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L'abà¢à¢, corps de garde et espace de communication chez les Fang d'Afrique centrale. Une préfiguration des réseaux sociaux modernes.

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par Gérard Paul ONJI'I ESONO
Université de Yaoundé II Cameroun - Master 2015
  

Disponible en mode multipage

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      EPIGRAPHE

      « Peut-être seulement le Vieux qui a provoqué tout ceci avec le son des tam-tam, sait que « l'homme », ce héros, marque de sa mort la fin d'une Afrique et donne le début d'une autre ».

      Elisabeth OYANE MEGNE

      In« La poétique cubaine aux sources de l'oralité bantou »

      DEDICACE

      A feu mon grand-père Paul ONJI'I ESONO, fondateur de l'Abââ de Mebem ;

      A tous les acteurs qui oeuvrent par une action dynamique,afin que les peuples d'Afrique perpétuent leurs traditions malgré la mouvance de la modernisation.

      REMERCIEMENTS

      Chaque étape du chemin difficile qui mène à la gradation dans la connaissance est généralement abordée et bravée avec l'aide ou le soutien des Maîtres. Tout seul, il serait prétentieux de croire que l'on irait loin...sinon vers quoi ?

      Je remercie de prime abord le Professeur Eugène BOOH BATENG, mon directeur de mémoire qui, malgré ses occupations importantes, a consenti à m'accorder tout le temps nécessaire, avec beaucoup de sollicitude, afin de conduire ce travail. Il s'est approprié cette thématique et la bonne compréhension qui en a résulté a favorisé la symbiose entre lui et moi. Certes, il s'agit pour lui d'une contrainte académique, mais j'aimerais tant dire que c'est lui qui, après m'avoir suggéré de mieux développer un article qu'il m'a commandé au sujet de l'Abââ, m'a ouvert les yeux sur le vaste champ de recherche en anthropologie de la communication. J'espère pouvoir y faire longue route sous son encadrement.

      De même, je tiens à remercier le Professeur Laurent Charles BOYOMO ASSALA, Directeur de l'Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication pour son soutien, son encadrement académique, ses précieux conseils et ses encouragements, grâce auxquels nous avons pu arriver à ce stade de notre formation et de notre travail de recherche.

      Je remercie le Docteur MESSANGA OBAMA qui, de façon spontanée, a participé significativement à m'éclairer dans le domaine de l'anthropologie. Ma reconnaissance est également exprimée au Docteur Emmanuel NDJEBAKAL dont la vision m'a permis de développer le volet de ce travail de recherche relatif aux réseaux sociaux.

      Je remercie aussi tous ces « lettrés traditionnels», selon une expression de mon directeur de recherche, grâce à qui les connaissances à nous transmises ont servi à plus d'un titre. Ils sont en effet détenteurs d'un autre type de savoirs dont les chercheurs peuvent s'inspirer pour développer des travaux au profit de la science. C'est le cas du patriarche Jean Marc NDONG ONDJI'I, aîné et chef de l'Abââ de Mebem qui m'a accordé plusieurs entretiens et mis à ma disposition des documents anciens.

      Je ne saurai oublier Ghislaine Sandrine FOUDA, mon épouse. Son soutien affectif et psychologique m'a ragaillardi quand j'éprouvais beaucoup de difficultés à devoir concilier mes responsabilités familiales, mes tâches professionnelles et mon travail académique.

      RESUME

      Depuis des générations, les communautés fang d'Afrique Centrale ont développé le corps de garde dans leurs villages sous l'appellation de « Abââ ». Il s'agit d'une case traditionnellement construite en matériaux végétaux sous forme de hangar. C'est vers l'Abââ que les hommes et les adolescents de sexe masculin convergent et passent du temps après leurs travaux champêtres. Placé sous l'autorité d'un patriarche, généralement aîné de la communauté, l'Abââ joue plusieurs rôles déterminants au niveau de la gestion du village dans tous les aspects de la vie. Plusieurs fonctions remplies par l'Abââ, dont celle d'espace de communication et d'interaction font de cette structure traditionnelle la plateforme d'échange et de partage qui régit l'essentiel des relations interpersonnelles dans les sociétés de l'aire culturelle Fang à l'image des réseaux sociaux de l'ère moderne.

      En soumettant notre constat à une analyse scientifique, nous avons convoqué les théories de l' organisation sociale telles qu'élaborées par Marshall MACLUHAN, qui stipule que la structure sociale est un ensemble de relations sociales non fortuites entre individus, liant les parties entre elles et le tout dans une organisation. Nous avons également fait recours au fonctionnalisme, à la lumière des travaux de MALINOWSKI qui propose d'intégrer que toute pratique sociale, comme le phénomène de l'Abââ, par exemple, a pour fonction de répondre aux besoins des individus. Les fonctions que remplit l'Abââ et le jeu des rôles incarnés par les acteurs sociaux qui se relaient selon les circonstances et les situations, ont étépris en compte pendantla phase d'investigation. C'est dans cette optique que nous avons aussi puisé dans les théories d'Erving GOFFMAN qui soulignent la forme théâtrale de la communication et suggèrent une lecture théâtraliste de la société.

      A travers différentes manifestations d'une dynamique d'interactions observables au sein de l'Abââ, nous avons envisagé d'établir une similitude entre l'Abââ et les réseaux sociaux modernes. Force a alors été de constater que des traits caractéristiques identiques et communs ressortent de l'Abââ et de ces réseaux sociaux.

      En conséquence, contemporain des réseaux sociaux modernes, l'Abââ, dans son environnement qui est l'aire socioculturelle des Fang d'Afrique Centrale, se révèle être ce que les réseaux sociaux électroniques sont pour ce monde dans la mouvance de la mondialisation ou de la globalisation.

      ABSTRACT:

      For many generations, Fang communities of Central Africa have been developing the barrack room in their villages. These social structures are labeled «Abââ». It generally consists of a shed made of wood and plant material. It is at these «Abââ» that men and male teenagers converge and spend time after their rural works. Placed under the authority of an individual, generally the eldest of the community, the «Abââ» plays several crucial roles in the management of the village geared towards the aspects of life. Several roles played by the «Abââ», notably providing a space for communication and interaction, make this traditional social order the platform of exchange and sharing, which governs the interpersonal relations in the Fang cultural area, just as the social networking of modern time.

      To further probe our notion in the realm of scientific tools, we have summoned theories of social organization elaborated by Marshall MACLUHAN, which postulates that the social structure consists of a set of non-fortuitous social relationships between individuals linking these parties, amongst themselves and in an organization as a whole. We also appealed to the functionalism depicted in the publications of MALINOWSKI who suggests acknowledging that any social practice, as the Abââ phenomenon, is established to meet the needs of individuals. The roles embodied by the Abââ and by the social leaders who take turns depending on the circumstances or the situations form an integral part of our investigation. Following this school of thought, we also draw from the theories of Erving GOFFMAN which underline the theatrical shape of communication.

      Through various manifestations of observable dynamic interaction within the Abââ, we intend to demonstrate a similarity between the Abââ and modern social networks. It is indeed evident that identical and common characteristic features are portrayed between the Abââ and thosesocial networks.

      Consequently, existing in the same period, the Abââ is in its natural environment, the sociocultural area of the Fang of Central Africa, and is deemed to be what the electronic social network is for the world in the sphere of influence of globalization.

      AVERTISSEMENT

      L'université de Yaoundé II n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans le présent mémoire.Celles-ci doivent être considérées comme étant propres à leur auteur.

      ABREVIATIONS, ACRONYMES, SIGLES

      EPC : Eglise Presbytérienne Camerounaise

      ESSTIC : Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication.

      Etc. : Et cetera

      Ibid. : Ibidem,(même endroit de l'oeuvre citée)

      LAN : Local Area Network

      MPA : Mission Protestante Américaine

      NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication

      Op. Cit. : opere citato, (dans l'oeuvre citée)

      RS : Réseau Social

      TIC : Technologies de l'Information et de la Communication

      LISTE DES CARTES, FIGURES, TABLEAU ET PHOTOS

      Carte 1: Répartition géographique des groupes Fang, Bulu et Beti (Perrois, 1972, p. 102), reproduit par Xavier CADET. 4

      Carte 2: Les sites de réseaux sociaux mondiaux les plus fréquentés 66

      Carte 3: Répartition des réseaux sociaux utilisés en général dans les différents continents du monde en 2008 67

      Figure 1: Représentation de l'architecture des LAN (Local Area Network). 4

      Figure 2: Modélisation de l'Abââ dans le village fang 78

      Figure 3: Représentation de la communauté des membres de l'Abââ de Mebem sur trois générations 80

      Figure 4: Schéma de la théatralisation d'interactions communicationnelles lors d'une cérémonie de dot dans l'Abââ. 83

      Tableau 1: Décompte des Mebââ (pluriel d'Abââ) sur l'axe Meyo Centre - Ma'an et environs 4

      Photo 1 :Une vue d'un village fang avec l'Abââ placé au centre........................ 4

      Photo 2: Photo de l'Abââ de Thoo-Efack, village situé entre Oyem et Bitam, au Nord du Gabon................................................................................. 33

      Photo 3: Une vue de l'Abââ modernisé de Mefoup, village situé dans l'arrondissement d'Ambam/Sud Cameroun, sur l'axe Ebolowa-Ambam, PK 26.................. 33

      Photo 4: Une vue de l'Abââ de Mvi'ilimengalé reconstruit par la société forestière WIJMA, village situé dans l'arrondissement de Ma'an, PK 15 sur l'axe Ma'an-Nyabizan (Memve'ele)................................................................ 34

      Photo 5: Image d'un tamtam..................................................................... 36

      Photo 6: Une partie de Songo à l'Abââ dans un village près de Mimvul au nord du Gabon.................................................................................... 36

      SOMMAIRE

      EPIGRAPHE Erreur ! Signet non défini.

      DEDICACE ii

      REMERCIEMENTS iii

      RESUME iv

      ABSTRACT: v

      AVERTISSEMENT vi

      ABREVIATIONS, ACRONYMES, SIGLES vii

      LISTE DES CARTES, FIGURES, PHOTOS ET TABLEAU viii

      INTRODUCTION GENERALE 1

      1. CONTEXTE 2

      2. RAISONS DU CHOIX DU SUJET 3

      3. DELIMITATION DU SUJET 4

      4. PROBLEMATIQUE 5

      5. HYPOTHÈSES 6

      6. CADRE THÉORIQUE 7

      7. REVUE DE LITTERATURE 9

      8. CADRE METHODOLOGIQUE 14

      9. PLAN DU MEMOIRE 16

      10. DIFFICULTES RENCONTRES ET LIMITES DE LA RECHERCHE 17

      CHAPITRE PREMIER: ESQUISSE DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE DES FANG 4

      Introduction : 20

      1. Les Fang, des origines à nos jours 20

      2. Répartition géographique et démographie 23

      3. Organisation sociale 23

      4. Organisation politique 24

      5. Quelques caractéristiques culturelles 26

      Conclusion 27

      CHAPITRE DEUXIEME: L'ABAA DANS LA SOCIETE FANG 4

      Introduction 30

      1. Historique et évolution de l'Abââ 30

      2. L'Abââ : un construit physique 34

      3. La dimension symbolique de l'Abââ 41

      Conclusion 43

      CHAPITRE TROISIEME: FONCTIONS SOCIALES DE L'ABÂÂ 4

      Introduction 45

      1. Identification et ralliement 46

      2. Siège des pouvoirs Exécutif-Législatif-Judiciaire 47

      3. Centre communautaire d'initiation et de socialisation 49

      4. Lieu d'accueil et d'expression de l'hospitalité 51

      5. Centre culturel et musée 52

      6. Lieu de culte et de requiem 54

      7. Salle des manifestations : 55

      8. Lieu communautaire d'exposition aux médias de masse 56

      Conclusion 57

      CHAPITRE QUATRIEME: HOMOLOGIE ENTRE L'ABAA ET LE RESEAU SOCIAL MODERNE 4

      Introduction : 59

      1. Fondements de l'Abââ et des réseaux sociaux 59

      2. Objectifs de l'Abââ et des réseaux sociaux 62

      3. Typologie des réseaux sociaux 63

      4. Similitudes entre les réseaux sociaux modernes et l'Abââ 67

      5. Dynamique de l'Abââ 76

      Conclusion 85

      CONCLUSION GENERALE 86

      ANNEXES 88

      BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................99

      TABLE DES MATIERES.............................................................................................. .105

      INTRODUCTION GENERALE

      1. CONTEXTE

      Dans une perception occidentale, le corps-de-garde est une construction servant à protéger l'entrée d'une fortification, souvent située au-dessus de l'unique accès à une place. De cette pièce, les gardes pouvaient baisser la herse et lâcher des pierres ou décocher des flèches par les assommoirs sur des assaillants. C'est un poste de garde, un bâtiment destiné à abriter les soldats chargés de surveiller un espace stratégique militaire (porte, arsenal, bastion, ou batterie). C'est un type d'architecture militaire qui se développe en France au XVIIIe siècle1(*).

      Dans la même vision, les communautés fang de la forêt équatoriale ont développé le corps-de-garde dans leurs villages sous l'appellation d'«Abââ». Initialement, la piste reliant deux villages débouchait sur l'Abââ. Le passant étranger dans la contrée était alors interrogé sur sa provenance, son identité et son éventuelle parenté avec la communauté qu'il traversait. Ainsi, le nom « corps-de-garde » qui désigne cette maison des hommes provient, selon Jean Marc NDONG ONDJI'I, de « la période coloniale où le Blanc assignait superficiellement le seul rôle de poste de garde et de surveillance à l'Abââ »2(*). La forme, la position géographique et les fonctions de cette case jouxtant les habitations chez les Fang suscitent pourtant une réflexion poussée.

      Au fil du temps, l'appellation de l'Abââ a subi une évolution. A l'origine, il s'agissait du verbe « ba » qui signifie dépecer. L'action de découper un gibier en gigots afin de le partager à toute la communauté se dit alors « a ba » car les peuples de la forêt équatoriale vivaient surtout des produits de la chasse. Selon Jean Pierre OVONO ENGONGA3(*), « Ce qui est communément appelé Abââ aujourd'hui est le lieu où le village procédait au dépeçage des animaux abattus lors des parties de chasse. Il s'est avéré que certains animaux comme la vipère, la civette...ou certaines parties de gibiers étant interdites à la consommation aux femmes, les hommes eux-mêmes les cuisinaient à cet endroit où, finalement, ils passaient beaucoup de temps dans la journée. C'est ainsi que le feu a fait son entrée à l'Abââ et les hommes ont trouvé utile de transformer cet endroit de partage en un abri contre les intempéries. ».

      A cette explication s'ajoute celle de Antoine NDONG ALO'O qui permet de déboucher sur la relation que l'on ferait entre cet espace de partage et un poste-de- garde car « Dans la langue ntumu, observer avec attention, mais sans intention de surveiller se dit « a bàba ». Par conséquent, ceux qui restaient dans cette case pouvaient bien partager tout et veiller sur le village »4(*).

      En réalité, cette matérialisation de la présence des hommes est devenue progressivement un espace communautaire d'échange, de partage et d'interactivité.

      2. RAISONS DU CHOIX DU SUJET

      Nous avons grandi dans la tradition Fang. Depuis le bas âge, nous avons bénéficié d'un encadrement qui permettait de séjourner régulièrement au village pendant les vacances. L'on s'entendait répéter régulièrement que les hommes ne restent pas dans les cuisines, mais plutôt à l'Abââ. L'organisation des espaces au village a prévu, comme c'est le cas dans les autres communautés, ce cadre-là pour les hommes. Nous avons remarqué que c'est systématiquement que, après les travaux champêtres, nous nous retrouvions au corps de garde du village avec les autres frères et les aînés. Au fil du temps, nous avons observé que cette case abrite nombre d'activités relatives à la vie du village. Toutes les cérémonies impliquant la communauté villageoise et beaucoup d'échanges se déroulent à l'Abââ, sous la férule d'un aîné qui coordonne le tout, agissant autant comme modérateur que président des séances.

      Le constat se poursuit lorsque, nous avons remarqué que dans tout village fang, il existe un Abââ et que dans d'autres communautés culturellement et linguistiquement voisines comme chez les Bulu, les Ewondo, les Etôn et les Manguissa par exemple, cet élément n'existe presque pas. D'où la curiosité qui nous anime à vouloir comprendre pourquoi la présence de l'Abââ.

      A l'observation, ce système d'organisation met en action différents acteurs, chacun ayant ses affinités personnelles avec d'autres personnes dans le groupe. De plus, le fait que cette case soit un lieu de convergence dans le quotidien des peuples fang de l'Afrique Centrale, position qui l'apparente à une plateforme ou plaque tournante du village, suscite beaucoup de curiosité. En réalité, l'Abââ est devenu notre objet de recherche davantage lorsque, en transposant cet organe dans le domaine du fonctionnement des organisations de la société moderne, il nous a semblé possible d'envisager son analyse dans une perspective de réseaux de communication dans ce contexte rural ou traditionnel, à l'image du rôle que jouent présentement les réseaux sociaux moderne.

      Enfin, nous nous intéressons au champ de l'anthropologie de la communication dans les communautés africaines. L'Abââ est donc un phénomène qui peut être étudié dans cette perspective.

      3. DELIMITATION DU SUJET

      Ce travail n'est pas strictement du ressort de l'anthropologie, ni exclusivement du domaine des sciences de l'information et de la communication. Mais à travers la jonction qui s'établit dans l'analyse de l'Abââ comme réseau social de communication, cette recherche est scientifiquement éclairée par les deux disciplines.

      En tenant compte de ces deux disciplines, la présente étude rentre tout de même dans le champdel'organisation sociale. Il s'avère que dans leursrapports relationnels, les groupes sociaux génèrent des actes de communication interpersonnelle relevant de la vie en communauté. Cette étude aborde un phénomène social, lieu d'interactions diverses, en l'occurrence l'Abââ dans l'aire culturelle fang d'Afrique Centrale.

      Sur le plan géographique, certes l'on retrouve ce peuple au Gabon, en Guinée Equatoriale, au Cameroun, au Congo et à Sao Tomé Y Principe, mais cette étude s'est beaucoup plus circonscrite au Gabon (Bitam, Oyem et la région de Libreville), en Guinée Equatoriale (région de Kyè Ntem, Ebibeyin) et au Cameroun (département de la Vallée du Ntem). En effet, la concentration de la population dans ceszones permet de retrouver une représentation significative de toutes les tribus fang qui sont : les Ntumu, les Mvae, les Okak et les Zaman.5(*)

      La préoccupation qui nous anime est d'essayer de démontrer que dans la relation indéfectible qui unit le village Fang à l'Abââ, cette institution traditionnelle à multifonctions est un réseau social traditionnel ou communautaire de communication et d'interaction qui évolue dans un contexte culturel où les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) ne sont pas utilisées, parce qu'inexistantes.

      Au moment où le monde moderne connait une montée certaine des réseaux sociaux sous forme d'interfaces numériques, ce dispositif traditionnel d'interaction dans la société fang qu'est l'Abââ peut également intéresser la recherche. Il s'agit d'une structure qui met en place un système de communication et assure la cohésion sociale, le tout dénotant d'une organisationcertaine.

      4. PROBLEMATIQUE

      Tout part d'un constat. Dans les villages appartenant à l'aire géographique occupée par les Fang en Afrique Centrale, l'on retrouve systématiquement un élément architectural dénommé Abââ, en dehors des habitations familiales. C'est dans cet espace que les hommes du village passent du temps après leurs occupations quotidiennes. Ils y convergent, discutent, partagent même les repas entre eux jusqu'au soir et se séparent au moment d'aller se coucher dans leurs cases respectives.

      A force de remarquer de façon constante la présence de l'Abââ dans les villages, nous avons fini par intégrer a priori que cet élément revêt certainement une importance dans l'organisation sociale des Fang.

      Le constat majeur qu'il importe de révéler est que de manière générale, malgré les mutations sociales conséquentes à la modernisation et à d'autres facteurs propres à la rencontre des civilisations africaine et occidentale, l'Abââ semble constituer l'expression de la perpétuation d'une tradition ancestrale dans l'organisation sociale des Fang.

      La problématisation de cette étude ne se pose pas véritablement en termes de paradoxe à élucider. Elle s'inscrit davantage dans la logique d'étudierun élément prégnant de la culture Fang sur lequel toute la vie de la communauté semble être rattachée et qui génère du trafic en son sein ; un espacedans lequel les membres de la communauté accèdent avec toute la conscience d'aller à la rencontre des autres afin d'échanger avec eux, comme lorsqu'une personne se connecte sur l'internet pour accéder à un réseau social.

      En effet, bon nombre de personnes originaires de ce milieu s'accordent à penser que  « Parler de l'aba, c'est parler nécessairement du village Fang. Car les deux réalités sont fondamentalement liées »6(*). L'Abââ joue plusieurs rôles déterminants dans la gestion du village sous tous les aspects de la vie. A priori, plusieurs fonctions remplies par l'Abââ, dont celle d'espace de communication et d'interaction font de cette structure traditionnelle une plateforme d'échange et de partage qui régit les relations interpersonnelles dans lescommunautés de l'aire culturelle fang. D'où l'ambition qu'a cette étude de vouloirétablir une similitude entre l'Abââ et les réseaux sociaux modernes.Dans cette perspective, la préoccupation majeure de cette étude s'articule autour de la question suivante : dans quelle mesure est-il possible d'assimiler l'Abââ traditionnel des villages fang aux réseaux sociaux modernes? En d'autres termes, pourquoi pourrait-on établir une homologie entre l'Abââ et les réseaux sociaux modernes ?,

      Il nous apparait judicieux d'aborder cette problématique essayant d'élucider les aspects suivants :

      - Qu'est-ce que l'Abââ est effectivement pour le village Fang ?

      - Quelles sont les différentes fonctions qu'il remplit?

      - Eu égard aux différentes fonctions qu'il remplit, quels sont les éléments qui peuvent conduire à entrevoir une équivalence entre l'Abââ et un réseau social moderne ?

      5. HYPOTHÈSES

      En guise de réponses a priori aux préoccupations énoncées, nous allons développer des hypothèses en nous basant sur les orientations suivantes :

      1. l'Abââ est un élément spécifique à la culture Fang répondant à la nécessité pour le groupe de personnes vivant ensemble dans un village de disposer d'un espace organisé, destiné à la bonne gestion de l'essentiel des affaires de la communauté. Par conséquent, il existe un contrat social indéfectible entre le village et l'Abââ dans l'aire culturelle Fang.

      2. l'Abââ est une plateforme qui joue divers rôles et remplit de nombreuses fonctions dont la plus prégnante est essentiellement celle d'espace de communication pour la communauté, où convergent l'essentiel des actions sociales.

      3. En raison de l'interactivité et des échanges interpersonnels qui se déroulent au sein de l'Abââ, cette institution est un outil relationnel dynamique qui favorise la communication sociale chez les Fang, autant que le sont les réseaux sociaux modernes.

      6. CADRE THÉORIQUE

      Comme il a été mentionné plus haut, cette étude s'intéresse à un phénomène inhérent à l'organisation sociale chez les Fang. Elle essaie, dans un premier temps, de comprendre ce qu'est l'Abââ et l'étendue de ses fonctions sociales dans la communauté ;et dans un second temps, tente de démontrer qu'entre autres rôles, l'Abââ constitue une interface d'interaction sociale qui peut s'apparenter à une plate-forme de communication, et par là-même, être développé comme réseau de communication dynamique au sein de chaque village de l'aire culturelle Fang.

      Cette recherche se fonde d'une part sur les théories de l' organisation sociale7(*), telles qu'élaborées par des chercheurs comme Marshall MACLUHAN, qui postule que la structure sociale est un ensemble de relations sociales non fortuites entre individus liant les parties, entre elles et le tout dans une organisation (au sein des sociétés, d'une entreprise...).

      A la lumière des travaux d'Yves WINKIN, une certaine complémentarité viendrait du modèle ethnoscientifique qui permet d'envisager l'Abââ comme un signe de la manifestation des « cadres de perception et d'organisation par lesquels certains phénomènes naturels et sociaux sont tenus, dans un groupe social donné, pour des événements ou des actes de communication ». Cette description « émique » doit reconstituer en quelque sorte l' « ethnoscience de la communication du groupe ou de la communauté en question ».8(*)

      C'est fort de ce qui précède qu'il peut être permis d'appréhender l'Abââ dans un le village fang comme un phénomène dynamique et actant qui entrerait bien dans le registre de ce que Claude LEVI-STRAUSS appelle invariant culturel9(*) propre au groupe Fang.

      Etant donné que l'Abââ est une structure opérationnelle, il aurait été indiqué de le regarder à la lumière du fonctionnalisme. En effet, MALINOWSKI suppose que toute pratique sociale ait pour fonction de répondre aux besoins des individus. Par conséquent, à tout élément de toute culture correspond une fonction et à toute fonction correspond un élément. A la lumière de cette théorie, il sera possible d'examiner les différentes fonctions que l'Abââ remplit dans la culture et la société Fang. Mais entretemps, la théorie du structuro-fonctionnalisme, elle, nous semble plus idoine en ce sens qu'elle intègre en même temps la structure et le fonctionnement. En effet, ce paradigme stipule que le comportement de l'être humain est commandé par la structure sociale et par des modèles comportementaux relativement stables fournis par un environnement culturel et social. Cette conception remonte à Émile Durkheim qui concevait la société comme un système social harmonieux composé de parties interconnectées ou d'institutions le régulant pour maintenir l'ordre et la stabilité.

      A partir de l'idée que la société forme un tout structuré et intégré dont les éléments constitutifs remplissent des fonctions nécessaires et indispensables à la société, les travaux d'Albert R. Radcliffe - BROWN et Talcott PARSONS donnent une importance aux concepts de structure et de fonction. C'est fort de cela qu'il est recommandé de chercher à comprendre comment l'Abââ qui est une entité sociale remplit ses différentes fonctions qui lui sont rattachées.

      Si à un moment donné de son évolution dialectique, l'Abââ a effectivement joué le rôle initial qui lui a été assigné par les ancêtres, ce qui remonte maintenant à des années auparavant, il est possible que maintenant, l'Abââ dans son fonctionnement traditionnel, ait connu des adaptations conjoncturelles. Il reste tout de même qu'il s'agit d'une structure comprenant différentes composantes de la société et qui y joue encore de multiples rôles. Ces entités, physiques ou symboliques sont en interactivité. C'est dans cette optique que l'on peut convoquer les théories d'Erving GOFFMAN qui soulignent la forme théâtrale de la communication. Pour ce chercheur, « les interactions sociales constituent la trame d'un certain niveau de l'ordre social parce qu'elles sont fondées sur des règles et des normes...Mais ces interactions apparaissent si banales et si « naturelle » tant pour les acteurs sociaux que pour l'observateur qui les étudie... Or, c'est dans les rencontres les plus quotidiennes que se livrent les enjeux sociaux les plus riches d'enseignement »10(*). C'est en s'appuyant sur cette posture qu'il est loisible d'observer qu'au sein de l'Abââ qui connaît des jeux de rôles dans la société fang, l'on constate une interactivité qu'il faut cependant décrypter. Il s'agit en effet d'un « cadre social » qui réunit des « interactants » et qui leur permet de partager les mêmes significations dans la « relation cognitive » qui est établie entre les individus de la communauté, dans une perspective « théâtrale».

      7. REVUE DE LITTERATURE

      Deux principaux concepts se côtoient dans de ce travail. Il s'agit de l'Abââ et du réseau social. Ces deux réalités ont fait chacune, séparément, l'objet de réflexions et travaux scientifiques, même si la première peut présenter un champ moins exploré que la seconde.

      En ce qui concerne l'Abââ, c'est une chanson populaire de l'artiste-musicien Pierre Claver ZENG11(*) centrée sur la thématique de l'Abââ qui réveille cette institution dans l'imagerie collective. Son oeuvre est principalement inspirée de la littérature orale fang qui pose les jalons de la définition de l'Abââ comme un « espace mythique et même mystiqueoù tout génère ». Reprenant à son tour la définition de l'Abââ, MVE BEKALE propose que cette institution de la culture fang soit perçue comme la « maison des hommes, véritable centre géographique et symbolique du village, d'où s'origine toute la culture fang »12(*)

      De ces considérations qui consacrent l'Abââ comme espace ou centre, les deux auteurs ont une approche métaphorique qui permet tout de même de déduire qu'une certaine convergence existe autour de l'Abââ en tant que centre, espace qui accueille des personnes. Autrement dit, il s'agit d'une aire communautaire partagée par différents acteurs. C'est dans cet ordre d'idées que s'aligne Jean Marie AUBAME qui pense aussi que l'Abââ est un élément hautement symbolique à travers lequel un clan (ndà bôt) est identifié. C'est par le truchement de ce dernier que « le Fang est saisi ou isolé en tant qu'individu, par l'étranger... comme un homme attaché à un clan. L'Abââ constitue une cellule de différenciation [...] C'est dans cette cellule fondamentale que toutes les décisions, quel qu'en soit le domaine, étaient élaborées, mûries et prises par le conseil des anciens »13(*).

      L'Abââ serait donc un élément de l'organisation sociale Fang qui symbolise la conscience qu'a legroupe de vivre en réseau et même la force publique de la communauté, un peu comme ce que représentent le « Mbàmbà » (résidence du Chef) et le « Nkùn nnàm » (panier sacré) dans l'aire culturelle Yebekolo, tel qu'élucidé par MESSANGA OBAMA14(*).

      En effet, ce chercheur démontre que la disparition du nkùn nnam dans un village entraine la désuétude et la misère dans cette communauté, de même que sa conservation garantit une certaine prospérité au peuple.

      La relation qui peut dès lors s'établir entre les deux réalités est que l'Abââ et le nkùn nnàm sont deux institutions qui symbolisent pour les uns et les autres l'organisation, la puissance, le souci de développement et de pérennisation de la communauté qui conserve ses valeurs. Ces entités sont en réalité celles sans lesquelles il serait difficile d'envisager logiquement une communauté fang ou yebekolo bien structurée. Toutefois, tandis que le nkùn nnàm est une « institution coiffée par le Chef, au sens de l'administration », l'Abââ lui est rattaché à un nyambôrô qui n'est pas forcément le Chef du village, par tradition. MESSANGA OBAMA s'est appesanti sur une préoccupation de développement de la communauté Yebekolo. La présente étude s'inspire de cet éclairage et apporte une lecture qui suggère qu'au-delà des aspects liés au développement de la communauté, l'Abââ, lui, soit perçu comme institution favorisant la cohésion sociale et l'interaction le tout sur fond de communication interpersonnelle.

      Actuellement, certains observateurs soulèvent la question de la survie de l'Abââ. En effet, avec l'ère moderne, les villages se transforment, les habitudes changent, les us et coutumes connaissent des influences et certaines pratiques, naguère usuelles, tombent dans la caducité. C'est dans le tourment de ces mutations sociales que se retrouverait l'Abââ de nos jours. Ce point de vue est partagé par nombre d'auteurs dont Jacques Fulbert OWONO qui pense dans son analyse qu' « il n'est pas superflu voire incongru de penser aujourd'hui que la rupture communicationnelle criarde qui existe entre les frères, les villages ou les clans, vient du fait que l'aba soit tombé en désuétude ».15(*) Cet auteur pousse plus loin dans son analyse et soutient que la perte de valeurs de l'Abââ peut être l'un des facteurs de pauvreté des villages fang-béti car, l'introduction du système colonial de chefferie de canton et de terre aurait porté un coup tragique au fonctionnement de l'Abââ dans les villages. Selon cet auteur, l'on a introduit des systèmes d'organisation sociale sans tenir compte des préoccupations des populations et de leurs modes de fonctionnement.

      Il rejoint Emmanuel KAMDEM sur le champ émergent de l'analyse des organisations en Afrique qui veut surtout s'inscrire dans « une approche interculturelle »16(*). Son travail consiste à dégager et à expliquer le rapport entre une organisation, sa société de référence et les autres sociétés. L'auteur essaie de voir comment peuvent être envisagés les rapports ou les interrelations entre valeurs culturelles du peuple pahouin et le management des organisations modernes.

      Sans entrer dans une analyse des organisations sociales, nous ne décrions pas, comme Jacques Fulbert OWONO, la tombée en désuétude de l'Abââ dans l'aire culturelle fang qu'il est difficile de lier directement aux questions complexes de développement. Au contraire, les villages fang existent avec leursMebââ (pluriel d'Abââ) qui constituent en général l'élément distinctif par lequel le peuple fang fait la différence avec les autres communautés proches, avec lesquelles il partage pratiquement la même souche linguistico-culturelle (Bulu, Béti, etc.).

      Il s'avère que nous observons un élément de la culture fang vendable (approche marketing) comme un modèle, et qui peut être extrait et présenté dans l'optiqued'un support de communication au sens propre du terme, tout en conservant une certaine opérationnalité qui fait de lui un réseau social multifonctionnel dans la communauté fang.

      Dans le domaine des réseaux sociaux, l'on peut dire qu'un réseau social est perçu comme « un ensemble de personnes, d' associations, d'établissements, d'organismes ou d'entités sociales qui ont le même objectif et qui sont en relation pour agir ensemble. »17(*).

      Selon une autre approche, il conviendrait également de présenter un réseau social en tant qu'« ensemble d'identités sociales, telles que des individus ou encore des organisations, reliées entre elles par des liens créés lors d' interactions sociales ». Il se représente dans ce cas par une structure ou une forme dynamique d'un groupement social.

      Bien que ces acceptions de réseau social se complètent dans le sens, celle de Jean François MARCOTTE apparait plus édifiante. Elle propose de retenir que « les réseaux sociaux sont des ensembles de relations sociales de natures pluriels avec une diversité d'acteurs sociaux qui sont entretenues par différents canaux de communication ». Ainsi, les individus interagissent avec d'autres individus « [...]dans des relations de niveaux variables, spécialisées ou générales, ponctuelles ou durables, en personne ou via une interface technologique»18(*).

      En définitive, plusieurs auteurs s'accordent à fédérer les différentes acceptions connues du réseau social comme étant « un ensemble d'acteurs(individus, groupes ou organisations) reliéspar des interactions sociales. Ces interactions sociales peuvent être de différentes natures: familiales, sentimentales (liens forts) ou plus distantes : affinité, relation d'affaire, de travail »19(*).

      Au cours de la Cinquième Ecole Doctorale de Telecom Ecole de Management qui s'est tenue du 5 au 9 septembre 2011 à Evry en France, le thème débattu par les jeunes chercheurs de divers horizons réunis était le suivant : les réseaux sociaux en ligne vont-ils remplacer les réseaux traditionnels ? Le constat établi est celui-ci : qu'ils soient en ligne ou hors ligne, les réseaux sociaux structurent profondément les sociétés tout en les transformant sans cesse. Mais toute société conserve des éléments culturels invariants ; c'est le cas de l'Abââ chez les Fang. En créant des forums en ligne sur des sites internet, à l'exemple de www.monefang.com, les ressortissants fang opèrent une transposition virtuelle et la rattachent, en terme de configuration et de menu, à l'Abââ traditionnel, un espace physique d'échanges interactifs.

      Dans les sociétés traditionnelles comme chez les Fang, l'interaction sociale qui est établie naturellement - et pas occasionnellement ou conjoncturellement - se fonde d'abord sur les liens familiaux de sang et de parenté qui favorisent une certaine homogénéité, comme le fait remarquer Georg SIMMEL qui avait distingué les liens sociaux selon qu'ils se déployaient au sein des communautés ou au sein de la société20(*). Dans le premier cas, l'étroitesse des relations interindividuelles est telle que la conscience de soi de l'individu se fond dans le groupe dont il revêt l'identité. Au contraire, dans la société, l'individu appartient à divers « cercles sociaux » vers lesquels ses aspirations et ses intérêts le conduisent.

      C'est sans doute ce qui a conduit FARRUGIA à observer qu'« il convient de comprendre le lien social comme ce qui maintient, entretient une solidarité entre les membres d'une même communauté, comme ce qui permet la vie en commun, comme ce qui lutte en permanence contre les forces de dissolution toujours à l'oeuvre dans une communauté humaine »21(*).

      C'est cet enchevêtrement de liens et cercles qui conduit à la formation des groupes communautaires (les chasseurs du village, les pécheurs, les grands cultivateurs, la main d'oeuvre, etc.), tous ces acteurs évoluant dans le réseau local du village au sein de l'Abââ. C'est cet aspect du champ d'investigation qu'offrent les réseaux sociaux qui nous intéresse dans la présente étude.

      Un réseau social est aussi pris comme « un ensemble de personnes, d' associations, d'établissements, d'organismes ou d'entités sociales qui ont le même objectif et qui sont en relation pour agir ensemble. »22(*).

      Dans une autre approche, il conviendrait également de présenter un réseau social en tant qu'« ensemble d'identités sociales, telles que des individus ou encore des organisations, reliées entre elles par des liens créés lors d' interactions sociales ». Il se représente dans ce cas par une structure ou une forme dynamique d'un groupement social.

      En définitive, bien que ces acceptions de réseau social se complètent dans le sens, celle de Jean François MARCOTTE apparait plus édifiante. Elle propose de retenir que « les réseaux sociaux sont des ensembles de relations sociales de natures pluriels avec une diversité d'acteurs sociaux qui sont entretenues par différents canaux de communication ». Ainsi, les individus interagissent avec d'autres «[...] dans des relations de niveaux variables, spécialisées ou générales, ponctuelles ou durables, en personne ou via une interface technologique»23(*).

      Selon Yves WINKIN, « l'apprentissage occidental se concentre sur le langage verbal écrit, non sur la gestualité ou le rapport entre êtres surnaturels ». L'on peut donc de ce fait dénoncer le fait que Jean François MARCOTTE débouche uniquement sur des relations interpersonnelles qui se développent dans un réseau supporté par « une interface technologique ». Cette vision semble mettre en marge les sociétés où ces dispositifs technologiques modernes n'existent pas, et qui peuvent pourtant intéresser la recherche sur d'autres phénomènes de communication, dans les formations sociales dites traditionnelles comme nombre de communautés d'Afrique. C'est pour cela que, dans une approche inspirée du modèle ethnoscientifique, il est d'intérêt que l'Abââ soit culturellement considéré et mis en exergue comme moyen dynamique, au même titre que ces dispositifs technologiques, en ce sens que, dans son environnement, l'Abââ constitue un « modèle par lequel les membres d'une culture construisent le monde dans lequel ils vivent »24(*) .

      8. CADRE METHODOLOGIQUE

      Nous avons opté d'entreprendre une étude de type exploratoire qui s'est donné pour ambition d'interroger l'Abââ en tant que structure sociale et les fonctions qu'il remplit chez les Fang. Dès lors, notre méthode de recherche épouse le type qualitatif et nous avons mené notre collecte d'information au moyen des sources suivantes : la recherche documentaire sous forme d'enquête littéraire, les entretiens avec des personnes-ressources (personnes âgées détentrices de la tradition et des intellectuels) ayant abordé peu ou prou notre sujet.

      La revue de littérature nous a permis de développer d'abord une esquisse de socio-anthropologie du peuple Fang et la connaissance relevant du domaine des réseaux sociaux essentiellement à travers des sources documentaires que nous avons exploitées.

      En ce qui concerne l'élucidation des fonctions sociales de l'Abââ, nous avons investigué par observation directe qui est une technique de l'observation participante, et par des entretiens, dans la phase de pré-enquête qui, selon GHIGLIONE et MATALON25(*), sont utilisés pour aider à la construction du cadre conceptuel, surtout dans un contexte comme celui dans lequel nous avons mené cette recherche, qui caractérisé par l'indisponibilité de données déjà collectées. C'est également fort de ce que cette méthode est recommandée par Yves WINKIN que nous avons jugé adéquat de l'intégrer dans la palette d'outils qui nous ont permis de mener cette investigation. La raison de ce choix se justifie lorsque cet auteur déclare à ce sujet que : « Il me parait que le travail scientifique sur la communication doit s'accomplir à deux niveaux, ou en deux temps. Tout d'abord, il s'agit de dégager par observation participante les cadres de perception et d'organisation par lesquels certains phénomènes naturels et sociaux sont tenus, dans un groupe social donné, pour des événements ou des actes de communication. »26(*)

      En territoire camerounais, en raison de la forte concentration de villages sur l'axe routier reliant Meyo Centre à Ma'an et environs, nous avons choisi cette contrée qui compte 50 mebââ (pluriel d'Abââ) répartis dans 31 villages. C'est ainsi qu'entre 2010 et 2012, nous avons parcouru ces villages dont la liste figure plus loin (voir page 40). Le nombre total de voyages effectuées dans le cadre de cette étude et en dehors se chiffre à quarante-deux (42), avec la fréquence d'environ un voyage par mois.

      En outre, afin de ressortir quelque éventuelle différence au niveau des Mebââ des Fang du Cameroun et ceux de Guinée Equatoriale, nous avons séjourné pendant deux semaines en Guinée Equatoriale dans l'Abââ de Minkok Messeng, du clan Esa nguii dans la période comprise entre le 1er et le 13 aout 2011. Il nous a été donné d'assister à plusieurs cérémonies qui se sont déroulées à l'Abââ, notamment des funérailles, une réunion du clan et un mariage traditionnel. Pour les mêmes raisons, nous avons effectué plusieurs voyages d'étude au Gabon au courant du mois de mai 2012, séjournant à Thoo Efak pendant une semaine et à Libreville pour sillonner certains villages environnants, à proximité de la localité de Ntoum située à une trentaine de kilomètres sur la route nationale qui mène vers le nord.

      C'est à base de ces données collectées sur le terrain relevant de l'observation des activités menées par la communauté villageoise et de l'interaction que cela génère qu'il nous est apparu possible de rapprocher l'Abââ et les réseaux sociaux. En effet, c'est à travers ces outils qu'il a été possible de mettre en évidence leurs manifestations au travers de comportements observables. Cela nous a conduit à envisager une certaine homologie entre les deux phénomènes.

      En fait, une étude exploratoire avec l'Abââ comme objet d'investigation, un sujet aussi singulier peut poser des problèmes d'unanimité sur les outils méthodologiques permettant de le cerner complètement. Mais, nous sommes dans une logique ethnographique qui privilégie l'observation participante confortée par l'approbation qu'en fait Yves WINKIN qui déclare : « personnellement, je crois à la pertinence de la démarche ethnographique. Les travaux qu'elle peut produire sont loin d'être de simples « monographies de village », comme d'aucuns l'ont dit. Elle permet d'appréhender le social avec tout le respect qu'on lui doit - et avec tout le plaisir que nous pouvons en tirer »27(*).

      En ce qui concerne spécifiquement les entretiens, nous avons ciblé des informateurs sur la base du critère social de nyambôrô. Dans les communautés fang investiguées au Cameroun, au Gabon, et en Guinée Equatoriale, nous avons mené des entrevues individuelles avec une quarantaine d « anciens » rencontrés pendant nos différents voyages. Pour la plupart, ce sont des personnes âgées de cinquante ans et plus. Le contact s'est établi au sein de leurs différents Abââ où nous avons été introduits avec la facilitation de nos connaissances locales. Les aspects sur lesquels il leur a été demandé de s'exprimer concernaient notamment l'origine de l'Abââ et la symbolique de cette institution. Les autres domaines comme les fonctions sociales et la similitude de l'Abââ avec les réseaux sociaux modernes a ont été développés et analysés sur la base de l'observation directe.

      De surcroit, nous pouvons aussi révéler que nous sommes originaire de cette aire socioculturelle. Certaines connaissances qui étaient déjà acquises, peut être a priori, ont été élaborées, exploitées, et mises en forme comme éléments du contenu de ce travail.

      9. PLAN DU MEMOIRE

      La présente étude comporte quatre (04) chapitres.

      Le premier est une esquisse de socio-anthropologie du peuple Fang avec un état des lieux qui présente de manière substantielle l'aire géographique et culturelle dans laquelle l'étude a été réalisée.

      Le deuxième situe l'Abââ comme structure à part entière dans l'organisation sociale des Fang d'Afrique Centrale, avec l'ambition de mieux l'élucider dans son fonctionnement, avec les principes majeurs qui soutendent son action et légitiment ses actes dans la communauté.

      Le troisième chapitre édifie sur les fonctions sociales majeures de l'Abââ dans l'ensemble, en débouchant sur cette plateforme communautaire qui a su s'adapter aux mutations sociales engendrées par l'ère moderne.

      Le quatrième chapitre établit une homologie entre l'Abââ et un réseau social moderne, sur la base des fonctions prégnantes de réseau social de communication de l'Abââ qui favorise toujours l'interaction et l'interactivité entre personnes d'une même communauté villageoise et, par extension, avec d'autres entités ou organisations sociales.

      10. DIFFICULTES RENCONTRES ET LIMITES DE LA RECHERCHE

      Il est possible que ce travail inspire d'autres productions intellectuelles en termes de travaux de recherche. Pour parvenir à sa rédaction, nous avons certes bénéficié de l'encadrement de nos maîtres. Mais il est difficile d'éluder certaines entraves qui se sont posées à nous même pour en arriver là.

      D'abord, l'Abââ est une réalité de l'organisation sociale fang, une question qui, dans une certaine mesure, concernerait directement la sociologie ou l'anthropologie, des disciplines que nous n'avons pas la prétention d'avoir suffisamment étudiées pendant notre cursus académique. Par conséquent, la bonne maîtrise des outils nécessaires pour mieux appréhender le phénomène de l'Abââ en le rapprochant du champ des sciences de l'information et de la communication nous a certainement fait défaut.

      A côté de cela, il convient également de révéler que si certains auteurs qui s'y sont appesanti de façon générale, en évoquant sommairement des aspects, nous n'avons cependant pas retrouvé une littérature spécifiquement prolixe à ce sujet. Nombre de chercheurs et informateurs rencontrés résident au Gabon et nous avons dû effectuer de nombreux déplacements dans ce pays pour y investiguer.

      La Guinée Equatoriale aurait pu également figurer parmi les lieux où cette recherche a été menée en partie. Mais l'accès dans ce pays n'a pas été possible au moment où nous le sollicitions en raison de la fermeture de sa frontière avec le Cameroun.

      Ensuite, devant concilier avec nos responsabilités professionnelles, nous avons organisé la rédaction de ce travail de manière contraignante en partageant les horaires entre les obligations familiales et le devoir académique.

      Toutefois, nonobstant ces quelques obstacles évoqués, nous sommes parvenu à produire cette oeuvre que nous n'avons pas la prétention de présenter comme étant parfaite. Il serait souhaitable que le lecteur de ce mémoire intègre ces aspects dans le jugement qu'il peut en faire au demeurant, dans un esprit scientifique.

      CHAPITRE PREMIER:

      ESQUISSE DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE DES FANG

      Introduction:

      Nous ne saurions aborder cette étude sans situer le lecteur sur un ensemble d'éléments qui lui permettent de s'imprégner de la connaissance du peuple Fang sur son origine, telle que rapportée par diverses sources. Par la suite, le présent chapitre introductif abordera les aspects démographiques et la répartition sur ce que l'on pourrait appeler l'aire géographique peuplée par ces communautés principalement dans les trois pays qui abritent le plus grand nombre de cette population. Enfin, nous parlerons de l'organisation sociale chez les Fang.

      1. Les Fang, des origines à nos jours

      1.1. Origines controversées du nom « Fang »

      Malgré leur notoriété en Afrique centrale et une bibliographie abondante, l'étude des Fang demeure encore délicate aujourd'hui, que ce soit du point de vue historique, sociologique ou culturel. De nombreux points divisent encore les auteurs et il convient de les traiter au préalable. Le premier point consiste à cerner avec précision le groupe Fang. En effet, le terme « Fang » fait l'objet d'une discussion infinie qui ouvre la plupart des études. « Pamouay » est le premier terme utilisé pour désigner un groupe situé dans l'intérieur, au-delà des villages courtiers. Selon une certaine source28(*), Il apparaît en 1819 avant d'être adopté par les Espagnols qui le transforment en « Pamue », par les Allemands : « Pangwe », et par les Français : « Pahouin », trois traductions phonétiquement proches de l'origine, les Français ayant nasalisé le phonème final. Quelle qu'en soit la traduction, « Pamouay » est aussi inapproprié que « Eskimo » pour les Inuit. En réalité, « Pamouay » vient de « Mpangwe » donné par les Mpongwe, habitants des rives de l'Estuaire de Gabon, signifiant, en langue vernaculaire, « je ne sais pas », indiquant ainsi qu'ils ne savent pas comment se nomme le groupe. Pendant près de quarante ans, « Pahouin » est utilisé dans la plupart des écrits. Il faut attendre 1861 pour qu'il soit dénoncé pour la première fois.

      Selon Xavier CADET29(*), avant de se désigner comme tels, les Fang se reconnaissent d'abord dans une appartenance à un clan, (ayong) comme Esakôran, Nkodjeign, Efak, Yendzok, Mimbôman, etc. Or, pour des raisons sans doute simplificatrices, les auteurs ont reconnu, entre l'ensemble Fang et les clans, un sous-groupe intermédiaire, celui des tribus qui seraient, les Betsi, les Okak, les Ntumu, les Nzaman, les Meke et les Mvae. Si elles reposent sur une réalité, elles ont néanmoins le redoutable désagrément de s'interpénétrer au niveau des clans, ce qui réduit leur pertinence. L'autre trouble vient de ce que les clans peuvent prendre plusieurs noms, selon la localisation géographique de ses représentants, tantôt s'écartant d'une simple prononciation, Ekodjé ou Nkodjeign, tantôt changeant radicalement : Nkodjeign, Efak, Yevo, tandis que d'autres clans quoique absolument distincts, portent des noms très similaires, Efak et Effak, ce qui multiplie les risques de confusion.

      Enfin le chevauchement des clans au-delà des frontières coloniales étale parfois les liens familiaux entre Gabon, Guinée Equatoriale, Cameroun et Congo, se connectant alors aux ethnies voisines, ce qui évidemment rajoute une certaine complexité sur le plan ethnographique.

      1.2. Aperçu historique des origines du peuple fang

      Notre étude ne porte pas sur la migration des Fang, mais il nous paraît nécessaire de faire une présentation sommaire de l'origine des Fang d'Afrique Centrale.

      Selon Aimée Prisca MEKEMAZA ENGO30(*), lorsqu'on parle de la zone d'origine des Fang, deux hypothèses s'opposent de nos jours : celle d'une origine très lointaine (non-forestière) d'une part et au contraire, celle d'une origine proche, par rapport à leur habitat actuel d'autre part. La première hypothèse (celle d'une origine très lointaine), a été formulée par plusieurs chercheurs mais notre attention est retenue par celle du Père TRILLE, telle que reprise par Pither MEDJO MVE31(*). En effet, le Père TRILLES situe l'origine des Fang au Nord-est de l'Afrique, et précisément dans le Bahr-el-Ghazal (région du Haut-Nil au Soudan). Il résume cette origine en ces mots : « Les Fang sont un des chaînons qui relient les races du Nil et de la Lybie ». L'hypothèse d'une idée très proche des Fang est d'abord de l'ethnologue Laburthe TOLRA tel que le rappelle Pither MEDJO32(*). Pour sa part, cet auteur situe l'origine des Fang à l'est du Cameroun et émet ensuite l'hypothèse d'une coprésence dans la région de Minlaba (Sud du Nyong) de Bassa, de Maka, et du groupe fang autour de 1850.

      A la suite de cet anthropologue, nous avons l'hypothèse de l'archéologue CLIST. En effet cet auteur pense que l'origine des Fang est à rechercher soit au Nigeria, soit dans la région interlacustre (Grand Lacs). Le linguiste Pither MEDJO MVE dira que les Fang reviennent des régions des sources du Ntem et de l'Ivindo, suivant deux courants : le courant septentrional et le courant oriental. Le premier courant aurait amené les Fang du Woleu-Ntem et de la Guinée-Equatoriale.

      Pour sa part, Adzidzon BEKALE33(*) qui a échangé avec certains patriarches fait état, à son tour d'une autre approche qui semble se rejoindre ceux qui pensent que les Fang viennent du « nord ». En effet, dit-il, « Les anciens avec lesquels nous avons discuté, tels les vieux Ayo, Akoba, Bitegue...nous ont tous répondu invariablement que les fang reviennent d' « Okuign ». « Okuign » est un mot qui s'oppose à « Nkiègn ». Il signifie à la fois « le Nord » et « l'amont (quand il s'agit de parler d'une rivière ou d'un fleuve) » tandis que « Nkiègn » signifie « le Sud » et « l'aval (quand il s'agit de parler d'une rivière ou d'un fleuve) ».

      Dans la phrase « Bôt be ye Okuign », la traduction française donnera « Les gens du Nord ». Tandis que dans celle-ci : « Bot be ye nkiègn », elle donnera : « Les gens du Sud ». D'après ces anciens, l'Afrique centrale ne serait donc pas le foyer originel des fang, ceux-ci viendraient du Nord (le Nord de l'Afrique). D'après eux toujours, ce n'est qu'au terme d'une grande et longue migration appelée « Obane » que les Fang sont arrivés dans leur foyer géographique actuel : au Cameroun, au Congo, au Gabon, en Guinée Equatoriale et à Sao Tomé. Les documents historiques le soutiennent car ils affirment que la présence fang a été signalée pour la première fois en Afrique centrale, et notamment dans la région de l'Estuaire au Gabon, vers le début du XIXè siècle.

      Nous évoquons le récit mythologique du sage AFA'A BIBO34(*) , «Dulu bone b'Afiri Kara », traduit en français par « les pérégrinations des descendants d'AFIRI KARA »35(*), selon lequel, pour préserver sa famille des attaques ennemies, le vieil AFIRIKARA, ancêtre du peuple de Fang qui viendrait des bords du Nil et a migré vers le sud, pour échapper aux guerres et autres invasions des peuples étrangers.

      En guise de conclusion à ce sujet, OWONA NGUINI dira que « le mythe de « la marche des enfants d'Afiri Kara » situe les origines fangs en Haute-Égypte. Cette légende a été inventée pour lier des groupes plus hétérogènes qu'ils ne le disent. Dans la matrice dite fang-betie, des groupes ont des origines anthropologiques diverses, mais se sont retrouvés à partir d'un même répertoire culturel. On retrouve des éléments strictement fangs, des éléments assimilés aux Fangs et des non-Fangs qui ont été acculturés. Les Betis du Cameroun, au sens strict, ne sont pas des Fangs. Moins nombreux, ils ont été « pahouinisés » et se sont fondus dans la communauté, au point d'en perdre leur langue »36(*).

      2. Répartition géographiqueet démographie

      Le peuple Fang est un peuple négro-africain que l'on retrouve aujourd'hui en Afrique centrale. On rencontre des regroupements principalement au Gabon où ils représentent environ 40% de la population, en Guinée-Equatoriale où ils représentent 80% de la population, au Cameroun où ils sont estimés à 20% des habitants, et quelques milliers de personnes au Congo, en République centrafricaine et à São Tomé. Ils n'ont jamais remis en question l'entrelacs de parentés interclaniques qui se ramifient depuis les Fangs de Libreville jusqu'aux Ewondo de Yaoundé, en passant par les Ntoumou de Bata.37(*)

      3. Organisation sociale

      Les sociétés de la forêt en général et celle des Fang qui nous préoccupe en particulier, sont des sociétés lignagères (mvog). Le lignage reste l'unité fondamentale de toute l'organisation sociale. Le village fang (dzaa) est organisé autour du lignage et du clan, qui sont des valeurs morales et aussi autour des valeurs socio-politiques dont les sages font office d'autorité. Le lignage joue un rôle essentiel dans les règles du mariage et de solidarité sociale. C'est à travers ce dernier que s'organise la vie politique, économique et religieuse. Ainsi, Laburthe TOLRA définit le lignage comme « l'ensemble des descendants de l'homme ou de la femme fondatrice »38(*). Le clan (ayoñ) et le lignage sont des critères de reconnaissance et d'identification des individus à l'intérieur d'une tribu. Le clan est un cadre de référence social par excellence. Il désigne un groupe d'hommes revendiquant une parenté ou un ancêtre commun. Le lignage comme le clan repose sur « la parenté par consanguinité », autant que le dit Maurice FOUDA ONGODO39(*) et chacun au sein de ce groupe a la maîtrise de sa généalogie. C'est à l'intérieur du lignage que se trouve le système d'éducation. On apprend aux jeunes gens leur généalogie, les manières de faire et d'être. On leur apprend également les règles du mariage, le respect de la nature et du surnaturel. Au sein de cette société, les relations entre les individus sont d'ordre fraternel. Les Fang sont patrilinéaires et la filiation se fait de père en fils.

      Une lignée de personne est déclinée sur six niveaux de parenté ainsi qu'il suit chez les Fang :

      - Esaa : (le père) ou nyiè (la mère) engendre le moan (fils ou fille) ;

      - Moan (ndoman) : le fils engendre le Ndègn (petit-fils) ;

      - Ndègn : le petit fils engendre le Ndzii (arrière-petit-fils) ;

      - Ndzii : l'arrière-petit-fils engendre l'Owaban ;

      - Owabang : l'arrière-arrière-petit fils engendre le Ngirbong

      - Ngirbong : à partir de ce niveau, la génération s'estompe.

      Dans cet environnement comme dans plusieurs autre société, il est rare qu'une personne vive et voit sa génération jusqu'au niveau de l'arrière-arrière-petit-fils.

      4. Organisation politique

      Dans cette société, le pouvoir est exercé par les sages à travers un seul porte-parole. En réalité, le village fang est une communauté sans pouvoir centralisé, sans spécialisation du pouvoir politique. Toutefois, l'autorité revient à l'aîné qui conduit les destinées du village, même en présence des auxiliaires d'administration que sont les chefferies de villages instaurées. Pour représenter le village, celui que la communauté reconnaît comme chef doit être éloquent, courageux, généreux ; il doit avoir le don de l'art oratoire. Ces caractéristiques sont très importantes pour prétendre au leadership. La société fang valorise l'homme qui est capable de réunir en lui toutes ces diverses qualités et d'influencer suffisamment ses pairs pour les orienter vers des objectifs communs. On devient chef lorsque l'équité et l'efficacité de son pouvoir d'exécution sont reconnues dans la zone d'influence.

      Le chef règle toutes sortes de conflits à caractère social, grâce aux pouvoirs que lui lèguent les ancêtres lors de l'initiation antérieure à son intronisation. Le chef est également le coordonnateur de toutes les autres entités qui influencent la vie du village, le siège de cette institution est son Abââ et non son domicile. Au sein de cette société, le corps de garde occupe une place de choix, c'est « le centre de décision et le fondement du conseil des anciens », d'après Georges BALANDIER40(*). C'est dans le corps de garde que l'autorité du chef s'exprime.

      Cette organisation politique est différente de celle de la société berbère de Kabylie en Algérie. En effet, dans le village de Zoubga par exemple, il s'agit d'un mode de gouvernance locale participative. Certes, le mode d'organisation et le fonctionnement de ce village reflètent à la fois l'organisation politico-administrative ancestrale et les règles de l'administration officielle. Il est basé sur un mode d'organisation socioculturel tenant compte des aspects de son environnement et fonctionne sur des règles démocratiques. Mais, la structure principale demeure l'assemblée du village qui est souveraine qui se réunit régulièrement, ordinairement une fois par mois, pour débattre de l'ordre du jour que le comité du village prépare avec les citoyens du village. La deuxième structure rattachée directement à l'assemblée du village est le comité de village agréé comme association à caractère social par l'administration. En réalité, « ce comité est composé de toutes les familles du village à raison de deux représentants par famille (totalisant 22 membres) qui forment les grands électeurs. Ces derniers élisent démocratiquement le bureau exécutif et le président du comité du village. Cette structure exécutive est chargée d'assurer la gestion des biens communs du village (l'eau, les routes, les pistes et sentiers du village), de faire fonctionner les affaires sociales du village, de veiller à la quiétude des citoyens, de faire respecter les règles de fonctionnement du village telles que la propreté et l'enlèvement des ordures ménagères et de représenter le village auprès des élus des collectivités locales et de l'administration, ainsi que d'organiser les festivités et d'exécuter les décisions de l'assemblée du village, en suivant la réalisation des projets »41(*). Ce type de gouvernance est un modèle rare dans l'espace socioculturel fang.

      5. Quelques caractéristiques culturelles

      La société fang regorgeait d'un patrimoine culturel très riche dont la pérennisation surplusieurs aspects se faisait oralement. Les aspects les plus connus sont les légendes, les contes, les fables et récits mythiques, les rites ésotériques. A cela il faut ajouter les danses, rythmes et instruments de musique, l'artisanat et la religion. L'on peut constater néanmoins que le folklore fang a été victime de mutations sociales importantes émanant, entre autres, de l'instauration du christianisme par le colon européen. En effet, beaucoup de danses ont été abandonnées parce que jugées soit obscènes pour le « chrétien » ; soit maléfiques parce qu'elles étaient exécutées au clair de lune, la nuit. Il faut également noter, comme raison de la disparition des danses et rythmes traditionnels fang, que nombres d'entre eux nécessitaient une initiation, un apprentissage. Or, avec la disparition des aînés, ce patrimoine culturel a connu également un important déclin. L'essentiel des danses a disparu aujourd'hui.

      Dans certaines régions du Gabon et en Guinée Equatoriale, l'on retrouve encore quelques conteurs de l'épopée du Mvet , et des instruments de musique comme le mbeign, ou ngom (tambour), nkul (tamtam), mendzañ (balafon ou xylophone) utilisés également pendant les célébrations cultuelles. En ce qui concerne les danses, la plus populaire en ce moment est l'élôn. Mais avant elle, nous connaissions, les mekom, mbatwa, ômias, obus ; ozila, mengan, nlup...que l'on retrouve rarement maintenant.

      A l'origine, sur le plan religieux, les Fang croyaient en une divinité suprême dénommée Eyôô. En effet, Tsira NDONG NDOUTOUME explique que ce nom provient du verbe vomir qui se dit en Fang a yô. Selon lui, le vocable Eyôô a été prononcé pour la première fois par son maître ZUE NGEMA dans un passage célèbre de son maître-livre :

      « Tous les êtres qui vivent et se meuvent sur la terre ont une origine. Mais quant à l'origine, personne n'en sait rien. Personne ne sait rien de ce qui est à l'origine des choses. De cela, nous ne connaissons que le nom d'Eyôô. ». Il poursuit en pensant que c'est de lui-même que lui est venue l'idée de la vie.

      En intégrant qu'au commencement, c'est bien par la parole que cet être a bien voulu sortir de sa bouche ou « vomir », la genèse de l'univers a été créée. D'après Joseph OWONA NTSAMA, c'est donc cet Eyôô que les anthropologues (Alexandre et J. BINET) nommèrent aussi Mebe'e. Des cultes avec sacrifices de bêtes lui étaient voués.

      D'autres cultes traditionnels comme le Byèri existent aussi; il s'agit au départ de la religion des Pygmées du Gabon qui s'est répandue au cours du XIXè siècle à l'ensemble des peuples bantous. Ces Bantous lui donnent une forme ritualisée qui, selon Marion LAVAL JEANTET,présente d'étonnants croisements avec la religion catholique au début du vingtième siècle.

      Conclusion

      En somme, même s'il est reconnu que ce peuple reste très attaché à sa tradition, il est néanmoins indéniable que son patrimoine culturel a connu beaucoup de tribulations conséquentes à son brassage avec les autres peuples et la civilisation occidentale. Plusieurs rites, pratiques ancestrales et coutumes ont disparu aujourd'hui. L'un des ferments de l'organisation sociale qui aura traversé l'histoire du peuple Fang reste tout de même l'Abââ dont la présence physique et la symbolique mériteraient d'être examinées.

      Carte 1 : Répartition géographique des groupes Fang, Bulu et Beti (Perrois, 1972, p.102).

      Reproduit par Xavier CADET dans Histoire des Fang, Peuple Gabonais, Thèse présentée pour l'obtention du diplôme de Doctorat d'Histoire, Université de Lille 3 - Charles de Gaulle, U.F.R. d'Histoire, Juin 2005.

      CHAPITRE DEUXIEME:

      L'ABAA DANS LA SOCIETE FANG

      Introduction 

      Selon la contrée où l'on se trouve et à cause des dialectes parlés dans le vaste ensemble linguistique fang, les manières d'appeler ou d'écrire ce nom sont différentes. Dans ce chapitre introductif, il est important, non seulement de savoir exactement ce qu'est l'Abââ, dans une approche évolutive, mais également de cerner ce que cette institution traditionnelle représente dans l'aire culturelle fang. Nombre d'analystes s'accordent à reconnaître que l'Abââ revêt une dimension symbolique que la tradition et la culture ont pu construire autour de cette entité organisationnelle au fil du temps.

      1. Historique et évolution de l'Abââ 

      1.1. Historique 

      De prime abord, dans cette étude, l'orthographe adoptée de façon conventionnelle de l'Abââ sera celle qui précède. S'il faut transcrire ses diverses appellations l'on aura aussi, chez certains, le même mot écrit « abê 42(*)», comme c'est le cas dans certaines régions du Gabon. Tandis qu'ailleurs, il s'agit de « abeign ». Dans l'aire géographique Fang qui couvre principalement le nord du Gabon, la Guinée Equatoriale, et le sud du Cameroun où cette recherche a été menée en partie, à savoir les quatre arrondissements d' Ambam, Kyè-Osi, Ma'an et Olamze qui forment le département de la Vallée du Ntem, l'on convient à retenir « Abââ ».

      En effet, dans la prononciation, il est important de ressortir un effet d'étirement sur la dernière syllabe qui donnerait alors d'écrire «  Abââ », les accents circonflexes permettant de mettre en évidence l'intonation haute. Il est à faire remarquer que dans les langues des peuples Fang, comme dans bien d'autres langues africaines, le changement de ton lors de la phonation d'un mot peut également entraîner une modification radicale son sens.

      Mais que ce soit « aba », « abê », « abègn » ou « abââ », l'essentiel est que cela désigne la même réalité physique dans cette aire culturelle.

      1.2. Evolution

      A l'origine, sur le plan architectural, le village était souvent construit de manière à constituer deux rangées de cases situées de part et d'autre d'une avenue centrale jalonnée, elle, de corps de garde. D'après Nicolas METEGHE N'NAH, « le corps de garde fang tient son origine des migrations ». A ce sujet, Raponda WALKER, cité par H. TRILLES rappelle qu'« autrefois, chez les Fang, l'abègn faisait [...] fonction de corps de garde. A chaque extrémité du village, un de ces hangars barrait complètement le passage »43(*).

      Photo 1 : Une vue d'un village fang avec l'Abââ placé au centre.

      Source : www.google images/village Fang, Marche, 1878. p. 413.

      Perçu de façon sommaire, l'Abââ sert de lieu de rencontre aux hommes d'un même village afin de réfléchir sur les maux qui minent la communauté. Davantage, et de manière un peu plus précise, c'est « le lieu de rassemblement du village pour échanger et passer du temps avec les sages »44(*).

      Ainsi, pour contribuer à étayer l'Abââ à la compréhension collective, il faut appréhender la relation Abââ-communauté villageoise comme indéfectible. Selon la conception des ressortissants Fang, le village doit disposer absolument de sa composante Abââ pour en être un véritable. Logiquement, il sera difficile d'envisager un village fang sans cet Abââ que Marc MVE BEKALE45(*) magnifie par ces propos : « A tous ces tièdes, ces bâtards culturels, Pierre-Claver Zeng oppose donc la parole de « ceux qui savent », et il les invite à rejoindre « l'abâ » ou maison des hommes, véritable centre géographique et symbolique du village, d'où s'origine toute la culture fang ».

      Sur les aspects physique et esthétique, il est à remarquer que l'Abââ a évolué, depuis ses origines jusqu'à nos jours. Une certaine tendance est à la modernisation de ce bâtiment. Nous avons également constaté que dans certains villages, intervenant dans le cadre de ses relations publiques une entreprise forestière a entrepris, à la demande des populations, de reconstruire « bénévolement » des corps de garde en matériaux définitifs. Une façon pour elle de faire bénéficier aux autochtones des retombées « positives » de l'exploitation du bois dans les forêts environnant leurs habitations et champs. Avec cette nouvelle configuration, il devient difficile de continuer à conserver certains éléments qui pourtant avaient été intégrés à l'Abââ pour des raisons claires ; le feu servait à cuir des aliments et à se réchauffer ; les étriers de bois servaient à fabriquer divers instruments de chasse et de travaux champêtres.

      En retour, l'entreprise forestière WIJMA marque ses réalisations de son logotype suivi d'un texte : « Réalisation Sociale » en gros caractère, une façon de se positionner et paraître comme une entreprise « citoyenne » qui participe au « développement » de la communauté.

      Photo 2: Photo de l'Abââ de Thoo-Efack, village situé entre Oyem et Bitam, au Nord du Gabon.

      Source : Régis Ollomo (CNRS-LACITO, été 2009), disponible sur http://lacito.vjf.cnrs.fr/image_semaine/2010.htm

      Photo 3: Une vue de l'Abââ modernisé de Mefoup, village situé dans l'arrondissement d'Ambam/Sud Cameroun, sur l'axe Ebolowa-Ambam, PK 26.

      Source : photo de l'auteur, prise de vue effectuée en décembre 2011.

      Photo 4

      :Une vue de l'Abââ de Mvi'ilimengalé reconstruit par la société forestière WIJMA, village situé dans l'arrondissement de Ma'an, PK 15 sur l'axe Ma'an-Nyabizan (Memve'ele).

      Source : photo de l'auteur. Prise de vue effectuée le 20 octobre 2012

      2. L'Abââ : un construit physique

      2.1. La réalité physique de l'Abââ

      D'abord, il est à préciser que le village (Dzââ) n'est pas un espace informe. C'est un environnement organisé qui, ainsi que le précise Bernardin MINKO MVE, puise sa forme de l'épopée du Mvet selon laquelle « la Terre a des pieds, des bras et une tête, elle est soutenue en son milieu par un pilier central et un pilier secondaire à chacun des quatre coins. C'est la même configuration qu'avait le village. Avec à une extrémité de chacune des deux rangées de maison formant un coin, une cour qui constituait le centre, une entrée Est et la tête »46(*). Cet auteur pense que c'est de cette configuration que dérive celle de la case : un pilier central et les quatre piliers secondaires des quatre coins. Pour lui, un tel schéma est semblable à celui du cosmos, donc de l'homme.

      L'espace villageois est une structuration ou un produit matériel façonné par diverses composantes d'ordre politique, idéologique, écologiques du système social. Chaque village occupe son espace en fonction du relief certes, mais en tenant compte également de ces composantes. A l'intérieur de l'espace du village, l'on distingue également d'autres espaces avec lesquels chaque sous ensemble de la communauté, la famille a une relation spécifique. Ainsi, la devanture de la case laisse généralement une cour (nseng nda) où s'amusent les enfants. La maison principale réserve un espace de séjour (abââ nda) pour les hommes. Derrière cette maison principale se trouve la cuisine et derrière elle, il existe une autre courà l'arrière appelée (fa'a nda). C'est l'espace féminin, zone intime et de retranchement, généralement occupé par des plantes utiles pour la cuisine, la médecine traditionnelle, les enclos d'élevage des animaux domestiques et, plus loin vers la lisière où débute la cacaoyère, l'on retrouve le fumier et les fausses à aisance. C'est au milieu de la cour du village que se dressait l'Abââ.

      Dans sa plus simple présentation, l'Abââ recouvert d'une toiture en matériaux végétaux, feuilles de raphia tissées sous forme de natte. Les côtés élevés à mis hauteur, permettaient aux personnes assises de voir ce qui se passe à l'extérieur, sans que ces dernières en retour ne puissent être distinguées. A toute heure de la journée et même de la nuit, quelqu'un devait veiller sur le village en sentinelle à partir de l'Abââ. Les écorces des arbres ou une haie constituée de petits arbustes taillés faisaient le périmètre en laissant une porte d'entrée et une porte de sortie. En dehors du mobilier constitué de lits en bambous qui décorait l'Abââ, quatre autres éléments hautement symboliques devaient absolument se retrouver dans cette case :

      - Le tamtam d'appel, principal outil de communication et de télécommunication. Parfait MIMBIMI ESÔNO affirme qu'« à l'aide d'un tam-tam qui a une portée de 15 kilomètres environ, l'on pouvait encore transmettre aux habitants des villages avoisinants des informations telles que les deuils, les mariages. Le tam-tam permettait également de rappeler soit individuellement une personne soit collectivement des personnes se trouvant dans la forêt, en cas de nécessité. Chacun savait la déclinaison phonique de son nom ou éndan que le batteur de tamtam répercutait à travers le son ! Sans confusion possible...»47(*).

      Photo 5:Image d'un tamtam.

      Source : http://www.google.fr/

      - Le « Songo »48(*) , sport cérébral de relaxation chez les Bantou en général qui favorise le développement de la ruse, l'intelligence et la sagesse.

      Photo 6: Une partie de Songo à l'abââ dans un village près de Mimvul au nord du Gabon

      Source : www.afrikimages.blogspot.com

      -le feu, « Au centre est réservé un espace où l'on fait le feu pour se chauffer et chasser les moustiques. Un certain nombre de jeunes sont chargés à tour de rôle de ravitailler l'Abââ en bois de chauffage, car la braise doit être ardente toute la journée 48(*)».

      Au-delà de permettre aux vieillards de se réchauffer, de griller certains vivres comme du maïs, l'arachide et autres, de faire chauffer du fer pour fabriquer certains outils comme des manches de machettes ou des lances pour la chasse et d'allumer leurs pipes, Sur un tout autre plan, sous une approche symbolique, « une autre lecture de la présence permanente du feu à l'Abââ l'appréhende comme une volonté de posséder cet élément de la nature, autre symbole de la présence humaine en ces lieux. A l'origine, les villages étaient noyés dans la forêt et la fumée du feu de bois pouvait servir à orienter des personnes vers le village. Toutes les cuisines du village pouvaient bien manquer de feu, du fait que le pétrole et les allumettes étant des produits manufacturés, la conservation de cette denrée rare à l'Abââ permettaient aux femmes de s'y approvisionner pour faire la cuisine »49(*).

      Sur un tout autre angle, une certaine analyse consacre aussi le feu, selon Bonaventure MVE ONDO50(*), comme étant « l'autre mot de l'Esprit. A titre d'illustration, rappelons que le feu (nduàn) tient une place symbolique et rituelle importante dans le Bwiti syncrétique fang. Il est généralement entendu comme le sang de Dieu. Il est ensuite lié à la purification qui intervient à l'autre extrémité de l'Existence. Le feu est enfin le symbole de la lumière, il est comme l'eau de l'Esprit (mendzim me nsisim). C'est lui qui constitue la nourriture supérieure de l'homme accompli ».

      - les armes et les trophées de chasse, puisque les hommes représentaient également la force de défense du village, l'arsenal composé de sagaie, d'arcs, de lances, de gourdins et de machettes essentiellement était stocké dans ce lieu où, à tout moment, les hommes pouvaient y avoir accès en cas d'attaque. D'une part, pour faire comprendre aux passants que de vaillants hommes habitaient le village, l'on exposait dans l'Abââ les crânes et peaux de bêtes féroces abattues lors des parties de chasse. D'autre part, ces décorations étaient mieux conservées là, en guise de musée, grâce à la fumée que le feu de l'Abââ dégageait.

      Aujourd'hui, ces éléments sont devenus rares ou carrément retirés de l'Abââ. Certains évoquent que des espèces animales sont désormais protégées, par conséquent, lorsqu'il arrive qu'une bête de ce registre soit abattue, c'est dans le secret que le partage des gigots se fait dans la forêt. Le butin est alors transporté au village en morceaux, de peur que l'administration en charge de la faune ne sévisse. Du plus, par crainte de vol ou d'appropriation pour des usages maléfiques les reliques de certains animaux ne peuvent plus être exposées à l'Abââ. A titre d'exemple, la moustache du léopard est souvent utilisée dans le domaine mystique pour servir de fléchettes, que l'on appelle « nsong » en Ntumu, pour atteindre des personnes qui par après, peuvent développer des maladies comme des éruptions cutanées purulentes.

      Au travers de cette description qui consacre la forme rectangulaire de l'Abââ, à l'opposé de la forme circulaire partagée par les peuples pygmées ou les peuples du nord du Cameroun (boukarou) dans l'architecture des habitations, il est maintenant à relever la présence effective de l'Abââ dans le village Fang.

      2. 2. Effectivité de l'Abââ dans les communautés villageoises

      C'est certainement en raison de l'importance des fonctions que remplit encore l'Abââ dans les communautés fang que chaque clan s'efforce à conserver son « temple » de la sagesse et de la tradition. A titre d'exemple, ce qui est de prime abord observable est que les villages fang marquent la différence avec les villages bulu qui leurs sont pourtant voisins, avec la présence de l'Abââ. En effet, lorsque vous quittez le département de la Mvila limitrophe du département de la Vallée du Ntem, en empruntant la route nationale n° 2, entre le dernier village de la Mvila (Oveng Yessok) et le premier village de la Vallée du Ntem (Mefoup), il est facile de remarquer que les Abââ apparaissent du coup dans les villages appartenant à l'aire culturelle fang. Cette remarque s'appuie sur une observation constante car nous avons régulièrement séjourné dans la région du Sud du Cameroun, non seulement dans le cadre de cette recherche, mais également parce que nous sommes originaire du département de la Vallée du Ntem et très souvent, même dans le cadre professionnel, nous sommes en contact avec les communautés villageoises de cette circonscription administrative.

      De façon plus précise, contrairement aux autres arrondissements de la Vallée du Ntem, il existe une concentration importante de villages entre la localité de Meyo-Centre située à 45 km d'Ebolowa en allant vers Ambam et la localité de Ma'an, le chef-lieud'arrondissement et sa banlieue immédiate. Sur une distance d'environ 65 km, nous avons visité et recensé les Mebââ dans trente et deux (32) villages dont la liste apparait dans le tableau ci-après et établi le constat que chaque village dispose de son Abââ. Lorsque le village s'étend sur une longue distance, il peut y avoir plusieurs Mebââ (pluriel d'Abââ), mais l'un étant principal. Ces villages sont les suivants dans l'ordre de localisation sur la route :

      NOMS DES VILLAGES

      CLANS ETHNIQUES

      NOMBRE

      DE MEBAA

      1. Meyo Centre

      Esambira

      03

      2. Ekoumedoum

      Esakôran

      03

      3. Oveng

      Esakôran

      01

      4. Mpkwè-Evolé

      Esambé

      03

      5. Zalom

      Esakôran

      02

      6. Konemekak

      Esakôran

      02

      7. Mvila Yôp

      Esakôran

      01

      8. Okông

      Esakôran

      03

      9. Mebem

      Esakôran

      01

      10. Ndjazeng

      Esakôran

      02

      11. Nko'ondo'o

      Esambira

      02

      12. Mfang

      Esambira

      01

      13. Aloum

      Esambira

      02

      14. Mekok

      Esambira

      01

      15. Endendem

      Esakôran

      01

      16. Biyan

      Esambgwak

      01

      17. Minkan Mengalé

      Esambgwak

      01

      18. Mekomengôn Eté

      Esambgwak

      02

      19. Tya'asono

      Esambgwak

      02

      20. Bidzap

      Esambira

      02

      21. Bitôto

      Esambira

      01

      22. Mebera

      Esambira

      01

      23. Abang

      Esambira

      01

      24. Nnezam

      Esambira

      01

      25. Ma'an (Village)

      Esambira

      02

      Dans les environs de Ma'an (soit 10 km environ à la ronde)

      26. Ebègn

      Esambira

      01

      27. Zoétélé

      Azôk

      01

      28. Alen I (Mbong Eté)

      Esambgwak

      01

      29. Nkongmeyôs

      Esambgwak

      01

      30. Mvi'ilimengalé

      Esambira

      02

      31. Nseng Avion

      Esambira

      01

      32. Anguirdzang

      Esakôran

      01

       
       

      Total : 50

      Tableau 1:Décompte des Mebââ (pluriel d'Abââ) sur l'axe Meyo Centre - Ma'an et environs

      Source : l'auteur.

      3. La dimension symbolique de l'Abââ

      L'Abââ n'est pas seulement ce bâtiment commun de réunions. C'est aussi un élément hautement symbolique à travers lequel un clan (ndà bôt) est identifié. C'est par le truchement de ce dernier que « le Fang est saisi isolé en tant qu'individu, par l'étranger... comme un homme attaché à un clan. L'Abââ constitue une cellule de différenciation... C'est dans cette cellule fondamentale que toutes les décisions, quel qu'en soit le domaine, étaient élaborées, mûries et prises par le conseil des anciens »51(*).

      Dans la même lancée, l'on se référera aux propos d'AZOMBO, cité par P. NGUEMA-OBAM, qui présentent l'Abââ en tant que lieu de rencontre où tous les hommes s'assemblent pour arriver à élaborer une décision commune. En effet, l'Abââ est « la résidence de cet Esprit dont la vie doit animer la tribu tout entière. Se diriger vers l'Abââ, c'est se rendre à la rencontrer de cet Esprit dont la perfection est évoquée par la manière à permettre aux hommes assis de regarder à l'extérieur sans obstacle »52(*)Cette hypostasie de l'Abââ ressort sa valeur sociale et culturelle et sa dimension symbolique et philosophique, d'où prend essence la culture fang. A la base de la structuration symbolique de l'Abââ, quatre principes président à la stabilité de cette institution :

      3.1. Le principe de l'autorité d'un nyambôrô

      Entre le droit d'aînesse qui régit les relations interindividuelles, l'unanimité de respect et de confiance que la communauté s'accorde à placer en un individu comme le guide et le garant de la sagesse, le nyambôrôauquel l'institution Abââ de chaque village est rattachée, est désigné par ses pairs. C'est lui qui représente le village en toute situation selon la tradition. Il diffère en cela du chef de village qui est beaucoup plus un auxiliaire de l'administration. C'est sur lui que toute la politique du village s'articule. Il règne de façon consensuelle et les décisions qui émanent de lui sont prises avec la participation de la communauté de l'Abââ.

      3.2. Le principe de prise de décision commune

      Toute décision importante qui doit être prise pour le compte de la communauté ou de l'un de ses membres est sujette à une concertation ouverte. A ce titre, « l'Abâ est l'archétype qui typifie les valeurs d'un véritable village fang dans lequel l'« Abâ », c'est-à-dire le Corps de garde reste au centre des décisions prises au quotidien et au bon fonctionnement de la communauté toute entière »53(*). Chacun, sans exclusive, a le droit de donner son point de vue et les aînés s'y accordent pour arrêter une position finale.

      3.2. Le principe de non exclusion d'un membre

      Traditionnellement, tout homme est d'office membre de l'Abââ de son village, aussitôt qu'il est adolescent et le demeure jusqu'à sa mort. Selon ce principe, chacun peut apporter son point de vue sur les questions débattues à l'Abââ.

      Toutefois, pour certaines questions, il est possible que ce soit les sages qui se concertent et font part, après, de leur décision à la communauté. Ne pas exclure un membre signifie également qu'il a droit, qu'il bénéficie de tous les avantages que l'Abââ octroie à la communauté individuellement ou collectivement.

      3.3. Le principe de partage et de solidarité 

      Le verbe partager en ntumu se dit « akap », il induit la division ou le morcellement d'un objet (repas, vin de palme, noix de kola, etc.) en plusieurs parts, selon le nombre de personnes qui doivent le partager en autant de parts que de personnes ou familles qui constituent la communauté.

      Le partage est de règle dans l'Abââ. Comme l'a expliqué l'ancien ONDO NGUEMA ; la société fang ne supporte pas de voir une inégalité criarde entre les membres d'une même communauté. Selon lui, « il est admis que chacun peut avoir ses biens, mais il n'est pas compréhensible que quelqu'un jouisse de ses biens sans les partager, sans faire de la charité pour que les uns ne soient pas très pauvres el les autres très riche. Car selon la philosophie fang, le bonheur autant que le malheur se partagent. »54(*). A être titre d'exemple, même un passant a le droit de partager le repas qu'il trouve sur la table sans demander l'avis des personnes à qui il était initialement destiné. Même les hommes célibataires ou veufs ne sont pas exclus des repas lorsque les épouses des autres frères et oncles font parvenir les repas à l'Abââ. C'est ainsi que tout se partage entre les personnes qui séjournent à l'Abââ. L'on peut alors reconnaître ici que le volet social soit relevé plus loin comme une fonction essentielle de cette institution.

      En dernier ressort, la dimension symbolique de l'Abââ peut côtoyer le mystique dans la mesure où même pour établir une relation entre les hommes et les existants métaphysiques, les aînés y invoquent les esprits tutélaires. C'est à l'Abââ que les Fang sont en communion avec les ancêtres, en ce sens que chaque village aura connu des aînés qui ont légué cette institution aux générations d'après et ils les ont toujours évoqués et invoqués lors des assises qui s'y tiennent. D'ailleurs, en cas de situation sérieuse dépassant la compétence humaine, comme des décès successifs des enfants du village, sans cause explicable, ou d'autres malheurs affectant la communauté, les ancêtres peuvent être invoqués à travers un rituel, au cours d'une cérémonie ésotérique qui s'appelle en Fang ngii55(*). Celle-ci est organisée par les anciens du village afin de susciter le nettoyage du mal et la purification du clan. Chaque ancien doit pouvoir prêter verbalement le serment de l'innocence avant que les esprits n'agissent. En cas de réticence, des soupçons peuvent alors être portés aisément sur cette personne comme auteur du mal qui s'est abattu sur le village.

      Conclusion

      En conclusion il convient de retenir de l'Abââ, au moment où il revient d'étayer ses différentes fonctions sociales, que la structure sociale fang est très complexe, ainsi, en partant de l'ethnie, pour aboutir aux familles élémentaires, l'on rencontre des regroupements intermédiaires au sein desquels l'individu a pleinement conscience d'être un être avec et pour la société et surtout d'y réaliser son destin. C'est au corps de garde que l'homme Fang réalise tout une multitude d'entreprises, « en l'occurrence les initiations, la résolution des litiges, les stratégies de chasse et de guerre, les questions de mariage... »56(*), tel que le soutien Cyriaque Simon Pierre AKOMO ZOGUE.

      CHAPITRE TROISIEME:

      FONCTIONS SOCIALES DE L'ABÂÂ

      Introduction 

      L'Abââ a souvent été considéré simplement comme le lieu où les personnes désoeuvrées de la communauté villageoise passaient du temps. Mais le fait que le chef de l'Abââ du village y rassemble souvent ses notables, tous les adultes de sexe masculin et les adolescents a conduit à intégrer que c'est à l'Abââ que « tous les aspects de la vie du village »57(*)sont pensés et gérés. Une certaine lecture qui permet d'en refléter une image concrète révèle que l'« on y mène une expérience de vie communautaire très poussée: on y partage tous les repas en commun et on plonge la main dans le même plat, aussi bien les autochtones que les étrangers de passage. C'est là qu'on se livre également à toutes sortes d'occupations sérieuses ou futiles. L'Aba se transforme tantôt en salle de jeux, tantôt en atelier de vannerie ou de sculpture, tantôt en forge et enfin en palais de justice lorsqu'il faut régler les litiges, statuer sur des contrats de mariage. C'est finalement une construction polyvalente, car elle sert à beaucoup d'autres rassemblements de population, réunions politiques, séances de vaccination, etc. »58(*). Du coup, il devient difficile de penser que cette case qui accueille les hommes après leurs différents travaux journaliers ne sert qu'à leur permettre de passer du temps, attendant le retour de leurs épouses des champs. Une telle considération nous éloigne de la dynamique sociale que l'Abââ impulse en tant que institution qui élabore la politique générale du village. Ainsi, l'Abââ remplit habilement diverses fonctions, les unes aussi importantes que les autres.

      Au cours de nos investigations, nous avons pu observer que l'Abââ estun espace de communication qui accueille des acteurs dont les posturesletransforment en une institution qui remplitles diverses fonctions suivantes :

      - identification et ralliement ;

      - siège des pouvoirs Exécutif-Législatif-Judiciaire ;

      - centre communautaire d'apprentissage et de socialisation ;

      - centre culturel et musée ;

      - lieu d'accueil et d'expression de l'hospitalité ;

      - lieu de prière et du requiem ;

      - salle des cérémonies ;

      - lieu communautaire d'exposition aux médias de masse.

      1. Identification et ralliement 

      En règle générale, chaque village de l'univers culturel fang a pour identifiant symbolique son Abââ. Cet identifiant, comme il a été prouvé précédemment, est une particularité culturelle des peuples et des villages fang. Selon la posture structuraliste développée dans ses travaux par Lévi STRAUSS59(*), cet élément constitue un des invariants de cette aire culturelle-là. Chaque village s'identifie à travers son corps-de-garde. Comme il a été dit précédemment, l'Abââ est souvent rattaché nommément au nyambôrô qui encadre le village. C'est parfois un moyen pour faciliter la distinction au cas où des villages venaient à porter le même nom.

      Sur un tout autre plan, l'Abââ contribue à rallier toute la communauté et à renforcer le sentiment d'appartenance à une même souche ancestrale. Comme sous une bannière, l'Abââ rassemble la nation fang dans les différentes entités villageoises qui la constituent. Chaque Fang s'identifie à l'Abââ auquel il appartient où dont il est originaire, c'est un élément culturel qui, sous un angle symbolique, a valeur d'emblème fédérateur. En effet, lorsqu'un Fang s'interroge dans sa langue en disant « Ye Abââ be taa va ?60(*) », il exprime la fierté et toute l'assurance qu'il a que tout pourrait lui arriver ailleurs, sauf lorsqu'il est sous le corps de garde de ses ancêtres. Cette expression fang est souvent reprise avec fierté, de même que, « A kam mbông Abââ »61(*), pour dire que chaque ressortissant d'un Abââ défend et protège les intérêts de son Abââ d'origine. C'est comme un ressortissant dirait qu'il défend les couleurs de son pays. Tout cela marque l'attachement naturel que le Fang a vis-à-vis de son Abââ. A titre d'illustration, un proverbe tiré de cette aire culturelle et déclamé en Fang dit : « Olañ nkukut ka'a dañ asu baa be esaa ». Littéralement, cela signifie que quel que soit le degré de folie d'un individu, ce dernier reconnaît toujours l'Abââ de son père. En d'autres termes, le fait d'appartenir à un clan et à un Abââ est une identité dont le Fang ne saurait se détourner parce qu'il est appréhendé par rapport à cette institution. Ce proverbe souligne l'attachement que le Fang a vis-à-vis de l'Abââ dont il est l'émanation.

      Dans l'organisation sociale du village fang, l'Abââ est l'institution qui projette l'image du village et la reflète autant sur les habitants du village que sur les communautés environnantes. C'est l'Abââ qui élabore la politique du village, défend également les intérêts de celui-ci et construit sa réputation.

      2. Siège des pouvoirs Exécutif-Législatif-Judiciaire

      Le fait que chaque Abââ soit placé sous l'autorité d'un homme, aîné62(*) du village, dont le pouvoir découle des anciens et pas forcément de l'autorité administrative, comme c'est le cas des chefferies dites « traditionnelle » d'aujourd'hui, est significatif. Il s'agit, au-delà de cette matérialisation par un "hangar", de l'institution la plus grande du village Fang. C'est dans ce sens que Pierre Claver ZENG clamait que « rien de ce qui est grand ne génère hors de l'Abââ ». En effet, pour appuyer ce point de vue, Grégoire BIYOGO entoure l'Abââ d'une aura plutôt fédératrice et symbolique. Selon lui, l'Abââ est également « le lien social par excellence dans un village Ekang, il est explicitement comme symbole de l'ordre qui régit le village. A telle enseigne qu'on peut juger un village étranger du premier coup d'oeil, à l'ordre et à la propreté qui y règnent ».63(*) C'est à travers l'Abââ que le village se donne une renommée ou un nom, comme le soutiennent Jean Marc NDONG ONDJI'I et Marcel ONDJI'I NDONG64(*) : « l'on rattache même généralement chaque Abââ à des individus réputés et célèbres, les chefs en l'occurrence, par exemple : l'Abââ de NGEMA MBA au point de faire abstraction du nom même du village ».

      Mais, la précision importante à y apporter est que le tout n'était pas qu'il soit simplement aîné en âge ; il devait également être reconnu comme un nyambôrô65(*). En effet, si naturellement les anciens léguaient les destinées des villages à des successeurs, congénères ou descendants les plus âgés, ils sont quand même arrivés à marquer une prudence sur ce mode de transmission du pouvoir. C'est alors exceptionnellement que, si un aîné ne revêtait pas la dimension mythique et mystique de nyambôrô, on lui préférait un cadet plus prédisposé, aux yeux des anciens, à remplacer celui-ci en cas de décès ou d'incapacité à conduire l'Abââ du village. A Mebem par exemple, le village est resté sans guide à la mort de son chef, Paul ONJI'I ESÔNÔ66(*)décédé depuis le 08 août 1974. Ce dernier avait « une personnalité et un caractère tellement forts que ses pairs n'ont pas pu lui désigner un successeur, jusqu'à ce jour ».

      Ceci démontre à suffisance que le nyambôrô de l'Abââ est investi de tous pouvoirs par ses pairs. Son autorité s'étend à tous les niveaux de la vie du village. Sous l'Abââ, il incarne l'exécutif, régnant en véritable chef du village, avec l'onction des anciens. De manière concrète, les décisions ou orientations politiques prises de manière concertée et consensuelle ont force de loi sur le village. C'est à l'Abââ que s'élaborent la politique intérieure et extérieure, l'image et le positionnement du village comme entité évoluant dans une contrée comprenant d'autres villages. L'Abââ initie des décisions pour l'intérêt de la communauté et s'assure de leur mise en oeuvre.

      Agissant dans la posture de tribunal par exemple, le différend est porté à l'Abââ par le plaignant selon la procédure qui veut que celui-ci saisisse d'abord le nyambôrô du village et lui explique la situation ; c'est lui qui juge de l'opportunité de réunir ses pairs pour connaître le problème. Les faits sont exposés publiquement à l'Abââ et le verdict est aussi rendu surplace. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à ce que la sentence départage les deux parties dans le sens de désigner un coupable et un gagnant. En général, c'est par des paraboles et des proverbes que l'on fait comprendre à tout le monde en faveur de qui la balance de la justice s'est penchée. Dans une logique qui participe de décourager les personnes à se lancer dans un conflit, chez les Fang, il est de notoriété publique qu'un aîné n'a jamais tord vis-à-vis d'un cadet ; qu'il ait tort ou raison, l'aîné a toujours le dessus afin qu'il ne perdre pas la face ou son autorité devant un cadet.

      Lorsqu'il s'agit d'un conflit opposant un habitant du village à unétranger, la défense du concerné est endossée par le chef, après concertation avec les autres anciens. Dans toutes les situations aussi importantes que banales, le nyambôrô est le seul porte-parole de la communauté.

      Il peut se glisser comme une considération misogyne ou phallocratique de l'Abââ en ce sens que les femmes sont mises à l'écart. Il est à souligner que la prise en compte de la femme aux débats de l'Abââ se fait par personne interposée. Les femmes, conscientes que l'Abââ n'est pas leur lieu d'expression, communiquent généralement leur point de vue à leurs époux sur une situation qui sera débattue. Ainsi, pour s'assurer que leur avis est pris en compte, chacune contrôle que son mari reporte son point de vue à travers une autre personne membre de cet Abââ ; il pourrait alors s'agir d'un de ses beaux-frères. De toute manière, un compte rendu des différentes interventions et de la décision finale est rapporté aux femmes dans les échanges qui vont suivre. Ainsi, la femme participe à la vie politique du village sans forcément être présente lors des assises des hommes à l'Abââ. Il ne s'agit donc pas d'exclusion, mais de l'expression de l'organisation particulière de la société fang selon ses normes traditionnelles.

      En revanche, pour que la femme (épouse) soit intégrée dans le clan ou le village, il faut, qu'au cours d'une cérémonie solennelle, sa famille négocie qu'elle soit présentée au clan de son époux sous le corps de garde. En effet, « la femme va apparaître au public au son de la musique, qui peut être celle des balafons, des tambours et tam-tam, lorsque le matériel de musique moderne n'est pas accessible. Après cette sortie en public, les festivités continuent avec la remise des cadeaux aux visiteurs après qu'ils ont « habillé » la case de leur fille de tout ce qu'ils ont destiné à propos. On appelle ces cérémonies de remise de la femme « Yala », « éliri » et « ékulu abaa »67(*). Dès lors, la femme qui a reçu cette onction a désormais sa place à l'Abââ, autant que les hommes du village.

      Pour leur part enfin, les garçons adolescents, en séjournant à l'Abââ, s'initient à la sagesse et à la connaissance de la culture.

      3. Centre communautaire d'initiation et de socialisation

      Dans une chanson sur la thématique de l'Abââ, Pierre Claver ZENG, artiste musicien et poète gabonais disait dans une tirade :

      « La sagesse, c'est à l'Abââ ;

      Tout le bien, c'est à l'Abââ ;

      Tout s'apprend à l'Abââ... ».

      L'apprentissage et la socialisation sont des processus. Pour le premier, il s'agit de « l'acquisition de savoir-faire, c'est-à-dire le processus d'acquisition de pratiques, de connaissances, compétences, d'attitudes ou de valeurs culturelles, par l'observation, l'imitation, l'essai, la répétition, la présentation, etc. ».68(*)Dans un sens plus large, c'est l'ensemble d'activités qui permettent à une personne d'acquérir ou d'approfondir des connaissances théoriques et pratiques, ou de développer des aptitudes.

      Quant à elle, « la socialisation est le processus au cours duquel un individu apprend et intériorise les normes et les valeurs tout au long de sa vie, dans la société à laquelle il appartient, et construit son identité sociale. Elle est le résultat à la fois d'une contrainte imposée par certains agents sociaux, mais aussi d'une interaction entre l'individu et son environnement. »69(*). Elle passe par différents canaux ou écoles. Et dans la société fang, l'Abââ est un centre d'instruction dynamique qui participe de ce processus. Des pratiques et des rites qui sont du domaine de l'initiation des garçons à la vie d'homme sont inculqués aux enfants depuis le bas âge à l'Abââ.

      Premièrement, il est de coutume que, lorsque les femmes et les hommes se rendent à leurs travaux champêtres, les enfants en bas âge, filles et garçons sont confiés aux vieillards qui restent en journée dans l'Abââ, fatigués par l'âge. Ces derniers, de façon consciente ou non, à travers contes et fables, berceuses et chants, dictons et proverbes, etc. transmettent progressivement des valeurs et de la sagesse aux enfants. Survienne une dispute entre les enfants laissés sous sa garde que le vieux la réglait pacifiquement, non sans laisser une leçon de vie à ces derniers.

      Un élément important à relever est que d'habitude, les enfants se livrent à des jeux et autres activités ludiques sous le regard des vieux. Dans ces rapports interpersonnels, il prévaut « l'anyôs », un esprit qui se manifeste tantôt par des moments de conflits et très souvent par des moments de convivialité resserrés par les liens fraternels qui unissent les enfants d'une même mère, d'une même famille ou d'un même village.

      De même, pour la jeune fille, sa place est naturellement à la cuisine, aux côtés de sa mère ou nourrice. L'espace réservé à la cuisson des aliments pour les repas familiaux est tout aussi un centre de formation et d'apprentissage de l'économie familiale et l'art culinaire. C'est une préparation de la jeune fille à la future vie d'épouse et de maîtresse de maison. La jeune fille y apprend les recettes de la cuisine fang et la culture de l'organisation en vue de la bonne gestion du ménage. Par exemple, il est primordial pour elle de savoir qu'il ne doit pas manquer de vivres dans sa cuisine ; elle s'arrangera à toujours faire des réserves de bois, d'aliments frais, séchés ou fumés dans sa claie. Elle s'y imprégnait tout aussi bien des gestes, des attitudes et des postures de la femme, par exemple, comment s'asseoir en public, que des caractères positifs d'une bonne épouse et son rôle dans la famille.

      En termes de valeurs inculquées aux enfants, elles se rapportent aux qualités physiques et morales que l'enfant devait adopter. En effet, l'effort, le travail, l'endurance sont des valeurs que l'on enseigne aux enfants mâles qui, très tôt, commencent à suivre leurs pères dans toutes leurs activités de la vie, notamment les travaux champêtres, la chasse, la pêche, la cueillette des fruits de la forêt, etc. Ceci permet aux enfants d'apprendre à connaître et à identifier nommément les arbres, les herbes, certaines étant de la pharmacopée et d'autres utiles comme matériau et bois de chauffage. De même, savoir désigner les animaux, les oiseaux de la forêt, et les poissons par leurs noms ne s'apprend mieux que dans cet environnement-là.

      La rencontre des hommes du village à l'Abââ est toujours une occasion d'échanges à travers lesquels des expériences relevant du vécu quotidien sont partagées. Certaines débouchent sur des leçons qui se déclinent en proverbes et dictons traduisant toute une philosophie de la vie. Nous avons appris cette sagesse, à travers ce qu'un homme racontait à ses frères qu'il était allé visiter ses pièges en brousse, il y trouva une antilope prise au piège. Mais lorsqu'il se rapprocha d'elle, celle-ci se démena et s'en échappa, trainant avec elle la ficelle qui la retenait. L'homme qui n'en cru pas ses yeux se lança à la poursuite de l'animal à travers ronces, épines et lianes tranchantes. Finalement, l'animal se sauva et l'homme s'en tira avec plusieurs lésions sur lecorps. La moralité qu'un patriarche tira de ce récit et qui continue d'édifier la jeunesse est que si un chasseur décide de poursuivre un animal qui s'est détaché du piège, il s'expose à la « vindicte » des épines et autres obstacles de la forêt. Par contre, en ne suivant pas l'animal dans ces conditions, il s'évite également la peine et les blessures. L'on déduit, à travers ce récit, la sagesse qui conseille de ne pas toujours forcer des situations. Parfois, il faut accepter de laisser tomber, voire de perdre en s'évitant d'autres ennuis.

      C'est donc progressivement que le jeune Fang s'imprègne des connaissances et acquiert des aptitudes qui lui permettront d'évoluer normalement dans son environnement. La structure familiale et l'Abââ sont ces moules qui contribuent encore au façonnage des hommes. Entretemps, l'école occidentale est également arrivée, mais l'Abââ garde sa vocation de perpétuer et transmettre la culture ancestrale.

      4. Lieu d'accueil et d'expression de l'hospitalité

      Les communautés villageoises de la forêt équatoriale sont généralement constituées de regroupement de hameaux abritant quelques familles. Cette configuration qui s'oppose à des installations clairsemées et éparses participe, à l'origine, du souci pour des personnes ayant un lien de sang, de ne pas s'éloigner du noyau familial. C'est cet habitat regroupé de part et d'autre de la piste ou de la route que l'on appelle communément village. L'isolement ou le détachement était perçu comme un signe d'égoïsme, comme un refus de communier et de partager avec les autres.

      De plus, certaines personnes dont le comportement était désapprouvé par la communauté, à travers une décision de l'Abââ, étaient sommées de quitter le village. Cette sanction a conduit à un dicton Fang qui renforce l'idée que le fait qu'une maison se retrouve dans un bosquet, à l'écart de toutes les autres cases est signe qu'il y a eu in incident par le passée qui a conduit à cette situation d'exclusion. Cela se dit alors « ô ndenda okang, dzam ».

      D'autre part, ce regroupement met aussi en exergue la solidarité et la force des liens familiaux chez les Fang. L'esprit de partage et de communion prévaut ici au point où, généralement, en face de l'Abââ côté route, il y avait une claie, en guise de garde-manger public, appelé « atak mvam » (Etagère de l'hospitalité), sur laquelle l'on laissait généralement une main de banane, des morceaux de canne à sucre, un avocat, une calebasse d'eau pour permettre aux passants de manger et de se désaltérer en cas de besoin. Selon Jean Pierre OVONO ENGONGA, « les hommes ne mangeaient jamais dans leurs cases respectives ; leurs épouses acheminaient les repas de la journée à leurs maris à l'Abââ par l'intermédiaire des enfants. D'habitude, même les passants ne traversaient pas un village sans faire un détour à l'Abââ soit pour des civilités d'usage, soit pour partager le repas.».70(*)

      Le rôle hospitalier de l'Abââ se manifeste également par le fait qu'un voyageur de passage à la tombée de la nuit dans un village pouvait être interpellé par un ancien pour se laisser proposer une couchette. L'étranger bénéficiait alors de l'hospitalité de l'Abââ et du village. Et lorsqu'il devait repartir, il se voyait très souvent offrir un présent, à l'exemple d'un poulet, et des provisions pour la suite de son voyage.

      D'Abââ en Abââ, la même culture de l'accueil et de l'hospitalité se manifeste encore, à quelques égard, même si beaucoup de changements sont observés, cette culture de partage caractérise encore les communautés de la forêt équatoriale.

      5. Centre culturel et musée71(*

      Selon Steeve Elvis ELLA, « en pays Ekang (Fang), le Mvett se dit habituellement au lieu traditionnel appelé Corps de garde (aba) »72(*). L'Abââ est ce cadre d'expression des éléments fondamentaux de la culture fang qui se rattache étroitement à l'épopée du Mvet contée par des joueurs initiés. En effet, c'est dans le Mvet que réside toute la culture fang. Dans cette optique, « Le Mvett est joué initialement dans les corps de garde, dans les « cases de vie » (aba), qui est la demeure où s'assemblent les sages pour instruire les générations montantes. C'est le centre discursif et analytique où se façonne le jugement, lieu d'apprentissage de l'histoire, de la sagesse, de la rectitude, c'est là que l'on débat des affaires de la Cité. »73(*). Il est donc difficile d'entamer une lecture des aspects prégnants de la culture fang que sont : l'art oratoire guidé par les dictons et proverbes, les contes et légendes, les danses et rythmes, le jeu des instruments de musique et la formation des sonorités, la généalogie et autres relations de la parenté entre le clan qui occupe un village et les autres qui l'environnent, l'histoire du village ou de la communauté, les rites, etc. sans évoquer l'Abââ. En tant qu'entité culturelle à vocation d'institution millénaire chez les Fang, l'Abââ est génitrice et dépositaire de la culture. Le fait que cette culture est restée fondamentalement tributaire de l'oralité justifie son mode de transmission à travers les échanges interpersonnels, de génération en génération. Contenu dans le mythe, le mystique, les croyances, les représentations et l'ésotérique, les éléments constituant le socle de la culture, sont partagés par la communauté et deviennent alors « l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social ». Cette acception de la culture englobe, «... outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances »74(*). A côté de cette réalité sociale qui se déroule naturellement, il convient de faire remarquer que, certes le souci de transmettre ces éléments de la culture anime les anciens, mais ils les gardentpour les léguer aux descendants qui s'y intéressent manifestement et consciemment. C'est dans ce sens que MVE BEKALE dira que « l'abà » ou maison des hommes, est quelque peu le berceau de la culture fang »75(*), étant entendu que pour apprendre cette culture ou la transmettre, il faut bien cette communion interpersonnelle au sein de l'Abââ.

      Dans son rôle de musée, l'Abââ présentait diverses pièces allant des trophées de chasse aux instruments ou outils utilisés de tradition ancestrale. En effet, il était possible de voir des crânes de certaines bêtes redoutables de la forêt comme le gorille, l'éléphant, le buffle, le boa, le léopard...ou des peaux de reptiles accrochés aux poutres de l'Abââ. Cette pratique permettait, dans un premier sens, de conserver des reliques de ce genre pour que les générations à venir puissent contempler ces tableaux et pouvoir les reconnaître. Dans une autre approche, l'Abââ accueillant des passants et des étrangers, ces décorations exprimaient également la présence de vaillants hommes dans ce village, capables de dompter des créatures impressionnantes. Par conséquent, ce village méritait ou bénéficiait d'une considération certaine.

      En dehors de ces éléments, les anciens travaillent habillement dans l'Abââ autour des petits métiers de l'artisanat, de la vannerie, du tissage des filets de pêche et de la sculpture des outils utilisés dans la cuisine ou pour les travaux champêtres. C'est ainsi que les plus jeunes peuvent également apprendre ces métiers, chacun selon son talent. Par exemple, au moment de l'achat, la machette est garnie d'un manche. Mais, les paysans ont pris l'habitude de remplacer ce manche en bois par un autre, plus long, qu'ils savent fabriquer eux-mêmes, à partir d'un arbuste appelé « ndzitsip » chez les Ntumu. Ce manche rallongé est une adaptation à l'utilisation qui permet de résoudre un problème sérieux. En effet, l'homme qui défriche peut avoir une envergure plus importante de la lame de son outil qui balaie un rayon plus grand. D'autre part, certaines bêtes dangereuses comme les reptiles à venin peuvent être neutralisées à distance avec une machette qui a connu cette modification. Les paysans l'appellent « avion », comme pour insinuer que son rayon d'action a augmenté et qu'elle balaie une envergure plus grande, comme l'aile d'un aéronef.

      6. Lieu de culte et de requiem

      Au lever du jour, dans plusieurs villages fang devenus essentiellement chrétiens, les gens se rassemblent entre 5h30m et 6h pour prier. Ceux qui sont d'obédience protestante utilisent le programme officiel de l'Eglise Presbytérienne Camerounaise (EPC) comme guide des lectures, des cantiques à exécuter et des intentions de prière. Une des personnes dirige la prière cette prière matinale qui dure environ 20 mn. Cette prière matinale s'appelle filiya dans les villages. En fait, selon les personnes interrogées sur la signification de ce nom, il nous a été expliqué qu'il s'agit d'une déformation du nom anglais prayer qui signifie prière en français. Il a été introduit et adopté dans leur environnement par les premiers évangélistes de la Mission Protestante Américaine (MPA) au début du XIXè siècle, comme plusieurs autres mots tirés des langues de ces missionnaires et colonisateurs.

      C'est à l'issue de cette séance de prière que les uns et les autres se saluent et entreprennent d'échanger d'informations relatives à la vie en général ou aux nouvelles parvenues pendant la nuit. Certains qui écoutent la radio communiquent les nouvelles du jour à la communauté. D'autres échangent sur leur programme de la journée et les travaux qu'ils vont entreprendre, en précisant même de quel côté du village ils iraient, dans le souci d'orienter les autres en cas de nécessité.

      Au cours des pratiques cultuelles traditionnelles, l'Abââ fait souvent office de temple de Byèri76(*) lors des rites initiatiques chez les Fang du Gabon. Ces cultes se célèbrent généralement à la tombée de la nuit, une cérémonie animée de rythmes et danses réservées aux seules personnes dites « initiées ».

      De même, les cérémonies mortuaires également se déroulent à l'Abââ. Le corps du défunt est disposé au corps de garde. C'est là que le culte d'inhumation se déroulera, avant qu'il soit transporté vers sa tombe. Il est vrai qu'en raison du nombre de personnes, une extension en matériaux végétaux ou avec des dispositifs plus modernes comme des tentes est souvent faite à l'Abââ s'il s'avère étroit.

      7. Salle des manifestations :

      Dans son rôle de salle des cérémonies, l'Abââ abrite très souvent des événements et des réunions de divers ordres.

      Sur le plan coutumier ou culturel, les cérémonies concourant au mariage traditionnel se déroulent souvent à l'Abââ. C'est ici que le clan qui vient demander la main d'une jeune fille native du village est accueilli publiquement. A l'occasion d'une cérémonie de cet ordre, les pourparlers menés par les porte-paroles des deux clans se déroulent à l'Abââ et les débats y relatifs s'inscrivent dans un registre linguistique soutenu, essentiellement émaillé de proverbes, de dictons, de paraboles, etc. Chaque groupe peut, à la suite de l'intervention du porte-parole de la partie adverse, se retirer en aparté pour une concertation, comme un temps mort. Pour des raisons de circonstance, le porte-parole de la famille du jeune garçon qui vient demander la main ne dira pas, par exemple :

      « Nous avons aimé une fille du nom de X dans ce village et nous sommes venus demander à l'épouser ». Il est souhaitable qu'à travers sa prise de parole, l'on dénote en lui la maîtrise de la rhétorique, de l'art oratoire et de la sagesse. Cela suscite du respect de la part de ses pairs de l'autre partie ; par conséquent, il serait plus indiqué pour lui d'utiliser des images pour laisser comprendre la raison de sa présence en ces lieux. 

      En outre, l'Abââ sert souvent de lieu de rassemblement lors de la tenue des réunions politiques, les campagnes de sensibilisation entreprises par les agents des services d'Agriculture et les vulgarisateurs agricoles, etc. C'est également à l'Abââ que les autorités administratives sont généralement accueillies lors de leurs tournées dans les villages, même si par la suite, le visiteur pourra être conduit au domicile d'un tiers, après la séance de travail publique.

      8. Lieu communautaire d'exposition aux médias de masse

      Certains supports de médias de masse ont su intégrer l'Abââ progressivement. Au départ, il arrivait que de vieux journaux soient lus par une personne éclairée qui essayait de traduire le contenu de certains articles aux autres, avec des commentaires selon son inspiration. De même, un récepteur radio, avec l'antenne ingénieusement rallongée avec des fils de courant, est souvent placé au centre de l'Abââ pour permettre à la communauté d'écouter les informations. Si le propriétaire peut emporter son poste radio au champ, il a conscience tout de même qu'il devra revenir en mi-journée pour ne pas priver ses pairs de l'écoute des nouvelles de la journée.

      Avant 1985, date de l'avènement de la télévision au Cameroun, les matches de football dont le reportage était diffusé à la radio drainaient de nombreux auditeurs à l'Abââ. D'ailleurs, c'est encore le cas dans nombre de villages où il n'y a ni électrification rurale, ni même de téléviseur pour permettre aux populations de visionner ces programmes. C'est parfois à l'aide d'un groupe électrogène que les rares téléviseurs qui existent sont souvent alimentés, en y associant des équipements comme des antennes numériques qui permettent de recevoir des images.

      C'est ainsi que s'est effectuée l'intrusion des moyens de communication de masse modernes dans l'Abââ. De plus en plus aussi, la téléphonie mobile se répand dans les zones rurales. Le tamtam qui servait d'instrument de communication, lui, se retire de l'environnement de l'Abââ. C'est davantage pour des animations publiques ou religieuses qu'il est désormais plus présent, autant que les xylophones et les tambours.

      Conclusion

      Eu égard à ce qui précède, nous pouvons conclure que l'Abââ est une institution multifonctionnelle dans l'aire culturelle fang. L'on peut relever que c'est fort de cette diversification des fonctions qui se rattachent à cette structure sociale qu'il est possible de l'envisager comme plateforme importante dans la vie communautaire du groupe. Autant de rôles joués par une même structure sociale l'amènent à acquérir un caractère dynamique et à générer un trafic communicationnel. C'est ce qui explique l'interactivité tissée sur la toile de l'Abââ par les membres des communautés traditionnelles qui vivent ensemble et partagent ce même espace. Comme dirait Erving GOFFMANN, cette mise en scène de la vie quotidienne se déroule au sein de l'Abââ depuis des générations, malgré l'effet des agents de changements sociaux77(*). Ceci justifie que cette structure soit perçue comme une transposition homologique des réseaux sociaux de cette ère moderne.

      CHAPITRE QUATRIEME:

      HOMOLOGIE ENTRE L'ABAA ET LE RESEAU SOCIAL MODERNE

      Introduction :

      L'enjeu majeur de ce dernier chapitre est de mettre ensemble deux phénomènes appartenant à deux univers culturels différents et d'en établir des traits de similitudes. Parler d'Abââ nous ramène naturellement dans la société traditionnelle et même rurale des Fang, mettant en exergue un phénomène culturel perpétué depuis des générations. De même, l'évocation de réseau social nous amène à jeter un regard sur cette mouvance de mondialisation dans laquelle certains observateurs essayent de globaliser tous les continents. Avant tout développement, la considération que nous aurons des réseaux sociaux est celle qui se situe dans une optique de type relationnel et interactif. De manière générale, un réseau est dit social en ce qu'il permet à une personne d'échanger avec les autres membres. Nous avons envisagé de relever des ressemblances entre l'Abââ ancestral et les réseaux sociaux modernes. Cette entreprise ne serait possible que si nous dégagions d'abord les fondements de chacune des deux réalités qui se sont certainement développées sur la base de certains objectifs précis qu'il importe aussi de connaître.

      1. Fondements de l'Abââ et des réseaux sociaux

      Avant toute chose, il serait peut-être important de distinguer médias sociaux de réseaux sociaux. En effet, Selon Brian SOLIS78(*), le terme médias sociaux décrit «  les outils en ligne que les personnes utilisent pour partager du contenu, des profils, des opinions, des points de vue, des expériences, des perspectives et le média lui-même, ainsi ils facilitent la conversation et l'interaction en ligne entre des groupes de personnes. ». Ces outils sont à l'origine d'un profond changement dans la diffusion de l'information. Les discussions portant sur le terme font d'ailleurs apparaître une différence entre les outils et le concept, selon qu'il est écrit en majuscule ou en minuscule, en français cette séparation pourrait se traduire par les médias sociaux en tant qu'outil, et le média social en tant que concept. Selon Brian SOLIS« le concept de média social marque un tournant dans la manière dont les personnes découvrent, lisent et partagent les nouvelles, les informations et les contenus. C'est la fusion de la sociologie avec la technologie qui transforme le monologue en dialogue, le one to many, en many to many ». Alors que Brian SOLIS milite pour l'appellation des médias sociaux en nouveaux médias, un autre penseur, Robert SCOBLE79(*), dans son blog Scobelizer,insiste sur l'importance de l'impact des médias sociaux sur Internet, selon lui ce sont des « médias Internet qui ont la possibilité d'interagir sur l'Internet lui-même ». Dans cette discussion l'apport de Stow BOYDet de son blog stowboyd.com est fondamental. Dans un article se voulant une réponse à Robert SCOBLE, il donne les caractéristiques qui distinguent les médias sociaux des médias traditionnels. Ces indicateurs sont les suivants :

      a. ils ne sont pas des médiums enregistrés, ils ne diffusent pas un seul message à une audience ;

      b. ils sont sur le modèle many to many, ils sont conversationnels et impliquent une discussion ;

      c. ils sont ouverts, toute personne peut y publier ;

      d. ils sont perturbateurs, ils n'obéissent pas à un modèle hiérarchisé et contrôlé.

      Selon Stow BOYD, le terme définit aussi bien la « socialisation de l'information que les outils qui facilitent la conversation ». Tout comme les autres penseurs des médias, il opère une distinction dans le terme mais cette fois c'est par rapport aux outils eux même. Les blogs et les wikis sont, selon lui, seuls dignes d'intérêt et concentrent tous ses espoirs de changement « C'est le blog qui est devenu une formidable plateforme pour les médias sociaux ».

      Nous avons vu que sur le plan physique, l'Abââ a connu une évolution avec le temps. Ce qui lui est intrinsèque c'est sa vocation à générer une convergence et à favoriser une interaction entre les membres de la communauté villageoise. En effet, les fonctions que remplit l'Abââ ne se sont pas dévoilées toutes au même moment dans cette structure sociale. L'on peut y comprendre une dynamique progressive qui amène l'Abââ à se constituer en une institution, celle qui coordonne la vie des familles du clan qui habite un village.

      Leconcept de l'Abââ dans les villages intègre trois principes fondamentaux qui semblent s'imposer aux membres de la communauté. D'abord il faut l'érection d'un bâtiment qui matérialise l'esprit Abââ dans la conscience collective. Ensuite, la confiance que la communauté doit avoir en l'aîné du clan ou du village de bien conduire les affaires du groupe.

      Enfin, l'obligation morale, placée comme norme sociale, que tous les hommes ont, à moins que l'un d'eux ne s'exclut lui-même, de se connecter au reste de la communauté à travers leur présence physique à l'Abââ. Cela se manifeste par une organisation qui a pour fondement les liens familiaux, ou la filiation ; c'est sur cette entité basique que le village est généralement constitué chez les Fang. C'est sur ce socle relationnel indéfectible - car les liens de famille ne dépendent pas de la volonté des membres du clan - que, comme le dirait Eric LETONTURIER80(*), se développent les relations interpersonnelles avec des « positions équipotentes au sein d'un espace pluricentré ». S'inspirant des travaux de TARDES, cet auteur arrime ce type de formation sociale à ce qu'il appelle « modèle général du réseau dans la conception du social », défendu par TARDES, en faisant appel à certains concepts propres à la psychologie sociale. Il règle ainsi la question du rapport individu/société au moyen de la notion d'imitation qu'il « désubstantialise » pour ne retenir que sa dimension relationnelle. La transposition des relations entre individus du village repose sur le modèle de « groupes de gens qui s'entre-influencent» par échange de leurs différences, la société est donc cet espace réticulaire de circulation et d'échange de flux imitatifs entre des individus ». Finalement, il s'agit d'une communauté reposant selon TARDES sur «cette communication sociale générale ».

      Les fonctions sociales que joue l'Abââ ont été ressassées dans le précédent chapitre. Néanmoins, en se basant sur la position majeure qu'occupe cette structure de l'organisation sociale fang, nous allons l'aborder sous l'angle que Van VESLSEN81(*) appelle « analyse situationnelle ».En effet, la structuration des relations sociales induites par l'Abââ aux habitants d'un village peut se schématiser. Le village Fang n'est pas constitué, par exemple, comme le voisinage dans un quartier de centre urbain. La base des relations humaines étant essentiellement le lien familial. L'analyse du réseau local que forme naturellement un village est centrée sur certaines personnes et le groupe dans sa globalité, comme le recommande d'ailleurs EPSTEIN82(*).

      Le rapport qui se dégage entre le tissu relationnel établi dans un village sous la férule de l'Abââ et un réseau social est basé sur la théorie des réseaux sociaux qui conçoit les relations sociales en termes de noeuds et liens. Selon certains auteurs ayant abordé la question de l'analyse des réseaux sociaux, à l'instar de DEGENNE et FORSE83(*), il convient de considérer que les noeuds sont habituellement les acteurs sociaux dans le réseau mais ils peuvent aussi représenter des institutions. Les liens sont par conséquent les relations entre ces différents noeuds. Ainsi, le couple, la famille, la communauté et plusieurs autres formations sociales peuvent représenter des réseaux sociaux. Pour le cas d'espèce, nous avons envisagé l'Abââ dans la perspective d'une entité sociale de type institutionnel. Il s'agit d'un ensemble, d'une organisation dont les familles du village sont les membres et les individus en représentent des éléments, à travers laquelle certains objectifs de leur vie sont atteints.

      2. Objectifs de l'Abââ et des réseaux sociaux

      Aborder la question des objectifs revient à se demander pourquoi l'Abââ existe et pourquoi les réseaux sociaux sont formés. D'abord, les émanations de l'un et l'autre répondent naturellement à un besoin de raffermir les relations communicationnelles et les différents échanges entre les individus. A ce sujet, J. L. MORENO pense que « de tous les temps, notre société est formée en réseaux ayant des modes d'organisation variés. En développant la sociométrie, il propose des hypothèses sur le fonctionnement microsocial des réseaux et sur leurs possibles effets macrosociaux »84(*). Partant des formations sociales comme les églises, les associations ou même les sectes, ce qui motive les membres à créer un cercle qui leur est propre est déterminé par les différents objectifs qu'ils se fixent. Avec l'évolution des technologies de l'information et de la communication, l'on vit une forte émergence des réseaux sociaux sous la forme virtuelle ou électronique. Ceux-là aussi se constituent dans le sens de rapprocher les membres et favoriser les échanges entre eux. Parler d'un réseau social revient donc à considérer l'existence d'une communauté d'individus échangeant entre eux toutes sortes d'informations. Les réseaux sociaux font appel aux points communs qui relient les individus entre eux. Sur sa propension moderne développée à travers l'internet, le réseau social existe à travers n'importe quel site facilitant les flux d'informations autour de sujets communs aux membres du réseau.

      En effet, « le système du réseau social est basé sur la théorie des six degrés affirmant qu'entre deux personnes prises au hasard, il existe forcément des liens qui les unissent »85(*). Le monde virtuel de l'internet est assez vaste pour accueillir une très grande diversité de réseaux sociaux qui diffèrent les uns des autres par les objectifs qu'ils poursuivent.

      Ainsi, les réseaux sociaux ont pour but de créer des interactions sociales entre les utilisateurs : c'est ce qui explique leur essor en cette ère de la mondialisation. Une majorité d'utilisateurs s'inscrivent pour créer des relations amicales, professionnelles et des affinités diverses. Les différents réseaux sociaux sont spécialisés dans des domaines spécifiques. Facebook, le plus populaire actuellement, se base principalement sur les relations amicales, les amis perdus de vue ou encore les relations intimes86(*).

      3. Typologie des réseaux sociaux

      Il est important de rappeler qu'avant l'arrivée des nouvelles technologies de l'information et de la communication, certaines formations sociales fonctionnaient déjà en réseau. Nous les admettons dans l'acception qui définit le réseau social comme étant « un ensemble d'identités sociales, telles que des individus ou encore des organisations, reliées entre elles par des liens créés lors d' interactions sociales ». Il se représente par une structure ou une forme dynamique d'un groupement social87(*). A l'échelle d'un village, les individus se retrouvent au sein d'une plateforme afin d'interagir entre eux en un réseau social local.

      Ces réseaux sociaux traditionnels ont préfiguré les réseaux sociaux modernes qui sont passés d'une plateforme physique, limitée par le facteur de la distance géographique d'interaction entre membres, à une interface virtuelle favorisant l'extension du réseau à l'échelle mondiale. Ce qui fait que globalement, nous avons deux grands ensembles typologiques des réseaux sociaux : les réseaux sociaux physiques et les réseaux sociaux électroniques et virtuels.

      3.1. Les réseaux sociaux physiques

      En tant que réalité sociale, le réseau peut s'entendre comme un groupe, une organisation ou une institution particulière. À ce titre on peut parler d'un réseau d'individus - ou d'un réseau social - d'un réseau d'entités internes à une organisation ou encore de réseaux d'entreprises. Il s'agit alors de considérer davantage l'interaction sociale, la façon dont les acteurs vivent l'échange, plutôt que la spécificité du cadre institutionnel sous-tendant cet échange. C'est ce type de réseau que nous convoquons dans cette étude, type auquel appartient l'Abââ des Fang. En effet, cette forme naturelle de réseaux que peuvent constituer les individus ou les organisations, adaptées aux réalités, aux contingences et aux contraintes de leur environnement fonctionne dans la plupart des communautés traditionnelles. On distinguera les groupes sociaux, caractérisés par l'existence d'interactions (directes ou indirectes) entre les membres et la conscience d'une appartenance commune (familles, collectifs de travail, associations...), des simples agrégats physiques (par exemple une file d'attente ou le public d'un spectacle) ou de catégories statistiques (Caractéristiques socioculturelles...). Les groupes sociaux se différencient en fonction de leur taille, de leur rôle, de leur mode de fonctionnement et de leur degré de cohésion.

      3.2. Les réseaux sociaux électroniques

      Dans le domaine virtuel des technologies de l'information et de la communication (TIC), un réseau social est une application internet dédiée à la communication avec ses connaissances, à la rencontre de nouvelles personnes ou à la construction de son réseau professionnel. Ici, l'on distingue les réseaux sociaux généralistes et les réseaux sociaux spécialisés. Eu égard à leur niveau de développement dans le domaine des TIC, les pays d'Amérique, de l'Europe et de l'Asie sont les plus importants utilisateurs de ces réseaux sociaux formés via l'internet.

      A titre d'exemple, en mars 2012, l'institut d'études Nielsen, publiait les résultats d'une enquête menée sur les réseaux sociaux et annonçait que plus des deux tiers des internautes au monde fréquentent ce type de site. Leur utilisation dépasse celle des e-mails (66,8 % contre 65,1 %). Les réseaux sociaux occupent près de 30,4 % du temps passé par les internautes européens sur internet.?

      De son côté, ComScore Media Metrix, autre institut d'études, plaçait Facebook comme le réseau préféré des Français avec 17,8 millions de visiteurs uniques (V.U) en mai 2012. Il était suivi de Skyrock - Skyblog avec 14,6 millions de visiteurs, puis de Windows Life Profile (8 millions). Le réseau social « Copains d'avant », qui a connu sur la seule année 2008, une croissance de 112 % avec 5,9 millions d'adeptes, se classe en quatrième position. MySpace avec 3,7 millions de V.U ferme la marche du top cinq français. Mais avec des chiffres de croissance impressionnants, ce classement évolue rapidement88(*).

      La carte qui suit illustre la répartition des réseaux sociaux les plus fréquentés en 2007.

      Carte 2:Les sites de réseaux sociaux mondiaux les plus fréquentés

      Source : ValeyMag août 2007, Datamonitor.

      Au regard de cette carte, l'on peut constater que l'Afrique est parmi les continents qui utilisent très peu ou presque pas les réseaux sociaux en ligne. Seuls l'Egypte, la Tunisie, le Sénégal et l'Afrique du Sud ont été classés ici.

      Par contre, sur cette autre carte ci-dessous, il apparait la répartition des réseaux sociaux utilisés en général dans les différents continents du monde en 2008.

      Carte 3:Répartition des réseaux sociaux utilisés en général dans les différents continents du monde en 2008

      Source : www.oxyweb.co.uk, octobre 2008.

      4. Similitudes entre les réseaux sociaux modernes et l'Abââ

      4.1. Critères indicateurs d'un réseau social

      Nous allons définir les éléments caractéristiques d'un réseau dit social. Parlant de celles du réseau « Facebook » par exemple, Lino PUNGI le présente comme étant « site communautaire, permettant de se maintenir et de tisser les liens entre individus. Il s'agit d'une boite à outil social, en quelque sorte, qui peut servir à la fois personnellement (jouer, se divertir, faire de rencontre, trouver de l'emploi, etc.) et professionnellement (acheter, vendre, collaborer, organiser des événements, se former, se faire de la publicité, etc.). »89(*).

      Quatre critères sont à considérer de ce fait pour typer un réseau social.

      Premièrement, l'existence d'une plateforme qui peut être ouverte ou semi ouverte, en ce sens que tout le monde peut y avoir accès librement ou que des conditions sélectives doivent être remplies pour appartenir à ce réseau. Ici, plateforme s'entendrait comme un cadre ou un espace expressément destiné à regrouper les membres du réseau.

      Deuxièmement, la possibilité de création d'un profil individuel ou collectif, un identifiant à travers l'inscription que l'on fait pour appartenir à la communauté des membres de ce réseau.

      Troisièmement, la possibilité qu'offre ce dispositif physique ou virtuel aux membres de pouvoir échanger diverses données.

      Quatrièmement, l'interaction qui s'établit entre les membres une fois que ceux-ci accèdent à la plateforme communautaire.

      Dans le domaine des TIC par exemple, un site de réseau social est donc une catégorie de site internet avec des profils d'utilisateurs, des commentaires publics semi-persistants sur chaque profil, et un réseau social public navigable (traversable) affiché en lien direct avec chaque profil individuel."

      Le réseau social repose donc sur une participation égale d'une communauté d'internautes (on parle aussi de networking ou réseautage). On y communique « one-to-one », « one-to-many » ou « many-to-many ». Par ailleurs, le réseau social se distingue d'autres formes de travail collaboratif sur l'internet par la notion de profil qui lui est centrale.90(*)

      Un réseau social répond à un besoin primaire d'appartenance sociale de tout individu. Il s'ajoute à cela, le besoin de tout individu à être estimé par les autres membres de sa communauté. La première caractéristique du réseau social est de regrouper des personnes autour de concepts communs. Toutes sortes de centres d'intérêts se retrouvent à un même endroit et tout le plaisir est de rencontrer d'autres personnes qui les partagent.

      4.2. Mode de fonctionnement du réseau social

      La plupart des réseaux sociaux fonctionnent de la même manière. Pour devenir membre du réseau chaque personne doit créer son propre profil en procédant à une inscription en ligne sur le site. Ce profil lui servira de clé d'entrée au site et lui permettra d'être identifié par tous les autres membres tout au long de sa navigation sur le site. Chaque membre peut par la suite soit intégrer un groupe existant, soit créer sa propre communauté avec qui il partagera les centres d'intérêts et les motivations liées au site, à travers un système d'invitations et de recherche d'individus membres de la communauté. Des applications sont ensuite proposées par le site pour inciter les membres à être actifs et ne pas seulement se servir du site comme vitrine.

      Une remarque doit être faîte en ce qui concerne les modalités d'inscription au site. En effet, tout membre du réseau peut en toute liberté s'inscrire dans les groupes ou communautés qu'il désire sans aucune restriction de nombre.

      4.3. Utilité du réseau social

      Le plus grand intérêt des réseaux sociaux est la suppression des barrières de communication. En effet, les limites espace-temps sont nettement réduites voire inexistantes car en un temps record, le réseau social permet de joindre un nombre considérable de personnes se trouvant aux quatre coins du globe. Rien de mieux donc pour renouer des liens avec des personnes que l'on a perdues de vue et d'établir de nouvelles relations.

      Les réseaux sociaux sont des outils qui permettent à certains individus de se valoriser. Ils permettent de manière indéniable de communiquer et de partager des sentiments et des opinions avec des personnes qui peuvent comprendre ce que l'on ressent à travers le monde. En reliant les individus de toutes nationalités et cultures, le réseau social permet de sortir de nombreuses personnes de la solitude ou de l'isolement.

      Enfin, il est tout aussi important de reconnaître que des dérives sont possibles sur ces plateformes de type virtuel. Le virtuel développe souvent chez certain individus une vie autre, ignorée de l'entourage, différente de celle qu'ils vivent réellement.

      A l'Abââ, l'on est une communauté physique essentiellement interactive, satisfaisant exactement les mêmes besoins que dans le réseau social virtuel,avec des acteurs sociaux actants directement et individuellement connus. Cela lui confère un avantage en chaleur humaine plus immédiate, favorisant la contribution de tous les autres organes sensoriels dans les actes de la communication interpersonnelle qui se développent au sein de cet espace. Ce qui pouvait paraitre comme avantage indéniable, la possibilité d'échanger avec des membres géographiquement très éloignés les uns des autres se compense dans une certaine mesure par la proximité des acteurs et l'immédiateté qui renforcent l'expressivité de tous les aspects verbaux et non verbaux de la communication interpersonnelle. Ce type d'espace permet alors de développer une communication globale assez efficace.

      4.4. Eléments de similitudeentre le réseau social et l'Abââ

      4.4.1. La configuration

      Faisons d'abord remarquer que le menu principal du « site » Abââ obéit aussi à une configuration particulière, semblable à nombre de sites internet. D'ailleurs, en discutant avec l'administrateur du site internet www.monefang.com, il déclare s'être inspiré de l'Abââ pour proposer un menu aux internautes sur ce site-là. En effet, une fois dans l'Abââ, c'est-à-dire que l'on a ouvert la page « Accueil ». Dès lors, chacun peut marquer un intérêt pour l'une ou l'autre des pages qui composent le menu principal:

      - Qui sommes-nous ? Celui qui souhaite en savoir plus sur le clan pourra être édifié par un ancien de l'Abââ ;

      - Actualité : toutes les nouvelles du village et même de la contrée sontpartagées à l'Abââ dans les causeries que les uns et les autres engagent. C'est également le lieu d'échange d'informations afin que la communauté soit au courant de la dernière actualité : faits divers, cas de maladie, deuil, d'accident, mariage, réunion, circulaires de l'administration, visite des autorités administratives, etc.

      - Tradition :c'est justement à l'Abââ que l'on apprend beaucoup d'élément de la tradition fang ;

      - Proverbes, Contes et légendes : tous s'apprennent à l'Abââ car, chaque fois qu'une assise a lieu, ce sont ces éléments rhétoriques qui sont généralement convoqués pour appuyer les idées des intervenants ;

      - Divertissement : A l'Abââ, l'on joue à divers jeux dont le plus traditionnel est le Songo. Parfois, c'est dans l'esprit d'un tournoi que des protagonistes s'affrontent pour désigner le plus grand joueur de Songo du village. Ce dernier est souvent le dernier rempart des confrontations qui opposent les natifs du village à un joueur venu d'ailleurs. Il est mal perçu qu'un étranger vienne s'imposer sous l'Abââ d'un village autre que le sien. C'est davantage ici que l'expression « a kam mbong Abââ »trouve toute sa raison d'être ; cela signifie dans ce contexte que le joueur local ne doit pas se laisser battre par un étranger au risque de voir ce dernier « arracher » la poutre centrale de l'Abââ.

      - Forum : des discussions et des échanges ont effectivement lieu entre les membres de l'Abââ.

      Vu ainsi, il s'esquisse bien une similitude entre l'espace d'échange qu'offre l'Abââ et celui qu'ouvre également un site internet, à quelque différence près. C'est une transposition qui s'opère dans une logique qui vise à démontrer que cette configuration de l'Abââ est séculaire et que les interfaces virtuelles créées par la technologie modernesont souvent calqués sur le modèle des plateformes physiques plus anciennes.

      4.4.2. Le mode opératoire

      En ramenant donc notre analyse au niveau des réseaux sociaux, rappelons que ces derniers peuvent se différencier par leur taille et même par leur spécificité. L'élément le plus important est que chacun révèle les caractéristiques qui leur sont communes, à savoir : une plateforme, un profil, le partage des données, et l'interaction.

      Pour le cas de l'Abââ, nous allons transposer ces éléments pour mettre en évidence le côté homologique des deux entités. La première similitude apparaît lorsqu'un individu entre à l'Abââ ; il se connecte avec la communauté des membres de cet Abââ, tout comme peut le faire un membre d'un réseau. En fait, une personne qui prend place à l'Abââ accède à la plateforme qui va désormais favoriser les échanges avec les autres membres ou utilisateurs. Son comportement est désormais induit par les règles qui régissent cet espace.

      Dans un premier cas, il peut entamer son échange par les civilités, les salutations qu'il adresse aux membres de l'Abââ qui sont présents, eux aussi connectés par conséquents. Selon qu'il s'agit d'un membre du clan ou d'un étranger de passage, le rituel des salutations sera évidemment différent, car à ce dernier, inconnu de surcroit, il lui sera demandé, si lui-même n'anticipe pas, de se présenter ( nom de l'intéressé, nom des parents, clan d'appartenance, lignée de sa mère, éventuelles connexions parentales avec l'Abââ dans lequel il se trouve, lieu de provenance et destination, l'objet de son escale à l'Abââ, etc.) comme lorsqu'un nouvel utilisateur s'inscrit sur un réseau social moderne, ne serait-ce que pour quelques temps. Il est donc présent à l'Abââ en mode actif.

      De même, un individu peut également décider de se connecter en mode inactif dans la mesure où il peut décider de ne pas adresser la parole à un autre membre, de ne pas s'intéresser aux autres, exactement comme sur un site internet ou un réseau social. Mais, il ne pourra pas empêcher les autres de s'intéresser à lui ; ne pas répondre aux messages qui lui sont adressés ou ne pas y réagir sera alors la forme de communication qu'il aura choisi de manifester.

      Chaque Abââ est rattaché généralement au nom de son chef, comme pour le référencer, dans la logique d'une adresse de site internet, avec un administrateur qui régule le fonctionnement de cette institution et veille à la préservation d'une bonne image, au développement d'une bonne réputation ou notoriété. C'est par là aussi que sa visibilité est garantie afin de créer une différenciation avec les autres organisations similaires des villages voisins.

      En se référant aux critères-indicateurs qui caractérisent un réseau social, nous dirons que l'Abââ constitue tout d'abord une plateforme commune, un espace communautaire qui met en relation tous ceux qui rentrent dans cet espace, comme un « switch » partagé par les membres connectés à un réseau social local.

      A titre d'exemple, pour illustrer comment une personne qui entre à l'Abââ pour retrouver les autres qui y ont déjà pris place, l'on pourrait simuler la conversation suivante :

      Le nouveau venu : Mbôlanooo ! (Bonjour à tous !)

      Les personnes assises : Ambôlôô ! (Bonjour !)

      Le nouveau venu : Ye mi ne mvu'è ? (Comment allez-vous ?), etc. Me ne X, mone Esakôran ye Endendem, mone ngoane Esambira ye Ma'an, me ne é moan Y. (Je m'appelle X, Esakôran d'Endendem, ma mère est Esambira de Ma'an, je suis fils de Y.).

      Une fois ce contact établi, la personne peut désormais évoluer à l'intérieur du réseau en s'intéressant à n'importe quel autre « utilisateurs » avec lequel une affinité pourrait naître et se développer en fonction des centres d'intérêts.

      Le profil du membre de l'Abââ c'est son nom de famille. A l'Abââ, on appelle chacun par son nom et tout le monde peut être identifié par les autres. Généralement, à côté du nom de famille, il existe des pseudonymes ou des surnoms qui sont attribués aux gens, surtout lorsque les patronymes sont les mêmes pour deux individus du clan. La différence avec les profils que les membres de la communauté des internautes s'attribuent et veulent bien communiquer aux autres est qu'à l'Abââ, au-delà des traits physiques et de la physionomie même les habitudes, caractères et comportements des uns et des autres sont connus.

      Pour aller plus loin, nous dirons que le profil de chaque individu peut également se décliner au niveau de son Abââ en un référent nominal personnel, une espèce de surnom évocateur que l'on appelle « endan » chez les Fang. C'est une identité nominative donnée à un individu très souvent à la naissance qui dégage ou évoque les traits de caractères que les sages de la communauté présagent en lui. C'est dans le registre de la bravoure, de la sagesse, de la grandeur et de la probité morale que l'on puise pour attribuer son profil nominal à chaque membre, décliné en « endan ».

      En dernier ressort, puisque l'enfant qui nait porte le nom d'un de ses ascendants, il peut également hériter de l'endan de son homonyme.

      Le partage des donnéesphysiques ou nonest naturellement ouvert au sein de l'Abââ. D'abord, ce qui peut rentrer dans le cadre des actes de communications et qui induit forcément, consciemment ou inconsciemment, une influence mutuelle entre les membres de l'Abââ. A travers la communication verbale et la communication non verbale, la communauté des membres de l'Abââ échange plusieurs données immatérielles comme des informations diverses, des idées et des connaissances, des émotions dont le flux est difficile à quantifier.

      En outre, l'Abââ est un lieu de partage. Il faut déjà intégrer que l'espace géographique de l'Abââ est un environnement physique qui est justement partagé par les membres de la communauté. En se basant sur la notion de territoire en communication où chacun peut avoir son espace délimité, nous pouvons retenir que la configuration des places assises dans l'Abââ présente une organisation qui met en évidence la préséance que les aînés ont sur les cadets, un métadiscours qui peut aussi faire l'objet de toute une étude.

      La place du « nyambôrô » est identifiée au sein de l'Abââ de telle manière que même s'il n'est pas présent, personne n'a le droit de l'occuper. C'est généralement une chaise différente, qui peut épouser la forme d'un divan ou sofa. A l'Abââ, l'on partage donc plusieurs données, comme des informations, des repas, de la boisson, des outils de travail, des documents comme de vieux journaux, des recueils de cantiques, livres de prières, des connaissances à travers contes, légendes, dictons et proverbes, etc. L'échange des données est une réalité observable et palpable au sein de l'espace.

      Toutefois, les sociétés de tradition orale se caractérisent toujours par la construction et le fonctionnement codifié d'un système d'information et de communication essentiellement oral, et donc immédiat. Les moyens utilisés le plus souvent sont la parole et des instruments dont la portée et les performances, on s'en doute, sont soumises aux conditions limitatives du temps et de l'espace. La communication qui se réalise dans de telles conditions reste très contingente à l'espace de communication et à la présence effective des acteurs sociaux de la communication.

      En effet, comme le souligne André NYAMBA, « la différence fondamentale que l'on constate aujourd'hui, entre les systèmes de communication traditionnels et ceux des TIC, est que dans le premier cas les acteurs sont présents en une sorte de face à face verbal ou leur communication se limite à l'espace et au temps qui les rassemblent. Dans le second cas, les acteurs ne se « voient » pas physiquement et réellement, pour ne pas dire qu'ils ne se touchent pas, mais ils ne sont pas soumis aux contraintes limitatives du temps et de l'espace. »91(*)Ces deux situations présentent des avantages et des inconvénients.

      Il est intéressant d'observer ce qui se passe dans le cas des changements dans les systèmes de communication traditionnels.

      Enfin, de part ce partage, il s'établit une interaction entre les personnes qui se retrouvent dans l'Abââ. Les affinités et intérêts président parfois au développement de différentes interactions. Si l'on saisit un instant précis, il est possible d'observer et de schématiser les échanges et interactions qui se déroulent à l'Abââ. Les systèmes antérieurs de communication servaient une cause sociale, celle des relations de solidarité multiforme au niveau des espaces familiaux, lignagers, villageois et ethniques, dans leur grande diversité organisationnelle : on se connaissait et se reconnaissait en tant qu'acteurs sociaux complémentaires.

      4.4.3. L'Abââ et le réseau social sont des tribus et des communautés

      Certains mots qui ont intégré le vocabulaire des internautes proviennent du domaine de l'anthropologie. Ainsi, l'on pourrait évoquer les vocables comme « tribu » ou encore « communauté », qui sont des emprunts tirés de l'étude des groupes humains. Une fois dans leur nouveau domaine, ces expressions ne changent pas beaucoup dans leurs acceptions. Ainsi, selon le dictionnaire Larousse, le mot tribu s'entend comme étant une « Agglomération de familles vivant dans la même région, ou se déplaçant ensemble, ayant un système politique commun, des croyances religieuses et une langue communes, et tirant primitivement leur origine d'une même souche. »92(*). Pour le cas des Fang, c'est dans cette tribu déclinée en clan et dans son unité groupale, le village, que se retrouve l'Abââ.

      En marketing, également, la notion de tribu a aussi été récupérée pour désigner « un réseau de personnes partageant sur un sujet des liens identitaires forts. Le marketing tribal fait la promotion de produits et de services auprès d'une ou plusieurs tribus.».Il arrive qu'une marque devienne le lien identitaire ("tribu" Apple, Harley Davidson, 2CV, Téléphone Nokia...). Mais le plus souvent, la tribu existe indépendamment des marques qui la ciblent ("Tribu" des écologistes, des rollers...). Comme il est donc dit que la tribu peut exister sans relation avec une marque, cela sousentend que les individus se regroupent dans la société par affinités.

      C'est dans cet ordre d'idée qu'autrefois, la localisation géographique des tribus était importante. Avec l'arrivée des TIC, Internet élimine la géographie. Cela signifie que les tribus existant virtuellement sont plus grandes, et qu'elles sont désormais plus nombreuses. Ces tribus se regroupent à l'intérieur des réseaux sociaux qui sont alors la plateforme qui favorise leurs échanges et leur interactivité.

      De même, le terme communauté (virtuelle) est un groupe de personnes qui communiquent par l'intermédiaire de courriers électroniques, de l' Internet en particulier via des forums, courrier, téléphone, pour des raisons professionnelles, sociales, éducatives ou autres93(*).La communauté Internet est une plateforme en ligne qui permet à ses membres, à travers différents outils, de communiquer, de rester en contact et d'échanger leurs points de vue. Généralement les communautés se créent autour d'un thème commun qui permet de rassembler les internautes.

      Le mot virtuel est employé pour signifier qu'il ne s'agit pas de communication face à face. A titre d'exemple, l'on pourra évoquer des communautés liées au Web : Usenet, Wikipédia, MySpace, Facebook, Second Life, Google+ , etc.

      L'idée de regroupement affinitaire à travers les groupes que constituent les tribus et les communautés virtuelles, comme il apparait, sont donc des réalités sociales ayant toujours existé, qui inspirent la terminologie usuelle des réseaux sociaux modernes.En plus, à travers ces regroupements, il en ressort une adéquation avec ce qu'est l'Abââ également pour un village fang. A quelque différence près donc, nous pouvons conclure sur ce point que l'Abââ est une émanation de l'organisation sociale fang qui forme une communauté physique et même virtuelle car même les ancêtres en restent des membres dans une dimension de la communication qui intègre des existants métaphysiques. Les réseaux sociaux modernes, eux, sont issus du développement des TICqui s'appuient sur les tribus (selon l'acception marketing)existant pour former des communautés virtuelles. C'est en ce sens aussi que l'on peut comprendre la ressemblance dressée entre l'Abââ et les réseaux sociaux modernes.

      5. Dynamique de l'Abââ

      A partir des données que la science informatique utilise, nous allons ressortir schématiquement la topologie du réseau local que chaque Abââ peut présenter. En effet, il faut considérer avec que la dimension institutionnelle de l'Abââest le fondement d'une méta-réalité sociale qui, comme le dit Yvan VAN CUYCK est « doté d'un fort pouvoir de sujétion et de mise en forme de l'espace social, dans une perspective de topique communicationnelle où se jouent et s'actualisent les pratiques sociales »94(*). Notre cadre de référence est l'Abââ du village Mebem qui se situe dans le département de la Vallée du Ntem, arrondissement de Ma'an, à 12 km de la localité de Meyo Centre.

      Premièrement, le chef de l'Abââ est le plus âgé du village95(*), le nommée NDONG ONDJI'I Jean Marc. Il est entouré de ses pairs au sein de l'«Ekôane benya bôrô» (Conseil des anciens), des hommes de la même génération que lui. Il s'agit des personnes suivantes :

      - ONDJI'I NDONG Marcel ;

      - Et EDO NDONG Emmanuel.

      En réalité, si l'on se réfère à l'arbre généalogique du clan Esakôran du village Mebem, le chef de l'Abââ est descendant des deux anciens ci-dessus nommés. Toutefois, quoiqu'étant à cette position, il est le plus âgé du village et a été désigné par ses oncles, moins âgés que lui, pour conduire les affaires du village.

      Tous les autres frères du chef de situent au niveau d'une strate constituée d'entités importantes de l'Abââ, même s'ils ne sont pas membres du comité des anciens. Leur point de vue est pris en compte lors des différentes assises que l'institution organise et abrite. Les enfants de sexe masculin de ceux-ci sont tous membres de l'Abââ à travers leurs pères.

      A l'observation, il est important de préciser que le village lui-même est déjà constitué en réseau local animé par une interaction évidente. Les personnes peuplant le clan sont d'abord unies par le lien familial. Puis, des affinités se sont tissées entres des personnes en fonction de leurs intérêts, leurs occupations, de leurs liens internes (religion, parti politiques, etc.). Les habitants du village évoluent donc dans cet espace communautaire partagé.

      Sur la base des schémas topologiques des réseaux ci-dessous, nous allons extraire le modèle qui semble cadrer avec la réalité de l'Abââ et l'adapter au contexte local du village Mebem.

      Figure 1: Représentation de l'architecture des LAN (Local Area Network).

      Source : http://www.commentcamarche.net/contents/initiation/topologi.php3, consulté le 07 décembre 2012

      Les figures ci-dessus représentent les différents modèles de réseaux locaux. Ils différent des réseaux métropolitains (Metropolitain Area Network, MAN) dont l'envergure peut s'étendre à une dizaine de kilomètres et des réseaux publics (Wide Area Network, WAN) à couverture nationale ou internationale, comme l'internet.

      De ces 5 modèles de réseaux locaux, celui qui s'apparente à la configuration des liens familiaux qui unissent les personnes du village correspond au type dit en « arbre ». C'est cette arborescence qui peut être transposée dans le cadre de la modélisation de l'Abââ. En effet, c'est sur la base sa similarité avec l'arbre généalogique du village que l'on peut esquisser une schématisation des liens et des noeuds qui constituent l'Abââ de Mebem. Il s'agit de présenter la configuration de la tribu des membres de cette institution, indépendamment des interactions qui se développent chaque jour dans l'Abââ, s'inspirant de la technique de la modélisation96(*) qui nous permettra de représenter schématiquement le modèle appliqué à l'Abââ comme l'indique la figure qui suit.

      Le

      Village Fang

      Le Chef de l'Abââ désigné par Nyambôrô ou bien Mbi Ntum

      L'Abââ du village

      Le peuple ou la communauté du village

      Membres du conseil des Anciens

      Niveau 0

      Niveau 1

      Niveau 2

      Figure 2: Modélisation de l'Abââ dans le village fang

      Source : l'auteur.

      Cette figure présente des entités constitutives de l'ensemble à 3 niveaux.

      D'abord, le village qui est une unité sociale où vivent des familles issues d'un même clan et liées par la généalogie parce que descendant des mêmes ancêtres. Ensuite, c'est cette formation sociale qui abrite donc l'Abââ en tant que institution traditionnelle séculaire, placée généralement sous l'autorité d'un « nyambôrô » désigné par les anciens pour conduire les affaires du village de concert avec ses pairs, pour l'intérêt de la communauté toute entière. Enfin c'est de cette configuration que les actions de l'Abââ sont légitimées parce que le système s'impose aux individus.

      A titre d'exemple, dans la figure qui suit, nous allons représenter le cas de la communauté des membres de l'Abââ de Mebem en ressortant les liens familiaux existants.

      Ensuite, nous allons représenter les différentes interactions qui peuvent découler de l'Abââ dans sa fonction de lieu de cérémonies, en prenant l'exemple du mariage coutumier rendu à l'étape de la dot.

      ESONO

      NDONG

      Eric Moïse, 41 ans

      NDONG ONJI'I

      Steeve Armel, 18 ans

      ESONO ONJI'I

      Eryck Anthony, 05 ans

      ESONO ba ONJI'I

      Rodrigue

      21 ans

      NDONG ESONO Jean Marc, 06 ans

      ONJI'I ESONO

      Ndem Elat, 03 ans

      MVE ESONO

      Ngalane Mvam, 06 mois

      ALO'O ONDJI'I

      Junior, 02 ans

      VILLAGE MEBEM FONDE PAR LE PATRIARCHE ONJI'I ESONO PAUL

      L'Abââ du village

      NDONG ONDJII

      Jean Marc, 74 ans, chef de l'Abââ,

      EDO NDONG

      Emmanuel, 61 ans, Ancien de l'Abââ et notable à la chefferie

      ONDJII NDONG

      Marcel, 74 ans, Ancien de l'Abââ

      ALO'O

      ONDJI'I

      Jeannot Pierre,

      63 ans

      MVE ONDJI'I

      Alphonse,

      62 ans

      N

      N

      ALO'O

      TOUNG

      Diderot, 51 ans

      ONDJI'I

      ESSONO

      Mathurin, 62 ans

      ALO'O ESSONO Désiré, 55 ans

      ONDJI'I

      TOUNG

      Richard,

      48 ans

      NDONG

      TOUNG

      Antoine

      ESSONO

      ONDJI'I

      Moïse,

      45 ans

      NDONG

      ONDJI'I

      Médard, 55 ans

      ONJI'I

      ESONO

      Gérard Paul, 43 ans

      NDONG

      ALO'O

      Antoine, décédé en juin 2012 à 58 ans, sans engendrer de garçon

      NGUEMA ONDJI'I Samuel, décédé en 2009

      ONDJI'I MVE Mérimée, 14 ans

      ONDJI'I ESONO Paul, 31 ans

      TOUNG ALO'O Teddy, 07 ans

      MVE

      NGUEMA

      Paulin, 12 ans

      ESSONO ONDJI'I Débauger, 37 ans

      TOUNG NDONG Junior, 14 ans

      NDONG NDONG Antoine ;

      12 ans

      ONDJI'I ESSONO Pierre Paul, 14 ans

      TOUNG ONDJI'I, Brady, 10 ans

      MENGUE ONDJI'I, Joseph, 06 ans

      ONDJI'I ESSONO

      Junior, 11 ans

      ALO'O ESSONO

      Désiré, 09 ans

      Figure 3: Représentation de la communauté des membres de l'Abââ de Mebem sur 03 générations

      Source : l'auteur

      L'exercice effectué dans la figure qui précède a consisté à retracer d'abord les relations parentales qui caractérisent l'Abââ de Mebem sur la base d'une reconstitution du lignage généalogique. Nous avons représenté trois générations. La remarque fondamentale est que les femmes ne sont pas inscrites parmi les profils, excepté celles qui ont engendré des enfants mâles sans être allées en mariage, parce qu'elles ont perpétué la lignée au profit de la communauté de leur village natal. Cela obéit à une logique ancestrale qui veut que les enfants nés d'une fille dont les parents n'ont pas reçu de dot portent les noms donnés par leurs oncles maternels. Si par la suite cette fille allait en mariage, les enfants qu'elle aura engendrés en étant chez ses parents restent d'office chez leurs oncles maternels.

      La femme, en tant que fille venue en mariage à Mebem a un profil latent, c'est-à-dire que si elle a été présentée solennellement à l'Abââ à travers la cérémonie de « l'ekulu Abââ ou Yala », elle bénéficie d'un rôle consultatif. En cas de nécessité, elle peut être admise à l'Abââ au cours d'une assise pour donner son avis sur la question à l'ordre du jour. Généralement, une femme qui a bénéficié de « l'ekulu Abââ » se voit attribuer un nom autre que celui de jeune fille ou de son époux. Le conseil des sages lui donne un nom émanant d'une personne du clan, ou alors un nom choisi sur la base des préférences et des affinités que la belle famille de cette femme a développées avec une personne autre, quand elle n'est pas issue du clan97(*).

      Deuxièmement, après le chef de l'Abââ, le conseil des anciens constitue un sous-groupe à l'intérieur de l'Abââ, donc un sous réseau qui a une position politique, jouant le rôle de conseillers ou de contrepoids auprès du chef lorsque l'Abââ se réunit. Il faut faire remarquer que même entre ces pairs du chef, c'est le droit d'ainesse qui prévaut aussi ; ce sous-groupe se concerte et fait part au chef de ses orientations dans la prise de décision.

      Enfin, tous les autres hommes membres de l'Abââ de Mebem forment à leur tour un autre sous-groupe, majoritaire mais qui ne fonctionne que sous l'autorité de leur aîné également. Il n'existe pas de vote pour départager les groupes dans leurs positions par rapport à un sujet débattu. La méthode utilisée pour régler une question reste la concertation, appelée « Esok » en Ntumu, où chacun émet son point de vue et l'aîné décide en dernier lieu. C'est lui qui vient annoncer à l'Abââ ce qui a été dit en conclave.

      Porte-parole étranger

      Porte-parole local

      Famille du fiancé

      Famille de la fiancée

      Échanges de

      présents

      Autres Parents et amis (invités)

      concertation inter personnelle lors d'une cérémonie de dot au sein de l'Abaa

      Zone de

      concertation

      Zone de

      concertation

      Zone de restauration pour la famille du fiancé

      Figure 4:Schéma de la théatralisation des interactions communicationnelles lors d'une cérémonie de dot dans l'Abââ.

      Les flèches induisent les interactions qui se déroulent au cours de ces assises.

      Source : l'auteur

      Nous avons choisi arbitrairement d'illustrer un cas d'interaction communicationnelle lors d'un mariage traditionnel. Le schéma représente non seulement le cadre de l'interaction, mais également les acteurs, les espaces occupés, les positions des personnes et les influences qui peuvent être générées pas ces différents acteurs. En effet, c'est le lieu où s'exprime ou qui exprime la tradition sans influence importante d'agents étrangers, notamment la religion, comme c'est maintenant le cas lors des cérémonies de deuil. L'Eglise s'est imposée grandement dans les obsèques et funérailles au point où les hommes d'église pratiquent même déjà le rite de veuvage aux femmes lorsqu'ils estiment que celles-ci seraient en position défavorable par rapport à la famille du défunt mari. C'est une mouvance qui a tendance à s'implanter maintenant comme pratique courante, alors que l'exécution de ce rite était de la compétencedes soeurs du défunt mari. A tort ou à raison, il est évoqué que parfois, les méchants en profitent pour régler des comptes à la veuve.

      Selon notre observation, les Fang font encore ressortir plusieurs éléments de leur culture lors des cérémonies de mariage coutumier et de funérailles. Pour le cas du mariage, il met en scène trois catégories de personnes. D'abord, la grande famille de la fille (fiancée) qui accueille généralement l'autre groupe constitué de la grande famille du garçon fiancé. On entendra par « grande famille », une composition hétérogène de personnes issues de la famille du père du fiancé, des personnes issues de la famille maternelle du fiancé et vice versa pour la fiancée.

      Ici, les acteurs principaux, de part et d'autre, sont les deux porte-parole. Chacun est entouré de personnes imprégnées de la tradition en matière de mariage. Il est aussi souhaitable qu'ils usent de sagesse pour contourner les écueils que leur pose le vis-à-vis. Il s'agit d'un échange discursif empreint de proverbes, métaphores, anecdotes...où l'art oratoire est un atout majeur visant à mettre en difficulté le porte-parole de l'autre partie.

      Lorsque cela est nécessaire, l'un ou l'autre groupe peut se retirer dans les espaces de concertation attenants à la scène pour mieux réviser la stratégie en vue de répondre à la préoccupation de la partie « adverse ». Entre temps, d'autres acteurs peuvent occuper la scène ; il s'agit généralement des femmes qui entonnent des chansons dont les paroles sont des pics lancés à leurs pairs d'en face. La réponse de celles qui se sentent provoquées ne se fait pas souvent attendre ; elles aussi contrecarrent par une chanson appropriée en guise de réplique. Pour amuser l'assistance, principalement la grande famille du fiancé, des personnes déguisées dans des costumes et développant des mimiques et gestes qui suscitent le rire entrent en action à leur tour. Ce rire sera alors interprété comme outrage à la famille de la fiancée et sera sujet à réparation pécuniaireappelée « amende », sans définition exacte du montant ; en réalité, la somme versée est généralement comprise entre 500 et 1 000 francs CFA. Il s'agit encore là d'un piège que doit éviter la personne mise en cause.

      A la fin de la cérémonie, les deux familles en ressortent souvent plus conviviales car c'est également une épreuve de nerfs pour tester l'endurance, la tempérance, la ruse et l'engagement de la famille du fiancé à prendre femme. Quand tout s'est bien passé, les deux groupes échangent des présents et partagent un repas.

      Conclusion

      En somme, nous voulions mettre en évidence l'homologie que nous avons décelée entre le réseau social moderne et l'Abââ traditionnel. L'un se déploie et se ramifie grâce aux prouesses des TIC qui lui offrent une plateforme, un espace virtuel mais dynamique à travers lequel les membres échangent des données indépendamment de la distance qui les sépare. L'autre participe de l'organisation sociale des Fang qui institue une entité communautaire de regroupement annexe aux habitations familiales. Dans ce cadre aussi, tel des internautes, mais dans une dimension locale, les interactions interpersonnelles sont une réalité indéniable qui permet bien aux villageois de rester localement en connexion, les uns avec les autres, tout en échangeant des informations et des données diverses. C'est l'instrument qui joue également de nombreux rôles et assure des fonctions sociales variant selon les circonstances.Pour cela,il apparait donc que l'Abââ précède les réseaux sociaux modernes de par son antériorité, les remplace naturellement dans ces régions reculées, cadres de viede groupes sociaux où la mouvance de la mondialisation est encore loin de permettre le rapprochement des communautésgrâce aux moyens des TIC et pas si près d'intervenir dans l'essentiel des actes de communication interpersonnelle au quotidien.

      CONCLUSION GENERALE

      Après plusieurs hésitations, nous avons développé, à partir des discussions avec notre directeur de mémoire, une lecture de l'Abââ des Fang autre que celle de départ. En fait, nous envisagions de parcourir uniquement les fonctions sociales remplies par cette institution propre à l'organisation sociale de ce peuple de la forêt équatoriale, en ressortant la prégnance et la dynamique de la communication interpersonnelle dans le groupe. Pour y parvenir, il aurait bien fallu que nous présentions, non seulement le cadre de notre étude, mais également quelques repères socio-anthropologiques du groupe Fang. De même, pour favoriser une appropriation de la dimension rattachée à l'Abââ, il a été nécessaire de développer ses aspects physiques et symboliques si bien qu'à travers ces fondements, l'Abââ a été perçu comme un centre névralgique de l'organisation de la vie de la communauté fang à l'échelle des villages. Pour rattacher cela à un cadre théorique, nous avons convoqué les théories de l' organisation sociale telles qu'élaborées par Marshall MACLUHAN, qui stipule que la structure sociale est un ensemble de relations sociales non fortuites entre individus liant les parties, entre elles et au tout dans une organisation. Nous avons également fait recours au fonctionnalisme à la lumière des travaux de MALINOWSKI qui propose d'intégrer que toute pratique sociale, comme le phénomène de l'Abââ, a pour fonction de répondre aux besoins des individus. Les fonctions que remplit l'Abââ et le jeu des rôles incarnés par les acteurs sociaux qui se relaient selon les circonstances et les situations constituent une partie importante de notre investigation. C'est dans cette optique que nous avons enfin puisé dans les théories d'Erving GOFFMAN qui soulignent la forme théâtrale de la communication dans la société.

      A travers différentes manifestations d'une dynamique d'interaction observable au sein de l'Abââ, nous avons envisagé d'investiguer sur les similitudes que l'Abââ pourrait présenter avec les réseaux sociaux modernes qui connaissent un essor remarquable en cette ère de la communication assistée par les TIC. Force a alors été de constater que des traits caractéristiques, quasi-identiques et communs ressortent de l'Abââ et des réseaux sociaux. En conséquence, existant dans la même époque, l'Abââ dans son environnement, l'aire socioculturelle des Fang d'Afrique Centrale, se révèle être ce que les réseaux sociaux électroniques sont pour ce monde dans la mouvance de la mondialisation et de la globalisation. Car parler de l'Abââ dans le village fang c'est évoquer cette structure sociale qui génère une convergence en son sein en tant que centre communautaire des communications. Cette entité culturelle est au coeur des échanges sociaux dans les villages et constitue le socle même de la gouvernance du village, en tant que formation sociale ou organisation. C'est également dans l'Abââ que la gestion des affaires de la communauté se développe. Tout ce qui précède a contribué à confirmer notre hypothèse qui postulait que l'Abââ est un élément de la culture Fang qui joue divers rôles et remplit de nombreuses fonctions dont la plus prégnante est essentiellement celle d'espace et de plateforme communicationnelle. C'est donc à dessein que les détenteurs de la tradition ancestrale perpétuent l'Abââ face aux mutations sociales que la rencontre des civilisations africaine et occidentale engendre.

      Au demeurant, au rendez-vous du donner et du recevoir, l'Abââ est un modèle de gestion de la société développé par un groupe en vue de renforcer la cohésion sociale et de favoriser les échanges d'information en mettant les acteurs locaux dans diverses situations de communication et d'interaction. Cette institution pourra inspirer d'autres chercheurs afin que l'anthropologie de la communication, à l'échelle africaine, s'enrichisse de plus de littérature capable de transformer ce riche patrimoine culturel oral en travaux scientifiques édifiants.

      ANNEXES

      Annexe 1 : Article du Magazine Jeune Afrique

      Oyem, capitale du "Fangland", est la quatrième ville du Gabon.

      (c) Baudoin Mouanda pour J.A

      BIENVENUE CHEZ LES FANG !

      Ils vivent au Cameroun, au Gabon ou en Guinée équatoriale. Ils partagent la même culture, les mêmes langues et ont produit des générations de dirigeants. De quoi alimenter tous les fantasmes sur leurs ambitions... Voyage au coeur d'une communauté incontournable.

      C'est le débat interdit. Celui qui ne se tient ni à la télévision, ni à la radio, ni dans les amphithéâtres de l'université de Libreville, même s'il est souvent chuchoté avec passion en famille, entre amis, en petit comité... « Non, il n'y a pas de problème fang au Gabon », assure-t-on à Libreville, avec un certain malaise lorsqu'on évoque un sujet tabou, politiquement incorrect, dont on nie non sans hypocrisie l'existence...

      Inspirateur de ce déni, le défunt président Omar Bongo Ondimba (OBO), qui n'a pas varié de sa ligne jacobine en quarante-deux années de pouvoir. « Il y a des ethnies dominantes, mais moi, délibérément, je ne parle pas de ça [...]. En réalité, je ne connais pas une ethnie supérieure ni minoritaire : on est Gabonais, c'est tout », expliquait-il dans son livre-entretien avec Airy Routier, Blanc comme nègre (Grasset).

      Les deux slogans de la présidentielle en 2009 : "tout sauf Ali" et "tout sauf les Fangs». Mais si l'ethnie n'existe pas, des remèdes contre l'ethnicisme sont néanmoins administrés, sous la forme d'une politique de quotas et de partage « géopolitique » du pouvoir. Selon une règle non écrite longtemps en vigueur, Omar Bongo Ondimba, natif du Sud gabonais en pays batéké, choisissait invariablement son Premier ministre parmi les Fangs natifs de l'Estuaire, alors que cette ethnie est présente dans cinq provinces sur les neuf que compte le pays. De même, pour recruter ses cadres, l'administration mettait en place des critères d'égalité provinciale...

      Népotisme

      Le pays n'a pas échappé pour autant aux replis identitaires favorables au vote ethnique, à la constitution de réseaux de népotisme tribal ni aux revendications d'essence régionaliste. À partir de juin 2009, quand la perspective de succéder au chef de l'État décédé a opposé frontalement ses anciens collaborateurs, le vernis de l'équilibre interethnique a craqué. La liste des candidats comptait une majorité de dignitaires fangs, dont l'ex-Premier ministre Jean Eyéghé Ndong (Estuaire), l'ex-ministre de l'Intérieur André Mba Obame (Woleu-Ntem), l'ex-ministre du Pétrole Casimir Oyé Mba (Estuaire), l'ex-vice Premier ministre Paul Mba Abessole (Estuaire). Fangs aussi, certains prétendants plus ou moins sérieux issus de l'opposition (Jean Ntoutoume Ngoua) ou de la diaspora (Daniel Mengara)... Des patriarches fangs, réunis en comité secret quelques semaines avant l'élection du 30 août, ont tenté en vain d'obtenir le désistement de Mba Obame en faveur d'Oyé Mba. « Avec un tel sens politique, jamais les Fangs n'arriveront à conquérir le pouvoir », a alors dénoncé l'ancien ministre de l'Intérieur, qui s'est finalement imposé au détriment de son rival de l'Estuaire. La veille du scrutin, ce dernier se retirait de la course après avoir subi d'intenses pressions.

      Antagonismes

      Les Fangs représentent selon différentes estimations entre 35 % et 40 % de la population gabonaise. Mais la classe politique non fang se méfie de leur « appétence » pour le pouvoir. Des politiciens peu scrupuleux se sont saisis de cette peur pour en faire un argument de campagne, s'alarmant de la volonté d'hégémonie de l'ethnie majoritaire, résolue à reconquérir coûte que coûte le pouvoir confié en 1967 au Téké Albert Bernard Bongo par le Fang Léon Mba. Les adversaires du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) scandaient « Tout sauf Ali [Bongo Ondimba, candidat à la succession de son père, NDLR] » ? Leurs contradicteurs opposaient un « Tout sauf les Fangs ».?Par bonheur, aucun des deux slogans n'a abouti au résultat escompté. Échec au « Tout sauf Ali », car il a été élu. Pas plus de succès pour le « Haro sur les Fangs » : troisième du scrutin, André Mba Obame a recueilli des suffrages non pas seulement dans son ethnie, mais dans toutes les régions. Il n'empêche, cette campagne agressive a eu le temps d'imprégner les esprits. Les deux candidats ont fait le plein de voix dans leurs fiefs respectifs. Le Haut-Ogooué des Bongo a voté à plus de 90 % pour son champion, tandis que le Woleu-Ntem (Nord) a massivement soutenu l'enfant du pays, Mba Obame, renforçant les apparences d'un antagonisme ethnique. Dans l'ombre, quelques faucons incitent même le chef de l'État à « punir » ceux qui n'ont pas voté pour lui. Ce qu'il ne fera pas. Dans le Nord, on perd confiance et on n'attend plus grand-chose du Palais du bord de mer.

      Plus de deux ans après cette crispation, le président a fait un geste d'apaisement en nommant début février un natif d'Oyem (Woleu-Ntem), Raymond Ndong Sima, au poste de Premier ministre, rompant ainsi avec la pratique héritée de son père. Cette main tendue va-t-elle finalement atténuer le ressentiment ? À Ndong Sima de faire mentir les pessimistes.

      Frontières

      Frontalier avec la Guinée équatoriale et le Cameroun, le Woleu-Ntem est la seule des neuf provinces du pays qui soit quasi exclusivement habitée par le groupe fang. S'y rendre n'est pas aisé. Il faut parcourir plus de 500 km entre Libreville et Oyem sur une « transafricaine » bitumée sur certains tronçons seulement. Premier obstacle, au bout d'une heure de route, le pont de Kango sur le fleuve Komo. Arrêt obligatoire, seuls les véhicules légers sont autorisés à emprunter l'ouvrage. Les camions sont dirigés vers un embarcadère en contrebas. À marée haute, deux barges assurent la traversée, évitant ainsi à la capitale gabonaise une rupture de ses approvisionnements en produits alimentaires en provenance du nord. Et les voyageurs de pester encore contre le capitaine d'une barge qui a endommagé début mars un pilier du pont... Les plus pressés peuvent quitter la route nationale par une déviation non bitumée serpentant dans la bruine vers le nord-ouest, par Medouneu. Ce voyage est entrecoupé d'arrêts imposés par des contrôles de gendarmerie auxquels nul ne déroge. Puis on entre dans Medouneu, ce bourg de près de 2 000 âmes, aux alentours du parc national des Monts-de-Cristal. À 2 km plus à l'ouest se trouve la frontière avec la Guinée équatoriale.

      Medouneu, un paradis vert ? Pas vraiment. Le voisinage des mandrills et des éléphants rend l'agriculture quasi impossible. Cibles régulières des mammifères, les cultures sont saccagées et les rendements des parcelles si bas que les jeunes, dégoûtés, s'en sont allés grossir les quartiers populaires de Libreville. Jusqu'à la présidentielle de 2009, la ville de naissance d'André Mba Obame - même s'il ne s'y rend que rarement - vivait hors du temps, oubliée du reste du monde dans les moiteurs de la forêt primaire. Selon les échos de cette élection présidentielle, le président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Fang de Mongomo, aurait accordé un généreux soutien financier à l'opposant Mba Obame. Pis, des informations, jamais prouvées à ce jour, parlent de caches d'armes, de projets de rébellion, etc.

      Le voyage entre Libreville et le Woleu-Ntem n'est pas aisé. La route est bitumée sur quelques tronçons seulement.

      (c) Baudoin Mouanda pour J.A.

      Du jour au lendemain, la petite commune a vu débarquer des escouades de gendarmes et d'agents des services secrets qui lui ont imposé pendant des mois un dispositif de sécurité inédit. Même la voiture de monsieur l'abbé Clément n'a pas échappé à la fouille méticuleuse effectuée avec zèle. « Ils ont confisqué ma pièce d'identité parce qu'ils doutaient de ma nationalité gabonaise », se plaint un villageois qui assure ne pas être le seul dans ce cas. Jusqu'à ces dernières années, les familles établies de part et d'autre de la frontière allaient et venaient librement, enjambant allègrement les limites territoriales. Pour eux, les frontières fixées au gré des intérêts des colonisateurs français (Gabon), allemands (Cameroun) et espagnols (Guinée équatoriale) sont moins fortes que les liens du sang et la conscience de partager les mêmes ancêtres et de parler la même langue. En plus, ces limites ont changé avec le temps. Ainsi la France dut-elle céder en 1912 le Woleu-Ntem à l'Allemagne, avant que la défaite de Berlin à l'issue de la Première Guerre mondiale ne favorise le rattachement définitif de ce territoire au Gabon.

      En dépit de ces péripéties, les Fangs, Ntoumous et Mvaes, qui représentent 20 % de la population au Cameroun, 80 % en Guinée équatoriale et quelques milliers de personnes au Congo, en République centrafricaine et à São Tomé, n'ont jamais remis en question l'entrelacs de parentés interclaniques qui se ramifient depuis les Fangs de Libreville jusqu'aux Ewondos de Yaoundé, en passant par les Ntoumous de Bata... Ainsi retrouve-t-on des liens inattendus entre différents clans qui ont essaimé au gré des migrations du XIXe siècle. Selon des généalogistes, le président Obiang Nguema Mbasogo, du clan Essangui de Guinée équatoriale, l'activiste Marc Ona Essangui, du même clan au Gabon, et le directeur du cabinet civil à la présidence de la République du Cameroun, Martin Belinga Eboutou, du clan Esse de Zoétélé (Sud), auraient le même ancêtre. Et le président camerounais, Paul Biya, un Bulu de Mvomeka'a, dans le Cameroun méridional, est beti, un groupe rattaché aux Fangs. De quoi alimenter les suspicions d'un soutien à Mba Obame, alors qu'hier beaucoup extrapolaient sur un rapprochement entre OBO et son voisin congolais, Denis Sassou-Nguesso, pour contrebalancer une possible coalition Biya-Obiang...

      Vieilles routes "yougoslaves", hôpital fermé, gouvernorat à l'abdandon... Les habitants d'Oyem ont le sentiment d'être oubliés.

      (c) Baudoin Mouanda pour J.A.

      Société

      Ces craintes d'hégémonie sont-elles fondées ? « Si on interprète la cohésion des Fangs, on pourrait en effet considérer qu'il s'agit d'un danger régional, comme il en existe ailleurs, explique le politologue camerounais Mathias Eric Owona Nguini. Mais je ne vois pas de raison de craindre l'émergence d'un pays fondé sur des bases ethniques », conclut-il. D'autant que l'unification n'est pas le point fort de la société fang. Dans Le Petit Journal militaire, maritime, colonial du 26 février 1905, Émile Gentil, commissaire général de France au Congo, observe : « Ce qui fait le fond du caractère du Pahouin (Fang), c'est l'indépendance. Il ne veut se soumettre à personne et entend être le maître absolu de sa famille et de ses biens. Aussi, le rêve absolu de tout Pahouin est de vivre seul avec les siens. Et n'était le besoin d'être assez nombreux pour se défendre, on verrait autant de villages que de familles. »

      La question fang ne date pas d'hier. Des tentatives d'unification eurent lieu, notamment en 1947, lors du congrès de Mitzic réunissant autour des Fangs du Gabon ceux du Cameroun et de Guinée équatoriale... Cette préfecture traversée par la route du Nord à 400 km de la capitale, Libreville, est une ville-symbole qui entretient la mémoire de la résistance au colonisateur, mais aussi celle de la bataille entre forces de la France libre et troupes vichystes. Léon Mba, futur président du Gabon, fut porté à la tête du congrès. Mais les querelles de personnes empêchèrent le consensus. En jeune leader « évolué » venu de la côte et formé à l'école catholique, il s'était montré trop ouvert à des influences extérieures, s'aliénant ainsi une partie des délégués issus pour la plupart du Nord. Ces derniers lui reprochèrent notamment de prôner l'extension du bwiti (religion traditionnelle) parmi les Fangs, alors que ce syncrétisme était issu des Mitsogos (une minorité du centre du pays). Ils lui firent également grief de fréquenter les milieux francs-maçons et communistes de Libreville. Élu président du pays en 1961, Léon Mba, rongé par un cancer, acheva de « trahir » la cause en confiant le pouvoir à Albert Bernard Bongo, un Téké du Sud. D'où une profonde fracture entre Fangs du Nord et ceux de l'Estuaire, d'autant que ces derniers se sont consolés avec le poste de Premier ministre.

      Discrimination

      Fracture aussi avec les Mpongwés, un sous-groupe européanisé et très métissé d'ascendance myénée, des « autochtones » de l'Estuaire qui cohabitaient avec les Fangs depuis leur arrivée au XIXe siècle. Dans sa tendance à créer une hiérarchie entre les ethnies, l'administration coloniale avait tout d'abord élevé les Fangs au rang de « peuple savant » en magnifiant ces hommes « grands » et « clairs » venus des rivages du Nil dans la Haute-Égypte et des Grands Lacs. Au départ déconsidérés par le colonisateur français à cause de leurs royautés esclavagistes et « décadentes », les Mpongwés ont ensuite été mis en avant et en concurrence avec les Fangs, quand le colonisateur comprit la difficulté de domestiquer ces derniers et l'impossibilité de les intégrer dans les cadres coloniaux. Selon l'historienne Florence Bernault, « les Fangs sont donc restés les grands perdants de l'État moderne au Gabon, un État qui n'a cessé de brider leur influence ». Plusieurs décennies d'instrumentalisation politicienne ont eu des effets néfastes sur le « vivre-ensemble ». « Pendant nos études, personne ne se préoccupait de savoir qui était du Nord, qui était du Sud », regrette Firmin Obame Nguéma, chef d'entreprise à Libreville. Mais, selon lui, à l'heure des concours d'entrée dans les grandes écoles, la politique des quotas reprend le dessus.

      Aujourd'hui, les Fangs se sentent mal aimés et se plaignent de discrimination. « Quand on est originaire du Woleu-Ntem, on est soupçonné de manquer de patriotisme », s'indigne un ancien haut cadre de l'administration qui a perdu son poste quand il a rejoint les rangs de l'Union nationale, un parti d'opposition dissous en 2011. Le 11 février dernier, le ministère de la Défense a publié, dans le quotidien L'Union, un avis de recrutement à la garde républicaine qui ne concernait que sept provinces. « Le recrutement dans l'Ogooué-Maritime et le Woleu-Ntem fera l'objet d'un communiqué ultérieur », précise l'avis. « Le portefeuille de ministre des Finances ne sera jamais confié à un Fang. Ainsi, ils sont exclus de toutes les régies financières et des postes stratégiques de l'État, tels que le ministère de la Défense », dénonce un opposant, qui oublie néanmoins de citer notamment Jean-Claude Ella Ekogha, le chef d'état-major de l'armée, ou René Aboghé Ella, le président de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap), qui sont bien fangs.

      Souffrances

      Les complaintes de ses jeunes sans-emploi ne semblent pas perturber l'indolente Oyem, capitale du pays fang. Avec ses vieilles routes « yougoslaves » datant des années 1970, son gouvernorat neuf mais à l'abandon, son hôpital fermé pour réfection depuis six ans, pillé sans vergogne et squatté par des fonctionnaires en attente de logement... Puis l'incroyable Mont-Miyélé, une ville nouvelle construite en 2005 à l'occasion des fameuses « fêtes tournantes » et dont les villas cossues exclusivement attribuées aux pontes du régime sont abandonnées dans l'herbe folle... « L'argent dépensé, à savoir plusieurs milliards de F CFA, aurait pu servir à refaire la voirie délabrée », fulmine l'ancien député local du Parti démocratique gabonais Jean-Christophe Owono Nguéma. « Moi, je me sens profondément gabonais avant d'être fang », se définit-il. À l'instar de l'opposition, il a boycotté les législatives du 17 décembre 2011 et consacre désormais son temps à ses plantations de bananiers. Avec Paulette Oyane Ondo, il s'était déjà attiré le courroux de son groupe parlementaire pour avoir refusé de voter la révision constitutionnelle de décembre 2010, qui accordait plus de pouvoirs au président. « Toutes les ethnies endurent les mêmes souffrances, relativise-t-il. Nos ennemis communs, ce sont la corruption, les détournements de l'argent de l'État et l'impunité. » La frontière avec le Cameroun et la Guinée équatoriale est à une centaine de kilomètres. De l'autre côté des bornes, d'autres citoyens en colère ne le démentiraient pas.

      Malabo, sanctuaire Bubi

      Bien qu'elle soit née aux Baléares, la chanteuse de flamenco Concha Buika n'oublie pas ses origines équato-guinéennes. Issus de la minorité bubie (40 000 personnes) qui peuple l'île de Bioko, où se trouve la capitale, Malabo, ses parents ont fui la dictature de Macias Nguema dans les années 1970. À Majorque, où elle a grandi, ils lui ont transmis la culture et la langue bubies, menacées de disparition. Les Fangs ont massivement quitté la partie continentale du pays (ancien Río Muni), pour s'installer à Bioko (ancien Fernando Póo), attirés par le développement des infrastructures urbaines et par la prospérité due à l'exploitation du pétrole. Ici, les Fangs, ethnie du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, sont accusés de discriminer le deuxième groupe ethnique du pays. Selon une politique d'équilibre en vigueur depuis l'indépendance (1968) jusqu'en 2006, le Premier ministre était désigné au sein de l'ethnie bubie. Il n'en est plus question : Ricardo Mangue Obama Nfubea (2006-2008) et Ignacio Milam Tang (depuis juillet 2008) sont fangs.

      Par Georges Dougueli, envoyé spécial au Gabon et au Cameroun

      Source : http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2680p026-033.xml1/

      Annexe 2 : Interview

      Mathias Eric OwonaNguini : "Les origines fangs sont disparates"

      Mathias Eric OwonaNguini, enseignant à l'université de Yaoundé-II(c) Baudoin Mouanda pour J.A

      La nation pahouine est une construction symbolique et non un projet politique, selon ce politologue camerounais. Qu'est-ce qu'être fang aujourd'hui ?

      Le mythe de « la marche des enfants d'Afiri Kara » situe les origines fangs en Haute-Égypte. Cette légende a été inventée pour lier des groupes plus hétérogènes qu'ils ne le disent. Dans la matrice dite fang-betie, des groupes ont des origines anthropologiques diverses, mais se sont retrouvés à partir d'un même répertoire culturel. On retrouve des éléments strictement fangs, des éléments assimilés aux Fangs et des non-Fangs qui ont été acculturés. Les Betis du Cameroun, au sens strict, ne sont pas des Fangs. Moins nombreux, ils ont été « pahouinisés » et se sont fondus dans la communauté, au point d'en perdre leur langue. La langue ewondo [telle qu'elle est parlée à Yaoundé, NDLR], aujourd'hui, est une variante du fang et non pas de la langue betie, qui, elle, a disparu.

      Quel est le rapport entre identité fang et revendications politiques ?

      Dans les années 1990, la perspective d'une grande nation transethnique fang a resurgi dans un contexte où les luttes politiques comportaient aussi un élément identitaire. Il est vrai que les identifications géoethniques et anthropoethniques fangs existaient, surtout dans des pays où ces communautés étaient proches du pouvoir. Ainsi, entre les années 1960 et 1970, avec la présidence de Léon Mba au Gabon, puis de Macias Nguema en Guinée équatoriale, on a évoqué l'idée d'une hégémonie des Fangs. Au Cameroun, cette idée n'était pas absente, mais elle a pris un poids considérable avec l'accession de Paul Biya au pouvoir en 1982. Elle s'est particulièrement cristallisée dans les années 1990.

      Faut-il prendre au sérieux l'idée d'un État fang ?

      La fameuse nation pahouine est une construction symbolique, puisque le registre politique de ces différentes communautés n'a jamais été celui de la centralisation. Elles sont marquées par une forte organisation segmentée et décentralisée. Ce ne sont pas des sociétés sans chef, mais elles ont des patriarches dotés d'une autorité décentralisée. Il pourrait y avoir des conjonctures qui les amèneraient à se fédérer autour d'une espèce d'épouvantail sous-régional. Mais cela ne peut survenir que dans des conditions particulièrement traumatiques.

      Ce n'est donc pas un ensemble homogène...

      Il y a une variation identitaire selon les pays. Elle montre que nous avons affaire à une construction extrêmement complexe qui recèle cependant des points de partage entre les groupes. En Guinée équatoriale, il existe une tension entre les Fangs ntoumous et les Fangs okaks. Aujourd'hui, la communauté fang-betie partage la langue mais ne partage pas forcément les références généalogiques, malgré l'invention de mémoires unificatrices comme le mythe d'Afiri Kara. En réalité, les origines sont disparates.

      _______

      Propos recueillis par Georges Dougueli

      Source : http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2680p026-033.xml1/

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      WINKIN, Yves, et AL, La nouvelle communication, Paris, Ed. du Seuil, 1981.

      III. THESES ET MEMOIRES :

      Thèses :

      CADET, Xavier, Histoire des Fang, Peuple Gabonais, Thèse présentée pour l'obtention du diplôme de Doctorat d'Histoire, Université de Lille 3 - Charles de Gaulle, U.F.R. d'Histoire, Juin 2005.

      MEDJO MVE, Pither,  Essai sur la phonologie panchronique des parlers fang du Gabon et ses implications historiques, Thèse de doctorat linguistique, 1997, Université Lumière-Lyon 2, 543 p.

      Mémoires :

      LUKESO, Prince, L'appropriation du réseau social Facebook dans les communications interpersonnelles en milieux universitaires. Cas de l'Université de Kinshasa, Mémoire de Master II en Informatique et Télécommunication, Graduat 2011.

      MEKEMEZA ENGO, Aimée Prisca, Cohabitation population fang/CNPN, WCS dans la conservation de l'environnement au Gabon : Analyse du cas du Parc National des Monts de Cristal, mémoire deMaîtrise, 2007, Université Omar Bongo - Libreville Gabon.

      MESSANGA OBAMA, NKÚN NNÀM «le panier du peuple» et le développement des Yebekolo : Le cas de la communauté Fang-Biloun d'Ayos (région du centre au Cameroun),mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies en Anthropologie, Université de Yaoundé I, avril 2009.

      IV. ARTICLES : 

      AKINDES, Francis, Le lien social en question dans une Afrique en mutation, un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Josiane Boulad-Ayoub et Luc Bonneville, Souverainetés en crise, pp. 379-403. Collection: Mercure du Nord. Québec: L'Harmattan et Les Presses de l'Université Laval, 2003, 569 p.

      AUBAME, Jean-Marie, 2002, Les Beti du Gabon et d'Ailleurs: tome I, Sites ; parcours et structures ; tome II, Croyances, us et coutumes ; », Journal des africanistes [En ligne], 76-2 | 2006, mis en ligne le 22 mai 2007, http://africanistes.revues.org/898.

      LEMIEUX, Vincent, L'articulation des réseaux sociaux, article publié dans la revue «Recherches sociographiques, vol. 17, n° 2, mai-août 1976, Québec, Université de Laval.

      LETONTURIER, Éric, Sociologie Des Réseaux Sociaux et Psychologie Sociale : Tarde, Simmel et Elias, article paru dans Hermès 41-2005,Université Paris 5-René Descartes Groupe d'étude pour l'Europe de la culture et de la solidarité (Gepecs), Paris 5.

      NYAMBA, André, Approche sociologique et anthropologique de la communication dans les villages africains, article paru dans Les télécommunications, entre bien public et marchandise,Edition Charles Léopold MAYER, 2005.

      OWONANTSAMA, Joseph, Le Mvett des Pahouins : une expression musicale entre localité et transnationalité (Approche ethnologique et anthropologique), article paru dans Enjeux géopolitiques en Afrique Centrale, l'Harmattan, 2009.

      VAN CUYCK, Alain,L'instance institutionnelle comme fondement anthropologique, social et communicationnel de la culture organisationnelle,article publié en 2005, s. l.

      V. COMMUNICATIONS

      ABRIKA, Bélaid, La gouvernance locale traditionnelle solidaire, Cadre conceptuel d'une nouvelle gouvernance territoriale : Cas de la wilaya de Tizi-Ouzou dans la région de Kabylie en Algérie" communication délivrée lors du Colloque« Gouvernance et responsabilité : propositions pour un développement humain et solidaire », CCFD-Terre Solidaire. Décembre 2011.

      BACHELET, Rémi, Enseignant-Chercheur Ecole Centrale de Lille, Réseaux sociaux, communication en ligne sous licence, version janvier 2012.

      FOUDA ONGODO, Université de Yaoundé II, Chercheur au GEREA LAF-202, Yaoundé-Cameroun,Valeurs culturelles des Pahouins d'Afrique Centrale et management des organisations, communicationdonnée au colloque des 28 et 29 octobre 2004 à Beyrouth au Liban sur le thème : « le management face à l'environnement socioculturel ».

      VI. PRINCIPALES PERSONNES-RESSOURCES RENCONTREES :

      1. ASSALE Patrick, 57 ans, ressortissant du village Zoameyong dans l'arrondissement de Ma'an, rencontré à Yaoundé, le 02 août 2011.

      2. ELLA MBO, habitant du village Meyo Bibulu, dans l'arrondissement d'Olamze, entretien du 15 août 2011.

      3. MIMBIMI ESÔNO Parfait, 70 ans, ressortissant du village Ekoumedoum, dans l'arrondissement d'Ambam, entretien mené le 10 août 2011 de 11 à 12 heures 30mn

      4. MVOA ESSONO Félix, 57 ans, Instituteur, ressortissant du village Okong dans l'arrondissement de Ma'an, entretien du 27 décembre 2012.

      5. NDONG ALO'O Antoine, actuel maire de la localité de Kyè-Osi, entretien du 20 juillet 2011

      6. NDONG ONDJI'I Jean Marc, 74 ans, fonctionnaire retraité, patriarche du village Mebem, entretien du 03 juillet 2011.

      7. ONDO NGUEMA, Instituteur retraité, 67 ans, entretien tenu avec l'intéressé le 19 mai 2010, de 17h30 à 19h à Libreville au Gabon, dans son domicile sis au quartier dénommé la SNI.

      8. ONDJI'I NDONG Marcel, 74 ans, planteur, ancien de l'Abââ de Mebem, rencontré le 03 juillet 2011.

      9. ONDJI'I TOUNG Richard (Révérend Docteur), 49 ans, secrétaire Général Assistant de l'Eglise Presbytérienne Camerounaise et enseignant permanent à l'Institut des Relations Internationales de l'Université de Yaoundé II, échanges permanents eus avec lui entre 2011 et 2012.

      10. OVONO ENGONGA Jean Pierre, 42 ans, Professeur des Lycées d'enseignement général, enseignant d'histoire, originaire du village Meka'a Minkumu dans l'arrondissement d'Olamze, entretien du 15 juillet 2011 de 9heures à 10h30 mn.

      VII. SITES INTERNET :

      www.africanistes.revues.org

      www.culturevive.com

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      TABLE DES MATIÈRES

      EPIGRAPHE i

      DEDICACE ii

      REMERCIEMENTS iii

      RESUME iv

      ABSTRACT: v

      AVERTISSEMENT vi

      ABREVIATIONS, ACRONYMES, SIGLES vii

      LISTE DES CARTES, PHOTOS, FIGURES ET TABLEAU viii

      INTRODUCTION GENERALE 1

      1. CONTEXTE 2

      2. RAISONS DU CHOIX DU SUJET 3

      3. DELIMITATION DU SUJET 4

      4. PROBLEMATIQUE 5

      5. HYPOTHÈSES 6

      6. CADRE THÉORIQUE 7

      7. REVUE DE LITTERATURE 9

      8. CADRE METHODOLOGIQUE 14

      9. PLAN DU MEMOIRE 16

      10.DIFFICULTES RENCONTRES ET LIMITES DE LA RECHERCHE 17

      CHAPITRE PREMIER: ESQUISSE DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE DES FANG 19

      Introduction : 20

      1. Les Fang, des origines à nos jours 20

      1.1. Origines controversées du nom « Fang » 20

      1.2. Aperçu historique des origines du peuple fang 21

      2. Répartition géographique et démographie 23

      3. Organisation sociale 23

      4. Organisation politique 24

      5. Quelques caractéristiques culturelles 26

      Conclusion 27

      CHAPITRE DEUXIEME: L'ABAA DANS LA SOCIETE FANG 29

      Introduction 30

      1. Historique et évolution de l'Abââ 30

      1.1. Historique 30

      1.2. Evolution 31

      2. L'Abââ : un construit physique 34

      2.1. La réalité physique de l'Abââ 34

      2. 2. Effectivité de l'Abââ dans les communautés villageoises 38

      3. La dimension symbolique de l'Abââ 41

      3.1. Le principe de l'autorité d'un nyambôrô 41

      3.2. Le principe de prise de décision commune 42

      3.2. Le principe de non exclusion d'un membre 42

      3.3. Le principe de partage et de solidarité 42

      Conclusion 43

      CHAPITRE TROISIEME: FONCTIONS SOCIALES DE L'ABÂÂ 44

      Introduction 45

      1. Identification et ralliement 46

      2. Siège des pouvoirs Exécutif-Législatif-Judiciaire 47

      3. Centre communautaire d'initiation et de socialisation 49

      4. Lieu d'accueil et d'expression de l'hospitalité 51

      5. Centre culturel et musée 52

      6. Lieu de culte et de requiem 54

      7. Salle des manifestations : 55

      8. Lieu communautaire d'exposition aux médias de masse 56

      Conclusion 57

      CHAPITRE QUATRIEME: HOMOLOGIE ENTRE L'ABAA ET LE RESEAU SOCIAL MODERNE 58

      Introduction : 59

      1. Fondements de l'Abââ et des réseaux sociaux 59

      2. Objectifs de l'Abââ et des réseaux sociaux 62

      3. Typologie des réseaux sociaux 63

      3.1. Les réseaux sociaux physiques 64

      3.2. Les réseaux sociaux électroniques 64

      4. Similitudes entre les réseaux sociaux modernes et l'Abââ 66

      4.1. Critères indicateurs d'un réseau social 66

      4.2. Mode de fonctionnement du réseau social 68

      4.3. Utilité du réseau social 68

      4.4. Eléments de similitude entre le réseau social et l'Abââ 69

      5. Dynamique de l'Abââ 75

      Conclusion 84

      CONCLUSION GENERALE 85

      ANNEXES 87

      Annexe 1 : Article du Magazine Jeune Afrique 88

      Annexe 2 : Interview : Mathias Eric Owona Nguini : "Les origines fangs sont disparates" 97

      BIBLIOGRAPHIE: 99

      I. OUVRAGE METHODOLOGIQUE : 100

      II. OUVRAGES : 100

      III.THESES ET MEMOIRES : 101

      IV.ARTICLES : 102

      V. COMMUNICATIONS 103

      VI.PRINCIPALES PERSONNES-RESSOURCES RENCONTREES : 103

      VII.SITES INTERNET : 104

      TABLE DES MATIÈRES 105

      * 1Source :fr.wikipedia.org/wiki/Corps_de_garde, consulté le 1er juillet 2011.

      * 2NDONG ONDJI'I Jean Marc, 74 ans, patriarche du village Mebem, entretien du 03 juillet 2011.

      * 3OVONO ENGONGA Jean Pierre, 43 ans, Professeur des Lycées d'enseignement général,enseignant d'histoire, originaire du village Meka'a Minkumu dans l'arrondissement d'Olamze, entretien du 15 juillet 2011 de 9heures à 10h30 mn.

      * 4NDONG ALO'O Antoine, actuel maire de la localité de Kyè-Osi, entretien du 20 juillet 2011.

      * 5Fang, Ntumu et Mvae, représentent 20 % de la population au Cameroun, 40% de la population au Gabon, 80 % en Guinée équatoriale et quelques milliers de personnes au Congo, en République centrafricaine et à São Tomé, Lire l'article sur Jeuneafrique.com : Afrique centrale : bienvenue chez les Fangs www.jeuneafrique.com.

      * 6OKOMO Béatrice, Fragment de la tradition fang, article mis en ligne le 18 août 2006, disponible sur http://monefang.com/okomo.html, consulté le 28 juillet 2011.

      * 7Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Structure_sociale

      * 8WINKIN, Yves, op. cit. pp. 95-96.

      * 9STRAUSS, Levi, Le regard éloigné, Plon, pp. 59-62.

      * 10 GOFFMAN, Erving, in la nouvelle communication, textes recueillis et présentés par Yves Winkin » Ed. Du Seuil, 1981, p. 94.

      * 11Artiste-musicien originaire du Nord du Gabon, ancien ministre de la culture et député, décédé le 18 mai 2010.

      * 12MVE BEKALE, Pierre-Claver Zeng et l'art poétique fang : esquisse d'une herméneutique,L'Harmattan, Paris, 2001.

      * 13AUBAME, Jean Marie ; NZE NGUEMA Fidèle Pierre ; PANYUS Henry, Les Béti du Gabon et d'ailleurs, sites parcourus et structures, l'Harmattan, 2003, pp. 210-211.

      * 14MESSANGA OBAMA, NKÚN NNÀM «le panier du peuple» et le développement des Yebekolo : Le cas de la communauté Fang-Biloun d'Ayos (région du centre au Cameroun) »,mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies en Anthropologie, Université de Yaoundé I, avril 2009.

      * 15 OWONO Jacques Fulbert,Pauvreté ou paupérisation en Afrique ; étude exégetico-éthique de la pauvreté chez les Beti Fang du Cameroun, University of Bamberg Press, 2011, p 70.

      * 16KAMDEM Emmanuel, Managementet interculturalité en Afrique,Paris/Laval, Les Presses de l'Université de Laval/l'Harmattan, 2002.

      * 17Source : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Reseau.htm

      * 18MARCOTTE, Jean François, http://sociometrie.blogspot.com/2012/02/pour-une-definition-des-termes-reseaux.html, consulté le 11 juillet 2012.

      * 19BACHELET, Rémi, Enseignant-Chercheur Ecole Centrale de Lille, in Réseaux sociaux, cours distribué en ligne sous licence, version janvier 2012, p. 7.

      * 20SIMMEL, Georg ,La différenciation sociale , Revue internationale de sociologie, 1894, reproduit in G. Simmel, Sociologie et épistémologie, PUF, 1981

      * 21FARRUGIA, Francis, cité par Dr Francis Akindès, in «Le lien social en question dans une Afrique en mutation», Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Josiane Boulad-Ayoub et Luc Bonneville, Souverainetés en crise, Collection: Mercure du Nord. Québec: L'Harmattan et Les Presses de l'Université Laval, 2003, pp. 379-403.

      * 22Source : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Reseau.htm, consulté en juillet 2012/

      * 23MARCOTTE, Jean François, http://sociometrie.blogspot.com/2012/02/pour-une-definition-des-termes-reseaux.html, consulté le 11 juillet 2012.

      * 24WINKIN, Yves, Anthropologie de la communication, de la théorie au terrain, Editions du Seuil, 2001, p 95.

      * 25GHIGLIONE, R. et MATALON, B. Les enquêtes sociologiques, Armand Collin, Collection U, 1978, 301 p.

      * 26WINKIN, Yves, op. cit. pp. 95-96.

      * 27 WINKIN, Yves, op. cit. p. 154.

      * 28Source : lire article sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Fangs, consulté le 15 octobre 2012.

      * 29CADET, Xavier, Histoire des Fang, Peuple Gabonais, Thèse présentée pour l'obtention du diplôme de Doctorat d'Histoire, Université de Lille 3 - Charles de Gaulle, U.F.R. d'Histoire, Juin 2005.

      * 30MEKEMEZA ENGO, Aimée Prisca, Cohabitation population fang/CNPN, WCS dans la conservation de l'environnement au Gabon : Analyse du cas du Parc National des Monts de Cristal, mémoire deMaîtrise, 2007, Université Omar Bongo-Libreville Gabon, disponible en ligne sur : http://www.memoireonline.com, consulté le 16 octobre 2012.

      * 31MEDJO MVE, Pither,Essai sur la phonologie panchronique des parlers fang du Gabon et ses implications historiques, Thèse de doctorat linguistique, 1997, Université Lumière-Lyon 2, 543 p.

      * 32MEDJO Pither, op. cit.

      * 33Source : http://www.gabonlibre.com/Histoire-Gabon-Origines-des-fangs_a5447.htmle, consulté le 15 octobre 2012.

      * 34AFA'A BIBO était originaire du village Ekoumedoum et s'est établi à Efoulan, village de la Vallée du Ntem, arrondissement de Ma'an, situé à une quinzaine de km de Ma'an, dans la région du sud du Cameroun. Il était considéré comme un homme sage et éclairé qui comptait l'épopée de la marche des enfants d'Afiri Kara, retraçant la longue migration des peuples Fang beti depuis le Nil en Egypte vers l'Afrique Centrale. Il a disparu sans laisser de trace un jour, au début des années 1970, âgé d'environ 90 ans.

      * 35ABOMO-MAURIN, Marie-Rose, Traduit de l'oeuvreDulu bon b'Afrikara(écrit en boulou) de OndouaEngutu, l'Harmattan, 2012.

      * 36OWONA NGUINI, Mathias E., interview accordée à Jeune Afrique, propos recueillis par Georges Dougueli., disponible en ligne sur http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2680p026-033.xml1, consulté le 30 juillet 2012.

      * 37Source : article de Georges DOUGUELI, « Bienvenue chez les Fang ! », disponible sur internet, http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2680p026-033.xml1/, consulté le 10 octobre 2012.

      * 38TOLRA, Laburthe, cité par MEKEMEZA ENGO, Aimée Prisca, op. cit.

      * 39FOUDA ONGODO, Université de Yaoundé II, Chercheur au GEREA LAF-202, Yaoundé - Cameroun, « Valeurs culturelles des Pahouins d'Afrique Centrale et management des organisations », communicationdonnée au colloque des 28 et 29 octobre 2004 à Beyrouth au Liban sur le thème : « le management face à l'environnement socioculturel ».

      * 40BALANDIER, Georges. 1982 - Sociologie actuelle de l'Afrique noire. Paris, PUF, p 137.

      * 41ABRIKA, Bélaid, in "La gouvernance locale traditionnelle solidaire Cadre conceptuel d'une nouvelle gouvernance territoriale : Cas de la wilaya de Tizi-Ouzou dans la région de Kabylie en Algérie", communication délivrée lors du Colloque« Gouvernance et responsabilité : propositions pour un développement humain et solidaire », CCFD-Terre Solidaire. Décembre 2011

      * 42AKOMO-ZOGHE,Cyriaque Simon-Pierre, Parlons fang: culture et langue des Fang du Gabon et d'ailleurs, l'Harmattan, mai 2010, 295 pages

      * 43 TRILLES, H. Contes et légendes fang du Gabon 1905, Paris, Karthala, 2002, p. 24

      * 44ASSOUMOU NDOUTOUME, Daniel, Parlons Fang : culture et langues fang du Gabon et d'ailleurs, Paris, l'Harmattan, 2010, p.163.

      * 45MVE BEKALE, Marc, Pierre Claver Zeng et l'art poétique fang, esquisse d'une herméneutique, Paris, l'Harmattan, 2001, pp. 152-153.

      * 46MINKO MVE, Bernardin, Gabon entre tradition et post-modernité : Dynamique des structures d'accueil Fang, l'Harmattan, 2003, p. 129.

      * 47MIMBIMI ESÔNO Parfait, habitant du village Ekoumedoum dans le département de la Vallée du Ntem au Sud du Cameroun, âgé d'environ 70 ans, entretien mené le 10 août 2011 de 11 à 12 heures 30mn

      * Jeu traditionnel très répandu chez les Fang qui se joue à deux sur un tableau composé de 7 cases de part et d'autre, avec au départ 5 pions dans chacune, soit 70 pions que les deux protagonistes se discutent en respectant les règles du jeu. Pour gagner la partie, il faut totaliser un minimum de 40 pions.

      * 48MIMBIMI ESÔNO Parfait, op. cit.,entretien accordé le même jour.

      * 49ELLA MBO, habitant du village MeyoBibulu, dans l'arrondissement d'Olamze, département de la Vallée du Ntem au sud du Cameroun, entretien du 15 août 2011.

      * 50 MVE ONDO Bonaventure, Sagesse et initiation à travers les contes, mythes et légendes fang, L'Harmattan, Paris, 2007, pp. 36-37.

      * 51LABURTHE TOLRA, Philippe, cité par AUBAME, Jean-Marie, dansLes Beti du Gabon et d'Ailleurs: tome I, Sites ; parcours et structures ; tome II, Croyances, us et coutumes ; », Journal des africanistes [En ligne], 76-2 | 2006, mis en ligne le 22 mai 2007, consulté le 02 octobre 2012. URL : http://africanistes.revues.org/898

      * 52AKOMO ZOGUE, Cyriaque Simon Pierre, Parlons fang : culture et langues du Gabon et d'ailleurs, Paris ; l'Harmattan ; 2010, p. 163.

      * 53 MVE BEKALE, Marc, Pierre Claver Zeng et l'art poétique fang, esquisse d'une herméneutique, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 139-140.

      * 54ONDO NGUEMA, 66 ans, originaire de la localité de Mimvul entretien tenu avec l'intéressé le 19 mai 2010, de 17h30 à 19h à Libreville au Gabon, dans son domicile sis au quartier la SNI.

      * 55 Il s'agit d'un rite organisé par les anciens de la communauté lorsque plusieurs malheurs inexplicables par la compréhension humaine. Il a pour but d'invoquer les esprits des ancêtres qui protègent la communauté afin qu'ils purifient le village.

      * 56AKOMO ZOGUE, op cit. p. 164.

      * 57ASSALE, Patrick, ressortissant du village Zoameyong dans l'arrondissement de Ma'an, département de la Vallée du Ntem dans le sud du Cameroun, rencontré à Yaoundé, le 02 août 2011.

      * 58OKOUE NGOU, F., op. cit., ibid.

      * 59LEVISTRAUSS, Claude, Le regard éloigné, Plon, 1983, pp. 59-62.

      * 60 Cette expression signifie littéralement « ici dans le corps de garde de mon père ? », mais elle est généralement utilisée pour dire que le corps de garde est le lieu où le Fang bénéficie de la protection de la communauté et même des ancêtres. Rien de fâcheux ne pourrait lui arriver là.

      * 61 Littéralement, cette expression signifie protéger ou garder la poutre centrale qui soutient l'ensemble de l'Abââ, de peur que tout l'édifice ne tombe, synonyme de honte de toute la communauté pouvant constituer une source de raillerie de la part des villages voisins.

      * 62C'est le droit d'aînesse qui régit en général les rapports entre les membres de la communauté.

      * 63BIYOGO, G., Encyclopédie du Mvett. Tome I. Du haut Nil en Afrique Centrale, le rêve poétique et musical des Fang Anciens : la quête de l'éternité et la conquête du logos solaire, Paris, Ciref-Icad, 2000, Rééd. Ménaibuc, 2002, p. 33.

      * 64 Les personnes citées sont âgées toutes les deux de 74 ans aujourd'hui. L'auteur s'est entretenu avec ces témoins vivants sous leur Abââ à Mebem, arrondissement de Ma'an, le 22 juillet 2011 de 11h30 à 15h 15 mn.

      * 65 Littéralement, cette expression signifie nya(vrai) mbôt(Homme) nyambôrô = vrai homme. Pour mieux comprendre, il faut considérer considérerl'homme dans son paraitre et dans son être. En fait, le « vrai homme » est un idéal, celui par lequel l'on s'identifierait pour faire montre de beaucoup de sagesse dans la parole, le comportement, la gestion des avoirs, etc. afin de mériter le respect de toute la communauté.

      * 66Feu ONJI'I ESÔNÔ Paul, ancien chef du village de Mebem dans l'arrondissement de Ma'an au sud du Cameroun, décédé le 08 août 1974, évoqué par Richard ONDJI'I TOUNG au cours de l'entretien accordé à l'auteur le 08 août 2011 à Mebem.

      * 67Source : www.culturevive.com/betifang/presentation, consulté le 09 septembre 2011.

      * 68Source : fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage.

      * 69Source :ROCHER, Guy, in http://fr.wikipedia.org/wiki/Socialisation, consulté le 24 aout 2011.

      * 70OVONO ENGONGA, Jean Pierre, op. cit. Entretien accordé le même jour que celui indiqué avant.

      * 71NGUEMA-OBAM, Paulin. - Fang du Gabon. Les tambours de la tradition. Paris, Karthala, 2005, 192 p

      * 72ELLA, Elvis Steeve,Mvettékang et le projet Bikalik : essai sur la condition humaine,l' Harmattan Gabon, février 2011, 358 p.

      * 73BIYOGO, G., op. cit. pp. 182-183.

      * 74 Définitionque donne l'UNESCO de la culture. Source : http://www.techno-science.net, consulté le 12 octobre 2011.

      * 75MVE BEKALE, M., op. Cit., cité par Michel Fabre, Professeur émérite, Université Paris III-Sorbonne, http://mmvebekale.free.fr/pages/litt%20gabonnaise.htm

      * 76 Ce terme désigne un rite initiatique chez les Fang du Gabon, utilisé dans la revue « Cahiers Gabonais d'Anthropologie », Université Omar BONGO, N°17-2006 consacré à l'anthropologie religieuse,

      * 77Les agents de changement « ce sont les acteurs et les groupes dont l'action est animée par des buts, des intérêts, des valeurs, des idéologies qui ont un impact sur le devenir d'une société », source : Mamadou Guèye, in Développement et sociétés, transformations sociales et implications culturelles, Ethiopiques numéro 34 et 35 revue socialiste de culture négro-africaine nouvelle série 3ème et 4ème trimestre 1983, volume I n°3 et 4.

      * 78SOLIS, Brian, est un Américain analyste de l'industrie. Il travaille avec les entreprises sur les nouveaux médias des stratégies et des cadres à relier les entreprises et les clients, les employés et les autres parties prenantes ) cité dans un article intitulé « Les médias sociaux face aux médias traditionnels la blogosphère nouveau terrain de pensée »,disponible sur http://www.museonet2.com/, consulté le 04 décembre 2012.

      * 79SCOBLE, Robert(né le 18 janvier 1965) est un blogueur et podcasteur américain. Il s'est d'abord fait connaître à travers son premier blog, alors qu'il travaillait encore pour Microsoft. Depuis 2006, il s'est lancé dans le podcasting avec Podtech Network.

      * 80LETONTURIER, Éric, Sociologie Des Réseaux Sociaux et Psychologie Sociale :Tardes, Simmel et Elias, article paru dans Hermès 41-2005,Université Paris 5-René Descartes Groupe d'étude pour l'Europe de la culture et de la solidarité (Gepecs), Paris 5p. 42-43., disponible sur http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/8951/HERMES.

      * 81VAN VELSEN, J. The extend case method and situationalanalysis, 1967, pp. 149-169, cite par Vincent LEMIEUX dans l'articulation des réseaux sociaux, article publié dans la revue «Recherches sociographiques, vol. 17, n° 2, mai-août 1976, Québec, Université de Laval.

      * 82EPSTEIN, A. L., The network of urban social organization, 1969, pp. 77-116.

      * 83DEGENNE, A. et FORSE, M., Les réseaux sociaux, une approche structurale en sociologie, 2è édition, Paris, Armand Colin, collection « U », 2004.

      * 84MORENO,Jacob Lévy (1934),Fondements de la sociométrie, Paris, PUF, 1954.

      * 85 Source : http://kezako.tv/societes/culture/les-reseaux-sociaux-du-web.xhtml, consulté le 20 novembre 2012.

      * 86 Facebook annonce en Novembre 2012 130 millions d'utilisateurs permanents. Source : http://oseox.fr/ereputation/reseaux-sociaux.html, consulté le 20 novembre 2012.

      * 87 Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_social

      * 88Source : http://www.justaskgemalto.com/fr/naviguer/tips/, consulté le 22 novembre 2012.

      * 89 PUNGUI Lino, cité par Prince LUKESO, dans L'appropriation du réseau social Facebook dans les communications interpersonnelles en milieux universitaires. Cas de l'Université de Kinshasa, Mémoire de Master II en Informatique et Télécommunication, Graduat 2011, mémoire disponible en ligne sur http://www.memoireonline.com, consulté le 22 novembre 2012.

      * 90Source : http://zero202.free.fr/cr01-net/html/ch01s02.html, consulté le 22 novembre 2012.

      * 91NYAMBA, André, Approche sociologique et anthropologique de la communication dans les villages africainsarticle paru dans Les télécommunications, entre bien public et marchandise,Edition Charles Léopold MAYER, 2005, p.p. 77 et suite.

      * 92Source : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/tribu/79517, consulté le 21 février 2013.

      * 93Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_virtuelle consulté le 25 février 2013.

      * 94VAN CUYCK, Alain,L'instance institutionnelle comme fondement anthropologique, social et communicationnel de la culture organisationnelle, article publié en 2005, disponible en ligne sur http://bibapp.u-paris10.fr/works/21104, consulté le 28 novembre 2012.

      * 95 En novembre 2012, cet homme était âgé de 74 ans.

      * 96En informatique, on parle de modélisation des données pour désigner une étape de construction d'un système d'information.

      * 97 A titre d'exemple, notre épouse, Mme ONJI'I ESONO née FOUDA Ghislaine a bénéficié de la cérémonie d'Ekulu Abââ le 09 décembre 2011, à l'issue de laquelle son beau-père, NDONG ONDJI'I Jean Marc, le chef de l'Abââ de Mebem l'a surnommée NGUEMA EDOH, du nom d'un de ses jeunes frères envers qui il semble avoir de l'estime. C'est désormais sous ce nom que la communauté l'Abââ l'identifie.






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