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Jeunes et developpemet social en Haiti: cas de la commune de Ouanaminthe

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par Romial SAINT-VIL
INJEPS/UAC- Benin - Maitrise en Developpement Communautaire 2009
  

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4-2. Analyse et interprétation

L'insuffisance de l'éducation des jeunes de Ouanaminthe à l'auto emploi influence leur intégration sociale ; c'est ce constat qui a guidé notre recherche. L'objectif étant de présenter le développement social en termes de résultats à atteindre pour assurer le bien-être individuel et collectif des communautés haïtiennes et particulièrement les jeunes qui agissent à la fois comme cibles et comme acteurs.

Pour atteindre cet objectif, nous avons suivi une démarche méthodologique combinant aussi bien la méthode quantitative (enquête par questionnaire) que celle qualitative (enquête par entretien) et documentaire. Toutes ces méthodes se sont orientées vers un échantillonnage constitué des acteurs directs et indirects de la jeunesse ouanaminthaise. La plupart des informations recherchées sont obtenues et les résultats quantitatifs consignés dans des tableaux. L'ensemble de ces résultats sert de point d'ancrage à notre analyse.

4-2-1. Haïti : pays en développement et le moins avancé des Amériques

La pauvreté et la montée intensive du chômage à travers le monde en général et en Haïti en particulier, suscitent une multiplication d'initiatives pour réduire les impacts et proposer un avenir meilleur aux sociétés. A cet effet, le développement social et la lutte contre la pauvreté se présentent comme étant des moyens efficaces pour remédier aux difficultés auxquelles font face lesdites sociétés.

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Le développement social et la lutte contre la pauvreté sont essentiels tant au développement national qu'au développement local des collectivités. Ils impliquent plusieurs éléments en particulier ceux du développement humain et du développement économique. Cela engage souvent une société sur les aspects sociaux, économiques, culturels, politiques, physiques et administratifs.

En Haïti par exemple, la situation socio-économique et les conditions de vie de la population sont précaires ; cela se traduit par son indice de développement humain qui est le plus bas des Amériques. Elle est le pays le plus pauvre de l'hémisphère. « Ce sont les conséquences des inégalités d'opportunités en terme d'accès aux ressources et aux facteurs tels que les microcrédits, les infrastructures, le capital social, l'éducation... Le système de valeurs, la faiblesse des services sociaux de base, les mauvaises conditions de logement, la pauvreté elle-même à travers les trappes de pauvreté, le manque de capacité à participer aux décisions publiques et à les orienter, le manque de réseaux sociaux pour les plus pauvres sont autant de facteurs alimentant la pauvreté et les inégalités. Elles résultent également des politiques publiques qui ont des effets de redistribution et orientent la valorisation et l'allocation des ressources. Fondamentalement, la pauvreté en Haïti découle d'un processus historique de construction du pouvoir politique et de l'organisation économique, centré sur les intérêts d'une minorité. »33

Selon le Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté DSNCRP (2008-2010)34, cette situation critique est de plus en plus préoccupante d'un département à un autre, d'une ville à une autre et des zones urbaines à celles rurales. Ouanaminthe est une ville du département du Nord-Est, qui se trouve être le plus pauvre du pays. C'est une situation qui ne participe pas à l'amélioration des conditions et de la qualité de vie de la population et qui explique par surcroît l'insuffisance de certains éléments nécessaires au développement de toute la localité35 tels que précédemment énumérés.

33 Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCR) 2008-2010. 2007, p41.

34 C'est un document cadre qui retrace l'ensemble des stratégies à mettre en place pour atteindre à moyen terme

la croissance et pour sortir le pays de la pauvreté.

35 Elle fait référence à un territoire occupé par des communautés d'acteurs publics et privés qui oeuvrent pour son développement.

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Pour permettre à nos lecteurs d'avoir une compréhension beaucoup plus aisée, il est nécessaire d'expliquer les appellations concernant les niveaux d'études en Haïti. Le système éducatif haïtien comprend l'éducation préscolaire, l'école fondamentale, l'école secondaire, la formation professionnelle et supérieure. L'enseignement préscolaire s'adresse aux enfants de 03 à 05 ans. L'enseignement fondamental est constitué de trois cycles. Les deux premiers sont conçus comme le niveau d'éducation de base et le troisième comme le niveau d'orientation. Le premier cycle dure quatre ans d'études, le deuxième deux ans et le troisième trois ans (MENJS, 1999). « La première année fondamentale suit le période préscolaire que l'enfant quitte à cinq ans. La fin du deuxième cycle est sanctionnée par un examen d'Etat (Certificat de fin de deuxième cycle). Le troisième cycle général (7e AF, 8e AF, 9e AF) conduit au Diplôme de fin d'études fondamentales. A la suite d'un examen d'Etat en neuvième année, le jeune âgé de 15 ans rentre en secondaire. Selon les textes de la Réforme Bernard lancée depuis 1979, le cycle secondaire devrait durer trois ans ainsi le cycle d'étude durerait douze ans. Mais la réforme reste inachevée et le cycle d'étude dure treize ans. De ce fait, l'élève sort du système scolaire à vingt ans (20) accompli. » 36

Ainsi, si dans le tableau 4, 60,18% des jeunes de 15 ans à 30 ans sont encore au niveau fondamental cela implique un grand retard à leur niveau puisque que normalement tous les enfants comme nous l'avions expliqué plus haut doivent commencer l'école fondamentale au plus tard à 06 ans.

On constate malheureusement que ces jeunes dont la moitié est encore au niveau primaire sont toujours à la charge de leurs parents. La majorité de ces derniers ont des revenus qui ne dépassent pas mille (1000) Gourdes le mois avec plusieurs enfants à élever. Dans la réalité, une grande partie de la population de Ouanaminthe s'adonne au commerce, ce qui devrait en principe participer à l'élévation de leur niveau de vie c'est-à-dire subvenir décemment à leurs besoins quotidiens. Mais en référence aux résultats du tableau 8, relatifs aux dépenses de consommation journalière, 76,99 % de notre échantillon ne disposent que de 01 à 50 gourdes par jour : cela apparaît infirme et l'on comprend que cette situation ne leur permette pas de faire face à la cherté de la vie. D'ailleurs le tableau 9 vient étayer notre explication en nous montrant que seulement 22,12% arrivent à satisfaire ses besoins élémentaires.

36World Data on education. 6th edition 2006/07. (2006). Haiti. http://www.ibe.unesco.org/International/ICE47/English/Natreps/reports/haiti.pdf

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4-2-2. Faible participation sociale des jeunes de Ouanaminthe liée à leur condition de vie très difficile.

Les résultats de nos recherches prouvent que les conditions de vie de la majorité des jeunes de Ouanaminthe sont difficiles. Ces difficultés sont à la fois les conséquences et les causes de leur faible participation sociale. Les indicateurs de participation sociale tels que ; les études pour les jeunes ou les adultes, le travail rémunéré, le bénévolat et l'entraide, les activités culturelles, de loisirs et de sports, l'engagement dans des institutions démocratiques, l'investissement humain ou financier dans une entreprise ou dans un projet communautaire sont en grande partie à un niveau très bas.

Les enquêtes menées auprès des jeunes de Ouanaminthe révèlent qu'ils sont nombreux à aller à l'école mais ils accusent dans leur cursus académique, un retard qui en partie entrave leur introduction sur le marché du travail. Il est aussi constaté que trois (03) sur dix (10) de ces jeunes sont obligés d'abandonner l'école par manque de moyens et dans plusieurs cas, ils deviennent des délinquants.

56,64% des jeunes affirment qu'ils sont membres d'un groupement social (cf. tableau 10). Ces groupements se constituent en club de football, de volleyball, de karaté, de Chorale d'église ; en projet communautaire comme le VDH et le Plan International en tant que bénéficiaires mais très peu ont fait le bénévolat ou l'entraide. Selon le tableau 11, les activités culturelles et sportives se pratiquent par 53,1% des jeunes enquêtés. Les 53% d'entre eux affirment que la pratique des activités culturelles et sportives représente leur seule distraction c'est-à-dire leurs loisirs.

La participation sociale est très importante car « participer socialement » c'est contribuer au développement social de sa localité et de son pays en améliorant ses conditions et qualité de vie. Cela implique la participation au développement et à l'émancipation de sa communauté37 ou de sa localité et en favorisant la protection de l'environnement. Quand nous avons demandé aux jeunes comment ils pensent pouvoir aider leur pays à y parvenir : 59,09% disent qu'ils peuvent mettre leurs compétences au progrès social et culturel de la collectivité ; 27,27% pensent assister les personnes en situation difficile et 13,64% veulent occuper une place de décision dans l'Etat (cf. tableau 12). Ils sont conscients du mal et de la nécessité de

37 C'est l'organisation sociale au sein duquel la vie et l'intérêt des membres s'identifient à la vie et à l'intérêt de l'ensemble. ROCHER G. (1968). Organisation sociale. Montréal. HMH, ltée, p. 52

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conjuguer leurs efforts afin d'améliorer la situation du pays. Ces jeunes, pleins de vie, de volonté et d'ambitions quoiqu'encore au niveau primaire à un âge très avancé pour certains, ils rêvent pour 53,98 % de servir à la fonction publique ou dans le secteur privé. D'autres soit 46,02% aspirent à travailler pour leur propre compte (cf. tableau 13). Cet élément de la participation sociale est nécessaire au développement social ; l'investissement humain ou financier dans une entreprise, est actuellement d'une grande importance dans tout programme et projet de développement national ou local. C'est une stratégie efficace dans l'atteinte des objectifs de développement humain et plus particulièrement dans l'intégration sociale des groupes sociaux marginaux ou vulnérables comme les jeunes.

4-2-3. Le Chômage : un handicap à l'intégration sociale des jeunes en Haïti.

Le but de l'intégration sociale est de lutter contre l'exclusion sociale. Elle dépend de l'évolution économique, sociale et des dimensions, relationnelle, professionnelle, scolaire, morale et légale qui sont matérialisées par la possession d'une source de revenus, la satisfaction des besoins primaires, l'accès aux activités de loisirs et l'appartenance à des groupes sociaux approuvés par la société. L'intégration sociale en partie fait référence aux vocables lutte contre pauvreté, amélioration des conditions et de la qualité de vie. Les jeunes qui ont participé à notre enquête comprennent aussi la nécessité de leur intégration sociale. Dans le tableau 14, ils proposent des solutions rendant leur intégration sociale effective : ces actions sont la prise en charge par l'Etat, assistance économique et financière aux jeunes et la promotion de l'entrepreneuriat.

Le problème de l'exclusion sociale est très fort en Haïti et plus accentué dans le Département du Nord-est souvent négligé par le pouvoir central. Ce phénomène se nourrit par les inégalités sociales et surtout le chômage qui anime en même temps la pauvreté. Comme le fait remarquer l'économiste Eddy LABOSSIERE « 70 % de la population active d'Haïti sont en chômage, la fonction publique compte cinquante mille (50 000) employés, le secteur privé cent vingt mille (120 000) et entre un million deux cent mille à un million sept cent mille sont dans le secteur informel. »38 Notons que la population active d'Haïti selon l'IHSI39 représente

38 Pawollapale. (2009). Le taux de chômage pourrait augmenter en Haïti avec la mauvaise santé de l'économie américaine. http://wwwpawollapale.com/spip.php?article 689

39 Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI). (2007). Inventaires des ressources et potentialités de la commune de Ouanaminthe. Ministère de l'Economie et des Finances.

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54,4% de la population globale, ils ont 15 ans et plus. Le chômage constitue une source d'alimentation de la pauvreté et de l'instabilité dans le pays au coté du non accès à l'éducation, par conséquent la nécessite de prendre des mesures s'imposent. Ces mesures passent d'abord par la création d'emploi.

L'Etat haïtien n'a pas une politique de recrutement ni de création d'emploi définie ou institutionnalisée. Le taux de recrutement et de création d'emploi par année est très faible, ce qui explique autant de chômage. Le DSNRP qui est un cadre d'orientation stratégique dont l'objectif est de réduire la pauvreté et d'atteindre les objectif du millénaire à partir de 2010 ne considère pas l'emploi comme un axe prioritaire, il est pris en compte à travers les lignes stratégiques des secteurs considérés comme prioritaires tels que l'agriculture, l'éducation, la santé, etc. C'est ce qui explique la réaction des jeunes au tableau 15 quand les 66,37% d'une part affirment que la réduction du chômage doit passer par le développement de l'industrie et les 33,63% d'autre part, à travers la promotion de la micro entreprise.

La création de la micro entreprise est en quelque sorte la manière la plus durable d'acquérir son autonomie financière et la plus franche pour devenir un travailleur indépendant. Cette assertion est partagée par 28,57% des jeunes mais la majorité 71,43% pensent qu'il faut avoir un bon emploi bien rémunéré (cf. tableau 16). Ces résultats viennent confirmer partiellement notre hypothèse selon laquelle « ceux-ci qui sont spécifiquement de Ouanaminthe ne sont pas suffisamment éduqués à l'auto emploi pouvant faciliter leur intégration sociale ».

L'auto emploi est non seulement un facteur d'intégration sociale mais aussi une forme complète de participation sociale, il permet d'effectuer un travail en pratiquant à la fois une activité économique, sportive, culturelle etc. génératrice de revenus, qui permet d'améliorer sa condition de vie, de satisfaire ses besoins et d'être utile à la communauté. Nous pouvons étayer notre idée par l'exemple d'un jeune qui possède un talent de musicien : fort de cela, il peut produire des albums, réaliser des concerts pour divertir sa communauté, promouvoir sa culture, favoriser la sociabilité et éduquer ses auditeurs à travers ses textes.

4-2-4. Une position géographique de Ouanaminthe concourant à la culture mercantile des jeunes

La position géographique de Ouanaminthe fait d'elle un endroit favori pour les échanges commerciaux, de ce fait le commerce entre dans la culture de cette population. Les

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enfants, les jeunes ont presque tous des habitudes commerciales ou ont déjà mené une activité génératrice de revenu (vente de fruits, de bétails, conception et vente de produits artisanaux, location de bicyclette, vente de sucrerie ou de pâtisserie, etc.). Huit (8) ouanaminthais sur dix (10) ont un parent, vit directement ou indirectement du commerce ou de la micro entreprise. En considérant le résultat du tableau 16, l'auto emploi est un moyen de répondre au besoin immédiat, une stratégie de survie. Au cours de nos enquêtes nous avons demandé aux jeunes constituant notre échantillon ce qu'ils souhaitent devenir dans leur vie ; 53,98% répondent qu'ils veulent être des citoyens importants comme médecin, avocat, ingénieur, politique et environ 30% veulent devenir soit artiste soit sportif. Ces réponses ne sont pas en contradiction avec celles des parents qui souhaitent avoir de grands fonctionnaires, des intellectuels chevronnés ou de grands hommes politiques. L'auto emploi est une activité marginalisée et peu considérée à Ouanaminthe de manière général en Haïti. Les symboles attachés au commerce et à la micro entreprise ne les valorisent pas assez pour qu'ils deviennent des modèles de profession pour les jeunes.

Au total, le développement social en Haïti et à Ouanaminthe en particulier est un grand défi qui nécessite la synergie des différents secteurs tels que santé, services sociaux, éducation, emploi, organismes communautaires, municipalités, sports et loisirs, etc. L'action combinée des secteurs associés, la participation sociale et la participation citoyenne40de chaque membre de la communauté constituent les points d'appui du développement social en Haïti. Ces points d'appui facilitent l'atteinte des objectifs tels que : l'amélioration des conditions et la qualité de vie de la population par des interventions tant à l'échelle des collectivités locales qu'à l'échelle des personnes. Ces actions visent particulièrement les jeunes, ils sont avec les enfants, les premières victimes du sous-développement et de la pauvreté qui ruinent le pays. Mais aussi, de par leur représentativité et leurs potentialités, ils peuvent être une force et un atout pour sortir le pays de cette précarité.

40 La participation citoyenne est l'implication des individus et des groupes dans le développement de leur communauté, localité ou société.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe