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dont la mission principale est de promouvoir les Droits de l'Homme et des peuples et assurer leur protection en Afrique : art. 30 de la Charte. Est entrée aussi dans le cadre de sa mission, l'interprétation de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Il convient de souligner, au passage, que cet organe n'est pas doté d'un pouvoir juridictionnel, mais elle peut recevoir des communications émanant des Etas partie à la Charte, ainsi des personnes individuelles ou de groupes de personnes.

Malgré l'adoption de la Charte Africaine en 1981 et la création de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, la question de protection des Droits de l'Homme en Afrique accusait encore certaines lacunes résultant des difficultés d'ordre et matériel qui compromettent le bon fonctionnement de la Commission. En effet, il fallait attendre le 25 janvier 2004, date marquant une étape déterminante dans l'histoire des Droits de l'Homme en Afrique, pour assister à l'entrée en vigueur du protocole relatif à la Charte des Droits de l'Homme et des Peuples portant la création d'une Cour Africaine des Droits de l'Homme. Cette juridiction continentale est non seulement considérée comme une étape historique cruciale dans la lutte contre l'impunité en Afrique, mais également comme un véritable renforcement du système africain de protection des Droits de l'Homme et des Peuples. D'ailleurs, l'Association pour la Prévention de la Torture (APT) estime que l'adoption du protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples portant création de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples constitue une avancée importante vers la consolidation de la démocratie et de l'Etat de Droit. La Cour doit se montrer indépendante pour assurer sa mission. La création et la mise en place effective de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples constituent un pas décisif vers une meilleure protection des libertés et des droits fondamentaux de la personne humaine, et s'inscrit, en outre, dans la droite logique d'institutionnalisation des Droits de l'Homme.

Il convient, dans l'ensemble, de préciser que notre pays est Etat partie aux instruments juridiques adoptés dans le cadre du système onusien et du système américain de protection des Droits de l'Homme, ainsi a-t-il adopté des textes nationaux qui constituent les instruments juridiques de protection nationale des Droits de l'Homme.

SECTION 2 : LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME

La simple mention des instruments juridiques de protection nationale des Droits de l'Homme peut se révéler vaine si on ne met pas en évidence leur fondement à travers un certain nombre de textes. A ces textes, s'ajoutent les instruments juridictionnels susceptibles d'assurer la protection et la garantie des Droits de l'Homme.

A- Le fondement juridique de protection nationale des Droits de l'Homme

Le fondement juridique de protection des Droits de l'Homme en Haïti se retrouve d'abord, dans les constitutions hattiennes, en particulier celle qui est en vigueur, qui se révèle comme véritable garante des droits et des libertés fondamentales du citoyen haïtien. Ensuite, ce fondement juridique se manifeste aussi dans les Traités et Conventions signés et ratifiés par la République d'Haïti en matière du respect et de la protection des droits et de la dignité des haïtiens.

1- La Constitution haïtienne de 1987 et celles d'avant 1987

Le processus de constitutionnalisation des droits et des libertés fondamentales est fort ancien dans les constitutions haïtiennes. La garantie des libertés s'impose, même sans le contrôle de la loi. D'ailleurs, cette idée se révèle comme l'un des principes directeurs du droit constitutionnel républicain. C'est en ce sens que Esmein avance : 

« C'est une des idées les plus mieux établies et les plus fécondes des temps modernes que l'individu a des droits antérieurs et supérieurs à ceux de l'Etat, qui s'imposent par conséquent au respect de l'Etat(...) ce principe(...) forme(...) un objet essentiel du droit constitutionnel. En effet, il détermine, plus étroitement que toute autre loi, l'exercice de la souveraineté, car il interdit au souverain de faire des lois qui entament les droits individuels, et lui commande d'en promulguer qui assurent efficacement la jouissance des ces droits 44(*) ».

Toute constitution, en vérité, symbole d'organisation du pouvoir, se doit d'être articulée autour des principes concourant à la garantie des droits et des libertés fondamentales des individus. En ce sens, la Constitution de 1987, dans le but de promouvoir le respect des droits de l'Homme, dès son préambule, se réfère à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Ainsi, il est énoncé dans le paragraphe 1 de son préambule : « Le peuple haïtien proclame la présente constitution pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur, conformément à son acte d'indépendance de 1804 et à la déclaration universelle des droits de l'homme de 194845(*) ». Ces valeurs proclamées dans la constitution de 1987 reflètent aussi celles retrouvées dans la Convention américaine.

Il faut dire, toutefois, qu'il n'y a pas que la constitution de 1987 faisant référence au respect des droits et des libertés fondamentales dans la mesure où la quasi-totalité des constitutions d'avant 1987 ont mis l'emphase sur le respect de ces derniers, et surtout ont condamné l'esclavage, entendu comme véritable négation de la dignité humaine, en témoignent les deux premières constitutions, après notre indépendance le 1er Janvier 1804, date fatidique dans l'histoire du peuple haïtien tout entier. Ainsi, dans l'article premier de la Constitution de 1806 on y lit : « il ne peut exister d'esclaves sur le territoire de la république ; l'esclave y est à jamais aboli46(*) ». Plus concrètement, dans l'article 3 de cette même Constitution, il est précisé que : « Les droits de l'homme en société sont : la liberté, l'égalité, la sureté, la propriété ». On peut tout aussi bien considérer d'autres moments historiques revendiquant les Droits de l'Homme, par exemple la révolution de 1843. Cette révolution a surgit après le long règne de Jean P. Boyer, celui qui a giflé la dignité nationale en acceptant de payer notre indépendance à la France. Elle a préconisé une autre vision d'organisation du pouvoir qui doit prendre en considération la dignité et l'humanité dont le peuple haïtien est porteur. Elle voulait, en fait, saper la base du régime despotique présidentiel et la domination de la caste militaire en vue d'instaurer un pouvoir civil, libéral, représentatif et décentralisateur. C'est cette nouvelle vision humaniste du pouvoir qui donne lieu à la Constitution de 1843. Laquelle Constitution a pu permettre au peuple haïtien d'incorporer ses revendications dans un corps de principes d'ordre légal. Dès son préambule, on y lit : « Le peuple haïtien proclame, en présence de l'Etre suprême, la présente constitution, pour consacrer à jamais ses droits, ses garanties civiles et politiques, et son indépendance nationale47(*) ». En outre, le principe de la séparation des pouvoirs, important pour l'établissement de l'Etat de droit, de la démocratie, et important aussi pour la garantie et la protection des Droits de l'Homme, était figuré dans la colonne de cette constitution issue de la révolution de 1843. A cet effet, dans l'article 43, il est écrit : « L'exercice de cette souveraineté est délégué à trois pouvoirs électifs et temporaires. Ces trois pouvoirs sont : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire48(*) ». Toutefois, l'adoption de cette Constitution n'a pu mettre fin aux différentes revendications, aux différentes souffrances des haïtiens dans la mesure où d'autres constitutions allaient être adoptées. C'est le cas de la Constitution de 1946. Cette dernière a vu le jour durant la chute du gouvernement d'Elie Lescot ayant permis aux forces sociales et politiques de revendiquer la liberté pour tous et le partage du pouvoir. La Charte, votée le 22 novembre 1946, prend toutes les dispositions pour contrer les velléités despotiques du Président. On y remarque des innovations importantes comme l'introduction de l'Habeas corpus, l'interdiction de l'extradition en matière politique (art. 31), le respect du droit syndical des travailleurs, l'obligation du congé annuel payé. Pour la première fois, la Police et l'Armée sont découplées. Il y a aussi la Constitution de 1957 qui élargit le contenu démocratique et reconnaît de nouveaux droits comme la protection sociale des démunis ou les Droits de la Femme. Elle consacre un chapitre au régime économique, à l'obligation de l'Etat de protéger la santé publique et de procurer une assistance médicale aux malades.

2- Les traités internationaux relatifs aux Droits de l'Homme

Il y a tout un ensemble de traités internationaux qui sont ratifiés par la République d'Haïti dans le domaine de la protection de Droits de l'Homme. C'est le cas, par exemple, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Cette déclaration, ratifiée par Haïti, fait corps à la législation du pays. D'ailleurs, les constituants y font référence dans le préambule de la constitution de 1987: «  Le Peuple Haïtien proclame la présente Constitution : pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur conformément à son Acte d'Indépendance de 1804 et à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 ».

Il y a d'autres traités qu'Haïti a ratifiés dans le but de protéger les droits de l'homme. On a entre autres :

- Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques " de 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976.

- Le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), ratifié le 31 janvier 2012.

- Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 4 janvier 1969.

- Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid de 1973 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 18 juillet 1976.

- Convention de l'OIT concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession de 1958 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 15 juin 19610.

- Convention pour la prévention de la répression du crime de génocide de 1948 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 12 janvier 1951.

- Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage de 1956 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 30 avril 1957.

- Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1949 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 25 juillet 1951.

- Convention de l'OIT concernant le travail forcé de 1930 de la Société des Nations. Entrée en vigueur le 1er mai 1932.

- Convention de l'OIT concernant l'abolition du travail forcé de 1957 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 17 janvier 1959.

- Convention relative au statut des réfugiés de 1951 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 22 avril 1954.

- Protocole relatif au statut des réfugiés de 1967 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 4 octobre 1967.

- Convention de l'OIT concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 4 juillet 1950.

- Convention de l'OIT concernant l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective de 1949 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 18 juillet 1951.

- Convention sur les droits politiques de la femme de 1953 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 7 juillet 1954.

- Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1976 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 3 septembre 1981.

- Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 de l'UNICEF. Cette convention est entrée en vigueur le 2 septembre 1990.

Outre ces traités, il convient de signaler qu'Haïti est membre de l'Organisation des Etats Américains (OEA). Par conséquent, elle a ratifié huit des principales Conventions de cette Organisation en matière des Droits de l'Homme, qui constituent des instruments régionaux. Il s'agit de :

- Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme de 1969. Entrée en vigueur le 18 juillet 1978.

- Convention sur l'asile de 1928. Entrée en vigueur le 21 ami 1929.

- Convention sur l'asile politique de 1933. Entrée en vigueur le 28 mars 1935.

- Convention sur l'asile diplomatique de 1954. Entrée en vigueur le 29 décembre 1954.

- Convention sur l'asile territorial de 1954. Entrée en vigueur le 29 décembre 1954.

- Convention sur le statut des étrangers de 1928. Entrée en vigueur le 29 août 1929.

- Convention interaméricaine sur la concession des droits politiques à la femme de 1948. Entrée en vigueur le 17 mars 1949.

- Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la tortue, signée le 13 juin 1986.

- Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme de 1994. Entrée en vigueur le 3 mars 1995.

- Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme (la Convention de « Belém do Pará »), ratifiée le 2 juin 1997.

B- Les instruments institutionnels de protection nationale des Droits de l'Homme

Les institutions qui contribuent à la protection des Droits de l'Homme ne sont pas du même ordre. Il y a des institutions étatiques de protection des Droits de l'Homme, et les institutions non étatiques ou non gouvernementales de protection des Droits de l'Homme. Cela se justifie par le fait que la bataille pour le respect des Droits de l'Homme n'est pas seulement une affaire de l'Etat, mais aussi celle des tous les acteurs, de tous les citoyens de la société. D'où la dimension d'opposabilité des Droits de l'Homme, comprise comme un des principes de cohérence éthique de ces derniers.

1- Les institutions étatiques de protection des Droits de l'Homme

A part les systèmes internationaux de protection des Droits de l'Homme, il y a aussi des mécanismes nationaux de protection de ces derniers. L'adoption des mécanismes de protection des Droits de l'Homme en Haïti résulte d'un effort entamé depuis en 1986 pour l'instauration d'un Etat de droit. L'instauration de ce dernier passe par la création d'un ensemble d'institutions. Parmi ces institutions étatiques, plusieurs ont apporté des contributions importantes à la protection des droits de l'homme telles que:

L'office de la Protection du Citoyen (OPC)

Il s'agit d'une institution créée par la Constitution de 1987 en son article 207 : « il est créé un office dénommé office de la protection du citoyen dont le but est de protéger tout individu contre toutes les formes d'abus de l'Administration Publique ». A ce titre, il est clair que sa création s'inscrit dans la logique consistant à assurer la garantie des droits octroyés par la charte fondamentale. Cet office jouit de l'autonomie administrative. Il est dirigé, selon l'article 207-1 : « par un citoyen qui porte le titre de protecteur du citoyen. Il est choisi par consensus entre le président de la république, le président du sénat et le président de la chambre des députés. Il est investi d'un mandat de sept(7) ans, non renouvelable 49(*)». L'intervention de cet office en faveur de tout plaignant se fait sans aucun frais, et cela est valable pour quelle que soit la juridiction, art. 207-2.

Il est vrai que cette institution a été prévue par la Constitution de 1987, mais ce n'est qu'en 1995 qu'un décret présidentiel a été pris pour instituer l'Office selon la procédure tracée par la constitution. Ses bureaux ont été véritablement ouverts le 4 Novembre 1997 avec la nomination du Docteur Louis E. Roys comme protecteur du citoyen.

L'Office de la protection du citoyen a deux missions principales. Comme il est énoncé dans l'art 207 de la constitution, sa mission première est de protéger les citoyens contre les abus de l'administration en facilitant leurs rapports avec celle-ci, et sa seconde mission concerne le respect des Droits de l'Homme. La compétence de l'Office, selon l'art 14 du décret du 12 Décembre 1995 créant l'OPC, s'étend à tous les ministères et à toutes les institutions sous tutelle d'un ministère, à toutes les institutions autonomes50(*). Le protecteur du citoyen, dans le cadre de ses attributions, reçoit non seulement des plaintes en ce qui concerne le fonctionnement des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales et tout autre organisme chargé du service public, mais aussi il prend part à toutes les activités ayant rapport à la protection des droits de l'homme. Outre cela, aux termes de l'article de 22 du dit décret, le protecteur détient un pouvoir de recommandations et de propositions de réforme pour rendre plus effectifs les travaux de l'Office.

Il faut dire qu'à coté de l'Office de la Protection du Citoyen comme organisme indépendant de l'Etat appelé à garantir, améliorer, protéger les Droits de l'Homme, il y a d'autres institutions étatiques qui prennent en considération la question de la protection des Droits de l'Homme. Parmi lesquelles se retrouvent, entres autres : le Ministère à la condition Féminine et aux Droits de la Femmes, le Ministère de l'Environnement, la Secrétairerie d'Etat à l'Intégration des Personnes Handicapées, L'Office National d'Identification, la police nationale, l'Administration Pénitencière, etc.

Le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la FEMME

Ce ministère a été créé par décret le 8 novembre 1994, qui est l'organe central chargé de concevoir, de définir et de faire appliquer les politiques de l'Etat dans le domaine de la Condition Féminine et des Droits de la Femme. Il a pour attributions principales d'oeuvrer à l'émergence d'une société égalitaire pour ses composantes des deux sexes, d'orienter la définition et l'exécution des politiques publiques équitables à l'échelle nationale.

Le Ministère de l'Environnement

Ce ministère a été créé en novembre 1994. En effet, sa création tend vers la promotion du développement durable et constitue aussi un encouragement certain pour la protection de l'environnement. Et on sait très bien que la protection de celui-ci rentre dans la politique du respect des Droits de l'Homme. D'ailleurs, la troisième génération des Droits de l'Homme est orientée vers l'établissement d'un environnement sein qui inspire un minimum de respect de la dignité humaine.

La Secrétairerie d'Etat à l'Intégration des Personnes Handicapées

Etre handicapé n'implique pas l'effacement de la personnalité, la dignité. Les personnes handicapées doivent être absolument considérées comme des personnes à part entière. C'est dans cette optique que l'Etat haïtien a procédé à la création de la secrétairerie d'Etat à l'Intégration des personnes handicapées. Cette Secrétairerie d'Etat a été créée par Arrêté présidentiel en mai 2007. Elle a pour principale mission d'intervenir en matière de prévention des invalidités et de travailler à l'intégration de cette catégorie de gens.

L'Office National d'Identification

Cet organe, créé par décret en 2005, a pour attribution de procéder à l'identification des haïtiens dès leur naissance et de tenir le Registre National d'Identification, dans la mesure où l'indication des citoyens est une marque de reconnaissance de leurs droits en fonction de leur dignité.

L'Office National de la Migration

L'office national de la migration, créé par décret en mars 1995, placé sous tutelle du Ministère des Affaires Sociales et Travail (MAST), a pour attribution principale d'encadrer les individus refoulés de l'étranger et rapatriés en Haïti pour des raisons économiques.

La Commission Nationale de Lutte contre la Drogue

La Commission Nationale de Lutte contre la Drogue (CONALD), l'Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) et l'Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), sont des entités étatiques qui ont été créées, respectivement, en 2001, en 2004 et en 2005 pour faire face à des crimes entravant la libre jouissance de certains Droits de l'Homme, comme la corruption, le blanchiment d'argent et le trafic illicite des stupéfiants. Cette Commission revêt une grande importance, car en matière de trafic illicite de stupéfiants, il se trouve qu'on peut commettre des crimes financiers, et que ces derniers ne font pas bon ménage avec les Droits de l'Homme. Pour contrer ce phénomène, cette entité étatique mérite d'être absolument renforcée.

2- Les institutions non étatiques de protection des Droits de l'Homme

La défense des Droits de l'Homme n'implique pas seulement la responsabilité de l'Etat, mais également celle de tous les acteurs, de tous les citoyens de la société. En effet, depuis un certain temps, on constate beaucoup d'organisations relevant de la société qui se sont engagées dans la lutte pour la défense des Droits de l'Homme. Ces organisations ont une grande importance. Car elles servent, pour ainsi dire, un contre-pouvoir, en ce qui concerne le respect de ces droits. Dans la majeure partie des cas, leurs actions se situent au niveau de la dénonciation des actes portant atteinte au respect des Droits de l'Homme. C'est le cas de l'Organisation du réseau national de défense des droits humains (RNDDH). C'est une Organisation haïtienne des Droits de l'Homme non gouvernementale à but non-lucratif qui a été créée à New York en 1982 sous l'appellation de Nationale Coalition for Haitian Refugee (NCHR). Cette organisation a joué un rôle matriciel dans l'instauration de la démocratie haïtienne. Elle travaille de concert avec d'autres organisations telles : Plate-forme des Organisations haïtiennes des Droits Humains (POHDH), Centre de recherches sociales et de formation économique pour le développement (CRESFED). Ce dernier intervient surtout dans le domaine de la formation, en particulier auprès du monde étudiant, secteur avec lequel il est le plus en contact. Il est également lié à un certain nombre d'organisations populaires.

En clair, le Réseau National de Défense des Droits de l'Homme (RNDDH) est une organisation qui a contribué au respect des Droits de l'Homme en Haïti. Ainsi, récemment, elle s'est positionnée dans l'affaire de l'ancien dictateur haïtien, Jean C. Duvalier, et dans l'arrestation du député en fonction, Arnel Bélizaire, député de la 49eme législature. Elle qualifie cette arrestation comme un acte arbitraire et inconstitutionnel, et par voie de conséquence, il s'agit des actes relevant de la violation grave des Droits de l'Homme. Et elle qualifie aussi l'ordonnance du juge d'instruction dans l'affaire de J. Claude Duvalier, d'ordonnance de la honte. Elle réalise aussi ses travaux au niveau de la publication des rapports sur les cas de violation des Droits de l'Homme. Et certaines fois, elle fait des propositions pour changer la situation.

En outre, il y a d'autres organisations locales qui mènent aussi la lutte pour le respect des Droits de l'Homme, par exemple le Comité des avocats pour le respect des libertés individuelles (CARLI). Il s'agit d'une organisation non gouvernementale dont la sacro-sainte mission est la lutte pour le respect des droits de l'homme en Haïti. Il a critiqué énergiquement, dans une note rendue publique le 27 octobre 2011, l'arrestation du député en fonction Arnel Belizaire. Cette organisation a considéré cette arrestation comme un acte arbitraire et inconstitutionnel.

Toutefois, le dévouement des ces organisations nationales pour la défense des Droits de l'Homme, leur positionnement et les dénonciations des cas de violation de ces derniers sont beaucoup plus politiques, puisqu'il ne suffit pas de les dénoncer à corps et à cri, il faut, au moins, qu'elles soient en mesure de pouvoir accompagner juridiquement les personnes victimes. Ainsi, on ne retrouve pas vraiment des arrêts rendus soit par les tribunaux de première instance, soit par les cours d'appel ou la cour de cassation en faveur d'une personne dont les droits ont été violés à la faveur d'un support juridique de la part de ces organismes. De ce fait, ils doivent pouvoir accompagner juridiquement les victimes.

Dans l'ensemble, cette première partie de notre travail nous a permis de pouvoir situer le contexte historique de l'émergence des Droits de l'Homme, dans la mesure où ils ne sont pas le fruit d'un heureux hasard, mais de la réunion d'un ensemble de conditions historiques liées à la vie de l'homme en société. Elle nous a permis, en outre, d'asseoir les bases théoriques de ce travail de recherche. Car la question des Droits de l'Homme ne peut pas se réaliser en faisant l'économie des débats théoriques et idéologiques qui ont pu contribuer à leur apparition. Ce sont ces débats théoriques et idéologiques qui ont conduit à l'élaboration des textes internationaux et la mise en branle des systèmes de protection internationale des Droits de l'Homme dont la valeur a pu retentir et retentit encore dans toutes les fibres de la communauté internationale.

Toutefois, tenant compte de la situation critique de l'évolution des Droits de l'Homme, n'y a-t-il donc pas lieu de parler de l'inefficacité des mécanismes de protection et des difficultés d'application des Droits de l'Homme en Haïti ?

SECONDE PARTIE

L'INEFFICACITE DES MECANISMES DE PROTECTION ET LES DIFFICULTES D'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME EN HAITI

Malgré la mise en place de toute une panoplie de mécanismes de protection des Droits de l'Homme tant sur le plan international que national, les Droits de l'Homme ne se portent pas trop bien en Haïti. Nombreuses sont les difficultés qui font obstacle à l'application de ces droits. Et ces difficultés ont une incidence sur l'efficacité des instruments appelés à les préserver de manière effective. Ainsi, cette partie, se divisant en deux chapitres, s'attachera à mettre en évidence les difficultés dues à l'application des Droits de l'Homme en Haïti. Et un regard sera porté sur la situation d'évolution des Droits de l'Homme en Haïti.

CHAPITRE 3

LES DIFFICULTES RELATIVES A L'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME EN HAITI

L'adoption de textes et la mise en place des structures de protection des Droits de l'Homme n'impliquent totalement pas la préservation, voire l'application des Droits de l'Homme. A cet effet, il faut créer des conditions concrètes sans lesquelles l'application de ces derniers peut paraitre très problématique. Aussi, dans ce chapitre, se propose-t-on de mettre le cap sur les difficultés auxquelles se heurte l'application des Droits de l'Homme en Haïti. Ces difficultés se situent à différents niveaux. Il y en a qui sont d'ordre interne, et d'autres d'ordre externe.

SECTION 1 : LES DIFFICULTES INTERNES D'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME

Tout Etat qui a signé et ratifié la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 ou tout autre traité international en matière des Droits de l'Homme se doit de respecter leurs principes. Pour ce faire, il est absolument nécessaire de créer des conditions afin de pouvoir garantir le respect et la jouissance de ces droits pour le bien-être des citoyens. En d'autres termes, l'application de ces droits est fonction d'une série de conditions. Celles-ci sont d'ordre social, économique, culturel et juridique. Or, la question de la protection des Droits de l'Homme en Haïti se déroule, plutôt, dans une ambiance teintée particulièrement de sous-développement, d'inégalités sociales et d'absence d'Etat de Droit. De là, on est amené à être d'accord sur le fait que cette ambiance est incompatible à la réalisation ou à la satisfaction de l'idéal des Droits de l'Homme. Cette incompatibilité de ces derniers par rapport à la vulnérabilité du pays provoque, tout naturellement, des difficultés d'application. Ainsi, cette section s'attachera d'une part, à faire ressortir les difficultés d'ordre sociopolitique et, d'autre part elle mettra l'emphase sur les difficultés d'ordre structurel.

A- Les contraintes d'ordre sociopolitique

Les difficultés sociopolitiques ayant une incidence majeure sur l'application des droits de l'homme sont articulées autour du fait que, d'abord on a comme référence absolue le modèle théorique occidental dont la fragilité est perçue comme une véritable contrainte en matière d'application des Droits de l'Homme dans la réalité haïtienne. Ensuite, il y a une contrainte par rapport au fait que l'application des Droits de l'Homme dans une société ne saurait faire l'économie de l'Etat de droit. Et enfin, on doit considérer aussi la démocratie qui est une condition nécessaire pour la préservation des Droits de l'Homme.

1- Fragilité du modèle occidental

La situation de l'application des Droits de l'Homme en Haïti s'expose à un ensemble de difficultés. L'une des difficultés contre lesquelles se heurte la mise en application de ces droits en Haïti, c'est l'intégration de la conception occidentaliste des Droits de l'Homme dans la réalité socioculturelle du pays. L'Europe, dans son processus de colonisation, a imposé sa vision des choses aux colonisés. Ainsi, sa culture exerce une grande influence sur ceux-ci. En matière des droits de l'homme, elle postule l'idée d'universalité de ces droits. Cette universalité réside dans ce que la nature de l'homme est la même partout. A ce propos, le professeur Patrice Meyer-Bisch, dans son oeuvre «  Présentation systémiques des droits humains », avance qu'il y a trois(3) conditions logiques qui impliquent les principes de cohérence éthique des droits de l'homme. La première est l'universalité, dans la mesure où ces derniers postulent la prise en compte de la dignité de la personne humaine indépendamment de sa race, sa classe, sa nationalité, etc. Néanmoins, cette conception ne met pas en exergue certaines particularités qui varient d'une société à une autre. Et cette vision universaliste des droits de l'homme correspond à ce que Amartya Sen qualifie de « l'impérialisme culturel 51(*)». La deuxième, c'est l'indivisibilité des droits de l'homme. Elle sous-entend que ceux-ci sont indivisibles, et la violation de l'un implique automatiquement celle de l'autre. Et la troisième, c'est l'opposabilité qui, elle, traduit la reconnaissance de la responsabilité de tous les individus et de tous les acteurs sociaux dans le respect de ces droits.

En effet, cette vision occidentaliste des Droits de l'Homme qui nous est imposée doit être mise à l'écart eu égard au contexte de sous-développement de notre pays. Haïti est un pays ayant sa propre culture, sa réalité sociale. Ce qui veut dire que comprendre la question des Droits de l'Homme en Haïti implique de prendre en compte ses particularités socioculturelles. Or, cette conception occidentalisante vis-à-vis de ces droits ne fait aucun cas des singularités culturelles de chaque pays. Il y a aussi un autre problème qui mérite d'être signalé, celui du taux de l'analphabétisme en Haïti. Il est l'un des handicaps majeurs susceptibles d'empêcher toute intégration de cette conception dans la réalité socioculturelle haïtienne qui lui est étrangère. Car le niveau d'éducation, la sagacité intellectuelle des citoyens a une grande importance tant dans la conscience de l'existence de ces droits que dans la manière de les revendiquer. Il se trouve que bon nombre de pays de l'Europe, par exemple l'Allemagne, la France, etc. n'ont pas non seulement la même culture que nous, mais encore ils ne sont pas confrontés à ce genre de problème d'éducation. Contrairement à Haïti, ils sont des pays développés. En se bornant à l'essentiel, il faut remettre en question l'impérialisme occidentaliste des Droits de l'Homme par rapport à la réalité sociopolitique haïtienne. Ces droits sont encadrés par un ensemble de facteurs dont les facteurs anthropologiques prenant en compte leur dimension culturelle. Bref, Haïti ne remplit pas les conditions pour accueillir dans ses bras la conception occidentaliste des Droits de l'Homme. Il faut opérer une rupture avec cette vision du monde pour pouvoir élaborer une théorie qui nous est propre, capable de saisir les différentes dimensions de notre réalité socioculturelle.

2- Etat de Droit

L'Etat de Droit est une invention des hommes, c'est un fait culturel prenant la forme d'une convention. Cette invention des hommes est née, dans la perspective de Jacques Chevalier52(*), dans le champ juridique pour répondre au besoin de systématisation et à l'impératif de fondation du droit public. Il continue pour dire que la notion d'Etat de Droit est une production doctrinale, car elle émane de ces interprétations autorisées, agents actifs de systématisation, chargées de reconstruire la réalité juridique sous la forme d'un ensemble cohérent, intelligible et rationnel.

L'Etat de Droit est une théorie à laquelle les Etats démocratiques et libéraux font référence pour asseoir le pouvoir politique. Toutefois, il s'agit d'une théorie que l'on ne saurait enfermer dans une seule perspective théorique. Ainsi, l'appréhension de cette théorie met en confrontation plusieurs conceptions. Cette théorie est saisie par Jacques Chevalier à partir de trois dimensions : «  d'abord, elle est posée comme l'Etat qui agit au moyen du droit, en la forme juridique, ensuite, comme l'Etat qui est assujetti au droit, et enfin, comme l'Etat dont le droit comporte certains attributs intrinsèques53(*) ».

La théorie de l'Etat de Droit, d'après Bernard Chantebout, repose sur trois éléments fondamentaux : encadrement juridique du pouvoir, l'indépendance de l'autorité juridictionnelle, une philosophie humaniste et libérale.

Encadrement juridique du pouvoir

Il ne peut y avoir un Etat de Droit que si le pouvoir politique s'exerce par les voies du droit. Pour cela, il faut qu'il y ait un réseau normatif et une hiérarchie des normes. Ces derniers servent de cadre référentiel pour contrer toute forme de pratique politique arbitraire.

Indépendance de l'autorité juridictionnelle

L'indépendance de l'autorité juridictionnelle est une garantie considérable contre l'arbitraire du pouvoir et permet aussi la réalisation de sa limitation. Cela fait ressortir bien évidemment la théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu : pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Ces trois pouvoirs constituent ce qu'on appelle le triangle de Bermudes : le triangle de la mort, le triangle de la disparition. Il faut absolument les respecter. Or en Haïti, il n'y a pas vraiment un respect de cette fameuse théorie, c'est-à-dire qu'il n'y a pas cette indépendance du pouvoir judiciaire. Le pouvoir exécutif et le pouvoir judicaire se confondent parfois. Cet irrespect occasionne bon nombre de cas de violation des Droits de l'Homme.

Une philosophie humaniste et libérale

Cette philosophie implique que l'Etat de Droit n'existe pas parce qu'il y a un réseau de normes hiérarchisées, et une indépendance des autorités juridictionnelles, mais il existe lorsque le réseau de celui-là accorde la préséance à la dignité et au mieux-être de la personne humaine. L'Etat n'est pas une fin en soi, mais un instrument de rationalisation des rapports entre les membres de la société en vue de favoriser l'épanouissement de celle-ci et de la liberté, et surtout un instrument au service du bien commun, et que tout Etat démocratique et pluraliste doit être fondé sur un corps de principes fondamentaux qui confirment et affirment les libertés et les droits des citoyens.

Il est vrai que la constitution haïtienne de 1987, instrument d'organisation de la société et de répartition des pouvoirs, consacre ces principes pour pouvoir établir la base d'un véritable Etat de Droit. Mais ce dernier n'est pas respecté dans son intégralité, puisqu'il y a des actes qui ont été perpétrés en dehors de l'Etat de Droit. Michel Forst, spécialiste en Droits de l'Homme, semble avoir raison quand il avance :

«  Le président Martelly a fait de l'Etat de droit l'une des priorités pour son mandat, mais la mise en oeuvre de l'Etat de droit devrait être une action de nature profondément politique permettant de dépasser les décisions purement techniques pour lesquelles les diagnostics ont été posés depuis longtemps. Gouverner, c'est aussi envoyer des signaux politiques. La population a besoin de voir que l'Etat de droit est en marche en Haïti 54(*) ».

Cela signifie tout naturellement que le respect des principes des Droits de l'Homme n'est pas totalement pris en compte dans le pays. Car l'Etat de droit est un axiome incontournable en matière de respect de ces droits. Donc l'instauration d'un Etat de Droit est un rempart susceptible de préserver l'idéal des Droits de l'Homme dans un pays comme Haïti.

Malgré les faiblesses qu'accuse le fonctionnement de l'Etat de Droit en Haïti, il faut souligner que bon nombre de progrès importants ont été faits. Par exemple, la mise en place du Conseil supérieur du Pouvoir Judiciaire est une importante contribution en vue de renforcer ce dernier (CSPJ).

3- Démocratie

Le concept de démocratie est central dans les discours politiques de nos jours. Mais, il s'agit, se parant d'une phraséologie idéologique, d'un concept dont les idées remontent à l'antiquité gréco-romaine, plus particulièrement à la tradition philosophico-politique de la civilisation de la Grèce antique. Car ce sont les grecs d'Athènes qui ont eu à expérimenter les premières formes de la démocratie. A cette époque, certes, cette démocratie a été fortement restreinte, d'autant que toutes les catégories sociales athéniennes n'ont pas su pouvoir charrier toutes les charges de leurs revendications, même si à certains égards, on savait recevoir nombreuses manifestations populaires à l'Agora55(*).

La notion de démocratie est très récurrente, voire omniprésente dans les discours politiques modernes au point d'être considérée comme un élément incontournable dans tout projet de société. Et cela rend délicate toute tentative de la circonscrire dans un sens précis, étant donné qu'elle est de nature à subir, au fil de l'évolution du temps, des transformations ou du moins des appréciations sémantiques différentes. En effet, c'est au 18e siècle, plus précisément avec la philosophie des Lumières qu'un nouveau système de valeurs allait surgir. C'est-à-dire, on avait assisté à une théorisation beaucoup nette et nuancée de la démocratie. Cette philosophie qui a favorise théoriquement celle-ci se fonde, en grande partie, sur la liberté, l'égalité et la tolérance. Ce sont trois valeurs cardinales autour desquelles gravite la philosophie des Lumières.

La notion de démocratie est investie de plusieurs sens. Cela est dû aux différentes perspectives définitionnelles à partir desquelles on va l'appréhender. La première appréhension de la démocratie s'inscrit dans la vision de Philipe Ardant. Pour lui, « elle est une construction théorique cohérente englobant aussi bien des aspects sociaux et économiques que politique dans la vie nationale. Elle est une méthode de gestion de pouvoir, un régime politique fondé sur le principe postulant que la souveraineté appartient à l'ensemble des citoyens56(*) ». Ensuite, elle est aussi saisie par Georges Lavau, politologue français, comme :

« Un régime qui, dans l'organisation politique, se conforme au principe selon lequel le pouvoir souverain n'appartient qu'au peuple (chaque individu composant ce peuple détenant une parcelle égale de souveraineté). Par des votes librement exprimés et non attachés de fraude, la majorité des votants, directement ou par ses représentants élus, est la source de toutes les décisions publiques liant l'ensemble de la communauté57(*) ».

Ces deux approches s'inscrivent dans la même logique : la prééminence populaire dans l'instauration d'un pouvoir politique. Ces approches ne font que se rejoindre à la définition d'A. Lincon de la démocratie, bien qu'elle soit d'une grande ambigüité sémantique : « le  gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

En effet, il y a deux grandes conceptions de la démocratie : la conception classique et la conception marxiste.

La conception classique de la démocratie

La conception classique de la démocratie, c'est la conception occidentale traditionnelle, imposée comme modèle de pensée capable de mieux comprendre la démocratie. Ce mode d'organisation gouvernementale se repose sur le fait que celle-ci est socialement et économiquement neutre, et donc peut coexister avec un ordre économique capitaliste aussi qu'avec un ordre économique collectif. Elle est saisie par Kelsen comme « une certaine méthode de création de l'ordre social et non pas une organisation sociale déterminée58(*) ». En outre, l'exercice de la démocratie suivant ce modèle théorique, c'est qu'elle suppose la prise en compte d'un ensemble d'éléments constituant des conditions indispensables (la liberté politique, c'est d'ailleurs l'un de ses points d'ancrage, le libéralisme politique, le principe majoritaire) et des conditions favorables (l'éducation et la formation). Ces dernières facilitent son bon fonctionnement. Dans la même intention, d'après Pierre Pactet, « Un choix ne peut être éclairé que s'il est le fait d'un citoyen conscient, apte à confronter les programmes et les raisonnements, ayant par conséquent un acquis culturel et informé de manière suffisamment objective par les moyens habituels de communication59(*) ». Or, en Haïti, il n'y a pas ce que le professeur L.F Manigat appelle « une ambiance démocratique ». Car les gens n'ont pas véritablement un niveau d'éducation. Ce manque représente un blocage pour une compréhension rationnelle de la démocratie, et cela entraine aussi une inertie de la conscience citoyenne. Cette situation résulte du taux exagéré d'analphabétisme en Haïti. Les pays développés comme la France, les Etats Unis, etc. ne sont pas confrontés à ce genre de problème. De ce fait, ils sont beaucoup plus aptes à adopter cette conception de la démocratie contrairement à Haïti.

La conception marxiste de la démocratie

Le marxisme est une méthode de pensée de grande précision et de grande complexité. Mais il s'agit d'une complexité qui est porteuse d'une simplicité, car elle vise purement et simplement à l'émancipation de l'homme dans la société dont la conscience humaine est estropiée et calcinée par les flammes du capitalisme. En effet, le marxisme est une doctrine matérialiste, parce qu'il ne croit pas en une nature humaine transcendante et abstraite, d'où découleraient les Droits de l'Homme. C'est pourquoi, il rejette d'un revers de main la question des droits naturels. En outre, le marxisme est un matérialisme historique : il croit que les hommes et les sociétés sont le produit d'un mouvement dialectique animant l'histoire (Gilles Lebreton)60(*).

Cette conception s'oppose diamétralement à la conception occidentale de la démocratie. Pour les marxistes, la démocratie n'est pas socialement neutre, mais suppose un ordre économique collectif. Le capitalisme permet une démocratie formelle, mais non réelle. Car, de l'avis de Lénine, « la démocratie bourgeoise capitale n'est qu'une démocratie pour une minorité infime, une démocratie pour les riches61(*) ». Fort de cela, l'essentiel n'est pas de respecter les libertés puisqu'elles sont des privilèges d'une minorité, mais de créer, même par la contrainte, les conditions sociales de la libération par la révolution. Donc, cette conception marxiste de la démocratie se veut être à la fois destructrice et constructive. Destructrice parce qu'elle oppose à la conception occidentale qui est incapable d'aboutir à une vraie démocratie, mais une démocratie illusoire. Constructive dans la mesure où elle tend vers une démocratie réelle, celle, bien entendu, qui conduira à la réalisation de l'émancipation humaine. Pour ce faire, il faut construire une société sans classe pour conquérir la démocratie réelle.

Il y a aussi une troisième conception de la démocratie, mais qui n'est qu'un essai de synthèse des deux premières : la démocratie économique et sociale. Cette démocratie s'oriente vers une philosophie qui s'inscrit dans la redistribution de la richesse et des revenus.

Mais parmi ces deux conceptions de la démocratie, laquelle se révèle plus commode pour la réalité haïtienne ? Il s'agit d'une question dont la réponse peut se révéler problématique. Toutefois, la conception occidentale semble ne pas correspondre à la réalité haïtienne. Et ce pour plusieurs raisons. D'abord, la culture occidentale est différente de la nôtre. Il s'agit d'une conception importée. Car cette démocratie prônée en Haïti ne permet pas la transformation positive des structures économiques et sociales. On oserait même dire que la démocratie libérale est la consécration d'une mise à mort de conscience humaine. Elle engendre beaucoup plus d'inégalités sociales dans la mesure où sous le contrôle du capitalisme pour l'homme n'est pas être doté d'une dignité absolue, mais un simple moyen afin de maximiser les profits. C'est pourquoi certains auteurs privilégient la conception marxiste. Celle qui peut permettre à l'individu de pouvoir revendiquer consciemment les conditions sociales pour la réalisation réelle de sa liberté, de sa dignité ; celle qui ne favorise pas seulement l'émancipation politique, mais également l'émancipation humaine ; et celle qui forme la conscience critique des citoyens pour qu'ils puissent devenir des hommes responsables dans la cité.

B- Les contraintes d'ordre structurel

Les contraintes structurelles susceptibles de faire échec à l'application des Droits de l'Homme peuvent varier d'un pays à l'autre. Ainsi, en Haïti elles peuvent s'identifier, d'abord à partir de la situation de crise dont souffre le pays. Ensuite, le fonctionnement du système judicaire haïtien est une variable permettant de comprendre ce problème d'application des Droits de l'Homme. Et enfin, l'état de sous-développement du pays peut s'interpréter comme facteur de contrainte à une vraie application des Droits de l'Homme en Haïti.

1- La situation de crise du pays

Pour bien comprendre la situation de crise à laquelle est confrontée la société haïtienne, il faut s'attarder à essayer de définir la notion de crise. Le terme crise, étymologiquement, désigne la manifestation grave d'une maladie. Ce terme appartient au langage médical. A cet effet, il traduit un changement rapide et grave intervenant dans l'état de santé d'un malade ou d'une personne apparemment en bonne santé. Par exemple, crise cardiaque. Toutefois, il faut dire que ce terme ne révèle pas seulement du langage médical, mais aussi d'autres domaines comme psychologie, politique, etc. La notion de crise, transposée dans le domaine des sciences sociales, change de contenu sémantique. Ainsi, elle est définie comme un événement social ou personnel se caractérisant par un paroxysme des souffrances, des contradictions ou des incertitudes. Ces dernières peuvent produire des explosions de violence ou de révolte. La crise est une rupture d'équilibre. Selon Jeanine Bremond et Alain Genedan, «  il y a crise quand les groupes, les individus, les institutions mettent en question les normes, les règles et les valeurs, et que des groupes s'organisent pour bouleverser l'ordre ancien 62(*)». Cela sous-entend que cette attitude de vouloir chambarder le système est la traduction des souffrances morales des gens qui veulent avoir un changement par rapport à leur situation sociale d'existence. C'est dans ce sens que nous interprétons la réalité de crise que vit le pays de nos jours.

En effet, la situation de crise à laquelle est confrontée Haïti peut s'expliquer de différentes manières. D'une part, elle peut s'expliquer par la fragmentation de la société et, d'autre part, par un mauvais fonctionnement des institutions.

La société haïtienne est une société qui se structure en classe, dans la mesure où il y a une catégorie de gens dont les conditions matérielles d'existence ne ressemblent en rien à celles des autres : les dominés, la masse populaire. Une telle catégorisation suppose que cette société est calcinée par les flammes des inégalités, comprises comme facteur de déséquilibre social. Cela sous-entend que la dynamique dans laquelle s'installe la société haïtienne engendre déjà des nuisances à son harmonisation. Ce qui provoque, tout naturellement, la fragmentation de la société.

Avant d'arriver plus loin, une précision définitionnelle de la notion de fragmentation sociale s'impose. Selon Taylor : « La caractéristique d'une société fragmentée est l'inaptitude de plus en plus grande des gens à former un projet commun et à le mettre à exécution. La fragmentation survient lorsque les gens en viennent à se concevoir eux-mêmes de façon de plus en plus atomiste, autrement dit, de moins en moins liés à leurs concitoyens par des projets et des allégeances communes63(*) ». Et il enchaine pour dire, dans la même lignée, que :

« Une société fragmentée est celle dont les membres éprouvent de plus en plus de mal à s'identifier à leur collectivité politique en tant communauté. Cette faible identification reflète peut-être une perspective atomiste qui mène les gens à considérer la société de point de vue purement instrumental. Mais elle accentue aussi cette perspective atomiste parce que l'absence de perspectives partagées renvoie les gens à eux-mêmes64(*) ».

Partant de ces considérations, combien saisissantes et ahurissantes, on peut se mettre d'accord sur le fait que la société haïtienne est traversée par de fortes tendances individualistes. En ce sens, c'est la théorie du sauvetage individuel qui s'impose comme loi de fonctionnement. Il y a une espèce de syntaxe de raisonnement collectif par rapport à cela. Qui plus est, c'est que nombreux sont les gens qui trouvent un certain confort dans cette tendance individualiste, perçue comme un signe de désarticulation des tissus sociaux, donc de membres de la société, car ils ne croient pas qu'ils doivent apporter leur pierre afin que puisse s'exalter l'odeur de l'instauration de la philosophie du contrat social dans tous les compartiments de la société.

Par ailleurs, il convient de préciser qu'il y a aussi une crise institutionnelle dans le pays. Cette crise se cristallise par un besoin qui consiste à transformer les institutions du pays. Car la bonne organisation d'un pays réside non seulement dans l'élaboration des règles et des principes, mais encore dans l'efficacité de ses institutions. Si elles sont créées pour desservir les citoyens, ces derniers doivent avoir confiance en elles. Or, les instances de l'Etat haïtien, dans leur fonctionnement, ne sont pas en mesure de satisfaire les besoins de la population, si non elles amplifient davantage son lot de frustrations. Tout ceci témoigne de la défaillance de l'Etat dans la prise en charge de ses responsabilités. Cette défaillance occasionne une méfiance généralisée à l'égard des institutions étatiques. L'une des institutions étatiques qui est toujours l'objet des allégations de corruption, c'est l'institution de la justice.

En se bornant à l'essentiel, la fragmentation de la société haïtienne et sa crise institutionnelle ne favorisent pas un climat de tranquillité pour l'application des Droits de l'Homme. Car, on ne cesse de le réitérer, l'application de ces derniers est fonction d'un ensemble de conditions sociales. Toute politique tendant vers l'application de ces droits doit chercher d'abord à prendre en compte le niveau de développement du pays en question.

2- Le système judiciaire haïtien

L'organisation de la société suppose l'articulation d'un ensemble de principes entre eux. L'un des principes fars qui préside à l'organisation rationnelle de la société, c'est celui du respect de l'autre. Pour ce faire, il faut qu'il y ait la justice, dans la mesure où quand on pense au rapport des citoyens dans la société, cette dernière doit être absolument prise en considération. A ce titre, Alain avance cette idée :

« La justice se présente d'abord comme la règle qui préside aux rapports mutuels des citoyens à l'intérieur de la cite. Elle prend alors un aspect objectif, en permettant de qualifier les lois, sentences et châtiments de justes ou injustes. Elle préside, sous forme de justice distributive, à la répartition des charges et des dignités à l'intérieur de la société, ou, sous forme de justice commutative, aux échanges économiques notamment, selon le principe d'égalité65(*) ».

Outre cela, la logique même de la philosophie du contrat social se fonde sur le fait que les individus ne devraient adhérer à un projet de société que s'ils sont assurés d'être traités de manière très équitable. C'est, au juste, cette relation d'équité qui place les individus dans une situation de confiance par rapport à leur dignité. Cela veut dire que si au départ ils ont le sentiment que leurs droits et leur dignité vont être violés, ils n'accepteront pas de s'engager dans ce projet.

Cette considération nous conduit à saisir l'importance de la notion de justice, comme véritable instrument rationnel qui alimente la relation des hommes dans la société. Toutefois, pour s'assurer qu'il y ait une société de justice, il faut avoir un ensemble d'institutions destinées à la distribuer. D'où la nécessité d'établir un système judiciaire. Haïti ne s'y échappe pas. En fait, le système de justice haïtien est un dérivé d'un système romano- germanique, plus précisément, il se structure suivant le modèle de la France. Il est prévu dans la Constitution de 1987 trois pouvoirs : exécutif, législatif et judicaire. Le système judiciaire haïtien constitue un ordre juridictionnel qui se présentant sous une forme pyramidale : Cour de Cassation, c'est la cour suprême, elle se trouve au sommet de la pyramide, les cours d'appel, les tribunaux de première instance, les tribunaux de paix et les tribunaux spéciaux sont au bas de l'échelle. A cela il convient d'ajouter la mise sur pied du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) qui est un organe susceptible de renforcer du système judiciaire haïtien. Ce Conseil est entré en vigueur le 3 juillet 2012 par la prestation de serment de ses membres.

En fait, le système judiciaire d'un pays est partie prenante dans la logique de la cristallisation de la philosophie des Droits de l'Homme. C'est l'endroit idéal à partir duquel il faut partir pour apprécier l'application réelle et effective de ces derniers. C'est le centre névralgique même du respect des Droits de l'Homme. De ce point de vue, l'application de ces derniers repose sûrement sur la manière dont le système judiciaire du pays est organisé. Or, le système judiciaire haïtien est caractérisé par une défaillance absolue. Autrement dit, il est en crise. Cette crise, elle nait du sentiment généralisé de méfiance dans la justice haïtienne de la part des justiciables. Comme on vient de le voir, cette crise se caractérise par un besoin de transformation et de reforme de ce système de justice qui accuse une défaillance déconcertante pour n'être pas en mesure de distribuer efficacement et équitablement la justice. De plus, la défaillance de ce système judiciaire s'explique par une situation de non indépendance et de non autonomie des juges qui, dans la plupart du temps, agissent sous le contrôle du pouvoir exécutif et législatif. Cette pression ne saurait ne pas contrevenir à une distribution saine de la justice. Ce type de pression peut provenir en premier lieu de certains membres du gouvernement ou encore d'autorités locales représentées par les délégués, vice-délégués, ou autres. Ils agissent ainsi pour protéger non seulement leurs intérêts politiques mesquins, mais également les intérêts de leurs partisans. Il y a des pressions qui peuvent être exercées par la majorité de la population quand un juge est saisi d'une affaire. Ce qui est, sans nul doute, une conséquence logique et directe de la méfiance des justiciables dans la justice haïtienne, et par rapport à la tendance des juges à concevoir la justice comme un produit exposé à la vente aux enchères.

En conséquence, cette situation d'extrême inquiétude, on doit la changer, c'est dire qu'il faut repenser ce système judiciaire, surtout la justice pénale haïtienne, car elle est incompatible au respect et à l'application des Droits de l'Homme. Pour ce faire, les magistrats doivent être conscients de leur responsabilité, malgré les pressions politiques. Les magistrats, à part les pressions politiques, doivent cesser cette affaire d'exiger une somme d'argent en ce qui concerne la descente sur les lieux. C'est une sorte de commercialisation de la justice. Sans cette volonté, ils n'auront pas leur place dans le concert des grands où les plus belles oeuvres seront les plus belles chansons à entonner.

3- L'état de sous-développement du pays

Il y a une étroite relation entre le développement durable et les Droits de l'Homme. A coté du développement durable, ces derniers constituent l'un des grands thèmes des objectifs du millénaire pour le développement. Cela veut dire que le niveau de développement d'un pays a une répercussion directe sur la mise en application des Droits de l'Homme. C'est le développement d'un pays qui crée les premières conditions de matérialisation de ces derniers, puisque le respect de la dignité humaine implique nécessairement que les besoins matériels élémentaires de l'être humain doivent être satisfaits. En un mot, si le pays est sous-développé, l'application de ces droits s'avère très fragile. En effet, Haïti est, de nos jours, l'une des illustrations les plus conventionnelles et plus vivantes de ce que l'on appelle le sous-développement. D'ailleurs, selon le dernier classement publié le 2 novembre 2011 sur le développement humain par le Programme des Nations Unies pour le Développement, « Haïti est classé 154eme sur un total de 187 pays sélectionnés comme l'un des pays les plus sous-développés66(*) ». C'est aussi le seul pays moins avancé (PMA) du continent américain. Bien avant de s'attarder sur les différentes caractéristiques du sous-développement, il ne serait pas superfétatoire d'essayer de définir le concept de sous-développement.

Le concept de sous-développement est traversé par une sorte de tension sémantique dans la mesure où les définitions qui lui sont attribuées sont toujours l'objet de grands débats. Donc, c'est une notion dont la définition se révèle difficile. Cette difficulté réside dans le fait que les auteurs qui la définissent sont d'horizons idéologiques divers.

René GENDARME a su recenser plus d'une vingtaine de définitions en ce qui a trait à la notion de sous-développement dont les unes différentes des autres. Cette notion a été, en effet, employée pour la première par Harry Truman, président des Etats-Unis en 1945 :

« Il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et de notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la croissance des régions sous-développées. Plus de la moitié des gens dans le monde vit dans des conditions voisines de la misère. Ils n'ont pas assez à manger. Ils sont victimes de maladies. Leur pauvreté constitue un handicap et une menace, tant pour eux que pour les régions les prospères67(*) ».

Cette citation de Truman témoin d'un grand sentiment de solidarité envers les pays pauvres pour pouvoir les aider à contrer la misère qui battait son plein dans ces pays, surtout après avoir subi les atrocités de la seconde guerre mondiale en 1945. Le concept de sous-développement est également perçu par Jean FREYSSINET comme «  un processus évolutif caractérisé essentiellement par ce désajustement fondamental et totalement nouveau entre la croissance démographie et la situation relative des ressources et caractérisé secondairement par des épiphénomènes non permanents68(*) ». A l'inverse, dans la vision de Georges Anglade, géographe haïtien, le sous-développement «  est la déformation de la vie socio-économique d'un pays par la relation de dépendance qu'il entretient avec d'autres pays du point de vue du commerce, des finances et de la politique69(*) ». Et Yves Lacoste, géographe français, de surenchérir en faisant ressortir, de manière explicite, tout un ensemble de caractéristiques à partir desquelles on peut arriver à identifier un pays sous-développé70(*):

1) Fort taux d'analphabétisme, graves déficiences des populations, maladies de masse, forte mortalité infantile.

2) Industrialisation restreinte et incomplète.

3) Forte proportion de croissance urbaine.

4) Forte proportion de l'agriculture à basse productivité.

5) Hypertrophie et parasitisme du secteur tertiaire.

6) Faiblesse du produit national par habitant.

7) Agriculture de subsistance.

8) Economie extravertie.

9) Situation de subordination économique.

10) Très violentes inégalités sociales.

11) Ampleur du chômage et de sous-emploi, travail des enfants

12) Dislocation des structures économiques et sociales.

13) Ampleur de la croissance démographique.

14) Prise de conscience et situation en pleine évolution.

15) Secteur informel démesuré.

En effet, ces critères établis par Lacoste, on les retrouve dans la quasi-totalité des pays tiers-mondistes, c'est-à-dire des pays sous-développés dont Haïti est l'une des illustrations les plus incontestables. Haïti semble, à elle seule, réunir toutes ces caractéristiques : subordination économique, pauvreté extrême, inégalités violentes, taux élevé d'analphabétisme sont, entre autres, des indices qui témoignent du degré de sous-développement du pays. Le taux d'analphabétisme en Haïti, selon Leslie Péan, s'élève à « 57% environ71(*) », c'est-a-dire 57% de la population ne sait ni lire ni écrire en ce 21e siècle, lequel taux d'analphabétisme est le plus élevé de la Caraïbes. Mais, l'un des problèmes les plus frappants, c'est que l'Etat haïtien, depuis sa création, est incapable non seulement de transformer positivement la société, mais encore d'assurer un minimum de bien-être pour ses fils et filles. La grande partie de la population haïtienne vit dans une situation de détresse monstrueuse et de pauvreté absolue. De l'avis de François Perroux, la pauvreté absolue «  est déterminée par le niveau au-dessous duquel les besoins primaires ne sont pas satisfaits72(*) ». Dans le même sens, Robert Mc Namara a fait remarquer aussi que «  la pauvreté absolue est une condition d'existence sordide tellement avilie par la maladie, l'analphabétisme et la malnutrition que ses victimes se voient privées de ce qui est essentiel à la dignité humaine73(*) ». Il est clair que les Droits de l'Homme sont consubstantiellement liés à la situation socio-économique du pays dans lequel ils sont appelés à être appliqués ; en d'autres termes, le niveau de développement d'un pays a une incidence sur l'efficacité de la mise en application des Droits de l'Homme. Or, Haïti est confrontée à une grave crise de développement, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un pays où il y a une situation de misère noire ; les conditions matérielles d'existence de la grande majorité des haïtiens offense le principe du respect de la dignité humaine comme on vient de le signaler. A cet effet, Gedeon Jean avance que :

« On ne pourra jamais parvenir à une société démocratique et respectueuse des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la bonne gouvernance, l'Etat de droit, la reconstruction effective d'Haïti si l'on accepte la dictature de l'extrême pauvreté comme étant la norme. Donc, il est crucial que la situation d'extrême pauvreté qui prédomine en Haïti soit déverrouillée. Car, l'avenir d'une société démocratique ne saurait se construire dans une société qui se résigne à accepter qu'il y ait deux catégories d'hommes : les pauvres plus de 80% et les autres74(*) ».

Cette dernière phrase montre de façon non équivoque l'épaisseur de l'inégalité sociale, l'une des caractéristiques fondamentales des pays sous-développés, qui traverse le pays. Cet état de fait ne fait que fragiliser tout processus qui tend vers l'émancipation de la dignité des haïtiens et la préservation des valeurs des Droits de l'Homme. En substance, cette de pauvreté absolue, qui saccage quotidiennement la vie des haïtiens, qui érode la cohérence sociale, qui écrase la conscience et l'humanité de la masse populaire, peut aller jusqu'à entrainer un génocide social.

Toutefois, de manière objective, à cotés des difficultés internes d'application des Droits de l'Homme évoquées, n'y a-t-il pas utile de considérer aussi certaines difficultés externes relatives à la non application des Droits de l'Homme en Haïti ?

SECTION 2 : LES DIFFICULTES EXTERNES D'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME

Les difficultés de l'application des Droits de l'Homme en Haïti ne se retrouvent pas seulement sur le plan interne, mais également sur le plan externe. Sur le plan externe ces difficultés se manifestent au niveau des mécanismes de protection des Droits de l'Homme. En outre, il y a une espèce d'hypocrisie de la part de la communauté internationale qu'il sied de considérer dans le processus de l'élucidation des difficultés d'application des Droits de l'Homme en Haïti.

A- Au niveau des mécanismes de protection des Droits de l'Homme

Les mécanismes de protection des Droits de l'Homme se révèlent très importants, puisque l'idée même de l'internationalisation de ces derniers témoigne d'un souci éloquent de la reconnaissance de la dignité de la personne humaine. Toutefois, cette reconnaissance de ces droits par la mise en évidence des mécanismes parait être complexe. Cette complexité ne représente pas vraiment un problème, mais le plus grand des problèmes, c'est le fait que la grande majorité des citoyens ignore la procédure à mettre en oeuvre pour qu'ils puissent saisir les cours internationales au cas on aurait été victime des cas de violations graves des Droits de l'Homme. Ces mécanismes internationaux de protection des Droits de l'Homme sont inefficaces aussi par le fait d'une absence de mesures coercitives à être appliquées contre les Etats ou les auteurs mêmes ayant posé des actes contraires au respect de ces droits. La limitation de la portée des décisions des instances internationales en matière des Droits de l'Homme est à prendre en compte également.

1- La méconnaissance de la procédure de saisine des instances internationales

Il y a des personnes dont les droits sont violés qui ne savent pas à quel saint se vouer, surtout quand ils ne peuvent pas trouver des réponses satisfaisantes de la part des autorités de leur pays. Ces personnes peuvent obtenir de l'aide auprès de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme, par exemple, en déposant des pétitions. D'ailleurs, c'est l'une des missions principales de cette Commission : donner suite aux pétitions des personnes, des groupes de personnes ou des organisations qui allèguent des cas de violations des Droits de l'Homme commis par les pays membres de l'OEA. Toutefois, pour que ces pétitions puissent être reçues, il faut se conformer à une procédure. En effet, celle-ci est définie comme « l'ensemble des formalités qui doivent être suivies pour soumettre une prétention à un juge75(*) ». Cela sous-entend que l'on doit respecter un ensemble de conditions, lesquelles assurent la recevabilité du dossier : 

« 1-Il doit s'agir d'une allégation de violation par un Etat des droits consacrés dans la convention américaine, dans déclaration américaine, etc.

2-Le requérant doit avoir épuisée tous les recours judiciaires disponibles dans l'Etat où la violation a été perpétrée, et la pétition doit être présentée à la commission dans les six mois suivants la date de la notification de la décision finale relative à l'affaire par le tribunal national. Ainsi l'expression « épuiser tous les recours internes » signifie qu'avant le recours à la commission, l'affaire doit avoir été introduite devant les tribunaux ou devant les autorités compétentes du pays concerné, sans résultat positif.

3-La pétition ne doit pas être pendante dans le cadre d'une autre procédure internationale, dont celle du comité des Droits de l'Homme de l'organisation des nations unies76(*) ».

Cette procédure, bien qu'elle paraisse relativement simple, est méconnue par bon nombre de citoyens haïtiens. Car nombreux sont les haïtiens dont les droits sont quotidiennement violés qui ne connaissent pas cette procédure. En effet, la possibilité qui leur est offerte pour porter plainte quand leurs droits sont violés et pour les faire valoir n'implique la résolution du problème. Il reste intact. Donc, cette situation de méconnaissance laisse une porte ouverte à la violation des droits fondamentaux du citoyen haïtien. En ce sens, on doit prendre des mesures pour informer la population haïtienne de cette procédure, et la sensibiliser sur son importance qui, certaines fois, est méconnue même par les professionnels du droit en Haïti.

2- L'absence des mesures coercitives

A coté de la méconnaissance de la procédure pour saisir ou porter plainte, dans le cadre d'une violation des Droits de l'Homme, devant la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme, ou par devant d'autres instances internationales s'occupant de ces derniers, il y a une absence de mesures coercitives à appliquer contre les Etats auxquels on reproche des cas de violations de ces droits. Car quand un pays est accusé de violations des Droits de l'Homme, après jugement, s'il est coupable, on ne se contente que de lui administrer des remontrances morales, sans pour autant prendre de mesures drastiques jusqu'à le condamner pour dédommager la victime. Cependant, l'exception faite au système interaméricain de protection des Droits de l'Homme, puisqu'il peut exiger d'un Etat commettant de violations des Droits de l'Homme un dédommagement par l'entremise de la Cour Interaméricaine de Droits de l'Homme. C'est le cas du jugement rendu par cette Cour dans l'affaire du massacre de Barrios Altos où 15 personnes étaient assassinées par l'escadron de la mort en novembre 1991. L'Etat de Pérou était condamné à dédommager la famille des victimes.

Il est tout aussi bien intéressant de considérer l'arrêt rendu le 6 mai 2008 par cette Cour en faveur de l'ancien premier ministre haïtien, Yvon Neptune. Dans cet arrêt, la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme a condamné l'Etat haïtien à réparer celui-ci pour les dommages subis lors de son incarcération au Pénitencier National en juin 2004. Parmi ces dommages on peut souligner : le non respect de son intégrité physique, mentale et morale.

3- La limitation de la portée des décisions des instances de protection internationale des Droits de l'Homme

Il y a quatre(4) grands systèmes, jusqu'à date, de protection internationale des Droits de l'Homme : le système onusien, le système interaméricain, le système européen et le système africain. Chacun de ces systèmes, ayant chacune ses propres structures juridictionnelles leur permettant d'assurer la surveillance de l'évolution de Droits de l'Homme, n'a pas le même degré de compétence.

En effet, il n'y a qu'un système de protection des Droits de l'Homme à vocation universelle, c'est celui des Nations Unies, tandis que les autres n'ont qu'une compétence régionale. Chacun de ces système de protection des Droits de l'Homme, par l'entremise de certaines structures mises en place pour garantir l'efficacité de ces droits, donne la possibilité à tous ceux dont les droits sont bafoués et violés de porter plainte à l'encontre de l'Etat du pays qui a commis la violation. Néanmoins, il faut respecter la procédure tracée à cet effet. L'un des principes qui gouverne cette procédure est celui de l'épuisement des voies internes. Si après l'analyse d'un cas de violation des Droits de l'Homme soumis à l'appréciation d'une instance internationale, il est révélé qu'un individu a été victime d'un cas de violation de ces droits, afin de le rétablir dans ses droits, l'Etat en question peut se voir condamner à dédommager la victime. La décision rendue n'a d'effet que pour les pays ayant signé ou ratifié la convention relative à cela. C'est dire que pour un pays qui n'est pas partie à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, on ne pourra pas appliquer contre lui une décision qui a été adoptée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme. C'est, en quelque sorte, une limitation à la portée des décisions de cette cour, parce qu'elle n'a qu'une portée régionale. En ce sens, elle ne peut être appliquée contre un Etat ne se retrouvant pas dans le continent européen. Par contre, pour un même cas de violation d'un droit prescrit par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, on peut adopter une décision qui s'impose à tous les Etats. En outre, pour être plus précis, on ne peut pas appliquer une décision prise par la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples en Haïti pour un cas de violation des Droits de l'Homme.

En un mot, on ne peut pas adopter les décisions prises par les cours des systèmes régionaux de protection des Droits de l'Homme dans n'importe quel pays au cas où il y aurait un cas de violation de ces derniers. Par exemple, une décision prise par la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans le cadre d'une violation de ces droits n'a effet que pour les Etats dans le continent européen qui ont ratifié ou signé la Convention Européenne des Droits de l'Homme, car il s'agit d'un organe régional.

B- L'hypocrisie de la communauté internationale

La communauté internationale77(*) se montre très soucieuse en ce qui concerne le respect des Droits de l'Homme dans le monde, particulièrement dans les pays sous-développés, précisément en Haïti tant par la mise des mécanismes de protection que par les discours véhiculés chaque jour à longueur de journée. Et cette sensibilité apparait aussi dans les rapports produits par certains organismes internationaux pour faire état de la situation de l'évolution des Droits de l'Homme en Haïti. Si cette situation se révèle calamiteuse et scandaleuse, elle est la première à monter au créneau pour condamner et fustiger le comportement des dirigeants du pays. Toutefois, il y a une sorte de dissonance entre la pratique et le discours. Car dans la majeure partie des cas, la communauté se mêle des affaires internes du pays, sous prétexte qu'elle est très sensible à la stabilité et à la bonne marche du pays. Et parfois, cette immixtion dans les affaires internes du pays constitue une atteinte non seulement à la souveraineté du pays, mais encore aux Droits de l'Homme. Cette attitude affichée par la communauté internationale n'est qu'une espèce d'hypocrisie. Plus concrètement, celle-ci apparait, entre autres, sur le plan politique, sur le plan économique, et sur le plan environnemental.

1- Sur le plan politique

La communauté internationale s'érige, comme on vient de le mentionner plus haut, un véritable gardien des Droits de l'Homme. En ce sens, elle se bat pour le respect des Droits de l'Homme tant par l'élaboration d'un ensemble de textes que par la mise en place de toute une batterie d'institutions. Il est des cas où, sous prétexte qu'elle a une grande sensibilité pour le respect de ces droits, elle s'immisce dans les affaires internes d'un pays. C'est le cas par exemple d'Haïti. La relation entre la communauté internationale et les petits pays est gouvernée par la force. C'est-à-dire seuls les pays économiquement et politiquement plus forts qui puissent avoir le dessus. Cette relation de force se manifeste à travers l'influence de la communauté internationale dans la prise de décisions politiques en Haïti. Ainsi, au niveau de l'organisation des élections en Haïti, on ne saurait mésestimer le poids de la communauté internationale. En grande partie, cela se fait en se vêtant d'un manteau démocratique, et les habits des Droits de l'Homme. Il a fallu l'intervention de la communauté internationale pour que le candidat Michel Joseph Martely puisse accéder au second tour des élections de Nombre 2010. Sur cette base, le comportement de la communauté internationale est non seulement un accroc à la souveraineté d'Haïti, mais aussi il est révélateur d'un acte de violation des Droits de l'Homme. Car elle mésestime la capacité des citoyens haïtiens à choisir leur dirigeant.

2- Sur le plan économique

Il est évident que le pays dépend économiquement de l'aide extérieure, puisque les produits venant d'Haïti ne sont vraiment pas pris en compte. Par rapport à cette dépendance, la communauté internationale, par esprit de solidarité, accompagne économiquement le pays, mais bien sûr en lui faisant des impositions qui, dans certains cas, peuvent se révéler préjudiciables pour bon nombre des haïtiens. Il y a la question de la privation, qui rentre dans le cadre de la politique néolibérale, prônée par les pays capitalistes.

Par ailleurs, il convient de mentionner que jusqu'à présent, le budget national est financé à plus de 60% environs par la communauté internationale. Cette situation de subordination économique conduit, certaines fois, les dirigeants haïtiens à faire des choix économiques qui peuvent ne pas refléter forcément le voeu de la population haïtienne. On est obligé de se soumettre aux desiderata de l'international. Car, comme on dit généralement : qui finance commande. En clair, cette subordination nous oblige, malheureusement, certaines fois, à adopter des plans de développements à son goût. De là, on est d'accord sur le fait que tant que le pays est sous-développé, et donc économiquement dépendant de l'extérieur, tant que l'application, le respect et la promotion des Droits de l'Homme se révèlent difficiles et fragiles. Et dans l'immensité des cas, les dirigeants peuvent choisir de violer certains pour adopter tel ou tel de développement économique, surtout quand les dirigeants sont contraints à faire des ajustements structurels au niveau des institutions étatiques au point de pouvoir leur demande de révoquer certaines personnes. Pour plaire à leurs patrons, ils n'ont qu'à s'y soumettre. Donc, dans le cas d'Haïti, étant un pays qui s'installe dans la boue d'une extrême pauvreté et qui est sous la tutelle de la communauté internationale, elle se trouve obligée de satisfaire les désirs de celle-ci au détriment de ceux des haïtiens.

3- Sur le plan environnemental

La dégradation de l'environnement en Haïti est une évidence. Elle toute atteint toutes les régions du pays. Cette dégradation trouve, en grande partie, son explication dans l'augmentation de la population et dans l'utilisation irrationnelle de l'espace national. Cette érosion environnement ne reste pas conséquence sur la vie de la population haïtienne. A cela s'ajoute la situation sanitaire dans laquelle évolue celle-ci. Cette population évolue dans un environnement insalubre. D'ailleurs, ce qui est contraire à l'idéal de la troisième génération des droits de l'homme. Elle postule l'idée que la personne humaine doit vivre dans un environnement sain.

En effet, se sentant grandement préoccupée par cet état de fait, la communauté internationale s'érige en un véritable gardien de l'environnement. C'est dire que la protection environnementale est l'une des grandes thématiques de son champ d'intervention en Haïti. Mais cette même communauté internationale qui causer de graves dommages à l'environnement de ce pays. C'est le cas de la pollution de l'environnement d'une zone de Mirebalais, ville du département du centre d'Haïti, par un bataillon de la MINUSTHA. Laquelle pollution a engendré en octobre 2010 une épidémie dont le nom est CHOLERA. Toutefois, il faut dire qu'il y a diverses positions sur l'origine de cette épidémie en ce sens qu'il y a une espèce de réticence à admettre que cette épidémie n'est pas d'origine haïtienne. L'hypothèse de l'origine lointaine de la souche a été confirmée par des analyses génétiques, puis il semblerait que l'infection se soit vite propagée par la rivière « Meille » infectée par les matières fécales du camp des soldats népalais.
Le CHOLERA a ensuite suivi les cours d'eau via la rivière Artibonite dont la Meille est un affluent. L'enquête du "Emerging Infectious Diseases" confirme les premières conclusions de l'épidémiologiste français Renaud Piarroux qui avait assuré en son temps que l'épidémie avait été importée. Selon lui, la souche ne pouvait provenir ni de l'environnement, ni des camps de sinistrés du séisme du 12 janvier 2010. Dans la même veine, Julien Mercier a déclaré que «  l'épidémie de cholera a été ramenée en Haïti par les casques bleus népalais78(*) ». Cette maladie a semé de deuils au sein des familles haïtiennes, car depuis son apparition, elle a tué plus de 5. 506 personnes en Haïti. La communauté internationale est réticente à reconnaitre que l'épidémie de cholera est l'oeuvre de la MINUSTHA. Une telle situation n'est que la manifestation d'une grave incohérence de la part de la communauté internationale qui, par le discours, montre un profond respect pour l'environnement du pays.

Qui pis est, c'est que les dirigeants du pays ne veulent prendre aucune position officielle. Cette complicité, disons mieux, ce silence de la part des plus hautes autorités étatiques du pays ne peut-il pas être interprétée comme une psychose de peur compte tenu de l'état de sous-développement, plus précisément, de la subordination économique du pays ? La communauté internationale joue sur cette faiblesse pour leur empêcher de prendre leur responsabilité historique devant la nation haïtienne. De ce fait, il est tentant de dire que les dirigeants du pays, au lieu d'être guidés par la sensibilité patriotique, ils préfèrent faire le grand plaisir à la MINUSTHA. On oserait penser qu'ils auraient préféré laisser périr tous les haïtiens au lieu de fixer la responsabilité de la MINUSTHA dans le cadre de la propagation de cette épidémie en Haïti. Les dirigeants haïtiens se complaisent à savourer les belles paroles de la communauté internationale au lieu de fixer ouvertement sa responsabilité face à cette épidémie a endeuillé les familles haïtiennes. La liste des victimes de l'épidémie du CHOLERA ne cesse pas de s'alourdir de jour en jour.

Cette attitude irresponsable de la part des autorités haïtiennes engendre, bien évidemment, une détérioration de la situation dans le domaine des Droits de l'Homme ans ce pays.

CHAPITRE 4

LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN HAÏTI

La situation des Droits de l'Homme en Haïti offre un tableau très sombre et très critique. Selon Mme Kyung-wha Kang, la Haut Commissaire Adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, cette situation est ponctuée particulièrement par des conditions de vie insupportables des sinistrés du séisme du 12 janvier 2010, violations des droits économiques et sociaux, violences faites aux femmes, traite des enfants, impunité. Et ceci ne date pas d'hier. Mais cette situation critique des conditions d'évolution des Droits de l'Homme s'est détériorée, en grande partie, durant ces dernières années, c'est-à-dire par l'effet du séisme dévastateur du 12 janvier 2010.

En dépit de la mise en place de toute une batterie de mécanismes pour pouvoir assurer l'efficacité et la protection de la question des Droits de l'Homme, il se trouve que ces mécanismes sont confrontés à une série de difficultés qui, à leur tour, ont une grande incidence sur l'application réelle de ces droits. Ainsi, ce chapitre se propose, dans un premier temps, de faire ressortir les limites des mécanismes de protection des Droits de l'Homme et dans un second temps, seront mises en relief les mesures de correction de cette anormalité de la situation des Droits de l'Homme.

SECTION 1 : LES FORMES DE VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN HAÏTI

On a une grande difficulté à pouvoir circonscrire les formes de violations des Droits de l'Homme en Haïti, car ils font l'objet de violations permanentes et récurrentes. Mais, on peut se référer à des périodes historiques particulières de violation de ces droits dont celle de la dictature du régime des Duvalier. D'ailleurs, l'anéantisation de ce régime constitue une grande avancée non seulement en matière de la démocratie, mais aussi en matière de respect de la dignité humaine. Car la quasi-totalité de la population haïtienne subissait une atrocité sans précédent de la part de ce régime, voire une souffrance inimaginable. On pourrait mentionner d'autres périodes ponctuées de fortes violations des Droits de l'Homme dans le pays : les périodes de coup d'Etat militaire, qui ont causé tant de morts. Nonobstant cette bamboche de violations des droits caractérisant ces périodes, les Droits de l'Homme continuent encore, sous d'autres formes, à être l'objet d'un véritable théâtre de violations non seulement perpétrées par des groupes politiques, mais surtout résultant de l'incapacité de l'Etat d'humaniser les conditions de vie de la population haïtienne. Cette incapacité s'explique, d'une part, par les violations des droits socioculturels et, d'autre part, les violations des Droits de l'Homme dans l'administration judiciaire.

A- Les violations des droits socioculturels

La prise en charge des droits socioculturels, deuxième génération des Droits de l'Homme, relève résolument de la responsabilité de l'Etat. Il doit faire montre de dynamisme et d'autorité tant dans la manière d'adopter des mécanismes de garantie de ces droits que dans sa capacité de mettre ou de faire appliquer ces mécanismes. A ce titre, s'il se révèle incapable de répondre aux attentes de la population, cela nous conduit purement et simplement à des cas de violation des Droits de l'Homme. C'est le cas d'Haïti où l'Etat est non seulement incapable de satisfaire les besoins les plus préliminaires de la population haïtienne, mais encore d'appliquer les droits consacrés par la Constitution de 1987 et par les traités qu'Haïti a ratifiés. Parmi ces droits se retrouvent principalement : droit à l'éducation, droit au travail, droit à la santé, droit à la justice, droit au logement.

1- Droit à l'éducation

La notion d'éducation est celle qui fait l'objet de nombreuses appréciations définitionnelles. L'éducation est, dans une première appréhension, définie comme une mise en oeuvre des moyens propres à assurer la formation et le développement d'un être humain. Cette même notion, Emile Durkheim l'a définie comme : « L'action exercée par des générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mures pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuelles, et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné 79(*)». A ce titre, l'éducation est comprise comme un instrument pouvant favoriser l'épanouissement et d'émergence de l'homme. Cet instrument indispensable permet à celui-ci de prendre en compte son humanité, c'est-à-dire un puissant instrument de libération humaine. L'éducation est consacrée comme un droit fondamental dont l'Etat doit obligatoirement assurer sa pleine garantie. Elle est aussi une des conditions essentielles du développement de la société. Ainsi, comme dit Alexandre Pétion : « L'éducation élève l'homme à la dignité de son être 80(*)». En outre, Jean Delors semble abonder dans le même sens en avançant que : « face aux multiples défis de l'avenir, l'éducation apparait comme un atout indispensable pour permettre à l'humanité de progresser vers un idéal de paix, de liberté, et de justice sociale ». Fort de ces considérations, le droit à l'éducation est incontournable pour toute société organisée. D'ailleurs, toute société moderne fait de l'éducation une des principales priorités pour arriver à l'éradication de l'analphabétisme, perçu comme un cancer susceptible d'entraver tout processus de développement d'un pays. Cela est à l'origine de l'élaboration de nombreuses conventions internationales en matière de droits à l'éducation des enfants. C'est le cas, d'abord, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme en 1948 qui, dans son article 26, énonce : « Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite81(*) ». Ensuite, il y a la Déclaration des Droits de l'Enfant proclamée le 20 novembre 1959 qui déclare en son principe 7 : 

« L'enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire au moins aux niveaux élémentaires. Il doit bénéficier d'une éducation qui contribue à sa culture générale et lui permettre, dans des conditions d'égalités de chances, de développer ses facultés, son jugement, son jugement personnel et son sens des responsabilités morales et sociales, et de devenir un membre utile à la société. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation ; cette responsabilité incombe en priorité à ses parents. L'enfant doit avoir toutes possibilités de se libérer à des jeux et à des activités récréatives, qui doivent être orientés vers les fins visées par l'éducation ; la société et les pouvoirs publics doivent s'efforcer de favoriser la jouissance de ce droit82(*) ».

Outre cela, la Convention Internationale Relative aux Droits de l'Enfant adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 20 novembre 1989 est à prendre compte dans la mesure où elle met beaucoup plus d'emphase sur cette question. D'ailleurs, c'est la convention la plus ratifiée de toute l'histoire en matière des droits de l'enfant. Dans son préambule il est énoncé ce qui suit : «  ayant dans l'esprit que la nécessité d'accorder une protection spéciale à l'enfant...»

Dans la même veine, France GUBLIN pense que : «  pour que les Droits de l'Homme aient un sens demain, il y a non seulement nécessité mais urgente nécessité de reconnaitre les droits de l'enfant aujourd'hui83(*) ». Cela va sans dire que la prise en considération des droits de l'enfant n'est une faveur imméritée accordée à ce dernier, mais une prérogative incontournable dont tout Etat se doit de tenir compte, c'est-à-dire ses droits doivent être figurés dans la constitution du pays. Selon Monférier Dorval, la constitution se définit comme : «  L'ensemble des règles juridiques relatives à l'organisation des pouvoirs publics : pour exécutif, pouvoir législatif, pouvoir judiciaire. Elle contient également des règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine84(*) ». C'est en ces sens qu'Haïti, voulant mettre en évidence sa vision de l'organisation de la société et voulant respecter les droits fondamentaux de la personne humaine, a eu l'intelligence de non seulement proclamer la Constitution de 1987, premier acte de reconnaissance de ces droits, mais surtout d'y insérer des principes pour pouvoir garantir le plein respect de ces derniers, en particulier le droit à l'éducation. Ainsi, la Constitution de 1987, dans son art. 32, énonce que : «  L'Etat garantit le droit à l'éducation. Il veille à la formation physique, intellectuelle, morale, professionnelle, sociale et civique de la population ». Et l'éducation est une charge de l'Etat et des collectivités territoriales. Ils doivent mettre l'école gratuitement à la portée de tous, veiller au niveau de formation des enseignants des secteurs publics et privés (32-1). La première charge de l'Etat et des collectivités territoriales est la scolarisation massive, seule capable de permettre au pays de développer du pays. L'Etat encourage et facilite l'initiative privée en ce domaine (32-2). L'enseignement primaire est obligatoire sous peine de sanctions à déterminer par la loi. Les fournitures classiques et le matériel didactique seront mis gratuitement par l'Etat à la disposition des élèves au niveau de l'enseignement primaire (32-3).

Il est vrai que la constitution se montre très soucieuse en ce qui trait au respect des droits fondamentaux de la personne humaine qu'il faut préserver, mais c'est le contraire qui se produit dans le pays. Il y a une espèce de non prise en considération des droits de l'enfant, c'est -à-dire l'Etat est incapable d'assurer le droit à l'éducation des enfants. La plupart des enfants, en âge de scolarisation, se retrouvent dans les rues. Donc, cette situation est illustration indicatrice non seulement de l'état des violations des Droits de l'Homme en Haïti, mais aussi une incapacité de la part de l'Etat haïtien de permettre à des milliers d'enfants de prendre conscience de leur humanité de manière à participer au développement de la société. Car toute société qui se veut grande et organisée accorde la priorité prioritaire à l'éducation. Il faut, néanmoins, saluer le courage du président Michel J. Martely qui fait de cette dernière une priorité inconditionnelle pour son gouvernement.

2- Droit au travail

Le travail est un élément fondamental dans la vie de tout être humain. « Le travail, c'est la liberté », dit-on. Le travail est aussi un moyen pour participer aux valeurs de l'existence, c'est un ensemble de conditions qui devraient permettre à chacun d'être créateur à sa façon. En un mot, il est un élément essentiel concourant à la prise de l'autonomie de l'homme dans la société. Il est de nature à favoriser son émancipation. C'est pourquoi d'ailleurs, il y a des textes internationaux qui ont un regard sur l'importance que représente le travail. Ainsi, le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), texte qu'Haïti a ratifié, énonce, dans son article 6, que : « Les Etats parties au présent pacte reconnaissant le droit au travail qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit ». Cependant, dans la société haïtienne, il y a une situation de chômage généralisée. Car la grande proportion de la population se retrouve dans le chômage. Cette situation est due à l'incapacité de l'Etat haïtien à créer l'emploi dans le pays pour réduire le taux de chômage. L'Etat est aussi incapable de créer un climat qui serait de nature à favoriser l'investissement. On est d'accord sur le fait que celui-ci est une source incontestable de génération d'emploi. Et cette situation de chômage occasionne également l'abandon des paysans à la terre pour prendre leur refuge dans les villes qui sont, la plupart du temps, utilisées à des fins criminelles, d'où le phénomène de l'exode rural. De ce fait, il n'en reste pas moins vrai que le chômage a une grande répercussion sur les Droits de l'Homme en général, en particulier sur les personnes les plus vulnérables.

3- Droit à la justice

La notion de droit à la justice est figurée dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Le droit à la justice est entendu comme un droit reconnu au justiciable de pouvoir se présenter devant les juridictions nationales compétentes quand il s'estime léser dans ses droits par rapport à la perpétration d'un acte arbitraire. Aussi est-il précisé dans l'article 8 de la Déclaration Universelle : « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi85(*) ». En outre, le droit à la justice implique de prendre en considération l'équité dans la distribution de la justice. D'ailleurs, c'est le voeu clairement exprimée dans l'article 10 de la DUDH. Et on y lit : « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre lui ».

Le droit à la justice est aussi mentionné dans l'esprit et la lettre de la Constitution de 1987, d'autant que tous les haïtiens ont droit à une justice équitable. Quand une personne commet un cas de violation d'une règle de droit, elle doit être punie conformément à la loi. Dans le cas contraire, on est tombé dans une situation d'impunité qui, elle, est incompatible au processus d'établissement d'un Etat de droit et au respect des Droits de l'Homme. Pour qu'on puisse respecter le droit à justice dans un pays, il faut lutter contre l'impunité, laquelle lutte est susceptible de contribuer au renforcement de la justice et de réhabilitation sociale des victimes ou de leurs ayant droits. Car toute personne victime d'un acte arbitraire a droit à la réparation. Pour ce faire, il faut que l'Etat soit capable de respecter et de faire respecter les règles de droit.

La Convention Américaine Relative aux Droits de l'Homme, ratifiée par Haïti, prend en compte le droit à la justice, mais d'une manière très générale les garanties judiciaires. En effet, selon l'article 8 de cette Convention : 

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue avec les garanties voulues, dans un délai raisonnable, par un juge ou un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi antérieurement par la loi, qui décidera du bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle en matière pénale, ou déterminera ses droits et obligations en matière civile ainsi que dans les domaines du travail, de la fiscalité, ou dans tout autre domaine. 2. Toute personne accusée d'un délit est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Pendant l'instance, elle a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties judiciaires suivantes :

a. Droit de l'accusé d'être assisté gratuitement d'un traducteur ou d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience ou au tribunal ;

b. notification préalable et détaillée à l'accusé des charges portées contre lui ;

c. octroi à l'accusé du temps et des moyens nécessaires pour réparer sa défense ;

d. droit de l'accusé de se défendre lui-même ou d'être assisté d'un défenseur de son choix et de communiquer avec celui-ci librement et sans témoin ;

e. droit d'être assisté d'un défenseur procuré par l'Etat rémunéré ou non selon la législation interne, si l'accusé ne se défend pas lui-même ou ne nomme pas un défenseur dans le délai prévu par la loi ; ce droit ne peut faire l'objet d'aucune renonciation....86(*) ».

Cependant, le respect du droit à la justice est violé presque quotidiennement en Haïti. L'une des manifestations les plus éloquentes de la violation de ce droit est la situation d'impunité caractérisée qui traverse la société, en particulier le système judiciaire haïtien. Cela veut dire que les auteurs des violations de ce droit restent impunis. Il y a une sorte de culture d'impunité dont l'odeur se répand dans tous les compartiments de la société. Cela peut se résumer en cette phrase : « L'enquête se poursuit », mais n'aboutit jamais. On a comme l'impression que l'impunité est devenue la partie intégrante de l'appareil judiciaire en Haïti. Car il place les auteurs de violations dans leur confort. Cette situation d'impunité généralisée et caractérisée gangrenant l'appareil judiciaire peut s'expliquer par le fait d'une non indépendance de la justice : elle est, dans la pratique, sous la tutelle des pouvoirs politiques. Il y a aussi le phénomène de la corruption qui traverse le système judiciaire en Haïti. Or, la justice et la politique ne font pas bon ménage, surtout dans un pays comme Haïti où la politique est comprise comme véritable arme de désorganisation de la société. Lorsqu'il y a des groupes politiques commettant des actes contraires à la loi, ils se servent de la justice pour assurer leur protection. De ce fait, il faut que la justice puisse s'affranchir de la politique.

4- Droit à la santé

De part sa précarité, la situation sanitaire du pays est très préoccupante. En effet, la grande partie de la population n'a pas accès à la santé. Elle est réservée à une minorité de cette population. Qui pis est, elle est non seulement très couteuse, mais surtout les centres de santé ou les hôpitaux se situent à des dizaines de kilomètres de distance de la population. Cette distance occasionne, dans la majeure partie des cas, des morts. A titre d'exemple, les femmes enceintes. Ce qui est fragilise encore plus la situation sanitaire du pays, c'est qu'il y a un nombre très réduit de médecins et d'infirmières pour desservir la population haïtienne. Selon l'OMS, il faut : « 8 médecins pour 10.000 habitants, pourtant Haïti n'a qu'un médecin pour 10.000 habitants87(*) ». Il revient à l'Etat d'assurer sa responsabilité, en ce sens qu'il doit créer des hôpitaux pour garantir la protection de la santé de tous les citoyens. Cette responsabilité est clairement exprimée dans l'article 23 de la Charte fondamentale : « L'Etat est astreint à l'obligation d'assurer à tous les citoyens dans les toutes collectives territoriales des moyens appropriés pour garantir la protection, le maintien et le rétablissement de leur sante par la création d'hôpitaux, centres de santé et de dispensaires88(*) ». Malheureusement, cette disposition constitutionnelle n'est pas respectée, car depuis l'adoption de la Constitution en vigueur, on voit que la condition de vie de la population sur le plan sanitaire reste très précaire.

5- Droit au logement

Le droit à être correctement logé fait partie intégrante des Droits de l'Homme. En ce sens, tout pays accordant une grande priorité au respect strict de ces derniers est conscient de cette impérieuse obligation morale de permettre à ses citoyens de vivre dans la dignité, en leur accordant la possibilité de vivre dans un environnement décent. Cependant, en Haïti c'est tout le contraire qui se fait. En effet, la situation de logement en Haïti est très critique. Car nombreux sont des haïtiens, en ce plein 21eme siècle, qui vivent comme des bêtes dans de maisons de fortune. Cette situation infrahumaine ne fait qu'aggraver par l'effet du séisme du 12 janvier 2010. Jusqu'à présent, l'Etat haïtien se révèle incapable de résoudre ce problème, malgré l'existence d'une institution étatique, à savoir EPPLS : Entreprise Publique de Promotion de Logements Sociaux. Cette entreprise publique a été créée par le décret du 26 novembre 1982, dont la mission est d'assurer des logements sociaux décents pour les personnes les plus démunies, surtouts dans les quartiers les plus défavorisés et populaires en Haïti. Par exemple, le cas de Cité Soleil, la saline pour ne citer que ceux la. Fort de ces considérations, cette situation est la traduction la plus emphatique d'un mépris certain de l'importance du droit au logement en Haïti.

B- Les violations dans l'administration judiciaire

Le fonctionnement de l'administration judiciaire haïtienne est ponctué par un ensemble de faits qui traduisent une dynamique de violation des Droits de l'Homme dans laquelle elle s'installe depuis bien des temps, et ceci dans les formes les plus élémentaires. Cela se manifeste d'abord, au niveau de la situation des prisons haïtiennes. Ensuite, du coté de la partialité de la justice. Et enfin, au niveau de la question de la détention préventive prolongée.

1- L'état des prisons haïtiennes

Dans tous les pays du monde, la prison est considérée comme un lieu de privation de la liberté de l'individu ayant commis une infraction. Elle n'est pas un lieu purement et simplement où la dignité et le respect de la personne humaine ne sont pas pris en compte. Mais Haïti en fait l'exception, vu que l'état de ses prisons est la traduction d'un véritable mépris des droits de l'homme. Les prisons haïtiennes ne respectent aucune norme internationale en matière de détention. Les prisonniers font leurs besoins physiologiques dans l'enceinte même des cellules. Il n'y a aucune intimité. Cet état de fait est souvent assimilé à celui des animaux. Dans cette même logique, le RNDDH (réseau national de défense des droits humains) a produit un rapport relatif à l'état des prisons en Haïti qui ne traduit que la négation du respect de la dignité des personnes détendues. On y lit : «  l'usage des fouets par les policiers, l'absence d'assistance sociale et médicale dans les prisons, l'oubli des prisonnier par le système judiciaire, l'absence de suivi après des jugements rendus89(*) ». A travers ce rapport, le RNDDH a révélé bon nombre de cas de personnes en prison dont les droits sont foulés au pied. Cette situation ne date pas d'hier. Dans cette même veine, la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme, dans un rapport produit en 2005, n'a pas manqué de dresser un tableau sombre sur l'état des détenus dans les prisons haïtiennes. Il y est précisé, entre autres, que : « ...environ 85 à 90% des détenus ne sont pas passés en jugement. Ces déficiences ont également miné la capacité du système de justice haïtien à assurer et garantir efficacement les droits et libertés fondamentales auxquels peuvent prétendre les haïtiens, instaurant ainsi un régime d'impunité pour les violations perpétrées aussi bien par des fonctionnaires de l'Etatique par des acteurs non étatiques ». Certes, il s'agit d'un rapport qui a été réalisé en 2005, mais il est toujours d'actualité, car c'est la même pratique choquante qui prévaut par rapport à la situation de détention des détenus.

2- La partialité de la justice haïtienne

Haïti est Etat partie au Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques. Elle a adhéré à cet instrument le 6 mai 1991. Ce Pacte reprend et précise les dispositions de la DUDH relatives à l'administration de la justice, notamment le droit à la vie, le droit à ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne et les droits des personnes privées de liberté. L'article 14 de ce pacte consacre «  le droit à un jugement équitable90(*) ». Normalement, ce pacte fait partie de la législation haïtienne. Or, la corruption envahit le système de justice haïtien. Il y a une espèce de commercialisation de la justice par les autorités judiciaires. Cette situation crée un climat certain de partialité qui bat son plein au sein des tribunaux. Ce qui est une violation de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Car la justice haïtienne souffre d'un déficit de confiance. D'ailleurs, les justiciables ne croient presque plus dans la justice judiciaire, c'est pourquoi, certaines fois, ils ont tendance à se faire justice quand il y a un litige. D'où le règne de la justice privée qui se pratique dans presque toutes les couches de la société. En un mot, la partialité de la justice haïtienne favorise, sans l'ombre de doute, l'impunité. Or, celle-ci est diamétralement opposée au respect des Droits de l'Homme. Tant qu'il y a une situation d'impunité, tant que les droits fondamentaux de la personne humaine seront piétinés. Il faut, en ce sens, corriger cette situation paradoxale et insupportable, pour qu'au moins les justiciables puissent avoir confiance dans la justice de leur pays.

Il n'y a évidemment pas des chiffres que l'on peut avancer pour corroborer ce qui vient d'être avancé, mais ce qui est certain, c'est que la grande majorité des justiciables haïtiens se plaignent de la manière dont on distribue la justice de ce pays. Il y a une souffrance généralisée et caractérisée de ceux-là par rapport à cette situation. A cause de celle-ci, on est souvent scandalisé tant sur le plan national qu'international. C'est le cas par exemple, l'affaire de l'ancien dictateur haïtien, en l'occurrence Jean Claude Duvalier. Le juge Carves Jean, chargé d'instruire les accusations portées à l'encontre de ce dernier, a rendu une ordonnance, qualifiée d'ordonnance de la honte par bon nombre d'organisations locales de défense des Droits de l'Homme, RNDDH par exemple. Cette ordonnance a été critique fortement aussi par M. Forst, expert indépendant des Droits de l'Homme, lors de sa visite en Haïti en février 2012.

3- La question de la détention préventive prolongée

La détention préventive peut être définie de diverses manières. L'une des définitions auxquelles on fait généralement référence, c'est qu'elle est une mesure de détention qui vise à emprisonner une personne accusée d'une infraction punie d'une peine d'un emprisonnement en attente d'une décision judiciaire. La détention préventive est perçue aussi comme une atteinte à la liberté individuelle. Malgré cette dernière acception, cela n'empêche aucunement l'application de cette mesure dans tous les systèmes judiciaires du monde. En effet, la détention préventive n'est pas la règle, elle est l'exception, c'est pourquoi elle n'est envisageable que dans des cas très rares.

La détention préventive est une mesure normale et compréhensible dans la mesure où la justice a besoin du temps pour trancher dans le cadre d'une affaire qui est soumise à l'appréciation d'un juge. Mais elle est devenue anormale quand la détention préventive est prolongée. Lorsque la détention préventive outrepasse le délai prévu, elle devient automatiquement illégale et constitue donc une atteinte à la liberté individuelle. D'ailleurs, l'article 26 de la Constitution de 1987 est clair là-dessus quand il stipule : « Nul ne peut être maintenu en détention s'il n'a pas comparu dans les (48) heures qui suivent son arrestation, par devant un juge appelé à statuer sur la légalité de son arrestation, et si ce juge n'a confirmé la détention par décision motivée91(*)». En dépit de cette disposition constitutionnelle, la réalité est tout autrement. Tout le monde s'accorde à reconnaitre que la question de la détention préventive prolongée est, parmi les problèmes dont souffrent la justice haïtienne, la plus aigue. Le taux des personnes en détention préventive prolongée a atteint un seuil très élevé. A preuve tous les ministres de la justice, conscients de l'ampleur de ce problème qui scandalise la justice haïtienne, pendant ces dernières années, qui se sont succédé ont fait de la détention préventive prolongée une priorité prioritaire.

En effet, sur une population carcérale forte de 5.163 détenus, 3437, soit 66,6 %, sont en détention préventive. Parmi eux, 116 mineurs, dont 24 filles, selon un article publié, après le 12 janvier, soit le 04 octobre 2010, par la MINUSTHA dont le titre est «  le système judiciaire haïtien face à ses défis ». D'après ce même article, le Pénitencier national, principal centre carcéral de la capitale, abrite le plus grand nombre de personnes en détention préventive, soit 1.348 pour une population totale de 1.469. De même, à la prison pour femmes, à Pétion-Ville, sur les 284 pensionnaires, 247 sont en détention préventive. Aux Cayes, dans le Sud du pays, ils sont 326 dans cette situation sur un effectif de 433. Point n'est besoin de demander combien est répugnante cette situation de détention préventive prolongée. A cela on ne saurait ne pas ajouter les conditions d'incarcération de ces personnes qui ne sont pas conformes au respect des droits et de la dignité de ces détenus. D'ailleurs, au pénitencier national, la superficie moyenne par détenu est de 0,29 mètres carrés. La superficie moyenne au niveau national est de l'ordre de 0,58 mètres carrés par détenu contre 4 mètres carrés exigés au niveau international. Qui pis est, cette situation est presque la même dans tous les centres d'incarcération du pays.

Ce tableau ci-dessous est une illustration assez évidente de la problématique de la détention préventive prolongée qui, à elle seule, témoigne de la situation exécrable et accablante des personnes en détention. Selon les estimations faites en 2011 par le Réseau national de défense des droits humains de la population carcérale, cinq mille cent deux personnes en attente de jugement, soit 70.33%.

TABLEAU

REPARTITION DE LA POPULATION CARCERALE EN HAÏTI (OCTOBRE 2011)

Prisons

Hommes en détention

Femmes en détention

Garçons en détention

Filles en détention

Hommes condamnés

Femmes condamnées

Garçons condamnés

Filles condamnées

Total

Port-au-Prince

2395

0

0

0

202

0

0

0

2597

Carrefour

88

0

0

0

73

0

0

0

161

Pétion-Ville

0

193

0

18

0

33

0

0

244

Delmas

0

0

117

0

0

0

22

0

139

Arcahaie

1

0

0

0

94

0

0

0

95

Cap-Haitien

320

13

10

0

321

5

1

0

670

Grande Rivière

45

2

1

1

15

2

0

0

66

Fort-Liberté

105

1

4

0

134

2

3

0

249

Port-de-paix

124

2

5

0

177

4

1

0

313

St-Marc

95

1

5

0

276

11

2

0

390

Mirebalais

112

1

4

0

229

3

0

0

349

Hinche

81

3

3

0

80

7

2

0

176

Jérémie

168

4

9

0

70

2

2

0

255

Cayes

326

17

6

0

118

4

7

0

479

Anse- à veau

147

5

4

1

86

0

0

1

243

Jacmel

173

7

8

0

155

7

1

0

351

Total

4180

249

176

20

2030

80

41

0

6777

 

4625

2151

Source : Rapport RNDDH, 28 octobre 2011.

Malgré les problèmes auxquels confrontent les détenus dans les prisons et malgré l'accent mis sur ce problème tant par les autorités de la justice que par les organisations nationale de défense des droits humains, il reste et demeure évident que le problème de l'état des prisons haïtiennes et celui de la détention préventive prolongée n'inspirent aucune confiance en matière de respect des droits et de la dignité de ces détenus, car même s'ils ont commis une infraction , cela ne traduit aucunement l'absence de ses droits ; ils restent et demeurent des personnes à part entière, ayant des droits et de la dignité dont il faut absolument prendre en compte.

SECTION 2 : LA FAIBLESSE DES MESURES DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME EN HAÏTI

Il va de soi qu'il y a beaucoup de mesures mises en évidence pour assurer la protection des Droits de l'Homme, mais elles accusent bon nombre de lacunes. Celles-ci se montrent par l'influence des pouvoirs politiques sur l'administration judiciaire. Ne pouvant, en effet, continuer à subir le poids de nombreuses lacunes dont souffrent atrocement les mesures de protection des Droits de l'Homme en Haïti, on a proposé des mesures de correction susceptibles de favoriser les conditions de l'application des Droits de l'Homme en Haïti.

A- L'influence des pouvoirs politiques sur l'administration judiciaire

Il existe trois pouvoirs de l'Etat : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. A l'exception du dernier, les deux constituent ce qu'on appelle « les pouvoirs politiques ». Ces pouvoirs sont d'une grande valeur dans la gestion du pays. D'ailleurs, la modernité politique se repose sur l'articulation harmonieuse dont la mission répond à une nécessité d'organisation rationnellement la société. Ainsi, la Constitution en vigueur d'Haïti reconnait l'existence de ces trois pouvoirs en leur attribuant des rôles spécifiques, en ce sens qu'ils ne doivent pas s'empiéter l'un sur l'autre. La pratique de l'existence de ces pouvoirs en Haïti montre qu'il n'y a pas une démarcation entre eux. Car le pouvoir judiciaire est pris en otage par le pouvoir exécutif et par celui du législatif. Cette prise en otage entraine terriblement une situation de dépendance des juges dans leur rôle de distribution équitable de la justice. Il y a aussi un refus de l'Etat haïtien à ne pas mettre en oeuvre une politique centrée sur l'application des textes internationaux, faisant partie intégrante, d'ailleurs, de notre législation, dans le domaine des Droits de l'Homme. Cette situation nous conduit directement à une méfiance généralisée des justiciables dans la justice haïtienne.

1- La dépendance des Juges

En France, la protection juridictionnelle des Droits de l'Homme est assurée par le juge judiciaire, le juge administratif et le juge constitutionnel. En effet, le juge judiciaire est traditionnellement considéré comme le gardien des libertés essentielles et de la propriété privée. L'une des conditions essentielles qui puissent favoriser l'efficacité de la protection des Droits de l'Homme par le juge judiciaire est son indépendance. Car toute possibilité de manipuler le juge judicaire se révèle comme une menace pour le respect des libertés individuelles. Or, en Haïti, le juge judiciaire, dans son rôle capital qui consiste à dire le droit et à distribuer la justice, n'est pas indépendant. La politique prend le dessus sur la justice. C'est qui crée une situation de crise qui se traduit par un besoin de changement. La situation de la subordination des juges judiciaires est le signe révélateur de la partialité dont souffre atrocement la justice haïtienne. Ce qui est une violation de l'article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 nombre 1950. Le droit à une justice équitable n'est pas fonction de la nationalité de la personne, ni de race et ni de sa classe sociale. C'est tout simplement une dette morale à laquelle toute société doit se soumettre. On n'est pas sans savoir que la justice haïtienne est très mal vue tant sur le plan international que national. Il suffit qu'une personne soit politiquement protégée pour qu'elle soit au-dessus de la loi. Une telle situation est révélatrice d'un non- respect de ce principe, à savoir : la loi est une pour tous. Malheureusement, ce principe n'est pas applicable en Haïti, même s'il faut souligner que la mise en oeuvre du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) est un apport considérable pour la concrétisation de la lutte pour l'indépendance du pouvoir judicaire.

2- La non existence d'une politique d'application des textes internationaux adoptés dans le domaine des Droits de l'Homme par Haïti

L'une des plus importantes réalisations de la communauté internationale dans le domaine des Droits de l'Homme est, indubitablement, la constitution d'un corps de normes relatives au respect des Droits de l'Homme. Ces normes sont des traités et des conventions dont les objectifs principaux est d'assurer la protection des droits fondamentaux de la personne humaine, et ceci sans prendre en compte sa race, sa nationalité, sa culture. Ils sont nombreux les Etats ayant adopté les traités et conventions en matière de protection des Droits de l'Homme. Ainsi, les Etats qui les ont signés doivent les respecter. Et ces textes intègrent immédiatement le droit national. C'est le cas pour Haïti qui a signé et ratifié un certain de nombre de traités en matière des droits de l'homme. En signant et ratifiant les traités, il est fait obligation à Haïti de respecter les droits de l'homme, de les garantir et de les promouvoir en créant les conditions réelles de leur adoption. Vu que de telles initiatives ont une importance colossale, elles peuvent contribuer à la modernisation et à une grande amélioration du droit interne. Il s'ensuit que l'Etat haïtien doit faire preuve de conscience et de respect des traités qu'il a signés et ratifiés. D'ailleurs, selon la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme qu'Haïti a ratifiée aussi, les Etats parties à un traité sont tenus de le respecter.

Néanmoins, il est nécessaire de signaler, au passage, qu'Haïti n'a pas véritablement besoin de signer et ratifier tout un ensemble de traités, puisque la Constitution de 1987 a posé les bases pour qu'il y ait un véritable respect des Droits de l'Homme. Il suffit d'avoir une volonté politique et citoyenne pour appliquer la constitution. On peut toujours, sans cette volonté, ratifier toutes les conventions ou les traités du monde en matière des Droits de l'Homme, et qu'on n'arrive pas à les respecter ou établir un climat favorisant leur épanouissement. Ce qui importe, ce n'est pas le nombre de traites ou conventions ratifiés, mais c'est la preuve d'une croyance inébranlable de la dignité de la personne.

3- La méfiance des justiciables dans la justice haïtienne

La situation de la dépendance des juges judiciaires engendre une méfiance généralisée chez les justiciables haïtiens. Ils ne croient pas dans la justice de leur pays. Cela est dû très probablement à l'assujettissement des juges par les pouvoirs politiques (pouvoir exécutif et pouvoir législatif). Dans la majeure partie des cas, ils préfèrent se faire justice. C'est ce qu'on appelle la justice privée. Cette situation est l'émanation d'une méfiance caractérisée qui s'installe dans l'esprit des citoyens. Alors quand dans un pays comme le notre, on fait face à cette situation, cela est de nature à créer des frustrations chez les citoyens. L'Etat haïtien doit créer un climat qui favoriserait la confiance de ces derniers dans la justice de leur pays tout en adoptant des mesures de correction à cette situation.

B- Les mesures de correction pour favoriser les conditions de l'application des Droits de l'Homme en Haïti

La situation des Droits de l'Homme en Haïti est fracturée par une sorte d'anormalité. Cette dernière nait du fait qu'il y a une incohérence entre les discours et la structuration de la réalité sociopolitique haïtienne. Et on sait pertinemment que les Droits de l'Homme ne sauraient se penser sans faire ressortir la situation sociopolitique, et économique de la société dans laquelle ces derniers sont appelés à être appliqués. Ainsi, pour mettre la pendule à l'heure normale, c'est-à-dire pour apporter une correction à cette situation d'anormalité, il convient de mettre l'emphase sur une réorientation et une redéfinition de la question des Droits de l'Homme en conformité avec la réalité sociopolitique et culturelle haïtienne. Outre cela, la création des Tribunaux de Paix dans les régions reculées du pays serait la bienvenue. Le respect des Droits de l'Homme ou leur application est forcément fonction de l'efficacité de la justice haïtienne. Or notre système judiciaire ne se porte pas très bien. D'où l'idée de penser à une reforme judiciaire en profondeur. A cela doit s'ajouter aussi la nécessité de la mise en branle, par les dirigeants du pays, d'une volonté politique.

1- Une réorientation et une redéfinition de la question des droits de l'homme sur le plan culturel, sociopolitique et économique

Sur le plan culturel

L'histoire de la culture est aussi celle des sociétés. Mais c'est en Allemagne, plus précisément au 18eme siècle, que l'on en a pu relever les premiers vagissements. Ceci a été réalisé dans le cadre de l'étude de l'histoire universelle. Cette étude avait pour objectif de reconstitution une histoire générale de l'humanité et des sociétés à partir de leurs origines. Ces historiens ont eu un intérêt beaucoup plus poussé pour l'histoire des moeurs, des arts, des sciences, des races, et ils ont pu développer, en particulier, une compréhension de la diversité des sociétés et des civilisations. Selon Guy Rocher92(*), le terme, en fait, fut employé pour décrire une évolution dans le progrès. Parmi ces historiens, se retrouve l'émérite Johann Christophe Adelung, ayant publié Essai sur l'histoire de la culture de l'espèce humaine.

Cette notion fait partie du langage courant des sciences humaines. Elle est susceptible de recevoir plusieurs acceptions. Elle désigne, dans un premier sens, au 17eme siècle, le travail de la terre, c'est-à-dire synonyme de l'agriculture. Ce n'est qu'au 18e siècle qu'on allait connaitre un glissement sémantique pour signifier la formation de l'esprit.

La notion de culture, transposée en anthropologie au 19e siècle, a subi une autre transformation, en ce sens elle a été considérée comme synonyme de la civilisation, dans ce cas saisie comme une totalité renvoyant à des notions telles que : progrès, éducation, évolution, etc. Cette considération sémantique de la notion de culture nous conduit à faire ressortir la définition que Tylor lui a attribuée, qui, d'ailleurs, semble être plus précise : «  la culture ou la civilisation, entendue dans son sens ethnographique étendu, est cet ensemble complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes les aptitudes et habitudes qu'acquiert l'homme en tant que membre d'une société93(*) ». En effet, cette définition anthropologique a pu alimenter aussi la sociologie. Dans la même veine, pour abonder dans le sens que Tylor, G. Rocher, sociologue canadien, y voit« un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent d'une manière objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte94(*) ». Il enchaine pour dire que :

« Cet ensemble lié constitue ce qu'on appelle système. Les différents éléments qui composent une culture donnée ne sont pas simplement juxtaposés l'un à l'autre. Des liens les unissent, des rapports de cohérence les rattachent les uns aux autres ; lorsque des changements s'effectuent dans un secteur d'une culture, ils entrainent des changements dans d'autres secteurs de cette culture. Ces liens et ces rapports n'ont également rien de nécessaire, c'est-à-dire qu'ils ne résultent pas d'un raisonnement logique et rationnel qui les imposerait de nécessité. Ce sont plutôt des liens et des rapports ressentis subjectivement par les membres d'une société. La cohérence d'une culture est donc par-dessus toute une réalité subjectale, c'est-à-dire vécue subjectivement par les membres d'une société95(*) ».

Si la culture implique le niveau de formation des gens dans une société, laquelle est susceptible de leur permette d'avoir une conscience centrée sur la remise en question des réalités sociales, on ne peut la dissocier des Droits de l'Homme. Donc, il y a nécessité d'articuler ces derniers en fonction de la réalité culturelle haïtienne.

Sur le plan sociopolitique

La politique, dit l'autre, c'est « l'art d'assurer la gestion de la cité ». Gérer cette dernière traduit un sentiment non seulement d'appartenance à une communauté humaine, mais également un souci de prise en charge de la dignité de ses membres. Cette communauté humaine repose sur une dynamique continuelle de construction. Pour ce faire, la solidarité de chacun de ses membres s'impose comme première nécessité à laquelle il convient de se référer pour assurer sa subsistance et sa cohérence. En effet, quand il n'y a pas cette prise de conscience, on est automatiquement confronté à une crise résultant de la cassure du lien social qui doit guider et cimenter tous les membres de cette communauté humaine. Il faut, au demeurant, une politique sociale fondée sur la reconnaissance de la valeur de chacun des membres de la société. Donc, c'est l'une des voies royales pour arriver à établir une société où le respect de la dignité de l'autre et celui des Droits de l'Homme couronnent toutes les actions des membres du corps social.

Sur le plan économique

Le système économique haïtien est articulé autour d'une sorte de dualisme. Ce dualisme s'explique par le fait qu'il y a une économie rurale qui, basée particulièrement sur une agriculture de subsistance, constitue son épine dorsale, et une économie urbaine avec un secteur commercial dominé, en grande partie, par l'importation des produits de l'extérieur. Ce dualisme, en fait, crée une sorte de désarticulation dans l'économie haïtienne. Il s'agit d'un système économique non structuré, c'est dire que l'Etat ne fait aucun effort en vue d'agir sur cette dichotomie. Généralement, l'état de développement d'un pays se mesure à l'aune de son organisation économique. Cette mauvaise organisation de l'économie haïtienne est une illustration saisissante de la faiblesse de l'Etat. Aussi cette situation donne-t-elle naissance à une pauvreté extrême qui est la négation de la dignité humaine. Car, bon nombre d'haïtiens n'arrivent pas à trouver de quoi à se nourrir. Cette économie ne peut favoriser aucune émergence, ne peut non plus assurer le développement des citoyens haïtiens par rapport à leurs conditions matérielles d'existence. Cette situation est une violation flagrante des Droits de l'Homme. De ce fait, il faut absolument humaniser le système économique haïtien de telle sorte que ces derniers puissent arriver à être appliqués de manière réelle et concrète. Il faut placer les haïtiens dans un système économique où leur vie sera prise en compte.

2- La création des tribunaux de paix dans toutes les régions du pays dans une perspective d'une justice de proximité

Il est tout à fait évident qu'une justice est bonne par la possibilité offerte aux justiciables d'y accéder sans coup férir. Or, la configuration du système judiciaire haïtien occasionne un climat d'inaccessibilité de la justice par la grande majorité de la population haïtienne, puisqu'il y a un grand éloignement entre l'endroit où les justiciables habitent et le lieu où se retrouvent les tribunaux. Donc, il se pose un problème de proximité spatiale des juridictions dans la distribution de la justice. La plupart des tribunaux se trouvent concentrés dans les zones urbaines, alors qu'un justiciable en milieu paysan est obligé de parcourir de nombreux kilomètres pour trouver un tribunal. En outre, il se pose de très sérieux problèmes en ce qui concerne l'état des tribunaux : dépourvus de matériels de service, situation d'insalubrité, etc. La grande partie des tribunaux haïtiens ne répondent à aucun critère de modernité. La situation même de la distribution de la justice dans ce pays témoigne déjà d'un souci d'une non prise en charge de la question de la justice dans ce pays. Malgré cette situation qui n'inspire pas confiance, nombreux sont ceux qui se complaisent à faire payer très cher les justiciables qui, très souvent, font face à une situation d'insécurité économique grave.

Il se pose aussi un grand problème au niveau de la procédure, d'autant que la justice haïtienne est fortement procédurale. Mais cette procédure est lente et complexe. La complexité de cette procédure tient au fait qu'il y a une question de forme qu'il faut toujours respecter. D'où le principe de la primauté de la forme sur le fond. En toute bonne logique, un paysan, se sentant léser dans ses droits, peut bien vouloir saisir un tribunal pour faire valoir ses droits, par le seul fait qu'il ne maitrise pas les tenants et les aboutissants de la procédure, son affaire peut ne pas être reçue. Dans ce cas, la justice est réservée aux initiés, mais non aux profanes (paysans). Outre cela, la justice est très couteuse. Alors les paysans, dans la majeure partie des cas, n'étant pas en mesure de payer un avocat, se voient bafouer leurs droits sans pouvoir réagir.

La création des tribunaux, vu leur importance dans la structure judiciaire haïtienne, dans toutes les régions du pays, répond à une nécessité qui consiste à démocratiser la justice. Les justiciables haïtiens n'ont pas besoin de se triturer la méninge pour trouver un tribunal pour faire entendre leur voix, mais ils doivent être en mesure de pouvoir trouver un tribunal dans la région où ils habitent. Il sied de signaler, au passage, que la création des tribunaux dans toutes les régions du pays doit refléter un certain respect des normes de construction. L'Etat ne doit pas s'amuser à créer, à placer des tribunaux dans des maisons de fortunes.

3- La réforme du système judiciaire

Le système judiciaire haïtien est un système désuet qui ne correspond à aucun autre système judiciaire du monde. Cette désuétude fait transparaitre la nécessité de le changer, car le changement ou le bon fonctionnement d'un pays repose sur l'organisation rationnelle des institutions républicaines. Parmi elles se retrouve l'institution judiciaire, qui est un maillon important de la chaine. Elle doit être en bonne santé. C'est à ce titre que Victor Hugo eut à dire : «  la justice élève une nation ». A l'en croire, une société sans justice est condamnée à la destruction la plus complète, la plus absolue. Fort de ces considérations, il est obligatoire de changer la justice haïtienne. Cette transformation doit avoir son point d'ancrage dans la distribution efficace de la justice. Cette reforme doit viser à éliminer la question de l'impunité structurelle dont jouissent les politiquement plus puissants. Car cette situation est un témoignage d'une violation et d'un piétinement déconcertant du principe de l'égalité devant la loi. Cela ne fait qu'endurcir la méfiance des justiciables haïtiens dans les institutions judiciaires. A cela doit s'ajouter, bien évidemment, le manque de crédibilité et d'indépendance des magistrats. Il faut absolument repenser l'administration judiciaire qui ne témoigne d'aucun souci pour le respect de la dignité de la personne humaine. D'ailleurs, selon Michel Forst96(*), la réforme judiciaire est une nécessité pour Haïti. Car sans cette réforme, il est tout à fait impossible non seulement d'accéder à la modernisation du droit, de la justice haïtienne et à la démocratisation de l'Etat, mais aussi d'apaiser la souffrance morale dont l'institution judiciaire du pays.

Toutefois, il convient d'attirer l'attention sur la mise sur pied du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) comme un grand progrès, car il constitue un élément vital du commencement de la réforme tant attendue.

4- La volonté politique des dirigeants au plan national

Le pouvoir politique s'exerce par l'entremise d'un homme ou d'une assemblée d'hommes dont la mission est d'assurer la cohésion sociale, le développement et la priorité de l'Etat. Pour ce faire, ce dernier doit faire montre d'autorité, et être capable d'endosser pleinement sa responsabilité. D'où la nécessité pour les dirigeants du pays d'être armés d'une volonté politique, c'est-à-dire une volonté qui doit tendre vers le patriotisme quant à l'élaboration des principes qui président à l'harmonie de tous membres de la société. On peut, en fait, posséder les meilleurs instruments juridiques de protection des Droits de l'Homme, sans une volonté politique réelle, on peut ne pas les mettre en application. En d'autres termes, les dirigeants haïtiens doivent être guidés par cette philosophie, à savoir il est de leur grande responsabilité de permettre à la société haïtienne de connaitre une certaine émergence. Car c'est l'une des conditions pouvant lui permettre de favoriser l'épanouissement de l'être.

Ce parcours, dans cette dernière partie de notre travail, se revêt une grande importance dans la mesure où elle a pu nous donner la possibilité d'analyser les différentes difficultés auxquelles est confrontée l'application des Droits de l'Homme en Haïti, en dépit de la mise en place de tout un ensemble d'instruments devant garantir leur application. Ces difficultés ne restent pas sans conséquence sur la situation d'évolution des Droits de l'Homme dans le pays. De fait, cette partie de ce travail de mémoire nous a donné aussi l'occasion de faire un décryptage plus ou moins clair de la situation d'ambiance de violation permanente des Droits de l'Homme, c'est-à-dire saisir dialectiquement la dynamique de violation intense de ces droits relativement à la nature de différentes difficultés que rencontre l'application des Droits de l'Homme. Et elle nous a permis, du même coup, de proposer certaines mesures, au-delà des textes et des structures appelées à garantir l'effectivité des Droits de l'Homme, de correction par rapport à la triste situation d'évolution de ces droits dans le pays.

CONCLUSION GENERALE

Dans l'ensemble, ce travail de recherche peut paraitre très ambitieux de part la nature de la thématique abordée : les difficultés d'applicabilité des Droits de l'Homme en Haïti. Les difficultés peuvent ne pas pouvoir s'analyser de la même manière, dépendamment du courant théorique dans lequel on se situe. Mais, un fait est certain, c'est que l'application des Droits de l'Homme en Haïti ne se porte pas trop bien. Elle reste aujourd'hui encore un défi de taille. C'est d'ailleurs notre principal intérêt en voulant démontrer qu'il se pose un redoutable problème d'applicabilité de ces droits dans la réalité sociale haïtienne. Cet état de fait nait du fait qu'il y a une relation de consubstantialité entre les Droits de l'Homme et la réalité sociopolitique du pays. Cela sous-entend que les Droits de l'Homme ne sauraient se penser en faisant l'économie d'un ensemble de conditions socioculturelles. Cela dit, les mécanismes de protection des Droits de l'Homme tant sur le plan national qu'international mis en place par les institution internationales et les organisations non gouvernementales et surtout par les différents systèmes de protection internationale de ces droits n'impliquent pas la résolution du problème. Car les conditions de développement du pays ne doivent pas être négligées quand on aborde la question des Droits de l'Homme. Les contraintes d'application auxquelles sont en butte ces droits en Haïti s'expliquent par cette absence : la non prise en considération des dimensions sociales, politiques et culturelles des Droits de l'Homme. Ces éléments sont indispensables, puisque ce sont les conditions dont dépend l'efficacité de l'application de ces droits en Haïti. Pour que les citoyens haïtiens puissent jouir intégralement de leurs droits, il faut qu'ils soient en mesure non seulement d'avoir la conscience de l'existence de ces droits, mais aussi de pouvoir les revendiquer. Pour ce faire, l'Etat doit, par la mise en oeuvre des structures y relatives, créer des conditions afin de pouvoir favoriser véritablement l'efficacité réelle des Droits de l'Homme.

Par ailleurs, la nature de l'Etat est aussi une condition essentielle pour la cristallisation de l'idéal des Droits de l'Homme. Par contre, il se trouve que l'on a un Etat dont la faiblesse répugne la conscience des citoyens haïtiens, c'est-à-dire un Etat qui est non seulement incapable de créer les conditions d'application des Droits de l'Homme, mais également incapable de diminuer la souffrance des haïtiens face à la situation de misère absolue dans laquelle ils s'installent depuis notre indépendance en 1804. Cette misère atroce est tellement présente dans la vie des gens que Colomé Anne-Marie a fait remarquer que : «  une portion de la population entassée dans les bidonvilles et dans les faubourgs (faux bourgs) haïtiens vit littéralement dans un état de deshumanisation caractérisé notamment par l'absence de vie privée97(*) ». La défaillance de l'Etat haïtien ne date d'hier. Dans le même esprit, Laennec Hurbon avance que : « L'une des caractéristiques principales de l'Etat haïtien est son impuissance à répondre à un certain nombre de revendications qui lui sont toutes adressées directement depuis 1986 : eau potable, électricité pour tous, scolarisation universelle, (environ 15% seulement des écoles publiques primaires et secondaires sont prises en charge par l'Etat), voies de communication, sécurité des citoyens et de la propriété, protection de l'environnement98(*) ». Le pays est ancré dans un système politique traditionnel marqué profondément par les séquelles du colonialisme. Il se caractérise particulièrement par l'autoritarisme, la corruption, l'enrichissement illicite, la marginalisation de la masse, la monopolisation de la vie politique, et l'injustice sociale. Ces caractéristiques correspondent à ce qu'André Corten appelle « le mal politique 99(*)», c'est-à-dire l'acceptabilité de la deshumanisation de la masse. De surcroît, il s'agit d'un système politique qui s'est révélé incapable de prendre en compte la question du développement national, car il est revêtu d'une grande importance pour favoriser le respect des Droits de l'Homme, et ceci est historiquement prouvé. Le Chef de l'Etat se veut l'incarnation de l'autorité. Il a tendance à personnaliser l'Etat, à l'instar de Louis XIV qui disait que : «  l'Etat, c'est moi100(*) ». Il a une influence sur presque tous les pouvoirs de l'Etat. Ce qui est, d'ailleurs une hypothèque, voire une entrave à la réalisation des Droits de l'Homme.

En effet, une telle situation est de nature à causer aux citoyens haïtiens de très grandes frustrations. Ils sont totalement écartés de la gestion de la chose publique (Res publica). Un pays où il y a une réticence systématique à la discussion rationnelle. Les citoyens ont certaines fois une peur bleue à exprimer leurs opinions. Participer dans la politique haïtienne est un vrai sacrifice ou un vrai moyen d'hypothéquer non pas votre liberté, mais un moyen quasiment sûr de vous voir tuer, de voir votre femme violée et vos enfants torturés. Les détenteurs du pouvoir politique se comportent comme des maitres à l'égard des citoyens, assimilés, dans l'immensité des cas, à des esclaves. Certes, l'esclavage est aboli dans la constitution haïtienne, mais on a comme l'impression que l'on se retrouve, face à nos dirigeants, dans des situations où nous sommes pris comme des purs esclaves. Parfois, ils les réduisent comme des instruments pour atteindre leurs buts. Qui pis est, c'est qu'ils pensent qu'ils ont droit de vie et de mort sur elle, en particulier sur ceux qui s'y opposent. Cette situation est scandaleusement inacceptable et ne fait qu'aggraver la fragilité et l'inapplication des Droits de l'Homme en Haïti.

A la lumière de ces considérations, il importe de mettre l'accent sur un système politique pour assurer le respect des Droits de l'Homme. Car le respect de ces derniers est fonction aussi de la rationalité du régime politique du pays. En outre, les Droits de l'Homme, la démocratie, l'instauration d'un Etat de Droit et le niveau de développement social du pays ne sauraient se réaliser en dehors d'une prise en compte du système politique, c'est-à-dire la manière on organise la société sur le plan politique. Le mauvais fonctionnement de la justice haïtienne constitue également un obstacle majeur à la réalisation des Droits de l'Homme et à l'instauration d'un véritable Etat de Droit. Donc, il faut réformer la justice haïtienne, et créer également d'autres tribunaux dans les régions du pays. Cela répond à la nécessite de la démocratisation de la justice haïtienne, car la justice est une dette sociale. Tout individu doit absolument y avoir accès sans encombre.

Comme cela a été démontré précédemment, la démocratie sur laquelle il convient de mettre l'emphase dans le cadre de la construction des stratégies à mettre en oeuvre en faveur de l'application des Droits de l'Homme en Haïti, est celle qui doit tendre vers le réveil de la conscience haïtienne, et ce à seule fin de créer des conditions essentielles d'émergence de sa dignité. Ce réveil de la conscience citoyenne va provoquer un sentiment d'appartenance à une communauté. Car c'est une exigence morale et une responsabilité civique, pour paraphraser Hanna Arrent, philosophe américaine du 20e siècle, pour le citoyen de la cité. Il faut construire notre propre stratégie pour instaurer une démocratie à l'haïtienne. Dès lors qu'il s'agit d'une démocratie prônée en Amérique, ou celle prônée en Europe, elle peut se heurter à de grands obstacles, car la réalité socioculturelle haïtienne est tout autrement. Néanmoins, pour pouvoir implanter cette démocratie, il importe d'accorder la primauté à l'éducation des citoyens, puisque l'effectivité d'une vraie démocratie ressort à des conditions sociales et psychologiques nécessaires qui doivent beaucoup à la sagacité et à la finesse intellectuelle des citoyens. Et cela ne reste sans incidence sur les Droits de l'Homme dont l'efficacité se cristallise en prenant en considération tout un ensemble de conditions socioculturelles des gens.

Dès lors qu'un pays est sous-développé, c'est-à-dire qu'il est dans l'incapacité de résoudre un certain nombre de problèmes, l'application réelle des Droits de l'Homme se révèle problématique et fragile, car ces derniers ne sont pas quelque chose d'abstrait, mais liés à un ensemble de conditions sociopolitiques spécifiques. Donc, il faut réduire la situation de pauvreté et de misère absolue dans laquelle est plongée la grande partie de la population haïtienne depuis bien des temps. Il est absolument nécessaire de placer l'intérêt de la collectivité au premier plan. Et ce pour arriver à la création d'une société équilibrée, une société de justice sociale. C'est l'une des premières conditions de commencement de la réalisation de la dignité de la personne humaine.

Il faut lutter pour le respect des Droits de l'Homme. Cette lutte est perpétuelle. Lutter pour la prise en compte réelle des Droits de l'Homme n'implique pas de se circonscrire dans une vision angélique, voire utopique de ces droits immanents à la nature humaine, mais ils font partie essentielle d'un projet politique, social réaliste s'inscrivant dans la dynamique même de la vie de l'homme en société. Pour répéter cette maxime latine : «  sol lucet, omnibus », qui signifie que le soleil luit pour tout le monde. Autrement dit, tout le monde a le droit de jouir de certains avantages naturels. Travaillons dans cette logique pour la démocratisation des conditions d'une vie meilleure pour tous les membres de la société dans une perspective de l'établissement d'un véritable Etat de Droit en Haïti.

BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES GENERAUX

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II- Mémoires consultés

1) Antony A. MEME, Les Droits de l'Homme en Haïti : réalités et contraintes, Juin 2000.

2) Guiteau Ronald Joseph, Les respect des droits de l'homme : un facteur essentiel au triomphe de la démocratie moderne, Novembre 1998.

3) Jean Rosier Descardes, Dynamique Vodou et droits de l'homme en Haïti, université de paris III, 1999, 50 p.

4) Saloua ADLI, La perfectibilité chez Rousseau, Université Pierre Mendès-France, Grenoble, 2006-2007, 150 p.

III- Ouvrage particulier

Dominique Rincé, Analyse littéraire(Textes), Nathan, 2000, Paris, 447 p.

IV- Documents officiels

1) Constitution de 1987

2) Deux siècles de Constitutions haïtiennes.

V- Autres documents et publications

1) Amartya Sen, les Droits de l'Homme et l'illusion occidentalisante, le lundi 08 décembre 2008. S. d.

2) Rapport de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme, USA, s.e, 2005.

3) Rapport du RNDDH sur l'impact de la détention préventive sur la société haïtienne, octobre 2011.

4) Le nouvelliste, Samedi 21 et dimanche 22 avril 2012. No 38732.

5) Le Nouvelliste, jeudi 26 avril 2012. No 38735.

6) Le Nouvelliste, mercredi 18 juillet 2012. No 38791.

7) MICIVIH, OEA/ ONU, Haïti : La Constitution de 1987 et les Droits de l'Homme, Copyright, 1998, Port-au-Prince, 222 p.

8) Documents de base concernant les Droits de l'Homme dans le système interaméricain, Washington, D.C, 2003, 276 p.

VI- Sites internet consultés

1- www.persee.fr

2- www. RNDDH.org

3- www.memoireonline.com

4- www. droits fondamentaux.org

5- www.nouveliste.com

6- www. cidh.org

TABLE DES MATIERES PAGES

DEDICACE.....................................................................................................I

REMERCIEMENTS ........................................................................................II

LISTE DES ABREVIATIONS............................................................................III

SOMMAIRE..................................................................................................IV

EPIGRAPHE...................................................................................................VI

AVANT-PROPOS..........................................................................................VII

INTRODUCTION GENERALE..............................................................................1

PREMIERE PARTIE

LES FONDEMENTS EPISTEMOLOGIQUES ET THEORIQUES DES DROITS DE L'HOMME....................................................................7

CHAPITRE 1

LA CONTEXTUALISATION HISTORIQUE ET THEORIQUE DES DROITS DE L'HOMME...................................................................8

SECTION 1 : LA CREATION DE LA NOTION DES DROITS DE L'HOMME.................8

A- Les conditions de l'émergence des Droits de l'Homme..........................................8

1- Les sources bibliques.............................................................................9

2- Les sources philosophiques...................................................................10

3- Les sources littéraires............................................................................10

B- L'historique des Droits de l'Homme...............................................................11

1- Les grandes dates et les grands moments internationaux des Droits de l'Homme.....12

2- La classification des Droits de l'Homme.....................................................13

SECTION 2 : LES FONDEMENTS IDEOLOGIQUES ET THEORIQUES DES DROITS

DE L'HOMME................................................................................................16

A- Les doctrines des Droits de l'Homme..............................................................16

1- Les théories du droit naturel...................................................................16

2- Les théories positivistes.........................................................................19

B- Les conceptions fondamentales modernes des Droits de l'Homme...........................21

1- La conception libérale des Droits de l'Homme.............................................21

2- La conception marxiste des Droits de l'Homme............................................22

3- La conception communautariste des Droits de l'Homme.................................23

4- Les facteurs d'encadrement des Droits de l'Homme.......................................23

CHAPITRE 2

LES MECANISMES DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME.....27

SECTION 1 : LES ASSISES JURIDIQUES DES SYSTEMES DE PROTECTION INTERNATIONALE ET NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME............................27

A- La valeur juridique des textes internationaux adoptés dans le domaine des Droits

de l'Homme............................................................................................27

1- Les textes à portée universelle.................................................................27

2- Les textes à portée régionale...................................................................29

B- Les mécanismes de protection internationale des Droits de l'Homme......................33

1- Le système onusien de protection des Droits de l'Homme ...............................33

2- Le système interaméricain de protection des Droits de l'Homme........................36

3- Le système européen de protection des Droits de l'Homme..............................40

4- Le système africain de protection des Droits de l'Homme...............................42

SECTION 2 : LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME....................................................................................43

A- Le fondement juridique de protection nationale des Droits de l'Homme....................43

1- La Constitution de 1987 et celles d'avant 1987............................................44

2- Les traités relatifs aux Droits de l'Homme..................................................46

B- Les instruments juridictionnels de protection nationale des Droits de l'Homme............49

1- Les institutions étatiques de protection des Droits de l'Homme..........................48

2- Les institutions non étatiques de protection des Droits de l'Homme...................53

SECONDE PARTIE

L'INEFFICACITE DES MECANISMES DE PROTECTION ET LES DIFFICULTES DE L'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME

EN HAITI.....................................................................................54

CHAPITRE 3

LES DIFFICULTES DUES A L'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME EN HAITI...................................................................55

SECTION 1 : LES DIFFICULTES INTERNES D'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME...................................................................................................55

A- Les contraintes d'ordre sociopolitique........................,,.................................57

1- Fragilité du modèle occidental................................................................56

2- Etat de droit......................................................................................57

3- Démocratie.......................................................................................59

B- Les contraintes d'ordre structurel.................................................................63

1- La situation de crise du pays...................................................................63

2- Le système judiciaire haïtien..................................................................65

3- L'état de sous-développement du pays......................................................68

SECTION 2 : LES DIFFICULTES EXTERNES D'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME....................................................................................................71

A- Au niveau des mécanismes de protection internationale des Droits de l'Homme...........71

1- La méconnaissance de la procédure de saisine des instances internationales..........72

2- L'absence des mesures de coercition.........................................................73

3- La limitation des décisions des instances de protection internationale des Droits

de l'Homme..........................................................................................74

B- L'hypocrisie de la communauté internationale .................................................75

1- Sur le plan politique............................................................................75

2- Sur le plan économique........................................................................76

3- Sur le plan environnemental..................................................................77

CHAPITRE 4

LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN HAITI......................79

SECTION 1 : LES FORMES DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN HAÏTI..........................................................................................................79

A- Les violations des droits socioculturels..........................................................80

1- Droit à l'éducation..............................................................................80

2- Droit au travail..................................................................................83

3- Droit à la justice.................................................................................84

4- Droit à la santé..................................................................................86

5- Droit au logement...............................................................................86

B- Les violations dans l'administration judiciaire...................................................87

1- L'état des prisons haïtiennes....................................................................87

2- La partialité de la justice haïtienne............................................................88

3- La question de la détention préventive prolongée.........................................89

SECTION 2 : LA FAIBLESSE DES MESURES DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME ....................................................................................................92

A- L'influence des pouvoirs politiques sur l'administration judiciaire..........................92

1- La dépendance des juges.......................................................................93

2- La non existence d'une politique d'application des textes internationaux adoptés

dans le domaine des Droits de l'Homme par Haïti.........................................93

3- La méfiance des justiciables dans la justice haïtienne......................................94

B- Les mesures de correction pour favoriser les conditions l'application des Droits

de l'Homme en Haïti.................................................................................95

1- Une réorientation et une redéfinition de la question des Droits de l'Homme sur le

plan culturel, sociopolitique et économique.................................................95

2- La création des tribunaux de paix dans toutes les régions du pays dans la

perspective d'une justice de proximité......................................................98

3- La reforme judiciaire ...........................................................................99

4- La volonté politique des dirigeants du pays................................................100

CONCLUSION GENERALE..............................................................................101

BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................105

TABLE DES MATIERES.................................................................................109

INDEX.........................................................................................................113

INDEX

Charte Sociale Européenne, 32

Commission Interaméricaine aux Droits de l'Homme, 37, 38, 39

Commission Nationale de Lutte contre la Drogue (CONALD), 51

Conception classique de la démocratie, 61

Conception marxiste de la démocratie, 62, 63

Conseil des Droits de l'Homme, 34

Convention Américaine aux Droits de l'Homme, 32

Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 31

Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme, 39, 40

Cour Pénale Internationale, 35, 36

Démocratie et Droits de l'Homme, 24

Droits de l'Homme et Etat de Droit, 25

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH), 28

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, 29, 30

Deuxième génération des Droits de l'Homme, 14

Encadrement juridique du pouvoir, 58

Facteurs politico-juridiques d'encadrement des Droits de l'Homme, 24

Facteur d'ordre culturel d'encadrement des Droits de l'Homme, 25, 26

Facteurs social et économique d'encadrement des Droits de l'Homme, 26

Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, 35

Indépendance de l'autorité juridictionnelle, 58

Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme, 50

Ministère de l'Environnement, 50

Office National d'Indentification (ONI), 51

Office National de la Migration, 51

Office de Protection du Citoyen (OPC), 49, 50

Pacte International relation aux Droits Economiques, Sociaux et Culturel (PIDESC), 29

Philosophie humaniste et libérale, 58, 59

Première génération des Droits de l'Homme, 14

Répartition de la population carcérale en Haïti (tableau), 91

Secrétairerie d'Etat à l'Intégration des Personnes Handicapées, 50

Sur le plan culturel, 95, 96, 97

Sur le plan politique, 97

Sur le plan économique, 97, 98

Troisième génération des Droits de l'Homme, 14

* 1- Cité par Jacques Mourgeon, Les droits de l'homme, Puf, Paris, 1978, p.11.

* 2 - Saloua ADLI dans son mémoire de master 2 : La perfectibilité chez Rousseau, Université Pierre Mendès France, 2006-2007, p.1.

* 3 - Cette expression latine signifie: homme de bien qui sait parler.

* 4 - Cité par Bernard CHANTEBOUT in Droit constitutionnel, Armand Colin, Paris, 2006, p.8.

* 5 - Georges Morel, Les droits de l'homme en question, in Commission consultative des droits de l'homme, 1989. Les droits de l'homme en question, La documentation française, Paris, 1989, p.36.

* 6 - Jen Marie-Domenach, Interrogations in droits de l'homme en question, La documentation française, Paris, 1989, p. 21.

* 7 - Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, Paris, 1993, p.383.

* 8 - Ibid.

* 9 - Danièle Lochack, Droits de l'homme, La Découverte, Paris, 2002, p. 3.

* 10 -Dictionnaire le petit Larousse 2011, Larousse, Paris, 2010, p.880.

* 11 - Jean-François Renucci, Droit européen des droits de l'homme, E.J.A, Paris, 2001, p. 6.

* 12 - Pierre-Bloch Domenach, Les Droits de l'homme en question, La documentation française, Paris, 1989, p. 202.

* 13 - Emmanuel Kant, Fondements de la Métaphysique des moeurs, V. Delbos, Paris, 1959, p. 162.

* 14 - Il s'agit d'une tragédie composée par Sophocle, démocrate grec, très probablement entre 343 et 341 av-J-C.

* 15 - Philippe Granarolo dans son article : Antigone, Promoteur des droits de l'homme ou Précurseur des idéologies de la terreur, 2008.

* 16 - Adel Hakim est un acteur et metteur en scène français né en 1953 au Caire.

* 17 - Cité par Dominique Rincé, in Analyse littéraire et expression, Nathan, Paris, 2000, p. 50.

* 18 - Révolution sociale produite en Russie en octobre 1917. Cette date est considérée comme incontournable dans l'histoire des droits de l'homme.

* 19 - Monique Dumais, Les droits des femmes, Paulines, Québec, 1992, p. 12.

* 20 - c'est le premier état démocratique du siècle des lumières, selon Voltaire et Rousseau. Cela allait être ensuite repris par Lafayette et Thomas Jefferson pour les Etats-Unis (loge des neufs soeurs).

* 21 - Patrice Meyer-Bisch, Présentation systémique des droits de l'homme, s.e, s. l, s. d, p. 10.

* 22 - Cité par P. Meyer, Op.cit., p.13.

* 23 - Cité par Jean Carbonnier in Droit civil. Introduction, Puf, Paris, 1955, p.85.

* 24 - Ibid.

* 25 -Ibid.

* 26 - Georges Burdeau, Droit constitutionnel, E.J.A, Paris, 1997, p.49.

* 27 - Jacques Mourgeon, Les droits de l'homme, Puf, Paris, 1978, p. 16.

* 28 - Jacques Mourgeon, Op.cit., p. 3.

* 29 - Cité par Claude-Albert Colliard, in Libertés publiques, Dalloz, Paris, 1975, p. 29.

* 30 - Yves Madiot, Droits de l'homme et Libertés publiques, Masson, Paris, 1976, p. 33.

* 31 - Op.cit., p.31.

* 32 - Daniel Lochak, Les droits de l'homme, La découverte, Paris, 2002, p. 3.

* 33 - Op.cit., p.77.

* 34 -Ibid.

* 35 - Cité par Laurence Hansen-Love in Philosophie Terminale, Hatier, Paris, 2001, p. 215.

* 36 - Henry Oberdorff et J. Robert, Libertés fondamentales et les droits de l'homme, Montchrestien, Paris, 1997, p. 222.

* 37 - Henri Oberdorff et Jacques Robert, Op.cit. p. 7.

* 38 - Ibid.

* 39 - Henry Oberdorff et Jacques Robert. Op.cit, p. 27.

* 40 - H. Oberdorff, J. Robert, Op.cit. p. 343-344.

* 41 - Ibid.

* 42 - Ibid.

* 43 - Op.cit. p. 345

* 44 - Pierre-Henry Prélot, Droits des libertés fondamentales, Hachette livre, 2007, Paris, p. 55.

* 45 - Constitution de 1987 in Deux siècles de constitutions haïtiennes, Fardin, Port-au-Prince, 2010, p. 293.

* 46 - Constitution de 1806 in Deux siècles de constitutions haïtiennes, Op.cit. p. 23.

* 47 - Constitution de 1843 in Deux siècles de constitutions haïtiennes, Op.cit. p. 49.

* 48 - Op.cit. p. 51.

* 49 - Constitution de 1987 in Deux siècles de constitutions haïtiennes, Op.cit. p. 313.

* 50 - Ibid.

* 51 - Amartya Sen dans un article : Les Droits de l'Homme et l'illusion occidentalisante, s. e, s. l, 2008.

* 52 - J. Chevalier, L'Etat de droit, Montchrestien, 2003, Paris, p. 13.

* 53 - Ibid.

* 54 - Michel Forst dans un article : L'Etat de droit n'est pas encore en marche en Haïti, Le nouvelliste, 08 février 2012. Il est un spécialiste en droits de l'homme.

* 55 - Dans l'antiquité grecque, ce terme désigne une grande place, avec boutiques, tribunaux, où siégeait l'assemblée du peuple. Petit Robert, 1977, p. 37.

* 56 - Cité par W. Philips Shively, in Introduction à la science politique, Cheneliere inc, Canada, p.68.

* 57 - Cité par W. Philips, Ibid.

* 58 -Cité par B. Jeanneau, Op.cit., p.14.

* 59 - Pierre Pactet, Institutions politiques. Droit constitutionnel, Amand Colin, Paris, 1969, 1992, p.87-88.

* 60 - G. Lebreton, Libertés publiques et droits de l'homme, Armand Colin, Paris, 1995, p. 87.

* 61 -Cité par Benoit Jeanneau, in Droit constitutionnel et institutions politiques, Dalloz, Paris, 1972, p. 14-15.

* 62 - Cité par Leslie F. Manigat, in Eventail d'Histoire vivante d'Haïti. Des préludes à Révolution de Saint Domingue jusqu'à nos jours, Coll. du CHUDAC, Port-au-Prince, 2002, p. 24

* 63 - Guy HAARSCHER et Boris Libois, Mutations de la démocratie représentative, Université de Bruxelles, 1997, Belgique, p 7.

* 64 - Guy HAARSCHER et Boris Libois, Op.cit. p. 8.

* 65 - Alain, cité par A. Roussel et G. Durozoi, in Philosophie, notions et textes, Fernand Nathan, Paris, 1979, p.349.

* 66 - Rapport de Pnud sous le thème : Durabilité et équité : un meilleur avenir pour tous, Copenhague, 2 novembre 2011.

* 67 - Cité par Jean FREYSSINET » le concept du sous-développement», p. 247, in mémoire Antony A. MEME, Les Droits de l'Homme en Haïti : réalités et contraintes, 2000, p. 76.

* 68 - Cité par Antony A., Ibid.

* 69 - Cité Antony A., Ibid.

* 70 - Yves LACOSTE, Géographie du sous-développement, Puf, 1989, Paris, p 105.

* 71 - Leslie Péan, Identité et transformation sociale. C'est une Conférence qu'il a prononcée à la Faculté des Sciences Humaines, 21 juin 2012, Le Nouvelliste, no 38791/ 18 juillet 2012, p. 25.

* 72 - Cité par Leslie François Manigat, in La crise haïtienne contemporaine, Editions des Antilles, Port-au-Prince, 1995, p. 59.

* 73 - Ibid.

* 74 - Gédéon Jean dans un article : Politique gouvernementale et le procès du « génocide d'extrême pauvreté » en Haïti, Le nouvelliste, jeudi 26 avril 2012. No 38735, p. 22.

* 75 - Lexique des termes juridiques, DALLOZ, Paris, 1999, p. 417.

* 76 - Commission Internationale des Droits de l'Homme, USA, s. e, 2006, p.7.

* 77- La communauté internationale peut être perçue comme un ensemble de pays qui, conscients d'un sentiment de solidarité, se mettent ensemble pour venir à la rescousse des pays sous-développés, par exemple Haïti.

* 78 - Julien Mercier dans son article: on connait l'origine de l'épidémie de cholera en Haïti. Cet article a été paru le 2/7/2011.

* 79 - Emile Durkheim, in Alain Beitone et al, Sciences sociales, 2eme éd. DALLOZ 2000, P. 188, in mémoire de Jean François Seguy : Le droit de l'enfant à l'éducation à travers les conventions internationales relatives aux droits de l'homme, 2007, Faculté de droit(UEH), p. 3.

* 80 - Cité par mémoire Jean François Séguy, Ibid.

* 81 - Henry Oberdoff et J. Robert, Op.cit. p. 222.

* 82 -Op.cit. p. 23-24.

* 83 - Cité par Jean François Séguy, Op.cit. p. 23.

* 84 - Op.cit. p. 28.

* 85 - Ibid., p. 220.

* 86 - Documents de bases concernant les Droits de l'Homme dans le système interaméricain, Washington, D.C, 2003, p. 33- 34.

* 87 -Cité par le premier ministre haïtien, Laurent S. Lamothe, lors de la déclaration de sa politique générale au parlement, mai 2012.

* 88 - Constitution de 1987 in Deux siècles de Constitutions haïtiennes, Op.cit, p. 295.

* 89 - Le nouvelliste dans un article dont le titre est : les oubliés du système judiciaire, p. 1. No 38732/ 21 au 22 avril 2012.

* 90 - Rapport de la Commission Interaméricaine des droits de l'homme. Haïti : Justice en déroute ou l'Etat de droit ? Défis pour Haïti et la communauté internationale, 2005, p.25.

* 91 - Constitution de 1987, p. 14.

* 92 - G. Rocher, Introduction générale à la sociologie, HURTUBISE HMH, Montréal, 1969, p. 82.

* 93 - Guy Rocher, Op.cit p. 84.

* 94 - Op.cit. p. 88.

* 95 - Op.cit. p. 91.

* 96 - Il est un expert Independent des nations-unies des Droits de l'Homme. Cette déclaration, il l'a faite dans le cadre d'une visite en Haïti pour évaluer la situation des droits de l'homme dans le pays en février 2012.

* 97 - Cité par André Corten, in Misère, religion et politique en Haïti. Diabolisation et mal politique, Karthala, Paris, 2001, p. 19.

* 98 - Laennec Hurbon, in Michel Hector et Laennec Hurbon(dir), Genèse de l'Etat haïtien(1804- 1859), Presses nationales, Port-au-Prince, 2009, p.11-12.

* 99 - André Corten, Op.cit. p. 18.

* 100 - Cité par Dominique Turpin, Droit constitutionnel, Puf, Paris, 1992, p. 13.






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