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Le revenu universel comme défi économique et social pour la France.

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par Sébastien Aubert
Angers - Licence 2016
  

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Introduction

Le Mouvement Français pour un revenu de base1 définit le revenu universel comme étant « un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d'autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »

Cette définition a été reprise par une proposition de résolution au Sénat pour l'instauration d'un revenu de base2. Mais une définition claire et représentative a mis du temps à émerger.

Le premier à écrire sur l'idée du revenu universel est Thomas More3. Il l'évoque dans « Utopie » en 1516 en parlant de l'efficacité de la charité qui doit être prise en charge par la collectivité et les municipalités pour notamment lutter contre la criminalité.

Une longue période s'écoule, puis, avec notamment un penseur de la révolution américaine, cette idée refait surface. Ce penseur, c'est Thomas Paine. En 1795 avec « Justice agraire » il défend l'idée d'une allocation avec une taxe foncière comme rente pour compenser la propriété privée de la terre. C'est notamment l'époque des lois de Speenhamland où les terres communes sont privatisées.

En 1797, dans sa critique de Paine « le droit des enfants », Thomas Spence voulait étendre ce financement d'un impôt foncier avec comme justification la propriété de la terre et le patrimoine immobilier. L'idée de Spence est universaliste contrairement à Paine qui propose une redistribution conditionnelle.

Charles Fourier s'intéresse aussi à ce sujet et soutient que « l'ordre civilisé doit à chaque homme un « minimum de subsistance abondante » pour avoir violé ces droits fondamentaux que sont les libertés de chasse, pêche, cueillette et pâture. » (Van

1 Le Mouvement français pour un revenu de base est une association dont l'objectif est d'informer et de militer pour un revenu de base : http://revenudebase.info/mfrb/

2 Proposition de résolution pour l'instauration d'un revenu de base du 2 Février 2016.

3 Pour cet historique, nous nous appuyons sur : Van Parijs, Vanderborght, L'allocation universelle.

Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 2

Parijs, Vanderborght 2005, p.13). Sa proposition reste, par contre, axée sur les pauvres. Cette proposition est notamment reprise par John Stuart Mill dans « Principes d'économie politique » qui décrit le système de Fourier comme la forme de socialisme la mieux élaborée.4

En 1848, Joseph Charlier défend l'idée de cette redistribution au niveau national et non plus communale comme auparavant. Dans « Solution du problème social » il propose un dividende territorial pour assurer la subsistance de tous.

Durant le XXème siècle, d'autres écrits sur le thème d'un revenu universel voient le jour. On peut citer entre autres des auteurs comme Russell, Douglas, Cole, Tinbergen, Meade, Tobin... Il n'existe cependant qu'une seule application réelle à l'échelle d'un Etat d'une allocation universelle. C'est en 1981 qu'un dividende universel est mis en place en Alaska, justifié par la redistribution de la rente pétrolière à l'ensemble des individus. Philippe Van Parijs, fervent défenseur de la mesure a créé la première organisation mondiale défendant l'application d'un revenu de base en 1986 : Basic Income Earth Network. Il a d'ailleurs personnellement contribué, avec « Real freedom for all » (1995), à appliquer sa théorie de la justice de John Rawls5 à l'allocation universelle.

En France, l'un des principaux investigateurs contemporains de la mesure fut Yoland Bresson. C'est un économiste qui proposa, dans les années 1980, une rémunération de la valeur du temps car, pour lui, tout individu est producteur tout le long de sa vie. S'en suit quelques apparitions de l'idée générale d'une application politique d'un revenu de base dans les années 2000 avec quelques personnalités comme Christine Boutin ou Dominique de Villepin.

4 Van Parijs, Vanderborght 2005, p.15.

5 La théorie de la justice est explicitée dans « Théorie de la justice » (1971). « Théorie de la justice est la tentative de justification d'une conception politique de la justice valable dans une société démocratique. Cette conception politique se concluait - à partir d'hypothèses sur la manière dont les citoyens en viennent à formuler une telle conception - par l'énonciation de deux principes de justice (qui en donnent trois), le principe d'égalité d'une part et le principe de différence d'autre part.

« Premier principe : chaque personne doit avoir un droit égal au système total le plus étendu de libertés de base égales pour tous, compatible avec un même système pour tous.

« Second principe : les inégalités économiques et sociales doivent être telles qu'elles soient : (a) au plus grand bénéfice des plus désavantagés et (b) attachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous, conformément au principe de la juste égalité des chances. [...] ». » (Cotelette 2009).

Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 3

Mais depuis la crise, le mouvement s'étend en France avec la création du mouvement français pour un revenu de base en 2013. Il y a eu aussi : la création d'un think tank « Génération Libre » autour de cette question, d'un rapport du Conseil National du Numérique en janvier 2016 sur le travail et l'emploi à l'heure du numérique avec une recommandation de réflexion autour du revenu de base, d'une proposition de résolution au Sénat le 2 février 2016, du rapport Sirugue au Premier Ministre pour repenser les minima sociaux et la possible mise en place d'un revenu universel comme solution... En cela, nous assistons à un phénomène de diffusion de l'idée d'une allocation universelle, à l'approche de l'élection présidentielle de 2017.

De plus, il est possible de croire à une mobilisation transpartisane. Cependant les penseurs de l'idée d'un revenu de base gardent toujours leur idéologie propre. Car cette mobilisation dépeint différents types de propositions.6 Elles sont multiples de part leurs noms : revenu universel, allocation universelle, revenu de base, revenu inconditionnel d'existence, revenu social garanti, revenu social généralisé, revenu citoyen, dividende universel entre autres, mais aussi de part leurs contenus. Il faut donc différencier des propositions qui sont de trop nombreuses fois confondues. Le salaire à vie est l'une des propositions les plus atypiques car celui-ci met en place une refonte des institutions économiques.7 Il établit la propriété d'usage, des jurys de qualification pour l'attribution d'une carrière salariale, le remplacement des banques de détail par des banques d'investissements socialisées. Le salaire à vie est en définitive une proposition qui sort du capitalisme et de ces institutions tels que le marché du travail. Tandis que la plupart des autres propositions d'allocation universelle restent dans le capitalisme et n'ont pas vocation à le dépasser mais à le réguler. Cependant,

6 Voir Marc Heim « Un revenu social garanti pour l'Europe ».

7Nous nous appuyons ici sur plusieurs sources : le vidéaste Usul

https://www.youtube.com/watch?v=uhg0SUYOXjw, et deux livre de Bernard Friot : L'enjeu du salaire, Emanciper le travail.

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une autre proposition reste différente des autres : l'impôt négatif8. Il existe, dans ce domaine, de grandes ressemblances avec l'allocation universelle. L'impôt négatif est toutefois, comme son nom l'indique, une forme d'impôt qui suit une déclaration fiscale. Cette somme est alors versée après les déclarations. C'est ainsi une forme d'imposition qui a pour but de remplacer les autres formes d'impositions déjà établies. Alors que pour le revenu universel, la somme est versée tous les mois quelles que soient les ressources de l'individu. Ainsi l'impôt négatif est conditionnel au revenu et sort donc de la définition d'un revenu de base.

C'est pourquoi je vais ici me concentrer sur le revenu de base et ainsi, dans le même temps, traiter les propositions synonymes telles que l'allocation universelle ou le revenu universel. Reste que les propositions sont souvent hétérogènes en ce qui concerne la somme de l'allocation, ainsi je ne parlerai pas du financement dans mon argumentaire. Cette idée révolutionnaire implique de grands changements pour notre économie et notre modèle social. Il faut donc traiter ces deux perspectives en même temps car celles-ci sont interdépendantes pour le fonctionnement d'une économie.

Nous allons ainsi commencer par décrire la situation économique des trente glorieuses afin de mieux comprendre les problèmes d'aujourd'hui. Nous nous concentrerons ensuite sur les modifications récentes de l'économie et en quoi le revenu universel permettrait de s'adapter à ces contraintes.

Puis, nous nous appuierons sur la définition du modèle social français afin d'en déceler les limites. Cela nous permettra de constater les avantages du revenu universel pour converger ce modèle social corporatiste vers un modèle universaliste, tout en décuplant les capacités individuelles.

Nous verrons ici le revenu universel comme double défi pour la France. Avec dans un premier temps, un défi économique. Puis, nous nous intéresserons au revenu universel comme défi social.

8 Nous nous basons ici sur Milton Friedman, « Capitalisme et liberté », Marc Heim « Un revenu social garanti pour l'Europe », Van Parijs et Vanderborght « l'allocation universelle ».

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1. Un défi économique

La situation économique française s'est profondément modifiée depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il est donc question ici de cerner ces modifications et d'apporter une possibilité de réponse aux nouveaux problèmes économiques grâce au revenu de base.

1.1. Constat économique

Il est important pour avoir une vision globale de la situation de notre économie de repartir des trente glorieuses pour comprendre l'économie actuelle.

a) Transition économique d'après-guerre et postindustrielle

Tout d'abord, après la seconde guerre mondiale une nouvelle période

économique se développe. Elle se caractérise par un cercle vertueux entre croissance et productivité. Le progrès technique est, durant ces décennies, un facteur important de croissance et de gain de productivité. On voit alors se former un machinisme9 qui est une source importante de gains de productivité. L'amélioration des processus de production avec une rationalisation et une hausse du niveau de qualification ont aussi permis ces gains. Cette époque est aussi caractérisée par une croissance moyenne de 5,1% en France par an, ce qui est structurellement élevé et historiquement inédit. L'économie est aussi à son niveau de plein-emploi, c'est-à-dire autour de 2%.

C'est l'âge d'or de la société de consommation et les conditions de vie s'améliorent grandement, développant une classe moyenne de masse.

9 Généralisation et prolifération de l'emploi des machines.

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Productivité horaire dans l'industrie française
(base 100 1938)

1898

48

1913

84

1938

100

1975

360

Source : cours Analyse de la conjoncture économique 2015-1016

Cette période va se terminer avec les crises pétrolières de 1973 et 1979, même si l'Ecole de la Régulation trouve un début de ralentissement dès la fin des années 1960. C'est à partir de ces crises successives que le modèle de croissance des trente glorieuses se termine. Cette période laisse place à une mondialisation des flux économiques ainsi que le développement au sein des entreprises de la shareholder value. La réduction des coûts devient primordiale pour faire face à la concurrence mondiale surtout que la France n'est pas bien spécialisée. Cette dernière a commencé à être price-maker après 1986 et a perdu en gains de compétitivité. Quand la situation était bonne avec une baisse du taux de change, les prix français étaient trop faibles et nos entreprises auraient pu vendre plus cher à l'international. Quand la situation était mauvaise avec une hausse du taux de change, les prix français étaient trop élevés sur le marché mondial ce qui pénalisaient les ventes. Nous n'avons pas les prix de nos produits ou nous n'avons pas les produits de nos prix comme l'a dit Élie Cohen dans un colloque à l'auditorium de la Banque de France sur la compétitivité de l'économie française.10

Ainsi l'ère du capitalisme mondialisé oblige les entreprises françaises à délocaliser et à remplacer le capital humain par du capital physique fixe, comme des robots industriels, et les oblige à pratiquer une réduction des coûts de transaction afin de gagner en compétitivité-prix. Les ouvriers sont donc les premiers à en pâtir.

10 Nous utilisons cette vidéo : Comment redresser la compétitivité de l'économie française ? https://www.youtube.com/watch?v=sO7l68T04hA

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Cette baisse de l'emploi dans le secteur ouvrier dérègle le marché du travail. C'est une des explications d'un chômage de masse qui apparaît alors. D'ailleurs nous assistons toujours à une transition des emplois de l'industrie vers ceux du tertiaire mais en moindre quantité qu'auparavant. Cette transition se fait avec une précarisation des individus qui sont obligés de se reformer. N'ayant au départ que peu de qualification, cette formation est difficile, d'autant que neuf embauches sur dix se font en CDD aujourd'hui. Cela permet un meilleur ajustement pour les entreprises face à une demande qui n'est plus aussi élevée et stable que durant les trente glorieuses.

Répartition de l'emploi par secteurs d'activités

Source : INSEE

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L'INSEE, dans un dossier Travail-Emploi, rapporte que « le fonctionnement du marché du travail se rapproche d'un modèle segmenté, où les emplois stables et les emplois instables forment deux mondes séparés, les emplois instables constituant une « trappe » pour ceux qui les occupent. ».(Picart 2014, p.29) Cela est en totale contradiction avec ce qui existait durant les trente glorieuses où l'emploi était plus stable et où celui-ci permettait d'accéder à un niveau de consommation durable et croissant. C'est donc aujourd'hui une forme de précarisation de nombreux emplois à laquelle nous assistons.

Production en volume du secteur de l'industrie économique

Le Conseil National du Numérique estime qu'« entre 1980 et 2007, 29 % des destructions d'emploi dans l'industrialisation sont dues à l'augmentation des gains de productivité (et donc, en large partie aux évolutions technologiques). Entre 2000 et

2007, cette part s'élève à 65 %. »11 Le volume de production n'a pas subi des baisses aussi significatives. Ce sont donc des pertes nettes pour le capital humain face au capital physique, ou au moins une baisse de qualité des emplois dans ce secteur. Le développement de la robotique a notamment permis d'augmenter l'intensité capitalistique dans l'industrie.

Evolution de l'emploi hors intérim

Autrefois, si un jeune peu qualifié entrait dans le monde du travail, il avait des chances de trouver un emploi dans l'industrie. Sa condition d'ouvrier lui permettait de vivre

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11 Rapport Conseil National du Numérique, p.7.

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dignement et d'aspirer à des biens de consommation d'un niveau de vie supérieur. Il ne changeait que rarement d'emploi.

Aujourd'hui, les emplois pourvus dans cette branche ont un recours croissant à l'intérim. Le secteur de l'automobile est l'un des secteurs qui recrute le plus d'intérimaires. La plupart des intérimaires sont jeunes comme l'expliquent les rapports de l'INSEE sur l'intérim et l'activité économique pour le Nord-Pas-de-Calais et l'Île-de-France respectivement de juin 2006 et novembre 2008. Il peut néanmoins devenir employé, mais toutes les aides à l'embauche spécifiques aux jeunes résument la situation d'un marché du travail bouché pour ces nouveaux entrants. Il est aussi fortement mis en concurrence pours ces postes sachant qu'il ne détient pas d'expérience.

Répartition de l'emploi par catégories socioprofessionnelles

Source : INSEE

Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 11

Cette transition des emplois est donc importante car ils sont au coeur de notre modèle économique. Néanmoins, elle s'inscrit dans le phénomène de destruction créatrice identifié par Joseph Schumpeter, avec de nouveaux emplois qui ont pu compenser les postes qui n'existent plus. Reste que ces nouveaux emplois sont plus qualifiés que les emplois précédents, ce qui amène vers une segmentation du marché du travail.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera