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L'abà¢à¢, corps de garde et espace de communication chez les Fang d'Afrique centrale. Une préfiguration des réseaux sociaux modernes.

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par Gérard Paul ONJI'I ESONO
Université de Yaoundé II Cameroun - Master 2015
  

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Conclusion

Eu égard à ce qui précède, nous pouvons conclure que l'Abââ est une institution multifonctionnelle dans l'aire culturelle fang. L'on peut relever que c'est fort de cette diversification des fonctions qui se rattachent à cette structure sociale qu'il est possible de l'envisager comme plateforme importante dans la vie communautaire du groupe. Autant de rôles joués par une même structure sociale l'amènent à acquérir un caractère dynamique et à générer un trafic communicationnel. C'est ce qui explique l'interactivité tissée sur la toile de l'Abââ par les membres des communautés traditionnelles qui vivent ensemble et partagent ce même espace. Comme dirait Erving GOFFMANN, cette mise en scène de la vie quotidienne se déroule au sein de l'Abââ depuis des générations, malgré l'effet des agents de changements sociaux77(*). Ceci justifie que cette structure soit perçue comme une transposition homologique des réseaux sociaux de cette ère moderne.

CHAPITRE QUATRIEME:

HOMOLOGIE ENTRE L'ABAA ET LE RESEAU SOCIAL MODERNE

Introduction :

L'enjeu majeur de ce dernier chapitre est de mettre ensemble deux phénomènes appartenant à deux univers culturels différents et d'en établir des traits de similitudes. Parler d'Abââ nous ramène naturellement dans la société traditionnelle et même rurale des Fang, mettant en exergue un phénomène culturel perpétué depuis des générations. De même, l'évocation de réseau social nous amène à jeter un regard sur cette mouvance de mondialisation dans laquelle certains observateurs essayent de globaliser tous les continents. Avant tout développement, la considération que nous aurons des réseaux sociaux est celle qui se situe dans une optique de type relationnel et interactif. De manière générale, un réseau est dit social en ce qu'il permet à une personne d'échanger avec les autres membres. Nous avons envisagé de relever des ressemblances entre l'Abââ ancestral et les réseaux sociaux modernes. Cette entreprise ne serait possible que si nous dégagions d'abord les fondements de chacune des deux réalités qui se sont certainement développées sur la base de certains objectifs précis qu'il importe aussi de connaître.

1. Fondements de l'Abââ et des réseaux sociaux

Avant toute chose, il serait peut-être important de distinguer médias sociaux de réseaux sociaux. En effet, Selon Brian SOLIS78(*), le terme médias sociaux décrit «  les outils en ligne que les personnes utilisent pour partager du contenu, des profils, des opinions, des points de vue, des expériences, des perspectives et le média lui-même, ainsi ils facilitent la conversation et l'interaction en ligne entre des groupes de personnes. ». Ces outils sont à l'origine d'un profond changement dans la diffusion de l'information. Les discussions portant sur le terme font d'ailleurs apparaître une différence entre les outils et le concept, selon qu'il est écrit en majuscule ou en minuscule, en français cette séparation pourrait se traduire par les médias sociaux en tant qu'outil, et le média social en tant que concept. Selon Brian SOLIS« le concept de média social marque un tournant dans la manière dont les personnes découvrent, lisent et partagent les nouvelles, les informations et les contenus. C'est la fusion de la sociologie avec la technologie qui transforme le monologue en dialogue, le one to many, en many to many ». Alors que Brian SOLIS milite pour l'appellation des médias sociaux en nouveaux médias, un autre penseur, Robert SCOBLE79(*), dans son blog Scobelizer,insiste sur l'importance de l'impact des médias sociaux sur Internet, selon lui ce sont des « médias Internet qui ont la possibilité d'interagir sur l'Internet lui-même ». Dans cette discussion l'apport de Stow BOYDet de son blog stowboyd.com est fondamental. Dans un article se voulant une réponse à Robert SCOBLE, il donne les caractéristiques qui distinguent les médias sociaux des médias traditionnels. Ces indicateurs sont les suivants :

a. ils ne sont pas des médiums enregistrés, ils ne diffusent pas un seul message à une audience ;

b. ils sont sur le modèle many to many, ils sont conversationnels et impliquent une discussion ;

c. ils sont ouverts, toute personne peut y publier ;

d. ils sont perturbateurs, ils n'obéissent pas à un modèle hiérarchisé et contrôlé.

Selon Stow BOYD, le terme définit aussi bien la « socialisation de l'information que les outils qui facilitent la conversation ». Tout comme les autres penseurs des médias, il opère une distinction dans le terme mais cette fois c'est par rapport aux outils eux même. Les blogs et les wikis sont, selon lui, seuls dignes d'intérêt et concentrent tous ses espoirs de changement « C'est le blog qui est devenu une formidable plateforme pour les médias sociaux ».

Nous avons vu que sur le plan physique, l'Abââ a connu une évolution avec le temps. Ce qui lui est intrinsèque c'est sa vocation à générer une convergence et à favoriser une interaction entre les membres de la communauté villageoise. En effet, les fonctions que remplit l'Abââ ne se sont pas dévoilées toutes au même moment dans cette structure sociale. L'on peut y comprendre une dynamique progressive qui amène l'Abââ à se constituer en une institution, celle qui coordonne la vie des familles du clan qui habite un village.

Leconcept de l'Abââ dans les villages intègre trois principes fondamentaux qui semblent s'imposer aux membres de la communauté. D'abord il faut l'érection d'un bâtiment qui matérialise l'esprit Abââ dans la conscience collective. Ensuite, la confiance que la communauté doit avoir en l'aîné du clan ou du village de bien conduire les affaires du groupe.

Enfin, l'obligation morale, placée comme norme sociale, que tous les hommes ont, à moins que l'un d'eux ne s'exclut lui-même, de se connecter au reste de la communauté à travers leur présence physique à l'Abââ. Cela se manifeste par une organisation qui a pour fondement les liens familiaux, ou la filiation ; c'est sur cette entité basique que le village est généralement constitué chez les Fang. C'est sur ce socle relationnel indéfectible - car les liens de famille ne dépendent pas de la volonté des membres du clan - que, comme le dirait Eric LETONTURIER80(*), se développent les relations interpersonnelles avec des « positions équipotentes au sein d'un espace pluricentré ». S'inspirant des travaux de TARDES, cet auteur arrime ce type de formation sociale à ce qu'il appelle « modèle général du réseau dans la conception du social », défendu par TARDES, en faisant appel à certains concepts propres à la psychologie sociale. Il règle ainsi la question du rapport individu/société au moyen de la notion d'imitation qu'il « désubstantialise » pour ne retenir que sa dimension relationnelle. La transposition des relations entre individus du village repose sur le modèle de « groupes de gens qui s'entre-influencent» par échange de leurs différences, la société est donc cet espace réticulaire de circulation et d'échange de flux imitatifs entre des individus ». Finalement, il s'agit d'une communauté reposant selon TARDES sur «cette communication sociale générale ».

Les fonctions sociales que joue l'Abââ ont été ressassées dans le précédent chapitre. Néanmoins, en se basant sur la position majeure qu'occupe cette structure de l'organisation sociale fang, nous allons l'aborder sous l'angle que Van VESLSEN81(*) appelle « analyse situationnelle ».En effet, la structuration des relations sociales induites par l'Abââ aux habitants d'un village peut se schématiser. Le village Fang n'est pas constitué, par exemple, comme le voisinage dans un quartier de centre urbain. La base des relations humaines étant essentiellement le lien familial. L'analyse du réseau local que forme naturellement un village est centrée sur certaines personnes et le groupe dans sa globalité, comme le recommande d'ailleurs EPSTEIN82(*).

Le rapport qui se dégage entre le tissu relationnel établi dans un village sous la férule de l'Abââ et un réseau social est basé sur la théorie des réseaux sociaux qui conçoit les relations sociales en termes de noeuds et liens. Selon certains auteurs ayant abordé la question de l'analyse des réseaux sociaux, à l'instar de DEGENNE et FORSE83(*), il convient de considérer que les noeuds sont habituellement les acteurs sociaux dans le réseau mais ils peuvent aussi représenter des institutions. Les liens sont par conséquent les relations entre ces différents noeuds. Ainsi, le couple, la famille, la communauté et plusieurs autres formations sociales peuvent représenter des réseaux sociaux. Pour le cas d'espèce, nous avons envisagé l'Abââ dans la perspective d'une entité sociale de type institutionnel. Il s'agit d'un ensemble, d'une organisation dont les familles du village sont les membres et les individus en représentent des éléments, à travers laquelle certains objectifs de leur vie sont atteints.

* 77Les agents de changement « ce sont les acteurs et les groupes dont l'action est animée par des buts, des intérêts, des valeurs, des idéologies qui ont un impact sur le devenir d'une société », source : Mamadou Guèye, in Développement et sociétés, transformations sociales et implications culturelles, Ethiopiques numéro 34 et 35 revue socialiste de culture négro-africaine nouvelle série 3ème et 4ème trimestre 1983, volume I n°3 et 4.

* 78SOLIS, Brian, est un Américain analyste de l'industrie. Il travaille avec les entreprises sur les nouveaux médias des stratégies et des cadres à relier les entreprises et les clients, les employés et les autres parties prenantes ) cité dans un article intitulé « Les médias sociaux face aux médias traditionnels la blogosphère nouveau terrain de pensée »,disponible sur http://www.museonet2.com/, consulté le 04 décembre 2012.

* 79SCOBLE, Robert(né le 18 janvier 1965) est un blogueur et podcasteur américain. Il s'est d'abord fait connaître à travers son premier blog, alors qu'il travaillait encore pour Microsoft. Depuis 2006, il s'est lancé dans le podcasting avec Podtech Network.

* 80LETONTURIER, Éric, Sociologie Des Réseaux Sociaux et Psychologie Sociale :Tardes, Simmel et Elias, article paru dans Hermès 41-2005,Université Paris 5-René Descartes Groupe d'étude pour l'Europe de la culture et de la solidarité (Gepecs), Paris 5p. 42-43., disponible sur http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/8951/HERMES.

* 81VAN VELSEN, J. The extend case method and situationalanalysis, 1967, pp. 149-169, cite par Vincent LEMIEUX dans l'articulation des réseaux sociaux, article publié dans la revue «Recherches sociographiques, vol. 17, n° 2, mai-août 1976, Québec, Université de Laval.

* 82EPSTEIN, A. L., The network of urban social organization, 1969, pp. 77-116.

* 83DEGENNE, A. et FORSE, M., Les réseaux sociaux, une approche structurale en sociologie, 2è édition, Paris, Armand Colin, collection « U », 2004.

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