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L'ethos dans les discours du premier ministre Manuel Valls.

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par GALIN GANEV
Université Paris-Est Créteil  - Master 2 Littératures, Discours, Francophonies 2016
  

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INTRODUCTION

Roland Barthes définit l'ethos comme « les traits de caractère que l'orateur doit montrer à l'auditoire (peu importe sa sincérité) pour faire bonne impression : ce sont ses airs » (Amossy 1999 : 10). Effectivement, il s'agit d'un rapport visuel et cognitif entre celui qui parle et ceux qui écoutent. Le locuteur a pour objectif de capter l'attention de son auditoire et de maintenir son intérêt du début à la fin de son discours. Pour ce faire, l'énonciateur doit présenter son sujet d'une manière cohérente et intéressante, et non pas monotone. Il doit éviter les excès car ils sont mal vus et non pas acceptés par le grand public. Donc l'orateur se trouve dans la position de quelqu'un qui possède une arme magique - l'art de convaincre grâce à son discours, et selon la manière dont il s'exprime, les gestes et le ton qu'il utilise, se fait évaluer par son auditoire. Pour le locuteur, la scène politique est comme une arène où le meilleur « gladiateur » est celui qui possède un pouvoir discursif hors du commun. Gagner la confiance de l'auditoire signifie avoir le respect incontestable et la reconnaissance des gens. Les qualités personnelles de l'orateur deviennent importantes à partir du moment où il sait comment s'en servir pour mettre en évidence sa supériorité sur ses opposants. Nous devons préciser que le statut professionnel dans le domaine politique, c'est-à-dire le poste que l'homme politique occupe, a un rôle fondamental au niveau de ses relations avec les citoyens. Prenons comme exemple Manuel Valls - notre sujet d'étude. Actuellement il occupe le poste de Premier ministre, autrement dit c'est le deuxième homme le plus puissant de France après le chef de l'État. Ruth Amossy s'exprime sur ce sujet en disant que « le pouvoir des mots dérive de l'adéquation entre la fonction sociale du locuteur et son discours : un discours

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ne peut avoir d'autorité s'il n'est prononcé par la personne légitimée à le prononcer dans une situation légitime, donc devant les récepteurs légitimes » (Amossy 1999 : 128). Ainsi le discours du Chef du gouvernement possède plus du poids et de valeur que celui d'un député de l'Assemblée nationale. Nous pouvons affirmer que cette constatation est logique car Manuel Valls est celui qui donne des ordres et qui est autorisé à effectuer des réformes en faveur de l'État.

La première grande partie de notre démonstration, c'est-à-dire les chapitres 1 et 2, traite la question de l'ethos sous un angle rhétorique. Elle est composée de quatre sous-parties traitant les questions de discours, ethos, phénomène politique et identité verbale. Premièrement nous proposons nos réflexions sur la notion de discours dans l'espace politique. Nous soulignons la différence entre discours oral et discours écrit, les avantages et les inconvénients pour le locuteur qui tient un discours devant son auditoire. Par exemple à l'oral, il a la possibilité de se corriger au moment où il prend conscience d'avoir commis une erreur. Nous abordons également le point concernant le discours en tant que moyen de persuasion et d'action.

Deuxièmement, notre attention porte sur l'ethos comme image de soi. Ici, nous distinguons deux types d'ethos : préalable et discursif. Il est question de données préexistantes au discours - ce que l'auditoire sait déjà du locuteur et celles apportées par l'acte de langage lui-même. Nous parlons aussi d'une double identité du sujet parlant - sociale et discursive.

Puis, nous nous focalisons sur les ethos d'identification au sens de traits identitaires strictement personnels. Dans les discours de Manuel Valls, trois types d'ethos d'identification ont un rôle essentiel et exercent une fonction majeure dans la construction d'une image discursive globale : ethos de

« puissance », ethos de « caractère » et ethos de « chef ». Tous les trois décrivent une grande partie de l'identité discursive de notre sujet d'étude.

Et enfin, nous nous interrogeons sur les ethos de crédibilité et leur place dans les discours de Manuel Valls. Trois ethos caractérisent son identité discursive : ethos de sérieux, ethos de vertu et ethos de compétence. La crédibilité doit être capable de répondre à trois conditions pour prouver que le locuteur possède le pouvoir de faire et se montrer crédible : condition de sincérité, de performance et d'efficacité.

Dans la deuxième grande partie de notre travail de recherche, incluant les chapitres 3 et 4, nous traitons la question de l'ethos en nous appuyant sur des théories et éléments proprement linguistiques. Notre troisième chapitre est entièrement consacré à la subjectivité dans les discours de Manuel Valls. D'abord nous démontrons la présence de différents types de déictiques tels que : pronoms personnels, démonstratifs, désinences verbales, adverbes et locutions adverbiales. Cette analyse a pour objectif de mettre en lumière la dominance ou le suremploi de certains éléments par rapport à d'autres. Par exemple nous pourrions supposer que les pronoms personnels « je » et « nous » seraient davantage utilisés par le sujet parlant. Tout simplement parce que dans la plupart des cas « je » représente le Premier ministre et « nous » représente le Chef du gouvernement et ses ministres/la majorité.

Dans ce chapitre nous nous intéressons également aux subjectivèmes et leur influence dans les discours de notre sujet d'étude. Et plus précisément nous nous focalisons sur des substantifs, adjectifs affectifs, adjectifs évaluatifs axiologiques et adjectifs évaluatifs non axiologiques, verbes occasionnellement subjectifs et verbes intrinsèquement subjectifs, adverbes subjectifs. D'un point de vue linguistique cette étude nous permettra de

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constater à quel point le locuteur se sert de termes subjectifs, donc ceux qui appartiennent au sujet parlant, afin de transmettre son message à l'auditoire. Le côté émotif de ses propos pourrait s'avérer un avantage dans le but d'attirer l'attention du public.

Dans le quatrième chapitre, nous essayons d'examiner les types de phrase utilisés dans les discours du Premier ministre, ainsi que l'argumentation et ses connecteurs argumentatifs. Il est question de trois types de phrases : déclaratif, exclamatif et impératif. Notre mission sera de mettre en exergue l'emploi et la fréquence de ces phrases afin de démontrer leur importance. En ce qui concerne l'argumentation, nous aurions pour tâche d'analyser les connecteurs argumentatifs exprimant : la cause, la conséquence, le but, l'opposition et l'hypothèse. Cette analyse nous donnera la possibilité de découvrir minutieusement les arguments dont le sujet d'énonciation se sert lors de ses allocutions.

Cette étude a pour objectif de répondre à plusieurs questions afin de nous aider à découvrir le vrai visage de Manuel Valls. Les questions sont les suivantes : Est-ce que Manuel Valls est vraiment autoritaire et allons-nous ressentir dans ses discours cette position sévère qu'il adopte lors de ses interventions et débats politiques ? Pour Manuel Valls être Premier ministre est-il vraiment un privilège et même une mission à accomplir ? Est-ce que notre sujet d'étude est prêt à tout pour protéger son peuple et son pays ? Allons-nous découvrir la puissance d'un « je » affirmatif ? Le tempérament colérique de Manuel Valls a-t-il une position centrale dans la construction de son ethos ? Se sert-il d'arguments vraisemblables afin de défendre sa position lors d'une discussion ? Sait-il comment manipuler la foule dans l'intention de tirer des bénéfices ?

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Emploie-t-il souvent des propos affectifs pour toucher davantage le public auquel il s'adresse ? Paraît-il crédible aux yeux de ses électeurs et aux yeux des députés de la majorité ? Suffit-il d'être un bon orateur pour faire une carrière remarquable dans le domaine de la politique ? Arrive-t-il à résister aux attaques permanentes des députés de l'opposition ? Téméraire et têtu ou plutôt positif et ambitieux concernant les réformes qu'il mène ?

CHAPITRE 1 : L'art oratoire

1.1 La notion de discours dans l'espace politique

Pour essayer de traiter efficacement la question de la notion de discours dans l'espace politique, d'abord nous devons nous interroger ce qu'est l'oral afin d'établir une définition reflétant ses particularités. Marion Sandré nous affirme clairement que « l'oral présente un système d'échange très complet : la parole est entendue (nous pouvons percevoir les indices paraverbaux, i.e. la voix, l'inflexion, l'accent, l'intonation, les accentuations, les pauses, le débit de parole...), nous pouvons parfois voir le locuteur et saisir ainsi tous les indices non verbaux, tant gestuels que comportementaux, enfin, nous partageons souvent avec lui la même situation - ou du moins nous connaissons la situation dans laquelle il parle. Nous pouvons donc comprendre les différentes références à l'environnement contextuel » (Sandré 2013 : 15). A l'oral, lors d'une discussion ou débat politique, les interlocuteurs prennent une position et ont l'occasion de présenter des arguments pour convaincre la partie adverse. Les participants ont le statut de citoyen de la France et en tant que tels ils ont tout à fait le droit de débattre et défendre leur point de vue - l'un des principes de la démocratie. Celui qui s'exprime avec aisance, qui défend vigoureusement ses convictions et qui montre son optimisme pour l'avenir, se gagne les sympathies du public. A l'oral le locuteur a la possibilité de se corriger, de reprendre sa pensée, de s'excuser s'il est hors sujet ou de demander des précisions s'il n'a pas bien saisi la question. D'une part ces avantages facilitent la tâche de celui qui a la parole, d'autre part il se sent obligé d'être concentré et attentif pour pouvoir répondre ou répliquer à des critiques ou des injustices. Communiquer signifie converser, discuter, débattre, échanger des idées,

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exprimer des motivations etc. A l'oral il n'y pas de signes de ponctuation, donc la personne qui parle se sert de pauses et de son intonation pour « marquer » la fin d'une phrase ou bien « indiquer » qu'il s'agit d'une question. L'intonation de la voix peut exprimer divers types de phrases : déclarative, exclamative, interrogative, impérative mais également de différentes émotions : la peur, la joie, l'angoisse etc. Le fait de répéter un terme ou une locution signifie que le locuteur aimerait accentuer l'importance de ce que vient de prononcer : « La laïcité, oui la laïcité... »1. La répétition est une forme de subjectivité, utilisée par les hommes politiques principalement pour affirmer une prise de position dans la société. Généralement les hommes politiques votent pour ou contre une nouvelle loi ou des réformes mais il existe des cas où ils s'abstiennent. En d'autres termes, ils ne s'engagent pas d'annoncer publiquement leur choix ou bien ils préfèrent rester neutres.

N'oublions pas qu'à l'oral le locuteur dispose davantage de possibilités quant à sa manière de dire les choses et d'aborder des sujets cruciaux. Il choisit comment parler - lentement, normalement et clairement ou vite. Nous devons signaler que si le locuteur se sent gêné ou s'il n'est pas en confiance, nous lisons ses hésitations sur son visage. Il est difficile de masquer ses émotions, nous pouvons les maîtriser à un certain niveau mais non pas entièrement.

Michel Pougeoise nous dit que « le mot discours vient du latin discurere, « courir çà et là ». Il n'a donc aucun rapport avec le langage. Mais, à partir de discursus, « action de parcourir en tous sens », le terme signifie « entretien » par métaphore avec le fait d'emprunter les chemins hasardeux de la conversation. Le discours est un terme polysémique et les diverses interprétations qui lui ont été données au cours de l'histoire et dans des domaines aussi variés que la philosophie, la grammaire, la rhétorique, la

1 Séance spéciale d'hommage aux victimes des attentats, Assemblée nationale - 13 janvier 2015, Allocution de M. Valls

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linguistique, etc., créent souvent des ambiguïtés regrettables. » (Pougeoise 2004 : 103). Dans l'espace politique le discours possède diverses fonctions. Par le biais de leurs propos, les hommes politiques s'adressent au public ayant pour objectif d'expliquer, informer, argumenter ou décrire le sujet en question. Selon ses propres critères et selon ce qu'il voit et entend, l'auditoire se forme une opinion globale concernant celui qui parle. Une opinion subjective, certes, mais elle est basée sur ce que lui montre et dit le locuteur. « En effet, comme l'argumentation vise à obtenir l'adhésion de ceux auxquels elle s'adresse, elle est, tout entière, relative à l'auditoire qu'elle cherche à l'influencer » (Perelman et Olbrechts-Tyteca 2008 : 24). Le discours de l'orateur reflète sa compréhension du monde, sa philosophie de vie mais également comment il définit et conçoit la politique en tant que domaine de pouvoir et d'obligations vis-à-vis du peuple.

Il est certain que les discours des hommes politiques provoquent des réactions et des commentaires dans la société. Les citoyens peuvent se permettre de les juger et critiquer, si nécessaire, car la place de chaque député à l'Assemblée nationale est obtenue grâce aux élections, donc la voix du peuple. L'objectif principal du locuteur est d'influencer l'auditoire auquel il s'adresse en lui proposant des arguments, des idées et des solutions à ses problèmes. « On parle toujours en cherchant à faire partager à un interlocuteur des opinions ou des représentations relatives à un thème donné, en cherchant à provoquer ou à accroître l'adhésion d'un auditeur ou d'un auditoire plus vaste aux thèses que l'on présente à son assentiment » (Adam et Heidmann 2005 : 164). Pour ce faire, les partis politiques organisent des meetings publics, des campagnes électorales, des congrès... Lors de ces manifestations, les hommes politiques ont la possibilité d'exposer publiquement les missions et les tâches qu'ils ont déjà effectuées mais aussi de faire connaître au grand public quels sont leurs projets à venir. A titre d'exemple, un meeting public est une relation de

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séduction avec la salle et le discours capte l'attention de l'auditoire du début à la fin. Un discours qui parvient à impressionner l'auditoire, est un texte bien structuré et argumenté, compréhensible par tout le monde, traitant le problème à sa racine et étant à la hauteur des attentes. Nous pouvons considérer le discours comme un moyen de convaincre les auditeurs, de les amener à admettre les propos de l'orateur, mais aussi de manipuler la foule. L'attitude et les paroles de l'orateur changent selon la situation et le destinataire. Autrement dit, le locuteur construit son discours suivant les exigences et les priorités de son auditoire. Dominique Maingueneau signale que « toute énonciation, même produite sans la présence d'un destinataire ou en présence d'un destinataire qui semble passif, est prise dans une interactivité constitutive. Toute énonciation suppose la présence d'une autre instance d'énonciation par rapport à laquelle on construit son propre discours » (Maingueneau 2014 : 20). Donc le locuteur ne prend pas seulement la parole pour dire quelque chose, mais pour chercher un certain effet, un résultat à la suite de son énoncé. Le continu de son discours vise à satisfaire les espérances des auditeurs. Ces derniers souhaitent que l'énonciateur leur propose des alternatives et des projets assurant une meilleure vie et un meilleur avenir.

Selon D. Maingueneau, « le discours se définit par la présence d'un sujet. Autrement dit, le discours n'est discours que s'il est rapporté à un sujet, un JE, qui à la fois se pose comme source des repérages personnels, temporels, spatiaux (JE-ICI-MAINTENANT) et indique quelle attitude il adopte à l'égard de ce qu'il dit » (Maingueneau 2014 : 21). Pour pouvoir illustrer la définition de D. Maingueneau, nous prenons comme exemple une partie du début du premier discours officiel de Manuel Valls en qualité de Premier ministre.

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Exemple 1 « Et c'est conscient de la responsabilité que m'a confiée le Chef de l'Etat que je me présente devant vous, pour ouvrir une nouvelle étape du quinquennat. Je veux rendre, ici, hommage à Jean-Marc Ayrault. Il a agi avec droiture, sens de l'Etat, pendant vingt-deux mois. J'ai été fier d'être son ministre de l'Intérieur, comme socialiste, comme républicain et comme patriote ».

Cet exemple nous montre qu'il s'agit d'une mini-présentation de JE, de celui qui parle. Depuis peu nommé Premier ministre de France, Manuel Valls tient ce discours le 08 avril 2014 à l'Assemblée nationale. Il est question d'un JE qui possède un sens de l'initiative et de la responsabilité. Un JE qui réalise l'importance et le sérieux des fonctions qui lui sont attribuées, et qui assume pleinement son nouveau poste - Chef du gouvernement. Un JE qui aimerait tourner la page et mettre le début d'une nouvelle étape dans l'histoire politique de la France. Un JE qui a la volonté d'exprimer sa reconnaissance envers son prédécesseur - l'ex- Premier ministre, et d'affirmer que ce dernier a accompli ses missions et engagements en faveur de l'Etat. Un JE qui tient à préciser où se trouve au moment de la prononciation de sa déclaration, mais également la période exacte du poste occupé par Jean-Marc Ayrault. Le locuteur exprime son plaisir et son honneur d'avoir eu la possibilité d'appartenir au gouvernement de l'ex-Premier ministre. Nous constatons l'opposition entre maintenant et avant, le présent et le passé, Premier ministre et ministre de l'Intérieur, un JE actuel et un JE du passé récent. Ce dernier JE se revendique devant son destinataire comme socialiste, républicain et patriote. Socialiste parce qu'il a choisi de défendre les intérêts et l'idéologie de ce parti politique de gauche, républicain parce qu'il est attaché aux principes de la république, patriote parce qu'il aime sa patrie et le prouve par ses actes.

Le discours politique est une arme efficace et stratégique pour ceux qui savent comment s'en servir. Grâce à ses discours, l'homme politique peut gagner la confiance du public, augmenter sa popularité mais aussi le nombre des adhérents du parti qu'il représente. L'auditoire reste satisfait et applaudit celui qui déclare explicitement son ambition et sa volonté de réformes au nom du peuple. Celui-ci est particulièrement sensible quant aux propos visant son avenir et ses préoccupations. Par ailleurs le discours s'avère une arme à double tranchant car l'auditoire peut à tout moment se retourner contre l'orateur. Donc ce dernier doit bien choisir les paroles et les arguments dont il s'en sert puisque la limite entre adhérents et opposants est très étroite. Nous pouvons affirmer que la notion de discours a un rôle fondamental dans l'espace politique.

1.2 L'ethos comme image de soi

1.2.1 Ethos préalable et ethos discursif

La question de l'ethos vient de l'Antiquité et Aristote nous propose une répartition entre les trois axes de l'art oratoire : le logos d'un côté qui représente ce qui dans le langage a trait à convaincre, l'ethos et le pathos de l'autre représentant le côté émotif et permettant d'émouvoir. Le pathos est tourné vers l'auditoire tandis que l'ethos est tourné vers l'orateur. L'ethos aide l'orateur apparaître digne, se montrer crédible en faisant preuve de pondération, de sincérité et d'amabilité. De nos jours deux domaines traitent la question d'ethos et ses particularités, respectivement la sociologie et le domaine des études de discours. A travers la manière dont le locuteur s'exprime, le destinataire se construit une image de lui, respectivement positive ou négative. L'ethos s'avère un élément fondamental dans la construction de l'image de soi, et il s'associe

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principalement au discours. L'ethos désigne la position et le statut du locuteur dans la société en s'appuyant sur ses capacités oratoires, son comportement et ses convictions. Dans le discours politique, par exemple, le candidat d'un parti peut parler à ses électeurs en homme du peuple, en homme d'expérience, en technocrate etc. Dominique Maingueneau relie l'ethos à la notion de ton, qui relaie celle de voix dans la mesure où elle renvoie aussi bien à l'écrit qu'au parlé. Le ton s'appuie à son tour sur une double figure de l'énonciateur, celle d'un caractère et d'une corporalité.

Dans son livre Le discours politique, Patrick Charaudeau nous fait réfléchir sur deux questions cruciales concernant la notion d'ethos : 1) l'ethos en tant que construction de l'image de soi s'attache-t-il à la personne réelle qui parle (le locuteur) ou à la personne en tant qu'elle parle (l'énonciateur) ? 2) Est-ce qu'il s'agit uniquement d'une image de soi individuelle ou également d'une image collective ? Dominique Maingueneau affirme que l'ethos est attaché à l'exercice de la parole, au rôle qui correspond à son discours, et non à l'individu « réel », appréhendé indépendamment de sa prestation oratoire. Par ailleurs P. Charaudeau signale que pour traiter l'ethos il faut prendre en considération deux aspects : le locuteur est un être de discours construit mais également un être social empirique. Il faut savoir que l'ethos n'est jamais que l'image dont l'affuble l'interlocuteur, à partir de ce qu'il dit. L'ethos représente un ensemble de regards : regard de l'autre sur celui qui parle, regard de celui qui parle sur la façon dont il pense que l'autre le voit. Autrement dit l'interlocuteur ou l'auditoire pour construire l'image du sujet parlant, s'appuient à la fois sur des données préexistantes au discours - ce qu'ils savent déjà du locuteur et sur celles apportées par l'acte de langage lui-même. Nous pouvons affirmer que le sujet parlant possède une double identité. D'abord son identité sociale de locuteur qui lui permet de s'exprimer et qui fonde sa légitimité d'être communicant. Il obtient un statut et un rôle par le biais de la situation de communication. Mais

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aussi le sujet se construit une figure de sujet qui énonce, une identité discursive d'énonciateur qui tient aux rôles qu'il s'attribue dans son acte d'énonciation. Donc le sens que véhiculent nos paroles dépend à la fois de ce que nous sommes et de ce que nous disons. Le constat est que l'identité discursive et l'identité sociale sont réunies et fonctionnent ensemble dans l'ethos. Cela ne veut pas dire que le sujet parlant ignore la possibilité de jouer entre son identité discursive et son identité sociale se trouvant cachée derrière. Il faut souligner le fait qu'une grande partie de l'ethos n'est pas consciente donc le locuteur peut construire un ethos qu'il n'a pas voulu. C'est-à-dire que le sujet parlant peut avoir des regrets concernant les propos qu'il a prononcés et le comportement qu'il a eu lors de son discours.

1.2.2 Double identité

Manuel Valls, notre sujet d'étude, possède une double identité - sociale et discursive. En sachant qu'ethos signifie traits de caractère, moeurs et habitudes, nous nous sommes posé la question qui est Manuel Valls en réalité ? Il est un homme politique, membre du parti socialiste, ex-ministre de l'Intérieur et actuel Premier ministre. Nous sommes allés plus loin dans nos recherches pour pouvoir analyser ce personnage public. Il est d'origine espagnole, obtient la nationalité française à 19 ans, cependant s'engage au parti socialiste à 17 ans. Donc il s'agit d'un jeune homme ambitieux qui a souhaité avoir une position dans la société. Il a choisi la voie de la politique pour avoir la possibilité de devenir un jour une personne considérable. Ce qui nous surprend, c'est sa volonté et sa soif de gloire. Sa passion et son idée fixe de monter dans l'échelle sociale sont remarquables. D'abord chargé de communication, il devient ensuite membre du bureau national et du conseil national. Ce poste lui permet de mettre en valeur ses qualités à tel point qu'il gagne les élections municipales

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et devient maire d'Evry. Nous pouvons considérer que c'est un succès politique car il a gagné la confiance de la majorité des habitants d'Evry. Mais il ne compte pas s'arrêter là parce que les postes supérieurs attirent son attention. Ainsi en 2012, il est nommé ministre de l'Intérieur - poste prestigieux étant à la hauteur de ses exigences. Il fait preuve de responsabilité et de diplomatie dans ses actions et sa montée en grade ne tarde pas à se réaliser- il devient Chef du gouvernement. Le déroulement de la carrière de cet homme politique fascine ses électeurs. Après avoir présenté les grands événements de son chemin professionnel, nous nous sommes interrogés sur les traits personnels de son caractère grâce auxquels il a réalisé des « exploits » politiques.

Pour R. Amossy, « au moment de prendre la parole, l'orateur se fait une idée de son auditoire et de la façon dont cet auditoire le perçoit. Il en évalue l'impact sur son propos actuel et travaille à confirmer son image, à la retravailler ou à la transformer pour produire une impression conforme aux exigences de son projet argumentatif. D. Maingueneau, cité par R. Amossy, affirme que dans le discours politique les énonciateurs dits médiatisés sont associés à un ethos que chaque énonciation peut confirmer ou infirmer » (Amossy 1999 : 134). Prenons comme exemple un extrait de la déclaration de Manuel Valls et essayons d'analyser le sens et le message de ses propos.

Exemple 2 « Je pense à la réforme pénale, dont le but, je le rappelle, est de lutter contre la récidive. Je pense à la famille, sujet sur lequel nous devons continuer à légiférer dans le seul intérêt de l'enfant. Je pense à la politique d'immigration et d'asile : deux projets de loi vous seront bientôt soumis. Je pense aussi à la fin de vie pour laquelle un consensus peut être trouvé dans le

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prolongement de la loi Leonetti. Il faut croire en nous-mêmes et en notre jeunesse »2.

Nous constatons que le « Je » discursif est utilisé à quatre reprises pour exprimer et mettre en lumière les convictions du locuteur. Ce dernier se sert du verbe « penser » pour déclarer à son auditoire (destinataire) l'importance des sujets qu'il aborde suivant un ordre cohérent. L'énonciateur se montre sensible aux points relatifs à la réforme pénale, la famille, la politique d'immigration et d'asile et à la fin de vie. Il annonce à son auditoire qu'il s'agit d'un but précis, d'un rappel donc il met l'accent sur le sujet en question en suggérant qu'il faut être attentif et concentré pour ne pas commettre la même faute une nouvelle fois. Le sujet d'énonciation propose ses conseils, tenant compte du poste qu'il occupe au sein de l'Etat, mais également des exigences et des attentes de l'auditoire. Il montre qu'il n'a pas peur de l'action, bien au contraire, selon lui « lutter » et « défendre » sont les clefs d'un résultat positif. Quelqu'un qui évoque le terme « réforme », c'est quelqu'un qui aimerait effectuer des changements considérables visant une meilleure vie. Le sujet parlant exprime son respect envers le culte de famille. A travers son discours, il fait comprendre que l'une des priorités du gouvernement est d'assurer un bon avenir aux enfants. Ceux-ci sont considérés comme la génération qui va mettre les choses en ordre. Défendre les intérêts de l'enfant signifie travailler au nom d'une société qui aimerait se développer et pour ce faire, investir dans la jeunesse s'avère une bonne méthode politique. Le locuteur aborde ensuite un sujet problématique pour le pays et notamment les effets et les conséquences de l'immigration incontrôlée. Il prend la responsabilité de proposer aux Français deux projets de loi traitant la question et analysant ses particularités. Le sujet parlant se rend bien compte de la gravité de ce problème demandant un haut niveau d'attention de la part du service concerné. En prononçant cette phrase,

2 Déclaration de politique générale du Premier ministre M. Manuel Valls, à l'Assemblée nationale le 8 avril 2014

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le locuteur fait comprendre à son auditoire qu'il est au courant du nombre très élevé d'immigrés en France, et que les Français souffrent à cause de cette disproportion. Après avoir évoqué la question de l'enfance et de la jeunesse, le sujet parlant aborde celle de la fin de vie parce qu'il est nécessaire de connaître les droits du patient. Notre exemple se termine par une phrase positive, cette fois-ci nous constatons la présence du pronom personnel « nous » qui désigne les Français et le sujet parlant. Celui-ci s'exprime de la part de ses compatriotes en affirmant que seulement le peuple qui croit en ses propres capacités et en sa jeunesse, se sent fort et confiant. « Ce que l'orateur prétend être, il le donne à entendre et à voir : il ne dit pas qu'il est simple ou honnête, il le montre à sa manière de s'exprimer. L'ethos est ainsi attaché à l'exercice de la parole, au rôle qui correspond à son discours, et non à l'individu « réel », indépendamment de sa prestation oratoire : c'est donc le sujet d'énonciation en tant qu'il est en train d'énoncer qui est ici en jeu » (Maingueneau 1993 : 138 ; cité par Eggs 1999 : 33). Et notamment dans notre exemple, le sujet d'énonciation aborde quatre questions d'actualité pour déclarer à l'auditoire qu'il n'est pas indifférent envers les préoccupations du peuple. Cet ethos discursif montre l'image d'une personne optimiste qui travaille en faveur de ses compatriotes et qui propose des solutions à leurs difficultés.

En ayant pris connaissance de l'art oratoire et ses particularités, dans notre deuxième chapitre nous proposons une analyse détaillée à l'égard de l'ethos et l'identité verbale. Il est question de plusieurs types d'ethos se caractérisant par des traits personnels et individuels. Donc le locuteur ou encore notre sujet d'étude est confronté à des situations où il doit mettre en jeu ses talents d'orateur afin de prouver qu'il maîtrise les secrets de l'art oratoire, tels que le charisme, les regards, le sourire, les gestes, le contenu etc. Nous nous focalisons surtout sur le contenu de ses interventions orales.

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CHAPITRE 2 : Ethos et identité verbale

2.1 Les ethos d'identification

Selon P. Charaudeau, l'ethos politique est le résultat d'une alchimie complexe faite de traits de caractères personnels, de corporalité, de comportements, de déclarations verbales, y compris les attentes des citoyens. Dans le discours politique, les figures d'ethos sont à la fois tournées vers soi-même, vers le citoyen et vers les valeurs de référence. Les images des ethos d'identification sont liées à l'affect social, c'est-à-dire que le citoyen fond son identité dans celle de l'homme politique. Nous devons préciser que ces images sont destinées à intriguer et émotionner la majorité du grand public. Par exemple les hommes politiques jouent sur des images d'eux-mêmes renvoyant tantôt à la vie politique (en tant que personnage), tantôt à la vie privée (en tant que personne), les images de l'une confortant celles de l'autre. La théorie de P. Charaudeau nous fait comprendre qu'il existe bel et bien des images davantage orientées vers le soi-même, car elles définissent les hommes politiques en tant que personne : l'ethos de « puissance » et l'ethos de « caractère ». D'autres sont davantage orientées vers le citoyen car sont basées sur la relation entre soi et l'autre : l'ethos de « chef ». Notre démonstration tient compte de trois ethos, qui se manifestent à travers diverses figures, exerçant une fonction majeure dans les discours de Manuel Valls. Par le biais de ses propos, ce dernier nous fait découvrir un ensemble de traits humains et en les analysant attentivement, nous parvenons à identifier cette personne de la scène politique.

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2.1.1 L'ethos de « puissance »

L'ethos de « puissance » est vu comme une énergie physique qui anime et propulse le corps dans l'action. Il nous renvoie l'image d'une force naturelle, force tellurique contre laquelle nous ne pouvons pas grand-chose. Nous devons clarifier que le pouvoir appartient à un groupe tandis que la puissance est strictement relative à l'individu. Autrement dit, actuellement le parti socialiste est au pouvoir mais paradoxalement la figure forte ayant pu gagner la confiance et la sympathie des électeurs s'appelle Manuel Valls et non pas François Hollande- le chef de l'Etat. Selon un sondage Opinion Way pour Le Figaro et LCI, apparu en juin 2015, 42% des sympathisants socialistes préfèrent Manuel Valls comme candidat pour l'élection présidentielle en 2017, contre 27% pour François Hollande. Ces résultats confirment que l'ethos de puissance peut s'exprimer à travers une figure de virilité sexuelle, pas toujours explicitement déclarée. Cet ethos se caractérise par la réalisation des exploits physiques personnels, l'organisation des meetings avec des mises en scène glorifiant la force, l'image de quelqu'un de fort en gueule par la voix et le verbe. Parfois la personne est prête à exercer une violence verbale (insultes, menaces) vis-à-vis des adversaires politiques.

Exemple 3 « Nous allons entretenir, je l'espère, comme un feu ardent, cet état d'esprit et nous appuyer sur la force de son message d'unité. Et en revendiquant fièrement ce que nous sommes. En le faisant, en nous rappelant sans cesse de nos héros, ceux qui sont tombés, ces 17, la semaine dernière »3.

3 Séance spéciale d'hommage aux victimes des attentats, Assemblée nationale - 13 janvier 2015

Nous avons choisi cet extrait parce qu'il a pour objectif de mettre l'accent sur les propos positifs et encourageants du locuteur. Le pronom personnel « nous » contient en soi le « je » d'un pouvoir discursif. Autrement dit, tous les Français se trouvent dans une situation complexe, mais le locuteur garde son sang-froid et annonce publiquement son optimisme et sa détermination en répondant présent à ces provocations terroristes. La comparaison « comme un feu ardent » ne peut que confirmer la volonté du locuteur d'affronter l'adversaire sans trembler ni hésiter. Le sujet parlant stimule le changement de comportement de son peuple en affirmant que la force et la puissance naissent grâce à l'unité de la nation. Accepter et faire évoluer un état d'esprit de vainqueur, c'est le message sublime que le locuteur transmet à ses compatriotes par le biais de ses propos. Il signale à son peuple que la confiance en soi désigne également l'identité, l'histoire et les traditions du pays. Dans ce combat, les Français s'engagent à démontrer au monde entier qui ils sont, quelles sont leurs causes et pourquoi les autres doivent les respecter. L'objectif du locuteur est que ces 17 victimes, nommées héros, restent gravées pour toujours dans la conscience de chacun. Le sujet parlant se rend compte que notamment suite à des moments délicats, des pertes et des échecs, le peuple change et devient plus fort et puissant.

2.1.2 L'ethos de « caractère »

L'ethos de « caractère » se définit par la force de l'esprit, comme quand on dit à quelqu'un qu' « il a du caractère ». Cet ethos peut apparaître à travers diverses figures. La vitupération qui blâme, critique et s'indigne en s'exprimant par « coups de gueule ». Il faut noter qu'ici, le coup de gueule est maîtrisé, il témoigne d'une indignation personnelle et provient d'un jugement de l'esprit qui a

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besoin d'être exprimé avec force. Nous trouvons cette figure chez certains hommes politiques de forte personnalité. Nous constatons que pour pousser des coups de gueule - calculés - qui aient un effet politique, il faut se trouver dans une position qui les justifie. P. Charaudeau nous dit que ceux-ci sont toujours réactifs, sont des réponses quasi immédiates aux déclarations, décisions ou comportements de quelqu'un d'autre, la plupart du temps adversaire. Cela peut être des membres de l'opposition face au gouvernement, des ministres face aux déclarations de leurs opposants (partis de l'opposition, syndicats, presse) etc. L'importance des opposants justifie les répliques car il ne faut pas s'abaisser à riposter vis-à-vis de ceux qui sont d'un rang inférieur.

Exemple 4 « Si en deux minutes il fallait résumer l'outrance, la démagogie et le vrai visage de l'extrême droite, vous venez de le démontrer parfaitement. [...] Je ne veux pas que le 22 mars mon pays se réveille avec la gueule de bois, [...] face à vous, face à vos candidats, ils sont des dizaines à tenir des propos antisémites, racistes, homophobes, sexistes [...] face à cela, madame, je mènerais une campagne, toujours ! Il faut dire la vérité aux Français, vous les trompez, vous trompez les petites gens, ceux qui souffrent ! [...] Il est temps que dans ce pays il y a un débat, on déchire le voile, la mascarade qui est la vôtre ! [...] Alors, madame, jusqu'au bout je mènerai une campagne pour vous stigmatiser et pour vous dire que vous n'êtes ni la République, ni la France ! »4.

Suite à l'intervention provocatrice de Marion Maréchal Le Pen qui s'est permis de prononcer des propos tels que : « Gardez donc votre mépris crétin pour votre propre parti qui en moins de trois ans a oscillé entre phobie

4 Réponse à la question posée par Mme Marion Maréchal-Le Pen, députée (FN), à l'Assemblée nationale le 10 mars 2015

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administrative, comptes en Suisse et prise illégale d'intérêt », notre sujet d'étude, Manuel Valls, s'est exprimé avec force en défendant les valeurs de son parti politique et en mettant en évidence le vrai visage de son adversaire. Et notamment il se sert d'ironie pour définir ce parti de l'opposition en affirmant que l'extrême droite s'appuie sur l'excès pour pouvoir flatter une assemblée de personnes afin de gagner leur adhésion ou augmenter sa popularité. L'orateur porte son regard vers l'avenir et signale que son pays peut avoir une mauvaise surprise venant du camp adverse. Et pour que son message puisse être entendu et compris, l'orateur n'hésite pas à donner des qualifications à l'égard des propos des candidats de l'opposition. Pour lui, ceux-ci représentent un vrai danger pour le pays, car ces gens ne savent pas où s'arrêter quant à leurs attaques verbales adressées au gouvernement. Le sujet parlant annonce clairement son désaccord concernant l'arrivée de l'opposition au pouvoir, puisque d'après lui c'est la pire chose que puisse arriver à la France. Donc il prend la responsabilité de mener une campagne jusqu'au bout et d'expliquer aux électeurs qu'ils doivent être particulièrement raisonnables lors des élections. Effectivement, il s'agit d'un jeu de masques et l'émetteur dénonce ce comportement malhonnête et indigne d'un parti politique. Dissimuler la vérité et tromper les gens afin de tirer profit à titre personnel, cette attitude est l'origine des coups de gueule de l'énonciateur. Ce dernier déclare publiquement que le moment est venu et qu'il ne faut plus jeter de la poudre aux yeux des gens. Il propose que tout le monde mette les cartes sur table afin de donner lieu à un vrai débat ayant comme sujet l'avenir et la prospérité de la France. Le locuteur condamne avec force les propos et les actions des représentants de l'extrême droite. Et face à cela, il répond présent en rappelant à ses adversaires que leur parti politique n'est pas la France.

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La provocation et la polémique sont des traits caractéristiques de cet ethos. La provocation est faite de déclarations qui ont pour but exclusif de faire réagir quelqu'un. Pour qu'une provocation soit efficace, il faut qu'elle paraisse sincère et qu'elle reflète la pensée du locuteur. La polémique apparaît surtout dans les débats, car les débatteurs, étant des adversaires, se trouvent en situation réactive les uns par rapport aux autres, chacun contredisant les arguments de son adversaire. Cette contradiction porte surtout sur la mise en accusation de la personne elle-même, quant à sa moralité, son caractère ou son comportement. Il faut faire attention à une telle stratégie car la polémique peut se retourner contre son auteur.

Exemple 5 « Monsieur le député, avec un peu de recul et d'expérience, il y a quelque chose que je me suis dit ces derniers temps, notamment en vous écoutant : je sais que je ne parlerai jamais ainsi de mon propre pays. Jamais ! »5.

Il s'agit d'une réponse provocatrice de la part du locuteur qui se permet de juger et même d'accuser le député d'avoir mal parlé à propos de son pays. Le sujet parlant a pris de la distance et du temps pour pouvoir bien qualifier et analyser les propos du député. Cette provocation semble réelle, le locuteur est plutôt sincère en prononçant cet énoncé, parce qu'il s'exprime en se basant sur son expérience professionnelle. Et si nous allons plus loin dans nos raisonnements, nous constatons la présence d'une légère nuance de sarcasme. C'est-à-dire que le locuteur a attentivement écouté les discours récents du député et il est resté à la fois impressionné et choqué par une « chose ». La question que le

5 Réponse à la question posée par M. Philippe Gosselin, député (UMP) de la Manche, à l'Assemblée nationale le 7 octobre 2014

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locuteur se pose, c'est : « Comment est-il possible d'avoir le statut de député de France et d'utiliser un vocabulaire qui n'est pas digne d'une personne publique ? ». Le sujet parlant se montre ferme concernant la manière dont un homme politique doit respecter lors d'un discours visant la France. Le bilan est que le locuteur met son propre pays sur un piédestal, tandis que son opposant fait preuve d'irrévérence.

L'ethos de « caractère » se manifeste également par la figure de courage et la figure de l'orgueil. La figure de courage laisse entendre au citoyen que l'homme politique qui en est doté saura affronter l'adversité sans faiblir, et sans céder à la démagogie. La démocratie souhaite que les dirigeants répondent aux exigences et aux aspirations du peuple en oubliant ou négligeant leur ambition personnelle. Cependant nous savons qu'il n'est de meilleur chef que celui qui est animé par l'ambition de réaliser un grand projet. Donc la figure de l'orgueil est nécessaire à l'homme politique parce qu'elle garantirait son désir de défendre les valeurs et l'intégralité identitaire de son peuple, jusqu'au sacrifice. Le côté négatif de cette figure est qu'elle conduit celui qui en est pourvu à se comporter de façon impitoyable, voire cruelle.

Exemple 6 « Et je comprends les impatiences, les doutes, les colères. Ils sont légitimes quand le chômage atteint des niveaux aussi élevés, et depuis si longtemps. Mais face à cela, quelle attitude faut-il adopter ? La fébrilité ? Le virage ? Le zigzag ? Le renoncement ? Non ! Gouverner, c'est résister. Gouverner, c'est tenir. Gouverner, c'est réformer. Gouverner, c'est dire la vérité. Gouverner, c'est aller chercher la confiance surtout quand c'est difficile... »6.

6 Déclaration de politique générale du Premier ministre, M. Manuel Valls, à l'Assemblée nationale le 16 septembre 2014

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Le locuteur prononce ces propos dans un moment difficile que la France et son peuple traversent. Le sujet parlant exprime sa bienveillance en se mettant d'accord avec l'opinion commune. Il se met à la place des citoyens et comprend l'origine de leurs réactions négatives, et notamment le manque de résultats. L'orateur assume complètement ses responsabilités et a le courage d'affirmer que le gouvernement ne doit pas adopter une attitude de vaincu. Bien au contraire, il doit essayer de revaloriser les aspirations du peuple, redonner confiance et recréer du lien social. L'émetteur, en tant que Chef du gouvernement, annonce courageusement à haute voix sa réponse. Il déclare publiquement que les difficultés existent pour être surmontées et que les réformes sont faites pour être appliquées. Donc le locuteur a la motivation et l'ambition de changer les choses en faveur du peuple. Surtout quand c'est difficile, les dirigeants de la France doivent faire preuve de diligence et d'affronter les défis du long terme.

La figure de fierté - l'ethos de caractère fort se caractérise par une attitude de revendication de l'action accomplie, en faisant preuve de fermeté énergique (qui n'est ni l'énervement, ni l'agressivité) et même de dureté inébranlable, toutes choses qui seraient le propre des grands hommes politiques.

Exemple 7« Questionner, débattre, porter la contradiction, tout cela est légitime. Le dialogue c'est la démocratie. Et moi, je veux dire à la majorité que ce qui nous unit est bien plus fort que ce qui nous distingue. C'est une gauche moderne, qui a le courage de gouverner, le courage de réformer. Soyons en fiers ! Et je veux dire, aussi, à l'opposition que je considère l'écoute et le respect comme des principes fondamentaux pour l'accomplissement de notre mission »7.

7 Déclaration de politique générale du Premier ministre, M. Manuel Valls, à l'Assemblée

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En tant que Chef du gouvernement, le locuteur exprime son point de vue à l'égard de la démocratie et ses principes. Le sujet parlant déclare que le débat et le dialogue social font partie de ce régime politique dans lequel le peuple a le pouvoir. Premièrement, l'orateur s'adresse aux socialistes pour leur rappeler que l'idéal commun a plus de valeur et d'importance que les préférences individuelles de chacun d'eux. Autrement dit, les valeurs de la république et le drapeau tricolore unissent cette assemblée des personnes ayant comme mission la réussite et l'avenir de la France. Le locuteur se sent fier d'annoncer que son parti politique n'a pas peur de prendre des risques, essayer de changer les choses et affronter les difficultés quotidiennes. Le sujet parlant fait ce constat pour revendiquer que les gouvernants ont le sens des responsabilités, et être au service des autres, fait partie de leurs priorités. Deuxièmement, l'orateur s'adresse à l'opposition pour énoncer ses attentes concernant l'attitude et le comportement des membres du camp adverse. Il existe un minimum de considération et politesse qui doit être respecté par tous les députés, peu importe leurs convictions politiques, afin que la mission du gouvernement soit accomplie.

2.1.3 L'ethos de « chef »

L'ethos de « chef » se manifeste à travers diverses figures, de guide, de souverain, de commandeur. Au centre de la figure du chef-souverain est placée la souveraineté. Celle-ci est ce qui fonde la légitimité de l'homme politique. Il s'agit ici de voir comment l'homme politique peut se construire un ethos qui lui fait prendre une position de garant des valeurs et va jusqu'à le faire se confondre avec ces valeurs. Il peut le faire de différentes façons. D'une part, en

nationale le 16 septembre 2014

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annonçant ses propres valeurs, de façon à s'incarner dans celles-ci : parler de la démocratie, de la souveraineté du peuple, de l'identité nationale du peuple, de ce que doivent être les grands axes d'un projet politique, en célébrant le peuple, le pays, le régime institutionnel. D'autre part l'homme politique s'engage à se tenir à distance et ne pas répondre à des provocations de la part de ses adversaires. Il ne doit pas s'abaisser au niveau des inférieurs, ne pas prendre des risques inutiles, et s'élever au-dessus de tout ce qui pourrait apparaître comme des conflits stériles.

Exemple 8 « Je sollicite votre confiance afin de poursuivre notre politique économique. Je sollicite votre confiance car la politique de mon gouvernement est guidée par les valeurs de la République, des valeurs chères à la gauche - la Nation, le principe d'égalité et de justice - qui s'adressent à tous les Français »8.

Le locuteur exprime son souhait et sa volonté en précisant qu'il aimerait que son auditoire ne soit pas sceptique à l'égard de la situation politique et économique dans le pays. En sa qualité de Chef du gouvernement, il sent la nécessité de parler ouvertement afin de gagner l'empathie du public pour mieux gérer ses responsabilités professionnelles. Le sujet parlant se revendique défenseur des valeurs républicaines en assurant que celles-ci tiennent à coeur son gouvernement. En l'occurrence, il s'agit d'une confirmation concernant la légitimité et l'équité de l'homme politique. Ce dernier éblouit l'auditoire par son discours car il se révèle altruiste et mené par un sentiment national et patriotique s'exprimant sous forme d'actes politiques. Pour le locuteur, les principes et la devise de la France représentent un critère élevé et il doit être à

8 Ibid. 16 septembre 2014

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la hauteur des exigences du peuple. Le sujet parlant occupe une position clé et il a la possibilité de faire progresser le pays en luttant contre les inégalités et les points faibles dévalorisant l'image de la République.

La figure de commandeur s'associe à l'image du chef de guerre, de celui qui peut être amené à déclarer des guerres à ses frontières, faire des déclarations guerrières contre des ennemis proches ou lointains. Le commandeur doit avoir une vision claire de ce qui fait la différence entre le bien et le mal, et en conséquence, se disant éclairé par une force surnaturelle, il indique la voie qu'il faut suivre pour combattre les forces du mal.

Exemple 9 « Il faut toujours dire les choses clairement : oui, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l'islamisme radical. La France n'est pas en guerre contre une religion. La France n'est pas en guerre contre l'islam et les Musulmans. La France protégera, et le président de la République l'a également rappelé ce matin, la France protégera, comme elle l'a toujours fait, tous ses concitoyens, ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas. Avec détermination, avec sang-froid, la République va apporter la plus forte des réponses au terrorisme, la fermeté implacable dans le respect de ce que nous sommes, un Etat de droit »9.

Dans cette situation atroce pour le pays et ses citoyens, le locuteur déclare explicitement et bravement que la France est en guerre. Il tient à préciser qui est l'adversaire que le pays doit affronter et signale que le peuple français ne doit pas confondre un mouvement islamiste avec toute une religion. Le sujet parlant affirme publiquement sa position en effectuant une distinction entre le

9 op. cit. 13 janvier 2015

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bien et le mal. A deux reprises il utilise le verbe « protéger » pour rassurer le peuple que le gouvernement fera le nécessaire afin de garantir la sécurité de tout le monde. En outre, le locuteur souligne que la République est prête à répondre à cette provocation, à cette attaque personnelle visant la liberté d'expression et les droits de l'homme. Il est question de garder l'honneur et la dignité de la France car ses citoyens méritent d'être respectés par les autres. Donc le sujet d'énonciation n'épargne d'énergie et de forces dans ce combat où son pays était gravement blessé dans le coeur et notamment l'ennemi a rudement attaqué ses valeurs et ses principes. Le locuteur nous indique qu'il arrive à maîtriser ses émotions dans cette situation délicate et qu'il compte sur les forces de l'ordre pour guerroyer contre les forces du mal.

2.2 Les ethos de crédibilité

Selon P. Charaudeau, la crédibilité n'est pas une qualité attachée à l'identité sociale du sujet mais le résultat d'une construction opérée par le sujet parlant de son identité discursive de telle sorte que les autres soient conduits à le juger digne de crédit. L'homme politique doit tenter de trouver la solution à la question : comment faire pour gagner la confiance ? Et pour cela doit fabriquer de lui-même une image qui correspond à cette qualité. En nous appuyant sur trois conditions essentielles, nous avons la possibilité de juger la crédibilité du sujet parlant. D'abord il faut vérifier si ce qu'il dit correspond toujours à ce qu'il pense (condition de sincérité ou de transparence), puis s'il a les moyens de mettre en application ce qu'il annonce ou promet (condition de performance), et enfin si ce qu'il annonce et met en application est suivi d'effet (condition d'efficacité). Il faut préciser que ces types de condition varient selon l'enjeu de

chaque situation de communication. A titre d'exemple, dans le discours publicitaire, le sujet annonceur n'a point besoin de se montrer crédible. Son objectif est de déclencher chez le consommateur potentiel un désir de croire, celui-ci n'a pas besoin que la promesse se réalise, il suffit qu'elle le fasse rêver. Nous pouvons définir la crédibilité comme une capacité mettant en évidence notre pouvoir de faire et se montrer crédible, il s'agit de prouver que nous possédons ce pouvoir.

Suite à cette définition établie, nous nous apercevons que dans le discours politique, la crédibilité est fondamentale puisque l'enjeu consiste à tenter de persuader un certain public que nous avons un certain pouvoir. Cependant, cette crédibilité est assez complexe car il existe trois critères, portant sur la vérification et le jugement, auxquels elle doit être capable de répondre : condition de sincérité qui oblige à dire la vérité ; condition de performance qui oblige à mettre en oeuvre ce que le sujet parlant promet ; condition d'efficacité qui doit prouver que le sujet a les moyens d'appliquer ce qu'il promet et que les résultats sont positifs. Pour répondre à ces conditions, l'homme politique se sent obligé de se construire des ethos de sérieux, de vertu et de compétence.

2.2.1 L'ethos de « sérieux »

Pour P. Charaudeau, l'ethos de « sérieux » dépend évidemment des représentations que, dans chaque groupe social, nous avons de ce qui est considéré comme sérieux ou non. Il se construit à l'aide de divers indices et notamment des indices corporels et mimiques. Par exemple une certaine raideur dans la tenue du corps, une expression rarement souriante du visage. Le sujet de notre démonstration - Manuel Valls, sourit rarement, il s'agit de quelqu'un qui voudrait s'imposer, nous pouvons même affirmer qu'il est

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autoritaire. Lors de ses allocutions il prend toujours les sujets au sérieux sans non plus sur-estimer leur importance. Il garde sa tête haute, regarde tout droit et laisse une impression d'homme politique qui aimerait être écouté et respecté par son auditoire. Cet ethos se caractérise par des indices comportementaux révélant de sang-froid face à l'adversité ; en faisant preuve d'une grande énergie et capacité de travail, par une omniprésence sur tous les fronts de la vie politique et sociale. Cet ethos exige de ne pas se trouver dans des activités frivoles (choisir bien les programmes de télévision), ne pas avoir l'air de plaisanter constamment à propos de tout et de rien, ni prendre un ton désinvolte dans les interviews, les rencontres de couloir, les apartés extra-institutionnels. Des indices verbaux : un ton ferme et mesuré, pas trop d'effets oratoires, d' « effets de manche » qui souvent discréditent même s'ils suscitent l'admiration ; un choix de mots simples, appropriés, et de constructions de phrases simples ; un débit d'élocution empreint de sérénité.

Exemple 10« La question s'adressant très clairement à moi, je vais y répondre bien volontiers. Je l'ai déjà dit, l'unité nationale ne doit pas empêcher le débat et il est normal que vous me posiez toutes les questions nécessaires pour que nous cherchions des solutions, avec modestie toutefois car nous sommes face à des défis considérables. C'est tout simplement ce que j'ai voulu dire »10.

Nous constatons que le sujet parlant se sert d'un vocabulaire simple et adapté à tous les publics. Dans cet exemple nous retrouvons les trois critères faisant preuve d'une parfaite formulation de réponse : brièveté, clarté et précision, auxquels s'ajoute la simplicité. Le locuteur tient des propos volontairement et en

10 Question au gouvernement posée par M. Laurent Wauquiez, député (UMP) de Haute-Loire, à l'Assemblée nationale le 21 janvier 2015

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trois phrases il arrive à exprimer son point de vue quant à la question posée par le député Laurent Wauquiez.

P. Charaudeau précise que cet ethos se construit également à l'aide de déclarations faites sur soi-même, sur l'esprit qui anime l'homme politique. Il y a cependant une limite à cette image de sérieux pour qu'elle ne soit pas perçue de façon négative. La limite est celle de l'austérité. Il ne faut pas que la personne sérieuse passe pour une personne trop austère, car elle risquerait de perdre son capital de sympathie auprès des électeurs. Il ne faut pas non plus que le sérieux soit interprété comme une marque de distance, ce qui donnerait l'image contre-productive pour un homme politique - d'une personne hautaine, froide ou prétentieuse, restant avec des yeux fermés face aux difficultés qu'éprouvent les citoyens dans leur vie quotidienne. Il convient également que les propos tenus lors de diverses déclarations ne contiennent pas de promesses ou des engagements jugés difficilement réalisables.

Exemple 11« Le peuple Français, une fois encore, a été à la hauteur de son histoire. Mais, c'est aussi, pour nous tous sur ces bancs, vous l'avez dit, un message de très grande responsabilité. Etre à la hauteur de la situation est une exigence immense. Nous devons aux Français d'être vigilants quant aux mots que nous employons et à l'image que nous donnons»11.

Cet exemple met en évidence que le locuteur déclare son engagement envers le peuple et qu'il n'est pas indifférent vis-à-vis de l'opinion commune. Le sujet parlant soigne son image et sa réputation, il ne peut se permettre d'avoir un comportement ridicule. Donc il garde un air sérieux en sachant qu'il existe une distance hiérarchique entre lui et les citoyens, et d'autre part, par le biais de ses

11 op. cit. 13 janvier 2015

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propos, il tente de leur faire comprendre que leurs problèmes deviennent automatiquement ses problèmes.

2.2.2 L'ethos de « vertu »

L'ethos de « vertu » est utile et nécessaire à l'homme politique parce que ce dernier, élu par le peuple, doit donner un bon exemple à ses compatriotes. L'homme politique possédant cet ethos prouve sa sincérité et sa fidélité mais également dégage une image d'honnêteté personnelle.

Exemple 12 « Je vous dois cette vérité, et nous devons cette vérité aux Français. Pour y faire face, partout sur le territoire, des militaires, des gendarmes, des policiers sont mobilisés.»12

Le locuteur est conscient de l'importance de la situation. Quelques jours après les attentats à Paris, les citoyens sont toujours inquiets. Donc le sujet parlant fait preuve d'honnêteté en révélant la vérité qui consiste dans le choix de mesures adéquates et efficaces. En l'occurrence, cette vérité est une forme de soulagement qui n'a pas de prix. En sachant qu'il doit être un modèle pour son peuple, le locuteur rassure ses compatriotes et leur annonce qu'ils peuvent se sentir protégés car les forces de l'ordre assurent leur sécurité. La fidélité à ses engagements se définit par la réalisation de ses propres idées, la preuve qu'il agit au nom de valeurs qui sont au fondement de son projet politique. Et notamment ces valeurs ne sont ni discutables, ni négociables ; elles sont une

12 Ibid.

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source d'inspiration pour l'accomplissement de ses actes. C'est laisser percevoir une certaine force de conviction. A ces images vertueuses de fidélité et de courage du sujet politique s'ajoute l'honnêteté personnelle. Selon P. Charaudeau, cette image - à l'encontre de celle de l'esprit de ruse - renvoie à la droiture et à la sincérité, elle est valable dans la vie publique et privée. Autrement dit, il est question d'être transparent et de dire ce que l'on pense. Cette honnêteté peut également s'exprimer vis-à-vis des adversaires en termes de loyauté : celui qui combat son opposant, en étant capable de reconnaître la validité du jugement de l'autre, voire ses propres torts.

Exemple 13 « Mais quel mépris, quelle manière de faire de la politique. Quelle manière et quel type de langage vous utilisez. La manière dont vous parlez. Jamais je n'oserai parler d'un responsable de l'opposition de cette manière. Jamais ! »13.

Notre exemple nous propose une situation où le locuteur (le Chef du gouvernement) défend un de ses ministres et estime qu'il est inacceptable de s'adresser d'une telle manière au ministre en question. Le sujet parlant est direct et dit ce qu'il pense ; il considère qu'il est nécessaire d'avoir une dose de respect entre les membres de différents partis politiques. Etre honnête et prendre toujours une position concernant un débat ou une dispute, est une arme à double tranchant car la partie adverse, et les opposants en général, n'aiment pas entendre la vérité parce qu'elle fait mal. Nous remarquons que celui qui possède cet ethos est quelqu'un qui est prêt à tout au nom de ses

13 La réponse de Manuel Valls après les propos de Christian Jacob sur Stéphane Le Foll, Assemblée nationale - 22 juillet 2015

principes et qu'il préfère mourir que les négliger. Cet ethos s'associe également à l'honneur du locuteur et son besoin d'être loyal avec ses allocutaires.

Nous pouvons dire que l'ethos de « vertu » s'accompagne d'une marque de respect vis-à-vis du citoyen : l'homme politique se doit d'être transparent, franc et direct. L'objectif principal du politicien est d'être compris par le grand public et non seulement par une catégorie de spécialistes ou des gens compétents dans un certain domaine. Autrement dit, il doit se servir de propos simples et efficaces pour exprimer ses convictions.

2.2.3 L'ethos de « compétence »

L'ethos de « compétence » exige de quelqu'un qu'il possède à la fois savoir et savoir-faire : il doit connaître parfaitement le domaine particulier dans lequel il exerce son activité, mais il doit également prouver qu'il a les moyens, le pouvoir et l'expérience nécessaires pour réaliser concrètement ses objectifs en obtenant des résultats positifs. Donc les hommes politiques doivent révéler leurs compétences quant à la vie politique et démontrer que leurs méthodes sont efficaces. Il arrive parfois que ce soit l'homme politique lui-même qui par ses déclarations mette en évidence les caractéristiques de son parcours pour évoquer cet ethos de compétence. Cela peut être un héritage, des études, des fonctions exercées, son expérience de l'âge ou celle acquise tout au long de sa carrière professionnelle.

Exemple 14 « Je le dis modestement, avec mon expérience, non pas de Premier ministre ou de ministre de l'Intérieur, mais d'élu de la banlieue parisienne, de maire d'Évry pendant onze ans : les mots que j'ai utilisés hier, en 34

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parlant de processus de ségrégation, de ghettoïsation, d'apartheid territorial, social, ethnique, pour un certain nombre de quartiers, je les ai toujours employés car, comme d'autres, ici, sur tous les bancs, j'ai vécu directement les situations qu'ils désignent »14.

Au cours des années, le locuteur a prouvé ses qualités et ainsi il a évolué progressivement dans sa carrière professionnelle et politique. Le fait d'être maire d'Évry pendant onze ans signifie que le sujet parlant possède des compétences nécessaires pour réaliser des projets et effectuer des changements dont le but est d'apporter des améliorations et des résultats favorables. Ces deux mandats signifient également que les électeurs sont plutôt satisfaits de ses actes et décisions politiques à la tête de leur ville. Ministre de l'Intérieur et Premier ministre sont deux postes demandant plus de responsabilités et d'engagements envers, cette fois-ci, tout le peuple français. Le locuteur lui-même met en lumière ses connaissances acquises par la pratique, ainsi son niveau d'estime de soi est élevé.

Les ethos de crédibilité sont un moyen pour l'homme politique de montrer son vrai visage et de prouver qu'il se sent capable d'obtenir un poste élevé demandant un grand nombre de responsabilités et d'engagements vis-à-vis du peuple.

Dans le chapitre suivant, par le biais de ses propos nous essayons de révéler le côté affectif du locuteur. Pour ce faire, nous vous proposons une analyse de différents types de déictiques et de subjectivèmes afin de mettre en évidence des éléments particulièrement subjectifs.

14 op. cit. 21 janvier 2015

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CHAPITRE 3. De la subjectivité dans le langage

3.1 Les déictiques

Catherine Kerbrat-Orecchioni nous propose une définition pour mieux assimiler la fonction des déictiques : ce sont les unités linguistiques dont le fonctionnement sémantico-référentiel implique une prise en considération de certains des éléments constitutifs de la situation de communication :

- le rôle que tiennent dans le procès d'énonciation les actants de l'énoncé

- la situation spatio-temporelle du locuteur, et éventuellement de l'allocutaire (Orecchioni 2006 : 41).

Il s'avère nécessaire de préciser que le référent d'une unité déictique est variable et ce dernier varie selon la situation, contrairement au sens qui reste constant d'un emploi à l'autre. Toute unité linguistique voit son référent varier d'une énonciation à l'autre. Il existe une différence fondamentale entre unités déictiques et unités non déictiques. Ces dernières ont un denotatum (classe d'objets que l'item est virtuellement susceptible de dénoter) relativement stable. En revanche si les unités déictiques reçoivent bien en discours un référent spécifique, ne possèdent pas, en langue, de denotatum spécifiable. C'est-à-dire que pour la plupart des unités lexicales, la synonymie peut être définie soit en termes d'identité de contenu sémantique, soit en termes d'identité d'extension. Cela veut dire que deux mots ayant même sens possèdent en principe la même classe de dénotés virtuels (le même denotatum) et inversement. Sauf que pour les déictiques il ne s'agit pas de la même règle, et il faut bien avoir en tête que

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2 mots déictiques peuvent avoir la même extension sans être pour autant synonymes. (Orecchioni 2006 : 42).

3.1.1 Les pronoms personnels

D'après C. Kerbrat-Orecchioni les pronoms personnels sont les plus évidents, et les mieux connus, des déictiques. Nous pouvons parler d'un contenu référentiel précis si le récepteur tient compte de la situation de communication de telle façon qu'elle soit :

- nécessaire et suffisante dans le cas de « je » et de « tu » : ce sont de purs déictiques ;

- nécessaire mais non suffisante dans le cas de « il(s) » et « elle(s) », qui sont à la fois déictiques ( nous pouvons les nommer « indicateurs » car ils indiquent notamment que la fonction de l'individu qu'ils dénotent se différencie de celle d'un locuteur et d'un allocutaire) et représentants (ils exigent un antécédent linguistique).

Le « nous » ne correspond jamais, sauf dans des situations très marginales comme la récitation ou la rédaction collectives, à un « je » pluriel. Son contenu peut être défini ainsi : nous = je + tu et/ou il. Nous pouvons distinguer 3 cas :

nous = je + non - je => Premier cas : je + tu (singulier ou pluriel) : « nous inclusif » ; Deuxième cas : je + il(s) : « nous exclusif » ; Troisième cas : je + tu + il(s). Le « nous » inclusif est purement déictique. En revanche, lorsqu'il comporte un élément de troisième personne, le pronom doit être accompagné d'un syntagme nominal fonctionnant comme un antécédent de l'élément « il » inclus dans le « nous ».

vous = tu + tu et/ou il => Nous pouvons distinguer 2 cas : 1) vous = tu + non - je => tu pluriel : déictique pur ; 2) tu + il(s) = déictique + contextuel

Ce tableau met en lumière la différence entre les pronoms personnels mais également celle entre locuteur - non locuteur / allocutaire - non allocutaire. Nous constatons que le pronom personnel « je » représente le locuteur, tandis que tous les autres pronoms personnels représentent le non locuteur. Ce dernier est divisé en 2 sous-catégories, incluant aussi le pronom personnel « nous » mis à part. Première sous-catégorie - c'est la personne qui fait partie du débat, de la discussion ou tout simplement de la conversation. Donc logiquement nous trouvons ici les pronoms personnels « tu » et « vous ». Pour l'instant nous avons celui qui parle, celui avec qui il parle et il nous manque celui ou ceux/celles qui écoute(nt) donc l'auditoire. Ce dernier est composé d'un pronom à la 3ème personne du singulier ou du pluriel. Le pronom personnel « vous », en tant que formule d'appel et de politesse, représente l'allocutaire et le non allocutaire.

C. Kerbrat-Orecchioni déclare que comme les autres formes verbales les pronoms personnels réfèrent à des objets extralinguistiques et non à leur propre énonciation. Les déictiques réfèrent à des objets dont la nature

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particulière ne se détermine qu'à l'intérieur de l'instance particulière de discours qui les contient.

Exemple 15 « Je salue bien sûr tous les députés qui ont contribué aux travaux en commission. Avec la ministre du travail, Myriam El Khomri, dont je veux saluer une fois de plus l'engagement et l'opiniâtreté, nous nous sommes battus pour convaincre. Je sais que la très grande majorité du groupe socialiste est convaincue, grâce notamment au travail formidable du rapporteur, Christophe Sirugue. Cette recherche permanente de compromis a toujours été l'attitude du Gouvernement. C'est pourquoi le texte sur lequel il engage sa responsabilité intègre 469 amendements, pour une très large majorité issus de ce travail collectif. »15

Dans cet exemple nous repérons la présence de trois pronoms personnels : je, il et nous. Le « je » représente le locuteur, en l'occurence le Premier ministre et le Chef du gouvernement, donc Manuel Valls. Ce dernier s'exprime au sujet du projet de loi Travail et de l'application de l'article 49.3 de la Constitution. Il s'agit d'un « je » affirmatif qui d'abord tient à saluer l'action et le choix des députés en question, et puis il salue de nouveau la ministre du travail. Le premier « je » est suivi du verbe saluer, et dans ce cas en utilisant ce verbe le locuteur adresse ses compliments aux hommes politiques concernés. Donc il s'agit d'une marque de respect et de reconnaissance. Le deuxième « je » est suivi d'un verbe modal, vouloir, et ici nous pouvons même parler d'un « je « affectif car le fait de vouloir saluer une nouvelle fois la ministre du travail nous amène à penser que

15Engagement de la responsabilité du gouvernement, en application de l'article 49.3 de la Constitution, sur le vote du projet de loi "Travail : nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actifs", à l'Assemblée nationale le 10 mai 2016

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les propos du locuteur sont émotifs. Le troisième « je » est suivi du verbe savoir et celui-ci permet à l'orateur d'énoncer qu'il est au courant de la situation liée à la majorité. Le pronom personnel « nous » est composé de « je + tu », donc c'est un « nous inclusif ». Le pronom est suivi du verbe se battre, cela veut dire que le Premier ministre et la ministre du travail ont mené un long combat coude à coude afin de convaincre les députés ayant une vision sceptique quant au projet de loi Travail. Le pronom personnel « il » remplace le nom Gouvernement. Suivi du verbe engager, ce pronom confirme publiquement que l'engagement et la mission du Gouvernement privilégient le dialogue social, donc faire des compromis au nom de l'objectif final.

3.1.2 Les démonstratifs

Ils sont, selon les cas, référentiels au contexte (représentants) ou référentiels à la situation de communication (déictiques). En emploi déictique, il convient de distinguer 2 cas. Le premier cas est lié aux démonstratifs constitués à l'aide des particules -ci/-là : leur répartition est de nature déictique puisqu'elle se fait selon l'axe proximité/éloignement du dénoté par rapport au locuteur. Le deuxième cas est lié aux démonstratifs simples et complexes. Les démonstratifs simples sont accompagnés d'un geste ou d'un regard désignant l'objet dont on parle. Les démonstratifs complexes engagent aussi une ostension : ce sont donc, à double titre, des déictiques. (Orecchioni 2006 : 50)

Premièrement nous vous proposons l'analyse de deux exemples faisant partie du premier cas des déictiques démonstratifs.

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Exemple 16 « La première garantie, c'est que ces nouvelles souplesses accordées aux entreprises ne pourront être déclenchées que par des accords. Et pour renforcer la légitimité de ceux-ci, la loi consacre le principe majoritaire. C'est d'ailleurs une vieille idée de la CGT, monsieur Chassaigne. »16

Dans cet exemple, l'énonciateur s'adresse à monsieur Chassaigne en déclarant que par le biais du dialogue social les deux parties auront la possibilité de se mettre d'accord en trouvant un consensus. Donc le mot principal et important dans ces propos, prononcés par le Premier ministre, est « accords ». Et notamment dans la phrase suivante ce substantif est remplacé par un démonstratif déictique « ceux-ci ». Ce démonstratif est constitué à l'aide de la particule -ci. « La particule adverbiale ci est une forme réduite de ici qui marque la proximité de quelque chose dans l'espace ou dans le temps par rapport à la personne qui parle. » En utilisant cette particule le locuteur veut renforcer le démonstratif donc attirer l'attention sur le rôle du substantif remplacé.

Exemple 17 « Ceux qui soutiennent des candidats qui proposent la suppression de dizaines de milliers de fonctionnaires sont ceux-là mêmes qui ici, dans l'hémicycle, demandent plus de policiers, plus de gendarmes, alors que vous avez supprimé 13 000 postes quand vous étiez au pouvoir (...) »17

16Discussion et vote de la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de l'Assemblée, à l'Assemblée nationale le 12 mai 2016

17Discussion et vote de la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de l'Assemblée, à l'Assemblée nationale le 12 mai 2016

Dans cet exemple le sujet d'énonciation évoque la question concernant la suppression de postes. En tenant ces propos le locuteur veut mettre en lumière l'incohérence et l'absurdité dans les actions des députés en question. Ces derniers sont remplacés par le démonstratif « ceux-là ». « La particule adverbiale s'oppose à ci, marque donc l'éloignement de quelque chose dans l'espace ou dans le temps par rapport à la personne qui parle. » Nous remarquons que « ceux-là » sont des députés se trouvant dans l'hémicycle car l'orateur emploie le pronom personnel « vous » dans le but de s'adresser à eux. Donc nous nous interrogeons pourquoi le sujet parlant n'utilise pas le déterminant « les » à la place du démonstratif « ceux-là » ? Nous vous proposons une réponse qui nos semble adéquate : le locuteur préfère utiliser ce démonstratif afin qu'il puisse accentuer davantage la présence des députés concernés. Autrement dit ce démonstratif contient en lui-même un degré supérieur d'intensité.

Deuxièmement nous traitons un exemple contenant des démonstratifs simples, donc il s'agit du deuxième cas.

Exemple 18 « Alliance des contraires, oui. Il y a de tout dans ce qui motive les signataires et ceux qui bientôt voteront cette motion de censure. Il y a ceux qui veulent, ils l'ont montré dans les amendements qu'ils ont déposés, s'affranchir des syndicats, partout et tout le temps, ceux qui trouvent que cette loi instaure trop de nouveaux droits pour les salariés, et ceux qui, au contraire, considèrent qu'elle remet en cause des acquis sociaux. Je ne mélange pas ces positions. »18

18Discussion et vote de la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de l'Assemblée, à

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Dans cet exemple nous remarquons la présence de deux démonstratifs : « cette » et « ceux », l'un au singulier et l'autre au pluriel. Nous constatons que le démonstratif « ceux » est employé à quatre reprises. Le premier « ceux » représente tous les députés qui s'opposent à l'application de l'article 49, alinéa 3, et donc au Gouvernement. Et parmi eux les députés se divisent en trois catégories, donc il est question de trois positions différentes. D'abord les députés qui, par le biais de leurs propositions concernant le projet de loi Travail, veulent se débarrasser des organisations syndicales parce qu'ils considèrent que celles-ci représentent une contrainte. Ensuite les députés qui estiment que cette loi n'est pas conforme à leurs valeurs car elle privilégie tant les salariés. Et enfin les députés qui trouvent que cette loi Travail aurait une mauvaise influence sur les droits des salariés et en particulier les clauses de leurs contrats. Le démonstratif « cette » est utilisé par le locuteur parce que ce dernier veut montrer que la discussion porte particulièrement sur l'application de l'article 49, alinéa 3 et la motion de censure.

3.1.3 La localisation temporelle

C. Kerbrat-Orecchioni énonce qu'exprimer le temps demande une localisation d'un événement sur l'axe de la durée, par rapport à un moment T pris comme référence. Selon le cas, ce T peut correspondre à :

- une date particulière prise comme référence du fait de son importance historique

- moment inscrit dans le contexte verbal : il est question alors de référence contextuelle

l'Assemblée nationale le 12 mai 2016

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- moment de l'instance énonciative : référence déictique

La localisation temporelle s'effectue grâce au double jeu des formes temporelles de la conjugaison verbale, et des adverbes et locutions adverbiales. De ces deux procédés, le premier exploite le système de repérage déictique, cependant que les adverbes temporels se répartissent à peu près également entre la classe des déictiques et celle des relationnels.

3.1.3.1 Les désinences verbales

C. Kerbrat-Orecchioni (2006 : 52) affirme que le choix d'une forme de passé/présent/futur est de nature déictique : l a référence est « nynégocentrique ». « La subjectivation nynégocentrique, telle que la définissent J. Damourette et E. Pichon, est une « libération du sémantisme » du coverbe par rapport à son sujet grammatical qui a pour effet de rendre la signification de l'auxiliaire qui résulte de cette « libération » consubstantielle au moi-ici-maintenant énonciatif. » (Mellet et Vuillaume, 2003 : 244). Ceux que nous appelons souvent les « temps absolus » sont en réalité des temps déictiques. A l'intérieur de chacune des sphères de présent/passé/futur, le choix se fait selon différents axes aspectuels qui sont à verser au compte de ce que plus largement nous appelons la subjectivité langagière, car ils mettent en jeu la façon dont le locuteur envisage le procès. Celui-ci peut être dilaté ou ponctualisé, considéré dans son déroulement ou dans son achèvement, « enfoui dans le passé » ou au contraire relié à l'activité présente. Il faut donc noter que le report en style indirect constitue en français le seul cas d'emploi des temps où nous ayons incontestablement affaire à de la référence contextuelle, et non déictique.

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Exemple 19 « Et j'appelle à ne pas souffler sur les braises. Car refuser de condamner cette violence, c'est mettre en cause la République. Je veux saluer ici, une nouvelle fois, l'engagement de nos forces de sécurité, policiers et gendarmes, dont certains oublient l'esprit de sacrifice et la responsabilité qui pèse actuellement sur elles. Gouverner, mesdames et messieurs les députés, ce n'est pas craindre le débat. »19

L'exemple que nous avons choisi répond au schéma moi-ici-maintenant, car le sujet parlant est relié à l'activité présente. Le locuteur se sert des verbes conjugués au présent de l'indicatif et d'infinitifs pour exprimer sa position concernant la situation actuelle. Il essaie d'ouvrir les yeux de certains députés pour qu'ils voient la réalité telle qu'elle est et pour qu'ils puissent avoir une vision impartiale de la République et ses valeurs. L'orateur tient à saluer de nouveau le professionnalisme, le dévouement et la loyauté des forces de l'ordre. L'adverbe « ici » indique où se trouve le sujet d'énonciation au moment où il tient ce discours. Donc il décide d'affirmer publiquement, à l'Assemblée nationale, qu'au lieu de mettre de l'huile sur le feu, les députés doivent plutôt exprimer leur reconnaissance envers l'ensemble des institutions dont le travail est de veiller à l'ordre public et au respect de la loi.

3.1.3.2 Adverbes et locutions adverbiales

Les adverbes et locutions adverbiales qui spécifient la localisation temporelle du procès présentent un double jeu de formes, déictiques et contextuelles.

19Discussion et vote de la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de l'Assemblée, à l'Assemblée nationale le 12 mai 2016

 

Déictiques

Relatifs au contexte

Simultanéité

en ce moment ; maintenant

à ce moment-là ; alors

Antériorité

hier ; l'autre jour ;

la semaine passée (dernière) ; il y a quelques heures ; récemment

la veille ;

la semaine précédente ; quelques heures plus tôt ; peu avant

Postériorité

demain ;

l'année prochaine ; dans deux jours ; dorénavant ;

bientôt ; prochainement

le lendemain ; l'année suivante ; deux jours plus tard ; peu après ;

dès lors

Neutres

aujourd'hui ;

lundi = le lundi le plus proche, antérieur ou postérieur ;

ce matin, cet été ; tout à l'heure

un autre jour

C. Kerbrat-Orecchioni déclare que les expressions qualifiées de « neutres » sont indifférentes à l'opposition simultanéité / antériorité / postériorité. Nous pouvons les rencontrer principalement en emploi déictique, car dans ce cas la forme verbale fournit aisément l'information complémentaire. (Orecchioni 2006 : 53). Il faut noter que certain nombre de ces expressions sont constituées à l'aide des démonstratifs. Il est question de la forme simple qui entre dans la

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composition des locutions déictiques, et la forme particulière en -là dans celle des locutions relationnelles.

Exemple 20 « C'est ce que je lui demande de faire une nouvelle fois. Le pays a besoin de son action, de ses valeurs, de ses résultats ; plus que jamais, il a besoin qu'elle se confonde avec la nation et la République. Dans le moment présent, elle représente le chemin nécessaire. Face à ceux qui n'ont pas compris comment le monde avait évolué et à ceux qui nous proposent la violence, il y a un chemin : c'est celui que je vous propose. »20

Dans cet exemple nous avons repéré la locution adverbiale « dans le moment présent ». Celle-ci fait partie des adverbes représentant la simultanéité et donc le présent. Cet extrait est sorti du contexte donc il faut noter que le locuteur parle de la gauche. L'orateur annonce que le pays ressent la nécessité d'action, de dynamisme et de rigueur et selon lui la gauche est capable de lui proposer ce dont il a besoin à l'heure actuelle. L'énonciateur déclare qu'en ce moment la gauche s'avère le seul chemin pouvant sortir le pays de cette situation délicate afin de lui rendre l'espoir, le courage et la joie de vivre. Le locuteur est convaincu que ce chemin est le bon et ainsi il sollicite la confiance des députés dans l'intention de faire un grand pas vers un avenir radieux.

20Discussion et vote de la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de l'Assemblée, à l'Assemblée nationale le 12 mai 2016

Exemple 21 « Notre pays a été frappé, mais c'est toute l'Europe qui vit sous la menace. L'intervention, hier, des forces de l'ordre belges et la traque en cours, liées directement aux attentats de Paris, nous le rappellent. »21

Ce qui nous intéresse particulièrement dans cet exemple est l'adverbe « hier ». Celui-ci caractérise la deuxième sphère donc l'antériorité. Ce court extrait nous propose comme information que les terroristes se sont attaqués à la France et ses valeurs, un pays ayant une place essentielle au sein de l'Union européenne. Le locuteur souligne le fait que le « Vieux Continent » se sent en danger parce que le péril n'est pas complètement neutralisé. L'énonciateur se sert des faits réels pour nous expliquer que l'opération militaire belge a été menée dans l'intention de chasser l'ennemi de leur sol, et ces actions sont étroitement liées aux attaques terroristes auxquelles la capitale française a dû faire face. L'adverbe « hier » nous informe que les événements dont le sujet d'énonciation nous fait part, se sont produits dernièrement donc nous sommes dans le cas d'adverbes déictiques- antériorité-passé récent.

Exemple 22 « Monsieur Jacob, soyez plus modeste et plus respectueux des Français qui voteront dans un an. Censurer est une chose ; caricaturer, c'est la facilité des faibles. Proposer, réformer, messieurs les présidents Vigier et Jacob, en est une autre. Et au fond, pendant que vous hurlez, ce débat que nous avons, aujourd'hui, anticipe le grand débat nécessaire, attendu, démocratique, que nous allons bientôt avoir devant les Français. »22

21Discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au Sénat le 16 mars 2016

22Discussion et vote de la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de l'Assemblée, à

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Dans cet exemple deux adverbes/locutions adverbiales attirent notre attention : « dans un an » et « bientôt ». Ils font partie de la sphère nommée « postériorité », autrement dit ces adverbes sont utilisés lorsque le sujet parlant se projète dans l'avenir. Dans la première phrase le locuteur s'adresse à M. Jacob en lui rappelant que l'élection présidentielle aura lieu les 23 avril et 7 mai 2017. Et en partant de ce constat, l'énonciateur signale que le destin du futur président de la République est entre les mains des électeurs. C'est-à-dire que le peuple aura le dernier mot et choisira son favori. Par le biais de ces propos nous pouvons constater que l'orateur essaie d'être raisonnable quant aux mots qu'il emploie. Ce dernier est bien conscient qu'ils seront jugés, lui et son gouvernement, à la fin du quinquennat. Le deuxième adverbe est moins précis que le premier. Nous pouvons néanmoins supposer que le sujet d'énonciation parle des jours ou les semaines qui viennent. Il s'agit d'un futur proche donc cette discussion vive et musclée d'aujourd'hui est le début d'un débat ayant lieu dans peu de temps.

Exemple 23 « Mais, mesdames et messieurs les députés, aujourd'hui, au fond, deux formes de contestation, nous l'avons vu tout à l'heure, une sorte d'alliance des contraires et du conservatisme, se rejoignent. »23

Dans cet exemple nous avons souligné deux adverbes : « aujourd'hui » et « tout à l'heure ». Le premier adverbe caractérise la simultanéité. Le sujet parlant s'adresse aux députés en affirmant qu'à l'heure actuelle deux formes de

l'Assemblée nationale le 12 mai 2016

23Engagement de la responsabilité du gouvernement, en application de l'article 49.3 de la Constitution, sur le vote du projet de loi "Travail : nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actifs", à l'Assemblée nationale le 10 mai 2016

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contestation se rejoignent. La première phrase commence par la conjonction « mais » qui permet d'indiquer une différence par rapport à la situation ancienne. Le deuxième adverbe pourrait signifier selon le contexte « dans un instant » ou « il y a peu ». Dans notre exemple cette locution adverbiale est précédée par le verbe « voir » conjugué au passé composé. Cela veut dire qu'il est question d'un adverbe qui représente la sphère nommée antériorité.

En suivant la théorie de C. Kerbrat-Orecchioni, nous pouvons finalement affirmer que le système de repérage déictique n'est pas le seul auquel puissent recourir les langues naturelles, mais sans doute le plus important, car ce repérage a la particularité de s'effectuer non par rapport à d'autres unités internes au discours, mais par rapport à quelque chose qui lui est extérieur et hétérogène : les données concrètes de la situation de communication. Permettant au locuteur de se constituer en sujet (identique à lui-même d'un acte de parole à l'autre, puisque toujours désignable par le même signifiant « je »), et de structurer l'environnement spatio-temporel, les déictiques peuvent être considérés non seulement comme des unités de langue et de discours mais également comme un élément rendant possible l'activité discursive.

Benveniste, cité par C. Kerbrat Orecchioni (2006 : 63), déclare que : « C'est dans l'instance de discours où « je » désigne le locuteur que celui-ci s'énonce comme sujet. Il est donc vrai à la lettre que le fondement de la subjectivité est dans l'exercice de la langue. Si l'on veut bien y réfléchir, on verra qu'il n'y a pas d'autre témoignage objectif de l'identité du sujet que celui qu'il donne ainsi lui-même sur lui-même. »

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3.2 Les subjectivèmes

C. Kerbrat-Orecchioni déclare que toute unité lexicale est subjective, puisque les mots de la langue ne sont jamais que des symboles substitutifs et interprétatifs des choses. Premièrement tous les mots de la langue fonctionnent comme des « praxèmes », cela veut dire qu'ils connotent à des degrés divers les différentes « praxis » caractéristiques de la société qui les manipule. Deuxièmement ils charrient toutes sortes de jugements interprétatifs « subjectifs » inscrits dans l'inconscient linguistique de la communauté. Dans son article Signifiance du praxème nominal, paru en 1998 et publié dans la revue L'information grammaticale, Paul Siblot définit le praxème comme outil linguistique de catégorisation et de nomination. Le praxème concerne en principe toutes les parties du discours dites des « mots pleins » : nom, verbe, adjectif, adverbe. Quant au terme de « praxis », dans son article Praxis, production de sens/d'identité, récit, Jacques Bres classe les praxis en 3 catégories : praxis manipulative-transformatrice qui assure la production des moyens de subsistance par l'appropriation du réel ; praxis socio-culturel qui règle cette appropriation ; praxis linguistique qui transforme le réel en réalité saisie par le langage, la maille en logosphère.

« C'est dans et par le langage que l'homme se constitue comme sujet; parce que le langage seul fonde en réalité, dans sa réalité qui est celle de l'être, le concept d'ego. La subjectivité est la capacité du locuteur à se poser comme « sujet ». Elle se définit, non par le sentiment que chacun éprouve d'être lui-même, mais comme l'unité psychique qui transcende la totalité des expériences vécues qu'elle assemble, et qui assure la permanence de la conscience. Or nous tenons que cette subjectivité n'est que l'émergence dans l'être d'une propriété fondamentale du langage. Est « ego » qui dit « ego ». Nous trouvons

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là le fondement de la subjectivité, qui se détermine par le statut linguistique de la personne ». (Benveniste 1966 : 258-266).

Benveniste met l'accent sur l'ego et la place centrale du sujet dans le discours. Donc nous pouvons considérer qu'il est question d'une subjectivité égocentrique. Et nous ne pourrions pas nier le fait que notre sujet d'étude entretient son image de responsable politique, et par le bais de ses discours il montre sa détermination et sa volonté d'utiliser tous les moyens pour réformer le pays. En ce qui concerne la loi Travail par exemple, certains disaient qu'il s'agit plutôt d'une guerre d'ego entre Philippe Martinez et Manuel Valls. Tout au long des années et en tant que responsable politique, ce dernier s'est forgé un moi fort et dominant. Dès que l'occasion se présente il n'oublie jamais de remettre les députés de l'opposition à leurs places. Donc la théorie de Benveniste s'appuie entièrement sur la personnalité du sujet parlant et sa manière d'être. En l'occurence notre locuteur fait preuve d'une forte personnalité affirmative et d'un sens des responsabilités. Son niveau d'exigence envers lui-même et envers son peuple le met sous tension permanente.

A l'opposé de Benveniste, C. Kerbrat-Orecchioni souligne l'importance du côté sentimental du locuteur lors de son discours. Dans ce cas-là, il s'agit d'une subjectivité émotionnelle. Et si nous allons dans ce sens, nous constatons que sous l'effet de l'émotion l'orateur pourrait sans doute tenir des propos subjectifs reflétant sa conception de la vie. Suite à des nombreux attentats ayant lieu dans toute la France, notre sujet d'étude a déclaré que les Français devraient changer leurs raisonnements à l'égard des terroristes mais également leurs attentes vis-à-vis de la sécurité. En sachant qu'il s'agit d'une guerre intérieure de longue haleine, toute forme de manifestation sans la présence des forces de l'ordre pourrait s'avérer une cible d'une attaque terroriste. Par ailleurs il ne faut surtout pas oublier que la démocratie en tant que régime politique tolère des

actions comme : être en grève et manifester. Donc neutraliser les terroristes ne voudrait pas dire en soi que le gouvernement devrait limiter la liberté du peuple.

C. Kerbrat-Orecchioni nous propose une exploration des unités signifiantes dont le signifié comporte le trait subjectif, et dont la définition sémantique exige la mention de leur utilisateur. Pour ce faire il est préférable de séparer les différentes parties du discours.

3.2.1 Les substantifs

Il s'avère que la plupart des substantifs affectifs et évaluatifs sont dérivés de verbes ou d'adjectifs. Un certain nombre d'unités intrinsèquement substantives peuvent nous être utiles concernant le problème de termes péjoratifs (dévalorisants) / mélioratifs (valorisants) appelés axiologiques. (Orecchioni 2006 : 83). Et en suivant la théorie de C. Kerbrat-Orecchioni, nous prenons comme exemple: 1) « C'est un député » : le terme énonce une propriété objective du dénoté ; 2) « C'est un adversaire » : ces substantifs cumulent deux types d'informations d'ailleurs indissociables :

· une description du dénoté ;

· un jugement évaluatif, d'appréciation ou de dépréciation, porté sur ce dénoté par le sujet d'énonciation.

Ces termes, dans la mesure où ils font intervenir une évaluation de x, laquelle est solidaire des systèmes d'appréciation du locuteur ; dans la mesure où leur usage, x restant invariant, pourra varier d'une énonciation à l'autre ; dans la

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mesure où ils sont à éliminer d'un discours à prétention d'objectivité, dans lequel le locuteur refuse de prendre position par rapport au dénoté évoqué, peuvent être considérés comme comportant d'un trait sémantique (subjectif). Le signifié et le dénoté étant au contraire étroitement solidaires l'un de l'autre, nous pouvons constater que le signifié n'est que l'image linguistique abstraite du dénoté, et les sèmes qui le constituent, l'mage des propriétés pertinentes du dénoté. Entre le signifié et le dénoté, il existe une solidarité générale des systèmes de (dé)valorisation, compensée par une tendance partielle à l'autonomie. Nous pouvons affirmer que les axiologiques sont prédestinés à se voir ironiquement - l'ironie consiste à exprimer sous les dehors de la valorisation un jugement de dévalorisation, et que les indices de l'inversion sémantique qui la caractérise ne sont pas toujours aisément repérables.

En nous appuyant sur la théorie de C. Kerbrat-Orecchioni, nous constatons que les axiologiques, flatteurs ou injurieux, font donc figure de détonateurs illocutoires à effets immédiats et parfois violents. C'est pourquoi ils ne sont maniés qu'avec d'infinies précautions. A la différence d'autres types d'unités subjectives (déictiques, verbes modalisateurs), les axiologiques sont implicitement énonciatifs. Nous pouvons estimer que les axiologiques mériteraient, dans un modèle prétendant quantifier le taux de subjectivité à l'oeuvre dans un énoncé donné, d'être affublés d'un indice variable (car la charge axiologique varie d'une unité à l'autre et d'une occurrence à l'autre) mais généralement fort. Il est question d'opérateurs de subjectivité particulièrement voyants et efficaces, qui permettent au locuteur de se situer clairement par rapport aux contenus assertés, et qu'il convient à ce titre d'éviter dans certains types de discours. Il est prouvé qu'en dehors du cas des discours à prétentions d'objectivité, la plupart des énoncés produits en langue naturelle se caractérisent par la présence plus ou moins massive des axiologiques, et les

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comportements langagiers, par le souci constant de dresser entre le bien et le mal une barrière terminologique.

Exemple 24 « Des débats qui, en fin de compte, ont répondu à cette question : qu'est-ce pour nous, dans notre héritage, dans notre tradition, une nation ? La réponse, ce n'est pas seulement le droit du sang ou du sol ; c'est d'abord une exigence permanente qui vaut pour chacun d'entre nous. Être français, appartenir à la communauté nationale, ce n'est pas seulement partager une langue même si c'est beaucoup ou un territoire : c'est avoir une histoire et un destin communs ; c'est partager un même amour de la patrie ; c'est un serment sans cesse renouvelé au pacte républicain, aux valeurs qui le fondent Liberté, Égalité, Fraternité, qui doivent bien sûr s'incarner dans les faits et dans les politiques publiques »24

Le sujet parlant pose une question rhétorique à laquelle propose une réponse argumentée. Il s'agit d'un jugement évaluatif de sa part, et en l'occurence d'une appréciation car il se sert de termes mélioratifs. Suite à des débats au sein de l'Assemblée nationale, le locuteur résume l'essentiel en définissant le mot « nation ». Nous avons d'abord souligné le substantif exigence car l'orateur affirme que chacun des ses compatriotes doit être exigent envers sa propre nation. Cela veut dire que l'exigence commence par le respect vis-à-vis des valeurs et des symboles de la République et se termine par la volonté d'aider autrui. Donc ce substantif est subjectif parce que le locuteur exprime son point de vue personnel concernant la nation. Deuxièmement nous avons souligné le substantif amour parce qu'il est question d'une subjectivité émotionnelle. Et ce

24Discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au Sénat le 16 mars 2016

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ne peut être le contraire car le sujet parlant exprime un sentiment de fierté en parlant de sa patrie. Nous remarquons une volonté de se dévouer et de se sacrifier pour défendre la patrie. Ce substantif caractérise un attachement passionné à la nation. Et enfin nous avons relevé le substantif serment parce que celui-ci exprime un sentiment de devoir vis-à-vis de la nation. C'est une promesse de fidélité ayant un caractère sacré et indéfectible. Autrement dit c'est un engagement à vie étant en pleine harmonie et cohésion avec les valeurs de la République.

3.2.2 Les adjectifs subjectifs

C. Kerbrat-Orecchioni classe les adjectifs en deux grandes catégories : objectifs et subjectifs. Ces derniers sont divisés en deux sous-catégories : affectifs et évaluatifs. Ceux-ci se divisent en deux : non axiologiques et axiologiques.

3.2.2.1 Les adjectifs affectifs

« Ces adjectifs énoncent, en même temps qu'une propriété de l'objet qu'ils déterminent, une réaction émotionnelle du sujet parlant en face de cet objet. Dans la mesure où ils impliquent un engagement affectif de l'énonciateur, où ils manifestent sa présence au sein de l'énoncé, ils sont énonciatifs. » (Orecchioni 2006 : 95).

Les adjectifs affectifs sont sévèrement proscrits de certains types de discours qui prétendent à l'objectivité. La valeur affective peut être inhérente à l'adjectif, ou au contraire solidaire d'un signifiant prosodique, typographique, ou syntaxique ; c'est ainsi que l'antéposition d'un adjectif le charge souvent

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d'affectivité. Il faut noter qu'il existe certaines affinités entre les valeurs affective et axiologique, entre les mécanismes psychologiques de participation émotionnelle et de (dé)valorisation. Dans certains cas nous remarquons la présence de termes axiologico-affectifs ; il s'agit de termes qui sont considérés à la fois comme affectifs et axiologiques (« admirable », « méprisable », etc.).

Exemple 25 « Le texte qui vous est soumis aujourd'hui, ce n'est plus celui du Gouvernement, ce n'est pas celui du groupe majoritaire de l'Assemblée nationale, ce n'est pas la victoire d'un camp sur un autre ; ce texte est le fruit d'un consensus responsable, méticuleux et exigeant. Et c'est le résultat en tout cas pour ce qui concerne l'Assemblée nationale d'un pas que chaque camp a su faire vers l'autre ! Vous le savez, ce consensus a été difficile, parfois douloureux, dans ma propre famille politique, comme dans les groupes d'opposition ».25

Dans cet exemple nous remarquons la présence de deux gradations au niveau des adjectifs affectifs. Leur nuance d'importance s'effectue par degrés et progressivement. La première gradation contient trois adjectifs : responsable, méticuleux et exigeant. La deuxième existe grâce à la présence de deux adjectifs : difficile et douloureux. Dans les deux cas il s'agit d'une gradation ascendante (ou gradation positive) parce que les adjectifs utilisés sont de plus en plus forts. Ce consensus entre la majorité et l'opposition est qualifié d'abord de responsable, c'est-à-dire qu'il a la charge de répondre aux attentes des Français. Mais aussi c'est un accord profondément sérieux car les deux parties ont effectué des compromis au nom de l'objectif final. Le deuxième adjectif

25Discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au Sénat le 16 mars 2016

révèle le comportement que les deux camps ont adopté selon les circonstances. En d'autres termes, ils ont traité avec soin et égard les questions cruciales afin d'aboutir à un accord. L'adjectif exigeant incarne en soi un degré supérieur de sérieux et de précision. Ceci veut dire que ce consensus impose ses règles et oblige les deux parties de les respecter pleinement ; la classe politique doit être exemplaire. Les responsables politiques doivent être stricts et veiller sur la bonne implication de cette loi constitutionnelle. Ce consensus est également qualifié de difficile, donc la majorité et l'opposition ont dû avoir des contradictions et des divergences considérables au niveau de leur conception politique. L'adjectif douloureux démontre que les deux parties ont fait preuve d'abnégation dans le but d'adopter ce projet de loi constitutionnelle.

3.2.2.2 Les évaluatifs non axiologiques

« Cette classe comprend tous les adjectifs qui, sans énoncer de jugement de valeur, ni d'engagement affectif du locuteur (du moins au regard de leur stricte définition lexicale : en contexte, ils peuvent bien entendu se colorer affectivement ou axiologiquement), impliquent une évaluation qualitative ou quantitative de l'objet dénoté par le substantif qu'ils déterminent, et dont l'utilisation se fonde à ce titre sur une double norme : 1) interne à l'objet support de la qualité ; 2) spécifique du locuteur - et c'est dans cette mesure qu'ils peuvent être considérés comme subjectifs. » (Orecchioni 2006 : 97). Donc si nous comptons utiliser un adjectif évaluatif, il faut savoir que cet usage correspond à l'idée que le locuteur se fait de la norme d'évaluation pour une catégorie d'objets donnée. En d'autres termes en présence d'adjectifs évaluatifs non axiologiques, il s'agit toujours d'une comparaison, et en particulier d'une hiérarchie au niveau de la conception du locuteur. A titre d'exemple : « L'actuel

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Premier ministre de France est plus compétent que son prédécesseur, et peut-être moins compétent que son successeur». L'objet qui définit la norme d'évaluation est en général plus familier à l'énonciateur que l'objet à évoluer, c'est-à-dire tenir compte de sa compétence culturelle, ainsi que de l'univers de discours auquel se réfère la séquence évaluative.

Exemple 26 « J'ai déjà eu l'occasion de le dire ici, après le 13 novembre, dans les quarante-huit heures qui ont suivi, nous ne savions pas comment les choses allaient se passer dans notre pays. Personne ne le savait. C'était la deuxième attaque que nous subissions, et elle était bien plus violente que celle que nous avions subie en janvier. Il y avait un choc, un choc terrible. Nous étions à quelques semaines des élections régionales. Nous sentions bien que la réaction ne pouvait pas être la même que celle que nous avions eue, collectivement, au mois de janvier, après les attentats contre Charlie Hebdo, contre cette policière municipale de Montrouge ou contre l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes ».26

Cet exemple nous permet de constater qu'il s'agit, en effet, d'une comparaison entre la première et la deuxième attaque terroriste que la France a subie. La deuxième attaque est qualifiée de plus violente, donc le degré de subjectivité est supérieur et il s'agit d'une évaluation de la part du locuteur. Cet adjectif nous fait comprendre et surtout imaginer le grand nombre de dégâts et de conséquences majeures à la suite de cet attentat. Cela veut dire que lors de la deuxième attaque les terroristes étaient plus agressifs et brutaux dans leurs actions. Menés par un sentiment de fureur ils voulaient, sans pitié, s'attaquer à

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des gens innocents. Nous avons également souligner l'adjectif terrible. Celui-ci décrit comment les citoyens ont vécu cette attaque sanglante ; pourrait-elle être comparée à un traumatisme émotionnel et psychologique ? Cet attentat affreux a causé la mort de beaucoup de personnes et a provoqué un deuil national. Et enfin nous avons relevé l'adjectif la même utilisée dans une phrase négative afin de qualifier la réaction des Français. Cet adjectif explique le fait qu'aucun peuple ne pourrait s'habituer facilement à des attentats monstrueux, à des terroristes impitoyables et à des scènes de guerre. Par le biais de cet adjectif nous constatons que les citoyens ont réagi différemment à l'égard de ces deux actes de barbarie.

3.2.2.3 Les évaluatifs axiologiques

C. Kerbrat-Orecchioni nous dit qu'à la différence des évaluatifs non axiologiques, les évaluatifs axiologiques portent sur l'objet dénoté par le substantif qu'ils déterminent un jugement de valeur, positif ou négatif. Et donc ils possèdent un double degré de subjectivité :

1) dans la mesure où leur usage varie avec la nature particulière du sujet d'énonciation dont ils reflètent la compétence idéologique ;

2) dans la mesure où ils manifestent une prise de position en faveur, ou à l'encontre, de l'objet dénoté.

« Il s'avère que les adjectifs évaluatifs sont tous subjectifs dans la mesure où ils reflètent certaines particularités de la compétence culturelle et idéologique du sujet parlant, mais ils sont à des degrés variables : d'abord parce que les axiologiques sont dans leur ensemble plus fortement marqués subjectivement

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que les autres ; ensuite parce que certaines disparités de fonctionnement existent au sein même des deux classes. » (Orecchioni 2006 : 106).

Exemple 27 « Oui, le régime de circonstances exceptionnelles le plus fréquemment utilisé sous la Vème République doit figurer dans notre Constitution. Inscrire l'état d'urgence dans la norme suprême permettra également d'encadrer davantage son application, de la subordonner au droit et à la proportionnalité. En gravant dans le marbre le caractère exceptionnel de l'état d'urgence - c'est la définition même de l'État de droit - nous garantissons que ses conditions de déclenchement et de contrôle ne pourront être allégées, demain, sans l'accord d'une majorité qualifiée au Parlement ».27

Dans cet exemple nous avons d'abord souligné l'adjectif exceptionnelles. Ce dernier porte un jugement de valeur positif et détermine les détails et les particularités du régime en question. Par le choix d'adjectif le locuteur confirme qu'il s'agit d'un régime hors du commun ayant des circonstances positives et uniques pour le pays. L'orateur manifeste sa prise de position en faveur de ce projet de loi. Deuxièmement nous avons relevé l'adjectif suprême qui possède un degré supérieur de subjectivité par rapport au premier. Il s'agit également d'un jugement de valeur positif et cet adjectif détermine le substantif « norme ». Il est intéressant de préciser que cet adjectif se caractérise par le degré le plus élevé en valeur, le plus haut placé. Donc cette norme nommée « suprême » peut être qualifiée de divine et sublime. Nous avons de nouveau souligné l'adjectif exceptionnel déterminant cette fois-ci le substantif « caractère ».

27Audition du Premier ministre et du ministre de la justice devant la commission des lois du Sénat au sujet du projet de loi constitutionnelle sur la protection de la Nation, au Sénat le 8 mars 2016

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L'énonciateur propose une évaluation concernant l'état d'urgence et en particulier ses avantages irréprochables : efficacité et stabilité.

3.2.3 Les verbes subjectifs

Selon C. Kerbrat-Orecchioni, l'analyse des verbes subjectifs distingue trois catégories. Dans la première catégorie nous nous demandons qui porte le jugement évaluatif, cela peut être le locuteur et l'actant du procès. Dans le premier cas il s'agit des verbes subjectifs proprement dits, du type « revendiquer », « exiger ». Dans le deuxième cas l'actant du procès ou encore l'agent peut coïncider avec le sujet d'énonciation et dans cette mesure, les verbes du type « désirer » doivent être intégrer dans la classe des verbes subjectifs. Dans la deuxième catégorie nous nous interrogeons sur quoi porte l'évaluation. Cela peut être le procès lui-même et donc les verbes de ce type sont tous intrinsèquement subjectifs. L'évaluation porte parfois sur l'objet du procès, qui peut être une chose ou un individu mais également un fait, exprimé par une proposition enchâssée. Dans la troisième catégorie nous nous questionnons sur la nature du jugement évaluatif et il se formule principalement en termes de : fort/faible - donc c'est le domaine de l'axiologie ; exact/inexact/probable - donc c'est le problème de la modalisation.

3.2.3.1 Les verbes occasionnellement subjectifs

Ce sont tous les verbes impliquant une évaluation : de l'objet du procès, par l'agent du procès, en termes de fort/faible, ou de exact/inexact. Ces verbes sont

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appelés parfois : verbes de modalités exprimant l'attitude d'un sujet vis-à-vis d'une représentation virtuelle, verbes évaluatifs d'attitude propositionnelle - ils énoncent une certaine disposition d'un agent vis-à-vis d'un objet. (Orecchioni 2006 : 114).

Exemple 28 « Face à cela, au djihadisme, à l'islamisme radical, à cette contestation totale de ce qui fait notre humanité, la France ne doit à aucun moment baisser la garde. Faiblir serait faillir. Notre responsabilité à tous est donc immense. Nous sommes entrés dans une nouvelle époque. Nous avons changé de monde ».28

Le sujet d'énonciation déclare que l'ennemi est toujours présent et que les Français doivent rester attentifs et prudents. Tout d'abord nous avons souligné le verbe baisser. Celui-ci fait partie de l'expression « baisser la garde ». Ce verbe est employé dans une phrase négative afin que l'orateur puisse affirmer que la France ne doit pas arrêter d'être vigilante. Le moindre manque d'attention pourrait coûter cher et causer des dégâts irréparables. En tenant ces propos le locuteur exprime son attitude vis-à-vis de la situation de crise, sans précédent, que le pays traverse. Ensuite nous avons relevé les verbes faiblir et faillir. Le deuxième serait la conséquence et le résultat du premier. Donc en utilisant le verbe faiblir le sujet parlant s'adresse à ses compatriotes dans le but de leur rappeler qu'ils ne doivent pas perdre de leur force, de leur vigueur et de leur intensité. Au jour d'aujourd'hui rester forts est la seule solution possible. Le verbe faillir contient en soi le risque et l'erreur. Ainsi être sur le point de commettre une erreur peut entraîner des effets désastreux donc s'avérer fatal pour la France et son peuple.

28Audition du Premier ministre et du ministre de la justice devant la commission des lois du Sénat au sujet du projet de loi constitutionnelle sur la protection de la Nation, au Sénat le 8 mars 2016

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3.2.3.2 Les verbes intrinsèquement subjectifs

Ces verbes impliquent une évaluation ayant toujours pour source le sujet d'énonciation. L'évaluation porte d'abord sur le procès dénoté et celui-ci peut être considéré comme un élément de la classe générale des termes péjoratifs. Tout comme les substantifs et les adjectifs, les verbes ne se marquent nettement péjoratifs que lorsque la connotation axiologique s'inscrit dans un support signifiant spécialisé et/ou lorsque existe dans le lexique une série de parasynonymes qui ne s'opposent que sur cet axe.

Exemple 29 « L'ennemi, ce sont ceux qui pillent, violent, tuent, réduisent en esclavage ; ceux qui, là-bas, commettent des attentats et en planifient d'autres sur notre sol. L'ennemi, ce sont aussi ces individus embrigadés, ces cellules plus ou moins autonomes, plus ou moins organisées, qui peuvent agir ici, en France, au coeur de notre société ».29

Nous avons relevé trois verbes impliquant une évaluation et se caractérisant par une subjectivité émotionnelle. Ces verbes font partie du champ lexical de la guerre. Le verbe piller nous fait comprendre que l'ennemi, se trouvant sur le sol français, veut détruire le pays et provoquer d'importants dégâts. Donc nous pouvons affirmer qu'il s'agit d'une destruction intérieure. Celle-ci est la pire des destructions car elle ruine le pays à petit feu. Elle ne prévient pas et parfois, nous ne nous en rendons pas compte que quand c'est trop tard. Le verbe violer caractérise les actions de cet ennemi dit inhumain. Ce verbe nous fait ouvrir les

29Discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au Sénat le 16 mars 2016

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yeux pour mieux comprendre que la France doit affronter un adversaire féroce. Ce dernier est prêt à mourir dans l'intention d'accomplir sa mission. Le verbe tuer possède un degré supérieur par rapport aux deux autres. Provoquer la mort des gens innocents est considéré comme un acte de barbarie, mais à vrai dire ce sont des fanatiques qui servent leur cause, qui ne connaissent aucune limite, et qui pensent que rien ne pourrait les arrêter. Donc ce verbe exprime d'une certaine manière l'objectif principal des militaires lors d'une guerre : éliminer l'adversaire.

3.2.4 Les adverbes subjectifs

La classe des adverbes offre des exemples de tous les types d'unités subjectives précédemment recensés (termes affectifs et évaluatifs, axiologiques ou non), les modalisateurs s'y trouvent représentés de façon particulièrement massive.

Les modalités d'énoncé s'opposent aux celles d'énonciation. - Modalité d'énonciation se rapporte au sujet parlant. (M1)

- Modalité d'énoncé se rapporte au sujet de l'énoncé, éventuellement confondu avec le sujet de l'énonciation. (M2)

Les modalisateurs qui impliquent un « jugement de vérité » (« vraisemblablement », « certainement ») s'opposent à ceux qui impliquent un « jugement de réalité » (« réellement », « vraiment »).

Les adverbes du type M1 (« probablement », « sans doute », « sûrement ») s'opposent aux adverbes du type M2 (« personnellement », « franchement », « sincèrement »). (Orecchioni 2006 : 133).

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Exemple 30 « Aujourd'hui, j'exprime, nous exprimons clairement une fronde contre la division. Ne faisons pas, mesdames et messieurs les députés, comme si notre pays n'était pas dans une économie ouverte, comme si le monde du travail et de l'entreprise n'avait pas profondément changé, comme si notre jeunesse ne nous envoyait pas des messages d'alerte ».30

Dans cet exemple nous avons souligné deux adverbes subjectifs : clairement et profondément. Le premier révèle l'attitude du locuteur en tant que « je » mais aussi celle du gouvernement et de la majorité en tant que « nous ». Il est question d'une agitation, d'une lutte contre la division. Et l'adverbe clairement démontre que le gouvernement annonce explicitement sa position. L'énonciateur doit la vérité aux Français et ne pourrait pas se permettre de masquer la situation et de dissimuler les faits réels. L'adverbe profondément exprime ce que ressent l'orateur quant à la situation actuelle au moment qu'il tienne ces propos. Selon lui le monde du travail et de l'entreprise a pleinement changé, donc il est question d'une transformation totale qui a marqué les esprits. Ce changement absolu n'est pas passé inaperçu et le locuteur sent une nécessité d'en parler.

Dans le chapitre suivant nous avons pour objectif de nous focaliser sur plusieurs types de phrases et de connecteurs argumentatifs. Les résultats de cette étude nous aideront à compléter notre analyse afin de déterminer précisément les spécificités de l'ethos du Premier ministre Manuel Valls.

30Engagement de la responsabilité du gouvernement, en application de l'article 49.3 de la Constitution, sur le vote du projet de loi "Travail : nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actifs", à l'Assemblée nationale le 10 mai 2016

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CHAPITRE 4. Procédés langagiers

4.1 Les types de phrase

Dans ce chapitre nous avons choisi d'examiner attentivement des procédés langagiers de l'ethos. Quand nous disons « procédés langagiers », il faut bien avoir en tête qu'il s'agit de types de phrase et de connecteurs argumentatifs. Dans le chapitre 4, notre objectif est d'utiliser strictement les mêmes exemples que ceux du chapitre 2 afin de mettre en lumière les atouts linguistiques des ethos d'identification et de crédibilité. Donc nous allons voir comment par exemple le discours de l'ethos de chef est structuré en sachant que son but ultime est, en premier lieu, d'attirer l'attention et si possible influencer ou même convaincre son auditoire. Nous allons découvrir également si le chef du gouvernement se sert plutôt de phrases exclamatives et impératives pour mettre en valeur l'autorité de cet ethos. Idem pour les ethos de puissance et de caractère - nous comptons les regarder de près et croiser les résultats obtenus. En ce qui concerne les ethos de crédibilité, peut-il avoir des surprises au niveau du choix des phrases ayant pour but d'exprimer des idées, convictions et compétences. Nous pouvons supposer par exemple que pour construire un ethos de « sérieux », le locuteur utilise plutôt des phrases déclaratives et impératives. Il prend au sérieux tout ce qu'il affirme et ne peut pas se permettre de se ridiculiser devant son public. Quant aux ethos de « vertu » et de « compétence », nous imaginons un mélange de types de phrase sans avoir une différence fondamentale entre eux au niveau du taux d'utilisation. Bien entendu, ce ne sont que des hypothèses, donc il reste à découvrir le rôle des types de phrase dans la construction des ethos d'identification et de crédibilité.

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Dans son précis de grammaire, D. Maingueneau annonce que les phrases ne sont pas seulement des organisations syntaxiques ; elles sont aussi mises en relation de deux partenaires à travers l'activité énonciative, et l'énonciateur y marque son attitude à l'égard de son propre énoncé. Si nous entendons par « phrase » toute séquence verbale douée de sens et syntaxiquement complète, nous sommes amenés à distinguer entre phrase verbale et phrase non verbale, selon que la phrase s'organise ou non autour d'un verbe. Selon D. Maingueneau (Maingueneau 2015 : 85), les phrases verbales présentent des structures très variées qui correspondent à des actes de langage fondamentaux et sont identifiables par une intonation spécifique. Il est intéressant de constater qu'il ne reconnaît que 3 types de phrase : le type déclaratif (ou assertif), le type interrogatif et le type impératif (ou injonctif). Le premier type permet d'affirmer quelque chose de vrai ou de faux sur le monde ; c'est le type non marqué, celui par rapport auquel se définissent les deux autres. Il correspond le plus souvent à l'ordre GN-GV et son intonation canonique est montante puis descendante. Il domine largement à l'écrit. Le deuxième type permet de questionner quelqu'un, qui est ainsi placé dans l'alternative répondre/ne pas répondre. Son intonation est en général montante. Mais toute structure interrogative n'est pas une question. Le troisième type est lié à l'injonction ; il s'exprime par une intonation descendante. Sa structure est celle d'un verbe à l'impératif, sans sujet exprimé et à la 2e personne ou la 1re du pluriel. En définissant les phrases exclamatives, D. Maingueneau considère qu'il s'agit d'un effet de sens qui s'ajoute aux trois types de phrase, et non pas d'un quatrième type de phrase. Selon lui, les phrases exclamatives permettent à l'énonciateur d'exprimer une réaction affective forte, le plus souvent en marquant le haut degré. Elles possèdent une intonation spécifique, qui met en valeur le constituant sur lequel porte l'exclamation.

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Par rapport à D. Maingueneau qui nous parle des actes de langage, R. Eluerd dans sa grammaire descriptive de la langue française (Eluerd 2008 :183), utilise le terme de modalités d'énonciation. Ces dernières expriment l'attitude de l'énonciateur à l'égard de son interlocuteur. Suivant cette logique, donc, nous pouvons distinguer quatre types morphosyntaxiques et sémantiques de phrase : déclaratif, interrogatif, impératif et exclamatif. Toute phrase présente obligatoirement l'une de ces modalités et une seule. R. Eluerd fait la comparaison entre interrogation totale et interrogation partielle. Selon lui, l'interrogation totale, ou appelée encore interrogation globale par M. Grevisse et A. Goosse, porte sur la phrase dans son ensemble. L'interlocuteur est sollicité pour achever l'assertion. Sa réponse doit exprimer un oui ou un non. L'interrogation partielle porte sur un des termes de la phrase. Une réponse réduite à oui ou non est impossible. L'interrogation peut être insistante, c'est-à-dire renforcée par le ton ou par un mot d'appui. R. Eluerd nous dit que la phrase impérative est employée quand un je attends, ordonne, souhaite que quelqu'un fasse ou ne fasse pas quelque chose. C'est donc une modalité spécifique de l'énonciation discours dans la forme de l'oral réel ou fictif. L'injonction peut être insistante, c'est-à-dire renforcée par une interjection. R. Eluerd nous propose une définition identique à celle de D. Maingueneau concernant la phrase déclarative et la phrase exclamative. Les deux grammairiens belges, M. Grevisse et A. Goosse, considèrent également que dans la langue française il y a quatre types de phrase. Nous devons tout de même préciser que la phrase impérative se termine par un point d'exclamation quand le locuteur prononce des propos avec une force particulière ; il s'agit d'une demande ou d'un ordre. La phrase exclamative se caractérise par son affectivité et l'énonciateur exprime librement ses sentiments à haute voix. (Grevisse et Goosse 2009 : 77).

4.1.1 La phrase déclarative

Exemple 3/p.18 « Nous allons entretenir, je l'espère, comme un feu ardent, cet état d'esprit et nous appuyer sur la force de son message d'unité. Et en revendiquant fièrement ce que nous sommes. En le faisant, en nous rappelant sans cesse de nos héros, ceux qui sont tombés, ces 17, la semaine dernière ».

Comme nous avons déjà pu constater, cet exemple caractérise l'ethos de « puissance ». Nous avons trois phrases déclaratives séparées par le même signe de ponctuation. Dans la première phrase, qui est relativement longue, le locuteur déclare publiquement son optimisme, sa volonté et son espérance à l'égard de l'état d'esprit de son peuple. Il affirme à haute voix que ce dernier se trouve sur la bonne voie et doit garder cet enthousiasme et ce sentiment d'unité notamment autour des valeurs de la République. Nous devons préciser qu'en prononçant cette phrase, le locuteur fait référence à la manifestation de 11 janvier 2015. L'énonciateur fait une comparaison afin d'encourager ses compatriotes et de leur rappeler qu'uniquement tous ensemble sont capables de changer la situation en leur faveur, car l'unité fait la force. Le locuteur se sert d'une phrase déclarative pour faire passer son message, en espérant que celui-ci sera compris dans sa totalité. La deuxième phrase est plutôt courte. Le sujet parlant annonce et rappelle en même temps à son auditoire qu'il ne doit pas oublier ses origines, son histoire et son identité. En s'appuyant sur la force du passé et en particulier sur des dates remarquables et éternelles, le peuple résiste aux difficultés actuelles et montre aux générations à venir comment doivent-elles procéder et quels moyens doivent-elles utiliser pour faire face à des situations extrêmement délicates. En prononçant cette phrase assertive, le locuteur s'adresse à son peuple pour affirmer qu'être fier signifie avoir de la

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dignité dans son caractère et que les autres lui doivent le respect. La troisième phrase est plutôt longue et l'énonciateur rend hommage aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, en déclarant que l'histoire de la France vient de connaître ses nouveaux héros. Ces derniers ont fait preuve de courage, de patriotisme, de sang-froid, de fidélité, et le peuple doit faire en sorte que leur exploit ne soit pas rapidement oublié. Le locuteur qualifie ces victimes en utilisant le mot « héros », car elles représentent un modèle de comportement rarement vu, et ces héros méritent d'avoir le respect de toute la société. Etre fidèle à la République et ses valeurs signifie prendre des risques, se mettre en danger si nécessaire, défendre sa patrie et ses compatriotes, défendre l'intérêt général et être prêt à se sacrifier entièrement au nom de la France et ses biens précieux. Nous pouvons constater que le locuteur prononce ces trois phrases déclaratives afin d'informer et en même temps rassurer son auditoire (le peuple français) qu'il s'agit d'une situation délicate mais l'unité nationale et l'esprit collectif entre les citoyens de tout un pays, donneront des résultats positifs à l'égard de cette guerre contre l'ennemi, donc le terrorisme et notamment l'islamisme radical.

Exemple 11/p.31 « Le peuple Français, une fois encore, a été à la hauteur de son histoire. Mais, c'est aussi, pour nous tous sur ces bancs, vous l'avez dit, un message de très grande responsabilité. Etre à la hauteur de la situation est une exigence immense. Nous devons aux Français d'être vigilants quant aux mots que nous employons et à l'image que nous donnons.»

Cet exemple caractérise l'ethos de « sérieux » et il est composé de quatre phrases déclaratives. En lisant la première phrase, nous comprenons qu'il s'agit d'un jugement positif de la part du chef du gouvernement, porté sur le comportement de ses compatriotes. Le locuteur déclare clairement que le

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peuple français a réagi correctement face aux attentats ayant eu lieu à Paris. Les Français ont répondu présents et ont montré explicitement au monde entier que le droit à la parole est sacré et fait partie des valeurs de la République. Ceux qui s'attaquent à ce droit prioritairement démocratique, s'attaquent à la liberté des gens et notamment leur besoin d'exprimer leur point de vue. L'orateur affirme que le peuple français a vigoureusement défendu ses principes et ses idées de liberté, égalité et fraternité. Le sujet parlant s'adresse également à tous les députés et déclare qu'ils doivent être un bon exemple pour le peuple. Il prend les choses au sérieux et arrive à estimer réellement la gravité de la situation. L'orateur annonce que les députés et surtout les hommes de pouvoir (les ministres) doivent être capables de répondre aux exigences et aux attentes du peuple. Ils doivent assumer pleinement leurs responsabilités et agir adéquatement dans des situations complexes, comme celle dont l'orateur évoque publiquement. Cette situation délicate demande des efforts collectifs, de la part du peuple français mais également de la part du gouvernement. L'orateur appelle à l'unité nationale, car c'est uniquement tous ensemble qu'ils pourront faire face au péril mortel. Le sujet parlant déclare que le chef de l'Etat et le gouvernement ont la lourde tâche de prendre des décisions et des mesures exceptionnelles (exemple : l'état d'urgence) afin de défendre la liberté de leurs compatriotes. C'est une immense responsabilité car ces décisions concernent des millions de gens. Mais aussi parce que si le peuple français reste déçu, les responsables politiques devront affronter un vent de critiques et d'attaques personnelles. Par ailleurs les défis existent pour être surmontés et le gouvernement a l'occasion de prouver ses compétences. Le locuteur affirme que les députés doivent être particulièrement attentifs lors de leurs allocutions ou tout simplement activités publiques, car l'image qu'ils dégagent est censée répondre aux attentes du peuple français. En d'autres termes, les hommes politiques ont pour mission d'être exemplaires et de bien soigner leur image professionnelle et publique. Cela est également valable en

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ce qui concerne le vocabulaire dont ils se servent parce que leur statut social ne leur permet pas d'utiliser n'importe quel propos dans n'importe quelle situation. Donc la popularité et le pouvoir politique exigent des sacrifices et des privations personnelles.

Exemple 12/p.32 « Je vous dois cette vérité, et nous devons cette vérité aux Français. Pour y faire face, partout sur le territoire, des militaires, des gendarmes, des policiers sont mobilisés. »

Cet exemple illustre l'ethos de « vertu » et il est composé de deux phrases assertives. Le locuteur se montre honnête et déclare que le peuple français mérite de savoir la vérité. Etre sincère et ne pas avoir peur de dire la vérité, signifie que le locuteur préfère la transparence et la loyauté. Mais de quelle vérité s'agit-il exactement ? Nous devons rappeler que cet extrait fait partie de l'allocution de Manuel Valls dans laquelle il rend hommage aux victimes des attentats, mais aussi il déclare publiquement que la France est en guerre. Donc il est question de cette vérité, dite et assumée pleinement par le chef du gouvernement. Ce dernier considère que ses compatriotes ont le droit de savoir qui sont leurs ennemis et surtout pourquoi ils s'attaquent à un pays laïque, et notamment à la liberté de culte, de conscience et d'opinion. Ainsi les députés, élus par le peuple français, doivent la vérité à ce dernier car grâce au vote des électeurs, ils ont obtenu le pouvoir. Le locuteur déclare également quelles mesures sont prises afin de garantir la sécurité des citoyens. Donc en prononçant ces deux phrases déclaratives, l'orateur énonce la vérité attendue par les Français, et en même temps rassure ces derniers en affirmant que des décisions étaient prises en faveur du peuple.

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Exemple 14/p.34 « Je le dis modestement, avec mon expérience, non pas de Premier ministre ou de ministre de l'Intérieur, mais d'élu de la banlieue parisienne, de maire d'Évry pendant onze ans : les mots que j'ai utilisés hier, en parlant de processus de ségrégation, de ghettoïsation, d'apartheid territorial, social, ethnique, pour un certain nombre de quartiers, je les ai toujours employés car, comme d'autres, ici, sur tous les bancs, j'ai vécu directement les situations qu'ils désignent. »

Cet exemple décrit l'ethos de « compétence » et il est composé d'une longue phrase assertive. En prononçant cette phrase, le locuteur déclare et rappelle en même temps qu'il a occupé deux postes en tant que responsable politique avant d'être nommé Premier ministre. C'est-à-dire qu'il a de l'expérience dans le domaine de la politique et qu'il peut se permettre de donner des leçons ou des conseils quant à différents types de situations. L'orateur a connu de près le terrain et est capable de proposer des idées, projets et même des solutions aux problèmes et aux préoccupations des habitants. Nous pouvons remarquer que son expérience est justifiée, car il explique brièvement son parcours et fait comprendre qu'il a du vécu. Le sujet parlant se sert d'une longue phrase déclarative pour illustrer la réalité telle qu'elle est en tenant des propos fiables et cohérents. Il emploie des paroles précises afin de nommer les choses et de mettre en évidence la vraie signification des termes en question. La compétence est une capacité reconnue dans un domaine, et ici en l'occurence il s'agit d'un locuteur qui parle de ses connaissances acquises par le biais de la pratique.

4.1.2 La phrase exclamative

Exemple 4/p.20 «Si en deux minutes il fallait résumer l'outrance, la démagogie et le vrai visage de l'extrême droite, vous venez de le démontrer parfaitement. [...] Je ne veux pas que le 22 mars mon pays se réveille avec la gueule de bois, [...] face à vous, face à vos candidats, ils sont des dizaines à tenir des propos antisémites, racistes, homophobes, sexistes [...] face à cela, madame, je mènerais une campagne, toujours ! Il faut dire la vérité aux Français, vous les trompez, vous trompez les petites gens, ceux qui souffrent ! [...] Il est temps que dans ce pays il y a un débat, on déchire le voile, la mascarade qui est la vôtre ! [...] Alors, madame, jusqu'au bout je mènerai une campagne pour vous stigmatiser et pour vous dire que vous n'êtes ni la République, ni la France ! ».

Nous pouvons constater que dans cet exemple la présence de points d'exclamation est bien évidente. Cet exemple détermine l'ethos de « caractère » et le locuteur prononce ces phrases avec une force particulière. D'abord il annonce publiquement que l'extrême droite utilise des moyens interdits afin d'augmenter le nombre de ses membres et sympathisants. Autrement dit, ce parti politique trompe les gens et profite de leur désespérance à l'égard de la situation politique dans le pays. Il est question d'un vote de colère et cette colère pousse les électeurs vers l'extrême. Et notamment ce sentiment fort les rend aveugles et ils n'arrivent pas à voir le vrai visage de l'extrême droite. L'énonciateur exprime sa volonté et déclare son souhait concernant l'avenir de la France, et en même temps il annonce son inquiétude quant à la progression de ce parti politique. Le locuteur n'aimerait pas voir son pays dans un état de choc si jamais l'extrême droite s'approprie le pouvoir. Donc il déclare à haute voix son antipathie à l'égard des propos insupportables venant de la part des

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candidats de l'extrême droite. Ces candidats se permettent de prononcer des paroles vulgaires et grossières qui sont en total désaccord avec les valeurs de la République. Le sujet parlant annonce que la seule façon d'arrêter l'extrême droite, c'est de mener une campagne électorale. Cela lui permettra sans doute de stopper le développement de son adversaire, ce parti politique qui aimerait mettre en oeuvre ses idées antirépublicaines et antidémocratiques pour déstabiliser le pays et son fonctionnement. Le locuteur annonce qu'il tient à dire la vérité, telle qu'elle est, à ses compatriotes car ils méritent de la savoir, et de plus cela fait partie de leurs droits républicains. L'extrême droite profite de l'ignorance et de l'incompétence des petites gens pour leur montrer une fausse réalité et un avenir lointain et instable vers lequel ce parti politique aimerait les amener. Ceux qui souffrent se trouvent dans une situation complexe et ils croient vraiment que l'extrême droite mettra fin à leurs préoccupations. La politique peut être comparée à un jeu de masques où le beau parleur arrive à faire croire les gens à tout ce qu'il énonce concernant des questions cruciales. Le locuteur reproche ouvertement à ce parti politique les actes de ses dirigeants et candidats, qu'il juge indignes et hautement provocateurs. L'énonciateur adresse une invitation directe à l'extrême droite et annonce le début d'un vrai débat- projet contre projet. Le locuteur souhaite que ce parti politique joue enfin cartes sur table et dévoile devant les électeurs ses idées et convictions. Ce scénario a duré assez longtemps et il est nécessaire que les dirigeants de l'extrême droite soient honnêtes avec leurs électeurs et sympathisants lors de leurs discours et campagnes électorales. Parce que ceux et celles qui dissimulent la vérité préfèrent l'intérêt personnel devant l'intérêt général, c'est-à-dire celui du peuple. Le sujet parlant prononce la dernière phrase avec beaucoup de force et d'émotion en déclarant qu'il condamne fermement l'attitude et le comportement des représentants de l'extrême droite. C'est pourquoi il poursuivra jusqu'au bout ses efforts afin d'empêcher ce parti politique d'avoir le contrôle sur certaines régions de la France. Dans cet

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exemple qui illustre l'ethos de « caractère », nous pouvons remarquer que le locuteur utilise des phrases exclamatives pour affirmer clairement sa position contre l'extrême droite, ce parti politique qui trompe ses électeurs et les pousse jusqu'à l'excès.

4.1.3 La phrase impérative

Exemple 8/p.26 « Je sollicite votre confiance afin de poursuivre notre politique économique. Je sollicite votre confiance car la politique de mon gouvernement est guidée par les valeurs de la République, des valeurs chères à la gauche - la Nation, le principe d'égalité et de justice - qui s'adressent à tous les Français. »

Cet exemple est composé de deux phrases performatives (impératives) et caractérise l'ethos de « chef ». Le locuteur a l'intention de poursuivre la politique économique menée par le gouvernement, et pour ce faire il demande un vote de confiance. Donc les députés décident d'accorder ou non leur confiance au gouvernement en place. Nous pouvons affirmer qu'il s'agit d'une demande de la part de l'énonciateur adressée à tous les députés. L'orateur croit vraiment que la politique économique du gouvernement est la bonne et il faut continuer à l'appliquer et la développer pour que les résultats viennent. Bien sûr que cette action demande la patience et la compréhension des Français, car les réformes et les changements politiques ne s'effectuent pas du jour au lendemain. Cela est beaucoup plus compliqué parce que le chef du gouvernement doit d'abord faire peser les risques existentiels, c'est-à-dire le pour et le contre avant d'entreprendre quoi que ce soit en faveur de l'intérêt commun. En d'autres termes, l'orateur doit être particulièrement concentré et attentif lors de la prise des décisions ayant un rôle fondamental pour l'avenir du

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peuple. Le locuteur affirme clairement que la politique du gouvernement est guidée par des valeurs républicaines, et notamment la liberté, l'égalité, la fraternité et la laïcité. La possibilité de croire ou ne pas croire, la possibilité de vivre en communauté avec des gens venant de différents coins du monde, la possibilité de s'ouvrir à une autre ou même plusieurs cultures, la possibilité d'échanger avec des inconnus et faire connaissance avec des gens sympathiques et aimables. L'énonciateur déclare que le principe d'égalité entre hommes et femmes est fort important pour le développement de la société et ses principes. L'histoire moderne reconnaît l'égalité entre les deux sexes, donc les femmes ont tout à fait le droit d'accéder aux postes gouvernementaux. Contrairement au régime politique du début du 20e siècle où les femmes n'avaient pas le droit de voter. L'orateur déclare également que le principe de justice concerne chaque résident qui se trouve sur le territoire français. En prononçant ces deux phrases impératives, le locuteur s'adresse à tous ses compatriotes pour leur énoncer que les valeurs de son parti politique et de son gouvernement sont exactement les mêmes que celles de la Nation.

Suite aux exemples que nous avons analysés, nous pouvons constater que le locuteur se sert prioritairement de phrases déclaratives et exclamatives pour exprimer ses idées et convictions ; mais également donner des renseignements et déclarer des décisions prises par le Président de la République et le gouvernement. Nous remarquons l'absence de phrases interrogatives.

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4.2 L'argumentation dans la politique

4.2.1 Définir l'argumentation

« Peut-on analyser le discours politique sans tenir compte de l'argumentation ? Chez Aristote, le discours délibératif, destiné à réguler la vie de la Cité, est au centre du dispositif rhétorique. Fondé sur l'exhortation et la dissuasion, il vise l'avenir en termes d'avantages et d'inconvénients. C'est en des termes similaires qu'on définit aujourd'hui la communication politique qui, en régime démocratique, tente de faire adhérer les destinataires aux choix politiques qui leur sont proposés. » (Gerstlé, cité par Amossy et Koren, 2010 : 13-21). Cela veut dire que depuis l'ère d'Aristote jusqu'à présent, la position et le rôle de l'argumentation dans la politique n'ont pas subi de changements remarquables. Par le biais de l'argumentation les représentants du peuple proposent à ce-dernier des idées, des projets, des lois et si nécessaire des référendums. Et suivant cette logique, nous parvenons à la conclusion que l'argumentation renforce l'allocution politique de celui qui entraîne l'adhésion de l'auditoire par son éloquence. Perelman et Olbrechts-Tyteca nous disent que « [...] une argumentation efficace est celle qui réussit à accroître cette intensité d'adhésion de façon à déclencher chez les auditeurs l'action envisagée (action positive ou abstention), qui se manifestera au moment opportun. » (Perelman et Olbrechts-Tyteca, 2008 : 59).

Pierre Oléron définit l'argumentation comme ceci : démarche par laquelle une personne - ou un groupe - entreprend d'amener un auditoire à adopter une position par le recours à des présentations ou assertions - arguments - qui visent à en montrer la validité ou le bien-fondé. (Oléron 1983 : 4). Il existe trois

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caractéristiques de l'argumentation ayant pour objectif de déterminer ses fonctions primaires. D'abord l'argumentation fait intervenir plusieurs personnes : celles qui la produisent, celles qui la reçoivent, éventuellement un public ou des témoins. « Toute argumentation se développe en fonction de l'auditoire auquel elle s'adresse et auquel l'orateur est obligé de s'adapter. » (Adam et Heidmann, 2005 : 174). Il est question d'un phénomène social. Ensuite il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'un exercice spéculatif, comme le seraient par exemple la description d'un objet ou bien la narration d'un événement. C'est une démarche pour laquelle une des personnes vise à exercer une influence sur l'autre. Et enfin, l'argumentation fait intervenir des éléments de preuve en faveur de la thèse défendue, qui n'est pas imposée par la force. C'est une procédure qui comporte des éléments rationnels ; elle a ainsi des rapports avec le raisonnement et la logique.

Nous avons déjà pu constater que notre sujet d'étude tient à dire la vérité aux Français quoi qu'il en coûte. Il se revendique Chef du gouvernement et Premier ministre de mission, et il aimerait poursuivre son engagement jusqu'au dernier jour du quinquennat. Selon la théorie de Perelman et Olbrechts-Tyteca, notre locuteur devrait se servir d'une argumentation dite persuasive lors d'un meeting de son parti politique, en l'occurence le Parti socialiste, et d'une argumentation nommée convaincante le jour où il s'adresse à tous les Français. « Nous nous proposons d'appeler persuasive une argumentation qui ne prétend valoir que pour un auditoire particulier et d'appeler convaincante celle qui est censée obtenir l'adhésion de tout être de raison. » (Perelman et Olbrechts-Tyteca, 2008 : 36). Et comme toute activité intellectuelle, l'argumentation est théoriquement subordonnée à la vérité, qu'elle est censée respecter et - bien plus - contribuer à établir. (Oléron 1983 : 12). Pierre Oléron déclare que même dans les sociétés modernes, l'argumentation n'est pas une démarche parfaitement libre qui peut être engagée à tout moment, par n'importe quelle

personne, sur n'importe quel sujet. Comme toutes les modalités d'expression de la pensée, elle ne peut intervenir que s'il est préalablement accepté qu'un débat soit ouvert et si celui qui se propose de défendre ou justifier une position se voit d'abord accorder le droit de prendre la parole. En France par exemple, il y a des séances de questions au Gouvernement et le temps consacré à chaque question, réponse du ministre comprise, est de 4 minutes. 15 questions par séance sont adressées au Gouvernement et la parité entre la majorité et l'opposition est réalisée sur 2 séances, à raison de 15 pour la majorité et 15 pour l'opposition. Les députés non inscrits peuvent poser une question tous les deux mois.

Avec l'argumentation sont transmis des éléments visant à créer (ou renforcer) des convictions, dispositions à agir, attitudes. Ces éléments peuvent comporter des informations mais celles-ci sont subordonnées à l'intention de convaincre et non simplement d'enrichir les connaissances du récepteur. (Oléron 1983 : 23).

Nous pouvons distinguer de grandes catégories en fonction desquelles l'argumentation peut être adaptée, car chaque public cible est spécifié. Par exemple dans la Rhétorique, Aristote présente une typologie correspondant à des groupes se différenciant par l'âge (jeunes et vieux) et le statut social (noblesse, richesse etc). Il indique pour chacun des éléments de leur psychologie qui devrait permettre à l'orateur de tenir un discours approprié et efficace.

L'argumentation se déroule sur le plan de la parole (orale ou écrite). Le langage en est donc la matière et l'instrument et nous comprenons mal les mécanismes de l'argumentation si nous ne nous représentons pas les modalités de son intervention. Autrement dit pour mieux saisir les propos d'un homme politique, il

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faut bien connaître le langage politique avec tous ses particularités. Qui plus est, la politique est un domaine dans lequel chaque terme a du poids et il nécessite que nous soyons attentifs afin d'éviter le risque de quiproquos possibles. Il ne faut pas oublier que l'une des fonctions principales du langage est la possibilité de faire d'un ennemi un ami rien qu'en se servant de bonnes paroles. Donc argumenter signifie également proposer à notre interlocuteur ce dont il a besoin au moment de la causerie. Les arguments peuvent être comparés à des embellissements ayant pour objectif de décorer nos paroles afin de les rendre plus puissantes et touchantes. Le langage n'est pas cependant un simple décalque et il comporte des éléments propres qui contribuent à agir sur l'auditeur et à l'amener à une certaine conviction.

Quand il est question de l'argumentation, il est nécessaire de distinguer trois catégories : la transmission d'une conviction, la délibération et la justification. Pierre Oléron affirme que dans le premier cas le terme est fixé : celui qui argumente est convaincu, il cherche seulement à faire partager sa conviction. Dans le second, au contraire, c'est après l'argumentation que sera déterminé ce qu'il convient de faire. De ce point de vue la justification reste proche du premier cas puisque ce qu'il s'agit de justifier est donné ; c'est le contexte psychologique qui peut permettre de la distinguer. Nous pouvons constater que le fait de justifier ou se justifier correspond à une attitude de défense. C'est logique car celui qui se justifie, se sent provoqué par les propos de son/ses interlocuteur/s et se sert de contre-arguments pour démontrer qu'il a raison. P. Oléron souligne que la justification est souvent présentée comme un type original d'argumentation. La place donnée à la justification peut trouver sa raison dans l'importance qu'elle occupe dans la vie pratique mais également dans la législation. Celle-ci exige que les décisions administratives soient clairement argumentées. Et selon cette théorie, la justification ne devrait pas être séparée de son antonyme : l'attaque ou la critique. La justification et la critique font

partie de l'argumentation et visent à faire partager la conviction de l'apologiste ou du critique ou à orienter la décision. (Oléron 1983 : 109).

L'argumentation met en jeu, d'une manière générale, une pluralité d'arguments. Au contraire de la démonstration qui est normalement unique, un argument paraît rarement assez fort pour entraîner la conviction. En invoquant plusieurs, le locuteur attend une sorte d'addition des effets qui augmentera les chances de provoquer celle-ci. Par ailleurs l'esprit critique soupçonne facilement que la multiplication d'arguments dissimule l'incapacité d'en produire un petit nombre, voire un seul qui soit vraiment convaincant.

P. Oléron déclare que les arguments sont de force inégale. La force des arguments est prise en compte lorsqu'il s'agit de déterminer leur ordre de présentation. La question que l'on se pose est la suivante : faut-il commencer par les arguments les plus forts ou, au contraire, terminer par eux ? La première démarche paraît justifiée concernant la disposition favorable de l'auditoire et son objectif, et de le rendre accueillant aux arguments qui suivent. En revanche la présentation d'arguments plus faibles à la suite risque d'atténuer l'effet des premiers, oubliés au profit de ceux qui ont peu de valeur démonstrative. L'ordre inverse paraît favoriser une marche progressive, les premiers arguments préparent à accueillir d'une manière positive ceux qui doivent entraîner la conviction. La deuxième question que nous pourrions nous poser : mais des arguments faibles présentés d'abord ne risquent-ils pas d'indisposer l'auditoire ou au moins de lasser son attention ? D'où la tendance à préconiser un ordre mixte où les arguments les plus forts sont placés au début ou à la fin, les plus faibles au milieu - ordre dit homérique.

La cohérence est considérée comme une condition nécessaire de l'argumentation. Elle constitue une sorte d'argument indirect supplémentaire. Si

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les arguments sont bien organisés et se tiennent, ils témoignent en faveur de la solidité de la thèse. D'où l'effort de l'émetteur pour assurer cette cohérence et la souligner. Inversement quand il s'agit de démolir la thèse adverse, une bonne stratégie est de tenter de montrer l'incohérence des divers arguments. Il n'est guère d'argumentation qui ne porte sur des matières prêtant à désaccord ou à controverse. Ainsi celui qui argumente ne se trouve-t-il pas simplement en face de la matière à traiter et de l'auditoire cible, mais en plus devant un adversaire réel ou potentiel défendant une position différente ou opposée. L'auditoire peut être considéré comme attaché au départ à une position qu'il est nécessaire de combattre, afin de l'amener à celle que l'on s'attache à soutenir. « L'emploi des arguments négatifs dépend de la force de l'adversaire. S'il occupe une position dominante ou égale on l'attaquera parce qu'il convient de l'affaiblir. Si ce n'est pas le cas, le silence ou au moins la discrétion paraissent appropriés. » (Oléron 1983 : 117).

4.2.2 Les connecteurs argumentatifs

Ruth Amossy annonce que le dit et le non-dit s'inscrivent dans des énoncés qui ne peuvent se développer dans l'argumentation qu'à l'aide d'instruments de liaison : ce sont les connecteurs. Ceux-ci ont été abondamment étudiés par Ducrot et les pragmaticiens situés dans sa mouvance. Les connecteurs touchent directement à l'analyse argumentative en ce qu'ils ajoutent à leur fonction de liaison une fonction de mise en relation argumentative. Les unités ainsi articulées sont de types divers, et on a souvent souligné leur hétérogénéité. Le connecteur peut opérer entre deux énoncés, entre deux lexèmes, entre de l'implicite et de l'explicite, entre énonciation et énoncé. (Amossy 2014 : 197).

Bernard Meyer déclare que l'argumentation est liée à la notion de liberté : liberté de penser, d'exprimer sa pensée, de contredire la pensée d'autrui. Celui qui aimerait convaincre est bien celui qui cherche à imposer son avis à son interlocuteur ou son auditoire. Si nous partons dans ce sens, argumenter rejoint les fonctions du verbe manipuler. Sur la scène politique le locuteur se permet de manipuler la foule afin de pouvoir passer ses idées et convictions. Dans son argumentation il se sert de mots-clés pour mettre en lumière l'importance de ses propos. « Si l'énoncé du sujet est quelque peu long, il est possible que des mots de liaison soient utilisés. Ils sont en général importants car ils indiquent un rapport essentiel entre deux termes ; il peut s'agir de la cause, de la conséquence, de l'opposition, du but et de l'hypothèse. Dans tous les cas, ils permettent de saisir un élément clé de l'énoncé. » (Meyer 2011 : 44). Les tournures sont un élément fondamental dans la construction de l'argumentation. Donc nous allons nous intéresser aux principales tournures figurant dans les discours de notre sujet d'étude. Mais d'abord nous allons vous proposer un petit rappel concernant ces connecteurs.

4.2.2.1 Les connecteurs exprimant la cause => en effet, parce que, du fait que, puisque, étant donnée que, dès lors que, d'autant que, sous prétexte que, ce n'est pas parce que, ce n'est pas que, non que... mais (parce que), à cause de, en raison de, au nom de, à la suite de, sous l'effet de, à force de, grâce à, faute de, résulter de, être dû à, dépendre de, découler de, provenir de, ressortir à...

Exemple 31 « Le projet de loi poursuit dans cette voie en clarifiant les motifs de licenciement économique, non pas pour faciliter les licenciements, comme le disent certains d'ailleurs, qui peut le croire ? mais pour donner plus de visibilité et donc favoriser les embauches en CDI. Encourager l'embauche en CDI, c'est

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aussi mieux encadrer le recours aux CDD de très courte durée. Plus de 80 % des embauches sont des contrats à durée déterminée et la moitié dure moins d'une semaine. Cela n'existait pas il y a quinze ans. Il faut donc combattre cette précarité nouvelle et c'est l'enjeu de la négociation sur l'assurance chômage. Les cinq organisations syndicales sont déterminées à ce que la future convention soit à la hauteur des enjeux et je suis confiant dans la capacité des partenaires sociaux, de tous les partenaires sociaux à assumer leurs responsabilités et à construire un système de modulation qui mette un terme à cette dérive. »31

Le locuteur déclare que le projet de loi continue sa trajectoire vers la finalisation en vue de mettre en lumière les raisons de licenciement économique. Il est question de préciser la nature de ce projet car il y a des citoyens qui pensent que cela va déclencher beaucoup de problèmes entre employés et employeurs. Selon certains ces derniers auront plus d'autorité et d'autonomie au niveau de leurs fonctions et droits. Certains croient que le nombre de contrats de travail suspendus va largement augmenter car les employeurs pourraient-ils se permettre de licencier des salariés d'une manière abusive et donc ne répondant pas à la Constitution. Certains citoyens interprètent ce projet de loi à leur façon, selon leur conception et donc ont peur de faire confiance au gouvernement car il s'agira de leur avenir et l'avenir de leurs enfants. L'orateur argumente la position du gouvernement en déclarant que l'objectif principal de ce projet de loi est la baisse du taux de chômage mais également mettre en avant les embauches en CDI. Plus de CDI est égal à plus d'emplois et respectivement moins de chômeurs de masse. Le contrat de travail à durée indéterminée garantie dans la plupart des cas une belle carrière avec une opportunité forte

31Discussion et vote de la motion de censure déposée, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de l'Assemblée, à l'Assemblée nationale le 12 mai 2016

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de gravir les échelons de la hiérarchie. Ce modèle réformiste proposé par le gouvernement tâchera de réduire les problèmes à l'égard du chômage. L'orateur affirme qu'en stimulant l'embauche en CDI, l'indemnité de fin de contrat CDD de très courte durée pourrait être plus aisément encadrée et contrôlée. Cela veut dire que l'évolution du CDI pourrait faciliter la procédure de rémunération des salariés en CDD. L'orateur nous propose des arguments en s'appuyant sur une statistique démontrant la dominance écrasante des embauches en CDD sur le marché du travail. Il est intéressant de constater que la durée de la moitié de ces embauches est inférieure à 7 jours. Le locuteur établit un parallèle entre la situation d'aujourd'hui et celle d'il y a 15 ans, en affirmant qu'avant ce phénomène n'existait pas. Cet argument devrait donner de l'espoir à tous ceux qui se revendiquent sceptiques car la réforme gouvernementale pourrait mettre fin à ce phénomène néfaste et dégradant. Et notamment pour combattre cette précarité qui préoccupe de plus en plus de citoyens en ces temps de crise financière, le sujet parlant souligne l'importance de la négociation sur l'assurance chômage. Celle-ci est définie comme « un régime d'indemnisation pour les salariés involontairement privés d'emploi. Elle fonction selon une logique d'assurance et un principe de solidarité entre les salariés. » Pour proclamer la fin de cette situation anormale, l'orateur compte sur l'entraide et la compétence des partenaires sociaux afin de réaliser ce travail collectif.

4.2.2.2 Les connecteurs exprimant la conséquence => donc, par conséquent, en conséquence, c'est pourquoi, dès lors, ainsi, aussi, de (telle) sorte que, de (telle) façon que, de manière que, si bien que, au point que, si... que, tant... que, tellement... que, assez... pour que, trop... pour que, au point de...

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Exemple 32 « L'ennemi, ce sont aussi ces individus embrigadés, ces cellules plus ou moins autonomes, plus ou moins organisées, qui peuvent agir ici, en France, au coeur de notre société. Ce sont ces ressortissants français, radicalisés, imbibés de propagande, prêts à prendre les armes pour frapper d'autres Français, prêts à retourner les armes contre leur propre pays. À ce jour le ministre de l'intérieur cite régulièrement ces chiffres, plus de 2 000 Français ou individus résidant en France ont été recensés pour leur implication dans les filières djihadistes syro-irakiennes. Depuis le début de l'insurrection en Syrie, plus d'un millier d'entre eux ont rejoint cette zone de combat. Plus de 600 s'y trouvent toujours, dont environ un tiers de femmes ainsi que de nombreux mineurs, et 167 y ont trouvé la mort. La justice et les services de police agissent sans relâche : depuis le début de l'année, Bernard Cazeneuve a rappelé ce chiffre en conseil des ministres, 74 personnes ont été interpellées au titre de leur implication dans la mouvance djihadiste ; 28 d'entre elles ont été placées en détention provisoire. »32

L'orateur rappèle que la France doit faire face également à des gens se laissant être manipulés mentalement par des filières djihadistes. Ces individus représentent une menace principale et réelle pour le pays car ils se sont installés sur le sol français. Qui plus est, il s'agit de groupes terroristes organisés ayant pour but de faire adhérer d'autres membres afin d'augmenter leur force et leur puissance. Nous pouvons comparer cette organisation terroriste à un virus mortel placé au centre de la République française. Et leur plus grand avantage réside dans le fait qu'ils peuvent attaquer à tout moment, n'importe où dans le pays et n'importe quand. Cela veut dire que la France doit être constamment aux aguets afin de pouvoir neutraliser les terroristes et

32Discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au Sénat le 16 mars 2016

empêcher de nouveaux attentats. Il convient de préciser ici que la France mène une guerre impitoyable de longue haleine. Le suspect pourrait sortir de nulle part et causer la mort de plusieurs dizaines de citoyens. Face à cela, les services de renseignement doivent doubler leurs efforts car le peuple français souhaite mettre fin le plus vite possible à cette tragédie : dire adieu à ses enfants et avoir des jours de deuil national, cela ne fait pas partie des valeurs de la République. Le sujet parlant annonce que parmi les terroristes il y a des Français, donc des traîtres littéralement dit, qui sont passés dans le camp adverse sans avoir des regrets. Cette menace venant de l'intérieur est provoquée par le fait que ces individus radicalisés sont prêts à tout au nom de leurs croyances. C'est-à-dire qu'ils sont armés jusqu'aux dents et n'attendent que le prochain ordre de leurs commandants. Ils sont devenus fanatiques à tel point qu'il ne les dérange pas de tuer leurs compatriotes, d'assassiner des enfants et de provoquer la mort des gens innocents. Ils se retournent contre leur propre pays, donc le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs n'est pas respecté. L'orateur affirme qu'au jour même de son intervention, plus de 2000 individus auraient l'intention de rejoindre le groupe djihadiste. En d'autres termes ils voulaient s'investir pleinement au nom de la lutte armée (djihad). Cette information prouve que les services de renseignement font des efforts et qu'il y a un certain résultat, mais celui-ci est insuffisant pour répondre aux attentes et aux exigences des Français. Ce chiffre élevé parle de lui-même et les responsables politiques ne doivent pas sous-estimer son importance. Le locuteur argumente ses propos en tenant compte de chiffres précis concernant la guerre menée contre le gouvernement syrien. Cette guerre ne pourrait pas se dérouler sans avoir des conséquences majeures et l'orateur a fait le point. Ce dernier souligne le fait que plus de 600 Français ou ressortissants français radicalisés se trouvent toujours en Syrie et font partie de cette guerre dévorante. Nous pouvons remarquer que des femmes et des mineurs ont négligé complètement leur vie normale dans le but

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de se consacrer à la guerre. Le sujet parlant exprime sa reconnaissance envers la justice et la police, et met en évidence leur bilan actuel concernant des suspects possibles ayant pu envisager des futurs attentats.

4.2.2.3 Les connecteurs exprimant le but => pour que, afin que, à seule fin que, de peur que, de crainte que, pour, afin de, en vue de, dans l'intention de, de peur de, de crainte de...

Exemple 33 « Moi, je ne présente pas, au nom du Gouvernement, une loi de révision constitutionnelle qui contiendrait des moyens variables en fonction de la religion de tel ou tel. Cette loi, je la défends pour protéger tous les Français, parce que ceux qui ont été attaqués, ceux qui ont été tués à Paris le 13 novembre étaient de toutes les confessions. Ils pratiquaient toutes les religions, ils appartenaient à toutes les générations et ils étaient de toutes les couleurs ! (...) Depuis le début, je cherche le rassemblement ! Depuis que j'ai soumis cette proposition au Président de la République, comme la Constitution m'y invitait, ma mission est de mettre en oeuvre ce qu'il a décidé en son âme et conscience et qu'il a annoncé le 16 novembre dernier, deux jours après les attentats. »33

Le locuteur en qualité de Premier ministre et Chef du gouvernement, tient à informer Messieurs et Mesdames les sénateurs/trices qu'il s'engage à présenter et défendre un projet de loi constitutionnelle étant en faveur des Français. Le sujet parlant justifie ses choix et ses actes en déclarant que cette loi de révision

33Discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au Sénat le 16 mars 2016

concerne tous les citoyens. Il souligne le fait que la loi s'applique selon le cas personnel de l'individu, et non pas selon sa confession religieuse. En tenant ses propos, l'orateur propose une réponse concrète afin d'éviter tout genre de polémiques ou bien de quiproquos. Et de plus son objectif n'est pas de diviser les Français en favorisant certains et en excluant d'autres. Il est nommé Premier ministre et en tant que tel ne se permettrait jamais de jouer sur la religion et les croyances de son peuple. Le sujet parlant affirme clairement, et ici nous retrouvons un argument exprimant le but, que l'adoption de cette loi augmentera d'une certaine manière le niveau de sécurité de tous les Français. Selon lui ces derniers seront mieux protégés et l'éventuelle possibilité d'un nouvel attentat terroriste sera réduite au maximum. Cette loi vise à affronter l'adversaire, le faire fuir mais surtout défendre la liberté des citoyens et les valeurs républicaines. N'oublions pas que le Premier ministre est aussi responsable de la défense nationale, même si, souvent, les grandes orientations sont fixées par le président de la République. Dans ses propos l'orateur fait référence au massacre du vendredi 13 novembre dernier et à cette date maudite pour toute la France. Par le biais de ce douloureux rappel il nous fait remarquer que parmi les victimes il y avait des chrétiens tout comme des musulmans et juifs. Le locuteur a l'intention de nous faire assimiler que les trois principales religions en France ont été gravement blessées et que avant tout nous sommes tous des êtres humains. En tant que représentant du peuple, c'est le message principal qu'il lui fait passer sous forme de discussion concernant un projet de loi constitutionnelle. Le sujet parlant insiste sur le fait qu'au jour de l'attentat du 13 novembre, les gens se sont rendus au Bataclan dans l'intention de s'amuser tous ensemble et de passer une merveilleuse soirée. Donc les préjugés au niveau de la confession religieuse, l'âge ou encore la couleur de la peau sont remplacés par une ambiance amicale et détendue jusqu'au moment de l'attaque complètement inattendue. Le locuteur annonce clairement que depuis qu'il occupe cette fonction, il poursuit la voie du

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rassemblement. (Ici une nouvelle fois nous retrouvons un argument exprimant le but). Il s'est engagé à rassembler tous les Français, malgré les différences qui pourront exister, jusqu'au dernier jour de son mandat politique. L'orateur démontre sa cohérence vis-à-vis du Président de la République, et assume pleinement sa charge confiée par ce dernier.

4.2.2.4 Les connecteurs exprimant l'opposition => néanmoins, cependant, toutefois, certes, sans doute, pourtant, en revanche, inversement, au contraire, tandis que, alors que, quand, là où, si, bien que, quoique, encore que, quand bien même., que(le)(s) que soi(en)t, quelque(s)... que, si... que...

Exemple 34 « Et puis il y a ceux pour qui la décentralisation du dialogue social, la confiance donnée aux acteurs de terrain ne sont pas un progrès et qui privilégient une vision centralisatrice dépassée, et ce alors même que, depuis trente ans, les sujets ouverts à la négociation, pour lesquels un accord d'entreprise peut adapter les principes contenus dans la loi, sont de plus en plus nombreux. Il y a, c'est vrai, une vraie opposition sur la philosophie même du texte : nous l'assumons, avec la ministre du travail, avec fierté, dans l'intérêt même des Français. Poursuivre le débat parlementaire fait courir le risque de revenir sur l'ambition du projet de loi, de renoncer à sa cohérence, d'abandonner le compromis que nous avons construit et d'offrir le spectacle désolant de la division et des postures politiciennes. »34

34Engagement de la responsabilité du gouvernement, en application de l'article 49.3 de la Constitution, sur le vote du projet de loi "Travail : nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actifs", à l'Assemblée nationale le 10 mai 2016

Le sujet parlant annonce qu'il y a des gens s'opposant au dialogue social mené au niveau local. Dans la plupart des cas il s'agira de militants et membres d'un parti politique qui s'occupent de la transmission d'informations et de donner des renseignements concernant des réformes, lois etc. Ces représentants du parti politique sont bien actifs et contribuent à la réalisation de différents projets. Ce sont toujours eux qui s'investissent pleinement sur le terrain politique. Ils ont la possibilité de discuter et parfois débattre avec des citoyens afin de les convaincre et faire adhérer à leur parti politique. Face à face, les yeux dans les yeux, le dialogue social sur le terrain propose l'opportunité à des citoyens sceptiques et insatisfaits d'exprimer leur conception et de souligner les défauts du gouvernement actuel. A titre d'exemple l'activité de porte-à-porte permet de toucher les citoyens, grâce à un contact direct. En d'autres termes c'est un dialogue entre le peuple et le gouvernement s'effectuant par le biais d'intermédiaires. Le locuteur affirme que les gens qui se revendiquent contre la décentralisation du dialogue social portent une vision conservatrice de la société et ne veulent pas accepter les nouvelles méthodes et tendances politiques. Ils n'admettent pas comme vrai l'évolution du dialogue social. Le sujet parlant veut incarner le mouvement, c'est-à-dire la réforme face à toutes formes de conservatisme. Nous pouvons saisir d'ailleurs un léger étonnement et une faible nuance d'agacement dans ses propos, il prend son temps de rappeler que depuis trente ans le nombre de sujets ouverts à la négociation a bel et bien augmenté. Cela veut dire que par le biais de compromis collectifs, le gouvernement et les parties adverses pourront établir un consensus. Cette démarche est possible parce que le gouvernement reste à l'écoute et accepte des propositions argumentées et réalistes. Par exemple selon le sujet parlant la loi Travail contient des principes accommodés à différents contrats d'entreprise. Donc ces principes permettent la réalisation des accords entre employeur et employé. L'orateur confirme la présence massive des opposants à la loi Travail et en même temps montre sa motivation et sa détermination. Il annonce qu'il

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reste aux côtés de la ministre du travail et tous les deux sont fiers de résister jusqu'au bout à tous les critiques, reproches et frustrations venant de la part des opposants. Le locuteur considère que l'adoption de cette nouvelle loi est au profit des Français et son reflet sera récemment remarqué sur le marché du travail. Le sujet parlant estime que la poursuite du débat parlementaire concernant la loi Travail provoquera des conséquences négatives, mais si il veut réformer le pays, doit être préparé à peser le risque et s'attendre à des réactions malveillantes et irrationnelles. Il s'agit d'un projet de loi assez ambitieux pouvant provoquer une division dans le pays et au sein de l'Assemblée nationale. Et lors de ce débat national les députés de l'opposition auront l'occasion d'adopter une posture politicienne répondant à leur position et leur conception de faire de la politique.

4.2.2.5 Les connecteurs exprimant l'hypothèse => si, à supposer que, en admettant que, à condition que, au cas où, en cas de, à condition de, avec, sans...

En traitant précisément et avec délicatesse les discours de notre locuteur, nous avons constaté que l'hypothèse en tant que telle et même des questions hypothétiques sont absentes. L'orateur est concentré complètement sur le moment présent, sur son engagement et sa mission. Il accepte la réalité, assume pleinement son bilan actuel et garde son optimisme car il croit à l'avenir, et notamment l'avenir de son pays et ses compatriotes. Son objectif ultime est de rassembler le peuple autour de valeurs, principes et symboles de la République française. La réalité est parfois dure mais en qualité de Premier ministre, notre sujet d'étude fait en sorte que les tâches venant de la part du Président soient accomplies et que les projets de loi soient défendus jusqu'au

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bout. Selon notre sujet parlant réformer est l'équivalent de changer positivement le pays dans l'intention d'améliorer la qualité de vie. Il s'avère logique le manque d'hypothèses dans ses propos car il reste fidèle à ses principes et convictions, reste un homme politique cohérent démontrant son talent par le biais de l'action et du dynamisme. Manuel Valls, qui incarne un personnage plutôt sévère, affirme que la politique n'est pas de spectacle mais quelque chose de profondément sérieux et dans les moments difficiles que le pays traverse, il ne peut pas se permettre de jouer sur des hypothèses.

CONCLUSION

Grâce à cette étude nous avons pu découvrir plusieurs aspects et éléments concernant la personnalité de Manuel Valls. En nous appuyant sur des discours politiques, nous avons révélé ses traits de caractère, sa manière de s'exprimer et d'argumenter, sa vision de faire de la politique mais également sa conception de la vie.

Par le biais de ses discours Manuel Valls laisse comprendre qu'il prend toujours les choses au sérieux, sa détermination et sa motivation l'exigent d'être à la hauteur de la situation et de répondre présent dans les moments de crise. Il ne se prive pas de rappeler de temps à autre que c'est lui le Chef du gouvernement et que les autres lui doivent de respect. Il est un responsable politique plutôt autoritaire qui ne supporte pas la contradiction. Il convient de bien prendre garde lors d'un débat avec lui. Les discours de notre sujet d'étude nous mènent à la conclusion que pour lui être Premier ministre de France est un grand honneur et énorme privilège. Il affirme lui-même qu'il s'agit d'une mission, en l'occurence à durée déterminée, et pendant cette période il s'engage à répondre aux attentes de ses compatriotes et à être à leur écoute. Par ses actes et ses décisions prises Manuel Valls prouve qu'il est prêt à tout afin de garantir la sécurité de son peuple. Dans les moments les plus délicats il a su garder son sang-froid et son attitude de vainqueur car son peuple avait besoin d'un soutien moral. Ce responsable politique a annoncé que cette guerre de longue haleine sera gagnée par la France. Cela veut dire qu'il ne met pas en doute la grandeur et la force de son pays mais également de son peuple. En analysant ces discours, nous découvrons un « je » affirmatif et puissant. Le locuteur veut imposer son point de vue et ses principes en se

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référant aux valeurs de la République. Par exemple Manuel Valls déclare que la laïcité, en tant que valeur républicaine, désigne la capacité d'accepter autrui tel qu'il est peu importe sa religion, son origine et sa couleur de peau.

Nous constatons que le tempérament colérique de Manuel Valls est bien présent dans la construction de son ethos. Jouissant d'une énorme confiance en lui, il réagit parfois violemment aux critiques ou aux attaques que lui sont adressées. Notre sujet d'étude peut être comparé à un volcan explosif qui pourrait exploser si lors d'un vif échange la tension dépasse les limites. Dans la plupart des cas Manuel Valls se sent provoqué par les propos venant de la part de l'opposition, et généralement de l'extrême droite. Notre sujet d'étude se sert d'arguments de poids, crédibles pour les uns et fallacieux pour les autres, pour exprimer et défendre avec ardeur sa position. Il sait que dans le domaine de la politique les mots et les arguments sont capables d'ouvrir chaque porte. Savoir manipuler la foule peut être considérée comme une qualité car l'éloquence est un art. Donc nous pouvons affirmer que Manuel Valls attire l'attention de l'auditoire à sa façon, c'est strictement personnel car chaque politicien établie une stratégie politique lors de ses interventions publiques. Parfois Manuel Valls emploie des propos affectifs mais tout dépend de la situation et surtout du public auquel il s'adresse. Par exemple s'il veut réduire la distance entre lui et les auditeurs, il doit utiliser des propos touchants afin d'attirer leur empathie. Notre sujet d'étude est un homme politique qui montre explicitement ses émotions et ses convictions. Il tient à dire la vérité aux Français, parce qu'il estime que c'est l'un de ses devoirs et engagements. Nous pouvons énoncer qu'il paraît plutôt crédible aux yeux des députés de la majorité. Manuel Valls essaie d'être transparent et correct avec ses ministres. En ce qui concerne ses électeurs, il demande d'être jugé à la fin du quinquennat.

Manuel Valls a eu la possibilité de développer son potentiel dans le domaine de la politique et de réaliser ses idées et ses objectifs. Selon nous il ne suffit pas

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d'être un bon orateur pour faire une carrière brillante dans ce domaine. Il s'agit d'un ensemble de qualités tels que : être convaincant, charismatique et pertinent, avoir du courage, ne jamais renoncer à ses buts ultimes et rester optimiste jusqu'au bout. En tant que Chef du gouvernement, Manuel Valls fait l'objet d'attaques permanentes de la part des députés de l'opposition. Il est possible qu'il sente la pression sur ses épaules mais aucun de ses propos ne révèle un tel signe. Bien au contraire, il se montre confiant et assume pleinement ses engagements. Manuel Valls mène des réformes au nom de son pays et ses compatriotes. Il considère que ces changements vont apporter des améliorations à l'égard du mode de vie des Français et vont réduire leurs préoccupations. Il se montre parfois téméraire et têtu parce que son slogan « Réformer à tout prix » provoque des mécontentements et des colères. Manuel Valls lui-même affirme qu'il compte faire des réformes jusqu'au bout. Nous pouvons interpréter ses paroles autrement. Peut-être que cette manière de faire de la politique est alimentée par son ambition et son positivisme. Peut-être que derrière ces changements se cache une meilleure vie pour tout le monde. La France est-elle prête à ces réformes globales ?

Il existe une réponse simple : le changement vient quand un pays a besoin de se débarrasser de l'ancien modèle.

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction 1

CHAPITRE 1 : L'art oratoire 6

1.1 La notion de discours dans l'espace politique 6

1.1.1 Discours oral 8

1.1.2 Discours écrit 9

1.1.3 Moyen de persuasion et d'action 10

1.2 L'ethos comme image de soi 11

1.2.1 Ethos préalable et ethos discursif 11

1.2.3 Double identité 13

CHAPITRE 2 : Ethos et identité verbale 17

2.1 Les ethos d'identification 17

2.1.1 L'ethos de « puissance » 18

2.1.2 L'ethos de « caractère » 19

2.1.2.1 La provocation et la polémique 22

2.1.2.2 Le courage et l'orgueil 23

2.1.2.3 La fierté 24

2.1.3 L'ethos de « chef » 25

2.1.3.1 La figure de « commandeur » 27

2.2 Les ethos de « crédibilité » 28

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2.2.1 L'ethos de « sérieux » 29

2.2.2 L'ethos de « vertu » 32

2.2.3 L'ethos de « compétence » 34

CHAPITRE 3. De la subjectivité dans le langage 36

3.1 Les déictiques 36

3.1.1 Les pronoms personnels 37

3.1.2 Les démonstratifs 40

3.1.3 La localisation temporelle 43

3.1.3.1 Les désinences verbales 44

3.1.3.2 Adverbes et locutions adverbiales 45

3.2 Les subjectivèmes 51

3.2.1 Les substantifs 53

3.2.2 Les adjectifs subjectifs 56

3.2.2.1 Les adjectifs affectifs 56

3.2.2.2 Les évaluatifs non axiologiques 58

3.2.2.3 Les évaluatifs axiologiques 60

3.2.3 Les verbes subjectifs 62

3.2.3.1 Les verbes occasionnellement subjectifs 62

3.2.3.2 Les verbes intrinsèquement subjectifs 64

3.2.4 Les adverbes subjectifs 65

CHAPITRE 4. Procédés langagiers 67

4.1 Les types de phrase 67

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4.1.1 La phrase déclarative 70

4.1.2 La phrase exclamative 75

4.1.3 La phrase impérative 77

4.2 L'argumentation dans la politique 79

4.2.1 Définir l'argumentation 79

4.2.2 Les connecteurs argumentatifs 84

4.2.2.1 Les connecteurs exprimant la cause 85

4.2.2.2 Les connecteurs exprimant la conséquence 87

4.2.2.3 Les connecteurs exprimant le but 90

4.2.2.4 Les connecteurs exprimant l'opposition 92

4.2.2.5 Les connecteurs exprimant l'hypothèse 94

Conclusion : 96






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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci