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Syrie: d'une révolte populaire à  un conflit armé

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par Sophia El Horri
Université Paris VIII - Master 2 Géopolitique 2012
  

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II.3.3. Homs

L'édition du Monde du Mercredi 23 Novembre 2011, consacrée au conflit syrien, propose une cartographie de la révolte : la géographie de la contestation met alors en évidence des raisons ethniques mais surtout économiques à la contestation. Homs, se révèle être l'épicentre de la contestation.

La population de Homs reflète la diversité religieuse en Syrie, peuplée essentiellement d'alaouites, de chrétiens, et de sunnites. Elle abrite aussi de petites communautés d'Arméniens et des réfugiés palestiniens. En 2007, la population de la ville était de 1 647 000 habitants, ce qui en fait la troisième ville la plus importante de Syrie. Homs est un centre agricole important. Elle constitue un point de marché pour les agriculteurs du district et même du Liban. Homs est également le lieu de plusieurs grandes industries lourdes comme la raffinerie de pétrole de l'ouest de la ville. Une croissance du secteur industriel privé s'est produite au cours des dernières réformes de modernisation et de nombreuses petites et moyennes entreprises occupent les zones industrielles du nord-ouest et le sud de la ville. A partir des années 1940-1950, la ville connaît un exode rural sans précédent, elle grandit aussi sous le coup de ces nouvelles vagues de migration : « de 120 hectares de la vieille ville d'origine, on est passé à plus de 5000 hectares au début des années 2000. Homs était jusqu'à l'année dernière la principale ville de Syrie centrale, la plus active et attractive »79. Parallèlement, l'Etat baasiste, dominé par les alaouites, met en place à Homs une

79 http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/110512/homs-capitale-de-la-revolution-carrefour-alaoui

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administration municipale qu'il contrôle totalement. Divers projets d'envergure : comme des usines de phosphates, d'engrais ou de sucre veulent certes faire de Homs une métropole régionale industrielle, mais surtout contrôlée.

Ainsi que nous l'avons expliqué précédemment, ce qui caractérise Homs c'est qu'outre le fait que trois communautés différentes y cohabitent, la fragmentation des communautés religieuses par quartier est frappante. En effet, la ville est à majorité Sunnite, et cette communauté est concentrée dans les quartiers autour de l'axe central de la ville, autour de la vielle ville, au nord autour de la zone industrielle et jusqu'au sud de l'université

La carte ci-dessous représente la concentration géographique des communautés religieuses à Homs, considérée désormais comme haut lieu de la révolte. L'aile Est de la ville est marquée par une concentration alaouite, alors que l'ouest de la ville est, quant à lui, occupé par une majorité sunnite et une présence chrétienne autour de l'axe routier Homs-Tartous, c'est pourquoi on parle d'un modèle de ville scindée. La se carte les quartiers où a éclaté la révolte et qui ont connu les plus forts bombardements par l'armée. Dès lors, il apparaît que les quartiers qui se révoltent le plus, comme Bab Amr, Khaldiya ou Bayada, sont des quartiers majoritairement occupés par la communauté sunnite. La carte révèle une polarisation du soutien aux révoltes parmi les sunnites, à plus forte mesure que parmi les chrétiens. Cela se vérifie aussi au niveau national.

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Ainsi, comme l'explique Fabrice Balanche, la révolte syrienne est « comparable aux évènements de Tunisie et d'Egypte sur les plans social et économique, mais elle est aussi très différente en raison de son caractère communautariste ». Les causes de la révolte sont à la fois économiques, comme nous venons de l'expliquer, et communautaires. Les manifestations et les bombardements qui ont eu lieu à Homs concernent presque exclusivement les arabes sunnites, ceux de la communauté dominante.

(c)Syria map, http://syriamap.wordpress.com/

Si l'on superpose cette carte sur celles des communautés (page précédente), on remarque que les affrontements et les bombardements ont majoritairement touchés les quartiers sunnites sur un axe diagonal. Plus le conflit dure, plus les clivages communautaires entre quartiers et clans créent des discontinuités territoriales. Actuellement, en fin mai, un peu plus de 50% des habitants de Homs auraient fui de la ville et Homs est devenu un véritable microcosme du conflit syrien.

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Autre part, dans la banlieue de Damas par exemple, les villes et quartiers peuplés par des druzes, chrétiens, ismaïliens et alaouites n'ont certes pas rejoint la contestation, mais les clivages territoriaux et politiques minent les clivages intercommunautaires. La défense de l'Etat prôné par les sunnites suppose l'élimination de la structure étatique établie par un régime qui optimisait des territoires selon le bénéfice politique et l'intérêt communautaire. Fabrice Balanche introduit le lecteur à une analyse qui mérite d'être approfondie : « La défense du territoire face à l'agression semble être la cause de toutes les parties. Le régime affirmant que la Syrie est victime d'un complot étranger, ce qui l'oblige à déployer l'armée dans les zones frontalières. Les habitants de Hama, Deraa, Douma et des différents quartiers en révolte à Damas défendent leur territoire contre l'agression de l'Etat. Car ce dernier n'est pas considéré comme l'émanation du peuple syrien mais de plus en plus comme confisqué par la minorité alaouite »80.

Après le siège de Homs en février 2012, beaucoup d'expressions dénotaient une situation de guerre civile. En effet, dans les médias, on parle de reprise de Bab Amro par l'Armée Syrienne Libre, de villes rebelles ou encore de quartiers rebelles. On pourrait presque penser qu'il existe deux Syries, avec deux peuples, l'un loyaliste, l'autre pro-Assad ; et deux armées : la première régulière, l'autre populaire. Dans Homs, il existe aussi deux Syries, l'une vivant à Sultanya et Bab Amro, l'autre dans les anciens quartiers construits par les français comme le quartier Zahra. Dans les médias mainstream, le quartier le plus cité pour les bombardements faits par l'artillerie lourde de Bachar El Assad, est « Bab Amro », cependant certains éléments me portent à croire que certains bâtiments du quartier loyaliste de Zahra ont été touchés. C'est étonnant, car il n'existe pas mention dans les médias occidentaux officiels d'un armement des rebelles ayant une force de frappe comparable à l'artillerie lourde de l'armée régulière. En effet, dans les images satellites datant du 5 février livrées par le journaliste vedette américain Jonathan King sur CNN81, les immeubles dont les toits sont fortement endommagés se situent dans le quartier au nord est de la ville : Zahra. Alors que Bab Amro, au contraire, se situe au sud-ouest. L'organisation de l'espace, et le type d'habitat ne caractérise pas non plus Bab Amro, qui est un quartier plutôt pauvre. Cette affaire soulève bien des questions mais montre néanmoins que les tensions qui divisent la Syrie sont transposables à l'échelle locale de Homs.

80 Fabrice Balanche, Géographie de la révolte syrienne,

http://mom.academia.edu/FabriceBalanche/Papers/1099089/Geographie_de_la_revolte_syrienne_Geography_o f_Syrian_revolt_

81 http://english.al-akhbar.com/node/4175/

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La ville a occupé une place singulière dans la région et le pays. Elle est au carrefour de deux grands axes nord-sud (Damas-Hama-Alep) et ouest-est (Lattaquié-Tartous-Palmyre-Euphrate). Thierry Boissière, anthopologue, nous enseigne que Homs était la base d'une puissante bourgeoisie sunnite qui, entre 1930 et 1970, a donné à la Syrie plusieurs ministres et trois présidents. Cette classe aisée devait son influence à son immense patrimoine foncier. C'est le retour à cette ère là, à une domination des sunnites et à la stigmatisation des alaouites, que craignent les alaouites. En première partie, nous évoquions la réforme agraire et le Baathisme Assadiste comme de véritables revanches historiques pris par les paysans alaouites contre les propriétaires sunnites.

La forte présence alaouite à Homs est due à une volonté d'inscription, d'occupation et de contrôle du territoire82. Le régime encourage la formation de la fameuse périphérie alaouite au nord-ouest de la Syrie mais aussi les fortes implantations alaouites dans les territoires multiples syriens, surtout s'ils sont stratégiques comme la capitale Damas. Thierry Boissière explique que l'acharnement de l'armée régulière syrienne à Homs est dure à son caractère de pivot stratégique : « Homs est un élément important...Il s'agit de contrôler un axe de repli vers la montagne alaouite et le littoral syrien, mais aussi vers Tripoli au Liban sont présents, bien que minoritaire. Davantage que Hama ou la trop nordiste Alep, Homs, véritable verrou vers le nord et vers l'ouest, contrôlant le bassin de l'Oronte et ses barrages mais aussi la route des oléoducs, constitue une ville dont le régime ne peut en aucun cas perdre le contrôle. 83»

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard