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L'afrique centrale face a la problematique de la securite alimentaire: la lutte contre l'insecurite alimentaire dans la zone cemac pendant la periode 2003 a 2015

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par Ghislaine Stéphanie PEFOUWO TSAMO
Institut des Rélations internationales du Cameroun - Master en Rélations Internationales 2016
  

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Keys words: -food security; - food sovereignty, -food autonomy

Introduction générale

CONTEXTE ET JUSTIFICATION DU SUJET.

Le rapport de l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) de 2015 fait ressortir une prévalence de la sous-alimentation en Afrique. Bien qu'une baisse du phénomène ait été enregistrée au cours des années 1990-1992 dans le monde, il n'a pas touché l'Afrique Subsaharienne. Le nombre de personnes sous-alimentées ne cesse d'y croître au fil des années, il est passé de176 millions en 1990-1992 à 220 millions en 2014-2016, selon les estimations1(*). De ce rapport il ressort aussi que seuls quelques régions en Afrique à l'instar de l'Afrique de l'Ouest, de l'Est et Australe se sont rapprochés des objectifs de réduction de la sous-alimentation fixés par les OMD et le sommet mondial sur l'alimentation (SMA) fixée pour 2015. En effet, l'objectif du SMA était de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentés à l'horizon 2015. Un défi qui a été partiellement relevé par l'Afrique de l'Ouest dont les rapports révèlent qu'elle a réduit le nombre de personnes sous-alimentées de près de 11 millions entre 1990-1992 et 2014-2015, malgré une croissance démographique soutenue et des périodes de sécheresse récurrentes dans les pays du Sahel2(*).

Cependant, bien que les régions d'Afrique de l'Est et d'Afrique Australe aient consacré des efforts allant dans ce sens, le taux de personnes sous-alimentés continue d'augmenter. Malgré les efforts consentis en Afrique centrale, le progrès reste très peu perceptible, et on note une augmentation presque doublée du nombre de personnes sous-alimentés dans la même période. La sous-région est donc toujours en retard par rapport aux tendances mondiales et régionales.

On part aussi du constat de la rareté des produits agricoles locaux sur les marchés de l'Afrique centrale et dans le panier de la ménagère. Le coût des denrées locales disponible, le coût est extrêmement élevé et ne le met pas à la portée des masses. Le marché africain est encombré par une multitude de produits alimentaires importés dont la qualité est quelque fois douteuse. De ce fait, le concept d'autosuffisance alimentaire sonne dans les oreilles des populations en Afrique centrale comme une fable, puis qu'elles sont vivent dans les hantises de la rareté, des pénuries et des flambées des prix des produits alimentaires sur le marché.

Les habitudes alimentaires sont de plus en plus tournées vers l'extérieur au détriment des cultures alimentaires africaines. Cette situation n'est pas sans conséquence sur les économies des Etats de la région qui, non seulement voient leurs populations exposées aux tensions des marchés internationaux, mais aussi ces dernières adoptent des habitudes alimentaires extraverties en fonction de leurs revenus. Sans toutefois oublier le taux de pauvreté et de chômage qui minent les sociétés, entrainant une situation de malnutrition et de sous-alimentation dans de nombreux ménages. Face à cette situation de crise alimentaire qui perdure en Afrique centrale, plusieurs stratégies ont évidemment été conçues en vue de mettre fin à cette endémie nutritionnelle qu'est l'insécurité alimentaire, mais les résultats restent tout de même mitigés.

Cet état de fait nous a donc incité à regarder de près cette situation et les tentatives de solutions envisagées de mise en oeuvre pour en sortir. Notre travail est donc intitulé l'Afrique centrale face à la problématique de la sécurité alimentaire : la lutte contre l'insécurité alimentaire en zone CEMAC pendant la période 2003- 2015.

I- OBJECTIF ET INTERETS.

A- OBJECTIF.

Il s'agira dans le cadre de cette étude de montrer que la prévalence de l'insécurité alimentaire en Afrique Centrale, ne relève pas seulement d'une incompétence ou d'un manque de volonté des pays de la sous-région à garantir leur souveraineté alimentaire, mais que le contexte qui a encadré la mise sur pied des programmes de sécurité alimentaire pendant cette période était un peu ambigüe pour garantir sa réalisation. Il s'agira aussi de montrer que, si les Etats acquièrent les compétences nécessaires dans le secteur agricole et des efforts sont consentis dans le domaine, des mécanismes et stratégies agricoles appropriés sont mis sur pied dans l'optique d'accroitre le rendement et la qualité des productions agricoles en Afrique centrale, l'espace pourraient venir à bout de la sous-alimentation, développer ses économies et par effet d'entrainement, contribuer à l'intégration. En effet, ce travail nous permettra de montrer que l'échec de l'atteinte de la sécurité alimentaire en CEMAC pendant la période 2003 à 2015 relève de la faiblesse de la politique agricole commune et de son faible degré d'implémentation au niveau des Etats membres.

B- INTERETS DU SUJET.

a- Intérêt scientifique

Dans ce travail il est question de procéder à une lecture analytique de la situation d'insécurité alimentaireet des stratégies de lutte développés en Afrique centrale de 2003 à 2015. Passer en revue les stratégies de lutte contre l'insécurité alimentaire en Afrique centrale à travers les différentes politiques qui concourent à la sécurité alimentaire. Mais plus spécifiquement, nous allons aller à la recherche des causes de l'existence et de la prévalence de l'insécurité alimentaire dans la sous-région en creusant dans le temps et l'histoire, afin d'avoir une orientation sur les perspectives à prescrire. Ceci se fera à travers une analyse quantitative (les résultats sous formes des données numériques) et qualitative (les différents mécanismes agricoles mis en place pour la diversité alimentaire) des données recueillis. Cette analyse qui revêt deux volets à la fois qualitative et quantitative nous semble être la plus adaptée pour ce champ d'étude car, non seulement elle permet d'évaluer la productivité agricole en Afrique centrale sur la base des PAC, mais aussi d'apprécier la proportion des efforts de lutte contre la sous-alimentation en Afrique centrale. Se faisant, l'analyse des politiques sectorielles de la région en matière d'agriculture, permet d'apporter quelques solutions au problème.

b- Intérêt économique

Le développement du secteur agricole est un pilier important pour un développement économique (radical) des Etats de la région. En renforçant les stratégies et politiques agricoles, il est fort probable que l'on accroisse les rendements. Cet accroissement de la productivité agricole permettra dans un premier temps de limiter les importations des produits agricoles, ce qui réduira le flux de sortie de la monnaie. Dans un second temps la création des industries de transformation ouvrira le champ de l'emploi, attirera les investissements étrangers, ce qui aura une incidence sur les balances des paiements. La construction des voies d'écoulement des produits permettra de redistribuer les produits alimentaires. En plus, cela permettra de renforcer le secteur privé et informel, ce dernier étant jusqu'à présent le plus rentable dans les économies africaines. Il est essentiel que les populations sachent se prendre en main, arrêtent de se figer sur les métiers de la bureaucratie. La modernisation de l'agriculture en Afrique en générale et en Afrique centrale, en particulier peut accroitre son champ d'intérêt par l'amélioration des politiques agricoles comme ce fut le cas en Chine. De même, elle aidera à faire en sorte que la population se donne aux métiers de l'agriculture, ce qui contribuera à ouvrir les champs du possible à l'auto-emploi qui est fort essentiel pour l'Afrique où les Etats ne sont plus capables d'employer.

c- Intérêt politique

L'accès aux produits alimentaires est d'une importance politique cruciale au regard des conséquences néfastes que peut produire une rareté accru des denrées alimentaire accompagné d'une inflation sévère des prix des produits de base. Les crises alimentaires sont parfois à l'origine des émeutes sociales, qui peuvent être instrumentalisés par l'opposition pour renverser un gouvernement. Cet état de fait place à côté de la souveraineté, la sécurité alimentaire comme enjeu central de la gouvernance (Note N°8- CEEAC : enjeux sécuritaire de la sécurité alimentaire). En plus, comme le conçoit le néo fonctionnaliste, le politique est au coeur de la construction de tout projet ou programme intégrateur et/ ou de développement.

d- Intérêt social

L'intérêt social que revêt cette étude réside en la capacité pour les populations de manger sain, équilibré et suffisamment. Il est important pour les populations d'Afrique centrale de disposer d'une souveraineté alimentaire. Ce concept créé et porté par le mouvement paysan international « La Via Campesina », s'entend comme « le droit des populations, des communautés et des pays à définir leur propre politique alimentaire, agricole, territoriale ainsi que de travail et de pêche, lesquelles doivent être écologiquement, socialement, économiquement et culturellement adaptées à chaque spécificité. La souveraineté alimentaire inclut un véritable droit à l'alimentation et à la production alimentaire, ce qui signifie que toutes les populations ont droit à une alimentation saine, culturellement et nutritionnellement appropriée, ainsi qu'à des ressources de production alimentaire et à la capacité d'assurer leur survie et celle de leur société3(*) ». A cet effet, l'accent doit être porté sur les cultures qui rentrent dans les habitudes alimentaires des populations d'Afrique centrale, comme nous l'avons dit plus haut, qu'il s'agit des racines (manioc, pommes de terre, taro), les céréales (mil, sorgho, blé, maïs etc.) A côté de ceci on peut ajouter les cultures de rentes telles que le coton, le cacao, le café. Mais leurs productions ne doivent pas empiéter sur la culture des produits les plus consommés comme l'a fait la Chine avec le renforcement de la culture du riz à la défaveur du coton.

II- DEFINITION ET ANALYSE DES CONCEPTS.

Ø Sécurité alimentaire

Le comité de la sécurité alimentaires (CSA)définit la sécurité alimentaire comme étant la « possibilité physique, sociale et économique (pour tous les êtres humains, à tout moment,) de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » toujours selon le CSA,La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accèsphysique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaireleurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (CSA 1996).

On a aussi une liste de définition du concept de sécurité alimentaire qui nous vient du document relatif aux concepts de sécurité alimentaire et leur aptitude à répondre aux défis posés par la croissance urbaine

· Capacité de tout temps d'approvisionner le monde en produits de base, pour soutenir une croissance de la consommation alimentaire, tout en maîtrisant les fluctuations et les prix (ONU, 1975).

· Capacité d'atteindre des niveaux souhaités de consommation sur une base annuelle (SIAMWALLA et VALDES, 1980).

· Une certaine capacité de financer des besoins d'importations pour satisfaire les consommations souhaitées (VALDES et KONANDREAS, 1981).

· La sécurité alimentaire consiste à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin (FAO, 1983).

· L'accès pour tous et en tout temps à une alimentation suffisante pour une vie active et en bonne santé (REUTLINGER, 1985; BANQUE MONDIALE, 1986).

· Un pays et un peuple sont en situation de sécurité alimentaire quand le système alimentaire fonctionne de telle sorte qu'il n'y a aucune crainte de ne pas posséder une alimentation suffisante (MAXWELL, 1987).

· La sécurité alimentaire correspond à la capacité pour toute personne de posséder à tout moment un accès physique et économique aux besoins alimentaires de base. Une stratégie nationale de sécurité alimentaire ne peut être envisagée sans assurer la sécurité alimentaire au niveau du foyer familial (PAM, 1989).

· La capacité d'assurer que le système alimentaire fournit à toute la population un approvisionnement alimentaire nutritionnellement adéquat sur le long terme (STAATZ, 1990).

· La sécurité alimentaire est assurée lorsque la viabilité du ménage, défini en tant qu'unité de production et de reproduction, n'est pas menacée par un déficit alimentaire (FRANKENBERGER, 1991).

Dans le cadre de ce travail, la définition que nous retiendrons dela sécurité alimentaire, est celle du CSA qui stipule que c'est la « possibilité physique, sociale et économique (pour tous les êtres humains, à tout moment,) de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».

III- DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE

a- Délimitation temporelle

Notre étude qui porte sur l'Afrique centrale face à la problématique de la sécurité alimentaire, se fera dans l'intervalle de temps allant de l'année 2003 après la conférence de Maputo au Mozambique, jusqu'en 2015 qui correspond à l'horizon fixée pour la réduction de moitié de la faim comme prescrit par le sommet mondiale sur l'alimentation.

b- Délimitation spatiale

Le champ d'étude de ce mémoire est limité à l'espace CEMAC en Afrique centrale. La CEMAC est un ensemble sous régional regroupant six pays dont le Cameroun, la RCA, la Guinée équatoriale, le Gabon, le Tchad et le Congo-Brazzaville.

IV- REVUE DE LA LITTERATURE

v L'importance de la sécurité alimentaire

L'équilibre global d'un pays dépend de sa capacité à offrir suffisamment de nourriture à sa population, et donc de sa capacité à assumer sa souveraineté alimentaire. Pour cela, il est crucial pour cet Etat de disposer d'un marché agricole afin d'accroitre l'offre des produits agricoles, ce qui impliquera une libéralisation progressive des marchés agricoles. Tout cela doit se faire en tenant compte des capacités des pays et des impacts des reformes sur les producteurs. En plus, il faudrait renforcer l'efficacité du marché commun par la construction des infrastructures de communication régionale ce qui permettra de renforcer le commerce intra-communautaire.

En effet, l'étude novatrice d'Amartya Sen (1981) révèle que la reconnaissance du fait qu'un approvisionnement alimentaire suffisant ne permet pas à lui seul de garantir la sécurité alimentaire, et qu'il faut aussi que les populations pauvres et vulnérables disposent d'un accès physique et économique aux denrées. Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale, septembre 2012, enseigne qu'une planification multisectorielle de la nutrition fait son apparition au début des années 1970 et établit que la privation nutritionnelle constitue un problème d'action publique, à relier à la planification économique au niveau national, et que la planification d'une amélioration de la nutrition est une composante centrale de la planification générale du développement. Il s'agit là d'une réaction à la stratégie de planification de l'approvisionnement alimentaire, qui est fondée sur l'hypothèse que si l'on parvient à imprimer à la production vivrière un rythme de croissance supérieur à celui de la population, le problème de la nutrition serait résolu4(*).

Le FAO quant à lui, dans le rapportde 1975 affirme que « la malnutrition n'est pas un simple problème de disponibilité des aliments, mais dépend de la pauvreté et du dénuement [...] l'axe principal de la planification de l'alimentation et de la nutrition doit être la réduction des causes des privations aboutissant à la malnutrition ». Ces assertions nous permettent de comprendre l'importance capitale pour l'être humain de disposer d'une sécurité alimentaire. Elles restent par contre un peu incomplètes par rapport à notre travail du fait de certain aspect comme l'impact de la sécurité alimentaire sur le développement économique qu'elle n'aborde pas et qui se trouve être l'un des axes de notre travail.

v L'agriculture comme facteur de développement économique et de sécurité alimentaire.

La plupart des auteurs placent l'agriculture en Afrique au coeur du développement économique et de la sécurité alimentaire des Etats eu égard à leur potentiel agricole et à la fertilité des sols. Ils fondent leurs convictions sur un syllogisme selon lequel, les populations africaines sont en majorité des populations rurales et les Etats eux-mêmes connaissant un très faible niveau d'urbanisation gagneraient mieux à développer leur secteur agricole, ce qui constitueraient un moyen de création d'emploi et d'accroissement du PIB à travers les échanges qu'elles développeraient.

Parmi les chantres de cette vision du développement par le secteur agricole, on peut citer l'oeuvre de René DUMONT intitulé l'Afrique noir est mal partieoù, il annonce une famine certaine dans l'espace Afrique noir au vu de la situation causée par le colonialisme et dutransfert du pouvoir des mains du colonaux africains, qui n'a pas été un ouf de soulagement pour le développement en Afrique noir. En plus, dénonçant l'enlisement insidieux de l'économie agraire du continent noir, la diminution de la productivité annuelle du travail du paysan afro-asiatique, et annonçant une avancée de la famine dans les années à venir si rien n'est fait, estime moins qu'une issue de secours ne se présente pour l'Afrique. Pour lui, le développement de l'Afrique devrait passer par la promotion du secteur agricole et de l'industrie agro-pastorale5(*).

Nous citerons aussi le nom deZECKI ERGAS, auteur de la troisième métamorphose de l'Afrique noir : Essai sur l'économie politique de l'éducation et le développement rural. Etude de cas/ Kenya, Ethiopie, Cameroun. L'auteur y dénonce la situation de famine qui prévaut dans les Etats d'Afrique noire et les différentes techniques développées dans chaque cas (pays) pour venir à bout de ces crises. Il présente plusieurs théories conçues pour booster le développement agricole et relever l'économie tout en garantissant dans une certaine mesure la survie alimentaire des populations6(*).

Hakim Ben Hammouda, auteur du livreLes économies de l'Afrique centrale 2002,soutient quel'économie des Etats de l'Afrique centrale est axée en majorité sur la production pétrolière brute pour la plupart des Etats de la région et un faible nombre d'Etat ont posé leur économie sur la production agricole. Dans cet ouvrage, il articule le développement autour de trois secteurs porteurs tels que « l'intensification de la production rurale, le développement des liens entre la filière pétrolière et les autres secteurs de l'économie et enfin, la promotion du secteur privé endogène en privilégiant son rôle et sa place dans les secteurs porteurs de la dynamique de croissance ». Le premier volet de ces secteurs porteurs fait l'objet de notre étude dans le cadre de ce travail7(*).

On ne saurait oublier l'article APE : Les enjeux du développement et de l'agriculture en Afrique centrale,de Jacob Kotcho et Martin Abegaoù, encore est rappelé la place de l'agriculture dans les économies des Etats de l'Afrique centrale. Dans cet article, les auteurs affirment que  « l'équilibre global d'un pays dépend de sa capacité à offrir suffisamment de nourriture à ses populations, et donc de sa capacité à assumer sa souveraineté alimentaire »8(*).

Il se dégage des études précédentes, l'importance de l'agriculture dans la garantie de la sécurité alimentaire des populations, et même pour le développement des économies africaines.Ce mémoireemboite le pas aux réflexions sur l'agriculture, mais puisse qu'il porte sur la problématique de la sécurité alimentaire en Afrique centrale, nous y apporterons quelques compléments qui ont trait au contexte et aux réalités de la CEMAC.

V- PROBLEMATIQUE

L'Afrique centrale est, depuis bien des années, sujette à des difficultés à satisfaire la demande alimentaire grandissante du fait d'une multiplicité des facteurs tels que l'urbanisation galopante, du désintérêt de l'agriculture par les populations jeunes, dumanque de moyens disponibles pour l'entretien des cultures, de l'infertilité grandissante des sols du fait de leur mauvaise utilisation, du changement des habitudes alimentaires des populations, qui sont de plus en plus tournées vers les produits importés9(*), du changement climatique qui influence les temps et les saisons agricoles et provoque une réduction de la productivité. Eu égard à cette situation, nous pensons qu'il est temps que les discours sur la prétenduegrande importance du secteur agricole soient traduit en actes.

Il est devenu un lieu commun d'affirmer que l'agriculture est un déterminant majeur de la lutte contre l'insécurité alimentaire et nutritionnelle10(*). Dans ce cas, elle devrait donc faire l'objet d'une attention plus sérieuse que par le passé.Cette orientation audacieuse commande la mise ensur pied de mécanismes qui permettront de booster le rendement agricole, et la création des industries agro-pastorales. Il est en effet regrettable de constater que, malgré les perspectives et les mécanismes de lutte contre la sous-alimentation dans le monde, l'incontestable potentiel agricole de l'Afrique centrale par exemple, ne la soustrait pas du palmarès des régions où règne l'insécurité alimentaire en dans le monde en générale et en Afrique en particulier. Ce qui nous amène à nous poser les questions suivantes :

Question principale : peut-on garantir la sécurité alimentaire si on ne dispose pas d'une souveraineté alimentaire ni des moyens de s'offrir une sécurité alimentaire?

Question secondaire1 : Pourquoi l'Afrique centrale a-t-elle à ce point sombré dans l'insécurité alimentaire ? S'agit-il d'une incohérence entre les PAC et les politiques de sécurité alimentaire ?

Question sécondaire2 : Sachant que la garantie de la sécurité alimentaire passe par le développement du secteur agricole et de l'agro-industrie, quels sont les enjeux de la sécurité alimentaire en Afrique centrale, dans un contexte aujourd'hui marqué par la préservation de l'environnement et les APE ? Et quelles stratégies peut-on mettre en place pour assurer la garantie d'une réduction considérable de la sous-alimentation en Afrique centrale ?

VI- HYPOTHESES

Depuis que les dynamiques de l'intégration ont été mises en branle en Afrique, la triste réalité est que les politiques et les projets fédérateurs devant servir à mener à bien cette intégration et développer les Etats se sont toujours heurtés à de nombreux obstacles qui freinent et mettent à mal l'avancée de toutes formes d'intégration. Face à ce défi, les leaders africains ont pensé à une régionalisation qui devrait aboutir plus tard à une intégration parfaite et totale de l'Afrique. Des idées comme l'harmonisation des politiques agricoles en vue de la concrétisation de cet idéal ont été élaborées avec l'appui de la FAO, et les Etats sont déterminés à venir à bout de cette situation pour le bien de leurs populations.

Hypothèse principale : L'Afrique centrale produit certes, mais en très faible quantité, insuffisant pour satisfaire les besoins et recours au moyen de l'importation de aliments pour combler le manque. Mais il existe une réalité celle de son incapacité à financer ces importations. Tant qu'elle ne pourra pas s'offrir une souveraineté alimentaire, ni disposer des moyens pour au moins importer de façon à annuler l'effet de l'inégalité du taux de l'échange sur les importations, elle ne pourra pas garantir sa sécurité alimentaire.

Hypothèse secondaire 1 : la situation d'insécurité alimentaire en Afrique centrale peut s'expliquer par un certain nombre de raisons et elle perdure jusqu'aujourd'hui, à cause d'une certaineincompétence de la part des Etats. Si le secteur agricole se développe et est appuyé par la transformation des produits agricoles de façon à les rendre accessible et à bas prix sur marché à la fois pour les populations des zones urbaines et rurales, et si les agriculteurs pouvaient vivre de leur métier, l'on parviendrait à amoindrir sous-alimentation en Afrique centrale. Il faut aussi ajouter que les Etats de la sous-région ont du mal à faire concilier les politiques agricoles communes aux politiques de sécurité alimentaire, ce qui pourrait expliquer ce retard dans la lutte contre l'insécurité alimentaire.

Hypothèse secondaire 2 : garantir une sécurité alimentaire en Afrique centrale dans un contexte marqué des contraintes externes et internes revêt des enjeux majeurs à la fois sur le plan sécuritaire, que sociale et économique. Mais, en encourageant les populations à produire et consommer les produits agricoles locaux, pourrait permettre de réduire la sous-alimentation. Il faudrait aussi diversifier les productions et établir une relation franche entre le consommateur et le producteur.

VII- METHODOLOGIE

A- CADRE THEORIQUE

Pour soutenir notre analyse, nous nous appuyons sur les théories fonctionnalistes, à savoir le fonctionnalisme et le néo fonctionnalisme. Celles-ci ne pouvant expliquer toute la complexité du phénomène que nous étudions, d'autres théories seront mobilisées, à savoir la théorie de l'interdépendance complexe, la théorie de l'inter gouvernance et la théorie de la marginalisation.

Le fonctionnalismeinitié par David MITRANY. En 1943, il écrit Workingpeace system et oriente sa réflexion sur les changements des relations internationales. Il se concentre sur les fonctions sociales des organisations internationales. Cela veut dire que le fonctionnalisme vise à répondre au changement d'échelle qui résulte d'une première technique11(*). Ici, ce sont les nécessités techniques (et non politiques) d'une société complexe qui favorisent la coopération. En d'autres termes, les problèmes qui dépassent les frontières d'un État-nation, ou ses capacités, entraînent mécaniquement la création d'institutions internationales ou supranationales appropriées. L'État est ainsi considéré comme une institution imparfaite qu'il s'agit de dépouiller progressivement de ses prérogatives, avec l'objectif final de diminuer la conflictualité interétatique afin d'arriver, à terme, à l'élimination de la guerre12(*). Plus simplement, ce courant de pensée estime que les Etats au sein des organisations internationales, doivent résoudre les problèmes qu'un Etat pris individuellement ne saurait résoudre. Bien qu'il ne prenne pas en considération la place du politique et privilégie le technocrate, il vise à la formation d'un monde pacifique où les Etats partagent des intérêts communs et luttent pour les mêmes causes. Ce point d'arrêt de la vision fonctionnaliste sera repris par un autre courant de pensé, le néo fonctionnalisme.

Le néo fonctionnalisme développé par Ernst Haas, Léon Lindberg et autres, rétablit le politique là où le fonctionnalisme le néglige. Il se fonde sur trois postulats :

· l'intégration ne se fait pas toute seule, elle ne part pas de nulle part.

· la difficulté politique des mécanismes d'intégration peut être transformée par des transferts de loyauté bureaucratique. L'élite bureaucratique joue un rôle important (les administrateurs ne représentent plus que leur Etat)

· tout le processus d'intégration est une impulsion politique.

Le néo fonctionnalisme reprendra donc les idées fonctionnalistes en les modernisant et en intégrant l'élément politique dans la théorie. De plus, contrairement au fonctionnalisme qui est pour la méthode bottom-up (du bas vers le haut), le néo-fonctionnalisme adoptera une approche top-down (du haut vers le bas) qui insiste sur le rôle des élites dans la mise en place de processus de coopération. A la loupe de ces deux courants de pensée, nous nous apercevrons tout au long de ce travail qu'autant le politique et le technocrate sont importants pour la réussite de cet idéal. Par la méthode up-dow, nous verrons la manifestation et le rôle des élites dans la formulation de politiques agricoles et dans son implémentation. Par la méthode bottom-up, nous verrons l'activité du peuple, des technocrates toujours dans la réalisation dudit programme de lutte contre l'insécurité alimentaire. Partant, tout au long de notre travail, nous allons concilier à la fois le fonctionnalisme et le néo fonctionnalisme qui sont à notre avis indivisible pour la réalisation de l'idéal qui n'est rien d'autre qu'éradiquer la sous-alimentation en Afrique centrale.

La théorie de l'inter gouvernance quant à elle est une approche qui est à mi-chemin entre le réalisme et le fonctionnalisme. Les principaux auteurs sont Stanley Hoffmann, RobertKeohane dans New EuropeanCommunity. Ces auteurs sont d'accord sur le fait que les gouvernements nationaux sont capables de mettre en place des politiques transnationales. Mais ils sont plus sceptiques en ce qui concerne la socialisation communautaire par les élites politiques. Ils remettent en avant le poids du contexte international sur les décisions politiques sur une politique d'intégration. Il y a aussi une distinction importante à faire entre ce qui relève de la souveraineté et des intérêts vitaux (high politics) et ce qui ne relève pas des intérêts vitaux (lowpolitics). C'est de ce point de vue-là, que ces auteurs considèrent qu'il n'y a pas d'intégration positive dans le domaine de la « high politics », c'est-à-dire la création de nouvelle identité supranationale13(*). Cette approche vient soutenir le combat contre la sous-alimentation menée en Afrique centrale depuis des décennies. Les programmes de lutte sont alors perçu comme des tables rondes auxquels sont invités à participer tous les Etats de la sous-région pour le bien-être des populations locales. Cela permettrait sans nul doute de venir à bout d'une crise commune en unissant les forces, chacun conservant son statut d'Etat souverain mais s'unissant pour résoudre un problème ponctuel.

La théorie de l'interdépendance complexe dont les principaux chantres sont Joseph NYE et Robert KEOHANE dans Power and Interdependence. Dans la lignée des réflexions de Joseph Nye sur les relations transnationales, il questionne la compréhension classique des acteurs non-étatiques, le rôle des techniques étatiques non militaires, et le rôle des variables économiques - le premier choc pétrolier de 1973 étant passé par là dans la politique internationale. Ces deux auteurs posent deux questions centrales :

· Quelles sont les caractéristiques majeures de la politique internationale lorsque l'interdépendance, notamment l'interdépendance économique, est importante ?

· Comment et pourquoi les régimes internationaux changent-ils?

Les auteurs y répondent en divisant le système international en deux grandes catégories : le réalisme et les interdépendances complexes. Le concept d'interdépendance complexe renvoie à l'idée que tout acteur est sensible et vulnérable aux comportements des autres acteurs du système, et réciproquement. Derrière cette définition, Joseph Nye et Robert Keohane  poursuivent l'idée libérale selon laquelle « l'attractivité du recours à la violence à des buts politiques diminue au fur et à mesure qu'augmente l'interdépendance », même s'ils tempèrent cette vision optimiste en soulignant les coûts de l'interdépendance qui peuvent se révéler selon les cas de figure plus élevés que les potentiels bénéfices d'une coopération. Ces deux catégories s'appuient sur trois dimensions fondamentales : 1) la proportion selon laquelle les États, agissant comme unités cohérentes, sont les acteurs dominants ; 2) la proportion selon laquelle la force militaire est un instrument étatique effectif et possible ; 3) la proportion selon laquelle la sécurité militaire nationale domine l'agenda de la politique étrangère. En situation d'interdépendances complexes, les sociétés nationales interagissent par des canaux multiples, sans logique hiérarchique et proprement ordonnée autour d'un agenda politique donné, la force militaire étant par ailleurs peu utile14(*). Nous nous appuyons donc sur cette approche pour montrer l'interdépendance qui existe entre les Etats de la région dans la mise en place des différentes politiques sectorielles dans le cadre de la sécurité alimentaire, et qui devront porter la voix du développement en Afrique centrale, et assurer des meilleures conditions de vie aux populations.

La théorie de la marginalisation : nous nous rangeons dans la vision de Robert Castel dans laquelle il montre la marginalisation d'un certain nombre de classes de personnes dans la société15(*). Ce sont des personnes vers qui certaines attentions du gouvernement sont portées sans aucune recherche de savoir si l'acte posé à leur endroit correspond à ce qui constitueraient leur bien-être ou pas. En effet, ils sont vus comme des sujets sur qui retombent les décisions et actions étatiques sans aucune consultation préalable de ce qu'ils en pensent ou de comment les actions doivent être menées pour leur procurer de la satisfaction. Parlant de l'aide que les Etats européens octroyaient aux classes marginalisées il dit  « l'idéal consiste à établir un rapport personnalisé entre l'instance dispensatrice et le bénéficiaire »16(*).

Cet auteur aborde aussi la possibilité d'une réinsertion des personnes marginalisées dans la société. De cette vision, nous mettrons l'accent dans le cadre de ce travail, sur une double marginalisation : en premier c'est la marginalisation des Etats à l'avènement des PAS dans la gestion des politiques sectorielles de développement, et en second lieu, la marginalisation de la volonté des populations dans les prises de décisions qui leurs sont appliquées. Une marginalisation qui n'est pas sans conséquence sur les impacts des programmes et de l'implémentation desdites décisions au niveau local et tout comme l'auteur dontnous nous inspirons, nous tentons de montrer tout au long de notre travail les avantages d'une insertion ou d'une prise en compte des volontés des populations dans l'édiction des lois et politiques qui s'adressent à eux.

B- METHODE DE RECHERCHE.

Dans le cadre de notre travail, nous nous sommes servis des données disponibles sur la question dans les livres et les articles, les rapports des organisations sur l'internet dans les bibliothèques et structures appropriées. Nous nous sommes inspirés des travaux déjà effectués allant dans le même sens que la question qui nous anime. Nous avons usé de toutes les ressources que nous avons jugées utile pour réalisation du mémoire.

VIII- ESQUISSE DE PLAN

Notre travail se décline en deux grandes parties, à savoir « La situation alimentaire en Afrique centrale de 2003 à 2015 » et « L'analyse des enjeux et des limites de la sécurité/ insécurité alimentaire pour la CEMAC et perspectives pour l'avenir ».

* 1FAO, 2015. « Vue d'ensemble régionale de l'insécurité alimentaire enAfriqueDes perspectives plus favorables que jamais ».Accra, FAO.p.2.

* 2 Ibid.p.13.  

* 3 Sécurité alimentaire - définitions et ressorts, La faim expliquée, mai 2011 cité par legroupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité, «  Note N°8 - CEEAC : enjeux sécuritaires de la souveraineté alimentaire », 467 chaussée de Louvain, B-1030 Bruxelles, 25 mai 2014, p.5.

* 4 Comité de la sécurité alimentaire mondiale, septembre 2012

* 5René Dumont, l'Afrique noir est mal partie, paris,Seuil, 1973 (1962),243p.

* 6Zecki ERGAS, la troisième métamorphose de l'Afrique noir : Essai sur l'économie politique de l'éducation et le développement rural. Etude de cas/ Kenya, Ethiopie, CamerounEtc., 1211 Genève 4, éd. médecine et hygiène, 201p.

* 7Hakim Ben Hammouda, Les économies de l'Afrique centrale 2002,Paris, Maisonneuve et Larose, 2002, 204p.

* 8 Jacob Kotcho et Martin Abega,« APE : Les enjeux du développement et de l'agriculture en Afrique centrale » Eclairage sur les Négociations, Volume 7 - numéro 6 , 28 juillet 2008.

* 9NEPAD, «  NEPAD, transformations et perspectives »,Les agricultures africaines, Nepad, novembre 2013, www.un.org, consulté le 13 septembre 2016

* 10France diplomatie, « Sécurité alimentaire, nutrition et agriculture durable »,26 février 2016, www.diplomatie. Gouv.fr (consulté le 24 Août 2016 à 12h20).

* 11 Jean-Christophe Graz, Théories des relations internationales, p.39. Document PDF consulté sur www.unil.ch le 10 juin 2016.

* 12Ibid.p.40

* 13 Graz, Op. Cit. p.40.

* 14 Nicolas Leron,  « idées »laboratoire des idées,10-10-2010, document PDF consulté sur nonfiction.fr le 09 juillet 2016.

* 15Robert Castel,  « les dynamiques des processus de marginalisation : de la vulnérabilité à la désaffiliation »  in Cahiers de recherche sociologique, n° 22, 1994, pp. 11-27

* 16 URI: http://id.erudit.org/iderudit/1002206ar

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