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Le revenu universel comme défi économique et social pour la France.

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par Sébastien Aubert
Angers - Licence 2016
  

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    2015-2016

    Licence 3 SEG

    Spécialité économie

    Le revenu universel

    Sébastien Aubert

    Sous la direction de M. Philippe Le Gall

    L'auteur du présent document vous autorise à le partager, reproduire, distribuer et communiquer selon les conditions suivantes :

     

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    Je, soussigné Sébastien Aubert,

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    En conséquence, je m'engage à citer toutes les sources que j'ai utilisées

    pour écrire ce rapport ou mémoire.

    signé par l'étudiant le 25 / 05 / 2016

    INTRODUCTION 1

    1. Un défi économique 5

    1.1. Constat économique 5

    a) Transition économique d'après-guerre et postindustrielle 5

    b) La révolution numérique 11

    c) Le phénomène du chômage de masse 14

    1.2. L'apport d'un revenu universel 16

    a) Un instrument contre la pauvreté 16

    b) L'attribution politique de la valeur 18

    2. Un défi social 22

    2.1. Un nouvel élan pour un modèle social vieillissant 22

    a) Le modèle social français 22

    b) Une crise de légitimité 23

    2.2. L'employabilité des individus 28

    2.3. Liberté individuelle, désir d'entreprendre et oisiveté 31

    a) Liberté individuelle 31

    b) Désir d'entreprendre 33

    c) Oisiveté 35

    CONCLUSION 37

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 1

    Introduction

    Le Mouvement Français pour un revenu de base1 définit le revenu universel comme étant « un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d'autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »

    Cette définition a été reprise par une proposition de résolution au Sénat pour l'instauration d'un revenu de base2. Mais une définition claire et représentative a mis du temps à émerger.

    Le premier à écrire sur l'idée du revenu universel est Thomas More3. Il l'évoque dans « Utopie » en 1516 en parlant de l'efficacité de la charité qui doit être prise en charge par la collectivité et les municipalités pour notamment lutter contre la criminalité.

    Une longue période s'écoule, puis, avec notamment un penseur de la révolution américaine, cette idée refait surface. Ce penseur, c'est Thomas Paine. En 1795 avec « Justice agraire » il défend l'idée d'une allocation avec une taxe foncière comme rente pour compenser la propriété privée de la terre. C'est notamment l'époque des lois de Speenhamland où les terres communes sont privatisées.

    En 1797, dans sa critique de Paine « le droit des enfants », Thomas Spence voulait étendre ce financement d'un impôt foncier avec comme justification la propriété de la terre et le patrimoine immobilier. L'idée de Spence est universaliste contrairement à Paine qui propose une redistribution conditionnelle.

    Charles Fourier s'intéresse aussi à ce sujet et soutient que « l'ordre civilisé doit à chaque homme un « minimum de subsistance abondante » pour avoir violé ces droits fondamentaux que sont les libertés de chasse, pêche, cueillette et pâture. » (Van

    1 Le Mouvement français pour un revenu de base est une association dont l'objectif est d'informer et de militer pour un revenu de base : http://revenudebase.info/mfrb/

    2 Proposition de résolution pour l'instauration d'un revenu de base du 2 Février 2016.

    3 Pour cet historique, nous nous appuyons sur : Van Parijs, Vanderborght, L'allocation universelle.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 2

    Parijs, Vanderborght 2005, p.13). Sa proposition reste, par contre, axée sur les pauvres. Cette proposition est notamment reprise par John Stuart Mill dans « Principes d'économie politique » qui décrit le système de Fourier comme la forme de socialisme la mieux élaborée.4

    En 1848, Joseph Charlier défend l'idée de cette redistribution au niveau national et non plus communale comme auparavant. Dans « Solution du problème social » il propose un dividende territorial pour assurer la subsistance de tous.

    Durant le XXème siècle, d'autres écrits sur le thème d'un revenu universel voient le jour. On peut citer entre autres des auteurs comme Russell, Douglas, Cole, Tinbergen, Meade, Tobin... Il n'existe cependant qu'une seule application réelle à l'échelle d'un Etat d'une allocation universelle. C'est en 1981 qu'un dividende universel est mis en place en Alaska, justifié par la redistribution de la rente pétrolière à l'ensemble des individus. Philippe Van Parijs, fervent défenseur de la mesure a créé la première organisation mondiale défendant l'application d'un revenu de base en 1986 : Basic Income Earth Network. Il a d'ailleurs personnellement contribué, avec « Real freedom for all » (1995), à appliquer sa théorie de la justice de John Rawls5 à l'allocation universelle.

    En France, l'un des principaux investigateurs contemporains de la mesure fut Yoland Bresson. C'est un économiste qui proposa, dans les années 1980, une rémunération de la valeur du temps car, pour lui, tout individu est producteur tout le long de sa vie. S'en suit quelques apparitions de l'idée générale d'une application politique d'un revenu de base dans les années 2000 avec quelques personnalités comme Christine Boutin ou Dominique de Villepin.

    4 Van Parijs, Vanderborght 2005, p.15.

    5 La théorie de la justice est explicitée dans « Théorie de la justice » (1971). « Théorie de la justice est la tentative de justification d'une conception politique de la justice valable dans une société démocratique. Cette conception politique se concluait - à partir d'hypothèses sur la manière dont les citoyens en viennent à formuler une telle conception - par l'énonciation de deux principes de justice (qui en donnent trois), le principe d'égalité d'une part et le principe de différence d'autre part.

    « Premier principe : chaque personne doit avoir un droit égal au système total le plus étendu de libertés de base égales pour tous, compatible avec un même système pour tous.

    « Second principe : les inégalités économiques et sociales doivent être telles qu'elles soient : (a) au plus grand bénéfice des plus désavantagés et (b) attachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous, conformément au principe de la juste égalité des chances. [...] ». » (Cotelette 2009).

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 3

    Mais depuis la crise, le mouvement s'étend en France avec la création du mouvement français pour un revenu de base en 2013. Il y a eu aussi : la création d'un think tank « Génération Libre » autour de cette question, d'un rapport du Conseil National du Numérique en janvier 2016 sur le travail et l'emploi à l'heure du numérique avec une recommandation de réflexion autour du revenu de base, d'une proposition de résolution au Sénat le 2 février 2016, du rapport Sirugue au Premier Ministre pour repenser les minima sociaux et la possible mise en place d'un revenu universel comme solution... En cela, nous assistons à un phénomène de diffusion de l'idée d'une allocation universelle, à l'approche de l'élection présidentielle de 2017.

    De plus, il est possible de croire à une mobilisation transpartisane. Cependant les penseurs de l'idée d'un revenu de base gardent toujours leur idéologie propre. Car cette mobilisation dépeint différents types de propositions.6 Elles sont multiples de part leurs noms : revenu universel, allocation universelle, revenu de base, revenu inconditionnel d'existence, revenu social garanti, revenu social généralisé, revenu citoyen, dividende universel entre autres, mais aussi de part leurs contenus. Il faut donc différencier des propositions qui sont de trop nombreuses fois confondues. Le salaire à vie est l'une des propositions les plus atypiques car celui-ci met en place une refonte des institutions économiques.7 Il établit la propriété d'usage, des jurys de qualification pour l'attribution d'une carrière salariale, le remplacement des banques de détail par des banques d'investissements socialisées. Le salaire à vie est en définitive une proposition qui sort du capitalisme et de ces institutions tels que le marché du travail. Tandis que la plupart des autres propositions d'allocation universelle restent dans le capitalisme et n'ont pas vocation à le dépasser mais à le réguler. Cependant,

    6 Voir Marc Heim « Un revenu social garanti pour l'Europe ».

    7Nous nous appuyons ici sur plusieurs sources : le vidéaste Usul

    https://www.youtube.com/watch?v=uhg0SUYOXjw, et deux livre de Bernard Friot : L'enjeu du salaire, Emanciper le travail.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 4

    une autre proposition reste différente des autres : l'impôt négatif8. Il existe, dans ce domaine, de grandes ressemblances avec l'allocation universelle. L'impôt négatif est toutefois, comme son nom l'indique, une forme d'impôt qui suit une déclaration fiscale. Cette somme est alors versée après les déclarations. C'est ainsi une forme d'imposition qui a pour but de remplacer les autres formes d'impositions déjà établies. Alors que pour le revenu universel, la somme est versée tous les mois quelles que soient les ressources de l'individu. Ainsi l'impôt négatif est conditionnel au revenu et sort donc de la définition d'un revenu de base.

    C'est pourquoi je vais ici me concentrer sur le revenu de base et ainsi, dans le même temps, traiter les propositions synonymes telles que l'allocation universelle ou le revenu universel. Reste que les propositions sont souvent hétérogènes en ce qui concerne la somme de l'allocation, ainsi je ne parlerai pas du financement dans mon argumentaire. Cette idée révolutionnaire implique de grands changements pour notre économie et notre modèle social. Il faut donc traiter ces deux perspectives en même temps car celles-ci sont interdépendantes pour le fonctionnement d'une économie.

    Nous allons ainsi commencer par décrire la situation économique des trente glorieuses afin de mieux comprendre les problèmes d'aujourd'hui. Nous nous concentrerons ensuite sur les modifications récentes de l'économie et en quoi le revenu universel permettrait de s'adapter à ces contraintes.

    Puis, nous nous appuierons sur la définition du modèle social français afin d'en déceler les limites. Cela nous permettra de constater les avantages du revenu universel pour converger ce modèle social corporatiste vers un modèle universaliste, tout en décuplant les capacités individuelles.

    Nous verrons ici le revenu universel comme double défi pour la France. Avec dans un premier temps, un défi économique. Puis, nous nous intéresserons au revenu universel comme défi social.

    8 Nous nous basons ici sur Milton Friedman, « Capitalisme et liberté », Marc Heim « Un revenu social garanti pour l'Europe », Van Parijs et Vanderborght « l'allocation universelle ».

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 5

    1. Un défi économique

    La situation économique française s'est profondément modifiée depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il est donc question ici de cerner ces modifications et d'apporter une possibilité de réponse aux nouveaux problèmes économiques grâce au revenu de base.

    1.1. Constat économique

    Il est important pour avoir une vision globale de la situation de notre économie de repartir des trente glorieuses pour comprendre l'économie actuelle.

    a) Transition économique d'après-guerre et postindustrielle

    Tout d'abord, après la seconde guerre mondiale une nouvelle période

    économique se développe. Elle se caractérise par un cercle vertueux entre croissance et productivité. Le progrès technique est, durant ces décennies, un facteur important de croissance et de gain de productivité. On voit alors se former un machinisme9 qui est une source importante de gains de productivité. L'amélioration des processus de production avec une rationalisation et une hausse du niveau de qualification ont aussi permis ces gains. Cette époque est aussi caractérisée par une croissance moyenne de 5,1% en France par an, ce qui est structurellement élevé et historiquement inédit. L'économie est aussi à son niveau de plein-emploi, c'est-à-dire autour de 2%.

    C'est l'âge d'or de la société de consommation et les conditions de vie s'améliorent grandement, développant une classe moyenne de masse.

    9 Généralisation et prolifération de l'emploi des machines.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 6

    Productivité horaire dans l'industrie française
    (base 100 1938)

    1898

    48

    1913

    84

    1938

    100

    1975

    360

    Source : cours Analyse de la conjoncture économique 2015-1016

    Cette période va se terminer avec les crises pétrolières de 1973 et 1979, même si l'Ecole de la Régulation trouve un début de ralentissement dès la fin des années 1960. C'est à partir de ces crises successives que le modèle de croissance des trente glorieuses se termine. Cette période laisse place à une mondialisation des flux économiques ainsi que le développement au sein des entreprises de la shareholder value. La réduction des coûts devient primordiale pour faire face à la concurrence mondiale surtout que la France n'est pas bien spécialisée. Cette dernière a commencé à être price-maker après 1986 et a perdu en gains de compétitivité. Quand la situation était bonne avec une baisse du taux de change, les prix français étaient trop faibles et nos entreprises auraient pu vendre plus cher à l'international. Quand la situation était mauvaise avec une hausse du taux de change, les prix français étaient trop élevés sur le marché mondial ce qui pénalisaient les ventes. Nous n'avons pas les prix de nos produits ou nous n'avons pas les produits de nos prix comme l'a dit Élie Cohen dans un colloque à l'auditorium de la Banque de France sur la compétitivité de l'économie française.10

    Ainsi l'ère du capitalisme mondialisé oblige les entreprises françaises à délocaliser et à remplacer le capital humain par du capital physique fixe, comme des robots industriels, et les oblige à pratiquer une réduction des coûts de transaction afin de gagner en compétitivité-prix. Les ouvriers sont donc les premiers à en pâtir.

    10 Nous utilisons cette vidéo : Comment redresser la compétitivité de l'économie française ? https://www.youtube.com/watch?v=sO7l68T04hA

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 7

    Cette baisse de l'emploi dans le secteur ouvrier dérègle le marché du travail. C'est une des explications d'un chômage de masse qui apparaît alors. D'ailleurs nous assistons toujours à une transition des emplois de l'industrie vers ceux du tertiaire mais en moindre quantité qu'auparavant. Cette transition se fait avec une précarisation des individus qui sont obligés de se reformer. N'ayant au départ que peu de qualification, cette formation est difficile, d'autant que neuf embauches sur dix se font en CDD aujourd'hui. Cela permet un meilleur ajustement pour les entreprises face à une demande qui n'est plus aussi élevée et stable que durant les trente glorieuses.

    Répartition de l'emploi par secteurs d'activités

    Source : INSEE

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 8

    L'INSEE, dans un dossier Travail-Emploi, rapporte que « le fonctionnement du marché du travail se rapproche d'un modèle segmenté, où les emplois stables et les emplois instables forment deux mondes séparés, les emplois instables constituant une « trappe » pour ceux qui les occupent. ».(Picart 2014, p.29) Cela est en totale contradiction avec ce qui existait durant les trente glorieuses où l'emploi était plus stable et où celui-ci permettait d'accéder à un niveau de consommation durable et croissant. C'est donc aujourd'hui une forme de précarisation de nombreux emplois à laquelle nous assistons.

    Production en volume du secteur de l'industrie économique

    Le Conseil National du Numérique estime qu'« entre 1980 et 2007, 29 % des destructions d'emploi dans l'industrialisation sont dues à l'augmentation des gains de productivité (et donc, en large partie aux évolutions technologiques). Entre 2000 et

    2007, cette part s'élève à 65 %. »11 Le volume de production n'a pas subi des baisses aussi significatives. Ce sont donc des pertes nettes pour le capital humain face au capital physique, ou au moins une baisse de qualité des emplois dans ce secteur. Le développement de la robotique a notamment permis d'augmenter l'intensité capitalistique dans l'industrie.

    Evolution de l'emploi hors intérim

    Autrefois, si un jeune peu qualifié entrait dans le monde du travail, il avait des chances de trouver un emploi dans l'industrie. Sa condition d'ouvrier lui permettait de vivre

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 9

    11 Rapport Conseil National du Numérique, p.7.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 10

    dignement et d'aspirer à des biens de consommation d'un niveau de vie supérieur. Il ne changeait que rarement d'emploi.

    Aujourd'hui, les emplois pourvus dans cette branche ont un recours croissant à l'intérim. Le secteur de l'automobile est l'un des secteurs qui recrute le plus d'intérimaires. La plupart des intérimaires sont jeunes comme l'expliquent les rapports de l'INSEE sur l'intérim et l'activité économique pour le Nord-Pas-de-Calais et l'Île-de-France respectivement de juin 2006 et novembre 2008. Il peut néanmoins devenir employé, mais toutes les aides à l'embauche spécifiques aux jeunes résument la situation d'un marché du travail bouché pour ces nouveaux entrants. Il est aussi fortement mis en concurrence pours ces postes sachant qu'il ne détient pas d'expérience.

    Répartition de l'emploi par catégories socioprofessionnelles

    Source : INSEE

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 11

    Cette transition des emplois est donc importante car ils sont au coeur de notre modèle économique. Néanmoins, elle s'inscrit dans le phénomène de destruction créatrice identifié par Joseph Schumpeter, avec de nouveaux emplois qui ont pu compenser les postes qui n'existent plus. Reste que ces nouveaux emplois sont plus qualifiés que les emplois précédents, ce qui amène vers une segmentation du marché du travail.

    b) La révolution numérique

    D'autre part, depuis les années 2000, une nouvelle transformation du processus de production apparaît : la transformation digitale. Elle est apparue avec le développement des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) à partir des années 1990 et s'intensifie dans les années 2000. Il semble que l'histoire économique de l'évolution des postes ouvriers, qui s'amenuisent d'années en années, se répète mais pour une autre catégorie d'individus : les employés du tertiaire. Ils se sont déjà adaptés au progrès technique, comme avec la suppression des dactylographes par exemple. Néanmoins cette révolution digitale change profondément nos processus de production et les postes de chacun, notamment pour les métiers plus qualifiés qui étaient autrefois épargnés. D'après le rapport de Roland Berger « Les classes moyennes face à la transformation digitale », 42% des emplois sont potentiellement automatisables dans les vingt années à venir. Des exemples concrets de cette transformation sont déjà à l'oeuvre comme dans le journalisme, avec des logiciels qui peuvent écrire des articles de journaux simples. Les tâches les plus difficiles qui ne pourront pas être automatisées seront donc le coeur des métiers, creusant le fossé déjà présent entre les différents types d'emplois. C'est un phénomène qui restructure les emplois qualifiés en emplois ultra-qualifiés et en nombre moindre.

    Le métier de courtier est un très bon exemple du changement significatif qui s'opère dans les métiers qualifiés. Comme le montre encore le rapport de Roland Berges : « Plusieurs innovations technologiques ont permis des gains de productivité majeurs dans le secteur : la distribution et gestion de portefeuille en ligne, ou l'accès et

    comparaison facile de l'offre de plusieurs assureurs via des sites spécialisés et accessibles par tous. Plus encore, le coeur de l'activité de courtage peut maintenant être géré de manière automatique avec le courtier en ligne ».12

    Ce sont donc des emplois du tertiaire qui sont désormais touchés par ce nouveau processus de transformation. C'est ainsi principalement la classe moyenne qui va en pâtir car elle occupe, pour la plupart, ces postes. Nous sommes donc face à un changement majeur, comme la transformation de l'industrie auparavant. Les Etats-Unis ont notamment largement investi dans les NTIC avec par exemple les GAFA, c'est-à-dire les quatre géants du web que sont Google, Apple, Facebook et Amazon. Nous pouvons constater que la répartition des revenus a déjà changé « la part de richesse nationale du premier quintile est passé de 44% à 51%, et de 17% à 22% pour les 5% les plus riches. A l'autre extrémité, la part du dernier quintile a peu évolué (de 4,2% à 3,2%). Ce sont les quintiles intermédiaires, qui constituent les « classes moyennes », qui ont fait les frais de concentration de la richesse. »13

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 12

    12 Rapport Rolland Berger, p.6-7.

    13 Rapport Rolland Berger, p.15.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 13

    Part des adultes selon le revenu définissant la classe social

    Source : http://www.pewsocialtrends.org/2015/12/09/the-american-middle-class-is-

    losing-ground/

    Il serait intéressant de voir l'évolution pour la France qui a commencé plus tard le développement de ces NTIC.

    De plus, même l'ubérisation naissante pourrait être affectée par ce changement. Les chauffeurs de taxis Uber ont été victime d'une précarisation de l'emploi. Ils pourraient maintenant voir leur radiation complète du processus productif. En effet des voitures autonomes sont en développement avancé et pourraient, à terme, remplacer le chauffeur de bus ou de taxi. Google l'a bien compris et siège au conseil d'administration d'Uber. Le véhicule autonome semble être « l'épée de Damoclès » au-dessus de la tête

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 14

    des chauffeurs Uber, déjà victimes de la baisse structurelle et de la précarisation des emplois.

    C'est pourquoi, face à ces transformations, le revenu de base peut devenir un filet de sécurité d'une évolution économique encore incertaine. La destruction créatrice de la révolution digitale pourrait écarter encore plus d'individu du marché du travail, ou au moins les écarter d'un emploi stable et rémunérateur.

    c) Le phénomène du chômage de masse

    D'une part, il existe un autre phénomène récent qui change les rapports de forces au sein de notre économie. Ainsi, le chômage de masse est une réalité préoccupante. Il se situe à 10,5% en janvier 2015. Il exerce une pression constante sur la vie économique. Les politiques de l'emploi désespèrent de le faire baisser structurellement depuis les années 1980.

    Le pouvoir de négociation des salariés peu qualifiés se restreint.14 Le partage de la valeur ajoutée est un symbole fort de ce changement. Le partage de la valeur ajoutée était de 71,2% pour le travail en 1981.15 Après le revirement libéral international et le tournant de la rigueur français16, ce partage est désormais de l'ordre de 60% pour le travail selon les derniers chiffres de l'INSEE.17 Un chantage à l'emploi se développe dû à ses conditions économiques nouvelles. Il y a notamment le développement du temps

    14 Voir Marc Heim « Un revenu social garanti pour l'Europe ».

    15 Xavier Timbeau, Le partage de la valeur ajoutée en France.

    16 En 1983 sous le gouvernement Mauroy, la France décide de changer de politique économique en suivant ses voisins vers une économie de marché libéral afin de stopper la chute du franc. Cela induit : la privatisation d'entreprises publiques, dérèglementation des marchés, volonté de diminuer le déficit public et d'être exportateur net.

    17 Partage de la valeur ajoutée à prix courants en 2014.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 15

    partiel contraint et des travailleurs pauvres18. Cela pousse les individus à tout faire pour garder un emploi. Il en résulte la hausse croissante des maladies professionnelles reconnues, la hausse des charges lourdes à porter ainsi que les mouvements douloureux, la hausse des horaires atypiques...19 Partant de l'hypothèse que le plein-emploi est derrière nous et que nous ne pouvons donner à chacun une place au sein du marché du travail, permettre le versement d'une allocation universelle n'obligerait plus les individus à rechercher activement un emploi pour recevoir une indemnisation chômage. Ils auront ainsi la possibilité d'allouer leur temps à des activités plus intéressantes. Ce revenu de base leur permettant d'avoir un certain niveau vie. S'ils veulent plus alors ils seront incités à rechercher un emploi.

    D'autre part, une allocation suffisante doit être mise en place. En effet si cela est le cas, les individus auront le choix de ne pas se tourner vers des emplois abrutissants, contre leurs valeurs, ou qui ne leur apporte pas de perspectives d'avenir. « Tenus par une crainte de la déchéance, qui est produite par une dépendance monétaire instituée, nous acceptons n'importe quel emploi, même dégradant, inutile, nuisible et sous-payé, nous n'avons pas le pouvoir de refuser. Nous entrons en concurrence pour des miettes, et pour des activités dont le sens et la finalité nous échappent ou nous répugnent. La valeur travail intervient alors pour travestir le triste calcul du moindre mal en réjouissant accomplissement de soi, au travers de ce qui doit être vécu comme valeur et non comme contrainte. Le revenu garanti institue pour tous la possibilité d'une fuite, hors de l'alternative infernale emploi / misère, critique la valeur travail dans sa fonction de travestissement de la contrainte. C'est rendre à la contrainte toute sa dimension négative réelle, en tant qu'expérience d'une diminution de notre puissance d'agir. »

    (Ceccaldi 2006, p.3) De plus, si une allocation satisfaisante est votée, cela ne
    subventionne pas les emplois dégradants ou les emplois qui obligent les individus à agir dans le sens contraire de leurs propres convictions, et donc celles de la société le plus souvent.

    18 Pour plus d'information sur la pauvreté laborieuse voir : Clerc Denis, « Quand le travail rend pauvre. », Transversalités 4/2011 (N° 120), p. 75-86.

    19 Exemples tirés de Guillaume Sylvestre, Conditions de travail en France.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 16

    Nous pouvons aussi penser que sachant que l'homme désire ce qu'il ne peut avoir, il y aura toujours dans notre société de consommation une grande partie des individus qui rechercheront un emploi pour avoir ce niveau supérieur de consommation qui dépasse les besoins primaires, ou pour tous simplement avoir une interaction sociale.

    1.2. L'apport d'un revenu universel

    Il est maintenant question de l'apport économique de l'application d'un revenu universel à l'échelle française comme lutte contre la pauvreté et comme changement significatif dans l'attribution de la valeur.

    a) Un instrument contre la pauvreté

    La première caractéristique d'une allocation universelle est avant tout de s'attaquer directement à la pauvreté. Actuellement, deux tiers des personnes qui pourraient recevoir le Revenu de Solidarité Active (RSA) socle ou d'activité ne le réclament pas. Cela pose un véritable problème quant à l'efficacité économique des politiques publiques de soutien à la lutte contre la grande pauvreté. En 2013, plus de deux millions de personnes vivaient sous le seuil de 40% du revenu médian (environ 670€ par mois) selon l'INSEE, même si ce chiffre peut être imputé en partie par la crise de 2008. Les formes de pauvreté ont aussi évolué avec des individus sans domicile fixe qui travaillent ou encore des jeunes qui sont de plus en plus visés par la pauvreté mais auquel RSA ne s'adresse pas.20

    En outre, il existe une réelle stigmatisation liée au fait de devoir faire une demande et d'être ainsi catalogué comme étant assisté. Les conditions aux aides sociales

    20 Une réflexion autour de ce problème est engagée dans le Rapport Sirugue (avril 2016). Repenser les minimas sociaux, Vers une couverture socle commune. P.4, p.47-49, p.128.

    s'immiscent souvent dans la vie privée des individus, en demandant des informations détaillées sur la personne avec laquelle nous vivons par exemple.21 Cela pose notamment un problème d'ordre moral, d'intrusion. Grâce au revenu universel, les individus n'auront pas à dévoiler leur intimité et ils n'auront pas à se sentir dégradés non plus. Ce revenu étant personnel et inconditionnel, il ne nécessite ni demande préalable, ni parcours administratif long et pénible.

    Une partie de la fiche de demande de RSA

    Source : https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa15481.do

    Donner un revenu à tous permettrait d'être plus efficace que le RSA actuel pour lutter contre la pauvreté. Du point de vue administratif, des coûts de contrôle et des erreurs pourraient être évités dans cette simplification du maquis des aides sociales actuelles. Ainsi le RSA serait supprimé, tout comme d'autres aides devenues inutiles comme les allocations familiales.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 17

    21 Nous nous appuyons ici sur LIBER, un revenu de liberté pour tous, p.47-49.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 18

    Un autre problème est qu'à partir du SMIC, les aides sociales décroissent ce qui est une trappe à l'inactivité.22 A quoi bon accepter un emploi mieux payé si l'on perd des aides sociales, ce qui au bout du compte fait perdre de l'argent ? Il en va de même pour l'arbitrage emploi/aides sociales. Si on accepte l'emploi et que celui-ci est dégradant, qu'il y a de mauvaises conditions, bénéficiera-t-on toujours des aides une fois ce travail terminé ?23 C'est une attitude rationnelle pour un individu averse au risque où les gains espérés sont inférieurs aux gains actuels.

    En ce sens, le revenu de base permet de supprimer la trappe à l'inactivité car le revenu du travail s'ajouterait directement à celui du revenu de base.

    Les modèles sociaux des pays scandinaves, universalistes comme l'idée du revenu universel, sont aussi ceux qui ont les meilleurs résultats en termes de réduction de pauvreté plutôt que les pays qui visent spécifiquement une population dans l'aide sociale, tels que les pays libéraux comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne.

    En définitive, le revenu universel porterait un coup d'arrêt à la grande pauvreté, même si son coût peut être dissuasif. Néanmoins le coût de la pauvreté et le coût de l'inégalité sont supérieurs aux données chiffrées monétairement pour une société.24

    b) L'attribution politique de la valeur

    Par ailleurs, le travail est au coeur de notre société, guidant le système de redistribution et la structure social. Néanmoins, « Le lien entre travail et redistribution des richesses a toujours guidé les politiques publiques ; ce lien est aujourd'hui à

    22 Une description de ce phénomène est dans LIBER, un revenu de liberté pour tous, p.31-32.

    23 Van Parijs et Vanderborght décrivent cette incitation dans L'allocation universelle, p.62.

    24 Pour la démonstration, nous nous basons sur Richard Wilkinson, Kate Pickett, Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous.

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    questionner »25. Cette phrase tirée du rapport du Conseil National du Numérique nous montre une prise de conscience de la situation économique et de la nécessité d'innover face à des politiques publiques inadaptées. Lorsqu'il n'y a plus assez d'emploi, décorréler le revenu de l'activité productrice de valeur économique est une solution envisagée. Il est impossible de dissocier complètement le revenu du travail car le travail est la source de la production de valeur.26 Il faut produire pour qu'il y ait une redistribution par le revenu ensuite.

    Mais l'attribution de la valeur reste politique, car la valeur d'un bien économique est une partie du travail social réalisé, du travail collectif, comme le soulignait Karl Marx. Il y a aujourd'hui une ambivalence entre le travail anthropologique, l'accomplissement d'une tâche, et le travail capitaliste, aliénant. L'idéologie capitaliste nie le travail anthropologique, qui n'est pas dans le marché, qui ne produit pas de valeur économique. Par exemple le poste est porteur du salaire. Il faut qu'un individu soit employé pour qu'il commence à produire de la valeur et soit payé. Nous nions ainsi la création de valeur d'usage hors-marché, qui est pourtant porteuse de valeur pour la collectivité mais non définie comme telle car non rémunérée par le marché en retour.

    Or, la validation sociale de la valeur peut passer par le marché, mais aussi par décision politique, collective. Ainsi, l'attribution politique du travail productif permet de donner à chacun une allocation universelle en signe de reconnaissance à la création de valeur d'usage pour la société, même en dehors du marché. Le bénévolat pourra être pratiqué sans contrainte d'intégration au marché, ou demande d'aides sociales ; celui-ci serait reconnu comme activité productrice ce qu'il est en définitive. Cependant, la notion de travail productif risque d'être difficile à libérer du travail productif selon le capitalisme, c'est-à-dire un travail qui permet la création d'une plus-value.

    De plus, il existe des difficultés à établir les limites de cette valeur créée. Une personne qui regarde la télévision toute la journée ne produira pas de valeur d'usage pour la société. Mais nous pouvons considérer qu'elle utilisera cette activité pour enrichir son

    25 Rapport du Conseil National du Numérique, p.176.

    26 Nous utilisons pour cette partie la conférence de Harribey et Friot : La Loi de la Valeur.

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    capital, ou pour tisser du lien social par la suite.27 Il faudra donc une création de valeur d'usage définie collectivement, condition sine qua non de valeur comme fraction du travail social. Nous pouvons prendre comme exemple ici le vidéaste sur internet. Il ne peut mener à bien son projet, ou vivre pleinement de son activité productrice seulement avec la rémunération du marché, c'est-à-dire, le revenu de ses vidéos. C'est pourquoi il fait appel à une forme de mécénat organisée autour d'une plateforme, par exemple Tipee. Les spectateurs financent ainsi ce vidéaste pour qu'il puisse vivre de cette activité utile socialement, car créant du lien social et de la culture. C'est une forme d'allocation mise en place pour soutenir des activités considérées comme importantes pour une collectivité.

    Le revenu universel peut donc s'adapter à ces nouvelles activités numériques. Il est possible de s'accorder sur le fait que l'Homme à un désir de faire, d'entreprendre ; à la société de faire en sorte que ce désir soit en adéquation avec l'intérêt collectif, c'est-à-dire, avec une division du travail économiquement viable.

    En outre, le revenu de base ne supprime pas l'emploi. Il apporte une contrepartie à une activité productrice, non considérée par le marché. En soi le marché et le revenu de base sont complémentaires, chacun se spécialisant dans une forme de travail non prise en compte par l'autre.

    27 On peut penser ici à l'exemple que prend Friot dans L'enjeu du salaire et qu'il reprend dans la conférence sur la Loi de la Valeur au fait que des ouvriers produisent des médicaments Médiator qui tueront des individus. Pour la collectivité cette production est nuisible, tandis que pour le marché elle a la même importance que toutes les autres. On pourrait prendre aussi l'exemple de la production de tabac. On retrouve ces questions avec Mylando et Harribey au sujet du joueur de belote sur la validation social formelle ou informelle de la création de valeur.

    Le constat synthétique de la situation économique est que « Ces trois dernières décennies, la part du revenu national constituée des salaires et avantages accessoires au salaire - la part du travail - a diminué dans la quasi-totalité des pays de l'OCDE. Ce chapitre, consacré à l'explication de cette baisse, met en évidence le rôle de facteurs tels que la hausse de la productivité et l'accroissement de l'intensité capitalistique, l'intensification de la concurrence nationale et internationale, l'affaiblissement du pouvoir de négociation des travailleurs et l'évolution des institutions de la négociation collective. Le recul de la part du travail est allé de pair avec une augmentation des inégalités de revenu marchand, de nature à mettre en péril la cohésion sociale et à ralentir le rythme de la reprise en cours. »28 C'est pourquoi l'apport du revenu universel permet d'entrevoir une modification profonde de ce constat et de penser autrement les solutions qui sont à notre disposition. Il permet de lutter ardemment contre la pauvreté et contre le chantage à l'emploi. Il modifie ainsi notre économie pour l'ajuster aux nouvelles contraintes du numérique et de la précarisation de l'emploi, tout en gardant une sécurité de revenu.

    Nous allons maintenant voir, qu'au-delà de ce défi économique pour la France, le revenu universel constitue aussi un défi social important.

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    28 Rapport OCDE p.117.

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    2. Un défi social

    L'application du revenu universel en France ne peut s'abstenir d'une réflexion sur le modèle social, et sur les conséquences pour le citoyen et les rapports sociaux.

    2.1. Un nouvel élan pour un modèle social vieillissant

    Afin de comprendre au mieux les enjeux sociaux d'une telle mesure, il faut commencer par décrire le modèle social français.

    a) Le modèle social français

    La mise en place d'un revenu universel en France est un défi social important. En effet, les difficultés économiques françaises sont imputées en partie au modèle social.29 Il s'appuie sur le programme des réformes économiques et sociales adoptées par le Conseil National de la Résistance à la sortie de la seconde guerre mondiale. Son but est de protéger les travailleurs contre la perte de revenu que peuvent engendrer le chômage, la maladie, la vieillesse et les charges familiales. La protection sociale est basée sur les travailleurs employés qui, grâce aux cotisations, redistribuent à ceux qui n'ont pas d'emploi.

    Il se rapproche d'un modèle conservateur, ou continental, selon Esping-Andersen30. Il est caractérisé par un fort corporatisme, une réglementation importante, un fort niveau d'imposition et de dépenses publiques, ainsi que des inégalités assez élevées avec un taux de chômage structurellement élevé.

    29 Algan, Cahuc et Zylberberg développent l'idée que les institutions sont au coeur du dysfonctionnement économique et qu'elle crée elles-mêmes de la défiance : La fabrique de la défiance.

    30 Nous nous appuyons sur Esping-Andersen. Les trois mondes de l'Etat-providence : Essai sur le capitalisme moderne.

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    Ce modèle englobe aussi les assurances sociales collectives financées par le travail (retraite), des prestations de soutien financées par les impôts et taxes (allocation chômage, allocation familiale) et les services publics gratuits et universels (éducation, santé). Il est aussi élargi au droit du travail français, au rôle des organisations syndicales dans la gestion des caisses d'assurance sociale...

    En outre, le modèle social peut être principalement défini par son corporatisme, comparé à d'autres systèmes de protection sociale. Chacun défend l'intérêt de son statut sans l'idée d'un compromis ou d'une vision commune. Les prestations sont accordées selon la vie professionnelle des individus. Les aides sont ainsi fortement liées au travail, à la situation familiale... La redistribution faite par l'Etat-providence français est faible, encourageant les clivages entre statuts. Esping-Andersen résume le modèle conservateur comme ceci : « les principes fondateurs du corporatisme sont une fraternité basée sur l'identité statuaire, l'adhésion obligatoire et exclusive, le mutualisme, et le monopole de la représentation. Reporté au capitalisme moderne, le corporatisme est typiquement construit autour de groupement de métiers cherchant à faire respecter les distinctions de statuts traditionnellement reconnues et à les utiliser comme lien organisationnel pour la société et l'économie. » (Esping-Andersen 1999, p.81) En France le statut spécifique des régimes de retraite spéciaux pour la SNCF, la Banque de France, l'Opéra de Paris, ou encore les nombreuses niches fiscales comme celles accordées à la presse en sont des exemples marquants.

    Ainsi le modèle français repose sur le statut salarié permettant le prélèvement de cotisations sociales qui peuvent être ensuite redistribuées.

    b) Une crise de légitimité

    Cependant, nous assistons à une crise sévère de cette forme d'Etat-providence, qui est plus que jamais remis en question et attaqué pour son caractère coûteux et

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    inefficient. Sa réforme est soutenue par des partisans actifs.31 Le désir de flexibilité économique actuel est divergent du modèle social français conservateur. Le Président lui-même met en place des mesures pour adapter le système actuel vers la fléxicurité à la française : « Voilà notre défi. Il s'agit de redéfinir notre modèle économique et social. Alors, entre le libéralisme sans conscience et l'immobilisme sans avenir, il y a une voie qui s'appelle « la société du travail », du travail encouragé, du travail valorisé, du travail respecté. Le travail est notre valeur commune, et l'emploi notre responsabilité partagée. L'objectif, c'est plus de liberté pour l'entreprise pour investir, pour innover, pour créer des emplois, mais aussi plus de liberté pour le salarié pour choisir son métier, sa formation, la conduite de sa vie professionnelle. L'objectif, c'est aussi plus de sécurité pour l'entreprise, pour embaucher, pour adapter son effectif lorsque les circonstances économiques le demandent, mais aussi plus de sécurité pour le salarié face aux mutations et à la mobilité. » 32

    Mais notre modèle social n'est pas le seul à être remis en question, avec nos voisins qui subissent aussi depuis plusieurs années un retrenchmenti33. Il y a une baisse des dépenses publiques à l'heure de la crise de la dette et d'une période de croissance faible notamment pour retrouver un déficit budgétaire de 3% imposé par l'Union Européenne, chiffre qui n'a d'ailleurs jamais été démontré.34

    Néanmoins, ce modèle social fut construit dans une période différente de la nôtre. Le fordisme était un modèle d'économie dissemblable de notre économie actuelle. Désormais nous sommes entrés dans un capitalisme cognitif, une économie de la

    31 Nous nous inspirons de « Le « modèle social français » (est à bout de souffle) : genèse d'une doxa - 2005-2007. ».

    32 Voeux de 2016 du Président aux acteurs de l'entreprise et de l'emploi.

    33 Réformes depuis la fin des années 1990 visant le retrait de l'Etat-providence avec des réductions des dépenses sociales. Pour plus d'information sur cette notion : Palier Bruno, La politique des réformes dans les États providence bismarckiens.

    34 L'explication est donnée dans le reportage : La dette, chronique d'une gangrène. Les 3% sont un argument de communication pour rendre plus compréhensible et amoindrir le déficit français. Ils permettent notamment d'avoir un objectif politique simple. Ce chiffre n'est donc pas issu d'une argumentation économique.

    connaissance globalisée.35 L'innovation y détient une place centrale avec un rythme toujours plus soutenu. Les activités sont de plus en plus intensives en connaissance et le rôle de l'information devient crucial. Les agents doivent s'adapter ainsi à un environnement mouvant. Il y a de nouveaux risques liés à une carrière entrecoupée de chômage, des jeunes qui entrent difficilement sur le marché du travail, des jeunes familles touchées par la précarité (et monoparentales), des séniors qui sont laissés au chômage en attendant leur retraite... Toutes ces nouvelles préoccupations ne sont pas prises en compte par le système actuel. Le cas du RSA est flagrant. Il n'est pas attribué aux personnes de moins de 25 ans alors que la pauvreté chez les jeunes n'a cessé de croître.

    Source : http://www.observationsociete.fr/en-dix-ans-le-nombre-de-pauvres-de-

    moins-de-30-ans-augment%C3%A9-de-plus-de-50

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    35 Pour une définition plus poussée voir Foray Dominique, L'économie de la connaissance.

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    Or comme le soulignait André Gorz, « Quand le processus de production exige de moins en moins de travail et distribue de moins en moins de salaires, l'évidence, progressivement s'impose à tous : il n'est plus possible de réserver le droit à un revenu aux seules personnes qui occupent un emploi ni, surtout, de faire dépendre le niveau de revenu de la quantité de travail fournie par chacun. D'où l'idée d'un revenu garanti indépendamment du travail, [...], à tout citoyen et à toute citoyenne. » (1988, p.7)

    C'est ainsi que la mise en place d'un revenu universel permettrait une première refonte du système de protection social, mais aussi de tout le modèle social. Il ne semble pas y avoir actuellement de véritable stratégie de réforme pour le modèle social français, excepté la flexicurité à la française mais qui est d'initiative européenne36. L'allocation universelle est une façon forte de développer une véritable réforme du modèle social. De même elle permet de s'attaquer simultanément à de nombreux problèmes comme le changement de structure de l'emploi ou la précarisation de nombreuses personnes, mais aussi d'ouvrir la voie vers une société moins corporatiste. Elle autorise donc une restructuration de la politique d'aide sociale vers un principe plus égalitaire, permettant notamment une meilleure mobilité sociale. Le constat de la théorie de la reproduction sociale37 formulée par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans « Les Héritiers » (1964) puis dans « La Reproduction » (1970) est toujours d'actualité en France. Reste que l'inertie française dans ses réformes est une variable qu'il faut prendre en compte avec une réforme aussi bouleversante que celle-ci.

    Car pour l'application durable d'un revenu de base en France, il faut refonder les valeurs sociales sur lesquelles les individus sont éduqués. En France, il existe une défiance entre les individus comme en témoigne la piètre qualité du dialogue social, qui n'est pas basé sur la négociation mais sur l'affrontement, la lutte. L'Ecole est aussi compétitive et individualiste. Les modèles sociaux nordiques témoignent de valeurs

    36 Il est question du développement de cette notion par la Commission européenne avec Caune Hélène, « Le modèle danois et la flexicurité européenne. Une « stratégie à deux bandes » de persuasion par l'expertise».

    37 Phénomène par lequel les positions sociales se transmettent, dans une certaine proportion, de la génération des parents à celle de leurs enfants, en raison d'une faible mobilité sociale.

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    différentes des nôtres avec une forte cohésion sociale, ainsi qu'un dialogue social apaisé. Les objectifs de l'Ecole nordique sont significativement différents de ceux de l'Ecole française, même si l'écart pourrait se résorber.38 « L'organisation de l'école française autour du culte du professeur commence dès la petite enfance. La maternelle est une préparation aux compétences scolaires attendues dans les cycles primaires puis secondaires. Des objectifs en termes de connaissances sont posés à l'avance, dans le but de préparer les enfants dans les champs littéraires et scientifiques. A l'inverse, les pays nordiques et d'Europe centrale suivent un modèle où les premières années de l'école primaire déclinent une vision « holistique » de l'enfant et de son développement. L'éducation est conçue comme un ensemble, indissociable de la vie en commun »39 .Il existe dans ces sociétés une confiance mutuelle et un esprit civique commun difficilement observable en France. C'est pourquoi ce changement ne peut s'opérer que sur une temporalité de moyen voire long terme. La Finlande prépare d'ailleurs une expérimentation d'un revenu de base dans des régions fortement touchées par le chômage.

    Néanmoins, l'adaptation à une nouvelle norme du travail peut poser des problèmes dans une société où la valeur travail est prédominante. Accorder une rémunération à quelqu'un qui n'a pas une contribution directement visible par autrui peut accroître la défiance et engendrer un sentiment d'injustice, surtout si la norme reste comme elle est aujourd'hui. Un changement de vision de la part de la population devra être effectué, entre autre avec l'Ecole. Mais ce changement de conceptualisation du travail risque d'être extrêmement difficile à l'époque où le néo-libéralisme mondial règne.

    Par conséquent le revenu de base serait ainsi un compromis institutionnalisé entre les citoyens acceptant de collectivement accorder une valeur à des activités auparavant considérées comme non productives. Cela permettrait de se libérer partiellement du chantage à l'emploi et ainsi de libérer le travail. Dans la lignée du mouvement de la création de la sécurité sociale, le revenu de base protègerait les individus des nouveaux

    38 A noter la récente loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'Ecole de 2013.

    39 Algan, Cahuc, Zylberberg. La fabrique de la défiance.

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    risques de la vie, tout en leur permettant d'être plus libres dans leur décision d'épanouissement.

    2.2. L'employabilité des individus

    D'une part, cette réforme révolutionnaire remettrait en cause le règne de la valeur travail, sachant que le chômage est devenu un nouveau phénomène de masse. La progression du chômage de longue durée (actifs au chômage depuis plus d'un an) est importante depuis les dernières décennies. C'est maintenant quatre dixièmes des chômeurs qui sont de longue durée, soit 1.1 millions en 2015 contre 780.000 en 2005 (source INSEE). Sachant même que cette statistique ne reprend pas les chômeurs ayant retrouvé un emploi ou un stage pour une courte période car le comptage repart alors de zéro. Désormais, « il demeure que, pour un nombre croissant de chômeurs, le lien avec l'emploi est tout à la fois incertain et indispensable, improbable et nécessaire, fragile et incontournable. » (Demazière 2006, p.57)

    Nombre de chômeurs au sens de l'ancienneté selon BIT

    Source : http://www.coe.gouv.fr/IMG/pdf/COEChomagedelonguedureeRapport-versionfinale-2.pdf

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 29

    D'autre part, l'employabilité est devenue une notion économique importante.40 Elle est devenue un objectif de la gestion des ressources humaines. Cette employabilité recherchée par les entreprises est maintenant un dessein pour les administrations responsables de la gestion des demandeurs d'emplois. Elle est la condition d'accès à l'emploi, au plus près des attentes du marché du travail (adaptation, motivation, performance...). L'emploi est au coeur de notre société qui se régit, s'organise par lui. Si on est chômeur, notre place dans une société où l'on se définit soi-même, et où les autres nous définissent par le travail est alors un problème. Les individus doivent ainsi améliorer leur employabilité d'autant plus que l'emploi se fait rare, et la compétition rude. Le chômeur doit activement réduire son écart avec l'emploi. L'employabilité fait office de référence généralisée. « L'employabilité, c'est-à-dire [...] le fait que le travailleur est toujours suspecté d'entretenir une distance à l'emploi qu'il est dans l'injonction permanente de réduire. On voit donc bien que le mot « emploi » a changé radicalement de sens : non plus une protection du travailleur liée à une qualification du poste de travail, mais le terme jamais atteint de son employabilité, l'instrument donc de sa permanente disqualification. » (Friot, 2011)

    Il faut désormais penser aussi l'individu comme un être social, et non plus seulement comme un demandeur d'emploi sur le marché du travail, niant ainsi sa capacité d'action, de production. Cela est notamment utile pour réintégrer à la société des individus qui ne sont pas au travail, dans le sens capitaliste du terme, et pour la cohésion sociale.

    Ainsi « Les politiques consistant à marchandiser les travailleurs ont produit simultanément leur contraire. En tant que marchandises, les gens se trouvent captifs de forces qu'ils ne peuvent contrôler. La marchandise est aisément détruite par des événements sociaux inattendus même mineurs comme la maladie, et par des macro-événements comme le cycle des affaires » (Esping-Andersen 1999, p.53)

    40 Nous nous appuyons sur Ben Hassen Noura, Hofaidhllaoui Mahrane, L'«employabilité» des salariés : facteur de la performance des entreprises ? .

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    C'est pourquoi nous pouvons considérer que nous assistons à des dérives liées au fait de l'absence de réflexion sur le travail lui-même. Nous préférons la contrainte pour les individus afin qu'ils rentrent dans le carcan de l'uniformisation, plutôt que de penser à leur pluralité en définissant différentes voies d'accès à un niveau de vie décent. « Les enquêtes sociologiques destinées à décrypter l'expérience du chômage dépeignent celui-ci comme l'envers de l'emploi : quand l'emploi procure valeur, reconnaissance, dignité, identité, le chômage apparaît, en creux, comme sans valeur, négation de toute reconnaissance, frappant d'indignité, destructeur de l'identité. » (Demazière 2006, p.86). L'emploi à tout prix est la nouvelle doxa, quelque soit les conséquences sociales et environnementales qui en découlent.

    Considérer les individus comme se délimitant au marché, en concurrence constante avec les autres, peut rendre compte de phénomènes d'externalités négatives (burn out, dépression...). L'économie a pris une place importante dans nos sociétés, alors que Keynes prévoyait la résolution du problème économique grâce au progrès technique.41 Aujourd'hui celui-ci est toujours d'actualité et la pratique capitaliste de la valeur tend même à réduire la citoyenneté au droit de suffrage.

    41 « Quand l'accumulation de la richesse ne sera plus d'une grande importance sociale, de profondes modifications se produiront dans notre système de moralité. Il nous sera possible de nous débarrasser de nombreux principes pseudo-moraux qui nous ont tourmentés pendant deux siècles et qui nous ont fait ériger en vertus sublimes certaines des caractéristiques les plus déplaisantes de la nature humaine. Nous pourrons nous permettre de juger la motivation pécuniaire à sa vraie valeur. L'amour de l'argent comme objet de possession, qu'il faut distinguer de l'amour de l'argent comme moyen de se procurer les plaisirs et les réalités de la vie, sera reconnu pour ce qu'il est : un état morbide plutôt répugnant, l'une de ces inclinations à demi criminelles et à demi pathologiques dont on confie le soin en frissonnant aux spécialistes des maladies mentales. Nous serons enfin libres de rejeter toutes sortes d'usages sociaux et de pratiques économiques touchant à la répartition de la richesse et des récompenses et pénalités économiques, et que nous maintenons à tout prix actuellement malgré leur caractère intrinsèquement dégoûtant et injuste parce qu'ils jouent un rôle énorme dans l'accumulation du capital » (Keynes 2002).

    2.3. Liberté individuelle, désir d'entreprendre et oisiveté

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    L'apport du revenu de base sur le plan individuel est important. Il libère les citoyens et modifie profondément leurs conditions.

    a) Liberté individuelle

    L'une des principales caractéristiques du revenu universel est qu'il replace l'homme au centre des préoccupations. Il permet à chaque individu d'être plus libre de ces propres choix et incite à l'épanouissement personnel.

    De nos jours, « Ce n'est plus le revenu du travail qui nous permet d'organiser notre loisir comme nous l'entendons, c'est notre temps libre qui se trouve malgré lui, malgré nous, organisé par notre travail. De sorte que l'on saisisse la ruse ultime du travail: de moyen il devient fin, dans une sorte de renversement dialectique. On ne travaille plus pour vivre, mais on finit par vivre pour travailler.»42 Ainsi le concept du revenu de base est un renversement de l'idéologie dominante actuelle et repense même les relations sociales entre individu. Avec notamment une vision collective accrue, en dehors du marché et de la compétition. « Les hommes et les femmes ordinaires, ayant la possibilité de vivre une vie heureuse, deviendront plus enclins à la bienveillance qu'à la persécution et à la suspicion » (Russell 2002, p.19).

    Cela peut être le commencement d'un affaiblissement de la défiance dans notre société. Un bonheur ne se résumant pas à la consommation de biens économiques sera décuplé : la liberté. Les français pourraient être plus libres dans leurs décisions, n'ayant plus peur de la conséquence économique de leur choix de changement de vie. Il sera plus facile de changer de métier ou de se retirer des grandes agglomérations

    42 Pour une critique de la centralité du travail : http://www.solitudes.fr/articles/157-vous-faites-quoi-dans-la-vie-pour-une-critique-de-la-centralite-du-travail

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 32

    permettant de repeupler des zones rurales désertes. Les compétences et les parcours seront plus variés, ce qui est en adéquation avec la nouvelle génération Y43.

    Certes le marché aura toujours une place prédominante, mais la marchandisation de l'humain doit avoir une limite éthique. D'autant que les coûts économiques associés à la situation actuelle sont sous-évalués, comme le montre un article scientifique sur la baisse d'espérance de vie due au chômage.44

    De surcroît, l'allocation universelle est une mesure qui permet la liberté grâce à l'égalisation des ressources et des possibilités. « La conception de la justice comme liberté réelle pour tous » prétend apporter une justification libérale-égalitaire de l'allocation universelle [...]. Son point de départ est l'idée simple selon laquelle la justice est une question de répartition de la liberté réelle de faire ce que nous pourrions souhaiter faire de nos vies, ce qui n'est pas seulement une affaire de droits, mais aussi d'accès effectif à des biens et à des opportunités. » (Van Parijs, Vanderborght 2005, p.75) C'est donc une vision plus large de la pauvreté que l'allocation universelle admet. On dépasse alors la pauvreté en termes de revenu qui n'est qu'une partie de ce phénomène beaucoup plus large.

    Par conséquent, « Est donc pauvre un individu qui ne possède pas la liberté d'accomplir l'ensemble des fonctionnements qu'il valorise. Il se peut qu'un individu possède un revenu décent mais qu'il ne soit pas en mesure, pour des raisons d'absence de liberté, de la transformer en moyens d'atteindre un niveau minimal de bien-être. Le revenu ne constitue plus qu'un élément parmi d'autres du bien-être individuel. » (Bertin 2008)

    Tout individu aura le statut de producteur de richesse, donc une place dans la stratification sociale. Il y aura toujours une violence sociale autour de la production de valeur, mais il sera désormais impossible de signifier que l'individu n'est pas producteur

    43 Immédiateté qui entraine une rapide lassitude, mobilité et liberté, recherche du sens. La génération Y

    en entreprise : http://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/rh/capital-rh-nov-2015-generation-y-
    management-entreprise

    44 Unemployment is associated with high cardiovascular event rate and increased all-cause mortality in middle-aged socially privileged individuals.

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 33

    de valeur, car le revenu universel l'aura extirpé de ce statut considéré comme « parasitaire ».

    b) Désir d'entreprendre

    Puis, grâce à cette liberté, les individus auront plus facilement les capacités d'entreprendre et de construire des projets pour eux et la collectivité. A l'image de l'idée d'Hernando de Soto Polar pour le développement des pays du Sud45, le revenu universel permet d'avoir une base pour les individus n'ayant au départ pas de ressources financières. Cela leur permet d'avoir un capital sur lequel s'appuyer pour les arbitrages futurs. Par exemple cela autorise un accès au crédit facilité, ceteris paribus. L'individu aura un capital de départ qui pourra aussi lui permettre de s'autofinancer. On peut estimer que les individus auront la possibilité de lisser plus facilement leur consommation car comme la théorisé Milton Friedman avec sa théorie du revenu permanent : les agents anticipent le revenu futur perçu ce qui influe sur leur décision de consommation. Ainsi des chocs de demande importants pourront être restreints, toutes choses égales par ailleurs, lors d'une conjoncture économique mauvaise.

    Ce capital pourra aussi servir d'apport pour financer ses propres études, évitant l'endettement et ses dérives possibles comme c'est le cas aux Etats-Unis actuellement. Elle permet ainsi d'investir dans soi-même, ce qui est primordial dans une économie de la connaissance. D'autant que l'écart d'accès aux études supérieures est toujours très dépendant de la profession catégorie socioprofessionnelle des parents. L'arbitrage pour

    45 Pour un aperçu de la proposition qui vise à établir la propriété immobilière pour les individus pauvres leur permettant ainsi l'accès au crédit, voir fiche de lecture de « Le mystère du capital ».

    Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 34

    des études supérieures est toujours trop dépendant du niveau de revenu46, sachant que le capital culturel et le capital social participent aussi à l'inégalité devant l'Ecole.47

    Source : http://www.inegalites.fr/spip.php?article1176

    Il existe toutefois un problème soulevé par Lans Bovenberg et Rick van der Ploeg dans un article de 1995 « Het basisinkomen is een utopie »48 puis repris par un rapport du

    46 Nous nous basons ici sur Aschieri Gérard, Les inégalités dans l'enseignement supérieur.

    47 « Cette définition typiquement fonctionnaliste des fonctions de l'éducation qui ignore la contribution que le système d'enseignement apporte à la reproduction de la structure sociale en sanctionnant la transmission héréditaire du capital culturel se trouve en fait impliquée, dès l'origine, dans une définition du « capital humain » qui, malgré ses connotations « humanistes », n'échappe pas à l'économisme et qui ignore, entre autres choses, que le rendement scolaire de l'action scolaire dépend du capital culturel préalablement investi par la famille et que le rendement économique et social du titre scolaire dépend du capital social, lui aussi hérité, qui peut être mis à son service. » (Bourdieu 1979).

    48 Pour l'article en entier : https://pure.uvt.nl/ws/files/662017/26911 14181.pdf

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    Conseil de l'Europe.49 Ils observent que si l'on donne une allocation à partir de 18 ans, une plus grande proportion des jeunes ne sera pas incitée à se former pour intégrer un marché du travail lointain et abstrait pour eux. Les grandes valeurs humanistes prendront le dessus sur des réalités économiques pragmatiques. Notamment ceux qui n'arrivent pas à dégager un projet professionnel clair, c'est-à-dire bon nombre d'entre eux.

    C'est pour cela qu'il faut rendre le marché du travail plus attrayant, plus humain. Mais cette allocation universelle pourra leur permettre aussi de prendre plus de temps pour leur choix de projet de vie et ainsi produire des individus conscients des choix réfléchis qu'ils font pour eux-mêmes. Ils pourront ainsi prendre des initiatives sur un choix de métier sans avoir peur de la précarité qui les attend si ce choix s'avère ne pas être le bon pour eux.

    De plus, ce passage post-adolescent est passager pour la plupart d'entre nous, et ne pourra durer face à des contraintes naturelles comme fonder une famille ou faire carrière dans un métier.

    c) Oisiveté

    Comme nous venons de le voir, le revenu universel est critiqué, et à juste titre. Mais une critique est néanmoins toujours formulée au sujet du revenu de base : c'est « l'objection du hamac », ou « l'objection du surfeur de Malibu »50. Donner de l'argent à un individu et il passera tout son temps dans un hamac à ne rien faire, ou il ne fera que surfer. Comme le dit Bertrand Russell dans « Eloge de l'oisiveté », « Le bon usage du loisir, il faut le reconnaître, est le produit de la civilisation et de l'éducation. Un homme qui a fait de longues journées de travail toute sa vie s'ennuiera s'il est soudain livré à

    49 Rapport intitulé Redéfinir et combattre la pauvreté.

    50 Cet exemple porté par Rawls est développé dans : J. Rawls (1996), p.224, n.1, J. Rawls (1974), p.252-253. En réponse à Musgrave, (1974).

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    l'oisiveté. Mais sans une somme considérable de loisir à sa disposition, un homme n'a pas accès à la plupart des meilleures choses de la vie » (Russell 2002, p.12). Cette citation nous attire sur le fait que c'est à la société de faire en sorte d'accompagner les individus vers des activités utiles à la société. Si l'homme a beaucoup de temps libre d'un coup, comme une allocation universelle tous les mois qui lui permet de quitter son emploi, alors il pourra au départ être incité à s'accorder du temps en dehors du marché. Cela convient surtout aux individus qui sont désengagés dans leur emploi.

    Reste que ces théories sur l'oisiveté de l'homme n'ont pas de caractère anthropologique et seraient applicable seulement à une infime partie de l'humanité. Car comme je l'ai dit plus haut, l'homme a un désir de faire et d'entreprendre. Donc les individus qui au départ sortent du marché seront incités à revenir en son sein de part leur niveau de vie acquis précédemment. La théorie du revenu relatif, c'est-à-dire, que l'agent est tenté de reproduire le mode de consommation de la profession et catégorie socioprofessionnelle supérieure, appuie aussi notre propos.

    Permettre à chacun de recevoir une allocation rémunérant la production de tous même en dehors du marché et ainsi de sécuriser les parcours est une idée difficile à appliquer mais qui ouvrirait des portes à un nouveau modèle social. « Rawls considère que les institutions sociales ne sont astreintes qu'à une obligation de moyens (les fournir aux individus en quantité suffisante et en conformité avec les principes de justice qui les régissent). En revanche, ces institutions ne sont en aucun cas soumises à une obligation de résultat : les individus restent les seuls responsables de l'usage qu'ils font de ces biens premiers, grâce auxquels ils ont pu librement choisir la vie qu'ils mènent même si, finalement, celle-ci ne correspond pas toujours à leurs attentes initiales. En effet, dans le processus de la « justice comme équité », les individus ne peuvent être considérés comme des « porteurs passifs de leurs propres désirs » et « le fait d'assumer la responsabilité de leurs objectifs fait partie de ce que des citoyens libres peuvent attendre les uns des autres » (Rawls [1993 : 185-186]). » (Gamel 2015, p.38) Ainsi cette nouvelle protection sociale offrirait des moyens adaptés aux nouvelles contraintes de la société du XXIème siècle, autorisant plus de libertés et de

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    responsabilités aux citoyens. Le revenu de base serait la première pierre à l'édification du modèle égalitaire français qui n'existe pas aujourd'hui. Rappelons que les principes d'égalité, de fraternité et de liberté sont la devise de notre pays, mais qu'ils sont encore difficilement observables dans les volontés des agents économiques. Or l'allocation universelle se place directement dans ces valeurs républicaines.

    Conclusion

    En conclusion, le revenu universel comporte de nombreux avantages dans l'adaptation aux contraintes actuelles de notre économie, de notre modèle social. Il permet de lutter efficacement contre la pauvreté, relance le pouvoir de négociation travailleur, réintègre les chômeurs, permet de converger vers un modèle universaliste, place le citoyen comme producteur de richesse en le sécurisant d'avantage, et développe la liberté individuelle.

    «Nous avons créé des règles qui affaiblissent la position de négociation des salariés vis-à-vis du capital, et les salariés en ont souffert. La pénurie d'emplois et les asymétries de la mondialisation ont créé une concurrence sur le marché du travail. Les salariés y ont perdu et les propriétaires du capital y ont gagné. Qu'il s'agisse d'une évolution accidentelle ou d'une stratégie délibérée, il est temps à présent de comprendre ce qui s'est passé et de changer de cap. » (Stiglitz 2014, p.379) C'est ainsi qu'une partie de ce changement de cap voulu par Joseph Stiglitz peut être incarné par un revenu universel. Il autorise un modèle qui associe les droits aux individus, et moins au statut, ce qui sera primordial avec la mutation économique du numérique.

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    Cependant, même si sa mise en place serait en théorie bénéfique pour une société, il existe des inconvénients pratiques spécifiques à la société française comme le corporatisme, la réticence au changement où encore la défiance envers les autres.

    Au-delà de ces problèmes, c'est le montant et le financement qui font débat dans cette proposition. La définition des besoins d'un individu est l'une des voies pour définir un revenu suffisant pour les arbitrages des individus. Ce montant doit, selon Baptiste Mylando51 : permettre de lutter contre la pauvreté, lutter contre l'exclusion sociale, et enfin lutter contre le chantage à l'emploi. Une telle somme concèderait un réel impact sur les inégalités, tandis qu'une somme trop faible ne ferait que les aggraver. D'autres auteurs conseillent simplement un revenu qui permet de subvenir aux besoins fondamentaux.52 Cependant, nous pouvons aussi utiliser Rawls et sa théorie des biens premiers pour avoir une vision plus large des besoins primaires. « Les biens premiers sont des biens (au sens très large du terme) que [...] tout individu cherche à détenir et dont il dresse une liste exhaustive : droits et libertés fondamentales, liberté d'orientation vers diverses positions sociales, pouvoirs attachés aux fonctions sociales, revenu et richesse, bases sociales du respect de soi-même. Les droits et libertés de base relèvent du principe d'égales libertés, la liberté d'orientation de la juste égalité des chances, les trois autres biens premiers relevant du principe de différence. L'ensemble de ces biens premiers détermine « ce dont les citoyens ont besoin et ce qu'ils demandent quand on les considère comme des personnes libres et égales et comme des membres normaux de la société à laquelle ils coopèrent pleinement leur vie durant » (Rawls [1993 : 178]).53 Il est donc difficile de définir clairement un montant optimal. D'autant plus que Maurice Allais s'objecte du fait de définir des besoins uniforme à tous : « Il n'est pas conforme aux idéaux démocratiques de substituer aux besoins des citoyens tels qu'ils les ressentent eux-mêmes suivant leur propre échelle de valeur, leurs prétendus besoins appréciés par d'autres, hommes politiques ou

    51 Mylando dans l'introduction de : Pour ou contre le revenu d'existence universel et inconditionnel ?.

    52 Koening et De Basquiat, LIBER, un revenu de liberté pour tous : p.2, p.11, p.38-40.

    53 Gamel (2015) p.37-38.

    technocrates »54. Ainsi la définition d'un montant efficient est stratégique dans l'application d'une allocation universelle.

    Par ailleurs, le revenu de base devrait engager une restructuration fiscale et distributive permettant une Révolution fiscale selon les mots de Thomas Piketty, en instaurant un impôt sur le revenu à la source avec plus de progressivité et moins d'exonération pour une plus grande justice fiscale.

    Ces deux questions du financement et de l'allocation sont donc majeures pour l'application à l'échelle nationale d'une telle mesure novatrice jamais encore appliquée à l'échelle d'un pays. Il faut désormais réfléchir au financement et au montant d'une allocation universelle efficiente.

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    54 Koening et De Basquiat. LIBER, un revenu de liberté pour tous. p.36.

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