WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine entre 1789 et 1914


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master II Histoire de l'art 2017
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Université François-Rabelais de Tours
Master 2 : Sciences Humaines et sociales
Mention : Sciences Historiques
Spécialité : Histoire de l'art

Les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine
entre 1789 et 1914

Volume de texte

Mémoire de recherche présenté par :
Brice Langlois

2016-2017

Sous la direction de France Nerlich

Professeur d'histoire de l'art contemporain

2

Brice Langlois 12 rue François Coppée Apt. 413 37100 Tours 06.20.11.01.87 02.46.10.57.66 brice.langlois@etu.univ-tours.fr brice.langlois@yahoo.fr langloisbrice5@gmail.com

3

SOMMAIRE

LISTE DES ABRÉVIATIONS 8

AVANT-PROPOS 9

INTRODUCTION 11

CHAPITRE I. L'ÉVOLUTION DES SOCIÉTÉS ARTISTIQUES EN TOURAINE

ENTRE 1789 ET 1914 22

I) Du balbutiement à l'émergence des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts

dans le département d'Indre-et-Loire 22

A. La Révolution en Touraine : une période de réorganisation des institutions

artistiques 22

a) De la dissolution des académies en France en général à la fermeture de la Société

Royale d'Agriculture de la généralité de Tours en particulier 22

b) À l'origine de l'émulation artistique en Touraine : la création de l'école de dessin

et du musée de Tours 24

B. 1798-1835 : la renaissance des sociétés académiques locales 27

a) La reconstitution des sociétés savantes en Touraine : un retour en arrière paradoxal

lié à la problématique des réseaux de sociabilité 27

b) La création de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres : un premier pas vers l'émulation des études historiques et des arts appliqués en Touraine au

XIXe siècle 29

C. La naissance et le développement des expositions artistiques et de la première la

Société des Amis des Arts en Touraine (1835-1841) 31

a) À l'origine des expositions d'art et d'industrie tourangelles : l'intervention de

Raoul de CroØ 31

b) Entre enthousiasme et perplexité : la réception du projet de Raoul de CroØ 34

c) L'aboutissement de la création de la première exposition artistique et de la

première Société des Amis des Arts à Tours. 37

4

II) De 1840 au début du XXe siècle : la fondation et la renaissance des sociétés les plus

actives pour le développement des arts dans le département d'Indre-et-Loire 39

A. La Touraine vers le milieu du XIXe siècle : un terreau fertile pour la formation de

sociétés savantes et d'encouragement aux Beaux-Arts 39

a) La Société Archéologique comme moteur des activités de recherches scientifiques

et de popularisation de l'art en Touraine par le biais d'expositions 40

b) Des sociétés d'émulation artistiques confidentielles : le cas du Cercle des Beaux-

Arts de la Ville de Tours et de la Société des Amis des Arts de Touraine 43

B. Les Amis des arts : une société d'amateurs et d'artistes au service de l'émulation

artistique en Touraine au début de la Troisième République 47

a) À l'origine de la formation de la Société des Amis des Arts : l'organisation de

l'Exposition nationale de Tours de 1881 47

b) La Société des Amis des Arts ou le développement rapide de la vie artistique en

Touraine 50

C. Les sociétés artistiques en Touraine jusqu'en 1914 : entre soutien de la culture

locale et diversification des typologies artistiques 53

a) La renaissance de la section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts

et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire 53

b) Protéger la culture locale et encourager le développement d'un nouvel art : l'exemple de la Société Littéraire et Artistique et de la Société Photographique de

Touraine 56

5

CHAPITRE II. LE FONCTIONNEMENT DES SOCIÉTÉS ARTISTIQUES

TOURANGELLES 60

I) De l'écriture des statuts à la question du local : des préoccupations quotidiennes .

60

A. L'organisation statutaire, hiérarchique et budgétaire des sociétés artistiques de

Touraine 60

a) Les statuts ou la définition des règles, de la hiérarchie et de l'élitisme 60

b) Le budget nécessaire à l'émulation artistique : de l'organisation des loteries aux

financements publics 64

B. Le local : une problématique récurrente du quotidien des sociétés 67

a) De l'état nomade à l'installation du siège social : entre solutions économiques,

recours aux autorités publiques et développement des activités 68

b) Le local : un élément essentiel à l'organisation des manifestations artistiques 71

II) Vivre en société(s) : le quotidien des associations en dehors de leur cercle 74

A. Un essai de démocratisation de l'accession à la culture et d'encouragement des

jeunes artistes. Les liens entretenus entre les sociétés artistiques et les tourangeaux 74

a) L'intégration des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts dans le quotidien culturel des habitants de Touraine : entre volonté de démocratisation et conservatisme

de l'accession à la culture 75

b) L'engagement et l'intégration des sociétés artistiques auprès de l'école des Beaux-

Arts et du conservatoire de Tours : une volonté d'émulation de l'art local 78

B. Un pour tous et tous pour un : la coopération des sociétés pour le développement de

la vie culturelle locale 81

a) La création de La Touraine, revue littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du Centre et de l'Ouest au secours de la visibilité des sociétés du département d'Indre-

et-Loire 81

b) Le regroupement des sociétés au service de la pédagogie et de la mémoire régionale : l'instruction des jeunes artistes à l'érection des statues des grands hommes

85

6

CHAPITRE III. LES EXPOSITIONS : LE GRAND THÉÂTRE DE LA VIE

ARTISTIQUE LOCALE 89

I) Les expositions : des manifestations participant à la promotion du patrimoine
ancien, de la production contemporaine régionale et à l'insertion de l'art parisien en

Touraine 89

A. Mettre en lumière les mérites de la production régionale et (re)constituer une école

tourangelle 89

a) La Touraine : un héritage culturel inouï propice à la construction d'une école

artistique locale 90

b) La constitution d'une école tourangelle au XIXe siècle grâce aux expositions

sociétales 93

B. Les expositions des oeuvres des artistes parisiens : des événements inédits en

Touraine 97

a) L'invitation des artistes parisiens en Touraine : entre mise en exergue du « grand

genre » et renversement de la hiérarchie 98

b) Les artistes parisiens, des modèles « du bon goût » pour les tourangeaux ? 101

II) L'opportunité mercantile des salons tourangeaux 106

A. Le marché de l'art à Tours au XIXe siècle : un espace suffisant pour la vie des

artistes et l'acquisition des collectionneurs ? 106

a) Les institutions et les acteurs du marché de l'art à Tours au XIXe siècle 107

b) Les oeuvres des artistes tourangeaux de leur commerce en atelier à leur vente au

cours des expositions sociétales 110

B. Les salons sociétaux de Touraine des avatars du marché de l'art national ? 113

a) Les expositions de Touraine, des espaces d'attraction pour les artistes français114

b) Les rendez-vous des collectionneurs 118

CONCLUSION 122

BIBLIOGRAPHIE 129

INDEX 143

7

8

LISTE DES ABRÉVIATIONS

A.D. : Archives départementales d'Indre-et-Loire

A.M. : Archives municipales de Tours.

A.N. : Archives nationales de France.

B.M. : Bibliothèque municipale.

B.N.F. : Bibliothèque nationale de France.

S.A.A. : Société des Amis des Arts de la Touraine

S.A.S.A.B.L. : Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire.

S.A.T. : Société Archéologique de Touraine.

S.L.A. : Société Littéraire et Artistique de Touraine

9

AVANT-PROPOS

L'an passée en conclusion de mon dossier de recherche de master 1 mené sur le collectionneur tourangeau Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862), j'admettais que bien qu'il restât de toute évidence des points à développer, il était difficile de prolonger davantage mon étude. Aussi je proposais trois sujets plus ou moins liés à mon travail de recherche précédent : soit une étude sur le cercle des amateurs d'estampes au XIXe siècle dans lequel La Combe s'inscrivait, soit un travail monographique sur le Bazar Turonien, qui était une sorte de grand magasin proposant presque uniquement des articles de luxe et objets d'art à Tours à partir de 1821, soit une étude sur la Société des Amis des Arts de la Touraine qui est une association, sinon un cercle dans lequel se réunissent les élites intellectuelles et les artistes locaux pour propager le goût des arts chez leurs concitoyens.

C'est finalement sur ce dernier, que mon choix s'est porté en accord avec ma directrice de recherche, France Nerlich. Néanmoins si la circonscription géographique avait déjà été fixée, les bornes chronologiques au contraire ont quelque peu évolué avec le sujet. En effet, il ne s'agit plus strictement d'étudier de manière monographique la Société des Amis des Arts de la Touraine fondée en 1881, mais plutôt de brosser le portrait d'un ensemble d'associations plus ou moins investies dans le domaine artistique depuis la Révolution jusqu'à la Grande Guerre en Touraine, soit constituer une étude se déroulant sur presque un siècle et demi.

Si dans un premier temps, la consultation d'ouvrages de référence dans le domaine des sociabilités artistiques s'est révélée nécessaire pour la compréhension du contexte, des moyens et des enjeux de diffusion de l'art en province, il est devenu très vite indispensable de dépouiller un certain nombre de documents d'archives pour répondre aux spécificités des sociétés tourangelles au XIXe siècle. Les Archives municipales de Tours et départementales d'Indre-et-Loire conservent à elles seules la grande majorité des sources nécessaires à la reconstitution de l'histoire des associations d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine. Les Archives nationales détiennent également un certain nombre de documents propres aux expositions provinciales, dont quelques-uns concernent les expositions organisées à Tours par la Société des Amis des Arts de la Touraine et la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire.

C'est avec beaucoup de reconnaissance que je voudrais remercier tout d'abord mon professeur, France Nerlich, sans laquelle ce travail n'aurait pu être réalisé. Ses conseils

10

judicieux et sa rigueur scientifique m'ont apporté un cadre de recherche solide tout en me laissant une grande autonomie. Aussi, je la remercie de m'avoir fait profiter de son réseau. Sans elle, je n'aurais pu être mis en relation avec des membres de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) rattachés au programme de recherche « Société des Amis des Arts » dont Chloé Gautier, chargée de ressources documentaires au département des études et de la recherche, que je remercie d'avoir pris de son temps pour me former à la saisie de données sur Agorha. Je n'oublie pas de remercier également, Katia Schaal, chargée d'études et de recherche, qui outre ses informations utiles sur l'état des fonds concernant les expositions en province aux Archives nationales, m'a transmis des documents intéressants qu'elle avait déjà recueillis lors de ses précédentes prospections. Je tiens à remercier également Philippe Rouillac au titre de président de la Société Archéologique de Touraine, et son fils Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, de s'être investis dans mes recherches et de m'avoir permis de rencontrer des érudits intéressés par l'histoire sociale des arts en Touraine, à l'instar de Daniel Schweitz, bibliothécaire de la Société Archéologique de Touraine, que je remercie aussi. Je n'oublie pas de remercier également Catherine Pimbert, attachée de conservation au musée des Beaux-Arts de Tours, ainsi que Nathalie Gabdin, directrice générale du château-musée de Saumur, de m'avoir transmis des reproductions photographiques des oeuvres conservées dans leurs institutions. En dernier lieu, je remercie mes parents et ma compagne pour leur soutien constant.

11

INTRODUCTION

« Le goût des Beaux-Arts en France est comme une plante exotique que des hommes intelligents s'efforcent d'acclimater malgré l'indifférence publique »1.

Le discours de Léon Lagrange (1828-1868) semble rendre compte du climat ambivalent dans lequel sont plongés les Beaux-Arts et leurs institutions en France au tournant de la seconde moitié du XIXe siècle. Quand d'un côté l'élite intellectuelle du pays s'efforce de donner les clés et le goût des arts, les masses populaires paraissent s'en désintéresser. Néanmoins le discours de Lagrange paraît quelque peu pessimiste vis à vis de la réalité qui l'entoure.

Aussi, l'histoire de l'art a privilégié - et privilégie toujours pour une part - le discours esthétique en confrontant les révolutions picturales aux préceptes académiques, perdant de vue les réalités historiques, sociales et politiques contemporaines à l'époque des artistes et de la création des oeuvres d'art. Il est alors essentiel de s'intéresser comme le fait déjà Lagrange en 1861, aux sociabilités artistiques et aux institutions non-officielles qui participent au développement du goût pour les arts en région, à l'instar des sociétés d'encouragement artistique et autres académies, cercles ou sociétés des Amis des Arts, dans l'objectif de restituer le plus fidèlement possible la réalité de l'époque. Ainsi, cette étude vise à reconstituer le plus exhaustivement possible l'histoire des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine entre 1789 et 1914, dans l'objectif de mettre en lumière les spécificités de ce territoire, en ce qui concerne l'activité artistique et culturelle résultant de l'action de ces sociétés.

À l'évidence les termes de sociétés d'encouragement ou d'émulation artistique concentrent de nombreuses formes de regroupements pour les arts. En France, ces derniers naissent au XVIIe siècle. Mais c'est principalement au siècle suivant, et plus particulièrement durant sa seconde moitié, que se développent les sociétés d'amateurs qui prennent la forme d'académies2. Si ces dernières privilégient la pluridisciplinarité, s'intéressant autant, sinon plus

1 LAGRANGE, Léon, « Des sociétés des Amis des Arts en France. Leur origine, leur état actuel, leur avenir », in Gazette des Beaux-Arts, t. IX, 1er mars 1861, p. 291.

2 JUSTIN, Émile, Les sociétés royales d'agriculture au XVIIIe siècle, Saint-Lô, Imp. Barbareaux, 1935.

ROCHE, Daniel, Le siècle des Lumières en province : Académies et Académiciens provinciaux 1680-1789, Paris, Mouton, 1978.

QUÉNIART, Jean, Culture et société urbaine dans la France de l'Ouest au XVIIIe siècle, Paris, Klincksieck, 1978.

12

aux progrès de l'agriculture qu'aux choses d'art, elles sont une première étape dans la construction des identités des futures sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts. En pleine Révolution, en septembre 1789, l'architecte Charles de Wailly (1730-1798) créée à Paris la première Société des Amis des Arts en lançant un Projet d'engagement patriotique, pour les Arts de l'Académie de Peinture, de Sculpture et Gravure. Constituée officiellement en mars 1790, la Société ouvre dès le 13 juillet de la même année une première exposition en marge du Salon, qui semble-il ne remporte pas le succès espéré3. Toutefois la Société des Amis des Arts de Paris fonde les principes des activités des futures sociétés d'émulation artistique qui s'ouvrent dans toutes les provinces de France au cours du XIXe siècle : encouragement des artistes vivants français par le biais d'expositions dans lesquelles sont vendues un certain nombre d'oeuvres aux particuliers et aux sociétaires, organisation de loteries et attribution de bourses et de prix aux jeunes talents.

La Révolution marque un tournant dans l'histoire des sociétés artistiques, en leur faisant cesser presque toute activité durant plusieurs années. Ainsi, c'est sous le Consulat (1799-1804) et encore davantage à la Restauration (1815-1830) puis sous la Monarchie de Juillet (18301848) que sont fondées un grand nombre des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts dans toutes les provinces de France à l'exemple de celle d'Avignon en 1827, de Strasbourg et Marseilleen 1832, du Havre en 1833, de Nancy et Rouen l'année suivante jusqu'à celle de Bordeaux en 18514. Mais c'est surtout sous la Troisième République (1871-1940) que le nombre de sociétés artistiques se multiplie. Sur l'ensemble des 368 sociétés correspondant avec le Comité des sociétés des Beaux-Arts des départements et la Commission de l'inventaire général des richesses d'art de la France en 1886, cinquante sont consacrées exclusivement au développement des arts5. Il est possible que l'augmentation massive du nombre de sociétés résulte de la délégation progressive des affaires culturelles par l'État aux collectivités territoriales, qui elles-mêmes font reposer les activités culturelles sur les sociétés d'érudits et d'artistes.

3 SANDT, Udolpho van de, La Société des Amis des Arts (1789-1798) un mécénat patriotique sous la Révolution, Paris, ENSBA, 2006.

SANDT, Udolpho van de, « Les collections de la Société des Amis des Arts », in PRETI-HAMARD, Monica (éd.), SÉNÉCHAL, Philippe (éd.), Collections et marché de l'art en France 1789-1848, actes de colloque, Rennes, décembre 2003, Presses universitaires de Rennes/Institut national d'histoire de l'art, 2005, p. 73-86.

4 MARTIN-FUGIER, Anne, La vie d'artiste au XIXe siècle, Paris, Éd. Louis Audibert, 2007, p. 155.

5 MOULIN, Raymonde, « Les bourgeois amis des arts », in Revue française de sociologie, t. XVII, 1976, p. 386.

13

Si Paris est à la France la capitale artistique, Tours est à l'Indre-et-Loire l'épicentre des arts. En Touraine, les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts se concentrent presque toutes, sinon exclusivement en la préfecture. Outre les sociétés musicales qui se développent considérablement dans tout le département à partir de la seconde moitié du XIXe siècle à l'instar des sociétés littéraires, ces dernières s'apparentant essentiellement à des cercles de divertissement où les jeux sont au coeur des activités, les autres villes de Touraine ne voient guère se créer des sociétés savantes consacrées au développement et à la protection des Beaux-Arts6. Néanmoins si les sociétés artistiques de Tours entretiennent un rapport très étroit à l'urbain, elles ont aussi un rayonnement étendu à l'ensemble du département et de la région.

L'histoire des sociétés d'émulation artistique tourangelles paraît correspondre à celle des autres sociétés en France. La première société à laquelle cette étude fait référence est la Société Royale d'Agriculture de la généralité de Tours fondée le 24 février 1761 par arrêté du Conseil d'état du roi7. Dissoute à la Révolution, elle renait une première fois en mars 1806 sous le titre d'Académie de Tours, puis une seconde fois en mai de la même année sous la dénomination de Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire8. Jusqu'à la création de la Société Archéologique de Touraine en 1840 (ann. 2.1.1), cette société semble être la seule à participer à la promotion et la défense des Beaux-Arts en réfléchissant notamment à l'organisation d'expositions artistiques dès 1835. Si la Société Archéologique manifeste un intérêt particulier pour les études monumentales, elle participe également à la promotion des arts en Indre-et-Loire en organisant des expositions, à l'instar de la Société des Amis des Arts de Tours fondée en 1841, peu de temps avant l'ouverture de l'exposition des produits des arts et de l'industrie9.

Presque concomitamment à l'organisation de l'Exposition nationale de 1881 organisée par la ville de Tours avec le concours de l'État10, un quatuor d'amateurs et artistes membres

6 Dossiers administratifs des associations créées et autorisées avant janvier 1881, Tours, A.D., 4M 169-173.

7 LAURENCIN, Michel, « La Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire : du siècle des Lumières à l'époque contemporaine », in Mémoire de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Touraine, t. XXIII, 2010, p. 91-123.

8 Registre de délibération de l'Académie de Tours créé par arrêté de M. Pommereul, préfet d'Indre-et-Loire du Ier Nivose an XIV de la République française, Tours, A.M., 48Z 1, f° 10.

9 [ANONYME], « Société des Amis des Arts à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, 9 avril 1841, p. 1.

10 VILLE DE TOURS, Exposition des Beaux-Arts de la ville de Tours, Tours, Imp. Ernest Mazereal, 1881, Paris, A.N, F21 541.

VILLE DE TOURS, Exposition des Beaux-Arts de la ville de Tours. Section de l'art rétrospectif, Tours, Imp. Ernest Mazereal, 1881, Paris, B.N.F, 8-V-4655.

14

des commissions d'organisation et de récompense de l'exposition se réunit pour fonder la Société des Amis des Arts de la Touraine. Celle-ci ne tarde pas à s'employer au développement du goût pour les arts, en organisant des concerts et des expositions secondées par des loteries et des prix pour les meilleurs artistes et les jeunes talents de l'école des Beaux-Arts et du conservatoire de Tours. La Société des Amis des Arts poursuit partiellement son entreprise jusqu'en 1946 11 , bien que la Première puis la Seconde Guerre mondiale affaiblissent considérablement son action. Si au cours de notre étude notre attention se portera aussi sur d'autres regroupements pour les arts, nous pouvons déjà constater que nous avons à faire à de multiples typologies de sociétés.

Dès la seconde moitié du XIXe siècle, les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts attirent l'attention et font l'objet d'études comme dans la série d'articles de Léon Lagrange consacrée aux sociétés des Amis des Arts et publiée dans La Gazette des Beaux-Arts, et plus tard sous la forme d'un livre12. Retraçant sommairement l'histoire des sociétés les plus influentes du XIXe siècle, à l'exemple de celles de Marseille, Bordeaux, Rouen et Lyon, Lagrange s'emploie également à prodiguer des conseils susceptibles d'améliorer leur champ d'action, leur rayonnement et leur réception auprès du public. Par ailleurs, Lagrange attire l'attention sur les expositions d'art et de curiosités en province ainsi que sur les expositions rétrospectives, dans d'autres articles publiés dans la Gazette des Beaux-Arts13. À l'instar de Lagrange, Jules Maret-Leriche et Auguste Chirac s'emploient à rendre compte du développement des expositions, bien que leurs propos soient davantage recentrés sur Paris et l'organisation des Salons14.

Les historiens de la première moitié du vingtième siècle paraissent se désintéresser des questions artistiques et sociologiques liées au développement des sociétés d'encouragement aux

11 S.A.A., « Séance du du 9 mai 1946 », Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, f 217, Tours, A.D., T1406.

12 LAGRANGE, Léon, « Des sociétés des Amis des Arts en France. Leur origine, leur état actuel, leur avenir », in Gazette des Beaux-Arts, t. IX, 1er mars 1861, p. 291-301 ; t. X., 1er avril 1861, p. 29-47, 15 avril 1861, p. 102-117, 1er mai 1861, p. 158-168 ; 15 mai 1861, p. 227-242,

LAGRANGE, Léon, Des sociétés des Amis des Arts en France, Paris, J. Claye, 1861.

13 LAGRANGE, Léon, « Des expositions provinciales d'objets d'art et de curiosité », in Gazette des Beaux-Arts, t. II, 15 avril 1859, p. 93-109.

LAGRANGE, Léon, « Exposition rétrospective de tableaux de maîtres anciens », in Gazette des Beaux-Arts, t. XX, 1er mai 1866, p. 573-577.

14 CHIRAC, Auguste, Des expositions gratuites au point de vue du progrès et de la bienfaisance. Propagation du travail national appel, aux arts, à l'industrie, au travail à l'horticulture, à l'agriculture, Paris, Imp. Vallée, 1866, Paris, B.N.F., VP-11750.

MARET-LERICHE, Jules, Les expositions d'art au XIXe siècle, Paris, Imp. Schiller, 1866, Paris, B.N.F., V-45938.

15

Beaux-Arts durant le XIXe siècle. Ainsi, il semble qu'il faille attendre 1976 pour que Raymonde Moulin, sociologue et auteure majeure sur la question des sociétés artistiques, propose une première étude globale sur le fonctionnement de ces regroupements pour les arts15. S'ensuivent dans la décennie 1990, des études spécifiques à des villes ou des régions menées essentiellement dans le cadre de travaux de deuxième et troisième cycle universitaire16. Dominique Dussol soutient notamment sa thèse en 1994 sur l'action de la Société des Amis des Arts de Bordeaux. Dans celle-ci, il tente de recontextualiser la naissance des salons bordelais dans leur milieu local, mais également dans le mouvement général des expositions des sociétés des Amis des Arts pour dégager les spécificités propres au terreau girondin17. Dans l'objectif de faire redécouvrir le dynamisme culturel ainsi que les tenants et les aboutissements de la production artistique « dans les régions modérées »18, Nicolas Buchaniec consacre quant à lui sa thèse, aux expositions dans le nord de la France19. Publiée aux Presses universitaires de Rennes en 2010, cette étude propose de s'intéresser à la question des salons de province alors que durant longtemps les historiens « convaincus du retard de la province dans le domaine des arts et de l'insignifiance de son rôle dans la diffusion et le commerce de l'art contemporain [É] ont ignoré les salons artistiques qui se multiplient sur l'ensemble du territoire national dans la seconde moitié du XIXe siècle »20. L'étude de réseaux artistiques provinciaux paraît paradoxale face à l'actualité scientifique qui privilégie, comme le font remarquer Laurent Houssais et Marion Lagrange, « une approche nationale et internationale »21. Il ne faut cependant pas

15 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976.

16 CRÉTIN-NICOLO, Olivia, La Société des Amis des Arts de Nantes 1890-1920, mémoire de maîtrise, sous la direction d'Alain Bonnet, Université de Nantes, 2003.

MARTY, Florian, Les Amis des Arts à Limoges sous le Second Empire, mémoire de master 1, sous la direction de Jean-Roger de Soubiran, Université de Poitiers, 2011.

17 DUSSOL, Dominique, La Société des Amis des Arts de Bordeaux 1851-1939, thèse de doctorat, sous la direction de Dominique Rabereau, Université Michel-de-Montaigne-Bordeaux-III, 1994.

DUSSOL, Dominique, Art et bourgeoisie : La Société des Amis des Arts de Bordeaux 1851-1939, Bordeaux, Le Festin, 1997.

18 MOULIN, Raymonde, « Préface », in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, Marché(s) de l'art en province, actes de colloque, Bordeaux, Bibliothèque municipale, 30 janvier et 1er février 2008, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010, p. 7.

19 BUCHANIEC, Nicolas, Les expositions dans le Nord de la France dans la seconde moitié du XIXe siècle (18701914), thèse de doctorat, sous la direction de François Robichon, Université de Lille-III, 2006.

20 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province : les expositions artistiques dans le nord de la France 1870-1914, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 17.

21 HOUSSAIS, Laurent, LAGRANGE, Marion, « Le sol ingrat de la province » in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, Marché(s) de l'art en province, actes de colloque, Bordeaux, Bibliothèque municipale, 30 janvier et 1er février 2008, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010, p. 9.

16

omettre que les sociétés artistiques entretiennent en dehors des villes et des régions qui leur sont propres, des rapports avec leurs consoeurs, ce qui est la preuve de transferts culturels transrégionaux. Ainsi dans le colloque Marché(s) de l'art en province, l'étude des interactions transrégionales et transnationales des sociétés artistiques bénéficie d'une grande attention. Anne-Doris Meyer, chargée de mission aux Musées de la Ville de Strasbourg, pose notamment la question des transferts culturels entre la France et l'Allemagne et s'intéresse de surcroît à la notion de nationalisme au travers de l'examen particulier des actions de la Société des Amis des Arts de Strasbourg22.

Depuis 2015 un intérêt scientifique plus général naît à propos des sociétés des Amis des Arts en France. En effet, le programme lancé à l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) sous la direction de Frédérique Desbuissons, maître de conférences en histoire de l'art moderne et contemporaine à l'Université de Reims Champagne-Ardennes, et intitulé Sociétés des Amis des Arts, vise à « proposer une première cartographie et procurer à la communauté scientifique les matériaux et les outils facilitant l'étude [de ces sociétés] »23. Pour ce faire le programme entend constituer une base de données répertoriant l'ensemble des sociétés artistiques françaises et les sources permettant leur étude.

Si ce programme réunit une communauté de chercheurs autour de la problématique des sociétés des Amis des Arts en province, il reste tout, ou presque, à faire sur le strict sujet des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine. En effet la bibliographie paraît inexistante, bien que des travaux universitaires menés dans le cadre de master se soient déjà attelés à brosser le portrait de certaines sociétés savantes tourangelles, de leurs actions et des protagonistes qui les constituent. En s'intéressant aux collectionneurs du Val-de-Loire au XIXe siècle, Martine Augouvernaire défriche la première la question des réseaux intellectuels tourangeaux24. Elle consacre dans son mémoire un court chapitre aux expositions tourangelles et cite notamment celles organisées par la Société Archéologique et la Société des Amis des Arts de la Touraine. À la suite Nathalie Bénâtre en consacrant son mémoire de maîtrise à

22 MEYER, Anne-Doris, « Entre art et politique la Société des Amis des Arts de Strasbourg (1870-1918), in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, op. cit., 2010, p. 7987.

23 INHA, « Les Sociétés des Amis des Arts, 1789-1914 », 26 février 2015. Disponible sur : https://www.inha.fr/fr/agenda/parcourir-par-annee/en-2015/mars-2015/les-societes-des-amis-des-arts.html. Consulté le 27/02/2017.

24 AUGOUVERNAIRE, Martine, Collectionneurs, Amateurs, et curieux au XIXe siècle en Indre-et-Loire, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction d'Isabelle Brelot, Université François Rabelais de Tours, 1992, p. 141-143.

17

l'histoire du musée des Beaux-Arts de Tours de ses origines à 1910, propose également une synthèse sur les expositions organisées par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts25. Une partie de son étude vise à rendre compte de la politique d'acquisition de la ville à l'occasion des expositions organisées par les sociétés artistiques. Quant à François Védrine son mémoire se propose de reconstituer l'histoire de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire entre 1820 et 188026. Toutefois, son travail se focalise exclusivement sur la thématique agricole et omet entièrement les actions de la section artistique de la société. Plus récemment, Clémence Brogard en proposant une étude sur l'exposition rétrospective de Tours de 1873, s'intéresse à la question des réseaux et à la participation d'un certain nombre de membres de la Société Archéologique de Touraine dans l'organisation de cette exposition27.

Des érudits locaux se sont confrontés également à l'histoire des sociétés savantes et artistiques du département d'Indre-et-Loire, à l'exemple de Pierre Audin, docteur en histoire et membre de la Société Archéologique et de l'Académie de Touraine, qui a réalisé une étude sur l'histoire de la Société Littéraire et Artistique de Touraine visant à rendre compte de son influence sur la vie culturelle locale28. Michel Laurencin, professeur honoraire de chaires supérieures et membre de plusieurs sociétés savantes tourangelles, a quant à lui publié une étude sur l'histoire de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, de sa formation à son état actuel29. Si la question des sociabilités artistiques en Indre-et-Loire paraît susciter l'intérêt des chercheurs, il semble néanmoins qu'aucune étude globale menée sur un temps long n'a jusqu'aujourd'hui été réalisée. C'est donc avant tout grâce à une prospection nécessaire et rigoureuse dans différents services d'archives publiques que les informations pour mener à bien ce travail ont pu être réunies.

Aux Archives municipales de Tours, aux Archives départementales d'Indre-et-Loire comme aux Archives nationales de France, les documents récoltés proviennent pour l'essentiel

25 BENÂTRE, Nathalie, Un musée de Province au XIXème : le musée des Beaux-Arts de Tours dès origines à 1910, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction d'Alain Corbin, Université François Rabelais de Tours, 1988.

26 VÉDRINE, François, La Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire (1820-1880), mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction de Claude-Isabelle Brelot, Université François-Rabelais de Tours, 1993.

27 BROGARD, Clémence, Une exposition rétrospective en province : Le cas de l'exposition des Beaux-Arts de Tours en 1873, mémoire de master 1 d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de France Nerlich, Université François-Rabelais de Tours, 2016.

28 AUDIN, Pierre, « La Société Littéraire et Artistique de la Touraine. Soixante ans de vie culturelle provinciale », in Mémoires de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, t. XXI, 2008, p. 137-153.

29 LAURENCIN, Michel, « La Société d'Agriculture... », op. cit., 2010, p. 91-123.

18

de fonds concernant les sociétés savantes et les expositions locales30. Il convenait de débuter cette recherche par la constitution d'un corpus de sociétés artistiques du département d'Indre-et-Loire. Pour ce faire, les répertoires d'inscription de la préfecture et les dossiers administratifs se sont révélés des sources utiles, bien qu'aucun ne concerne les années antérieures à 185231. Il faut constater que le corpus de sources est inégalement réparti en fonction des sociétés. Lorsque certaines sont à peine représentées à l'exemple de la Société Artistique et Philanthropique des Joyeux Amis32, d'autres sont documentées abondamment, à l'instar de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire dont les Archives municipales de Tours conservent l'ensemble des fonds depuis sa création jusqu'à sa dissolution33.

Les documents administratifs représentent une grande part des sources réunies pour constituer cette étude. Ces archives nous renseignent essentiellement sur la date, les motivations et le contexte de création des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en se présentant notamment sous la forme de demandes d'autorisation de constitution. À ces documents, s'ajoutent les registres des délibérations des Conseils municipaux de la ville de Tours34. Ils sont une source précieuse, puisque conservant à l'écrit les débats autour de l'organisation des expositions tourangelles, les rapports des commissions d'organisation et les propositions de certains citoyens au sujet du développement des Beaux-Arts en Touraine. En outre, la correspondance entre les sociétés artistiques, les représentants des municipalités et des services administratifs, tel que le Ministère de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes, nous renseigne sur le quotidien des associations35. De nombreuses demandes d'allocations, de mise à disposition de locaux et attributions d'oeuvres d'art ont ainsi été recueillies. Ces documents témoignent finalement de la proximité entre les instances administratives et les sociétés ainsi que des situations précaires et du peu de moyens de certaines associations.

30 Expositions d'art et d'industrie, Tours, A.M., 2F boîte 14

Sociétés savantes d'Indre-et-Loire, Tours, A.M., 2R 401/1 et 2R 401/2. Sociétés savantes, Tours, A.D., 4T 1398.

Expositions en province, Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/4085 et F/21/541.

31 « Police 1800-1940 : Associations, cercles et sociétés », Tours, A.D., 4M 168 à 265.

32 MARCHAL, F. (président) : Lettre au maire de Tours au sujet du prêt de la salle du manège pour l'organisation d'une exposition, 20 novembre 1891, Tours, A.M., 2R 401/2.

33 Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Tours, A.M., 48Z.

34 Tours, A.M., série 1D.

35 Expositions en province (Neuilly-Wassy) et divers : patronage des Beaux-Arts, prêts et éventuellement achats d'oeuvres d'art. 1879-1935 : Tours (Indre-et-Loire), Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/4085.

Expositions en province, Tours (Indre-et-Loire), Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/541.

19

À cela, il faut ajouter également le traitement de données propres à certaines sociétés. Les procès-verbaux de séances d'assemblées générales et de commissions administratives ainsi que les registres de comptabilité sont utiles pour restituer le fonctionnement de la Société des Amis des Arts de la Touraine36. Pour la Société Archéologique et la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, les documents utiles recueillis par nos soins sont moins nombreux, quoique le dépouillement rigoureux de leurs Annales ait permis de reconstituer leurs actions sur le territoire tourangeau37. De surcroît, les documents édités par les sociétés à l'occasion de leurs expositions, à l'instar des livrets, des catalogues et des albums, représentent des sources d'information non négligeables. Ils indiquent principalement les artistes et les oeuvres exposées, proposent dans certains cas des reproductions photographiques38 et nous renseignent parfois sur les prix de vente grâce à des inscriptions manuscrites39. Cependant, toutes les expositions ne bénéficient pas de la publication d'un catalogue.

Pour constater le rayonnement des sociétés artistiques, et particulièrement la réception de leurs expositions, la presse de l'époque se révèle être une source importante. L'essentiel des articles qui leur sont consacrés sont extraits des quotidiens locaux, à l'instar de La Petite France, du Courrier et du Journal d'Indre-et-Loire, dans lesquels les sociétés trouvent régulièrement des soutiens bienveillants à leurs égards. Par ailleurs les revues locales spécialisées dans le domaine des arts lancées à l'initiative de sociétés ou d'individus leur étant liés, comme La Touraine, La Revue littéraire de Touraine ou encore L'Écho littéraire et artistique Tours-Paris sont des sources importantes puisque renseignant au plus près sur les activités culturelles de la région. Mais il convient également d'élargir la recherche sur la réception des expositions à la presse artistique nationale, compte tenu de la visibilité importante des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts. Les quotidiens spécialisés dans le domaine des arts à l'exemple de L'Artiste, de La Chronique des Arts et de la Curiosité, du Courrier de l'art

36 S.A.A., Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, Tours, A.D., T1406.

S.A.A., Procès-verbaux des assemblées générales 1926-1931, Tours, A.D., T1407.

S.A.A., Registre de comptabilité, Tours, A.D., T1408. S.A.A., Comptes-rendus, Tours, Imp. Juliot, 1881-1892.

37 S.A.T., Annales, t. I-XC, Tours, Imp. Deslis, 1838-1910. S.A.S.A.B.L., Annales, t. I-XC, Tours, Imp. Deslis, 1821-1910.

38 PALUSTRE, Léon, Album de l'exposition rétrospective de Tours, Tours, Ed. Georget-Joubert, 1873. PALUSTRE, Léon, Album de l'exposition rétrospective de Tours (1890), Tours, Mame, 1890.

39 S.A.A., Exposition de 1882, cat. exp., Tours, Hôtel de ville, Tours, Imp. Rouillé-Ladevèze, 1882, Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/541.

20

ou du Journal des Artistes sont des sources d'informations précieuses sur l'organisation des expositions en Touraine par les sociétés d'émulation artistique.

À l'évidence, la Touraine profite d'un riche héritage artistique dont ses habitants sont conscients et semblent très fiers au XIXe siècle. C'est en effet dans cette province que l'art de la Renaissance française a éclos et que des grands noms qui composent depuis l'histoire de l'art national se sont imposés. Toutefois, au XIXe siècle, malgré ce passé artistique glorieux et un nombre d'artistes et de collectionneurs toujours plus croissant, l'activité artistique de la Touraine ne semble reposer que sur quelques institutions publiques, à l'exemple du musée et de l'école des Beaux-Arts de Tours, ainsi que sur un très faible nombre d'établissements privés spécialisés dans la vente d'oeuvres d'art. La population n'a donc que rarement l'occasion de se confronter à la production artistique vivante, puisque les artistes locaux ne profitent guère de structures leurs permettant de se faire connaître des amateurs. Parallèlement les artistes étrangers au département d'Indre-et-Loire et particulièrement parisiens souffrent d'un marché de l'art très concurrentiel. La formation des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine semble pallier toutes ces carences. Pour autant, toutes ne sont pas formées sur le même modèle et n'envisagent pas de la même manière l'émulation artistique dans le département. Dès lors, les sociétés peuvent-elles s'appréhender comme des institutions complémentaires aux établissements publics existants et sur quels paramètres économiques, culturels, identitaires et historiques, les sociétés de Beaux-Arts tourangelles s'appuient-elles pour encourager l'émulation artistique de leur territoire ?

Le premier chapitre de ce mémoire sera l'occasion de présenter l'histoire des sociétés savantes et artistiques du département d'Indre-et-Loire dans l'objectif de montrer notamment l'évolution quantitative - peut-être qualitative également - des regroupements pour les arts. Cette partie sera aussi l'occasion de remettre dans son contexte la vie culturelle de Tours. Aussi, nous examinerons la naissance de la première Société des Amis des Arts en Touraine, du projet de formation jusqu'à son instauration dans la ville. Faisant un saut dans le temps, nous nous attacherons à retracer les réseaux d'érudits qui ont mené à la création de la Société des Amis des Arts de la Touraine, puis la renaissance de la section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, avant de conclure sur l'élargissement des périmètres artistiques en nous intéressant à la question de la création de la Société Photographique de Touraine.

Le deuxième chapitre de ce travail sera consacré plus spécialement au fonctionnement des sociétés savantes et artistiques d'Indre-et-Loire. Il sera l'occasion de présenter

21

l'organisation hiérarchique des associations et de mettre en évidence la création de leurs statuts, tout en abordant leurs ressources budgétaires et l'implantation de leurs sièges sociaux qui résultent régulièrement de la bienveillance des autorités publiques. Nous montrerons ensuite quels sont les rapports qu'entretiennent les sociétés entre elles et avec la population, dans l'objectif de mettre en exergue leur rôle dans la vie culturelle de la ville.

Enfin, le dernier chapitre de ce mémoire sera consacré à l'étude des expositions organisées par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, qui sont de toute évidence les événements les plus marquants de la vie artistique en province. Nous présenterons tout d'abord la défense de l'identité artistique tourangelle entreprise par les sociétés au cours de leurs expositions, qu'elles soient rétrospectives ou consacrées à la promotion de l'oeuvre des artistes vivants d'Indre-et-Loire. La présence des artistes étrangers et principalement parisiens au cours des manifestations de Beaux-Arts de Touraine sera étudiée à la suite, pour comprendre notamment comment elle est appréhendée par le public tourangeau en général et les artistes de la localité en particulier. Après un bref rappel des institutions du marché de l'art à Tours au XIXe siècle, la dernière partie de ce chapitre sera consacrée à l'intérêt commercial des expositions sociétales pour les artistes locaux comme pour les artistes étrangers.

22

CHAPITRE I. L'ÉVOLUTION DES SOCIÉTÉS ARTISTIQUES EN TOURAINE ENTRE 1789 ET 1914

I) Du balbutiement à l'émergence des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts dans le département d'Indre-et-Loire

A. La Révolution en Touraine : une période de réorganisation des institutions artistiques

À tous les points de vue, qu'ils soient politiques, administratifs, économiques, géographiques ou culturels, la Révolution marque un tournant sans précédent dans l'organisation de la France en général et de ses provinces en particulier. À cette occasion sont créés, le 26 février 1790, les quatre-vingt-trois départements qui structurent désormais le territoire. La province de Touraine devient département d'Indre-et-Loire mais Tours reste néanmoins le chef-lieu du département et conserve de ce fait son rôle de capitale politique et économique, justifiée autant par la présence des administrations que des nombreux commerces. Il semble toutefois que la Révolution mette à mal la vivacité des affaires culturelles du département, conduisant à un contexte paradoxal de déclin mais aussi de développement du domaine artistique. Ainsi, comme le fait remarquer à juste titre Francis Démier dans son ouvrage de référence sur la France du XIXe siècle, la Révolution instaure un climat contradictoire dont l'acquisition de la liberté du peuple est souvent prise comme prétexte pour dissimuler les débordements du pouvoir autoritaire de la jeune République40, à l'exemple de la suppression des académies et des sociétés littéraires.

a) De la dissolution des académies en France en général à la fermeture de la Société Royale d'Agriculture de la généralité de Tours en particulier

Ayant l'ambition de réduire à néant les institutions dont les origines remontent à l'Ancien Régime, la Convention dans son assemblée du 8 août 1793 décide d'abolir « toutes les académies ou sociétés littéraires patentées ou dotées par la nation »41 et vote seulement quatre jours plus tard la confiscation de leurs biens mobiliers, puis immobiliers le 24 juillet suivant42.

40 DÉMIER, Francis, La France du XIXe siècle 1814-1914, Paris, Éditions du Seuil, 2000, p. 53.

41 GRÉGOIRE, Henri (dit Abbé Grégoire), Décret d'abolition des académies, 8 août 1793, in CHALINE, Jean-Pierre, Sociabilité et érudition les sociétés savantes en France, Paris, Éd. C. T. H. S, 1998, p. 39.

42 BERGOT, François, Trésors de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, Bonsecours, Éditions point de vue, 2009, p. 6.

23

Ce décret d'abrogation n'est qu'une étape dans la longue suite de vives attaques prises au dépend des académies, qui sont alors l'un des seuls avatars des progrès de l'agriculture, des sciences et de l'art en région.

C'est à partir du rapport que soumet l'abbé Grégoire (1750-1831) en 1793 qu'est votée la fermeture des académies qui portent « encore l'empreinte du despotisme, ou dont l'organisation heurte l'égalité, [ont] échappé à la réforme générale »43. Le reproche majeur de la Convention à l'égard des académies résulte surtout de l'ancienneté de leurs fondations et de leurs statuts élitistes voire exclusivement aristocratiques puisque « les patriotes y sont presque toujours en minorité »44.

Si le discours de Grégoire conduit à la dissolution des académies, il semble déjà que quelques mois auparavant en Touraine s'impose un courant qui leur est réfractaire. Pierre-Louis-Athanase Veau-Delaunay (1751-1814), avocat au barreau de Tours et deuxième suppléant d'Indre-et-Loire à la Convention45, présente le 6 février 1793 devant le Conseil général, un projet allant dans le sens de la fermeture des académies locales. Peut-être prend-il l'exemple de la Société Académique d'Écriture, de Vérification et d'Institution Nationale de Tours affiliée à celle de Paris46 ? Plus probablement c'est à la Société Royale d'Agriculture de la généralité de Tours qu'il s'attaque, puisque composée de l'élite locale du département : « Cet établissement ne peut plus subsister chez des hommes libres et éclairés [...] Gardons-nous de créer une académie privilégiée quand il s'agit de former une société républicaine »47. À sa fondation en 1761, le bureau de la Société d'Agriculture est constitué en effet de 20 membres titulaires issus essentiellement de la noblesse d'épée (20%). Les officiers de l'administration (20%) ainsi que les membres du clergé régulier et séculier (15% chacun) représentent aussi une part importante de l'effectif de la société48. Il semble que ces pourcentages correspondent aux proportions générales des académies de province49. À l'échelle nationale, les académiciens sont

43 GRÉGOIRE, Henri (dit Abbé Grégoire), Ibidem., in AUCOC, Léon, L'Institut de France et les anciennes académies, Paris, Plon, 1889, p. 3.

44 GRÉGOIRE, Henri (dit Abbé Grégoire), Ibidem, in LAURENCIN, Michel, « La Société d'agriculture... », Ibid., p. 95.

45 ROBERT, Adolphe (éd.), BOURLOTON, Edgar (éd.), COUGNY, Gaston (éd.), Dictionnaire des parlementaires français, t. V, Paris, Bourloton éditeur, 1891, p. 500.

46 [ANONYME], Almanach royal, Paris, Imp. De Testu, 1792, p. 515-516.

47 Registre de délibération du Conseil général, 6 février 1793, Tours, A.M., 1D7, in LAURENCIN, Michel, « La Société d'agriculture... », op. cit., 2010, p. 95.

48 LAURENCIN, Michel, « La Société d'agriculture... », op. cit., 2010, p. 94.

49 ROCHE, Daniel, op. cit., 1978.

24

des amateurs issus de noblesse récente ou de la bourgeoisie constituée principalement de professions libérales, administratives, médicales ou techniques. De fait, la Société Royale d'Agriculture exclut manifestement de ses rangs les classes sociales les plus populaires. A priori, les mesures prises lors de la Convention réduisent à néant la Société Royale d'Agriculture de la généralité de Tours. Néanmoins, il semble déjà que dès les premières années de la Révolution, cette société subisse de plein fouet des difficultés majeures. La tenue de sa dernière réunion en décembre 1790 le confirme50.

b) À l'origine de l'émulation artistique en Touraine : la création de l'école de dessin et du

musée de Tours

Malgré la disparition des sociétés savantes et littéraires, les activités artistiques et culturelles ne sont pas totalement annihilées dans le département d'Indre-et-Loire. En effet, l'école de dessin poursuit ses activités tandis que se construit dans le même temps les fondements du futur musée de Tours. Ces deux entités culturelles ont un dénominateur commun : Charles-Antoine Rougeot (1740-1797).

Né à Paris vers 1740, ce fils de tapissier s'installe à Tours où il travaille dans un premier temps auprès de son oncle, le « Sieur Roussel, archiviste du chapitre de Saint-Gatien »51. Jusqu'en 1778, Rougeot garde sa fonction d'archiviste comme activité principale, avant d'ouvrir une école gratuite de dessin dans son atelier de la Belle-Fontaine, situé à proximité de la cathédrale. L'école se compose en tout et pour tout d'une « vaste salle, bien éclairée et chauffée, [présentant] une grande table circulaire et académique, c'est à dire garnie de bancs, de pupitres et d'accessoires »52. Là, il reçoit trois fois par semaine entre une quarantaine et une soixantaine de jeunes artistes. Aujourd'hui les années de formation de ce professeur de dessin sont inconnues, malgré plusieurs études dont certaines sont relativement récentes53. Il est probable qu'il reçoit à la fois une formation de maître-tapissier à l'instar de son père et une

50 VÉDRINE, François, op. cit., 1993, p. 9.

51 LAURENT, Félix, « Mémoire sur l'école de dessin de Tours au dix-huitième siècle d'après les archives de l'hôtel de ville de Tours », Réunion des Sociétés Savantes des Beaux-Arts, volume VIII, Paris, Plon, 1884. p. 394.

52 Procès-verbal de la session du Conseil du département, 14 nov. 1790, Paris, A.N., cote non mentionnée, in BÉNÂTRE, Nathalie, op. cit., 1988, p. 14.

53 GILET, Annie, « De l'école de dessin au musée, histoire d'une collection », in Dessins XVe-XXe siècle. La collection du musée de Tours, cat. exp. Tours, Musée des Beaux-Arts de Tours, Tours, imp. Mame, 2001, p. 11-

22.

LAHALLE, Agnès, Les écoles de dessin au XVIIIe siècle. Entre arts libéraux et arts mécaniques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 71-72.

25

éducation littéraire comme le suggère son activité au scriptorium tourangeau54. Il est possible que Rougeot cherche à imiter les nombreuses écoles de dessin qui sont ouvertes depuis parfois plusieurs décennies dans plusieurs villes de françaises telles que Aix (1765), Lyon (1756) ou Marseille (1752) et même à proximité de Tours, à l'instar de Poitiers (1771), Nantes (1757) et Le Mans (1759). L'initiative individuelle de Rougeot constitue incontestablement au dynamisme artistique de la Touraine, d'autant que son projet est soutenu, seulement un an après l'ouverture de l'école, par des personnalités influentes de la ville dont les maires, Michel Banchereau et Benoit de la Grandière (1733-1805). Dès la fondation de l'école, il semble que Rougeot destine essentiellement son enseignement à la formation des futurs ouvriers des manufactures de soieries tourangelles, comme en témoigne sa lettre à l'intendant de la Généralité de Tours, François Pierre du Cluzel (1734-1783).

Je crois la ville de Tours plus susceptible que beaucoup d'autres, d'une école gratuite de dessin, non seulement pour [l'utilité] de différents artisans qui peuvent en profiter, mais encore pour y former des dessinateurs dans la fabrique des étoffes de soye55.

La production de la soie participe activement à l'économie générale de la ville. En effet, Tours développe cette activité depuis la fin des années 1470, soit près d'un demi siècle « avant que ne se créent à Lyon, les premiers ateliers de fabrication de la soie »56. Devenu école académique de peinture, sculpture, architecture et arts analogues en 1781, l'atelier de Rougeot ne peut que profiter aux « dessinateurs qui seront formés dans cette école pour le goût particulier des ouvrages de cette manufacture » comme l'écrit du Cluzel au comte d'Angiviller le 3 avril 178057. Si en tant que directeur-perpétuel Rougeot continue l'enseignement de la figure, il confie à ses collaborateurs l'instruction de l'ornementation et de la fleur, de l'architecture et de la géométrie, ainsi que de la coupe de la pierre, matières propres au développement des arts industriels de la région.

Si depuis 1778 les soyeux de la ville participent à la remise des récompenses destinés aux ouvriers et aux élèves de l'école, en 1782, une « classe d'amateurs » concourt à la prospérité et

54 MILLET, Audrey, « Charles-Antoine Rougeot et Jean-Jacques Raverot : itinéraire d'une famille au sein des écoles de dessin de Tours (1776-1826) », in ENFERT, Renaud d', FONTENEAU, Virginie, Espace de l'enseignement scientifique et technique. Acteurs, savoirs, institutions XVIIe-XXe siècles, Paris, Hermann, 2011, p. 110.

55 ROUGEOT, Charles-Antoine : Lettre adressée à l'intendant de la Généralité de Tours François Pierre du Cluzel, 31 juillet 1780, Tours, A.D., série C 348 in GILET, Annie, op. cit., 2001, p. 12.

56 COUDOUIN, André, « L'âge d'or de la soierie à Tours 1470-1550 », in Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, Vol. 88, n° 1, 1981, p. 43.

57 DU CLUZEL, François-Pierre : Lettre adressée au directeur des bâtiments du roi le comte d'Angiviller, 3 avril 1780, Tours, A.D., série C 348, in GILET, Annie, op. cit., 2001, p. 13.

26

à l'émulation de l'établissement de Rougeot. Ainsi, chacun des membres contribuent à hauteur de 12 livres à la « distribution de prix, de modèles, d'instruments et d'outils aux élèves, propres aux états qu'ils exercent »58. Les protagonistes les plus influents de la localité y sont associés à l'exemple « du duc et de la duchesse de Choiseul, de l'intendant du Cluzel, de son S. A. S. Mgr le duc de Penthière, de Mgr l'archevêque de Tours, de M. le comte d'Estaing, de M. le duc de Luynes, Messieurs de l'église de Tours et de l'église de Saint-Martin, l'abbaye royale de Marmoutier, le Corps de la manufacture, celui des orfèvres »59. Si la bienveillance de ces amateurs pour les élèves de l'école de dessin apparaît comme une action philanthropique, elle n'est à l'évidence pas entièrement désintéressée. Figurer sur cette liste est en effet gage de distinction sociale. La Révolution ne paraît pas mettre à mal le concours de la classe d'amateurs, bien que son action diminue déjà notablement l'année suivant sa création, en raison des décès d'un certain nombre de personnages figurant parmi les plus importants, comme l'intendant du Cluzel.

Si de la Révolution découle le terme « vandalisme », elle conduit également à la notion de conservation du patrimoine. La loi du 16 septembre 1792, portant sur la sauvegarde des objets d'art provenant des maisons royales et des édifices nationaux, est à l'origine de la création d'un certain nombre de musées dont celui de Tours, qui doit beaucoup à l'initiative de Rougeot 60 . La publication, le 6 octobre 1792, d'un arrêté départemental disposant du recensement des monuments des sciences et des arts, conduit Charles-Antoine Rougeot et son gendre Jean-Jacques Raverot (1760-1842), peintre en miniature, à établir les premiers inventaires des oeuvres saisies susceptibles de constituer les premières collections du musée de Tours. Dans un premier temps les oeuvres sont conservées dans un dépôt avant de les présenter officiellement au public à partir de 1795. À son ouverture les tensions de la Révolution sont encore palpables, comme le fait remarquer l'un des membres du Conseil général révolutionnaire de la commune de Tours :

Quelques citoyens trouvoient mauvais qu'on exposa dans les musées des tableaux et autres monuments des arts, portant des signes de royauté et de féodalité, ou qui représentoient des sujets

58 ROUGEOT, Charles-Antoine : Lettre au Conseil de la Compagnie, 19 juillet 1782, in LAURENT, Félix, « Mémoire sur l'école... », op. cit., 1884, p. 397.

59 [ANONYME], École gratuite et académique de dessin et arts analogues établie dans la ville de Tours, Prospectus pour la formation d'une Classe d'Amateurs de ladite École, Tours, imprimerie F. Vauquer-Lambert, 1782.

60 BÉNÂTRE, Nathalie, op.cit., 1988, p. 15.

27

relatifs à la religion Romaine [É] Même on avoit entendu quelques militaires menacer de couper à coup de sabre certains tableaux s'ils les retrouvoient exposés à vue »61.

Le zèle révolutionnaire est toujours bien présent lorsque le musée s'installe dans une partie de l'Archevêché, tout comme l'École Centrale, la bibliothèque, et l'école de dessin. Toutefois, il semble que ses collections sont dans un premier temps des outils propres à l'enseignement pour les jeunes artistes de la ville. Son ouverture relativement précoce témoigne cependant de la fertilité du terreau artistique tourangeau, bien que son développement se fasse davantage durant la première moitié du XIXe siècle. Si la fermeture des académies tourangelles est une brèche dans le développement des arts en Touraine, la continuité des activités de l'école de dessin et la création du musée résultent au contraire d'une volonté d'encourager les activités artistiques.

B. 1798-1835 : la renaissance des sociétés académiques locales

Du décret relatif à la suppression des académies en date du 8 août 1793 émane un caractère ambivalent. Quand d'un côté est prônée la disparition de toutes les sociétés savantes, de l'autre la « Convention nationale charge son comité d'Instruction publique de lui présenter incessamment un plan d'organisation d'une Société destinée à l'avancement des sciences et des arts » en plus d'offrir la possibilité aux citoyens « de se réunir en sociétés libres, pour contribuer aux progrès des connaissances humaines » 62 . Ce même paradoxe semble se constituer également dans le département d'Indre-et-Loire.

a) La reconstitution des sociétés savantes en Touraine : un retour en arrière paradoxal lié à

la problématique des réseaux de sociabilité

La suppression des académies et des sociétés littéraires en Touraine n'est que de courte durée. Un certain nombre de protagonistes - dont certains étaient jadis leurs détracteurs - se regroupent pour former deux sociétés : la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres du musée de Tours fondée le 22 janvier 1798 (3 pluviôse an VI) et la Société d'Agriculture, Arts et Commerces du département d'Indre-et-Loire ouverte le 11 mai 1799 (22 floréal an VIII) par arrêté du préfet Jean-Robert Graham. Si les deux sociétés sont distinctes, il semble néanmoins qu'un protagoniste déjà cité leur soit commun : Pierre-Louis-Athanase Veau-Delaunay. Alors qu'il prône devant le Conseil général d'Indre-et-Loire peu de temps avant la Convention

61 Registre du Conseil général révolutionnaire de la commune de Tours, Tours, A.M., 1D 21, in BÉNÂTRE, Nathalie, Ibid., p. 17.

62 GRÉGOIRE, Henri (dit Abbé Grégoire), Décret d'abolition des académies, 8 août 1793, in SIMON, Jules, Une Académie sous le Directoire, Paris, C. Lévy, 1885, p. 24-25.

28

l'abolition de la Société d'Agriculture « entachée d'origine monarchique, [il propose] lui-même [de] fonder à Tours une société savante sur une grande échelle »63 qui doit « s'établir dans les locaux de l'Archevêché en même temps que la bibliothèque, le musée et le jardin botanique »64. En somme, il semble que la fermeture de la Société Royale d'Agriculture résulte de l'origine monarchique de sa formation et des membres qui la constituent. En proposant en effet l'établissement d'une autre société, qui de surcroît serait installée dans l'enceinte du musée avec d'autres institutions culturelles, Veau-Delaunay reconnaît l'intérêt de l'établissement d'une société académique traitant autant de la thématique agricole que des sujets scientifiques et artistiques. Ce fervent républicain s'investit dans la vie de ces sociétés en remplissant pour chacune la fonction de secrétaire.

Ce sont toujours les élites intellectuelles, politiques et financières qui participent activement au fonctionnement de ces associations, puisqu'en effet « rien ne sépare plus les milieux aisés des plus modestes que les divertissements » 65 comme le souligne Michel Laurencin. Ainsi se retrouvent par exemple au bureau de la Société d'Agriculture, Arts et Commerces du département d'Indre-et-Loire, « le sénateur Clément de Ris, les négociants Cartier-Roze, Peltereau, Henri Goüin, l'inspecteur Jean Riffaut Desêtres, fondateur de la poudrerie du Ripault et membre du Conseil des Anciens »66. La réunion de l'ensemble de ces personnages témoigne probablement du besoin d'effacer les conflits d'intérêts passés, mais il est possible également que les relations maçonniques n'y soient pas étrangères. Veau-Delaunay est effectivement un franc-maçon de longue date affilié d'abord à la loge de La Concorde Écossaise tout comme Henri Goüin (1756-1823), puis à La Parfaite Union, ouverte en 1802, dans laquelle il est orateur67. Le tableau annuel de 1809 des membres de cette dernière loge prouve le recrutement dans les strates de l'élite de la bourgeoisie commerçante et industrielle de Tours. De nombreux membres de La Parfaite Union forment le bureau de ces sociétés à l'instar de Paul Deslandes (1746-1830), président de la Société d'Agriculture, Arts et Commerces du département d'Indre-et-Loire et Jean-Louis Chalmel (1756-1829), vénérable de la loge entre 1804 et 1805 et président de la la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres du

63 SOURDEVAL, Charles de, « Notice sur la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire », Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire, t. XXV, Tours, Imp. Mame, 1845, p. 268.

64 Ibidem.

65 LAURENCIN, Michel, La vie quotidienne en Touraine au temps de Balzac, Paris, Hachette, 1980, p. 268.

66 LAURENCIN, Michel, « La Société d'agriculture... », op. cit., 2010, p. 97.

67 FÉNÉAN, Jacques, Histoire de la Franc-maçonnerie en Touraine, Chambray-les-Tours, C.L.D., 1981, p. 7-9.

29

musée de Tours. De ce fait, ces protagonistes régissent à eux-seuls, autant les affaires culturelles en se regroupant dans les deux sociétés savantes que l'autorité politique et économique par leur notabilité, ainsi que les oeuvres de bienfaisance par leur participation aux activités de La Parfaite Union.

b) La création de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres : un premier pas

vers l'émulation des études historiques et des arts appliqués en Touraine au XIXe siècle

La séance commune du 29 juillet 1803 fait naitre l'idée du regroupement de ces deux entités en une société. L'arrêté préfectoral du 22 décembre 1805 (1er Nivôse An XIV) établit véritablement leur fusion. Ainsi se déroule le 6 mars 1806, la première réunion de l'Académie de Tours réunissant « Monsieur Deslandes, maire de Tours, président de la Société d'Agriculture, Chalmel, président de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres, Veau-Delaunay, secrétaire de la Société d'Agriculture et Secrétaire général de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres, Godefroy, secrétaire de la Société d'Agriculture, Dreux, secrétaire Général de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres »68.

Néanmoins, se pose rapidement la question de la dénomination de l'Académie nouvellement créée. En effet, jusqu'à ce jour toutes les associations intellectuelles tourangelles ancêtres de ce regroupement portent le titre de société et non celui d'académie, bien que les frontières lexicales soient relativement poreuses comme le suggère L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, qui associe à l'évidence les deux termes : « Académie, parmi les Modernes, se prend ordinairement pour une Société ou Compagnie de Gens de Lettres, établie pour la culture et l'avancement des Arts ou des Sciences »69. Le 20 mars 1806, est votée à l'unanimité du bureau de la Société, la demande d'autorisation de changement de dénomination auprès du Ministre de l'Intérieur70. L'appellation de Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire est adoptée définitivement le 16 mai 180671.

Ce regroupement permet d'apporter une plus grande cohérence et d'étendre par là-même occasion le champ d'action72. Malgré le caractère pluridisciplinaire affiché à travers les emblèmes de la société (fig. 1) - la faux et la hache représentant l'agriculture, la lyre et le soleil

68 Registre de délibération de l'Académie de Tours..., op. cit., f 3.

69 DIDEROT, Denis, ALEMBERT, Jean d', Encyclopédie, t. I, Paris, 1751, p. 52.

70 Registre de délibération de l'Académie de Tours..., op. cit., f 5-6.

71 LAURENCIN, Michel, « La Société d'agriculture... », op. cit., 2010, p. 97.

72 SOURDEVAL, Charles de, op. cit., p. 270.

30

illustrant les sciences et les arts - il paraît toutefois que les questions agricoles sont toujours au coeur des préoccupations, tandis que les progrès des sciences et des arts sont tenus à la marge, comme en témoigne le bref paragraphe de la « Notice historique » de Charles de Sourdeval (1800-1879) retraçant les travaux extraordinaires de la section des Arts et Belles-Lettres73. À l'inverse, l'auteur accorde une synthèse très détaillée de l'histoire des travaux de la section agricole74. De surcroît l'essentiel des actions artistiques de la société se présente sous la forme de publication de mémoires prenant pour sujet le patrimoine bâti de Touraine. La parution de « morceaux de littérature et de poésie »75 vient en complément.

Au confluent de l'industrie, des sciences et des arts, la Société d'Agriculture encourage la production manufacturière de soierie en proposant annuellement à partir de l'année de sa fondation, un concours récompensant les meilleurs ouvriers. Comme Rougeot vingt ans auparavant, la Société tend à développer les arts appliqués de la région. Cependant, elle se distingue de l'encouragement proposé par l'école de dessin, en gratifiant les fileurs les plus appliqués, ce qui apparaît comme un complément au prix d'émulation accordés aux meilleurs dessinateurs. Le soyeux Armand-Noël Champoiseau (1770-1820) est à l'origine de cette récompense en présentant son rapport lors de la séance du 3 juillet 1806.

Voulant saisir tous les moyens de maintenir dans ce département l'art de la filature des soies au degré de perfection que comportent les soies de ce pays, connues depuis longtemps pour les plus belles de la France, propose pour les ouvrières qui auront le mieux filé cette année, dans l'étendue de ce département les prix suivants [É] pour la double croisade [É] et pour la simple croisade76.

Cette récompense pécuniaire et honorifique proposée par la Société d'Agriculture paraît être dans un premier temps destinée essentiellement aux femmes, qui représentent à l'évidence la main d'oeuvre la plus importante « des ouvriers en façonné » dans les manufactures de soierie. Ainsi lorsqu'en 1820 sont décernés les prix annuels, la totalité est adressée à des fileuses77. L'année suivante la société décide d'élargir les récompenses à l'ensemble des ouvriers « de plein ou étoffe unie » qui sont alors majoritairement masculins78.

73 Ibid., p. 280.

74 Ibid., p. 277-278.

75 Ibid., p. 274.

76 Registre de délibération de l'Académie de Tours..., op. cit., f 11.

77 S.A.S.A.B.L., « Séance publique du 15 avril 1820 », Annales, t. I, Tours, Mame, 1821, p. 82-83.

78 S.A.S.AB.L., « Médailles d'encouragement aux ouvriers en soie et en draperie », Annales, t. I, Tours, Mame, 1821, p. 145-146.

31

À l'évidence, la Société d'Agriculture cherche à maintenir en Touraine la tradition pluriséculaire du travail de la soie. Néanmoins, il semble que ses membres aient conscience que la valorisation de l'artisanat régional est indissociablement liée au développement industriel tout comme dans d'autres territoires français et européens de la même époque79. Le prix proposé par la société semble inciter à étendre l'identité locale à des échelles plus larges - nationale et internationale - puisqu'en effet, l'exportation à l'étranger des meilleures productions de soierie est encore relativement limitée avant 183080. Les expositions d'art et d'industrie proposées par cette même société dans les années suivantes, viennent en complément de ces prix et apportent une plus grande visibilité à l'ensemble des produits locaux.

C. La naissance et le développement des expositions artistiques et de la première la Société des Amis des Arts en Touraine (1835-1841)

Hormis la Société médicale du département d'Indre-et-Loire et la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, la Touraine ne comprend aucune autre société savante avant 184081. De surcroît, seule la Société d'Agriculture porte de l'intérêt à la thématique artistique, en développant le goût des recherches scientifiques et les arts appliqués. Pourtant, la problématique liée à la question des Beaux-Arts occupe une place relativement modeste dans la société, ce qui semble pousser l'un de ses membres à formuler auprès du maire de Tours, Jean-Joseph Febvotte (1770-1853 ; 1832-1835), alors membre honoraire de la Société d'Agriculture, une demande d'organisation d'une exposition industrielle et artistique ainsi que la formation d'une société des Amis des Arts en début de l'année 1835.

a) À l'origine des expositions d'art et d'industrie tourangelles : l'intervention de Raoul de

CroØ

Propriétaire du château de la Guerche reçu en dot de son mariage avec Victorine d'Argenson (1804-1880) et membre associé de la Société d'Agriculture du département d'Indre-et-Loire, André-Rodolphe, dit Raoul de CroØ (1802-1879), qui a reçu une formation à la peinture dans les ateliers parisiens de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) et de Pierre-Auguste Vafflard (1777-1837)82 projette d'établir à Tours une exposition prenant à l'évidence

79 THIESSE, Anne-Marie, La création des identités nationales, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p. 206.

80 BABONAUX, Yves, « L'industrialisation de Tours », Annales de Géographie, t. LVII, n°307, 1948, p. 248.

81 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Ad. Mame et Cie, 1825 à 1840, Tours, A.D., IN16°1/22 à 37.

82 BELLIER DE LA CHAVIGNERIE, Émile, AUVRAY, Louis, Dictionnaire général des artistes de l'École française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours, t. Paris, Librairie Renouard, 1882-1885, p. 323.

32

pour modèle celles « du Louvre ; et celles de l'industrie [qui] ont amené vingt mille étrangers à Paris et créé une circulation nouvelle de plus de soixante millions » (ann. 2.2.1.1)83.

Si le Salon se réunit annuellement au Louvre depuis la première moitié du XVIIIe siècle, il est au contraire un événement culturel parisien plus récent qui a pour but l'encouragement de l'économie nationale : l'exposition des produits de l'industrie française. La première édition de cette manifestation se tient au Champs de Mars en 1798, avant de s'ouvrir dans la Cour carrée du Louvre à partir de 1801, à la demande du ministre de l'Intérieur Jean-Antoine Chaptal (17561832)84. À travers l'organisation de cet événement, le gouvernement cherche manifestement à encourager l'industrie nationale et à lutter contre la concurrence étrangère, en offrant un panorama complet des productions des diverses branches de l'industrie française85. Quelques semaines seulement après la fermeture de cette exposition, qui propose notamment pour la section artistique la présentation des chefs-d'oeuvre ramenés d'Italie, est créée le 2 novembre 1801 (9 Brumaire An X) sous l'impulsion de Chaptal et la souscription de Napoléon Bonaparte (1769-1821) et du deuxième consul Jean-Jacques-Régis de Cambacérès (1753-1824), la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, qui vise « à seconder les progrès des arts utiles et de propager l'instruction sur tous les objets qui les intéressent »86. Cette société qui réunit les élites intellectuelles et scientifiques participe à la coordination des expositions industrielles qui sont organisées à rythme quinquennal à partir de 180287.

La proposition de Raoul de CroØ résulte à l'évidence d'un courant d'émulation national qui prend ses racines à Paris avant de se diffuser dans l'ensemble des régions françaises. En effet dans la majorité des chefs-lieux sont organisées des expositions d'art et d'industrie qui semblent s'inspirer du modèle parisien. Si « Lyon, Caen, Nantes ont leurs expositions » 88, plus proche de Tours « Angers suit leur exemple, et cette dernière ville va même ouvrir

83 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'établissement d'une exposition de Beaux-Arts au printemps 1835 et la création d'une Société des Amis des Arts, 10 février 1835, f° 2, Tours, A.M., 2 F Boîte 14.

84 ANDIA, Béatrice de (éd.), Les expositions universelles à Paris de 1855 à 1937, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2005, p. 11.

85 ALCOUFFE, Daniel (éd.), DION-TENENBAUM, Anne (éd.), ENNéS, Pierre (éd.), Un âge d'or des arts décoratifs 1814-1848, cat. exp., Paris, Grand Palais, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1991, p. 116.

86 [ANONYME], « Avertissement », Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Paris, Imp. Huzard, 1802, p. 3.

87 BENOIT, Serge (éd.), EMPTOZ, Gérard (éd.), WORONOFF, Denis (éd.), Encourager l'innovation en France et en Europe. Autour du bicentenaire de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Paris, CTHS, 2006.

88 [ANONYME], « Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 65, 23 avril 1835, p. 1.

33

prochainement une exposition spéciale pour les tableaux »89. Dès 1825, la ville de Nantes organise par exemple une première exposition des produits de l'industrie de la Loire-Inférieure, dont une section est réservée aux Beaux-Arts90. De cette exposition, les édiles angevins semblent s'inspirer pour organiser leur exposition de 1835, qui se compose de quatre sections industrielles et une section de Beaux-Arts proposant à la fois des tableaux d'histoire, de genre, de paysage ainsi que des portraits91. Ces expositions régionales se tenant à proximité de Tours incitent probablement Raoul de CroØ à lancer l'initiative d'une exposition à Tours. Celui-ci démontre la fertilité du terreau tourangeau à recevoir une exposition annuelle des produits des arts et de l'industrie en insistant notamment sur la présence d'un musée et d'une bibliothèque ainsi que sur la situation géographique favorable de la ville.

Depuis longtemps, Lyon, Bordeaux, Lille, Valenciennes, Cambrai, Douai, offrent à des époques rapprochées des expositions de Beaux-Arts. Pourtant, aucune de ces cités n'est placée comme le chef-lieu de notre Touraine pour leur servir de sanctuaire. Ici, le centre de la France, ici un beau et pur ciel, des monuments historiques et à étudier, à conserver du moins par souvenir, elles sont quelques unes des raisons qui devront appeler à Tours, les oeuvres des artistes de la capitale, et exciter l'émulation de ceux du département92.

S'il démontre la richesse du patrimoine historique de Touraine, Raoul de CroØ justifie son projet également par la localisation géographique de Tours. Placé au centre de la France, la ville jouit effectivement d'une situation géographique qui lui permet de relier rapidement Paris et les autres régions françaises. Un service de diligences relie quotidiennement les deux villes à raison de deux trajets par jour au départ de Tours, tandis qu'au départ de Paris la liaison est assurée une fois tous les deux jours93. Aussi, dès les années 1830 Tours réfléchit à s'équiper d'une voie de chemin de fer qui relie Orléans, puis Paris. Néanmoins, il faut attendre 1845 pour que s'ouvre cette première ligne, ainsi que les voies à destination de Bordeaux et de Nantes. L'apport de ce nouveau moyen de locomotion est bénéfique, puisque le temps de déplacement

89 Ibidem.

90 BRUNNER, Marie-Ange, « Bibliographie des expositions de province 1815-1850 », in Gazette des Beaux-Arts, n°95, 1980, p. 201.

91 Compte-rendu de l'exposition de l'Industrie, ouverte à Angers à l'hôtel de la Préfecture, le 12 novembre 1835, suivi d'une revue générale de l'exposition de peinture ouverte à l'hôtel de ville le même jour, Angers, Launay-Gagnot, 1836, Paris, BnF, V38 137.

92 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de, op. cit..

93 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire, op. cit., 1831, p. 199.

34

entre Tours et Paris est largement réduit. Il passe en effet de plusieurs jours à une moyenne contenue entre 6h40 et 8 heures94.

La tenue d'une exposition des produits des Beaux-Arts et de l'industrie apporterait à n'en pas douter selon le comte de CroØ, une émulation dans la ville et dans l'ensemble du département, ainsi que dans les régions limitrophes. Le projet très concret de ce dernier témoigne de son investissement. Il propose l'établissement d'une exposition au printemps de l'année 1835 dans les salles du rez-de-chaussée et du second étage du musée - ouvert seulement sept ans auparavant 95 - et la création d'une société des Amis des Arts. Toutes deux permettraient de perfectionner l'éducation populaire, d'entretenir et développer les relations entre Paris et la province et d'enrichir par le biais d'une loterie le musée de Tours.

Ce peintre et écrivain dont le réseau est très développé à Paris, en raison des différents articles qu'il publie notamment dans les revues artistiques telle que L'Artiste, justifie ces propos en donnant des exemples précis des manifestations organisées auparavant dans toute la France et particulièrement dans les régions septentrionales. Il semble avoir réuni un nombre important de documents relatifs aux expositions annuelles de Cambrai, à l'instar des statuts et des arrêtés municipaux qu'il transmet au maire de Tours le 23 avril 1835 (ann. 2.2.1.4)96. Il n'est pas étonnant que le comte de CroØ insiste longuement sur les actions des sociétés du nord de la France. En effet, il est né à Amiens et entretient probablement des liens avec sa région natale, ce qui facilite sa correspondance avec les sociétés du nord de la France.

b) Entre enthousiasme et perplexité : la réception du projet de Raoul de CroØ

Le projet du comte de CroØ est présenté une première fois devant le Conseil municipal à la séance du 11 février 1835. L'examen de cette proposition est délégué à une commission composée de « MM. Blain, Julien, Meffre, Champoiseau, Tonnellé, Lange et Walwein » (ann. 2.7.1.1)97 à laquelle s'ajoute Raoul de CroØ (ann. 2.2.1.3)98. Cette commission formée de protagonistes de diverses professions - architecte, négociant, avocat, médecin - et faisant partie pour l'essentiel de la Société d'Agriculture, semble reconnaître l'intérêt de l'organisation d'une

94 LAURENCIN, Michel, « La Société d'Agriculture... », op. cit., 2010, p. 235.

95 BENÂTRE, Nathalie, op. cit., 1988, p. 45.

96 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre au maire de Tours au sujet de l'organisation de l'exposition de l'industrie de 1835, 23 avril 1835, Tours, A.M., 2 F Boîte 14.

97 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 11 février 1835, f6, Tours, A.M., 1D 53.

98 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 1er avril 1835 au sujet de l'établissement dans la ville d'une exposition d'objets d'art et d'industrie, Tours, A.M., 1D 53.

35

telle exposition et de la formation à Tours d'une société des Amis des Arts dans le rapport qu'elle présente le 1er avril 1835 (ann. 2.2.1.3)99. Le Conseil municipal paraît approuver la démarche, les efforts et l'intérêt du projet du comte de CroØ. Néanmoins, il lui est nécessaire de répondre avant toute prise de décision aux questions suivantes : « L'exposition est-elle possible ? Offre-t-elle quelques intérêts ? Enfin quels sont les moyens de l'établir ? »100 (ann. 2.2.1.3).

Comme le font remarquer les membres du Conseil municipal, Tours ne peut tenir la comparaison aux expositions parisiennes, ce qui semble-t-il, les fait douter des capacités de la ville à organiser une exposition qui ne « s'élèverait pas [en] Bazar à la cupidité de quelques étrangers, plutôt qu'en temple aux arts et à l'industrie »101 (ann. 2.2.1.3). En effet, les industries et les artistes sont moins nombreux dans le centre de la France, ce qui pousse le Conseil à se demander si les ressources matérielles nécessaires à la constitution d'une exposition sont assez importantes et dignes d'intérêt. Pour autant, le Conseil municipal semble confiant en envisageant à plus long terme un développement de l'économie et des richesses de Tours, en raison de la visibilité apportée par l'exposition. Il projette de surcroît l'ajout d'une section horticole aux futures expositions.

Si les vertus d'une exposition ne sont pas contestées, les « voies et moyens propres à la réalisation du projet » sont cependant fortement discutés. Le budget représente la problématique majeure dans l'organisation des futures expositions tourangelles. En effet entre les propositions de Raoul de CroØ et le projet de la municipalité apparaissent des différences importantes de budget, ce qui induit la commission à penser « que l'auteur de l'exposé s'est fait quelques illusions sur le chiffre des dépenses nécessaires à un pareil établissement. Ces dépenses portent sur l'appropriation d'un local, les frais de transport des objets d'art ou d'industrie, les récompenses, les achats »102 (ann. 2.2.1.3). Dans son rapport adressé à la commission d'étude du projet, Raoul de CroØ ne compte en effet aucune dépense pour la mise à disposition et la réfection du local du musée, tandis que la municipalité envisage des travaux qui représentent à l'évidence des dépenses pour la ville (Ill. 1). Aussi, le projet initial ne prévoit qu'une somme de 200 francs pour l'entretien et la conservation des tableaux, tandis que le Conseil municipal prévoit au minimum une dépense de 500 francs. Si les deux partis sont sensiblement d'accord

99 Ibidem.

100 Ibid, f 23.

101 Ibidem.

102 Ibid, f 24.

36

sur la somme nécessaire à consacrer aux récompenses, ils divergent quant au coût du transport. En effet, Raoul de CroØ propose l'établissement d'un contrat avec une maison de roulage, telle que la firme Bricard qui oeuvre au transport des tableaux en provenance de Paris pour les expositions du nord de la France, qui s'élèverait à 800 francs (ann. 2.2.1.2). La municipalité quant à elle, refuse toute prise en charge du transport des oeuvres d'art et des produits industriels. Les achats pour le musée proposés sous la forme de loterie, représentent un coût de 2 000 francs dont les deux parties sont d'accord. Cependant la municipalité tourangelle n'envisage pas de prendre en charge la totalité des dépenses nécessaires à l'organisation de l'exposition et propose l'établissement d'une subvention commune avec le Conseil départemental. De fait Raoul de CroØ démontre que les bénéfices résultant de la vente des billets de loterie, des catalogues de l'exposition et de la cotisation des membres fondateurs de la future société des Amis des Arts, permettraient de réduire considérablement le coût de l'exposition (Ill. 2). Ainsi, outre le fait de participer aux choix des objets exposés, la société des Amis des Arts projetée par le comte de CroØ a aussi une fonction économique, dont le but est de réduire par la somme des adhésions le coût de l'exposition d'art et d'industrie.

Le Conseil municipal semble séduit par l'organisation d'une telle exposition à Tours et reconnaît son utilité. Il adopte de suite un projet d'organisation d'une exposition devant s'ouvrir la même année du 10 mai au 10 juin dans les salles vacantes du musée103 (ann. 2.2.1.3). Néanmoins cette entreprise quelque peu précipitée n'aboutit pas et le projet est discuté de nouveau le 25 mai 1835.

Certains membres du Conseil municipal paraissent pessimistes en supposant que « Paris doit toujours attirer de la province tout ce qu'il y a de beau, que les artistes et les industriels du département seront les premiers à déserter l'exposition de Tours » (ann. 2.7.1.2)104. De ces propos résulte une forme de dévalorisation issues des rapports difficiles entretenus entre Paris et la province. Un autre membre du Conseil municipal admettant le climat « parisiano-centré » des affaires culturelles de l'époque, montre à l'inverse que « les provinces doivent lutter contre cette tendance de la capitale à attirer tout à elle »105. Cela l'incite à se porter favorable à l'organisation d'une exposition à Tours.

103 Ibid, f 25.

104 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 25 mai 1835 : Discussion autour de l'établissement d'une exposition des arts et de l'industrie, 1D53, f31, Tours, A.M., 1D 53.

105 Ibidem.

37

c) L'aboutissement de la création de la première exposition artistique et de la première
Société des Amis des Arts à Tours.

La proposition du comte de CroØ semble recueillir l'adhésion de la population tourangelle, comme en témoigne les propos de ce rédacteur du Journal d'Indre-et-Loire qui se félicite « de voir [Tours] entrer dans cette voie du progrès et de l'émulation »106. Pour autant la réalisation de ce projet est retardée, en raison des avis contraires des membres du Conseil municipal et de l'élection du nouveau maire de Tours. Depuis le 20 juillet 1835, Jean-Joseph Febvotte a laissé à Auguste Walwein sa place de maire de la ville. Si Walwein figure dès le 11 février 1835 parmi les membres de la commission d'examen du projet d'organisation d'une exposition d'art et d'industrie et de création d'une société des Amis des Arts, il est probable qu'à l'heure de son investiture cette entreprise ne soit pas une priorité. Néanmoins, Auguste Walwein semble témoigner de l'intérêt à ce projet en récoltant un certain nombre de documents relatifs aux expositions provinciales, auprès de ses confrères dont les villes accueillent des manifestations artistiques organisées par des sociétés locales107. Ainsi, les statuts des sociétés savantes et les différents arrêtés municipaux pris au sujet des expositions départementales et fournis par les maires de Rouen et d'Amiens notamment, sont à l'évidence des sources d'inspiration pour la constitution des futures expositions des Beaux-Arts à Tours.

Si toutefois une exposition d'horticulture est ouverte dans la grande salle du musée du 22 au 25 juillet 1838, suite à la demande des jardiniers de la ville108, il semble au contraire qu'aucune exposition artistique ne voit jour avant 1841 à Tours, malgré les relances émises par la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire depuis 1837109. La Société d'Agriculture incite en effet le maire tourangeau à considérer très sérieusement la proposition du comte de CroØ présentée quatre ans auparavant. Ainsi la société insiste sur la nécessité de soutenir les manufactures locales - de soie en l'occurrence -, puisque

106 [ANONYME], « Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n 65, 23 avril 1835, p. 1.

107 Mairie d'Amiens : Lettre adressée au maire de Tours au sujet des sociétés des amis des arts de la ville d'Amiens et de l'Exposition des produits des arts libéraux et d'horticulture du département de la Somme, 17 mars 1836, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

Mairie de Rouen : Lettre adressée au maire de Tours au sujet des expositions des produits des arts et de l'industrie organisées dans le département de la Seine-Inférieure, 16 décembre 1835, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

108 Jardiniers de Tours : Lettre adressée au maire de Tours au sujet d'une demande d'exposition d'horticulture, 24 juin 1838, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

Programme de l'exposition d'horticulture qui aura lieu à Tours, dans la grande salle du musée le 22 juillet 1838, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

109 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 28 août 1837 : Exposition des produits des arts et de l'industrie, projet d'établissement, f30. Tours, A.M., 1D 55.

38

« nulle part le département d'Indre-et-Loire [n'est] cité comme pays manufacturier » 110 (ann. 2.2.3.3). Les arts appliqués sont une préoccupation récurrente pour la Société d'Agriculture tourangelle. De fait, elle est soutenue par la Chambre de commerce de Tours à partir de 1840 pour l'organisation d'une exposition industrielle (ann. 2.2.4.1)111. Le concours de cette instance publique semble apporter à l'initiative individuelle de la Société d'Agriculture en général et du comte de CroØ en particulier, une légitimité auprès de la ville. Dès lors, la Chambre de commerce, le Conseil municipal, le Conseil général et la Société d'Agriculture se regroupent officiellement à partir du 20 octobre 1840 pour former une commission spéciale chargée de l'organisation de l'exposition de mai 1841112(ann. 2.2.4.3).

Une commission spéciale des Beaux-Arts a été formée au sein de la commission générale chargée d'organiser l'exposition qui doit s'ouvrir à Tours le 10 mai prochain. Cette commission a reconnu que la création d'une Société des Amis des Arts seconderait puissamment ses efforts, et permettrait de conserver à Tours quelques-uns des ouvrages exposés. Une première liste des souscriptions a déjà réuni de nombreuses signatures; chacun s'empressera sans doute de s'associer à cette pensée113.

Ce n'est que quelques semaines seulement avant l'ouverture de l'exposition qu'est formée la première Société des Amis des Arts tourangelle dont le président est sans surprise Raoul de CroØ. Le secrétariat de la société est assuré par le peintre et professeur de dessin Jacques Victor Jacquinet qui expose à trois reprises au Salon entre 1833 et 1838. Le bureau est complété par la présence du notaire Emmanuel Chambert, du colonel d'artillerie à la retraite Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, de l'ancien maire de Tours Jean-Joseph Febvotte, de l'architecte Charles Jacquemin, de l'imprimeur et homme politique Ernest Mame (1805-1883), du maire Auguste Walwein et de M. Navarre dont la profession est aujourd'hui inconnue114. En grande majorité, ces artistes et amateurs sont également membres de la Société d'Agriculture, mais aussi collectionneurs d'art vivant, à l'instar de La Combe qui s'intéresse particulièrement à l'oeuvre lithographique de Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845) et qui entretient de

110 S.A.S.A.B.L. : Lettre au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition, 31 juillet 1839, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

111 S.A.S.A.B.L : Lettre au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition d'arts et d'industries, 11 avril 1840, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

112 Président de la chambre de commerce de Tours : Lettre au maire de Tours au sujet de la mise en place d'une commission spéciale entre la société d'agriculture, la chambre de commerce et le conseil municipal, 20 octobre 1840, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

113 [ANONYME], « Société des Amis des Arts à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, 9 avril 1841, p. 1.

114 Ibidem.

39

nombreux liens avec les artistes parisiens115. Si les relations avec les artistes apportent à La Combe une légitimité particulière en tant qu'amateur à l'instar du peintre Raoul de CroØ, qui expose une première fois au Salon en 1824116, tous ont à l'évidence un réseau de sociabilité important à Tours, leur permettant de recueillir aisément des souscriptions pour la Société des Amis des Arts. Cette association a pour but de favoriser le développement artistique en Touraine, en procédant notamment à l'achat d'oeuvres d'art.

L'action de cette société est attestée par la presse en 1841117. Cependant, hormis la mention d'une Société des Amis des Arts à Tours en 1846 dans une liste publiée dans L'Artiste118, le dépouillement des journaux des années suivantes ne permet pas de retracer à plus long terme l'existence de cette société, d'autant qu'elle ne semble pas soumise à des statuts juridiques particuliers, en raison de son affiliation à la commission en charge de l'organisation de l'exposition. Aussi, il faut remarquer que cette dernière n'est à aucun moment mentionnée dans les annuaires du département. En somme, les origines de la première exposition artistique et de la première Société des Amis des Arts de Tours sont indissociablement liées. La formation de ces deux entités est une première étape dans la popularisation et l'encouragement de l'art dans le département d'Indre-et-Loire.

II) De 1840 au début du XXe siècle : la fondation et la renaissance des sociétés les plus actives pour le développement des arts dans le département d'Indre-et-Loire

A. La Touraine vers le milieu du XIXe siècle : un terreau fertile pour la formation de sociétés savantes et d'encouragement aux Beaux-Arts

Si dès la première moitié du XIXe siècle, les initiatives individuelles soutenues par les instances publiques contribuent dans une certaine mesure à l'encouragement des arts en province, il semble que durant la seconde moitié de ce siècle, un vent nouveau souffle sur les

115 LANGLOIS, Brice, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, collectionneur tourangeau, mémoire d'histoire de l'art contemporain de master 1, sous la direction de France Nerlich, Université François-Rabelais de Tours, 2016.

116 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, lithographie, et architecture des artistes vivans, exposés au musée royal des arts, le 25 août 1824, Paris, C. Ballard, 1824, n° 390-391 : http://salons.musee-orsay.fr/index/exposant/62842 consulté le 28/03/2017.

117 Ibidem.

[ANONYME], « Tours. Tirage de la loterie des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 75, 23 mai 1841, p. 2.

[ANONYME], « Société des Amis des Arts à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 49, 10 avril 1841, p. 1.

118 ARNAUD, Camille d', « Beaux-Arts », L'Artiste, t. VII, 4ème série, 1846, p. 208.

40

affaires culturelles des départements, en raison de la multiplication des associations artistiques encouragée par les différentes administrations municipales et nationales depuis 1840. La délégation des affaires culturelles par l'État à ces groupes « d'amateurs intelligents, actifs et riches » invite à une décentralisation artistique « pacifique » comme le souligne Philippe Burty (1830-1890) dans son article consacré à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Bordeaux en 1865119. En Touraine les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts semblent suivre la même voie. C'est dans les décennies 1840-1850 que naissent un certain nombre de sociétés plus ou moins investies dans le développement de l'art vivant et dont les périodes d'activité sont extrêmement variables. De fait, ces associations proposent une diversité de manifestations dans un but commun : celui de propager le goût des arts et des études historiques sur le territoire tourangeau.

a) La Société Archéologique comme moteur des activités de recherches scientifiques et de

popularisation de l'art en Touraine par le biais d'expositions

Fondée en 1840 à la suite du regroupement de l'abbé Manceau (1805-1855), de Noël Champoiseau (1795-1859), d'Henri Goüin (1782-1861) et d'Alexandre Giraudet, tous membres par ailleurs de la Société française pour la conservation des monuments historiques créée en 1834 à l'initiative d'Arcisse de Caumont (1801-1873) (2.1.1), la Société Archéologique de Touraine est autorisée officiellement le 18 octobre 1840 par décision ministérielle120. Dans un premier temps il semble que sa formation résulte de l'association de membres de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire « jaloux d'imprimer plus d'activité à ceux qui ont pour objet la science archéologique »121.

Émanée en quelque sorte de votre sein, puisque l'on y compte un grand nombre de vos collègues, cette Société ne pourra qu'agir de concert avec vous en tout ce qui se rapporte à la science qu'elle cultive, et ce sera pour vous, en quelque sorte, une section d'archéologie, comme vous en avez une aujourd'hui d'horticulture122.

Comme le laisse sous-entendre le secrétaire-perpétuel Chauveau, la Société Archéologique est issue de la Société d'Agriculture. Les deux associations ne sont donc pas concurrentes. Dans les faits, il est possible de remarquer à partir des listes des sociétaires

119 BURTY, Philippe, « L'Exposition de Bordeaux », Gazette des Beaux-Arts, t. XVIII, Paris, mai 1865, p. 465.

120 S.A.T., « Statuts de la Société Archéologique de Touraine », Mémoires, t. I, Tours, Imp. Mame, 1842, p. 17.

121 S.A.S.A.B.L., « Rapport de M. le secrétaire perpétuel », Annales, t. XX, Tours, Imp. Mame, 1840, p. 234.

122 Ibid, p. 235.

41

publiées dans les Annuaires du département d'Indre-et-Loire en 1840 et 1845, que presque tous les membres du bureau de la Société Archéologique participent aux activités de la Société d'Agriculture, à l'exception de l'abbé Manceau et de l'imprimeur Jean-François Ladevèze123. La Société Archéologique de Touraine est « instituée dans le but de propager le goût des connaissances archéologiques, d'appeler un plus grand nombre de personnes à l'étude et à la recherche de nos richesses monumentales et numismatiques, et de les intéresser à leur conservation »124. Ainsi ses membres contribuent à la publication d'un certain nombre d'études sur l'histoire et le patrimoine bâti de Touraine dans les Annales éditées à partir de 1842.

Pour autant la Société Archéologique ne se contente pas uniquement de fournir des études monumentales. Elle vise aussi à développer dans une certaine mesure, le goût des arts chez ses concitoyens. Une commission est formée au sein de la société dès 1841 pour réfléchir à l'organisation d'une exposition d'objets d'art. Alfred Laurent, imprimeur tourangeau, communique les décisions de la commission dans un rapport lu à la séance du 29 décembre 1841. La Société Archéologique semble prendre en exemple l'exposition organisée la même année par le concours de la Société d'Agriculture et de la Société des Amis des Arts. Cette exposition artistique reçoit en effet une réception encourageante et suscite l'enthousiasme de la commission en charge de l'exposition de la jeune Société Archéologique de Touraine qui reconnait que « la solennité de 1841 fera époque dans [les] annales »125. À l'évidence la commission s'appuie sur le compte-rendu que publie Alfred Laurent sur l'exposition de 1841126.

Pour son exposition, la Société Archéologique paraît emprunter les mêmes voies d'organisation qu'ont choisi la Société des Amis des Arts et la Société d'Agriculture. Elle propose « de nommer immédiatement une commission spéciale et permanente, choisie [en son] sein [É] à laquelle seraient adjoints des membres du Conseil municipal de Tours, des membres du Conseil général d'Indre-et-Loire, et, au besoin, plusieurs personnes étrangères à la Société, lesquelles seraient choisies parmi les propriétaires des plus belles collections dans les

123 [ANONYME], « Sociétés savantes », Annuaire..., op. cit., 1840 et 1845, p. 187-189 et p. 193-196.

124 S.A.T., « Statuts de la Société Archéologique de Touraine », op. cit., p. 17.

125 LAURENT, Alfred, Anonyme, « Rapport lu dans la séance du 29 décembre 1841 au nom de la commission chargée d'examiner le projet d'une exhibition d'objets d'arts antiques, dans la ville de Tours », Mémoire de la Société Archéologique, t. 1, 1842, p. 189.

126 LAURENT, Alfred, Compte-rendu de l'exposition publique des produits de l'industrie, des arts et de l'horticulture, qui a eu lieu à Tours, Paris, 1841.

42

départements appelés à concourir »127. Ainsi se réunissent pour l'organisation de l'exposition : Louis Boilleau, conservateur du cabinet archéologique, Boilleau fils, Gaëtan Cathelineau (1787-1859), peintre, Devouge, Henri Goüin fils (1782-1861), banquier, Gustave Guérin (1814-1881), architecte diocésain, Charles Guyot, ancien capitaine au corps royal d'artillerie, André Jeuffrain-Delaveau, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, Alfred Laurent, Julien-Léopold Lobin (1814-1862), peintre, Victor Luzarche, imprimeur, Ernest Mame, imprimeur, Jean-Baptiste Noriet, sculpteur, Jean-Jacques Raverot, conservateur du musée, Rouillé-Courbe, écrivain, Charles-Gabriel Roux, avocat, et M. Smith dont le titre et la profession sont inconnus128. Ce sont donc les élites intellectuelles et les artistes de la ville qui s'engagent dans l'organisation de la future exposition.

Si la Société Archéologique envisage d'ouvrir une exposition d'objets d'art « antiques », il ne faut à l'évidence pas l'entendre au sens contemporain du terme. « Antique » ne désigne pas la période chronologique mais plutôt l'activité de « l'antiquaire » qui « recueille, collectionne des objets provenant des anciens »129. Si à l'heure de la conception, la Société Archéologique privilégie une exposition rétrospective composée « de tableaux des écoles anciennes [É] de dessins, de manuscrits illustrés, de gravures antérieures au siècle de Louis XV, de sculptures antiques de toute matières et de toutes formes, de meubles ciselés, sculptés ou peints, de vases historiés, d'émaux, de cuivres peints, de vitraux, de riches collections de médailles »130, il semble qu'au moment de l'exécution, elle élargisse aux oeuvres des artistes vivants, en raison des différents prêts des collectionneurs et participation des artistes. Ainsi, la collection d'oeuvres contemporaines du colonel de La Combe est exposée en 1847 lors de la XVe session du Congrès scientifique.

M. de Lacombe a mis à la disposition de la commission, avec le plus généreux empressement, sa superbe collection de dessins et d'aquarelles qui, à elle seule, pourrait former une exposition remarquable ; aussi la commission compte-t-elle mettre à la disposition de M. de Lacombe tout un côté du choeur des Minimes ; les nombreux croquis de Charlet, de Géricault, qui seront ainsi groupés, seront très certainement l'une des choses les plus curieuses de l'exposition131.

127 Ibid., p. 193.

128 S.A.T., « Exposition de tableaux et d'objets d'art anciens dans la ville de Tours », Mémoire, t. III, Tours, Lecasna et Alfred Laurent, 1847, p. 283.

129 LAROUSSE, Pierre (éd.), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, t. I, Paris, Larousse, 1866, p. 452.

130 LAURENT, Alfred, op. cit., 1842, p. 191.

131 [ANONYME], « Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n°108, 8 août 1847, p. 2.

43

Il n'est pas surprenant que Joseph-Félix Le Blanc de La Combe soit convié à l'organisation de cette exposition en prêtant une partie de sa collection, qui de surcroît semble mise en valeur dans la chapelle des Minimes, en lui accordant tout un côté du choeur. En effet, à cette époque la réputation de La Combe en tant que grand collectionneur n'est plus à faire auprès des autres amateurs qu'il fréquente, tels que les membres des familles Mame, Goüin et Roux qui prêtent aussi pour l'exposition de 1847 un certain nombre d'oeuvres dont des tableaux de Nicolas de Largillière (1656-1746) et de Jean-Baptiste Greuze (1755-1805)132. De surcroît des artistes vivants à l'instar de Gaëtan Cathelineau participent à cette exposition, en présentant notamment un double portrait d'un Garçon et d'une jeune fille (fig. 2) et un Ecce Homo (fig. 3), présent déjà en 1841 à l'exposition de la Société des Amis des Arts.

La Société Archéologique de Touraine par l'intermédiaire de son exposition s'efforce « d'initier le peuple au labeur des hommes d'intelligence et de lui apprendre que les travaux les plus rudes ne sont pas ceux qui sont purement manuels [puisqu'il] est bien qu'il comprenne par combien d'études le peintre célèbre a dû passer avant de produire des chefs-d'oeuvre »133. Elle entend de fait mettre en lumière les travaux artistiques des contemporains aux yeux de l'ensemble de la population tourangelle dont les classes les plus modestes.

À sa création la Société Archéologique n'est pas destinée à démocratiser les savoirs artistiques. Pourtant en organisant une exposition en 1847, la société s'emploie à développer le goût des arts chez ses concitoyens. Il faut attendre le dernier quart du XIXe siècle pour qu'elle participe régulièrement à l'organisation d'expositions exclusivement rétrospectives, à l'exemple des expositions de 1873134, 1887135 et 1890136.

b) Des sociétés d'émulation artistiques confidentielles : le cas du Cercle des Beaux-Arts de

la Ville de Tours et de la Société des Amis des Arts de Touraine

Aujourd'hui la Société Archéologique de Touraine continue son entreprise et s'apprête à entrer dans sa cent soixante-dix-septième année. À l'inverse, pour d'autres sociétés la durée d'existence est à l'évidence beaucoup plus courte, en raison d'une visibilité plus restreinte et d'une ambition plus modeste. Tel est le cas notamment du Cercle musical des Beaux-Arts de la

132 [ANONYME], « Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n°109, 10 août 1847, p. 1.

133 S.A.T., « Exposition de tableaux et d'objets d'art anciens dans la ville de Tours », Mémoire, op. cit., 1847, p. 290.

134 PALUSTRE, Léon, op. cit., 1873.

135 PALUSTRE, Léon, Mélanges d'art et d'archéologie : objets exposés à Tours en 1887, Tours, L. Péricat, 1887

136 PALUSTRE, Léon, op. cit., 1890.

44

Ville de Tours et de la Société des Amis des Arts de Touraine, deux associations artistiques créées dans la décennie 1850. De fait, peu de sources renseignent aujourd'hui l'historien sur les activités de ces deux sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, si ce n'est quelques articles publiés dans la presse locale et documents de police.

C'est à l'occasion de l'ouverture d'une exposition artistique en 1853 dans l'ancienne église des Minimes, organisée sous les auspices « de l'administration municipale, aidée du concours d'une commission composée de quelques amis éclairés des arts »137 qu'est attestée l'existence de la Société des Amis des Arts de Touraine. Peut-être est-elle l'héritière de la Société des Amis des Arts de Tours présidée par Raoul de CroØ en 1841 dont la date de clôture nous est inconnue ? Cela est possible puisque figure dans cette société « un [É] compatriote aussi distingué comme écrivain que comme peintre »138. Pour autant aucune mention de cette commission spéciale n'a pu être recensée dans les registres de délibérations du Conseil municipal de 1853 ou dans les annuaires de l'époque139. Il est plus probable que la Société des Amis des Arts de Touraine ait été fondée en 1853, voire quelques années auparavant. En effet Chantal Georgel mentionne dans son article consacré à la représentation du musée dans la presse illustrée, la création d'une Société des Amis des Arts à Tours en 1850140. Néanmoins l'auteur n'apporte aucune précision quant à ses sources, si ce n'est un renvoi aux articles de Léon Lagrange et Agnès Fine, dans lesquels aucune mention de création d'une Société des Amis des Arts tourangelle n'est avérée141. Outre le préfet du département et le maire de Tours aucun autre membre de cette société n'est mentionné dans la presse. Il semble que cette association ait une existence relativement limitée, en raison de la réception en demi-teinte de son exposition.

Demain l'exposition de Tours aura vécu ; il n'en restera qu'un souvenir attestant les louables intentions de notre administration et de la commission qui ont fait tant d'efforts pour réveiller parmi nous le goût des beaux arts. Les artistes ont répondu avec empressement à l'appel qui leur a été fait ;

137 [ANONYME], « Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 194, 14 août 1853, p. 1.

138 Ibidem.

139 Registre des délibérations du Conseils municipal de la Ville de Tours, 20 septembre 1851-8 mars 1855, Tours, A.M., 1D62.

140 GEORGEL, Chantal, « Le Musée en représentation », MICHAUD, Stéphane (éd.), MOLLIER, Jean-Yves (éd.), SAVY, Nicole (éd.), Usages de l'image au XIXe siècle, Paris, Créaphis, 1992, p. 144.

141 LAGRANGE, Léon, op. cit.. 1861.

FINE, Agnès, « Bibliographie des expositions en province 1851-1879 », Gazette des Beaux-Arts, n°96, 1980, p. 119-140.

45

mais l'indifférence du public en présence de cette tentative nous laisse peu d'espoir de la voir se renouveler, au moins d'ici longtemps142.

Ce rédacteur du Journal d'Indre-et-Loire est quelque peu pessimiste vis-à-vis de la tenue d'une nouvelle exposition artistique à Tours. En effet, malgré les affiches apposées dans la ville (fig. 4 et 5) et les oeuvres importantes envoyées par les artistes parisiens, l'exposition de 1853 peine à recueillir d'adhésion du public. Ainsi, il semble que l'intuition de ce journaliste s'exécute, puisqu'il faut attendre vingt ans pour qu'une nouvelle exposition de Beaux-Arts soit organisée à Tours143.

Si les Tourangeaux ne semblent pas développer un goût particulier pour les expositions artistiques, ils paraissent au contraire témoigner de l'intérêt pour la musique. Ainsi de nombreuses associations musicales se forment à Tours, tels que l'Orphéon fondé en 1853 ou la Société philharmonique, créée en 1838 puis refondée et présidée en 1858 par le colonel de La Combe144. Aussi, de nombreuses sociétés musicales sont créées dans les différentes localités de Touraine à l'exemple de la Société sainte Cécile de Benais en 1868, la Société philharmonique de Loches en 1864, l'Orphéon d'Amboise en 1858 ou encore la Société musicale de Cinq-Mars-la-Pile en 1865 145. C'est dans ce contexte qu'est formé en 1858 le Cercle musical des Beaux-Arts de la Ville de Tours.

Formé à l'initiative de Maurice de Tastes (1818-1886), professeur de physique au Collège de Tours et météorologue publiant ses prévisions dans les Annales de la Société d'Agriculture, ce cercle vise à « développer le goût des Beaux-Arts, par la réunion fréquente des amateurs et artistes musiciens, peintres, sculpteurs et littérateurs » (ann. 2.1.2.3)146. Il réunit de fait de nombreux amateurs de la ville, membres d'autres sociétés à l'instar d'Alexandre Giraudet, Noël Champoiseau, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, Eugène Goüin (1819-1909) ou Gaëtan Cathelineau pour ne citer que les membres les plus connus147. L'engouement que déploient les élites à participer aux activités de l'ensemble des sociétés dépend à l'évidence de la nécessité

142 [ANONYME], « Exposition de Peinture. Quatrième article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 233, 2 octobre 1853, p. 2.

143 BROGARD, Clémence, op. cit., 2016, p. 125.

144 LANGLOIS, Brice, op. cit., 2016, p. 32.

145 Police, associations et cercles, Tours, A.D., 4M 169-173.

146 DELAROCHE, Jules, (secrétaire), TASTES, Maurice de (président), Règlement du Cercle des Beaux-Arts, s. d.., f° 1, Tours, A.D., 4M 171.

147 DELAROCHE, Jules (secrétaire) : Liste des souscripteurs fondateurs du Cercle des Beaux-Arts de la ville de Tours, 6 février 1858, Tours, A.D., 4M 171.

46

de conserver un statut d'érudit et développer par ailleurs leur réseau de sociabilité, essentiel pour leurs activités professionnelles et de loisirs.

Ce cercle d'amateurs accorde une large place aux activités musicales en prévoyant l'organisation de soirées d'audition musicale mensuelles et en réservant de façon hebdomadaire ses locaux à la musique de chambre, au chant et à l'orchestre (ann. 2 .1.2.3)148. Toutefois comme le prévoit son règlement, la commission du cercle « peut si elle le juge convenable, ouvrir une exposition d'objets d'art »149. Il paraît bien improbable que cette association ait organisé une exposition en raison de sa très courte durée d'existence. Elle est dissoute le 9 septembre 1858, soit quelques mois seulement après sa création. De surcroît, si son ambition d'encourager les arts en Touraine est noble, il est plus probable que ce cercle ait fourni un endroit de délassement plutôt que de travail à ses membres, en proposant la lecture des revues spécialisées dans le domaine artistique et en concédant également une place non négligeable aux jeux tels que le trictrac, les échecs, les dames et le whist (ann. 2.1.2.4)150. Le recensement des sociétés s'administrant librement en vertu du décret du 25 mars 1852, confirme les activités de récréation du Cercle musical des Beaux-Arts de la Ville de Tours151. Ainsi, l'ambiance décrite par Honoré de Balzac (1799-1850) de la société de Mme de Baudroie dans La Muse du département semble applicable à cette association.

Animée du désir de vivifier Sancerre, Mme de la Baudroie tenta d'y former une Société littéraire. Le président du tribunal (É), qui se trouvait alors sur les bras une maison (É), favorisa la création de cette Société. Ce rusé magistrat vint s'entendre sur les statuts avec Mme de la Baudroie, il voulut être un des fondateurs, et loua sa maison pour 15 ans à la Société littéraire. Dès la seconde année, on y jouait aux dominos, au billard, à la bouillotte, en buvant du vin chaud sucré, du punch ou des liqueurs (É). En fait de littérature, on y lut les journaux, l'on y parla politique, et l'on y causa affaires152.

Si les propos de Balzac sont quelque peu sarcastiques vis à vis des moeurs de ses contemporains, ils semblent pour autant pouvoir s'appliquer à un ensemble de sociétés

148 DELAROCHE, Jules, (secrétaire), TASTES, Maurice de (président), Règlement... op. cit, f 4.

149 Ibidem.

150 DELAROCHE, Jules : Lettre adressée au préfet d'Indre-et-Loire présentant les activités proposées par la société ,25 février 1858, Tours, A.D., 4M 171.

151 État des sociétés s'administrant librement autorisées en vertu du décret du 25 mars 1852 et des sociétés dissoutes de cette catégorie ou qui ont cessé d'exister d'elles-mêmes, Tours, A.D., 4M 262.

152 BALZAC, Honoré, La Muse du département, Paris, Bureau du Siècle, p. 6, in CHALINE, Jean-Pierre, op. cit., 1995, p. 1.

47

musicales et littéraires des départements en général et de celui d'Indre-et-Loire en particulier à l'instar du Cercle musical des Beaux-Arts de Tours153.

À l'évidence la Société des Amis des Arts de Touraine et le Cercle des Beaux-Arts de la Ville de Tours partagent assez peu de points communs. Quand la première s'efforce de développer et encourager la dynamique artistique en organisant une exposition, le second paraît à l'inverse proposer un exutoire pour ses membres et mettre l'émulation artistique à la marge. Néanmoins, toutes les deux témoignent de la volonté des élites de fonder des sociétés dans les années 1840-1850 pour se retrouver entre eux.

B. Les Amis des arts : une société d'amateurs et d'artistes au service de l'émulation artistique en Touraine au début de la Troisième République

La Troisième République souffre d'un préjugé négatif quant à l'intervention de l'État dans le domaine artistique. Le manque de financement des artistes, le retard en terme de création d'institutions et la réforme des Salons en 1881 sont autant d'éléments que les commentateurs de l'époque ne cessent de dénoncer, conduisant à la conclusion prématurée que l'État n'a pas de politique pour les Beaux-Arts154. Partant de ce constat, un certain nombre de sociétés d'Amis des Arts sont créées dans tous les départements dans l'objectif de pallier cette délégation des affaires culturelles. Pour autant, cette décentralisation de la vie artistique en province est conduite en étroite collaboration entre ces associations et le Ministère de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes qui s'approprie ce phénomène et l'érige en pilier de sa politique de démocratisation de l'art155. Ainsi, l'État veille non seulement au bon déroulement des manifestations publiques, mais encourage également la formation de sociétés artistiques. La période comprise entre 1870 et 1914 s'appréhende dès lors comme un âge d'or pour les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts de province.

a) À l'origine de la formation de la Société des Amis des Arts : l'organisation de

l'Exposition nationale de Tours de 1881

L'organisation de l'Exposition nationale de Tours de 1881, instaure en Touraine une dynamique artistique qui conduit dans le même temps à l'établissement de la Société des Amis des Arts de la Touraine. Cette exposition prend à l'évidence son inspiration des Expositions

153 Police, associations et cercles, Tours, A.D., 4M 169.

154 DUBOIS, Vincent, « L'art et l'État au début de la IIIe République, ou les conditions d'impossibilité de la mise en forme d'une politique », in Genèses, n° 23, 1996, p. 6.

155 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op. cit., 2010, p. 17.

48

universelles dans la forme, en consacrant une superficie de 1 800 mètres carrés aux Beaux-Arts, mais aussi dans le fond, en présentant les meilleures productions industrielles et artistiques anciennes et contemporaines de la nation, comme le sous-entend Félix Duboz dans sa présentation de l'exposition lors de la réunion des sociétés des Beaux-Arts des départements, pour laquelle il intervient en tant que secrétaire du comité d'organisation de l'Exposition des Beaux-Arts de Tours et membre de la Société Archéologique de Touraine156. Si les Expositions universelles sont définies comme « des manifestations célébrant l'industrie des hommes tout en étant des présentations exemplaires des techniques, du commerce, de l'art et des manifestations universelles au sein desquelles les nations cherchent à donner la meilleure image d'elles-mêmes »157, il semble que ce caractère puisse s'appliquer - à une échelle plus réduite - à l'Exposition nationale de Tours, en raison de la mise en évidence des meilleurs produits industriels et artistiques de la France et de la localité tourangelle. De fait cette exposition convoque à la fois l'expression générale de la nation et la singularité propre à la région.

Tandis qu'à Tours se succédaient des manifestations artistiques de toutes sortes, parmi lesquelles il faut citer en première ligne l'exposition des Beaux-Arts organisée par les soins de la municipalité avec le concours de l'État et l'une des plus considérables de la province en 1881, la Société des Amis des Arts de la Touraine, préparait son organisation ; aujourd'hui l'heure est venue pour elle d'entrer dans une période d'action158.

L'exposition de 1881 apporte à n'en pas douter un climat favorable pour la constitution d'une société artistique en Touraine. Cinq artistes sont à l'origine du comité d'initiative de la Société des Amis des Arts de la Touraine : Lucien-Léopold Lobin (1837-1892), Paul Briand, Alexandre Ripault (1839-1911), Jules-Charles Mahieu et Ferdinand Pitard (1850-1894). Ils se réunissent une première fois le 5 décembre 1880 dans les salles de l'Hôtel de ville de Tours, dans le but de constituer une société qui « prendr[a] part à ce grand réveil de l'art qui se manifeste partout en ce moment, même dans des villes de moindre importance que Tours, et dont le passé ne présente pas des noms aussi illustres que ceux des Clouet, des Juste, des Jehan-Fouquet, des Michel Colombe, des Pinaigrier »159. Le sentiment régionaliste qui émane déjà de l'organisation de l'exposition paraît se retrouver également lors de la formation de la Société

156 DUBOZ, Félix, « Organisation de l'exposition des Beaux-Arts de Tours », Réunion des sociétés des Beaux-Arts des départements à la Sorbonne du 20 au 23 avril 1881, Cinquième session, Paris, E. Plon et Cie, 1881, p. 168.

157 ANDIA, Béatrice de (éd.), op. cit., 2005, p. 10.

158 S.A.A., « Assemblée générale. 20 mars 1881 », Compte-rendu de l'année 1881, Tours, Imp. Juliot, 1881, p. 19.

159 Ibid., p. 14.

49

des Amis des Arts, en mettant en lumière les artistes majeurs de la Renaissance tourangelle, qui ont de surcroît une influence sur l'histoire de l'art plus large de la nation. De fait, la mise en évidence de ces artistes laisse suggérer le terreau fertile de la Touraine, en ce qui concerne la production des artistes vivants placés sous la protection de cette société artistique. Ce sentiment semble renforcé au sein de la société, de par les prix de Rome remportés récemment par les Tourangeaux, Victor Laloux (1850-1937) et Edmond Grasset (1852-1880) en 1878 ainsi que Jules Roulleau (1855-1895) en 1880160.

À l'évidence, la création de la Société des Amis des Arts de la Touraine est impulsée par l'organisation de cette exposition, comme le confirme Paul Briand dans son discours prononcé à l'occasion du cinquantenaire de la société le 20 décembre 1931161. En effet un certain nombre de membres du comité d'initiative de la société sont actifs dans la commission chargée de l'organisation de la section artistique de l'Exposition nationale, à l'instar du président du comité Lucien-Léopold Lobin et Alexandre Ripault162. De fait cette commission peut s'appréhender comme le premier cercle de l'émulation artistique qui conduit à la constitution de la Société des Amis des Arts et de son réseau. Autorisée par décret préfectoral le 15 février 1881 (ann. 2.1.4), la société concentre un certain nombre de membres du comité d'organisation de l'exposition des Beaux-Arts, de la commission de la section rétrospective et du jury de récompenses163 à l'exemple de Maurice Cottier (1822-1881) peintre formé dans l'atelier d'Eugène Delacroix (1798-1863) et président des Amis des Arts en 1881, de Félix Laurent (1821-1905), conservateur du musée de Tours et peintre issu des ateliers privés de Paul Delaroche (17971856) et de Charles Gleyre (1806-1874)164, Auguste Chauvigné, céramiste, Pierre Damien, statuaire ou encore Henri Prath (1847-1905) architecte diocésain en général et architecte de l'exposition en particulier. Manifestement ce sont des protagonistes issus du monde de l'art qui participent à l'organisation de l'exposition et adhèrent dans un premier temps à la Société des Amis des Arts de la Touraine. Pour autant cette association n'est pas strictement réservée aux artistes. Elle s'ouvre effectivement aux amateurs et collectionneurs dont certains sont des

160 S.A.A., « Assemblée générale. 20 mars 1881 », op. cit., p. 16.

161 BRIAND, Paul, « Discours retraçant l'histoire de la Société des Amis des Arts de la Touraine », Cinquantenaire de la Société des Amis des Arts le 20 décembre 1931, Tours, imp. Deslis, 1931, p. 2.

162 VILLE DE TOURS, Exposition des Beaux-Arts, op. cit., 1881, p. III-IV.

163 Ibidem.

164 BELLIER DE LA CHAVIGNERIE, Émile, AUVRAY, Louis, Dictionnaire général des artistes de l'École française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours : architectes, peintres, sculpteurs, graveurs et lithographes, Paris, Librairie Renouard, 1882-1885, p. 925.

50

personnalités influentes du département d'Indre-et-Loire, à l'exemple de Jacques Drake del Castillo (1855-1918), deuxième président de la Société des Amis des Arts de la Touraine, maire de Monts depuis 1873 et député de 1893 à 1906165. En tout l'association réunit 72 adhérents dès mars 1882166.

Lors de la remise des récompenses organisée à l'issue de l'exposition nationale de 1881, Léon Gambetta (1832-1882), alors président de la Chambre des députés et candidat à l'élection législative, semble encourager l'organisation des manifestations industrielles et artistiques en province et en particulier à Tours.

Négligez pas, de faire des expositions en province et surtout à Tours : soyez toujours certain, du succès. N'oubliez pas que vous aurez toujours pour aides des artisans avides d'apprendre et de prouver, des défenseurs ardents de l'indépendance pour le travail et le progrès167.

À l'évidence, Gambetta s'adresse à l'ensemble des citoyens de la municipalité tourangelle et ne désigne pas en particulier un cercle ou une association d'amateurs impliqués dans la croissance industrielle ou artistique du département. Pour autant, il semble que ses encouragements soient accueillis favorablement par les membres de la Société des Amis des Arts de la Touraine qui ne tardent pas à s'employer au développement du goût des arts en organisant diverses manifestations artistiques à Tours.

b) La Société des Amis des Arts ou le développement rapide de la vie artistique en Touraine

Le bureau de la Société des Amis des Arts de la Touraine s'empresse « d'encourager les arts, d'en propager le goût et la culture par tous les moyens qui lui paraî[ssent] utiles »168. De fait, l'émulation artistique à laquelle aspirent les membres de la société prend des formes variées, comme l'illustrent ses deux emblèmes jusqu'en 1893, dans lesquels sont réunis à la fois la palette, le chevalet et le tableau du peintre, la lyre du musicien, le masque du comédien, le livre du littérateur et l'aiguière de l'orfèvre (fig. 6 et 7). En effet, la Société des Amis des Arts de la Touraine ne privilégie pas dans un premier temps une forme d'art en particulier, mais a vocation au contraire de proposer des manifestations propres à chaque domaine artistique.

165 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit., 1992, p. 41.

166 S.A.A., « Assemblée générale du 18 juin 1882 », Compte-rendu de l'année 1882, Tours, Imp. Juliot, 1883, p. 15.

167 GAMBETTA, Léon, Discours lors de la remise des récompenses de l'Exposition nationale de Tours de 1881, in Anonyme, « Le succès de l'exposition », Journal illustré de l'Exposition nationale de Tours de 1892, n° 16, 4 juin, p. 8, Tours, B.M., TD027.

168 S.A.A., « Statuts », s. d., Tours, A.D., 4M 175.

51

Le premier événement public organisé par la Société des Amis des Arts tourangelle est une « fête musicale et dramatique » célébrée le 14 mars 1882 et réunissant à la fois des musiciens tourangeaux et des actrices de la Comédie-Française 169 . Il est probable que l'organisation de cette manifestation ait été impulsée et placée sous la direction du violoncelliste et compositeur Adolphe Grodvolle (1827-1905), vice-président de la société. Les manifestations musicales remportent un certain succès et sont organisées à chaque début d'année. Pour autant, la fréquence d'organisation des concerts semble relativement faible en comparaison d'autres sociétés. En effet, la Société philharmonique de Tours refondée en 1871 propose la tenue d'au moins quatre concerts chaque année, ce qui s'explique à l'évidence par la spécialisation de cette association dans le domaine musical170. De surcroît la Société des Amis des Arts se distingue des orphéons ou des sociétés dramatiques, puisqu'elle ne propose pas à ses membres de se réunir pour former un orchestre ou une troupe, à la différence notamment de la Société d'Amateurs Artistes, fondée en 1867, dissoute en 1871 puis refondée en 1881 (ann. 2.1.3) et ayant vocation de proposer à ses membres « de jouer de temps en temps quelques petites pièces »171.

Si la musique tient une place importante dans les activités de la Société des Amis des Arts de la Touraine, il faut surtout constater que ce sont les arts plastiques qui la font se développer dans un premier temps. La question de l'organisation d'une exposition de Beaux-Arts se pose très vite puisque « témoign[ant] de la vitalité de la Société et répond[ant] au but qu'elle veut atteindre »172. La société vise en effet par la tenue de cette exposition à faire ressortir à la fois le talent des artistes locaux, qui ne profitent que rarement de l'exposition de leurs oeuvres, tout en apportant une valeur pédagogique « pour arracher ses contemporains aux préoccupations matérielles et aux délassements vulgaires »173. Dès lors une commission d'organisation se met en place pour l'organisation d'une exposition devant s'ouvrir en octobre 1882, en accord avec l'autorité municipale. Si cette exposition réunit à la fois des artistes de la localité et des artistes de réputation nationale, voire internationale, elle est strictement réservée aux Beaux-Arts et ne

169 S.A.A., « Assemblée générale du 18 juin 1882 », op. cit., p. 16-17.

170 SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE DE TOURS, Règlement, Tours, imp. Ladevèze, p. 5, Tours, A.M., 2R 401/2.

171 LATEYE, M. C. : Lettre adressée au préfet d'Indre-et-Loire en réponse à sa demande de renseignement sur la société, 9 octobre 1872. Tours, A.D., 4M 171.

Société d'Amateurs Artistes : Lettre adressée au maire de Tours au sujet d'une demande d'autorisation de constitution, 1881, Tours, A.M., 2R 401/1.

172 S.A.A., « Assemblée générale du 18 juin », op. cit., p. 17.

173 Ibidem.

52

s'intéresse donc pas aux arts appliqués. Toutefois, la Société des Amis des Arts de la Touraine envisage dès 1883, d'organiser une exhibition d'arts décoratifs, en conséquence de l'organisation d'une exposition artistique par la Société des Amis des Arts de Blois. S'il peut sembler que ce choix est pris par dépit, Paul Briand le secrétaire général, le justifie en insistant sur l'aspect pluridisciplinaire et sur le large éventail du public des expositions de la société tourangelle : « C'est au nom de tous et pour tous, de l'artiste, de l'amateur d'art, du négociant, de l'ouvrier et du travailleur, que nous avons fondé cette Société »174.

Si le projet échoue en 1883 et qu'aucune autre exposition ne voit le jour avant 1885, la Société des Amis des Arts semble réunir rapidement un public nombreux et toucher une large part de la population tourangelle en multipliant les actions et en s'intéressant à plusieurs typologies artistiques. Cette intuition est confirmée par la croissance rapide du nombre de cotisations (Ill. 3). L'importante croissance entre la première assemblée générale du 20 mars 1881 et celle de janvier 1882 s'explique à l'évidence par le jeu des réseaux de sociabilité. Par ailleurs l'augmentation du nombre de membres et de cotisations entre janvier et juin 1882 résulte probablement de l'organisation du concert du début de l'année et de la publication dans la presse de la tenue de l'assemblée générale, dans laquelle est lancée l'idée de l'organisation d'une exposition de Beaux-Arts175. Ainsi la société passe de 185 membres à plus de 444 sociétaires. À la mi-décembre 1882, soit près d'un mois et demi seulement après la fermeture de l'exposition des Beaux-Arts, la Société des Amis des Arts est sollicitée par 88 protagonistes qui demandent leur adhésion176.

Comme vous venez de le voir en passant en revue les actes de la Société des Amis des Arts de la Touraine pendant l'année qui s'est écoulée, vous jugerez sans doute qu'après cette première année d'existence effective, la Société est en voie de prospérité et qu'il nous est permis d'attendre avec confiance les développements que l'avenir lui promet177.

Paul Briand se montre encourageant quant au développement de la société. Elle recueille dans les premières années de son existence, une adhésion rapide de la part des Tourangeaux. Toutefois, par la suite il semble que le nombre de cotisations se stabilise jusqu'à descendre dans les premières années de la décennie 1890. Au delà de 1893 et jusqu'à 1919, il est actuellement impossible de définir le nombre de membres ou de cotisations, faute de sources. Néanmoins la

174 S.A.A., « Assemblée générale du 12 juillet 1883 », Compte-rendu de l'année 1883, Tours, Imp. Juliot, 1884, p. 17.

175 Anonyme, « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 144, 9 juin 1882, p. 2.

176 S.A.A., « Assemblée générale du 17 décembre 1882 », op, cit., p. 22.

177 Ibidem.

53

baisse enregistrée entre 1890 et 1893 peut s'expliquer par l'arrêt de l'organisation des expositions depuis 1889, notamment parque que la municipalité de Tours décline le concours de la Société des Amis des Arts pour l'organisation de l'Exposition nationale de 1892.

La musique semble prendre le pas sur les arts plastiques. En effet, le dépouillement de la presse locale démontre que la Société des Amis des Arts continue d'organiser des concerts et des soirées dramatiques. Sans tomber en déshérence, en raison de la présence du musée et de l'école des Beaux-Arts ainsi que du maintien de l'organisation des loteries pour les sociétaires des Amis des arts, les arts vivants ne font toutefois plus l'objet d'expositions en Touraine à partir 1892 et jusqu'à 1898, comme le démontre le dépouillement de la presse. Il semble donc que l'encouragement des artistes vivants par la Société des Amis des Arts de la Touraine se concentre dans un temps relativement court. En effet, si dans ses premières années la société organise de nombreuses activités visant à développer les arts locaux ainsi qu'introduire en Touraine les oeuvres des artistes étrangers, elle semble rapidement contrainte d'y renoncer.

C. Les sociétés artistiques en Touraine jusqu'en 1914 : entre soutien de la culture locale et diversification des typologies artistiques

À l'évidence, la Société des Amis des Arts profite d'une visibilité importante et de nombreux membres en Touraine depuis sa formation en 1881. Cependant elle n'est pas la seule à participer à l'émulation artistique du département. En effet certains protagonistes, aussi sociétaires des Amis des Arts, s'affairent à la renaissance de la section artistique de la Société d'Agriculture tandis que d'autres sociétés sont créées dans le début de la décennie 1890 dans l'objectif de dynamiser les arts de la région. La spécialisation de certaines sociétés dans des domaines artistiques peu mis en lumière jusqu'alors, apporte aussi à la Touraine une émulation particulière.

a) La renaissance de la section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et

Belles-Lettres d'Indre-et-Loire

C'est en 1896, que la Société d'Agriculture reçoit dans sa séance du 11 janvier, la proposition du secrétaire perpétuel Auguste Chauvigné, de réorganiser la section des Sciences, Arts et Belles-lettres, puisque croyant « le moment opportun et qu'il y a un rôle à remplir dans la ville par cette section jadis si florissante »178. Si vers le milieu du XIXe siècle, la section des Arts et Belles-Lettres de la Société d'Agriculture est à l'origine de l'organisation des

178 S.A.S.A.B.L., « Extrait des procès-verbaux, séance du 11 janvier 1896 », Annales, t. LXXVI, Tours, Imp. Deslis, 1896, p. 2.

54

expositions industrielles et artistiques puis réfléchit à l'organisation d'une exposition de peinture en 1856179 - qui n'aboutit pas finalement - il semble que depuis, son rôle et ses actions se soient considérablement amoindris. Suivant la proposition d'Auguste Chauvigné, une commission est ordonnée. Un certain nombre de membres de cette commission sont aussi sociétaires des Amis des Arts de la Touraine, à l'instar d'Auguste Chauvigné lui-même et de son père, du maire de Tours Eugène Pic-Pâris (1836-1917) et des imprimeurs Jules Deslis et Rouillé-Ladevèze. Près d'un an après, la section artistique élit son bureau présidé par Georges Bouché, publiciste à Langeais. D'autres membres de la Société des Amis des Arts complètent le bureau de la section, parmi lesquels l'avocat Paul Lesourd, vice-président, et l'huissier Paul Villemin, secrétaire.

Peut-être cherchent-ils à palier l'arrêt de l'organisation des expositions de la Société des Amis des Arts de la Touraine ? Dans un premier temps, il semble que non. La section des Arts et Belles-lettres se veut tout d'abord de « se réunir toutes les semaines pour étudier les questions d'art et de littérature à l'ordre du jour, entendre les communications de ses membres », avant de songer à « l'organisation de manifestations artistiques et littéraires, dont les conséquences seront de faire connaître les oeuvres des maîtres anciens et des auteurs locaux »180. Cette démarche prétend mettre en lumière le patrimoine culturel local. Elle s'inscrit de fait dans la politique nationale de décentralisation des affaires culturelles que propose l'État, en développant l'autonomie des régions, tout en maintenant intacte l'unité nationale181.

[É] au moment où se reconstituent les Universités régionales, pourquoi ne ferions-nous pas effort pour favoriser l'éclosion, sur le sol même qui les tient en germe, des talents ignorés, et pour donner aux littérateurs et aux artistes qui ont déjà fait leurs preuves, une consécration qu'ils ne demandaient jusqu'ici à Paris 182?

Favorisant l'Instruction publique, la Troisième République entend donner davantage d'autonomie aux institutions pédagogiques, à l'exemple des universités grâce à la loi du 10 juillet 1896 présentée par Raymond Poincaré (1860-1934), comme le souligne Georges Bouché. C'est dans ce contexte que la section artistique de la Société d'Agriculture s'emploie à favoriser

179 S.A.S.A.B.L., « Analyse des procès-verbaux des séances de la société pendant le 1er trimestre 1856 », Annales, t. XXXVI, Tours, Imp. Ladevèze, 1856, p. 15.

180 S.A.S.B.A.L., « Séance du 6 mars 1897 », Annales, t. LXXVII, Tours, Imp. Deslis, 1897, p. 69.

181 Dictionnaire de l'Académie française, 8ème édition, Paris, Hachette, 1932, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/definition/academie8/régionalisme , consulté le 06/04/2017.

182 S.A.S.B.A.L., « Compte-rendu de la soirée de gala du 1er mai 1897 », Annales, t. LXXVII, Tours, Imp. Deslis, 1897, p. 72.

55

les arts en dehors de Paris. Elle organise une soirée de gala le 1er mai 1897, puis deux conférences consacrées d'abord à Béranger par l'éminent critique et journaliste parisien Francisque Sarcey (1827-1899), puis à Alfred de Vigny par Louis Chollet (1864-1949) à Loches. De fait, la section des Arts et Belles-Lettres se veut de donner une émulation artistique dans tout le département, en proposant dans différentes localités un certain nombre de manifestations culturelles tentant de lutter dans une certaine mesure contre l'hégémonie de la capitale sur la province.

En ce qui concerne plus particulièrement les Beaux-Arts, la section artistique prévoit l'organisation de concours de dessins, en plus des concours de poésie, prose, théâtre et musique183. Aussi, dès 1898 elle s'intéresse à l'organisation d'une exposition de peinture, sculpture et gravure ainsi que d'arts industriels dans le but de donner aux contemporains et notamment aux jeunes artistes les moyens de se produire devant un public. La première exposition de la section est ouverte du 1er au 24 avril 1898184 et semble être attendue avec impatience par les Tourangeaux, comme en témoigne ce rédacteur du Journal d'Indre-et-Loire quelques jours avant l'ouverture.

Le réel intérêt que présentera cette exhibition d'oeuvres diverses et essentiellement tourangelles, autorise la section à compter sur une entière réussite qui l'obligera à renouveler chaque année son heureuse tentative d'aujourd'hui ; et c'est ainsi que Tours aura dorénavant un Salon annuel.

Comme le fait remarquer ce journaliste, l'exposition joue essentiellement le registre du savoir-faire local en présentant à la fois des céramiques, des soieries et des livres de la maison d'édition Mame, à l'instar des Évangiles illustrés d'après les aquarelles de James Tissot (18361902) (fig. 8). Aussi l'organisation de cette exposition et des suivantes semble combler le vide que laisse l'arrêt soudain des expositions de la Société des Amis des Arts. À son échelle, Tours paraît reproduire le modèle des différents salons artistiques parisiens, en présentant presque annuellement les ouvrages des artistes locaux. Ainsi de 1898 à 1935, la section artistique de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire organise au moins trente-deux expositions 185 . À l'évidence la gestion difficile de la Société à partir de 1936 et la concurrence de la Société de

183 S.A.S.B.A.L., « Séance du 24 mai 1897 », Annales, t. LXXVII, Tours, Imp. Deslis, 1897, p. 104.

184 [ANONYME], « Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres : une exposition à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 57, 9 mars, p. 2.

185 Expositions de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Tours, A.M., 48Z 17.

56

Géographie - fondée en 1883 -, la conduit à stopper l'organisation des salons artistiques tourangeaux, en plus de l'édition de ses Annales186.

Durant près de quarante ans, la section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres participe à l'émulation de la vie culturelle tourangelle, en créant à la fois des concours pour les artisans d'art et les artistes ainsi qu'en organisant des expositions. Si au début du XIXe siècle, la Société d'Agriculture est la seule à s'efforcer au développement de l'art en général et des arts appliqués en particulier, à la fin du XIXe siècle c'est encore elle qui prend le relais de la Société des Amis des Arts, en ce qui concerne l'organisation des expositions à Tours. Néanmoins à cette période, elle n'est pas la seule à seconder le développement artistique en Touraine.

b) Protéger la culture locale et encourager le développement d'un nouvel art : l'exemple de la Société Littéraire et Artistique et de la Société Photographique de Touraine

Si à l'aube du XXe siècle des sociétés savantes comme la Société Archéologique et la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres fêtent respectivement leur soixantième et cent trente-neuvième anniversaire et s'efforcent comme dans leurs premières années à l'encouragement de la culture en Indre-et-Loire, d'autres au contraire sont fondées depuis seulement quelques années, à l'instar de la Société Littéraire et Artistique et de la Société Photographique. Toutes deux entendent s'engager dans le développement des arts dans le jardin de la France, bien que manifestant des intérêts différents.

Fondée en 1895 à l'initiative de Léon Pineau (1861-1965), professeur d'allemand, historien de la littérature et futur recteur de l'académie de Poitiers, de Prospère Suzanne (18471913), écrivain et chroniqueur tourangeau et d'Horace Hennion (1874-1952), poète, la Société Littéraire et Artistique de la Touraine s'engage dans la vie culturelle du département en s'efforçant de « vulgariser les oeuvres des vieux auteurs tourangeaux, de propager les productions littéraires et artistiques des compatriotes et d'encourager la culture des lettres et des arts dans le pays »187. Ainsi la Société semble vouloir s'intéresser autant à la littérature ancienne qu'à l'émulation des oeuvres des artistes vivants, qu'ils soient littérateurs, musiciens, peintres ou sculpteurs. Toutefois, comme le fait remarquer Pierre Audin dans son étude consacrée à cette société, peu d'éléments permettent de reconstituer les actions de ses premières

186 LAURENCIN, Michel, « La Société d'Agriculture... », op. cit., 2010, p. 119.

187 Registre d'inscription des sociétés de l'arrondissement de Tours, f 51-52, Tours, A.D., 4M 197.

57

années d'existence188. Il paraît néanmoins que la société privilégie davantage les activités musicales et dramatiques que les manifestations de Beaux-Arts. Outre sa première soirée de gala organisée en février 1897, au théâtre municipal de Tours sous l'égide de l'Alliance Française et de la Croix Rouge, la société s'emploie chaque année à la tenue de plusieurs spectacles de théâtre et de musique, alors qu'elle n'organise qu'une exposition entre 1895 et 1912189.

À partir de 1912 son action est mieux renseignée, puisqu'elle publie une revue mensuelle intitulée La Touraine revue littéraire, artistique, scientifique et mondaine dont le comité de rédaction réunit bon nombre de membres des sociétés savantes de la région190. De fait, il est probable que la création de ce quotidien artistique regroupant l'élite intellectuelle locale, ait permis à son rédacteur en chef, Horace Hennion, président de la Société Littéraire depuis 1912, la fondation des Jeux floraux de Touraine en 1920191. Outre sa dénomination, cet événement culturel paraît être inspiré des fêtes littéraires toulousaines instituées depuis le XIVe siècle et qui proposent notamment des joutes poétiques et des concours théâtraux et musicaux. De surcroît la nomination d'Hennion au poste de conservateur du musée des Beaux-Arts de Tours l'année de la création des Jeux Floraux, ne peut qu'ajouter du crédit à cette nouvelle manifestation littéraire qui est maintenue jusqu'en 1953192.

Si la Société Littéraire et Artistique de la Touraine s'inscrit dans une perspective somme toute analogue à la Société Archéologique et à la section des Arts et Belles-Lettres de la Société d'Agriculture, d'autres sociétés proposent l'étude et le développement d'arts encore jamais sinon peu mis en lumière dans le département. Tandis que la Société des Architectes Tourangeaux se présente comme une confraternité des architectes de la région, la Société Photographique de Touraine réunit à la fois des artistes et des amateurs.

La Touraine paraît être un terreau fertile en ce qui concerne la photographie. Durant l'exposition de la Société des Amis des Arts de 1885, des photographies de Gabriel Blaise (1827-1897) représentant les châteaux de la Loire, dont celui de Chenonceau (fig. 9) sont

188 AUDIN, Pierre, op. cit., 2008, p. 137.

189 Ibid., p. 137-138.

190 [ANONYME], La Touraine, revue littéraire, artistique, scientifique et mondaine, n 1, Tours, Imp. Ch. Buré et Cie, 15 octobre 1912, p. 1,

191 HENNION, Antoinette (éd.), Horace Hennion animateur des Lettres et des Arts en Touraine, Tours, Arrault et Cie, 1953, p. 5.

192 AUDIN, Pierre, op. cit., 2008, p. 145.

58

exposées au milieu des Beaux-Arts193. Cela est encore relativement rare dans les expositions de province à cette époque. Sur l'ensemble des expositions artistiques françaises de la décennie 1880, un quart seulement comporte en effet des présentations de photographie194. L'exposition tourangelle de 1885 participe à son échelle et dans sa localité à l'arrêt de la querelle survenue au cours du XIXe siècle entre peinture et photographie195 et semble encourager la création d'une Société Photographique à Tours.

Fondée en 1891 par arrêté préfectoral en date du 20 juillet, la Société Photographique se propose de « grouper les amateurs photographes de la région, de mettre en commun les observations personnelles, les connaissances et la pratique de chacun des membres, d'aider les débutants dans cet art qui chaque jour fait de nouveaux adeptes »196. La période de formation de la Société Photographique de Tours correspond finalement à l'époque de démocratisation technique de la photographie depuis son invention par Nicéphore Niépce (1765-1833) et Louis Daguerre (1787-1851)197. En effet en 1888, est lancé l'appareil photographique Kodak pour lequel son inventeur Georges Eastman (1854-1932) appose le slogan : « Vous appuyez sur le bouton, nous ferons le reste »198. Pour autant la société ne semble pas se réduire à cette facilité technique, en mettant à disposition de ses membres « un atelier bien éclairé, permettant d'y faire le portrait, deux laboratoires de développement, de nombreux appareils, des collections de diapositives à projection et une bibliothèque »199. Si la société entend proposer un cadre de travail confortable à ses membres, elle paraît vouloir encourager la photographie en tant que médium artistique plutôt que simple support de reportage et de reproductibilité.

La photographie semble toucher en Touraine un public d'amateurs relativement nombreux. Plusieurs membres de la Société Photographique de Touraine à l'exemple de son président Jules Deslis et de l'un de ses assesseur Paul Briand, sont aussi sociétaires d'autres

193 [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n 137, 13 juin 1885, p. 2.

194 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976, p. 390.

195 BENJAMIN, Walter, Das Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit, 1935 (L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, trad. de l'allemand par Lionel Duvoy, Paris, Allia, 2014).

196 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Mame, 1900, p. 315.

197 BENJAMIN, Walter, Kleine Geschichte der Photographie, 1931, (Petite histoire de la photographie, trad. de l'allemand par Lionel Duvoy, Paris, Allia, 2012, p. 7).

198 DAVAL Jean-Luc, « PHOTOGRAPHIE (art) - Photographie et peinture », Encyclop3/4dia Universalis [en ligne] : http://www.universalis-edu.com.proxy.scd.univ-tours.fr/encyclopedie/photographie-art-photographie-et-peinture/, consulté le 09/042017.

199 [ANONYME], Annuaire historique..., op. cit., 1900, p. 315.

59

associations artistiques, telles que la Société des Amis des Arts de la Touraine et la Société d'Agriculture. La création des sociétés artistiques de Tours résulte à l'évidence d'un réseau d'amateurs engagés dans le développement de l'art dans la région en général et de protection des arts et des artistes de la localité en particulier.

Ce chapitre consacré à l'histoire des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, ainsi qu'à la définition des jeux de réseaux les constituant, a valeur de synthèse tout en se voulant être la première étude critique les étudiant toutes ensembles. Il semble dès lors avoir permis de mettre en évidence la réalité du contexte de création de ces sociétés, tout en permettant de redécouvrir un certain nombre d'entre elles, à commencer par la première Société des Amis des Arts. Si entre 1789 et 1914, les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts prennent à l'évidence des formes variées et ne partagent pas toutes les mêmes intérêts artistiques, toutes sont néanmoins investies par des protagonistes éclairés semblant avoir conscience de leur devoir d'encouragement des arts en Touraine. Si l'étude chronologique de ce large corpus de sociétés a déjà permis de mettre en exergue les réseaux de sociabilité propres à la constitution des sociétés, il semble qu'il faille dès à présent s'intéresser au quotidien des sociétés tourangelles.

60

CHAPITRE II. LE FONCTIONNEMENT DES SOCIÉTÉS ARTISTIQUES TOURANGELLES

I) De l'écriture des statuts à la question du local : des préoccupations quotidiennes

A. L'organisation statutaire, hiérarchique et budgétaire des sociétés artistiques de Touraine

Comme leurs consoeurs, les sociétés du département d'Indre-et-Loire s'inspirent manifestement de l'organisation des associations les précédant, mais aussi les voisinant en raison des transferts culturels qui comprennent à la fois des vecteurs humains dont les déplacements de population, et vecteurs matériels à l'exemple de la diffusion des supports textuels. De cette manière, il est possible de retrouver un certain nombre de similarités entre les sociétés autant dans la rédaction des statuts que dans l'organisation hiérarchique. Par ailleurs, si les contextes sociodémographiques sont différents d'une région à une autre, il semble que les différents climats économiques du pays entre 1789 et 1914, conduisent les sociétés à se confronter aux mêmes difficultés financières les poussant à trouver des solutions budgétaires adaptées. Il est intéressant de se confronter au cas particulier des modalités d'organisation statutaire, hiérarchique et économique des sociétés tourangelles pour définir leur quotidien.

a) Les statuts ou la définition des règles, de la hiérarchie et de l'élitisme

Si toutes les associations ne semblent pas répondre à des règles particulières, à l'exemple de la première société des Amis des Arts tourangelles de 1841 dont la création résulte d'une commission municipale, la constitution d'une société par un groupe d'individus conduit couramment à la rédaction de statuts. Comme l'indique le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, les statuts sont des règles qui établissent « la conduite d'une compagnie, d'une communauté, d'un ordre, d'une association »200. De fait, les statuts permettent de définir les modalités propres à l'exercice des sociétés. Ainsi, avant toute ouverture officielle une société ou association est soumise à l'approbation de différents représentants de l'autorité dont le commissaire de police et le maire de la ville hébergeant la société, le préfet du département et le ministre de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes. Cela induit l'envoi d'une quantité considérable de documents entre ces différentes instances, comme en témoigne la

200 LAROUSSE, Pierre (éd.), op. cit., t. XIV, Paris, Larousse, 1875, p. 1069.

61

correspondance émise à l'occasion de la création de la Société Archéologique201 ou de la Société des Amis des Arts de la Touraine202 (ann. 2.1.1 et 2.1.4).

Toutes les sociétés auxquelles cette étude fait référence ne s'attachent pas aux mêmes champs d'intérêt et de recherche, bien que partageant pour dénominateur commun le développement de la culture. Il est intéressant pour l'historien d'examiner les statuts de plusieurs sociétés savantes et artistiques, dans le but de mettre en exergue les ressemblances et les spécificités propres à chacune des sociétés tourangelles tout en déterminant l'élitisme qui en résulte. De fait, quatre sociétés répondant à différentes typologies ont été choisies pour répondre à cette problématique : la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, la Société Archéologique de Touraine, le Cercle musical des Beaux-Arts de la Ville de Tours et la Société des Amis des Arts de la Touraine (Ill. 4 et 5).

Toutes ces associations s'établissent sur un même modèle hiérarchique. Outre les membres titulaires, qui vivent dans la même localité que le siège de la société, les membres correspondants dont le domicile en est éloigné et les membres honoraires, qui reçoivent ce titre en raison de leur statut social prépondérant tel que le maire, le préfet ou l'archevêque, les sociétés d'amateurs sont établies sous l'organigramme hiérarchique suivant : président, vice-président, secrétaire général ou perpétuel, secrétaire adjoint, conservateur, trésorier et membres de la commission administrative. Si dans la définition des postes l'expression peut différer, dans les faits, il semble que les rôles d'une société à l'autre soient relativement analogues (Ill. 4). En effet, c'est sur le président que repose la direction des travaux et organisation des différentes manifestations ainsi que la surveillance du respect des statuts et des règlements. Le président régit les assemblées générales et réunions de la commission administrative en veillant notamment au bon déroulement des discussions, tandis que le vice-président le remplace en cas d'indisponibilité. Si le trésorier semble a priori avoir une fonction relativement limitée en veillant exclusivement aux bons comptes des sociétés, elle se révèle être toutefois ardue, en raison des difficultés économiques auxquelles les sociétés sont régulièrement confrontées. Le secrétaire général ou perpétuel est confronté quant à lui à un ensemble d'activités variées. En effet, celui-ci se charge à la fois de recueillir les délibérations lors des assemblées, d'en rédiger les comptes-rendus et de répondre à la correspondance203. C'est dans l'objectif de suppléer le secrétaire général que se sont ouverts des postes de secrétaires adjoints. Enfin le bureau est

201 Sociétés savantes, Tours, A.D., T1395.

202 Sociétés savantes d'Indre-et-Loire, Tours, A.M., boîte 2R 401/1.

203 S.A.T., « Statuts de la Société Archéologique de Touraine », Mémoires, t. I, Tours, Imp. Mame, 1842, p. 17.

62

complété d'un conservateur ou d'un archiviste bibliothécaire, dans le cas où les sociétés possèdent une bibliothèque, une collection ou procèdent à l'achat d'oeuvres d'art en vue de l'organisation d'une loterie. Les bureaux des sociétés sont pour l'essentiel élus pour trois ans avec la possibilité d'être renouvelés.

Si ces sociétés entendent généralement démocratiser le goût des arts chez leurs concitoyens, il semble que la participation à leur quotidien soit relativement élitiste. À l'évidence tout le monde ne peut pas devenir membre, bien que les conditions d'admission s'assouplissent au fur et à mesure des décennies. En 1806, la Société d'Agriculture requiert effectivement un âge minimum de 27 ans. En 1838, il est abaissé à 25 ans, pour enfin être institué à 21 ans en 1873204. Cette année là est abrogé également l'obligation « d'être connu, soit par des travaux d'agriculture pratique ou théorique, soit par un ouvrage imprimé, soit par la communication d'ouvrages manuscrits, soit enfin par quelques travaux d'art, de science ou de littérature »205 pour faire partie de la société (Ill. 5). Pour autant, que ce soit la Société d'Agriculture ou la Société des Amis des Arts de la Touraine, l'introduction d'un nouveau membre est soumise à la présentation par au moins deux sociétaires et au vote de la commission administrative ou de l'assemblée générale. L'admission résulte ainsi des jeux de relation.

Si en 1793, la Société Académique d'Écriture, de Vérification et d'Institution Nationale de Tours récompense la citoyenne Brard de ses talents dans l'art de l'écriture et du calcul en lui décernant un brevet et le titre de membre de la société (fig. 10)206, il est important néanmoins de souligner la présence insignifiante des femmes dans les sociétés tourangelles au XIXe siècle, à l'instar des autres sociétés du pays. Tandis que, la Société des Amis des Arts autorise explicitement dans ses statuts leur participation aux activités207, la Société Archéologique, la Société d'Agriculture et le Cercle des Beaux-Arts ne mentionnent pas l'autorisation pour les femmes de devenir membre. En 1845, aucune femme n'est membre de la Société Archéologique ni même de la Société d'Agriculture, malgré la publication dans les Annales de cette dernière, d'importants travaux sur la soie par la comtesse Apolline de Villeneuve (17761852), propriétaire du château de Chenonceau208. Rien ne change en 1880 dans ces mêmes

204 VÉDRINE, François, op. cit., 1993, p. 31.

205 S.A.S.A.B.L., Statuts et règlement de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Tours, Imp. Lecesne, 1849, p. 1-2, Tours, A.M., 48Z 21.

206 Société Académique d'Écriture, de Vérification et d'Institution Nationale de Tours, Brevet d'artiste en écriture pour la citoyenne Brard, 2 mars 1793, Vendôme, Fonds Philippe Rouillac.

207 S.A.A., « Statuts », op. cit., f1.

208 VÉDRINE, François, op. cit., 1993, p. 27.

63

sociétés, tandis qu'en 1882 la Société des Amis des Arts accueille environ 80 sociétaires femmes sur ses presque 450 membres. Les femmes représentent un pourcentage de 17% sur l'ensemble des effectifs de la société. Il semble qu'il faille attendre 1885 pour qu'une femme prenne la fonction de membre correspondant au sein de la Société Archéologique209.

Devenir membre d'une société est de fait le privilège d'un nombre plutôt restreint de Tourangeaux. Ce sont principalement des ecclésiastiques et des protagonistes ayant des professions libérales, pédagogiques, administratives, politiques ou artistiques qui s'investissent dans le quotidien des sociétés (Ill. 6 à 11). En effet, les membres de ces associations doivent bénéficier d'un minimum de temps, d'autant que l'essentiel font partie de plusieurs sociétés. Si la répartition des professions est relativement égalitaire dans le bureau du Cercle des Beaux-Arts et dans ceux de la Société d'Agriculture et de la Société Archéologique et cela à différentes époques, il est possible de noter que le bureau de la Société des Amis des Arts de la Touraine en 1881 est composé en très large majorité d'artistes (87,5%) (Ill. 9) en raison du réseau qui est à l'origine de sa création et de son intérêt plus particulier pour le développement de l'art vivant.

Le coût de la cotisation semble aussi être un frein pour une partie de la population tourangelle. En effet, le prix des cotisations s'élève chaque année entre 10 et 24 francs en fonction de chaque société. Une cotisation annuelle de 10 francs représente plus de cinq fois le salaire journalier d'un ouvrier agricole ou industriel de la région Centre entre 1839 et 1862210. En comparaison cette somme équivaut aussi à cinq paniers de poires, près de huit livres de beurre et neuf douzaines d'oeufs achetés sur le marché de Tours en octobre 1882211. Si d'une part, le manque d'éducation est une frontière au développement du goût des arts chez les populations les plus modestes, la réalité économique les conduit d'autre part, à délaisser les activités artistiques pour des préoccupations peut-être plus prosaïques sinon essentielles et vitales. Ainsi, comme le fait remarquer Raymonde Moulin le point commun de l'ensemble des membres de ces associations est « de jouir d'une position sociale incontestée, qu'elle soit fondée sur la fortune ou la capacité »212.

209 [ANONYME], Annuaire historique, statistique, op. cit., 1885, p. 305.

210 CHANUT, Jean-Marie, HEFFER, Jean, MAIRESSE, Jacques, POSTEL-VINAY, Gilles, « Les disparités de salaires en France au XIXe siècle », Histoire et mesure, Vol. 10, n° 3, 1995, p. 386-387.

211 [ANONYME], « Marché de Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 275, 5 octobre 1882, p. 2.

212 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976, p. 387.

64

b) Le budget nécessaire à l'émulation artistique : de l'organisation des loteries aux

financements publics

Pour l'essentiel le budget des sociétés artistiques et savantes résulte du prélèvement des cotisations de leurs membres. Néanmoins, ce revenu ne semble pas suffisant pour subvenir à l'ensemble des dépenses auxquelles les associations sont confrontées, dont les plus utilitaires, à l'instar des charges ou l'acquisition du mobilier. Aussi l'édition des travaux de recherche scientifique représente une dépense importante. La Société Archéologique rend obligatoire pour les membres correspondants l'acquisition de ses Mémoires pour la somme supplémentaire de 6 francs213.

Les manifestations artistiques et musicales sont soumises à des dispositions budgétaires particulières et bénéficient parfois de financements publics pour aider à leur organisation. Déjà en 1835, le projet d'organisation d'une exposition artistique se confronte à des interrogations autour de sa viabilité économique et de ses modes de financement. C'est dans l'objectif de réduire les frais que le comte de CroØ propose la création d'une société des Amis des Arts dont les cotisations participeraient essentiellement à financer l'organisation des expositions (Ill. 2). Pourtant comment la Société des Amis des Arts de la Touraine arrive-t-elle à financer en 1882 une exposition dont le coût atteint 5 495,30 francs alors que l'ensemble des cotisations de ses sociétaires n'apporte qu'un capital de seulement 4 410 francs 214? Pour sa première exposition cette société est confrontée effectivement à de nombreuses dépenses à l'exemple de l'achat des tentures et du matériel d'entretien et d'aménagement. Si la vente des billets de l'exposition produit une somme totale de 1 893,25 francs et que la vente du catalogue ajoute un revenu de 296,25 francs, à cela il faut ajouter la vente des billets de loterie qui représente une valeur supplémentaire de 2 329,50 francs215.

Les loteries représentent un moyen de financement intéressant et nécessaire pour les salons périodiques sociétaux du XIXe siècle. Si les tombolas artistiques sont instituées dès la fin du XVIIIe siècle dans la première Société des Amis des Arts de Paris, leurs origines sont en réalité bien plus anciennes. Ce jeu de hasard est inventé dans les Pays-Bas au XIIIe siècle et devient très courant deux siècles plus tard pour financer des oeuvres d'utilité publique. Parallèlement c'est en Italie que le principe de la tombola artistique est inventé en mettant en

213 S.A.T., « Statuts de la Société Archéologique de Touraine », op. cit., 1842, p. 25.

214 S.A.A, « Comptes des années 1881 et 1882 », Compte-rendu de l'année 1882, op. cit., 1883, p. 24.

215 Ibidem.

65

jeu autant des tableaux, que des bijoux ou marchandises diverses216. Ainsi ce phénomène se diffuse dans l'ensemble de l'Europe pour « devenir une des formes les plus importantes de financement public et de spéculation privée » 217. Si les loteries sont interdites en France en raison de la loi du 21 mai 1836 soumise par Benjamin Delessert (1773-1847), industriel et philanthrope convaincu de son devoir de protection des classes ouvrières, toutes ne sont pas annihilées, à l'instar des loteries organisées par les sociétés d'encouragement artistique ou de charité218.

En Touraine comme dans les autres régions, les loteries sont pour l'essentiel liées à l'organisation des expositions artistiques. En effet, toutes les expositions sociétales depuis 1841 comprennent le tirage au sort d'objets d'art à l'exception de celles organisées par la Société Archéologique. Les loteries des sociétés remportent un certain succès auprès des tourangeaux. Les demandes d'autorisation d'organisation de loteries par la Société des Amis des Arts de la Touraine auprès des autorités municipales et préfectorales en témoignent. En effet, la société requiert l'édition de 10 000 billets à 50 centimes pour l'exposition de 1882 (ann. 4.1.1.1)219, tandis qu'elle sollicite l'autorisation d'édition de 6 000 tickets pour l'exposition de 1889 (ann. 2.4.2.2)220. Si à l'évidence certains visiteurs de l'exposition achètent plusieurs billets de loterie en vue d'augmenter leur chance de gain et que tous ne sont pas tourangeaux, il faut remarquer que l'édition de ces billets touche en théorie près de 20% des presque 52 000 habitants de Tours en 1882 et 10 % des 60 000 résidents en 1889221, soit une part relativement importante de la population de la ville. Néanmoins seulement la moitié des 6 000 des billets n'est vendue en 1889222.

216 BERNARD, Bruno (éd.), Loteries en Europe. Cinq siècles d'histoire, Gand, Snoeck-Ducaju & Zoon, 1994, p. 138.

217 RAUX, Sophie, « Les loteries de François Verbeelen dans les Flandres (1595-1608) », in COQUERY, Natacha (éd.), BONNET, Alain (éd.), Le commerce de luxe. Production, exposition et circulation des objets précieux du Moyen âge à nos jours, actes de colloque, Paris, Mare et Martin, 2015, p. 103.

218 BUCHANIEC, Nicolas, « Les loteries des salons de province, entre économie et philanthropie », HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, op. cit., 2010, p. 44.

219 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de la demande d'organisation d'une loterie par la Société des Amis des Arts à l'occasion de son exposition artistique de 1882, 16 septembre 1882, Tours, A.M., 2R 401/1.

220 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de la demande d'organisation d'une loterie par la Société des Amis des Arts à l'occasion de son exposition artistique de 1889, le 20 avril 1889, Tours, A.M., 2R 401/1.

221 École des Hautes Études en Sciences Sociales, « Tours », Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui : http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/fiche.php?select resultat=37911# . Consulté le 14/04/2017.

222 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1889, op. cit., 1890, p. 18.

66

Si le produit résultant de l'achat des billets de loterie permet l'acquisition d'oeuvres exposées à l'occasion des salons, les autorités administratives suppléent régulièrement aux difficultés budgétaires des sociétés en fournissant des oeuvres pour les loteries. De fait pour l'organisation de sa tombola suivant son exposition de 1882, la Société des Amis des Arts de la Touraine sollicite des estampes et un objet d'art auprès du Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Ainsi sont accordées pour la loterie, « une statuette de Sèvres et un choix de gravures de prix »223 dont Le bon Samaritain de Rodolphe Bresdin (1822-1885) (fig. 11) et des représentations d'après les oeuvres récentes de Louis Ernest Barrias (1841-1905) ; Les premières funérailles par Levasseur, d'Eugène Delaplanche (1836-1891) ; La Vierge au lys par Lurat, ou encore de Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) ; Scènes de la vie de Sainte Geneviève par Alphonse-Charles Masson (1814-1898). Des estampes d'après des oeuvres plus anciennes sont aussi envoyées à l'exemple du Portrait d'Erasme d'après Hans Holbein (14971543) par Félix Bracquemond (1833-1914) ou du Portrait de Bartolo d'après Raphael (1483152) par Jules Jacquet (1841-1913) (fig.12)224. Il semble de fait que le Ministère des Beaux-Arts s'efforce d'envoyer un corpus de gravures d'après des oeuvres de différentes périodes dans un souci de variété. Cependant, ces oeuvres multiples ne sont assurément pas les lots les plus convoités, en raison de leur statut inférieur en comparaison aux oeuvres originales à l'instar des tableaux225.

La participation du Ministère de l'Instruction publique au quotidien des sociétés artistiques ne s'arrête pas à l'envoi de lots de gravures pour les loteries. En effet, l'État alloue régulièrement des fonds nécessaires à l'organisation des expositions. La section artistique de la Société d'Agriculture semble bénéficier de 1898 à 1902 d'une subvention de 500 francs pour la tenue de ses salons annuels. Ainsi lorsque le Ministère attribue cette allocation en 1902 à d'autres sociétés, la section artistique est contrainte d'utiliser pour l'organisation matérielle de l'exposition les fonds dont elle dispose pour les achats des oeuvres des exposants. Cela la conduit cette année-là à « ne pas favoriser pécuniairement les artistes »226. Il semble de cette manière que les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts sont confrontées à des difficultés

223 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1882, op. cit., 1883, p. 20.

224 Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts : Arrêté disposant de l'attribution de gravures à la Société des Amis des Arts de la Touraine, 14 novembre 1882.

225 BUCHANIEC, Nicolas, « Les loteries... », op. cit., 2010, p. 50.

226 CHAUVIGNÉ, Auguste, « Séance académique du 13 décembre 1902. Rapport sur les travaux de la société pendant l'année 1902 », Annales de la Société d'Agriculture, sciences arts et belles lettres, t. LXXXIII, Tours, Imp. Deslis, 1903, p. 79.

67

budgétaires quotidiennes, les conduisant régulièrement à ne pas pouvoir assumer seules l'émulation artistique à laquelle elles aspirent, à l'exemple de la Société Archéologique qui sollicite de la municipalité tourangelle, une subvention importante de 4000 francs, pour l'organisation de son exposition célébrant son cinquantième anniversaire en 1890227.

Il est nécessaire pour les sociétés d'entretenir des relations courtoises avec les autorités publiques, ce qui pousse à l'évidence la Société Photographique à inviter l'ensemble des membres du Conseil municipal et leurs familles à une séance de projection privée en mars 1914228. Mais parfois, la vie publique de certains membres des associations conduit les autorités politiques à ne pas satisfaire les demandes d'assistance requises par les sociétés. Ainsi en 1906, la préfecture d'Indre-et-Loire incite le Ministère des Beaux-Arts à ne pas donner suite à l'attribution d'oeuvres d'art sollicitée la Société des Amis des Arts, pour ne pas donner l'impression de favoriser la présentation du président Jacques Drake del Castillo aux élections législatives229.

Les questions hiérarchiques et budgétaires sont des problématiques récurrentes des sociétés artistiques au XIXe siècle. De fait, les sociétés tourangelles à l'instar des autres associations culturelles françaises de cette période ne peuvent y échapper, bien que l'essentiel de leurs membres participant à leur quotidien figurent parmi les élites intellectuelles, artistiques et souvent financières. Ainsi les sociétés ont une réalité économique relativement précaire les poussant régulièrement à solliciter l'aide des autorités publiques, tout en développant des solutions de financement originales, à l'exemple des loteries qui semblent remporter un succès important auprès de leurs membres et de la population.

B. Le local : une problématique récurrente du quotidien des sociétés

La question de l'installation du local est peu ou prou liée aux problématiques statutaires et budgétaires des sociétés artistiques. Le local est effectivement régi par un règlement et induit des dépenses liées à son acquisition ou sa location, ainsi qu'à son entretien. Par ailleurs, l'émulation artistique à laquelle aspirent les sociétés - tant par l'organisation d'expositions que de concerts ou de créations d'espaces culturels dont des musées et des bibliothèques - conduit

227 DELAVILLE LE ROULT, J., (président de la société) : Lettre au maire de Tours au sujet d'une demande de souscription de 4000 francs pour l'organisation de l'exposition rétrospective de 1890 célébrant le cinquantenaire de la société, s. d., Tours, A.M., 2R 401/1.

228 DESLIS, (Président de la société) : Lettre au maire de Tours invitant les membres du conseil municipal et leurs familles à assister à une séance privée, 8 mars 1914, Tours, A.M., 2R 401/2.

229 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre au sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts au sujet de l'attribution de gravures pour la tombola annuelle de la société, 22 mars 1906, Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/4085.

68

indubitablement à trouver des lieux pour la réaliser et l'accueillir. Il convient ainsi de s'intéresser à l'installation du local et des lieux où s'organisent l'encouragement artistique proposé par les sociétés, dans l'objectif de reconstituer une partie de cette problématique récurrente à toutes les associations.

a) De l'état nomade à l'installation du siège social : entre solutions économiques, recours

aux autorités publiques et développement des activités

L'installation d'un siège social est un problème quotidien des sociétés savantes et d'encouragement aux Beaux-Arts230. Si à leur formation la plupart des sociétés n'ont pas d'adresse particulière, à terme il semble que ces dernières s'emploient à trouver un espace pour organiser leurs réunions et leurs assemblées administratives.

L'essentiel des sociétés est tributaire de la bienveillance municipale. En effet, la ville met à disposition des associations, des salles de l'Hôtel de ville pour la tenue de leurs réunions. Ainsi, jusqu'en 1885 les assemblées générales de la Société des Amis des Arts de la Touraine se déroulent dans les salles de la mairie de Tours avant de se tenir dans son propre siège social situé d'abord au 11, rue Nationale231 puis au 7, rue de la Scellerie à partir de 1889 (ann. 4.2). Comme le souligne son secrétaire général Paul Briand en 1885, « la société n'est plus [É] à l'état nomade, elle a un domicile fixe »232. L'acquisition d'un local pour la tenue des réunions libère cette société de plus de 500 membres des contraintes liées aux prêts des salles de la mairie.

Si l'autorité municipale est disposée à prêter occasionnellement ses locaux aux sociétés locales, elle semble également prête à ce que certaines investissent les bâtiments de la ville pour des durées indéterminées. En effet peu de temps après sa création, la Société Archéologique de Touraine requiert auprès du maire de Tours, l'installation de son siège social et de ses collections dans les salles du second étage du musée (4.2). Le projet est accueilli favorablement par Auguste Walwein et la Société Archéologique investit les lieux l'année suivante, après des travaux d'aménagement233. Ainsi l'association dispose de l'ensemble du second étage, de l'escalier et des caves pour accueillir ses 549 objets antiques, médiévaux ainsi que ses peintures,

230 BRUNNER, Marie-Ange, op. cit., p. 199.

231 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1886, op. cit., 1887, p. 16.

232 S.A.A., « Assemblée générale du 19 juillet 1885 », Compte-rendu de l'année 1885, op. cit., 1886, p. 17.

233 WALWEIN, Auguste : Lettre adressée au président de la Société Archéologique de Touraine au sujet de l'installation de la Société au second étage du musée, 11 mai 1841, Tours, A.M., 2R 401/1.

69

dessins et autres objets d'art recensés en 1871 par Léon Palustre234. L'installation du musée de la Société Archéologique de Touraine apparaît comme un complément aux collections du musée de Tours. Les collections de la société s'ajoutent en effet à celles strictement des Beaux-Arts de la ville. Si le cas particulier de l'installation de la Société Archéologique ne semble souffrir d'aucune critique, à l'échelle nationale des commentateurs de l'époque appellent les maires à ne pas laisser les sociétés artistiques s'installer dans les musées municipaux.

L'invasion des musées par les sociétés des Amis des Arts est un fait monstrueux, un abus criant. Les villes qui possèdent des musées ne peuvent pendant plusieurs mois les fermer à l'étude, à la curiosité, ou simplement au plaisir des étrangers et du public. Elles ne doivent pas exposer à des chances de détérioration de tout genre les objets d'art dont le gouvernement leur délègue la propriété et l'entretien235.

Si en vérité Léon Lagrange reproche davantage aux sociétés la tenue de leurs expositions dans les musées de province plutôt que leur installation définitive, il insiste néanmoins sur le fait que les sociétés doivent acquérir un local leur étant propre et indépendant de l'hospitalité municipale. La Société Archéologique bénéficie du prêt du second étage du musée jusqu'aux prémices de la Première Guerre mondiale. En 1914, la municipalité reprend les locaux « pour une nouvelle installation de l'école régionale des Beaux-Arts »236. La société est donc amenée à devoir trouver un nouveau lieu pour installer à la fois son siège social et ses collections. Si dès 1914, la société s'installe place Foire-le-Roi dans l'Hôtel de l'Argentier de François Ier (ann. 4.2), la guerre a pour conséquence de retarder les travaux et l'ouverture du musée. Au sortir de la guerre, la Société Archéologique sollicite de nouveau la bienveillance de la municipalité pour l'aider à rembourser les 6 000 francs de dépenses engagées. La ville fait dès lors « un don généreux [de 3 000 francs] en faveur du musée de ladite société »237 et participe ainsi à combler les dettes contractées par celle-ci.

L'installation du siège social a souvent des conséquences favorables pour le développement des sociétés. En effet, la possession d'un local permet à l'évidence de multiplier les activités. En mars 1886, soit près d'un an suivant l'acquisition de son propre local, la Société des Amis des Arts de la Touraine ouvre une bibliothèque à destination de ses membres « comprenant des ouvrages traitant de l'art proprement dit ainsi que de l'art décoratif et

234 PALUSTRE, Léon, Catalogue du musée de la Société Archéologique de Touraine, Tours, Imp. Ladevèze, 1871.

235 LAGRANGE, Léon, op. cit., t. X, 1er mai 1861, p. 164.

236 Conseil municipal de Tours, Extrait de la séance du 12 avril 1919, Tours, A.M., 2R 401/1.

237 BEAUMONT : Charles de (vice-président) : Lettre au maire de Tours l'informant du bon accueil du don de la municipalité tourangelle au profit du musée de la société, 1er mai 1919, Tours, A.M., 2R 401/1.

70

industriel, des collections de gravures et des publications périodiques »238. Si la bibliothèque de la société n'est ouverte que deux jours dans la semaine en 1886 - le mercredi de 19 à 22 heures et le dimanche de 13 à 17 heures en hiver et de 13 à 18 heures en été - puis trois jours à partir de 1887 - le samedi s'ajoutant - elle devient néanmoins un lieu particulier d'érudition artistique en complément de la bibliothèque municipale. Elle propose à la fois la consultation de revues générales de Beaux-Arts dont La Gazette des Beaux-Arts et Le Moniteur des arts et d'ouvrages spécialisés à l'exemple du Dictionnaire raisonné de l'architecture française de Viollet-le-Duc de La Grammaire des arts décoratifs de Charles Blanc et du Mobilier national d'Édouard-Thomas Williamson239. Les 123 ouvrages possédés dès 1886, semblent s'adresser en particulier à l'instruction des ouvriers d'art de la région, puisque pouvant « leur rendre d'importants services »240. La Société des Amis des Arts paraît engager les artistes de Tours à fréquenter la bibliothèque dans l'objectif d'enrichir et d'améliorer la production artistique locale.

Si l'indépendance du local incite les sociétés à développer leurs activités, il semble néanmoins que les difficultés budgétaires les conduisent parfois à se regrouper pour diminuer les frais auxquels elles sont confrontées. Ainsi la Société des Amis des Arts de la Touraine, la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire et la Société Photographique de Touraine se regroupent pour former l'Union des sociétés artistiques et savantes au début de l'année 1903241. Cette Union a pour but de louer et de gérer l'immeuble du 14 rue des Halles (ann 4.2), siège social des trois sociétés242. La Société Littéraire et Artistique les rejoint la même année, bien que ne s'investissant pas dans la délégation administrative 243 . Le partage d'un local par plusieurs sociétés n'est pas une exception tourangelle. À Rouen en 1857, l'Hôtel du premier président du parlement de Normandie est affecté aux sociétés savantes de la ville dont l'Académie des Sciences, Lettres et Arts, la Société libre d'émulation et la Société centrale d'Horticulture244. Appartenant à la société immobilière Mame, l'immeuble de la rue des Halles (ann 4.2) abritent les associations jusqu'en novembre

238 S.A.A., « Avis bibliothèque », Compte-rendu de l'année 1885, op. cit., 1886, p. 1.

239 S.A.A., « Bibliothèque de la Société des Amis des Arts de la Touraine », Compte-rendu de l'année 1885, op. cit., 1886, p. 32-33.

240 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1886, op. cit., 1887, p. 19.

241 S.A.S.A.B.L., « Séance du 14 février 1903 », Annales, t. LXXXIII, Tours, L. Péricat, 1903, p. 45.

242 [ANONYME], Annuaire historique..., op. cit., 1905, p. 351.

243 AUDIN, Pierre, op. cit., 2008, p. 138.

244 BERGOT, François, op. cit., 2009, p. 16.

71

1927, date de la dissolution de la société civile, en raison de l'augmentation trop importante du loyer245.

b) Le local : un élément essentiel à l'organisation des manifestations artistiques

Pour des questions évidentes de coût, les sociétés quant elles le peuvent, organisent leurs expositions dans leurs propres locaux. Ainsi la section artistique de la Société d'Agriculture tient ses expositions à partir de 1900, à son siège social rue du Général-Jameron, aujourd'hui rue Origet (4.1 et 4.2), puis à partir de 1903 à l'hôtel de l'Union des sociétés artistiques et savantes. L'organisation des Salons tourangeaux dans ces locaux s'explique par le nombre relativement restreint d'oeuvres exposées. En effet, les expositions de la Société d'Agriculture ne présentent que quelques dizaines d'oeuvres d'art d'artistes régionaux.

Pour autant, l'essentiel des locaux des sociétés ne permettent pas d'organiser des expositions de Beaux-Arts de grande envergure, comme le constate à ses dépens la Société des Amis des Arts, à l'occasion de ses expositions de 1886 et 1887. Le manque de superficie et de luminosité du local de la rue Nationale (ann. 4.1 et 4.2) semble décourager un certain nombre d'artistes de présenter leurs oeuvres dans ces conditions246. Se heurtant à l'impropriété de son local, la société s'efforce de trouver l'année suivante des solutions pour remédier à ce problème.

Un local convenable est indispensable, et c'est ce que nous avons cherché à nous assurer, non pour une fois, mais pour plusieurs fois. Des combinaisons nombreuses ont été étudiées [É] La plus séduisante consistait à louer un terrain, à y édifier moyennant un emprunt une construction capable de recevoir une exposition. Mais on a promptement reconnu qu'une entreprise de ce genre grèverait outre mesure les finances de la Société247.

Ce projet ambitieux prend probablement son inspiration des pavillons construits par Henri Prath en 1881 pour l'Exposition nationale de Tours. Rapidement édifiés, facilement démontables, ces constructions de verre et de métal ne peuvent cependant être commandés par la société en raison de leur coût trop important. L'impossibilité d'organiser des expositions dans de bonnes conditions, conduit la Société des Amis des Arts de la Touraine à déménager en 1889 rue de la Scellerie (ann. 4.2). Elle s'installe dans un local plus petit mais au loyer moins coûteux.

245 S.A.A., « Séance du 4 novembre 1927 », Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, op. cit., f° 50.

246 DE STALL, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 114, 15 mai 1887, p. 2.

247 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1888, op. cit., 1889, p. 18.

72

Il est probable que l'économie réalisée sur le loyer, la conduise à organiser une exposition dans un espace privé. Propriété d'un particulier depuis 1879, l'église Saint-François de Paule (ann. 4.1) semble convenir à la présentation d'objets d'art, tout comme l'église des Minimes en 1847 et 1853 (ann. 4.1) qui accueille les expositions de la Société Archéologique et de la Société des Amis des Arts de Touraine. Il semble que les sociétés recourent régulièrement à la location ou au prêt de locaux pour l'organisation de leurs l'expositions artistiques. Néanmoins le nombre d'espaces susceptibles d'accueillir des expositions paraît relativement limité à Tours. Si à l'origine ces églises reconverties ne sont pas prévues pour l'organisation d'expositions, elles semblent pourtant relativement bien s'adapter aux contraintes liées à la présentation d'oeuvres d'art. La superficie de ces édifices permet également d'accueillir un nombre pléthorique d'objets d'art. En 1853, l'exposition de la Société des Amis des Arts de Touraine comporte près de 300 tableaux248, tandis que l'exposition de 1889 présente plus de 400 « toiles ou dessins suspendus aux murs du vieux monument »249 auxquels il faut ajouter des chevalets au milieu de la salle pour présenter l'ensemble des oeuvres. De surcroît, il semble que la luminosité soit suffisante pour l'exposition des peintures.

L'installation des expositions en dehors des sièges sociaux résultent à l'évidence des jeux de relation. Lorsque la Société d'Agriculture organise sa première exposition depuis la renaissance de sa section artistique, Albert Lépingle, carrossier et membre de l'association, met à disposition son local situé au 3ter rue Georges-Sand (ann. 4.1). Composé de deux niveaux, le hall Lépingle semble se prêter aisément à l'organisation d'une exposition, d'autant que la société adjoint des concerts et des conférences. Ainsi le rez-de-chaussée est plus spécialement réservé à la tenue des manifestations musicales, tandis que le premier étage est réservé à la présentation des oeuvres industrielles et artistiques250.

Si l'encouragement des Beaux-Arts est soutenu en Touraine par plusieurs sociétés, il semble toutefois qu'il soit dépendant de la bienveillance des autorités publiques. Outre les subventions et le prêt des salles de la mairie pour la tenue des réunions, la municipalité tourangelle met régulièrement ses locaux à disposition des sociétés pour l'organisation des expositions. Si Tours ne bénéficie pas en dehors de son musée d'une galerie propre à la présentation d'oeuvres d'art, l'autorité municipale consent à plusieurs reprises à prêter des salles

248 [ANONYME], « Tours. Exposition de Peinture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 211, 8 septembre 1853, p. 2

249 DIVRAY, Jean, « L'exposition de la rue Saint-François », Journal d'Indre-et-Loire, n°106, 5 mai 1889, p. 2.

250 [ANONYME], « Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres : Une exposition à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 57, 9 mars 1898, p. 2.

73

de son Hôtel de ville, à l'instar de la préfecture qui offre en 1841 ses salons pour l'organisation de l'exposition des produits des arts et de l'industrie251. À l'évidence le prêt de l'Hôtel de ville symbolise l'implication de Tours dans le développement des Beaux-Arts. La hauteur sous plafond ainsi que l'isolation et la sécurité font de l'Hôtel de Ville l'espace le plus adapté à recevoir l'exposition de 1873 organisée par la Société Archéologique252. La Société des Amis des Arts organise également son exposition de 1882 dans les salles de l'Hôtel de ville, bien que ce lieu ne soit pas conçu pour recevoir des exhibitions artistiques. Si la présentation des objets lors de l'exposition rétrospective de 1873 souffre de quelques critiques253, il semble au contraire que la mise en scène des oeuvres de l'exposition de 1882 dans la grande salle de l'Hôtel de ville, remporte un certain succès auprès des visiteurs.

[É] les aménagements me paraissent parfaits. L'or des encadrements, les couleurs des tableaux eux-mêmes, les murs revêtus du haut en bas de peintures, d'aquarelles, de dessins, de crayons, d'émaux, font de cette salle un véritable salon parfaitement décoré où rien ne manque et où la tenue est irréprochable254.

Le critique Van Keller semble séduit autant pas les objets exposés que par leur présentation, ce qui le conduit à conclure que l'exposition de 1882 est « remarquable et bien au-dessus certainement de la moyenne des expositions de province »255. Ces propos élogieux paraissent rendre compte de l'adaptation des salles de l'Hôtel de ville aux principes muséographiques de l'époque. L'accrochage bord à bord des tableaux sur plusieurs registres de hauteur est en effet une constante des expositions du XIXe siècle que ce soit à Paris comme en province.

Il faut noter cependant que la dépendance aux prêts des salles de la mairie pour l'organisation d'expositions conduit les sociétés artistiques à s'adapter et parfois à renoncer à la tenue de leurs expositions. Ainsi en 1884, la Société des Amis des Arts de la Touraine recule au 1er juillet l'ouverture de son exposition d'arts décoratifs fixée initialement le 12 avril, en

251 [ANONYME], « Exposition des produits des arts et de l'industrie », Journal d'Indre-et-Loire, n° 47, samedi 3 avril 1841, p. 1, Tours, Archives municipales, 121 C 26.

252 BROGARD, Clémence, op. cit., 2016, p. 29.

253 Ibid., p. 31.

254 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture. Aperçu général. Lettre 1. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 254, 28 octobre 1882, p. 2.

255 Ibidem.

74

raison des élections municipales devant se dérouler en mai256 (ann. 2.5.1.1). Malgré cette disposition préventive, l'exposition ne peut être organisée à cette date, compte tenu du passage de la loi de mars 1884 sur la publicité des séances des conseils municipaux257.

Le local est manifestement un élément essentiel de la vie des sociétés. Si le siège social offre aux membres des associations un lieu pour se réunir, il permet également, quand ses caractéristiques les rendent possibles, d'accueillir des expositions ainsi que développer des activités supplémentaires, dont un musée dans le cas de la Société Archéologique ou une bibliothèque à l'exemple de la Société des Amis des Arts de la Touraine. Pour autant, la jouissance d'un local particulier résulte souvent de la bienveillance municipale, bien que les sociétés mettent régulièrement en oeuvre leurs réseaux, pour bénéficier d'espaces d'exposition. La question du local est donc une problématique constante dans le quotidien des sociétés. Il influence de surcroît les actions menées par celles-ci.

II) Vivre en société(s) : le quotidien des associations en dehors de leur cercle

A. Un essai de démocratisation de l'accession à la culture et d'encouragement des jeunes artistes. Les liens entretenus entre les sociétés artistiques et les tourangeaux

Les rapports qu'essaient d'entretenir les sociétés artistiques avec l'ensemble des Tourangeaux semblent paradoxaux au regard de l'élitisme dont elles font preuve, lorsqu'il s'agit de recruter les membres les composant. En effet si la participation au quotidien des sociétés semble limitée à un nombre relativement restreint de protagonistes, les associations paraissent s'efforcer au contraire à toucher un plus vaste champ de la population lorsqu'elles organisent des manifestations artistiques publiques dans l'objectif de développer le goût des arts chez leurs concitoyens. Partant de ce constat, il paraît intéressant d'évaluer la réception des sociétés auprès de l'ensemble des Tourangeaux dans le but de restituer leur intégration à l'échelle de leur localité.

256 DRAKE DEL CASTILLO, Jacques (président) : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de la mise à disposition d'une salle pour l'organisation d'une exposition d'art décoratif, 1er janvier 1884, Tours, A.M., 2R 401/1.

257 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1884, op. cit., 1885, p. 18.

75

a) L'intégration des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts dans le quotidien culturel

des habitants de Touraine : entre volonté de démocratisation et conservatisme de l'accession à la culture

À l'évidence les sociétés artistiques et savantes du département d'Indre-et-Loire s'efforcent chacune d'amplifier leur visibilité auprès de la population, pour en convaincre un certain nombre de l'utilité de leur cause. C'est dans cet objectif que sont publiés régulièrement dans la huitaine des journaux, les analyses raisonnées des procès-verbaux des séances des commissions et des assemblées générales. Trois des sociétés tourangelles de notre corpus transmettent immanquablement au Journal d'Indre-et-Loire les synthèses de leurs séances de travail : la Société Archéologique de Touraine, la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres et la Société des Amis des Arts de la Touraine. Toutefois, la publication de ces extraits ne s'adresse en réalité qu'à un petit nombre d'amateurs du département, puisque le Journal d'Indre-et-Loire n'est lu que par une part minoritaire de la population en Touraine, en raison du taux d'analphabétisation encore très important - 32,84% de la population française de plus de 5 ans ne sait ni lire ni écrire en 1866258 - du tarif de son abonnement et de sa tendance conservatrice, qui le pousse à soutenir invariablement le régime en place259. Le prix de l'abonnement évolue peu en une cinquantaine d'années, passant de 26 francs pour un habitant de Tours en 1833 à 30 francs en 1881260. Ce journal en lui-même limite la visibilité des sociétés auprès de la population du département d'Indre-et-Loire. Si les publications des résumés des réunions sont des outils de communication louables pour la visibilité des sociétés, il semble toutefois qu'elles ne se destinent pas à tous les habitants du département.

Toutefois dans un souci de démocratisation de l'art, les sociétés artistiques et savantes visent à s'intégrer dans le quotidien d'un plus grand public. Ainsi, elles réduisent au plus bas, le prix des droits d'entrée aux expositions qu'elles organisent. La rentabilité ne semble pas être l'une des motivations guidant l'organisation des expositions. En 1853, le prix d'entrée à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Touraine est fixé à 50 centimes de franc261. L'exposition de 1882 de la Société des Amis des Arts de la Touraine est accessible au même

258 FURET, François, SACHS, Wladimir, « La croissance de l'alphabétisation en France (XVIIIe-XIXe siècle) », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Vol. 29, n° 3, 1974, p. 721.

259 LAURENCIN, Michel, La vie quotidienne..., op. cit., 1980, p. 268.

260 Journal d'Indre-et-Loire, n° 1, 2 janvier 1833. Journal d'Indre-et-Loire, n° 1, 27 février 1881.

261 [ANONYME], « Exposition de Peinture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 205, 1er septembre 1853, p. 2.

76

tarif du lundi au vendredi, le samedi à 1 franc et le dimanche à 0,25 centimes262. La Société d'Agriculture suit ce modèle en 1898 lorsqu'elle ouvre sa première exposition de Beaux-Arts à l'occasion de la renaissance de sa section des Arts et Belles-lettres263. Si cet aménagement des tarifs est profitable pour les populations les plus modestes, puisque bénéficiant le dimanche d'un tarif adapté à leurs moyens, il semble néanmoins que ce souci d'équité soit motivé par une volonté de dissocier les publics, évitant ainsi « aux visiteurs élégants le contact populaire, sans toutefois réserver le privilège de l'art aux seules classes supérieures »264. Pour autant, ce système ne paraît pas fonctionner en Touraine comme semble le suggérer l'application d'un tarif unique à 0,25 centimes de franc aux expositions suivantes de 1885 et 1899265 (Ill. 12). À l'évidence, les expositions ne sont pas fréquentées par l'ensemble de la population et demeurent des lieux de ségrégation sociale266. Il est fort probable que l'application de tarifs supérieurs certains jours de la semaine réduit le nombre de visiteurs. Si d'autres sociétés à l'instar de la Société Archéologique parient dans le cadre de manifestations publiques plus générales sur la gratuité le dernier jour de l'exposition267, il est certain que toutes les catégories sociales ne sont pas représentées malgré l'exonération des charges268.

Dans l'objectif de susciter davantage d'intérêts chez leurs concitoyens et augmenter par là-même l'afflux de visiteurs lors de la tenue de leurs manifestations artistiques publiques, les sociétés s'emploient à multiplier les attractions. Dans ce sens les associations adjoignent des activités à leurs expositions de Beaux-Arts, dans le but de créer une festivité populaire. Les orchestres locaux sont régulièrement invités à jouer au sein même des expositions, pour impulser une dynamique culturelle moins élitiste. Ainsi la fanfare des sapeurs-pompiers de Tours est conviée à l'occasion de la clôture de l'exposition de 1882269.

262 [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 229, 29 septembre 1882, p. 2.

263 [ANONYME], « L'exposition des Beaux-Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 82, 8 avril 1898, p. 2

264 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976, p. 395.

265 [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 108, 8 mai 1885, p.

2.

[ANONYME], « Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres. Exposition annuelle des Beaux-Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 245, 18 octobre 1899, p. 3.

266 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op. cit., 2010, p. 116.

267 BROGARD, Clémence, op. cit., 2013, p. 46.

268 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op. cit., 2010, p. 115.

269 [ANONYME], « Exposition de la Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 266, dimanche 12 novembre 1882, p. 2.

77

Toutefois les loteries sont à l'évidence les événements les plus attractifs, bien que le nombre des ventes de tickets diminue considérablement entre 1882 et 1889 en ce qui concerne les expositions de la Société des Amis des Arts de la Touraine. À l'exemple des droits d'entrée aux expositions, les tickets de loterie sont vendus à des tarifs relativement bas. Si en 1841, la loterie de l'exposition n'est ouverte qu'aux seuls actionnaires de la Société des Amis des Arts de Tours pour la somme de 5 francs270, les loteries des expositions suivantes sont accessibles à tous les visiteurs pour la somme de 1 franc. Les tirages sont organisés le jour même ou peu de temps après la clôture des expositions et s'appréhendent de fait, comme des festivités supplémentaires durant lesquelles le « public conformiste tenu à l'écart des querelles esthétiques qui animent le microcosme artistique parisien [É] est incité à franchir le pas de l'acquisition et à constituer sa propre collection »271 . Manifestement ce sont les oeuvres correspondant au goût conventionnel de l'époque qui sont essentiellement mises en jeu dans l'objectif de plaire à un large public. Ainsi les peintures de genre, les natures mortes et les paysages sont les genres les plus représentés dans les loteries. Dans le cas particulier des tombolas de 1882, 1887 et 1889 de la Société des Amis des Arts Ð pour lesquelles les oeuvres réparties par le sort nous sont connues272 Ð, le paysage est le genre le plus représenté (Ill. 13). En 1882 presque la moitié des oeuvres sont des paysages sur les 37 lots que comportent la tombola. Ce n'est qu'en 1889 que cette tendance s'inverse, puisque les natures mortes supplantent les paysages. Le genre historique est absent des loteries en 1887 et 1889 et n'est présent en 1882 que par l'intermédiaire d'estampes réalisées d'après des peintures d'histoire dont les Scènes de la vie de sainte Geneviève, corpus de quatre estampes envoyé par le Ministère de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes.

Malgré ces initiatives tendant à réduire le coût et faciliter l'accession à la culture, les expositions organisées par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts tourangelles ne sont goûtées que par une faible proportion de la population de la ville et du département. Le salon sociétal de 1882 est visité par un minimum de 3 200 visiteurs, comme le suggèrent les recettes

270 [ANONYME], « Société des Amis des Arts à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, vendredi 9 avril 1841, p. 2.

271 BUCHANIEC, Nicolas, « Les loteries des salons de province... », op. cit., 2010, p. 52.

272 [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 285, 4 et 5 décembre 1882, p. 2.

S.A.A., Compte-rendu de l'année 1887, op. cit., 1888, p. 23. S.A.A., Compte-rendu de l'année 1889, op. cit., 1890, p. 20.

78

de la vente des tickets d'entrée à l'exposition273, tandis que celui de 1885 en accueille 2 884, sans compter les membres de l'association qui profitent de la gratuité de l'exposition274. Cela représente un peu plus de 6% de la population de Tours dans le cas l'exposition de 1882 et 5% en 1885. Si l'Exposition nationale de Tours de 1892 n'est pas comparable en terme de communication, de budget et d'offre d'activités, puisque ne proposant pas uniquement une exposition de Beaux-Arts, elle est visitée par 331 342 personnes dont 250 000 étrangers à la région à en croire le journal de l'exposition275. Toutefois, il peut sembler que les chiffres annoncés soient quelque peu ambitieux.

En ce qui concerne la démocratisation de la culture à toutes les strates de la population, les sociétés savantes et artistiques tourangelles ont à l'évidence des résultats limités. Pourtant, elles sont des outils indispensables à l'émulation artistique et culturelle de la région dont témoignent les reconnaissances d'utilité publique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres en 1855 et de la Société Archéologique en 1872276.

b) L'engagement et l'intégration des sociétés artistiques auprès de l'école des Beaux-Arts et

du conservatoire de Tours : une volonté d'émulation de l'art local

Si l'intégration des sociétés dans le quotidien de l'ensemble de la population n'est pas chose faite, il semble au contraire qu'auprès des artistes en formation, les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts soient des intermédiaires privilégiés. À l'instar de la classe d'amateurs participant à la remise des prix récompensant les meilleurs élèves de l'école de dessin de Charles-Antoine Rougeot, les sociétés artistiques et savantes d'Indre-et-Loire entretiennent des liens très étroits avec l'école des Beaux-Arts de Tours. Dans un souci d'émulation générale de l'art, les sociétés ne s'engagent pas qu'auprès des artistes formés. Elles présentent en effet la volonté d'aider les artistes et musiciens tourangeaux en devenir, alors élèves de l'école des Beaux-Arts et du conservatoire.

C'est à la fin du XIXe siècle que l'enseignement prodigué à l'école municipale de dessin de Tours semble être le plus prospère, d'autant que l'institution devient école régionale des Beaux-Arts par voie de délibération du 19 février 1882, des suites de la proposition de Félix

273 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1882, op. cit., 1883, p. 25.

274 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1885, op. cit., 1886, p. 17.

275 [ANONYME], « La clôture de l'exposition », Journal officiel de l'exposition de Tours, n° 36, 25 octobre 1892, p. 3.

276 Répertoire des établissements reconnus d'utilité publique, Tours, A.D., 4M 259.

79

Laurent277. Directeur et professeur durant près d'une trentaine d'années de 1876 à 1905, celui-ci joue un rôle déterminant dans le développement de l'école et la qualité de l'enseignement dispensé. L'obtention du prix de Rome par François Sicard en 1891, par François-Benjamin Chaussemiche (1864-1945) en 1893 et par Camille Alaphilippe (1874-1934) en 1898, tous élèves de l'école des Beaux-Arts de Tours avant de compléter leur formation à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, peut illustrer l'engagement de Félix Laurent dans le développement de l'école de dessin de Tours.

L'école des Beaux-Arts ne semble pas souffrir de difficultés à cette période. Cependant l'apport financier des sociétés à la remise des récompenses de fin d'année est profitable pour l'encouragement des jeunes artistes. La Société des Amis des Arts de la Touraine et la Société des Architectes Tourangeaux s'efforcent chacune d'aider l'école des Beaux-Arts278, en destinant tous les ans une somme à un ou plusieurs élèves, suivant les examens de la commission des études dont les membres les plus influents des sociétés donatrices sont invités à participer, à l'exemple de Jacques Drake del Castillo279. Par ailleurs la Société des Amis des Arts finance annuellement depuis 1882 à hauteur de 100 francs, les prix attribués aux élèves du conservatoire municipal. Les plus méritants des jeunes artistes de l'école des Beaux-Arts ainsi que les plus sérieux élèves du conservatoire sont récompensés. De fait, aucun des arts enseignés dans les écoles artistiques de la ville ne semble privilégié par rapport à un autre par la Société des Amis des Arts. Il est probable que les rapports étroits qu'entretient cette société avec l'école des Beaux-Arts et le conservatoire résultent de l'action et de l'influence de Félix Laurent et d'Adolphe Grodvolle, l'un étant directeur des Beaux-Arts, l'autre directeur et fondateur de l'école nationale de musique de Tours à partir de 1885. Les deux sont membres de la société. Malgré les difficultés financières la poussant parfois à l'abandon de l'organisation des expositions et des concerts, il semble que la Société des Amis des Arts ne renonce jamais à l'attribution des prix aux élèves des écoles des Beaux-Arts et de musique de Tours, et cela même durant la Première Guerre mondiale, lorsque le contexte et les comptes de la société ne permettent pas d'organiser des manifestations artistiques publiques280.

277 GILET, Annie, « De l'école de dessin au musée, histoire d'une collection », op. cit., 2001, p. 16.

278 VILLE DE TOURS, École régionale des Beaux-Arts. Distribution des prix, Tours, Imp. Mazereau 1888, p. 7, Tours, A.M., 2R1 boîte 3.

279 DRAKE DEL CASTILLO, Jacques : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de la distribution des prix, 4 juillet 1890, Tours, A.M., 2R1 boîte 3.

280 S.A.A., « Séance du 19 novembre 1915 », Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, op. cit., f 4.

80

Outre les prix distribués annuellement, la Société des Amis des Arts attribue exceptionnellement des bourses aux élèves commençant à s'illustrer en dehors des frontières régionales. Ainsi, lorsque Pierre (1902-1986) et Jean Pasquier (1903-1992) réussissent le premier examen d'entrée au Conservatoire national de musique de Paris en 1915, leur mère requiert auprès de la société un « secours nécessaire pour lui permettre de faire donner à ses enfants plusieurs leçons par un des maîtres de la grande école de musique afin de les mettre à même d'arriver au succès complet »281. La Société des Amis des Arts consent à accorder une aide financière de 200 francs dans le but « d'encourager les arts en Touraine »282. Jean Pasquier obtient en juin 1917 une deuxième médaille au concours du Conservatoire national de musique de Paris dans la classe de violon de Firmin Touche (1875-1957). Ce succès participe au « plus grand honneur de l'école de musique, à qui, [É], la Société des Amis des Arts continue, malgré la guerre à offrir des prix annuels »283. Les Amis des Arts s'appréhendent alors comme des interlocuteurs privilégiés de l'encouragement de la culture en Touraine en accordant à la fois des récompenses annuelles, mais également des bourses, lorsqu'il s'agit de représenter les arts et les artistes locaux outre les strictes frontières de la localité.

Les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts veillent avec beaucoup d'attention aux études des jeunes artistes les plus prometteurs du département. La Société d'Agriculture, Sciences, Arts, et Belles-Lettres suit les progrès et favorise notamment le développement de la carrière de Marie-Louise Pichot (1885-1947). Née à Rouen, cette jeune artiste s'installe avec ses parents à Ballan dans les années 1900284. C'est à cette période qu'elle se fait connaître de la Société d'Agriculture en exposant aux Salons tourangeaux. Dès 1906, Marie-Louise Pichot reçoit la protection de la société. L'association sollicite auprès du Conseil général le versement d'une allocation pour que la jeune artiste poursuive ses études à Paris285. Cette bourse de 300 puis de 500 francs lui est accordée durant deux années à partir de 1907. Marie-Louise Pichot entre à l'École des Beaux-Arts de Paris en 1908, où elle suit les leçons de Paul Gervais (18591936) et Henri Royer (1869-1938) et expose cette même année deux toiles au Salon des artistes

281 Ibid, f4-5.

282 Ibidem.

283 S.A.A., « Séance du 10 novembre 1917 », Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, op. cit., f 6.

284 « Pichot Marie-Louise », Allgemeines Künstlerlexikon, [en ligne] : https://www-degruyter-

com.ezproxy.inha.fr:2443/view/AKL/ 00073047?rskey=cBL1pY&result=1&dbq 0=Marie-Louise+Pichot&dbf 0=akl-fulltext&dbt 0=fulltext&o 0=AND, consulté le 24/04/2017.

285 S.A.S.A.B.L, « Rapport sur les travaux de la société pendant l'année 1906 », Annales, t. LXXXVII, Tours, L. Péricat, p. 76.

81

français286. De surcroît, la Société d'Agriculture continue d'encourager localement cette jeune artiste, en lui achetant des oeuvres à l'occasion des expositions annuelles, à l'exemple d'un Paysage en avril 1907 pour la somme de 150 francs287.

À l'évidence, les actions déployées par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts ont une double mission. Lorsque les sociétés artistiques du département d'Indre-et-Loire participent à l'émulation des jeunes artistes de la région en organisant des expositions et des concours, en achetant des oeuvres et en participant à la distribution des récompenses des écoles des Beaux-Arts et du conservatoire de Tours, elles s'efforcent à la fois de démontrer le terreau inouï de la Touraine en matière de formation et de production artistique et de développer le goût des arts chez leurs concitoyens. Mais pour parvenir à cela, les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts doivent se constituer un public et s'intégrer dans le quotidien culturel local. Ainsi elles organisent un ensemble varié d'activités au cours des expositions pour toucher un plus vaste champ de la population et se donner une visibilité plus importante. Les sociétés artistiques de Touraine semblent démocratiser les arts et les savoirs et s'appréhendent alors comme les interlocuteurs privilégiés de la culture dans le département.

B. Un pour tous et tous pour un : la coopération des sociétés pour le développement de la vie culturelle locale

Si les sociétés artistiques et savantes du département d'Indre-et-Loire organisent chacune leurs propres manifestations, elles ne semblent pas témoigner d'hostilité ou de concurrence les unes envers les autres. Au contraire, ces dernières entretiennent des rapports courtois, en raison notamment de la participation concomitante de la majorité de leurs membres au quotidien de plusieurs d'entre elles. Cette proximité conduit régulièrement les sociétés à coopérer dans l'objectif de participer ensemble à l'émulation artistique à laquelle chacune aspire.

a) La création de La Touraine, revue littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du

Centre et de l'Ouest au secours de la visibilité des sociétés du département d'Indre-et-Loire

La Société Littéraire et Artistique de la Touraine dispose d'une revue particulière à partir d'octobre 1907. Toutefois celle-ci ne concerne à l'évidence que les propres intérêts de la

286 S.A.S.A.B.L., « Séance du 13 juin 1908 », Annales, t. LXXXVIII, Tours, L. Péricat, p. 51.

287 S.A.S.A.B.L., « Séance du 11 mai 1907 », Annales, t. LXXXVII, Tours, L. Péricat, p. 45.

82

société288. Suivant le regroupement de l'essentiel des associations dans l'hôtel de la rue des Halles (ann. 4.2), la parution de La Touraine à partir d'octobre 1912 témoigne de l'intention des sociétés de se regrouper pour accroître leur visibilité289. Créé à l'initiative de la Société Littéraire et Artistique avec le concours de l'Association artistique tourangelle fondée en 1911 par Louis Chollet290 et qui vise à organiser en plein air des représentations théâtrales à l'instar de la Renaissance artistique tourangelle291, ce mensuel est soutenu par l'ensemble des sociétés du département. Il propose notamment d'offrir aux associations une visibilité plus importante auprès des amateurs et des érudits de la région.

[É] quelques amis devisaient sur les charmes de la Touraine. Celui-ci vantait les délices de ses vallées verdoyantes et de ses coteaux harmonieux agrémentés de châteaux princiers ; celui-là rappelait avec enthousiasme les noms étincelants des grands hommes qui ont illustré les arts et les lettres, les Fouquet, les Colombe [É], un troisième faisait valoir les féconds résultats et les riches promesses de l'heure présente. Mais comment se fait-il - observa l'un des amis - qu'avec tant de mérites infiniment variés notre province en soit réduite à envier telle autre de ses voisines l'avantage de posséder une Revue qui, chaque mois, enregistre les faits et gestes de la Touraine artistique, littéraire, scientifique et mondaine 292?

Sous la métaphore de la discussion des trois amis, il faut comprendre les échanges entretenus au sujet de l'institution d'une publication artistique commune entre la Société Littéraire et Artistique de la Touraine et deux autres sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts du département. En raison des indices donnés sur les champs d'intérêts des ces trois associations, il est fort à parier que ce soit dans un premier temps la Société des Amis des Arts et la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres qui se joignent à la Société Littéraire pour la formation de la revue mensuelle La Touraine, d'autant que toutes sont logées dans l'hôtel de l'Union des sociétés artistiques et savantes de Tours, ce qui facilite par là-même les échanges. La fonction de secrétaire général à la fois de la Société Littéraire et Artistique et de la Société des Amis des Arts par le rédacteur en chef de la revue, Horace Hennion, participe de surcroît au travail collaboratif des deux sociétés. Un certain nombre des membres de ces associations sont présents dans le comité de rédaction, à l'exemple de Jacques Drake del

288 [ANONYME], « Une fée intime », La Touraine littéraire et artistique, n° 3, Tours, Imp. Salmon, 3ème trimestre 1908, p. 49.

289 AUDIN, Pierre, op. cit., 2008, p. 138-144.

290 « Paris et départements », Le Ménestrel, vol. 77, n° 30, 29 juillet 1911, p. 239.

291 Statuts de la Renaissance artistique tourangelle, Tours, A.D., 4M 206.

292 [ANONYME], « Au lecteur », La Touraine, revue littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du Centre et de l'Ouest, n° 1, 15 octobre 1912, p. 1.

83

Castillo, président de la Société des Amis des Arts, ou encore de Charles Vavasseur (18671950), président de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, rejoint par l'abbé Louis-Auguste Bosseboeuf (1852-1928) et Édouard Gatian de Clérambault (1833-1917), présidents de la Société Archéologique de Touraine. La revue profite d'un réseau de contributeurs locaux important résidant aux quatre coins du département mais aussi plus largement dans la région, à l'instar de Julia Daudet (1844-1940), veuve de l'écrivain Alphonse Daudet (1840-1897), femme de lettres, et propriétaire du château de la Roche à Chargé ou de Lucie Félix-Faure-Goyau (1866-1913), écrivaine, poétesse et propriétaire du château de Chanteloup à Amboise. Le comité de rédaction est présidé par un comité d'honneur de prestige composé notamment des prix de Rome, Victor Laloux, François Sicard, François-Benjamin Chaussemiche et Camille Alaphilippe293.

Le comité de rédaction de La Touraine n'est à l'évidence pas précurseur en ce qui concerne l'édition d'une revue artistique locale. Des revues spécialisées dans le domaine des arts sont éditées en Indre-et-Loire à partir de 1840. Publiée mensuellement, La Jeune Touraine : journal artistique et littéraire semble être la première publication artistique du département294. Si elle est relativement modeste, puisque se composant en tout et pour tout de deux feuilles de texte, d'une planche gravée et d'une demie-feuille de musique, cette publication s'inspire manifestement de la presse artistique en plein développement à Paris sous la Restauration en raison de l'essor du Salon295. À la fin du XIXe siècle et particulièrement après 1881, année de promulgation de la loi sur la liberté de la presse, d'autres publications artistiques voient le jour en Indre-et-Loire, à l'instar de La Revue littéraire de Touraine éditée par Auguste Chauvigné à partir de 1885. Néanmoins, l'essentiel des journaux artistiques ne sont édités que durant quelques années. Ces publications éphémères conduisent à l'absence de presse artistique dans le département dans la première décennie du XXe siècle, outre L'Écho littéraire et artistique Tours-Paris édité à partir de 1903.

La Touraine veut « constituer à la fois une tribune d'enseignement et un organe de décentralisation et de régionalisme »296 commun à toutes les sociétés. Des articles sont ainsi

293 Ibidem.

294 La Jeune Touraine : journal artistique et littéraire, n° 1, Tours, Imp. Pornin, Juillet 1840, Paris, Bibliothèque nationale de France, JO-223.

295 LEMAIRE, Gérard-Georges, « La naissance de la presse artistique et le Salon », L'oeil, n° 564, décembre 2004, p. 88-89.

296 [ANONYME], « Au lecteur », La Touraine, revue littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du Centre et de l'Ouest, n° 1, 15 octobre 1912, p. 1-2.

84

publiés sur le patrimoine architectural, littéraire et artistique local dans le but d'encourager la culture régionale. La revue permet également de rendre compte du terreau fertile de la Touraine en ce qui concerne la production des Beaux-Arts, puisque publiant annuellement des rapports sur les oeuvres des Tourangeaux exposées dans les différents salons artistiques parisiens.

L'intérêt pour les arts locaux est mis en exergue dans les deux couvertures distinctes de la Touraine (fig. 13 et 14) livrées par des artistes tourangeaux dont Élisabeth Sonrel (18741953). Élève de Jules Lefebvre (1836-1911), elle est déjà une artiste confirmée lorsqu'elle oeuvre à l'illustration de la seconde couverture de la revue. Elle reçoit en effet une médaille de troisième classe en 1895, puis une médaille de bronze à l'Exposition universelle de 1900297. La première couverture convoque une iconographie traditionnelle mettant en valeur les armes de Tours (fig. 13). Elles sont entourées de branches de lauriers et de phylactères symbolisant à la fois les arts plastiques et la littérature et reposent sur une colonne cannelée d'ordre dorique sur laquelle est assise une muse tenant en sa main droite un exemplaire de la revue. De son index gauche, la muse invite le spectateur à contempler une vue de Tours d'où émerge un lever de soleil. La publication et la lecture de La Touraine semble conduire à la renaissance des arts en ce territoire. L'illustration proposée par Élisabeth Sonrel (fig. 14) est quant à elle plus consensuelle. Elle s'inscrit pleinement dans son oeuvre, puisque présentant des caractéristiques formelles d'inspiration préraphaélites, mais conserve la vue de Tours qui permet de marquer géographiquement le lieu d'intérêt et de diffusion de la revue.

Ce mensuel artistique illustré « se propose également d'être l'organe public des Sociétés tourangelles artistiques, littéraires et scientifiques qui n'ont pas une revue en propre »298. Dès lors La Touraine permet de donner une visibilité matérielle aux sociétés qui ne bénéficient pas de l'édition des comptes rendus de leurs assemblées générales et de leurs diverses manifestations. Ces sociétés trouvent dans cette revue « une tribune toute naturelle pour la défense de leurs intérêts et l'exposé de leurs desiderata »299. La revue publie ainsi régulièrement dans les « Échos », les actualités et les promotions des manifestations organisées par les sociétés locales. En tout, ce sont au moins seize sociétés du département d'Indre-et-Loire à

297 FOUCHER-ZARMANIAN, Charlotte, La Vierge, la dame, la muse : une approche des représentations du féminin dans le Symbolisme d'Élisabeth Sonrel (1874-1953), mémoire de master II d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de Pascal Rousseau, Université François-Rabelais de Tours, 2008.

FOUCHER-ZARMANIAN, Charlotte, « Élisabeth Sonrel (1874-1953) : une artiste symboliste oubliée », Bulletin des Amis de Sceaux. Société d'histoire locale, n° 25, 2009, p. 1-27.

298 Ibid., p. 2.

299 Ibidem.

85

l'exemple de la Société Photographique, de la Société des Amis des Arts, de l'Institut tourangeau ou des Amis du Vieux Chinon ainsi que des départements voisins dont la Société des Amis des Arts de Loir-et-Cher et la Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois qui participent à cette publication et bénéficient de sa visibilité auprès des amateurs. La revue est vendue 0,60 centimes de franc l'exemplaire ou 6,50 francs l'abonnement annuel.

À l'évidence la Première Guerre mondiale a raison de l'entreprise éditoriale de la Touraine. Publiée jusqu'en juin 1914, la revue est la résultante de la coopération de plusieurs sociétés savantes et artistiques d'Indre-et-Loire et des départements environnants. Les vingt-un numéros que comprend la revue tourangelle démontrent une volonté d'émulation artistique que chacune des associations défend en son territoire.

b) Le regroupement des sociétés au service de la pédagogie et de la mémoire régionale : l'instruction des jeunes artistes à l'érection des statues des grands hommes

Si la collaboration des sociétés savantes et d'encouragement aux Beaux-Arts dans la revue La Touraine tend à leur apporter une diffusion plus importante auprès d'un lectorat éclairé, elle intervient également à des fins pédagogiques à plus fort rayonnement, lorsque les sociétés se regroupent pour ériger sur le domaine public des statues à la gloire des grands hommes de la nation. Dans ce XIXe siècle pédagogique et moralisateur, les monuments aux personnages illustres « ne sont pas seulement le témoignage de la reconnaissance publique, ils servent à montrer aux générations nouvelles, comme un exemple, leur vie et leur oeuvre » 300, insiste l'artiste et homme politique, Étienne Dujardin-Beaumetz (1852-1913), brillant orateur en matière d'inauguration de monuments publics dont les propos résument assez justement ici les motivations guidant à la statuomanie. Sous ce terme, les commentateurs de l'époque et particulièrement les plus réticents désignent la multiplication des statues dans le paysage urbain de la France du XIXe siècle301. Ce mouvement prend racine à la suite de la Révolution et fait fortune jusqu'aux prémisses de la Seconde Guerre mondiale.

L'intégration des monuments dans les villes résulte de l'action de plusieurs acteurs : les municipalités, le Ministère de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes ainsi que les sociétés savantes et artistiques. Cependant se sont fréquemment ces dernières qui sont les relais de l'initiative politique des conseils municipaux et qui portent à elles seules l'organisation de

300 DUJARDIN-BEAUMETZ, Étienne, « Discours à l'inauguration du monument Eugène Froment à La Rochelle », Discours prononcés de 1905 à 1911, Paris, P. Dupont, in AGULHON, Maurice, « La statuomanie et l'histoire », Ethnologie française, nouvelle série, t. VIII, n° 2, 1978, p. 149.

301 PESSARD, Gustave, Statuomanie parisienne, étude critique sur l'abus des statues, Paris, Daragon, 1912.

86

la levée des fonds nécessaires à l'érection des statues en place publique. Sur le strict territoire tourangeau, les sociétés savantes et artistiques sont en charge de nombreuses souscriptions. Il semble qu'à quelques exceptions, l'organisation et le financement de la réalisation des monuments est l'affaire de comités d'initiative réunissant les sociétés locales. En effet, dès 1898 la Société Littéraire et Artistique de Touraine sollicite auprès de la municipalité une subvention pour la réalisation d'une statue de Pierre Ronsard (1524-1585), d'après les moulages de son ancien monument funéraire du prieuré de Saint-Côme, conservés à la bibliothèque et au musée de Tours, au musée de la Société archéologique, aux Archives d'Indre-et-Loire et au musée de Blois302. Si la ville se porte favorable, le projet est continuellement repoussé. Ainsi la Société Littéraire et Artistique fonde elle-même en 1911, le Comité Ronsard et recueille « l'adhésion de la Société Archéologique de la Touraine, la Société des Amis des Arts de la Touraine, la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-lettres d'Indre-et-Loire, la Société Photographique, la Société de Géographie de Tours »303 ainsi que du Syndicat d'Initiative d'Indre-et-Loire304. Les protagonistes des bureaux de chacune des sociétés orchestrent la récolte des fonds, en sollicitant la bienveillance de leurs réseaux et de personnalités influentes de la sphère artistique. Le dramaturge Edmond Rostand (1868-1918), le musicien Camille Saint-Saëns (1835-1921) et l'historien de l'art Paul Vitry (1872-1941) figurent parmi les membres du comité d'honneur de la commission chargée de l'érection de la statue de Ronsard. L'exécution du monument est confiée au sculpteur Georges Delpérier (1865-1936). Dans un premier temps une maquette est réalisée305. Delpérier la présente au Comité Ronsard et l'expose au Salon des artistes français en 1912 (fig. 15.). Suivant la bonne réception de son projet, Delpérier exécute un plâtre grandeur nature l'année suivante, avant de livrer le monument définitif le 16 novembre 1924 (fig. 16) pour le 400e anniversaire de la naissance de Ronsard306.

Entre 1843 et 1934 les sociétés tourangelles participent au financement et à l'organisation de comités de souscription d'au moins onze statues : celle de René Descartes (1596-1650) en 1843, de Grégoire de Tours (538-594) et de François Rabelais (1493-1553) en 1849, d'Honoré de Balzac (1799-1850) en 1887, de Pierre-Fidèle Bretonneau (1778-1862), d'Armand

302 CHAIGNE, Bernard, « L'inauguration du monument de Ronsard, dans le jardin des Prébendes », Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, t. XLI, 1985, p. 257.

303 « Allocution de M. L. Paul-Boncour », La Touraine littéraire et artistique revue illustrée organe de la Société Littéraire et Artistique de la Touraine, n° 17-18, quatrième trimestre 1911, p. 270.

304 HENNION, Horace, « A Pierre de Ronsard », La Touraine, n° 1, 15 octobre 1912, p. 5.

305 Ibidem.

306 CHAIGNE, Bernard, op. cit., 1985, p. 258.

87

88

Trousseau (1801-1867) et d'Alfred Velpeau (1795-1867) en 1888, d'Honorat de Bueil de Racan (1589-1670) en 1905, de Jules Baric (1825-1905) en 1906, de Pierre Ronsard en 1912, d'Alexandre Ripault en 1913, de Charles Bordes (1863-1909) en 1920 et de Charles-Jean Avisseau (1796-1861) en 1934. À l'évidence, l'essentiel de ces monuments sont édifiés sous la Troisième République. Et pour cause, elle apparaît dans « l'histoire comme le régime statuomanique par excellence » 307 en raison de son libéralisme, de sa laïcité et de son patriotisme la conduisant à honorer « à la fois les grands hommes de l'idée philosophique et révolutionnaire mais aussi ceux qui furent de bons serviteurs pour la France [É] quelle que soit leur époque » 308. À l'exception des monuments aux docteurs Bretonneau, Trousseau et Velpeau ainsi qu'à Grégoire de Tours, tous sont des représentations de littérateurs ou artistes - bien que Rabelais et Descartes soient également hommes de science - natifs de Touraine ou ayant exercé leurs arts dans la région, compte tenu des intérêts essentiellement artistiques des sociétés à l'origine des projets.

Si les travaux de Descartes sont devenus le patrimoine de la France, de l'Europe, du monde entier, son berceau appartient à la Touraine. C'était donc à la Touraine de prendre l'initiative d'une tardive réparation à sa mémoire. Elle le fait aujourd'hui, en réclamant le concours de tous les admirateurs de l'immortel fondateur de la philosophie moderne, pour élever une statue à celui qui, tour à tour jugé digne d'une sépulture royale et des honneurs du Panthéon, attend encore un monument durable qui atteste un souvenir reconnaissant de la postérité309.

À l'instar de la Société Archéologique, qui en 1843 réfléchit à faire élever dans la ville une statue en l'honneur de Descartes - statue qui est réalisée par Emilien de Nieuwerkerke (1811-1892) en 1848, présentée au Salon l'année suivante310 et livrée à la ville de Tours en 1852 (fig. 17) - les sociétés savantes et d'encouragement aux Beaux-Arts prennent à coeur le devoir de mémoire qu'elles s'imposent. Ainsi dans un souci d'émulation artistique du territoire, les sociétés s'efforcent de rendre hommage aux artistes qui ont participé à l'écriture de l'histoire de l'art régionale et nationale. Si ces monuments ont une valeur mémorielle pour la population tourangelle, ils lui sont également des sources d'enseignement et d'inspiration à prendre dans la vie et l'oeuvre des personnages statufiés.

307 AGULHON, Maurice, op. cit., 1978, p. 149.

308 Ibidem.

309 S.A.T., « Rapport sur la proposition d'élever à Tours une statue à René Descartes », Mémoires, t. II, Tours, Imp. Mame, p. 211.

310 [ANONYME], Explication des ouvrages de Peinture, Sculpture, Architecture, Gravure et Lithographie des artistes vivants, exposés au Palais des Tuileries le 15 juin 1849, Paris, Vinchon, 1849, [en ligne], Musée d'Orsay, Base Salons : http://salons.musee-orsay.fr/index/notice/209652 consulté le 02/05/2017.

Outre l'érection de monuments en l'honneur des grands artistes de la région, certains membres des sociétés tourangelles se regroupent pour dispenser un enseignement de l'histoire artistique du département. L'Institut tourangeau est fondé dans ce but en 1910 par Camille Enlart (1862-1927), conservateur du musée de sculpture comparée du Trocadéro. Il regroupe une vingtaine de conférenciers appartenant aux diverses sociétés savantes de la région. Ces érudits sont disposés à « vulgariser, d'une façon méthodique, impartiale et désintéressée, les notions de l'histoire de l'art en même temps que celles des lettres et des sciences, au point de vue Tourangeau » 311 (ann. 2.5.2.1). Les conférences de l'Institut semblent suivies par un auditoire varié composé de protagonistes de différentes classes sociales en vertu de droits d'entrée relativement faibles. Ainsi l'Institut tourangeau s'appréhende comme une institution à part entière dans le paysage culturel du département, d'autant qu'il se propose également de participer à l'enseignement de l'histoire de l'art de la Touraine aux élèves de l'école des Beaux-Arts de la ville. Dès lors la mission pédagogique des sociétés et de leurs membres s'inscrit également sous la forme de conférences.

Le regroupement des sociétés et des membres les constituant paraît nécessaire à l'émulation artistique du département. En effet, la collaboration des associations conduit indubitablement à développer les manifestations artistiques en Touraine et les initiatives pédagogiques, en raison de la combinaison des forces intellectuelles et des moyens financiers de chacune des sociétés. De fait, il semble que les actions communes des associations artistiques permettent d'instaurer un climat favorable pour le développement de l'art en région qui prennent notamment la forme d'expositions.

311 BONCOURT, Paul : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de la mise à disposition d'une salle pour la tenue de conférences, 1er juillet 1914. Tours, Archives municipales, 2R 401/2.

89

CHAPITRE III. LES EXPOSITIONS : LE GRAND THÉÂTRE DE LA VIE ARTISTIQUE LOCALE

I) Les expositions : des manifestations participant à la promotion du patrimoine ancien, de la production contemporaine régionale et à l'insertion de l'art parisien en Touraine

A. Mettre en lumière les mérites de la production régionale et (re)constituer une école tourangelle

À la Révolution et encore davantage sous l'Empire, la centralisation « a rendu impossible [É] la réorganisation des centres provinciaux comme foyers de manifestations d'art »312, compte tenu de la concentration des institutions culturelles et des artistes à Paris affirme Philippe Burty. À l'évidence les expositions organisées par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts sont les grandes manifestations artistiques des départements au XIXe et au début du XXe siècle. Elles s'appréhendent ainsi comme les éléments majeurs de la décentralisation des affaires culturelles en région, engagée à partir des régimes politiques suivants. Si Tours peut sembler souffrir de la concurrence artistique parisienne, en raison de sa proximité géographique, il paraît toutefois que la faible distance séparant les deux villes participe à l'émulation des affaires culturelles de la préfecture d'Indre-et-Loire. En effet, les artistes parisiens sont nombreux à faire parvenir en Touraine leurs travaux lors de certaines expositions sociétales. Néanmoins, les sociétés de la province tourangelle ne concèdent pas à Paris son hégémonie artistique. Les expositions sont effectivement pour elles, l'occasion d'insister sur les caractéristiques et les particularités du sol et de l'art tourangeaux dans le souci de « rester autre »313. Dès lors, les érudits locaux semblent s'efforcer de conserver cette identité culturelle symbolique et spécifique propre à la Touraine dans leurs publications, mais également lors de l'organisation des expositions.

312 BURTY, Philippe, « L'Exposition de Bordeaux », op. cit., p. 465, in BONNET, Alain, « La Société des Amis des Arts de Nantes : l'action sur le marché de l'art local », in HOUSSAIS, Laurent, LAGRANGE, Marion, op. cit., 2010, p. 32.

313 HOUSSAIS, Laurent, LAGRANGE, Marion, Marché de l'art en province, op. cit., 2010, p. 10.

90

a) La Touraine : un héritage culturel inouï propice à la construction d'une école artistique

locale

Deux fois capitale à la Renaissance, d'abord sous le règne des Valois au XVe siècle puis sous le règne d'Henri III (1551-1589 ; 1574-1589) entre 1584 et 1588, Tours jouit d'une riche histoire politique dont elle tire un patrimoine artistique important, à l'instar de la Touraine en général, terre d'accueil de la royauté depuis Charles VII (1403-1461 ; 1422-1461) jusqu'à François Ier (1494-1547 ; 1515-1547). Dans l'introduction de son ouvrage consacré à l'histoire des arts en Touraine publié en 1870, Charles de Grandmaison (1824-1903) commence par démontrer la jeunesse de l'histoire de l'art en province. Cependant il semble conclure que si la discipline est à son balbutiement autant en Touraine que dans les autres régions, les oeuvres et les artistes du jardin de la France sont d'une toute autre valeur que celles et ceux des autres provinces, en vertu de leur importance dans l'histoire de l'art de la Renaissance française.

L'histoire des arts est encore à faire, en Touraine, comme dans presque toutes les provinces de France. Tours, cependant, a été au Moyen Âge et à la Renaissance un des grands centres artistiques de la France. Mais de cette école qui a compté dans son sein Fouquet, Poyet, Bourdichon, Michel Colombe, les Juste, c'est à dire, les plus grands peintres et les plus grands sculpteurs de la Renaissance française, qui a produit tant de chefs-d'oeuvre d'orfèvrerie dont la délicatesse et l'élégance n'ont jamais été surpassées, qui a semé sur les rives de la Loire, du Cher et de l'Indre, tant de magnifiques et délicieuses constructions; de cette école, on ne connaît que quelques noms glorieux entre tous, mais qui apparaissent isolés comme de rares colonnes au milieu d'un désert jadis couvert de monuments314.

L'histoire de l'art en Touraine ne semble reposer jusqu'alors que sur quelques noms illustres. Ainsi dans son ouvrage, Charles de Grandmaison s'emploie à exhumer des archives les noms des artistes tourangeaux oubliés, dans l'objectif de proposer une étude sur la formation des artistes et sur la généalogie de la diffusion des formes la plus exhaustive possible. Il détermine par ailleurs ce qui a conduit à ne retenir notamment, que les noms de Jean Fouquet (1420-1481), de Jean Poyet (1465-1503), de Jean Bourdichon (1456-1520), de Michel Colombe (1430-1515) et des frères Juste, qui presque tous profitent d'études monographiques en cette fin du XIXe siècle. À eux seuls, ces artistes semblent régir l'ensemble de l'histoire de l'art de la Touraine, mais également les histoires plus générales de l'art de la Renaissance et de l'art national français. Ainsi Ernest Giraudet n'hésite pas à défendre « le rôle important que la

314 GRANDMAISON, Charles de, Documents inédits pour servir à l'histoire des arts en Touraine, (Paris, J. B. Dumoulin, 1870), Nogent le Roi, Librairie des Arts et Métiers-Éditions, 1997, p. I.

91

Touraine remplit dans l'histoire de notre art national »315 dans l'étude qu'il consacre aux artistes tourangeaux depuis la période médiévale jusqu'à la première moitié du XIXe siècle. La construction de ce discours idéologique autour des artistes tourangeaux de la Renaissance conduit à faire de cet héritage un terreau propice au développement artistique et à la formation d'une école tourangelle. Ainsi comme le souligne Georges Jolais, membre la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres « Jehan Fouquet, François Clouet, Bourdichon [É] ont laissé derrière eux toute une pépinière de jeunes qui sont en train de rendre à l'École de Tours son ancienne splendeur »316. De fait, la jeune génération d'artistes de la région est inscrite dans cet héritage culturel pour la distinguer de la production artistique parisienne vivante et se débarrasser « des idées préconçues qui tendent à faire croire que seul Paris a le monopole du beau »317.

La Société Archéologique de Touraine s'inscrit également dans ce contexte de revalorisation et de redécouverte de la production et du patrimoine artistique ancien de la région, en organisant des expositions rétrospectives. Si l'exposition de 1887 (4.2) est plus spécialement dévolue à l'art religieux en raison de la célébration du jubilé du pape Léon XIII (1810-1903 ; 1878-1903), les exhibitions de 1873 et de 1890 convoquent des oeuvres de toutes les écoles européennes et les confrontent à celles de l'école nationale française. Ces expositions prennent à l'évidence pour modèle l'exposition Art Treasures of the United Kingdom ouverte à Manchester en 1857 et organisée par un groupe d'industriels et d'hommes d'affaires locaux convaincus que les « trésors d'art du Royaume-Uni étaient, par leur nature, leur quantité et leur intérêt, supérieurs à ceux des collections du continent »318. Les érudits anglais cherchent visiblement à mettre en lumière la valeur des collections réunies sur le sol national ainsi que les spécificités de leur art insulaire en recourant aux prêts des collectionneurs de la patrie. La Société Archéologique semble suivre un raisonnement analogue. Ainsi en 1873 et 1890, elle présente le riche patrimoine artistique ancien conservé dans les collections particulières locales. À l'instar des organisateurs de l'exposition de Manchester, Léon Palustre met en exergue le

315 GIRAUDET, Ernest, « Les artistes tourangeaux : architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs, graveurs, orfèvres, peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse. Notes et documents inédits », Mémoire de la Société Archéologique de Touraine, t. XXXIII, Tours, imp. Rouillé-Ladevèze, 1885, p. VI.

316 JOLAIS, Georges, « Dans les cercles de Paris : les expositions », Annales de la Société d'Agriculture, sciences arts et belles lettres, t. LXXVIII, Tours, Imp. Deslis, 1898, p. 60.

317 Ibidem.

318 FINKE, Ulrich, « The Art-Treasures Exhibition » in HASKELL, Francis, The Ephemeral Museum Old Masters Paintings and the Rise of the Art Exhibition, New Haven, London, Yale University Presse, 2000, (Le musée éphémère : Les maîtres anciens et l'essor des expositions, trad. de l'anglais par Pierre-Emmanul Dauzat, Paris, Gallimard, 2002, p. 116).

92

prestige des collections tourangelles dans l'introduction de l'Album de l'exposition rétrospective de 1890.

La Touraine, incontestablement, figurerait toujours au premier rang ; car, dans cet admirable pays, où les propriétés sont disputées par les favorisés de la fortune, il y a, pour ainsi dire, continuel apport d'oeuvres remarquables.

La Touraine est semble-t-elle exceptionnelle en ce qui concerne la qualité des oeuvres conservées dans les collections particulières. Des oeuvres des grands maîtres de l'art français sont ainsi exposées à l'exposition de 1873, à l'exemple d'un Portrait de Madame de Châteauroux par Jean-Marc Nattier (1685-1766) (fig. 18), de L'évanouissement d'Amphitrite par François Boucher (1703-1770) (fig. 19) et de quelques céramiques de Bernard Palissy (1510-1589) (fig. 20). À leurs côtés, des oeuvres des artistes tourangeaux sont exposées. À l'évidence ce sont les céramiques de Charles-Jean Avisseau qui sont les plus nombreuses (fig. 21). Prêtées par son fils, Joseph-Édouard (1831-1911) ainsi que par d'autres amateurs comme Charles Seller319, les oeuvres de Charles-Jean Avisseau sont directement confrontées aux oeuvres des maîtres anciens, dont le concept remonte à l'Italie de la Renaissance et s'est au fil du temps appliqué à tous les artistes ayant vécu avant la Révolution320. Si Avisseau connaît un certain succès auprès des habitants de Tours et même des souverains européens, à l'exemple de la princesse de Talleyrand (1762-1834) qui lui passe la commande d'une large assiette pour le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV (1795-1861), il ne bénéficie assurément pas de la même reconnaissance que Jean-Marc Nattier et François Boucher - bien que ces derniers ont été redécouverts assez récemment après avoir été oubliés complétement à la période néo-classique - et surtout de Bernard Palissy, dont il tire son inspiration. Peut-être est-il possible de considérer que cette exposition concomitante des oeuvres d'Avisseau, mort seulement douze ans auparavant, à celles d'artistes inscrits et reconnus dans l'histoire de l'art nationale, participe à la légitimation de son oeuvre en l'inscrivant dans une histoire universelle de l'art. Cela favorise par ailleurs la reconstruction d'une école tourangelle en jouant sur les spécificités locales. Ainsi les nombreux suiveurs de Charles-Jean Avisseau, à l'instar de son fils, de Joseph Landais (1800-1883), d'Auguste-François Chauvigné (1829-1904), d'Auguste-Alexandre Chauvigné

319 [ANONYME], Catalogue de l'Exposition rétrospective d'objets d'art, Tours, Imp. J. Bousrez, 1873, p. 67-68.

320 HASKELL, Francis, op. cit., 2002, p. 21.

93

(1855-1929), de Léon Brard (1830-1902) et d'Armand-Louis-Henri Carré-de-Busserolle (1823-1909), participent à la construction de cette école321.

b) La constitution d'une école tourangelle au XIXe siècle grâce aux expositions sociétales

Avisseau apparaît comme l'un des artistes les plus fameux de la Touraine au XIXe siècle. Il tourne autour de lui une émulation particulière, dont les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts ne sont pas innocentes, puisqu'organisant des manifestations artistiques en tout genre à propos de cet artiste. La Société Littéraire et Artistique organise notamment entre 1902 et 1904 une soirée musicale et dramatique en l'honneur de Charles-Jean Avisseau, durant laquelle Horace Hennion déclame notamment un poème intitulé Avisseau le potier de Tours322. Aussi en 1934, une statue en l'honneur de l'artiste et de ses suiveurs est érigée dans le parc Mirabeau à l'occasion des Jeux Floraux, grâce à une souscription orchestrée par la Société Littéraire et Artistique. Toutefois les expositions organisées par les sociétés de Beaux-Arts de Tours participent également à la valorisation de l'oeuvre d'Avisseau et de ses suiveurs auprès des amateurs. En effet, les oeuvres de ces artistes reprenant la formule de Bernard Palissy sont régulièrement présentées au public dans les expositions sociétales et sont l'une des attractions et des fiertés artistiques de Touraine depuis le milieu du XIXe siècle jusqu'au début du XXe siècle.

[É] n'oublions pas de mentionner avec orgueil les produits de la poterie de Tours. En effet, notre ville seule peut fournir aujourd'hui des vases en terre émaillée, qui sont capables de rivaliser avec les chefs-d'oeuvre de Bernard Palissy, ou plutôt qui les dépassent sous plusieurs rapports. M. Avisseau, l'habile et persévérant artiste, [É] expose un grand nombre de plats et de vases323.

À l'évidence les propos de ce rédacteur du Journal d'Indre-et-Loire publiés en 1847 à l'occasion de l'exposition organisée par la Société Archéologique de Touraine ne sont pas dénués d'ardeur régionaliste. Pour autant, ils semblent faire écho au discours défendu par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts de Tours, tout au long du XIXe et jusqu'au début du XXe siècle, au sujet de la production locale en général. Les sociétés d'émulation artistique sont effectivement des avatars essentiels du développement de l'art dans la région, en encourageant et impulsant la carrière des artistes du département au cours des expositions. Ainsi, les

321 GENDRON, Christian, « Les imitateurs de Bernard Palissy », Albineana, Cahiers d'Aubigné, vol. 4, n° 1, 1992, p. 201-206.

322 Affiche de la soirée à Charles-Jean Avisseau organisée par la Société Littéraire et Artistique, Tours, A.M., 2R 401/2.

323 [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art. Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 124, 11 septembre 1847, p. 2.

94

expositions peuvent s'appréhender comme des tremplins nécessaires dans la carrière des artistes originaires de la région, mais aussi comme des étapes incontournables à la constitution d'une école artistique. En 1847, la Société Archéologique semble être à l'origine du développement de la carrière de Julien-Léopold Lobin. Né à Loches et formé à Paris dans l'atelier d'Hippolyte Flandrin (1809-1864), Lobin présente à l'exposition une série de trois peintures de genre historique, dont Léonard de Vinci peignant le portrait de la Joconde au milieu des musiciens (fig. 22). Remportant un succès critique dans la presse locale324, Lobin se voit confier l'année suivante, la direction de l'Atelier de vitraux peints de Tours créé en 1847 par l'abbé Preuilly, membre éminent de la Société Archéologique de Touraine325. Ainsi de 1848 à 1904, l'Atelier Lobin se présente comme l'un des établissements artistiques majeurs du paysage de Touraine. Il s'appréhende comme un élément essentiel de l'école de Tours, en raison de sa dynamique et du nombre d'artistes formés en son sein, à l'instar de Ferdinand Pitard et du successeur Lucien-Léopold Lobin, tous deux membres fondateurs de la Société des Amis des Arts de la Touraine.

Dans les expositions organisées par cette société la question de la constitution d'une école tourangelle semble encore plus prégnante. Si les expositions de 1882 et 1889 sont ouvertes également aux artistes parisiens, celles de 1885, 1886 et 1887 sont strictement réservées à leurs membres. Dès lors un cercle d'artistes locaux se constitue à Tours. Paul Gagneux (-1892), Ferdinand Pitard, René-Louis Damon (1854-1934) ou Louis Muraton (1850-1919) sont les artistes récurrents des expositions de la Société des Amis des Arts de la Touraine. L'acquisition de leurs toiles par la municipalité au cours des expositions semble participer à la fondation officielle d'un art tourangeau. La municipalité achète plusieurs oeuvres de ce cercle d'artistes au cours des Expositions nationales de 1881 et 1892 dont les Fleurs variées de Grégoire Chapoton (fig. 23) sous la recommandation de Félix Laurent (ann. 2.3.1.1)326. La ville acquiert également des oeuvres lors des expositions de la Société des Amis des Arts, à l'exemple du tableau intitulé L'Alsace de Ferdinand Pitard exposé en 1887 (fig. 24) (ann. 2.3.2). Ce tableau paraît inédit dans l'oeuvre de ce peintre de portrait. En effet Pitard ne traite que rarement des scènes de genre d'inspiration historique et n'exprime de fait qu'exceptionnellement son patriotisme, comme il peut le faire au travers de L'Alsace. Dans cette oeuvre, Pitard fait

324 [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art. Quatrième article. », Journal d'Indre-et-Loire, n 123, 9 septembre 1847, p. 2.

325 IRLANDES, Alain, BLONDEL, Nicole, DORÉ, Catherine et alii, L'atelier Lobin : l'art du vitrail en Touraine, Chambray-les-Tours, C. L. D., 1994, p. 23.

326 LAURENT, Félix (conservateur du musée) : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'acquisition par la ville d'oeuvres provenant de la loterie de l'exposition nationale de 1892, 14 mars 1893, Tours, A.M., 2R1 boîte 223.

95

référence à l'annexion de l'Alsace-Lorraine depuis la signature du traité de Francfort en mai 1871 et au durcissement de la politique de l'Empire allemand envers les territoires rattachés327. Pour l'artiste « il ne s'agit pas [É] d'une affaire commerciale, mais de l'honneur qu'on obtient après un travail acharné quand la réussite semble avoir souri à vos constants efforts »328. Il n'hésite donc pas à concéder à la municipalité l'achat de son tableau pour la somme de 500 francs329 alors qu'il le propose initialement au tarif de 1 200 francs pour le musée, voire 2 000 francs pour un amateur330. Les achats pour le musée sont manifestement une forme de reconnaissance du travail de ces artistes, tandis que l'accrochage de leurs oeuvres au sein de l'institution muséale rend compte publiquement de la production de l'école locale.

La section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres semble avoir conscience du rôle qu'elle joue dans le paysage artistique local et dans la renaissance d'une école tourangelle, en précisant que « c'est aux sociétés artistiques d'Indre-et-Loire qu'il appartient de mettre en relief nos compatriotes »331. Les salons organisés par cette dernière favorisent et « font appel à tous les artistes tourangeaux » 332 qu'ils soient confirmés ou débutant. Si la société s'efforce d'encourager les artistes locaux par le biais de l'organisation d'expositions, il semble qu'elle entend aller plus loin dans le développement de l'art tourangeau à partir de 1901, en achetant au cours de ses manifestations des oeuvres en vue de constituer un musée consacré aux Beaux-Arts de la région333. Néanmoins le musée des oeuvres locales semble rester à l'état de projet.

Par souci de régionalisme et tentative de « rester autre », les sociétés artistiques encouragent au cours de leurs expositions la production des peintres travaillant en Touraine. Elles participent par conséquent à la constitution d'une école tourangelle. Cependant les artistes originaires de Touraine et faisant carrière à Paris sont de surcroît l'orgueil des associations et de la population locale, puisque représentant l'école de Tours en dehors des frontières du

327 MOREAU, Véronique, Peintures du XIXe siècle, catalogue raisonné, musée des Beaux-Arts de Tours, château d'Azay-le-Ferron, Vol. 2, Paris, Imp. Nationale, 1999, p. 578-579.

328 PITARD, Ferdinand : Lettre adressée au maire de Tours proposant l'achat de L'Alsace par la ville pour le musée des Beaux-Arts, 12 juin 1887, Tours, A.M., 2R boîte 223.

329 PITARD, Ferdinand : Lettre au maire de Tours proposant l'achat de L'Alsace par la ville pour le musée des Beaux-Arts pour la somme de 500 francs, s. d.., Tours, A.M., 2R boîte 223.

330 PITARD, Ferdinand, Lettre... op. cit., 12 juin 1887, Tours, A.M., 2R boîte 223.

331 JOLAIS, Georges, op. cit., 1898, p. 60.

332 Ibidem.

333 CHAUVIGNÉ, Auguste, « Rapport sur les travaux de la société pendant l'année 1900 », Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, t. LXXXI, Tours, Imp. Deslis, 1901, p. 90.

96

département. Ces artistes sont régulièrement célébrés à partir des décennies 1840-1850 dans les pages des quotidiens régionaux, dans des articles intitulés « Les artistes tourangeaux au Salon ». En publiant l'actualité de ces peintres, les journalistes locaux s'efforcent de démontrer le terreau fertile de la Touraine et les spécificités de l'art dans le jardin de la France. Néanmoins ces articles ne sont pas une particularité propre à l'Indre-et-Loire, puisque dans les mêmes années en Normandie, les artistes originaires de la région sont également félicités dans le but de promouvoir localement leurs oeuvres auprès des collectionneurs334.

Pour autant la définition d'artiste tourangeau, comme celle d'artiste normand comme le fait remarquer par ailleurs Dominique Lobstein, responsable de la bibliothèque du Musée d'Orsay, semble variable et parait profiter à l'émulation artistique de la région et des associations d'encouragement aux Beaux-Arts. Elle comprend à la fois des artistes nés et travaillant en Touraine, des artistes nés mais ne vivants plus dans la localité, des artistes d'origine tourangelle mais n'ayant jamais habité la région et des artistes issus d'autres départements mais étant considérés comme tourangeau, en raison de l'exposition régulière de leurs oeuvres dans le département. Tel est le cas de Grégoire Chapoton, lorsque la Société des Amis des Arts s'emploie à faire acquérir par la ville l'une de ses natures-mortes en 1887. Jacques Drake del Castillo définit sous ces termes l'identité particulière de l'artiste : « M. Chapoton pendant quatre années de suite a exposé à Tours, il peut donc être considéré comme un véritable artiste tourangeau, quoiqu'il ne réside pas constamment ici »335 (ann. 2.3.1.1). Dès lors Grégoire Chapoton apparaît comme un peintre tourangeau d'adoption. L'identité tourangelle est également attribuée à Georges Moreau (1848-1901). Fils du célèbre médecin aliéniste Jacques Moreau (1804-1884), Georges Moreau dit « de Tours » n'est tourangeau que de son côté paternel et ne semble fréquenter la Touraine qu'à de rares occasions. Pour autant son origine tourangelle suscite l'attention de la Société des Amis des Arts. En effet, la société sollicite auprès de la ville de Tours l'achat de L'Égyptologue (fig. 25)336. La toile est présentée en 1882 à l'occasion de la première exposition de la Société des Amis des Arts. Elle remporte une fortune critique importante, si ce n'est que son fond sombre et son large cadre lui sont

334 LOBSTEIN, Dominique, « Les artistes normands au Salon : un outil de promotion locale des artistes normands exposant dans les salons parisiens », in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, op. cit., 2010, p. 89-100.

335 DRAKE DEL CASTILLO, Jacques : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'achat, du tableau de Grégoire Chapoton, 24 juin 1887, f 2, Tours, A.M., 2R1 boîte 223.

336 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 6 novembre 1882, Tours, A.M., 1D 72.

97

reprochés337. L'acquisition de ce tableau par la ville est soutenue par la presse qui met également en lumière l'identité tourangelle de l'artiste338.

À l'évidence les expositions des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts participent activement à l'émulation des artistes locaux et à la reconstitution d'une école tourangelle. Manifestement cette école à laquelle aspire l'ensemble des sociétés, prend son origine symbolique dans l'art de la Renaissance, qui est à la fois représentatif de l'art régional et de l'art national français. Ainsi les érudits et les membres des sociétés artistiques s'efforcent d'inscrire la jeune génération dans la lignée des grands artistes de la Renaissance tourangelle. Toutefois la définition d'artiste tourangeau est poreuse et semble pouvoir s'appliquer à bon nombre de protagonistes en vue de représenter la Touraine sur la scène artistique nationale et internationale. Si les expositions des artistes locaux en général et de la Société des Amis des Arts de la Touraine de 1885 et 1886 en particulier remportent l'appréciation du public, il semble néanmoins que cette restriction à la production tourangelle soit rapidement désapprouvée. Dès 1887 les Amis des Arts subissent de vives critiques quant aux choix des oeuvres et des artistes exposés. La presse pointe notamment l'aspect redondant des expositions de la société, compte tenu de la place récurrente de certains artistes locaux au détriment de la présence d'artistes étrangers et principalement parisiens. Dès lors la Société des Amis des Arts s'affère à compenser la présence répétitive de ces artistes en ouvrant sa dernière exposition à l'ensemble des artistes.

B. Les expositions des oeuvres des artistes parisiens : des événements inédits en Touraine

À l'évidence une minorité d'expositions sociétales en Touraine proposent la présentation d'oeuvres d'artistes parisiens. L'essentiel des expositions sont en effet consacrées à l'exhibition de la production de Touraine, mais également des départements environnants à l'instar de la Sarthe, de la Loire-Inférieure, du Loiret, de la Vienne, de l'Indre, du Maine-et-Loire et du Loir-et-Cher339. Seules les expositions de 1853, 1882 et 1889 organisées par les sociétés des Amis

337 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La peinture de genre et de fantaisie. Lettre II », Journal d'Indre-et-Loire, n° 257, 1er novembre 1882, p. 2.

D. C., « Exposition de la Société des Amis des Arts de la Touraine », Chronique des Arts et de la Curiosité, n°32, 28 octobre 1882, p. 247.

338 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La peinture de genre et de fantaisie. Lettre II », op. cit, p. 2.

339 [ANONYME], « Exposition des produits des arts et de l'industrie », Journal d'Indre-et-Loire, n° 76, 2 juin 1841, p. 1.

98

des Arts du département d'Indre-et-Loire, ainsi que les Expositions nationales de Tours de 1881 et 1892, accueillent des oeuvres des artistes de Paris. En conséquence le public, mais aussi une partie des artistes locaux ne sont que rarement confrontés à la production artistique de la capitale. Celle-ci diffère à n'en pas douter de la production régionale, puisque Paris est évidemment au XIXe, voire jusqu'à la première moitié du XXe siècle, l'épicentre des arts en France et en Europe. Dès lors, il convient de s'intéresser à la réception et la perception en Touraine de l'art vivant de la capitale.

a) L'invitation des artistes parisiens en Touraine : entre mise en exergue du « grand genre »

et renversement de la hiérarchie

À première vue, la circulation des oeuvres et des artistes ne semble s'effectuer qu'à sens unique entre Paris et la Touraine, en raison de l'attraction culturelle de la capitale française. Malgré la proximité géographique et le développement des réseaux de transports, la Touraine ne reçoit qu'à de rares exceptions la production artistique parisiennne, alors que les artistes tourangeaux sont toujours plus nombreux à faire la démarche inverse, du fait de la présentation de leurs oeuvres au Salon. Dès lors les expositions artistiques parisiano-tourangelles s'appréhendent comme des événements majeurs en Indre-et-Loire. La présence des artistes parisiens en Touraine réside en partie de la médiatisation des expositions d'Indre-et-Loire dans la presse artistique nationale. Si pour l'exposition de 1853, cette information n'a pu être vérifié, pour les expositions de la Société des Amis des Arts de la Touraine, des annonces sont publiées dans Le Courrier de l'art et dans la Chronique des arts et de la curiosité. Ainsi en 1882, les artistes et les marchands parisiens sont avertis à partir du 22 juillet - soit près de deux mois et demi avant l'ouverture de l'exposition - des conditions nécessaires à remplir pour l'envoi et l'exposition de leurs oeuvres. L'annonce précise notamment l'obligation de déposer les tableaux « du 1er au 15 août (dernier délai) chez M. Pottier, rue Gaillon, 14, représentant de la Société »340 à Paris. Si l'annonce advient relativement tard, elle précise par ailleurs le recours à la société de Charles Pottier pour l'expédition des oeuvres vers Tours. Emballeur de tableaux et d'objets d'art, Charles Pottier est régulièrement missionné entre 1880 et 1930 pour le transport des oeuvres des artistes parisiens vers les salons de province française, mais également vers les expositions à l'étranger. La Société des Amis des Arts de Lyon, celle de Cherbourg ou celle de Saint-Quentin par exemple, ont recours aux services de son entreprise en 1884341. Le dépôt des

340 [ANONYME], « Concours et expositions », Chronique des arts et de la curiosité, n° 25, 22 juillet 1882, p. 191.

341 [ANONYME], « Expositions prochaines », Le Courrier de l'art : chronique hebdomadaire des ateliers, des musées, des expositions, des ventes publiques, n° 46, 14 novembre 1884, p. 549.

99

oeuvres des artistes de Paris invités à prendre part à l'exposition est finalement reculé au 1er septembre, en raison du peu de temps qui était imparti342.

Lorsque sont organisées à Tours les expositions des travaux des artistes locaux et parisiens, les commentateurs des quotidiens régionaux n'hésitent pas à exalter la valeur des oeuvres envoyées depuis Paris. Tel est le cas de ce rédacteur du Journal d'Indre-et-Loire, qui en 1853, attire l'attention du public sur l'exposition de la Société des Amis des Arts de Touraine.

Elle comprend environ trois cents tableaux remarquables des meilleurs maîtres vivants, et l'élite de ceux qui ont figuré à la dernière exposition de Paris. Disposée avec beaucoup d'intelligence et de goût par la commission chargée de présider à son arrangement, elle offre une collection comme il

n'en a point encore en province, et un ravissant spectacle pour tous ceux qui ont l'amour des Beaux-Arts343.

L'exposition de 1853 est une manifestation de Beaux-Arts inédite en Touraine de part la provenance et le nombre d'oeuvres exposées. Elle est la première à proposer aux tourangeaux de se confronter à l'art vivant parisien et international. Ainsi bon nombre d'oeuvres exposées lors des derniers Salons sont présentées à l'exposition de la Société des Amis des Arts, à l'exemple de La mort de Charles le Téméraire (fig. 26) par Charles Houry344 (1829-1898) présentée au Salon de 1852345. Peintre d'origine belge, Houry se forme dans l'atelier de Léon Cogniet (1794-1880) tout en débutant parallèlement une carrière de peintre sur porcelaine à la manufacture de Sèvres. Il commence à exposer au Salon à partir de 1850. Son tableau est célébré dans les colonnes du Journal d'Indre-et-Loire en reconnaissant notamment qu'il y « règne [É] un ton sombre et mélancolique très-bien approprié à la scène qui y est représentée »346. Manifestement le journaliste tourangeau omet l'origine belge de Charles Houry et l'insère dans l'école française, à l'inverse d'Arsène Houssaye (1815-1896), qui l'année précédente l'inscrivait dans l'école artistique belge347. La mort de Charles le Téméraire est exposée dans l'église des Minimes (ann. 4.1) au côté d'autres peintures d'histoire et de genre

342 [ANONYME], « Concours et expositions », Chronique des arts et de la curiosité, n° 27, 19 août 1882, p. 207.

343 [ANONYME], « Tours. Exposition de Peinture », Journal d'Indre-et-Loire, op. cit., 8 septembre 1853, p. 2.

344 [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes. Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 220, 17 septembre 1853, p. 1.

345 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, lithographie et architecture des artistes vivants, exposés au Palais-Royal, Paris, Vinchon, 1852, [en ligne], Musée d'Orsay, Base Salons : http://salons.musee-orsay.fr/index/exposant/87364 Consulté le 13/05/2017.

346 [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes. Premier article. », op. cit, p. 1.

347 HOUSSAYE, Arsène, « Salon de 1852. Autre point de vue », L'Artiste, 5ème série, t. VIII, 1er mai 1852, p. 98.

100

historique, dont les deux tableaux d'Ary Scheffer (1795-1858) intitulés Macbteh consultant les sorcières (fig. 27) et Les Saintes Femmes. L'ensemble de ces toiles historiques semble remporter l'adhésion des commentateurs de l'époque, comme en témoigne les rapports de l'exposition qui commencent immanquablement par examiner ces peintures.

Nous ne prétendons en rien classer les peintres dont nous allons nous entretenir avec nos lecteurs dans un ordre d'importance et de mérite; nous nous bornons à examiner successivement les tableaux qui ont fixé notre attention, en donnant le pas au genre le plus sérieux, à l'école dite historique, école de plus en plus abandonnée et à laquelle il faudra pourtant bien revenir348.

Si ce journaliste se défend de toute opinion sur la valeur esthétique et artistique des différents genres de peinture, en recourant à l'argument traditionnel de la hiérarchie des genres, il semble néanmoins attaché à débuter son examen par la peinture d'histoire, genre tendant à disparaître au profit de la peinture de genre historique et plus encore des genres mineurs, tels que le paysage et la nature-morte. Il semble de surcroît engager les peintres à renouer avec la peinture d'histoire. Dès lors il s'oppose au discours d'un certain nombre de critiques parisiens à commencer par Louis Clément de Ris (1820-1882), qui dans sa revue du Salon de 1852, se heurte à l'entêtement de certains peintres à perpétuer ce genre de peinture349. À son déclin à Paris, la peinture historique n'est pas plus pratiquée par les artistes en région et particulièrement en Touraine au XIXe siècle, à cause de ses dimensions colossales, qui peinent à la faire entrer dans les intérieurs des collectionneurs. Le discours de ce journaliste apparaît dès lors comme une exception. Si pour les organisateurs de l'exposition la présentation d'oeuvres du « grand genre » est à l'évidence prestigieuse, il semble néanmoins que ces derniers n'ont pas vocation à insuffler en Touraine une production dont les peintres ne trouveraient pas d'amateurs, d'autant que l'école municipale des Beaux-Arts de Tours placée sous la direction de Jean-Charles Henri Raverot (1793-1869), continue à prodiguer une formation en lien étroit avec la production manufacturière de soierie. De fait, la peinture d'histoire n'est pas le but ultime vers lequel tendre pour la jeune génération d'artistes tourangeaux.

Si en 1853 la peinture d'histoire est encore représentée par quelques grands maîtres de l'art vivant, au cours des expositions suivantes organisées à Tours, elle est supplantée entièrement par les paysages, les portraits, les natures-mortes et a fortiori les oeuvres de genre

348 [ANONYME], « Tours. Exposition de Peinture », op. cit., 8 septembre 1853, p. 2.

349 CLÉMENT DE RIS, Louis, « Le Salon », L'Artiste, 5ème série, t. VIII, 15 avril 1852, p. 82.

101

qui semblent être l'apanage « du génie français »350. Dès lors les artistes de Paris envoient principalement des oeuvres de genres mineurs dans les salons de province, à l'instar des artistes locaux qui exposent principalement des paysages et des natures-mortes. Les tableaux de chevalet sont en effet l'essentiel des oeuvres présentées à l'exposition de 1853, mais surtout de 1882 et 1889. Il semble de cette manière que la production vivante ne correspond plus à la hiérarchie instaurée au XVIIe siècle par l'Académie. L'exposition massive des tableaux de paysages et de genre tend à instaurer une nouvelle hiérarchie, faisant ainsi de ces peintures d'agrément les genres les plus goûtés par le public et les artistes. Ce retournement résulte essentiellement d'une volonté mercantile et d'adaptation au goût. En effet, les oeuvres de genre comme les paysages sont des genres particulièrement appréciés des collectionneurs pour leur faculté décorative, comme en témoigne le discours de ce journaliste, à propos du tableau de Beaume intitulé Les Amateurs et exposé en 1853 :

Cette petite toile, qui rappelle à plus d'un égard les sujets favoris de notre célèbre Meissonier, doit convenir à toutes les personnes qui se plaisent à orner leur demeure d'oeuvres artistiques d'un aspect agréable, et nous serions étonnés qu'elle quittât Tours351.

Néanmoins certains artistes de genres mineurs parmi les plus avancés, s'appréhendent à l'instar des grands peintres d'histoire comme des célébrités nationales. Ainsi en exposant en 1882 l'une des toiles de sa série des Souvenirs d'Écosse, Gustave Doré (1832-1883) fait figure de maître du paysage parmi le corpus de paysagistes réunis (ann. 3.1). Par ailleurs, la somme de 6 000 francs352 nécessaire à l'acquisition de son tableau le distingue des prétentions marchandes de l'ensemble des peintres, qu'ils soient tourangeaux ou parisiens, bien que ces derniers vendent généralement leurs oeuvres à des tarifs plus dispendieux, en raison de leur célébrité mais également du coût de la commission des marchands qui les représentent et des frais liés à l'envoi de leurs oeuvres.

b) Les artistes parisiens, des modèles « du bon goût » pour les tourangeaux ?

Événements relativement rares en Touraine, les expositions invitant les artistes vivants de la capitale peuvent s'appréhender comme des compléments pédagogiques éphémères aux collections du musée de Tours, qui ne comprennent guère d'oeuvres contemporaines jusqu'à la

350 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La peinture de genre et de fantaisie. Lettre II », op. cit, p. 2.

351 [ANONYME], « Exposition de Peinture. Troisième article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 227, 25 septembre 1853, p. 2.

352 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit., 1882, p. 39.

102

fin du XIXe siècle. Ainsi en 1853, peu d'oeuvres d'artistes vivants sont exposées au sein de l'institution muséale de Tours, comme le souligne sévèrement Léonce de Pesquidoux (18291900) dans ses Études sur les musées : « L'école moderne est représentée par un petit tableau de Delacroix È353. Les Comédiens ou Bouffons arabes d'Eugène Delacroix déposés par l'État en 1848 (fig. 28), est en effet l'un des seuls tableaux contemporains d'artistes vivants de stature nationale conservés au musée de Tours, outre notamment L'âme exilée (fig. 29) de Charles Lefebvre (1805-1882) présentée au Salon de 1842354 ainsi qu'un paysage de François-Louis Français (1814-1897) déposé en 1852355. Au milieu du XIXe siècle, la collection d'oeuvres contemporaines du musée municipal de Tours ne semble se résumer qu'à quelques tableaux. Il faut attendre le troisième voire le quatrième quart du XIXe siècle et l'avènement de la Troisième République, pour que les tourangeaux profitent régulièrement d'envois de l'État pour avoir connaissance de la production de leurs contemporains de Paris.

L'organisation de ces expositions d'oeuvres d'artistes vivants parisiens s'imposent dès lors comme des événements culturels de grande importance pour les visiteurs tourangeaux, qui pour l'essentiel ne se confrontent que rarement à cette production artistique. Les artistes parisiens jouissent de surcroît d'une solide réputation en province, en raison de la dynamique artistique qui anime la capitale au XIXe siècle. Ces artistes semblent ainsi être accueillis dans les expositions et au sein des sociétés artistiques de province et de Touraine en particulier, comme des modèles d'exemplarité. L'attribution régulière du titre de membre honoraire à ces artistes en témoignent. Elles participent incontestablement à assurer la renommée des sociétés artistiques les recevant. Si en 1882, la Société des Amis des Arts de la Touraine octroie à Charles Busson (1822-1908) et Emmanuel Lansyer (1835-1893) la qualité de membre honoraire356, puisque tous les deux représentent le succès artistique de la Touraine à Paris, c'est en 1887 que le nombre d'attribution de cette distinction honorifique à des artistes parisiens s'accroit considérablement. Jean Béraud (1849-1939), Paul-Albert Besnard (1849-1934), Carolus-Durand (1837-1919) ou Henry Lerolle (1848-1929) par exemple, reçoivent la charge de membre honoraire de la Société des Amis des Arts de la Touraine en 1887357, bien qu'elle

353 PESQUIDOUX, Léonce, Voyage artistique en France. Études sur les musées d'Angers, de Nantes, de Bordeaux, de Rouen, de Dijon, de Lyon, de Montpellier, de Toulouse, de Lille, etc., etcÉ, Paris, Michel-Lévy, 1857, p. 139.

354 VITRY, Paul, Le Musée de Tours, Paris, H. Laurens, 1911, p. XXXII.

355 Ibid., p. XVIII.

356 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1882, op. cit., 1883, p. 26.

357 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1887, op. cit., 1888, p. 39.

103

n'organise pas avant 1889 une exposition ouverte aux artistes parisiens. Par ces attributions, il s'agit probablement pour la société de s'inscrire dans une dynamique artistique et compenser par la même, les critiques à laquelle est soumise sa dernière exposition, qui ne présente que des oeuvres des artistes locaux.

Comme le fait remarquer à juste titre Nicolas Buchaniec, l'idée de confrontation des artistes débutants, principalement provinciaux, aux artistes arrivés, essentiellement parisiens, est un leitmotiv tendant à faire des expositions des événements bénéfiques pour la population et les artistes en devenir de province 358. Ainsi lorsque s'ouvre en 1841 la première exposition de Beaux-Arts en Touraine composée exclusivement d'oeuvres d'artistes de la région, la critique parisienne déplore « l'absence d'oeuvres capitales, de tableaux de nos maîtres » qui conduit à la présentation de « ce débordement d'essais informes, de copies maladroites » puisqu'on « ne gagne rien à s'isoler, en fait d'art » 359. Si ce rédacteur semble se montrer sévère vis à vis de l'exposition de 1841, il s'inscrit dans l'idéologie contemporaine qui reconnaît que les jeunes artistes et les artistes de province ont tout à apprendre des oeuvres des artistes arrivés de Paris. La reconnaissance institutionnelle d'une grande part des artistes parisiens, du fait de la réception, de la présentation et de l'achat de leurs oeuvres au Salon, doit engager le public et les jeunes artistes à réfléchir sur les caractéristiques qui séparent la production locale de la production étrangère. Dès lors les organisateurs semblent inviter les artistes débutants à continuer dans cette voie du progrès, guidée par la présentation d'oeuvres d'artistes exposants au Salon. Pour autant cette démarche peut sembler vaine, compte-tenu du rejet de l'art parisien aux expositions de la Société des Amis des Arts de la Touraine après 1882.

Au début l'appel était général, la société s'était adressée à tous les artistes et l'élément étranger, parisien surtout, était venu donner son concours, donner en même temps la note de l'exposition et établir la comparaison juste avec les artistes locaux mettant chacun d'eux à la place qu'il convenait qu'il occupât naturellement. C'est alors que des froissements se sont produits, la comparaison désavantageuse ne fut plus supportable pour les orgueils despotes et pour les vanités tapageuses, elles percèrent le voile de la pointe de l'oreille et on vit peu à peu apparaitre la Cie Dupont, Dumont, Dufour, puissante et bien organisée, qui commença ses opérations élargissement et fit le vide autour d'elle à son profit360.

358 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province..., op. cit., p. 146.

359 J. H., « Exposition de tableaux à Tours », Journal des artistes, n° 23, 6 juin 1841, p. 356.

360 VENÇAY, Jehan de, « Le Salon de Tours », La Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 28, 1er juin 1887, p. 220-221.

104

Qualifié ironiquement de « Compagnie Dupont, Dumont, Dufour », les artistes régissant et fournissant les expositions de la Société des Amis des Arts à partir de 1885 jusqu'à 1887, semblent rejeter la présence des artistes parisiens pour n'exposer que leurs propres productions. Peut-être est-il possible d'envisager cet ostracisme des oeuvres des artistes de Paris, comme une volonté délibérée de protéger l'école artistique locale, suivant le discours développé par Léon Lagrange sur l'art national français, dans son article sur les expositions d'objets d'art et de curiosité en province. Ainsi écrit-il notamment, « l'acclimatation tue l'originalité du génie »361, avant de continuer par démontrer que les artistes aussi bien de Strasbourg, de Bordeaux que du Havre ne trouvent leur inspiration que chez les maîtres parisiens, cela conduisant à une uniformisation des pratiques artistiques dans l'ensemble des villes françaises. Ces propos ne peuvent à l'évidence s'appliquer aux artistes de Tours, qui cherchant à protéger leur foyer, se sont confortés à n'exposer que leurs propres oeuvres durant plusieurs expositions, avant de se rendre à l'évidence en 1889, que le public apprécie de surcroît la présence des artistes parisiens.

Un mouvement artistique parisien ne semble pas faire l'unanimité du public. Présenté pour la première fois en Touraine en 1882, l'impressionnisme rompt avec l'ensemble des oeuvres exposées. Des oeuvres de Claude Monet (1840-1926), Auguste Renoir (1841-1919) Alfred Sisley (1839-1899) et Eugène Boudin (1824-1898) sont en effet acceptées par la Société des Amis des Arts à prendre part à son exposition. L'exposition des oeuvres de ces peintres résulte à l'évidence de l'envoi de leur marchand Paul Durand-Ruel (1831-1922). Le critique tourangeau Van Keller écrit à propos de l'exposition des tableaux impressionnistes :

[É] on n'a pas oublié l'école tapageuse des impressionnistes. On vous a servi, mon cher ami, les maîtres du genre parmi lesquels je remarque de prime-abord M. Renoir et M. Sisley. N'achetez pas ce qu'ils vous ont envoyé : ils seraient désolés de vous vendre. Ils savent faire autre chose que ce que leur école peut imposer aux artistes, croyez-le bien362.

La réception en demie teinte à Tours des oeuvres des impressionnistes résulte partiellement de la méfiance des provinciaux en général et des tourangeaux en particulier vis à vis des oeuvres envoyées par les artistes de Paris. En effet, les oeuvres destinées à la province font régulièrement l'objet de critiques par les organisateurs des salons et les commentateurs locaux. Si ces derniers se réjouissent d'accueillir en leur territoire des oeuvres de l'élite artistique parisienne, ils ne se montrent pas moins réservés voire suspicieux quant aux qualités

361 LAGRANGE, Léon, « Des expositions provinciales d'objets d'art et de curiosité », op. cit., 15 avril 1859, p. 96.

362 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture. Aperçu général. Lettre 1. », op. cit., p. 2.

105

formelles de certaines toiles, envoyées selon eux, dans le but de trouver des amateurs moins cultivés, sinon moins exigeants que les collectionneurs de la capitale. Ainsi peuvent s'expliquer les propos du critique Van Keller qui n'encouragent pas les tourangeaux à l'achat des oeuvres de Renoir et de Sisley notamment. Aussi ne faut-il pas oublier la méconnaissance du public due à la jeunesse du mouvement impressionniste ainsi que la transition picturale très violente qu'il induit vis à vis de la production à laquelle les tourangeaux sont habitués jusqu'alors. Si la critique parisienne reste mesurée quant aux qualités des oeuvres impressionnistes, elle semble néanmoins plus disposée à leur reconnaître de l'intérêt, comme en témoigne les propos de ce journaliste de La Chronique des Arts et de la Curiosité passant en revue l'exposition tourangelle de 1882 : « Une place a été laissée - il faut l'avouer - à quelques noms de la secte dite intransigeante : cependant il y a bon à prendre quelquefois chez les Renoir, les Sisley, les Monet, et la Société ne doit pas être blâmée d'avoir montrée des échantillons de ce genre à son public tourangeau »363. Il semble vraisemblablement que ce soit la violence de la confrontation du public tourangeau avec les oeuvres impressionnistes, qui conduise à rejeter ce mouvement à Tours. Dès lors la négation de l'impressionnisme en Touraine fait écho au renoncement de la Société des Amis des Arts de Pau d'exposer et de faire acquérir pour son musée des oeuvres impressionnistes, à l'instar du Bureau de coton à la Nouvelle-Orléans (fig. 30) d'Edgar Degas (1834-1917) acheté par la ville en 1878364. En effet de 1876 à 1879, la société paloise présente des oeuvres de ce mouvement d'avant-garde pendant que de vives critiques sont publiées dans la presse locale.

À l'évidence la présence des artistes parisiens au sein des expositions artistiques de Tours s'appréhende comme des événements inédits pour le public tourangeau, mais également pour les artistes de la localité. En effet, les uns comme les autres semblent relativement isolés de l'émulation artistique de Paris. De fait la présentation des oeuvres des maîtres les plus fameux, conduit à la publication d'une critique favorable dans la presse locale et à l'admiration des visiteurs. Toutefois la confrontation avec l'élite artistique parisienne semble difficile pour les artistes d'Indre-et-Loire, compte tenu de la différence sensible de niveau, ce qui mène à la dissolution de l'organisation des expositions parisiano-tourangelles de 1882 à 1889, puis à leur disparition irréversible après l'ouverture de l'Exposition nationale de 1892 organisée par la

363 D. C., « Exposition de la Société des Amis des Arts de la Touraine », Chronique des Arts et de la Curiosité, n°32, 28 octobre 1882, p. 247.

364 LE COEUR, Marc « Le Salon annuel de la Société des amis des arts de Pau, quartier d'hiver des impressionnistes de 1876 à 1879 », Histoire de l'art, 1996, p. 62.

106

municipalité de Tours avec le concours des amateurs de Beaux-Arts de la ville. Dès lors la vocation de décentralisation semble être mise à défaut par le sentiment régionaliste des artistes formant la Société des Amis des Arts de la Touraine, ainsi que par les dépenses nécessaires à l'organisation de ces expositions. Par ailleurs l'arrêt de l'organisation des expositions ouvertes aux artistes étrangers, met fin à la concurrence mercantile de l'art en Touraine pour les artistes du département. Ces grandes manifestations sont en effet des lieux essentiels de commerce pour les artistes et les marchands parisiens durant tout le XIXe siècle.

II) L'opportunité mercantile des salons tourangeaux

A. Le marché de l'art à Tours au XIXe siècle : un espace suffisant pour la vie des artistes et l'acquisition des collectionneurs ?

Le marché de l'art à Tours et plus largement la vie artistique en Touraine ne peuvent soutenir la comparaison avec l'émulation du foyer parisien comme il a déjà été démontré. Pourtant dans ce rapport de force et de déséquilibre entre la capitale des arts du XIXe siècle et une ville moyenne de province française, se présentent à Tours des initiatives originales tendant à compenser le manque d'institution et d'infrastructure pour les arts et leur marché. En effet, les sociétés d'émulation artistique semblent s'efforcer en organisant leurs propres salons de Beaux-Arts d'encourager la production locale en interagissant entre les artistes et les amateurs. Les sociétés artistiques doivent ainsi s'appréhender comme des protagonistes à part entière du marché de l'art en construction en Indre-et-Loire au XIXe siècle, puisque rapprochant les artistes de leur public. Pour autant c'est à Paris que la majorité des collectionneurs les plus fortunés acquièrent l'essentiel de leurs collections, tandis que c'est à Tours que les amateurs les moins aisés achètent les oeuvres qui habillent leurs intérieurs. Dès lors, faut-il comprendre que le marché de l'art à Tours est un espace insuffisant pour compléter les collections de l'ensemble des amateurs du département, puisque ne proposant à la vente que des oeuvres de qualité secondaire ou faut-il imaginer que les infrastructures commerciales ne sont pas assez développées pour représenter les artistes de la localité auprès de l'ensemble de la clientèle ? L'examen des différentes institutions du marché de l'art à Tours semble être un fil conducteur intéressant à développer pour répondre à cette question et mettre par la suite en évidence l'impact des expositions de Beaux-Arts organisées par les sociétés artistiques dans le commerce de l'art à Tours.

a) Les institutions et les acteurs du marché de l'art à Tours au XIXe siècle

107

Au XIXe siècle, nombreux sont en Touraine les collectionneurs, en raison du développement de la « bric-bracomanie ». Toutefois le corpus d'amateurs tourangeaux semble relativement hétérogène, comme le démontre Martine Augouvernaire lorsqu'elle définit les différentes typologies d'amateurs en reprenant la méthode exploitée par Théophile Thoré (1807-1869) dans son fameux article brossant le portrait de l'ensemble des catégories de collectionneurs365. En effet, le collectionnisme paraît toucher un ensemble varié de personnages en Indre-et-Loire allant de l'artiste, à l'instar de Gaëtan Cathelineau réunissant à des fins pédagogiques une collection d'oeuvres de maîtres anciens principalement de l'école française366, de l'aristocrate, à l'exemple des marquis de Biencourt propriétaires du château d'Azay-le-Rideau, des grands bourgeois dont les membres des familles Mame et Gouïn, importants collectionneurs d'arts anciens et a fortiori d'arts vivants, ou encore des personnages exerçant des professions libérales et des petits bourgeois qui s'approprient la pratique de la collection, comme instrument de valorisation de leur statut social.

De tous les lieux de commerce d'objets d'art, les salles des ventes sont les institutions les plus évidentes du marché de l'art, en raison de l'ancienneté de la profession de commissaire-priseur367. Situées au 3, rue de la Harpe (ann 4.2) dans les années 1830368 avant que d'autres ne s'ouvrent rue Royale (ann. 4.2)369, puis rue des Guetteries à proximité de la gare (ann. 4.2) dans la décennie 1860 370 , les salles des ventes tourangelles accueillent les objets d'art des collectionneurs et des notables de Touraine et sont partagées par les trois études de commissaires-priseurs de Tours. Les ventes aux enchères organisées dans les hôtels des ventes se distinguent à l'évidence des vacations se déroulant en place publique et au domicile des vendeurs, ces dernières étant généralement des ventes judiciaires concernant des objets

365 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit., 1992, p. 59

THORÉ, Théophile, « Les Collections particulières », Paris Guide, par les principaux écrivains et artistes de la France, t. I, Paris, Librairie internationale, 1867, p.536-551.

366 MIOCHE, Laura, Gaëtan Cathelineau (1787-1859), Artiste, collectionneur et donateur tourangeau, mémoire de master 1 d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de France Nerlich, Université François-Rabelais de Tours, 2010, p. 23.

367 ROUGE-DUCOS, Isabelle, Le Crieur et le Marteau. Histoire des commissaires-priseurs de Paris (1801-1945), Paris, Belin, 2013, p. 22.

368 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Ad. Mame, 1831, p. 178.

369 MIOCHE, Laure, op. cit., 2010, p. 43.

370 PELTIER, Anne, Les commissaires priseurs et les ventes à Tours au XIXe siècle, mémoire de maitrise d'histoire contemporaine, sous la direction de Sylvie Aprile, Université François-Rabelais de Tours, 1999, p. 68.

108

quotidiens et de petite valeur. Néanmoins les doubles des répertoires des commissaires-priseurs ainsi que les rares catalogues de vente encore conservés, témoignent de la carence générale des ventes aux enchères tourangelles au XIXe siècle. Les vacations à Tours ne dépassent que rarement les 5 000 francs et la moyenne des prix des tableaux se situe autour des 100 francs371, malgré quelques belles adjudications lors des rares ventes de prestige, dont la dispersion en 1888 par maître Fontaine de la collection de Marguerite Pelouze (1836-1902), propriétaire du château de Chenonceau. La collection comprenait notamment des tableaux attribués à François Clouet (1520-1572), Nicolas Poussin (1594-1665), David Téniers (1610-1685) ou Pierre Mignard (1610-1695)372. Outre la dispersion des fonds d'atelier et des lots non retirés de la loterie de l'Exposition nationale de 1881373, les ventes aux enchères concernent assurément davantage la dispersion des oeuvres des maîtres anciens plutôt que celles des artistes contemporains. Il semble donc falloir les écarter du marché de l'art vivant.

À Tours durant tout le XIXe siècle, il semble que le commerce de l'art vivant soit soutenu par une minorité de marchands de couleurs374. S'ils proposent depuis le milieu du XVIIIe siècle la vente de couleurs préparées, puis le négoce en général des fournitures pour les peintres en raison de l'abolition des corporations en 1791, peu à peu ces commerçants semblent étendre leur offre à la vente de tableaux. Plus que des marchands de couleurs, ils deviennent de véritables galeristes avant l'heure qui développent le commerce de l'art, mais aussi sa location, à l'instar des parisiens Alphonse Giroux (1776-1848) 375 et Jean-Marie-Fortuné Durand-Ruel (1865), bien que ce dernier finit par délaisser complétement la vente des fournitures au profit du commerce d'oeuvres d'art des artistes vivants, dont les oeuvres des aquarellistes anglais et des peintres de l'école de Barbizon376. À Tours néanmoins, la figure émergeante du « marchand-expert » semble moins se développer qu'à Paris. Sur les cinq marchands de couleurs recensés durant la décennie 1830, seul un, installé au 15, rue Royale (ann 4.2) paraît proposer à la fois la vente de fournitures pour les peintres mais également des « «estampes» et «autres articles de

371 Ibid. p. 37.

372 FONTAINE [commissaire-priseur], LAURENT [expert], Catalogue d'une belle collection de 68 tableaux de maîtres anciens, objets d'art et tapis d'une grande valeur artistique, le tout provenant du château de Chenonceau, appartenant à Mme Pelouze..., Tours, Imp. Mazereau, 1888.

373 [ANONYME], « Vente aux enchères », Journal d'Indre-et-Loire, n° 142, 18 juin 1882, p. 3.

374 SOFIO, Séverine, « Les marchands de couleurs au XIXe siècle, artisans ou experts ? (Paris, Tours) », Ethnologie Française, n° 165, janvier 2017, p. 75-86.

375 ROTH-MEYER, Clothilde, « Le phénomène de la location de tableaux par les marchands de couleurs parisiens au XIX », Histoire de l'art, n°58, 2006, p. 58.

376 PATRY, Sylvie (éd.), Paul Durand-Ruel le pari de l'impressionnisme, cat. exp, Paris, musée du Luxembourg, Réunion des Musées Nationaux, 2014, p. 30.

109

fantaisie» » 377. La palette d'Or tenue par Marcadier se spécialise par la suite dans le commerce d'objets d'art. Ainsi en 1853, la boutique est définie comme « magasin de nouveautés et d'objets d'art » proposant à la fois « bronzes, porcelaines, cristaux, ivoires, maroquinerie [É] vente et location de tableaux à l'huile, pastels, aquarelles, sépias et mines de plomb »378. Marcadier est à l'évidence un acteur essentiel du commerce des oeuvres des artistes vivants de Tours, comme le démontrent les portraits de ce marchand et de sa famille réalisés par les artistes locaux. Cathelineau exécute notamment un portrait de son marchand de couleurs379, tout comme Lupetty peint en 1860 Le portrait de Mlle Marcadier (fig. 31). Ces portraits témoignent à l'évidence de la proximité de Marcadier avec les artistes de la localité. Cependant il est possible que ces oeuvres aient été exécutées en échange de fournitures par le marchand, ce qui est une pratique relativement courante à l'époque.

Un commerce inédit de curiosités et d'objets d'art est fondé également à Tours dans la première moitié du XIXe siècle. Ouvert le 20 mai 1828 au public après des 58 jours de travaux380, le Bazar turonien se situe au 6, rue Neuve-Saint-Martin (ann. 4.2) sur les ruines de l'ancienne abbaye démolie en 1797381. À la différence des marchands de couleurs et autres galeristes, le propriétaire du bazar, Jacquet Delahaye-Avrouin, n'achète pas en vue de revendre.

Le bazar est un entrepôt qui reçoit à commission toutes sortes de meubles antiques et modernes, mais riches et de bon goût ; toutes espèces de marchandises en pièce ou sur un échantillon ; tous objets de curiosité, d'histoire naturelle, les tableaux, gravures, émaux, porcelaines, les chefs-d'oeuvres des arts, les médailles, les manuscrits, et généralement tout ce qui entre dans le domaine de la science, de l'industrie et du commerce382.

Jacquet Delahaye-Avrouin prélève une commission de 5% sur la vente de chaque objet vendu au sein de son établissement. Les artistes et les manufactures lui confient leurs productions. Parallèlement, il propose la location d'ateliers pour les travaux de restauration, dorures et sculptures sur marbre, en plus d'un théâtre pouvant accueillir jusqu'à 250 spectateurs. Néanmoins, il semble qu'il faille davantage inscrire l'ouverture de cet établissement dans le

377 SOFIO, Séverine, op. cit., 2017, p. 81.

378 DUCHEMIN-RIBOUT, La ville de Tours et ses environs, Tours, Imp. Ladevèze, 1853, p. 53.

379 VITRY, Paul, op. cit., 1911, p. LV.

380 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Ad. Mame et Cie, 1828, p. 206-207.

381 KILIAN, A.-J., Dictionnaire géographique universel contenant la description de tous les lieux du globe intéressants sous le rapport de la géographie physique et politique, de l'histoire, de la statistique, du commerce, de l'industrie, etc, t. X, Paris, A.-J. Kilian et Ch. Picquet éditeurs, 1833, p. 119.

382 [ANONYME], Annuaire historique..., op. cit., 1828, p. 206.

110

mouvement parisien de constructions des bazars - ancêtres des grands magasins - en raison de la diversité des produits proposés. À l'évidence, cette entreprise novatrice s'inspire du Bazar français construit à Paris en 1819 par le baron Louis-Antoine Sauset (1773-1836). Le projet de Sauset était de vendre à la fois des objets de commerce et des objets d'art dans une large galerie couverte383. Le Bazar turonien est cependant une institution essentielle du commerce de l'art à Tours, comme le démontre les guides de voyage et la visite en 1829 de la Duchesse de Berry384. Les artistes tourangeaux y trouvent en effet un lieu d'exposition et de vente très fréquenté dans lequel ils peuvent régulièrement présenter leurs ouvrages au milieu d'oeuvres d'artistes d'autres départements385.

b) Les oeuvres des artistes tourangeaux de leur commerce en atelier à leur vente au cours des expositions sociétales

Malgré ces établissements spécialisés dans le commerce de l'art vivant, le marché de l'art à Tours reste peu développé durant tout le XIXe siècle. Cette lacune n'empêche pas néanmoins l'augmentation du nombre d'artistes professionnels, passant d'une dizaine vers 1830 à plus d'une cinquantaine autour de 1870386, sans compter les amateurs toujours plus nombreux à s'afférer à la pratique des Beaux-Arts. Les artistes semblent combler le manque d'établissements spécialisés dans la vente d'oeuvres d'art, en développant des stratégies commerciales originales et en participant aux expositions organisées par les sociétés pour diffuser plus largement leurs oeuvres et accroître leurs revenus.

La vente directe des oeuvres dans les ateliers est à l'évidence le moyen d'écoulement de la production le plus courant. L'atelier d'Avisseau, mais également la manufacture Lobin de vitraux peints sont régulièrement mentionnés dans les guides de voyage387. Néanmoins dans un souci de visibilité et d'attraction, les artistes organisent également dans leurs propres ateliers des expositions de leurs oeuvres. Ces expositions monographiques constituent des micros-événements dans le paysage artistique tourangeau et permettent aux artistes de se faire connaître

383 MARCO, Luc, « Le Bazar, chaînon manquant entre le magasin de nouveautés et le grand magasin : opportunités et risques au début du XIXe siècle », in Annales des Mines - Responsabilité et environnement, n°55, 2009, p. 49.

384 HUGO, Abel-Joseph, France pittoresque ou Description pittoresque, topographique et statistique des départements et colonies de la France..., t. II, Paris, Delloye, 1835, p. 103.

WALSH, Joseph-Alexis, Suite aux lettres vendéennes ou relation du voyage de S. A. R. Madame Duchesse de Berry dans la Touraine, l'Anjou, la Bretagne, la Vendée et le Midi de la France, Paris, L. F. Hivert, 1829.

385 [ANONYME], « Bazar turonien », Journal d'Indre-et-Loire, n° 2093, 13 juillet 1829, p. 1.

386 SOFIO, Séverine, op. cit., 2017, p. 77.

387 JOANNE, Adolphe, Itinéraire de Paris à Nantes et à Saint-Nazaire, par Orléans, Tours et Angers, Paris, Imprimerie générale de Ch. Lahure, 1867, p. 193.

111

des amateurs, d'autant que des réclames sont publiées dans la presse locale. Ainsi en 1887, René-Louis Damon organise une exposition de ses oeuvres dans son atelier, boulevard Heurteloup388. Portraitiste confirmé puisqu'ayant déjà exposé au Salon en 1885, Damon présente ses toiles dans l'objectif de séduire de futurs amateurs et recueillir de nouvelles commandes. L'exposition de ses portraits à Tours permet à l'évidence aux amateurs d'apprécier la ressemblance vis à vis des modèles. Toutefois, les expositions en atelier semblent réservées à des artistes confirmés, en raison du coût qu'entrainent indubitablement l'organisation de l'événement et de la nécessité de posséder un local convenant à la présentation publique des oeuvres. Les expositions privées ne conduisant pas forcément à des commandes ou à des ventes, elles s'appréhendent de fait comme des investissements pour l'avenir.

Par nécessité commerciale, certains artistes organisent des tombolas ayant pour lots leurs propres oeuvres. Tel est le cas de Jean-Pierre Vallet (1809-1886) qui à deux reprises met en jeu ses tableaux. Élève de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), Jean-Pierre Vallet s'installe en Touraine après avoir exposé au Salon à partir de 1840. Il exerce en plus de son métier de peintre, la profession de professeur de dessin au lycée de Tours. La mise en loterie de ses propres tableaux, d'abord en 1877 puis en 1882389 (ann. 2.4.4), résulte de la carence du marché de l'art à Tours. Malgré sa reconnaisse à l'échelle locale, comme le démontre l'acquisition du Portrait de sa mère (fig. 32) par le musée de Tours en 1885390, Jean-Pierre Vallet est contraint de recourir à un moyen de vente alternatif pour financer sa participation à l'Exposition universelle de 1878391. Il semble que les loteries soient des procédures originales d'acquisition des oeuvres d'art qui remportent du succès auprès des amateurs, du fait du coût modeste de l'achat des tickets.

Les sociétés artistiques semblent s'investir pour palier les difficultés auxquelles sont confrontés les artistes tourangeaux. Les expositions périodiques leur procurent immanquablement une visibilité auprès des amateurs, puisque constituant des événements importants du monde culturel en Touraine. Ces manifestations génèrent en effet un public

388 VALENCES, Jacques des, « Une exposition privée », La revue littéraire et artistique de Touraine, n° 27, 1er mai 1887, p. 190.

389 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une loterie par le sieur Vallet, 1er décembre 1877, Tours, A.M., 2J 23.

Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une loterie à Chinon par le sieur Vallet, 15 juin 1882, Tours, A.M., 2J 23.

390 VITRY, Paul, op. cit., 1911, p. XXXVII.

391 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une loterie par le sieur Vallet, 1er décembre 1877, op. cit.

112

nombreux et de potentiels acquéreurs. Néanmoins en 1882 durant l'exposition de la Société des Amis des Arts de la Touraine, seuls Ferdinand Bovy, René-Louis Damon, Paul Gagneux, Léon Leblanc et Charles-Alfred Lesourd vendent certaines de leurs oeuvres à des collectionneurs392. La proportion d'artistes locaux ayant vendu des oeuvres au cours de cette exposition est finalement très faible. Les cinq artistes de Tours qui ont vendu ne représentent que 1,7 % de la totalité des artistes de l'exposition et 8% de l'ensemble des artistes vendeurs. La participation annuelle aux expositions de la Société des Amis des Arts de la Touraine semble néanmoins inscrite dans le quotidien des artistes de la région, en raison de la visibilité qu'elles procurent, bien que les ventes ne soient pas toujours légion393. Ainsi lorsqu'en 1888, la société renonce à l'organisation de son exposition périodique, un corpus d'une trentaine d'artistes - parmi le noyau dur des Amis des Arts - se regroupent pour former une exposition de Beaux-Arts indépendante. Le public peut dès lors apprécier les oeuvres d'Alfred Didier, de Lucien-Léopold Lobin, de Paul Gagneux ou encore de Joseph-Édouard Avisseau en dehors des expositions de la Société des Amis des Arts.

Il semble que les loteries organisées par les sociétés soient des sources plus rémunératrices pour les artistes de la localité, puisque les commissions d'acquisition privilégient essentiellement leurs oeuvres. De fait, la Société des Amis des Arts de la Touraine acquiert presque exclusivement pour ses loteries des oeuvres du foyer artistique local, outre pour sa tombola de 1882. Ainsi de 1885 à 1888 l'ensemble des oeuvres et objets d'art mis en loterie sont des réalisations d'artistes et artisans de la région, à l'exception en 1888 de la lithographie du Bon Samaritain de Rodolphe Bresdin (fig. 11) et d'une estampe de La vie de Sainte Geneviève d'après Pierre Puvis de Chavannes, toutes les deux attribuées en 1882 par le Ministère de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes et qui à l'évidence n'ont jamais été retirées à l'issue de la tombola de la première exposition de la Société des Amis des Arts394. Le recours aux oeuvres des artistes locaux pour la constitution des lots des loteries résulte probablement d'une volonté de promouvoir un art tourangeau.

En ce sens, la Société des Amis des Arts de la Touraine propose en 1906 à la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire d'acquérir des oeuvres des

392 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit. 1882.

[ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 279, 27-28 novembre 1882, p. 2-3.

393 R.T., « Une exposition indépendante de Beaux-Arts », Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 40, 1er juin 1888, p. 279.

394 S.A.A., Compte-rendu de l'année, op. cit., 1885 à 1888.

113

artistes tourangeaux présentées durant son exposition annuelle, dans l'objectif de faire « connaître [la production tourangelle] et permettre aux artistes de tirer un légitime profit »395. Cette alliance est accueillie chaleureusement par la Société d'Agriculture de Tours qui adresse « ses plus vifs remerciements [É] à la Société des Amis des Arts pour la précieuse marque d'intérêt et de bonne confraternité dont elle fait preuve en cette circonstance »396. Il semble que la Société des Amis des Arts consacre entre 300 et 500 francs annuellement pour l'acquisition de quelques oeuvres aux expositions de Beaux-Arts de la Société d'Agriculture. Ces achats sont effectués auprès d'un ensemble varié d'artistes locaux, dont les plus confirmés sont Marie-Thérèse Duchâteau (1870-1953) ou Maurice Mathurin (1881-1965)397, qui ont déjà exposé à Paris au Salon des Artistes français et au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts.

À Tours au XIXe siècle, le marché de l'art semble peu dynamique malgré de grandes collections dans le département. À l'évidence tous les collectionneurs ne peuvent compléter leurs collections en Touraine, compte tenu du manque d'infrastructure commerciale. Dès lors les artistes s'efforcent de développer des modes de vente alternatif pour séduire un public plus nombreux. Ce sont cependant les manifestations organisées par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, qui participent activement au développement, à l'émulation et même à la construction d'un marché de l'art en Touraine. Si les expositions sont à l'évidence des vitrines mettant en lumière les mérites de l'identité artistique locale, elles sont par la même occasion, des événements propices à la vente des oeuvres des artistes tourangeaux. Néanmoins lors des salons de Beaux-Arts de Tours, le nombre d'acquisitions des oeuvres de ces artistes reste faible. Les artistes de Touraine peuvent toutefois compter sur l'achat de leurs oeuvres par les sociétés artistiques pour constituer les lots des tombolas. Il est probable que la faible proportion de ventes aux particuliers des oeuvres des artistes locaux lors des expositions, réside principalement de la concurrence des artistes de réputation nationale et du marché de l'art parisien.

B. Les salons sociétaux de Touraine des avatars du marché de l'art national ?

Les cimaises de toutes des expositions de Beaux-Arts organisées en Touraine, n'accueillent pas à chaque fois les oeuvres des artistes étrangers. Pourtant lorsque leurs oeuvres

395 AUBRY, Louis : Lettre adressé au secrétaire général de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Auguste Chauvigné, au sujet de l'acquisition d'oeuvres d'artistes tourangeaux présentées au cours des expositions annuelles, 3 juillet 1906, Tours, A.M., 48Z 21.

396 S.A.S.A.B.L, « Séance du 13 juillet 1906 », Annales, t. LXXXVI, Tours, Imp. Deslis, 1906, p. 97.

397 S.A.A., « 18 juillet 1920 », Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, op. cit., f 34.

114

sont acceptées, il peut sembler que la Touraine devient le temps des expositions, un espace où convergent les intentions mercantiles des artistes français. En ce qui concerne les ventes des oeuvres d'art, les salons de province sont effectivement à ne pas envisager comme des lieux en marge des Salons parisiens, bien qu'à l'évidence leur prestige ne soit pas aussi important que celui des expositions de la capitale398. Les expositions ouvertes à tous les artistes français se tenant en province en général et en Touraine en particulier, participent à la décentralisation du marché de l'art et à son désengorgement. Dès lors, il faut les appréhender comme des événements « complémentaires et providentiels »399 à la fois pour les artistes et les marchands, mais également pour les collectionneurs. Il convient ici de démontrer en quoi ces expositions tourangelles sont à envisager comme des jalons intéressants de la décentralisation du commerce de l'art français à cette époque et comment elles peuvent s'appréhender comme des éléments constituants un second marché de l'art pour les artistes de province et particulièrement pour les artistes de Paris.

a) Les expositions de Touraine, des espaces d'attraction pour les artistes français

Les expositions régionales sont des soutiens privilégiés pour les artistes français du XIXe siècle, soumis à une vive concurrence ou qui ne disposent que de peu d'infrastructures commerciales pour la vente de leurs oeuvres. De fait en 1839, Étienne Huard rédacteur du Journal des Artistes mais également peintre à ses heures400, contacte le maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition de Beaux-Arts devant s'ouvrir durant l'année (ann. 2.2.3.2). Il tente d'obtenir des informations, puisque « plusieurs artistes [sont] venus demander des renseignements [qu'il n'a] pas pu leur donner »401 depuis la publication dans son journal de l'ouverture prochaine d'une exposition à Tours, suivant l'exemple des villes de Nantes et d'Angers402. Il est fort probable que ce soit la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire qui prévient Étienne Huard de sa volonté d'organiser à Tours une exposition des Beaux-Arts. En effet, la Société invite le 10 mai 1839 le maire de Tours à participer à sa séance générale pour discuter de l'organisation d'une exposition dont elle « a

398 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op. cit., 2010, p. 25.

399 Ibid., p. 118.

400 ROBERTVAL, Hector de, « Les journaux d'art à Paris », La Renaissance chronique des Beaux-Arts et de la littérature et revue archéologique de la Belgique, Vol. 8, 1846-1847, p. 1.

401 HUARD, Étienne : Lettre au maire de Tours au sujet de l'organisation de l'exposition d'arts et d'industries, demande de renseignements, 10 juillet 1839, Tours, A.M, 2F boîte 14.

402 [ANONYME], « Nouvelles des arts », Journal des Artistes, n° 21, 26 mai 1839, p. 336.

115

exprimé depuis longtemps le désir de voir se former »403 (2.2.3.1). Si finalement cette exhibition artistique ne voit pas le jour comme le démontre le dépouillement de la presse locale de 1839404, l'intention de son organisation suscite de l'intérêt chez ce rédacteur, mais plus largement chez son lectorat composé essentiellement d'artistes.

Les expositions provinciales sont effectivement de formidables occasions pour les artistes français d'exposer, mais également de vendre leurs oeuvres en dehors des strictes frontières de leur localité. Durant tout le XIXe siècle se dessine un réseau entre les différentes provinces, dans le but d'encourager l'émulation artistique. Cette articulation est organisée par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts et soutenue par les municipalités. Ainsi en mai 1838, le maire d'Angers signale à son homologue tourangeau, l'ouverture en juin d'une exposition de Beaux-Arts organisée par la Société Industrielle de sa ville et le prie d'inviter les artistes de Tours à prendre part à cette manifestation (ann. 2.2.2.2)405. Si cette exposition est réservée aux artistes des neuf départements voisins du Maine-et-Loire, elle favorise immanquablement le commerce des oeuvres des artistes de la région. Tel est le cas également en 1841, lorsque la municipalité de Tours organise sous les hospices de la Société des Amis des Arts son exposition des produits des arts et de l'industrie accueillant strictement les travaux des artistes du Centre et de l'Ouest de la France. Si pour les jeunes artistes les expositions provinciales sont des manifestations propices pour se faire connaître des amateurs, pour les artistes ayant déjà une reconnaissance officielle, celles-ci s'appréhendent strictement comme des lieux de commerce et non de consécration artistique, en raison de la réputation à construire de ces manifestations et de la centralisation des institutions officielles à Paris. Il semble que la commission d'organisation de l'exposition de 1841 en a bien conscience. En effet elle n'attribue pas de récompense honorifique à Étienne Suc (1807-1855) pour sa Petite mendiante (fig. 33). Présentée au Salon en 1838406, cette sculpture en marbre profite d'une bonne réception critique dans la presse artistique parisienne407. Suivant la bonne appréciation de son oeuvre, Étienne Suc se voit

403 S.A.S.A.B.L : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition, le 10 mai 1839, Tours, A.M., 2F boîte 14.

404 Journal d'Indre-et-Loire, 1839, Tours, A.M., 121 C 25.

405 Jury de l'exposition des beaux-arts d'Angers : Lettre adressée au maire de Tours l'invitant à faire connaître l'exposition des beaux-arts d'Angers aux artistes de la ville, 10 mai 1838, Tours, A.M., 2F boîte 14.

406 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivans, exposés au musée royal, le 1er mars 1838, Paris, Vinchon, 1838, [en ligne], ], Musée d'Orsay, Base Salons : http://salons.musee-orsay.fr/index/exposant/76607?offset=9 Consulté le 19/05/2017.

407 [ANONYME], « Salon de 1838 », L'Artiste, (t. XV, première série, Paris, 1838), Genève, Slatkine Reprints, 1972, p. 173.

116

attribuer sa première médaille d'or par le jury du Salon408. Il est donc fort probable que l'envoi de cette oeuvre à Tours résulte a fortiori d'un espoir de vente, plutôt que de reconnaissance des mérites artistiques de son auteur, d'autant que les frais d'expédition d'une sculpture sont évidemment plus onéreux que ceux d'un tableau, ce explique par ailleurs la présence toujours plus restreinte des statues en comparaison des tableaux ou des oeuvres sur papier dans les expositions sociétales. La sculpture d'Étienne Suc n'est pas achetée à l'exposition tourangelle de 1841, mais est acquise finalement par un amateur nantais à son retour à l'atelier409.

Quand l'ensemble des artistes français est convié à participer aux salons tourangeaux l'opportunité mercantile les conduit à envoyer en Touraine des oeuvres de leurs ateliers. Durant l'exposition de 1882 organisée par la Société des Amis des Arts, des oeuvres d'artistes provenant de toute la France sont présentées. Sur les près de 275 artistes participant à l'exposition, 80% sont des artistes étrangers au département d'Indre-et-Loire. La plupart des artistes sont parisiens. Ils représentent un peu plus de 60% de l'effectif total des artistes de l'exposition, tandis les artistes tourangeaux et les artistes des autres départements représentent chacun 20%. La participation importante des artistes parisiens s'explique principalement par la vive concurrence du marché de l'art à Paris. Les artistes en quête de vente envoient leurs oeuvres en province, à l'instar de Gustave Moreau (1826-1898), qui en 1853 participe à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Touraine, en présentant notamment Darius après la bataille d'Arbelles (fig. 34). Refusé au Salon en 1852, accepté en 1853410, le tableau reste invendu. À l'issue du Salon la toile est envoyée par Gustave Moreau à Tours. En cette ville, malgré une critique relativement bonne411, l'oeuvre ne trouve pas plus d'amateurs. Ainsi Darius après la bataille d'Arbelles est présenté à la fin de l'année 1853 à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Lyon, avant de revenir à l'atelier parisien, où Moreau prévoit de l'améliorer en rehaussant le dessin en noir412. Il est possible que l'artiste envisage de nouveau d'expédier son

408 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de, « Rapport de la section des Beaux-Arts », Exposition des produits de l'industrie et des arts à Tours (Mai 1841). Rapports des diverses commissions, Tours, Mame, 1841, p. 47.

409 DUREAU, Jean-Baptiste, Une visite à l'atelier de E.-E. Suc, statuaire-sculpteur à Nantes, Nantes, Imp. W. Busseuil, 1846, p. 8.

410 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture, sculpture, gravure et architecture des artistes vivants exposés aux Menus-Plaisirs le 15 mai 1853, Paris Vinchon, 1853, [en ligne], ], Musée d'Orsay, Base Salons : http://salons.musee-orsay.fr/index/notice/60864, Consulté le 19/05/2017.

411 [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes. Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 220, 17 septembre 1853, p. 1.

412 LACAMBRE, Geneviève, « À la recherche d'amateurs : l'exemple de la participation du peintre parisien Gustave Moreau aux expositions de province », in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, op. cit., 2010, p. 102.

117

tableau à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Bordeaux de 1855. À l'évidence la présence des oeuvres des artistes parisiens dans les salons de province résulte d'une combinaison de facteurs économiques. La concurrence au Salon induit inévitablement les artistes à trouver de nouveaux mécènes en dehors de Paris. Dès lors Gustave Moreau n'est pas isolé et semble suivre en réalité l'exemple de ses amis Théodore Chassériau (1818-1856) et Eugène Fromentin (1820-1876), qui avant lui avaient compris l'intérêt financier des salons de province413. Il est fort probable que le nombre limité de ventes d'oeuvres d'art à l'exposition de 1853 ainsi que sa réception en demi-teinte conduisent à l'arrêt de l'organisation d'expositions d'art vivant à Tours jusqu'en 1882.

L'admissibilité des oeuvres de l'ensemble des artistes français à la première exposition de la Société des Amis des Arts de la Touraine conduit également les marchands à envoyer depuis Paris des oeuvres des artistes qu'ils représentent. Il faut noter néanmoins que les marchands ne sont pas mentionnés explicitement par la Société des Amis des Arts dans le catalogue de l'exposition, compte tenu de leurs intérêts exclusivement mercantiles, qui vont a priori à l'encontre des principes pédagogiques et philanthropiques que se sont fixés les membres de la société. Toutefois les mentions récurrentes de certaines adresses sont révélatrices de leur présence. Ainsi en 1882, au moins deux galeristes parisiens s'occupent de la diffusion des oeuvres de leurs artistes en Touraine : Paul Durand-Ruel et Claude Éliot, installés respectivement au 1, rue de la Paix et au 16, avenue Trudaine à Paris. Pour autant, il semble que l'adresse indiquée de Paul Durand-Ruel corresponde à l'adresse de son ancienne galerie. Depuis le 1er juillet 1869, il est installé effectivement rue Laffitte414, place majeure du marché de l'art à partir de la seconde moitié du XIXe siècle415. À eux-seuls les deux marchands fournissent plus de 8% des oeuvres et représentent 10% des artistes invités à l'exposition de la Société des Amis des Arts. L'implication de ces marchands dans les expositions de province semble régulière. Claude Eliot exporte fréquemment les oeuvres des artistes qu'il défend vers les expositions des sociétés des Amis des Arts dont celle de Nancy en 1874416 et de Bourg-en-

413 Ibidem.

414 PATRY, Sylvie, op. cit., 2014, p. 195.

415 GREEN, Nicholas, « Circuits of Production, Circuits of Consumption: The Case of Mid-Nineteenth-Century French Art Dealing », Art Journal, vol. 48, n° 1, 1989, p. 29.

416 SOCIÉTÉ LORRAINE DES AMIS DES ARTS, Catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, Nancy, Imp. Berger-Levrault, 1874.

118

Bresse en 1878417. Les artistes qu'il représente sont des petits maîtres de l'école française ou de jeunes artistes en début de carrière, à l'exemple de son fils Maurice Éliot (1864-1945), âgé de 18 ans et encore élève d'Émile Bin (1825-1897). Quant à Paul Durand-Ruel, l'envoi de ses oeuvres à Tours est à inscrire dans sa démarche de diffusion de l'impressionnisme à l'échelle nationale et internationale. À l'exception de Louis-Émile Bénassit (1833-1902), tous les artistes qu'il représente sont des impressionnistes. À l'évidence Durand-Ruel envoie à Tours des oeuvres récentes exécutées pendant l'année, à l'exemple de la Marée basse à Varengeville (fig. 35) de Claude Monet et deux toiles de Camille Pissarro intitulées Le Goûter (fig. 36) et Femme et enfant au puits (fig. 37). La toile de Monet est réalisée durant son séjour de deux mois à Dieppe. Elle est acquise en avril 1882 par Durand-Ruel avec vingt-deux autres tableaux pour la somme totale de 8 800 francs418. En ce qui concerne les oeuvres de Pissarro, Durand-Ruel les achète respectivement le 28 juin et le 5 août 1882419. Néanmoins, le public tourangeau semble écouter les recommandations du critique du Journal d'Indre-et-Loire qui recommande narquoisement de ne pas les acheter420. Durand-Ruel doit attendre 1888 pour que les deux toiles de Pissarro soient vendues à sa galerie new-yorkaise421. Si quelques années plus tard les oeuvres impressionnistes se vendent à des prix relativement soutenus, en raison de leur exportation aux États-Unis, en 1882 les Salons de province sont encore des espaces d'attractions commerciales pour leur marchand, bien qu'en l'occurrence l'exposition de Tours n'amène aucune vente.

b) Les rendez-vous des collectionneurs

Les expositions en Touraine confrontant simultanément les oeuvres des artistes locaux à celles des artistes de stature régionale et a fortiori nationale voire internationale sont des événements relativement rares. Il semble ainsi que la Société des Amis des Arts de la Touraine s'affère en 1882 à proposer un cadre confortable et prestigieux aux visiteurs de son exposition, en éditant un catalogue mentionnant l'ensemble des oeuvres exposées, dans le but de faciliter la visite, mais également l'achat. La publication d'un catalogue n'est pas chose courante au cours des expositions d'arts vivants en Touraine. Outre la Société Archéologique qui édite un

417 SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE L'AIN, Livret explicatif des ouvrages de peinture, sculpture, dessin, gravure, Bourg, Imp. P. Barbier, 1878.

418 BERGERET-GOURBIN, Anne-Marie, « Claude Monet. Low Tide at Varengeville », [en ligne], Museo Thyssen-Bornemisza : https://www.museothyssen.org/en/collection/artists/monet-claude/low-tide-varengeville Consulté le 19/05/2017.

419 WIDELSTEIN INSTITUTE, PISSARO, Joachim, DURAND-RUEL SNOLLAERTS, Claire, Pissaro catalogue critique des peintures, Paris, Skira, 2005, p. 457-459.

420 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture. Aperçu général. Lettre 1. », op. cit., p. 2.

421 WIDELSTEIN INSTITUTE, op. cit, 2005, p. 457-459.

119

catalogue pour son exposition de 1847 qui mêle concomitamment présentation d'arts anciens et d'arts vivants422, seule la Société des Amis des Arts de la Touraine ne propose un livret pour ses expositions de 1882 et 1887423. Les Amis des Arts s'inspirent à l'évidence des livrets des Salons parisiens lors de la constitution de leur catalogue d'exposition de 1882. En effet dans celui-ci sont indiqués les noms des artistes, leurs lieux de naissance, leurs maîtres, l'adresse de leur atelier ou celle de leur marchand ainsi que les titres de leurs oeuvres, à l'instar des livrets de Salon édités depuis 1852424. De fait, les expositions cataloguées de la Société des Amis des Arts s'inscrivent dans la tradition des Salons français. La mise à disposition d'un catalogue participe à la valorisation de l'exposition, tout en facilitant pour les potentiels acquéreurs l'appréciation des oeuvres présentées.

Les expositions de 1853, 1882 et 1889 ainsi que les Expositions nationales de 1881 et 1892 sont des événements importants pour le commerce des oeuvres des artistes parisiens, puisque décentralisant en province leur commerce. Dès lors elles permettent aux amateurs de profiter d'une variété d'oeuvres provenant de différentes régions. De toutes ces expositions, l'exposition de 1882 est celle pour laquelle les informations sont les plus riches et plus nombreuses, ce qui permet de juger l'importance de son organisation sur le commerce des oeuvres présentées. Cette exposition est l'occasion pour les collectionneurs locaux, et non des moindres, d'acquérir des oeuvres d'artistes vivants de Paris. La nature morte de Philippe Rousseau (1816-1887) intitulée Un repas frugal rejoint la collection de Jacques Drake del Castillo. Elle est vendue pour la somme de 1 500 francs425 (ann. 3.1), ce qui en fait la troisième oeuvre vendue la plus chère à l'exposition après Les Rhododendrons d'Alida Stolck cédée pour la somme de 2 500 francs426 et offerte à la loterie par Mme CÉ - qui est probablement Jenny Conquéré de Monbrisson (1828-1903), membre honoraire et veuve de Maurice Cottier fondateur de la société - et L'Égyptologue (fig. 25) de Georges Moreau acquis par la ville de Tours au prix de 2 000 francs427. Le prix de vente de la toile de Philippe Rousseau s'explique

422 S.A.T., Notice des tableaux et objets d'art exposés à Tours en 1847, Tours, Imp. Lecesne, 1847, Le Mans, Médiathèque Aragon, SA 8* 4108.

423 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit., 1882.

STALL De, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 115, 16 et 17 mai 1887, p. 2.

424 CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., 1852, p. 81.

425 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit., p. 56.

426 Ibid., p. 58.

427 Ibid., p. 51.

120

essentiellement par le succès qu'il remporte auprès des amateurs. Ses natures mortes s'inspirant des travaux des peintres hollandais du XVIIe siècle sont extrêmement recherchées par les collectionneurs d'art vivant depuis le milieu du XIXe siècle. Le président de la Société des Amis des Arts est un collectionneur important d'art contemporain. Son château de Candé abrite effectivement de belles collections, parmi lesquelles figure notamment le Portrait du sculpteur Lorenzo Bartolini (fig. 38) peint par Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1805428. L'achat d'une oeuvre par le président de la société organisatrice fait figure d'exemple. Il est possible que cet achat soit nécessaire pour encourager les acquisitions, d'autant que la vente du Repas frugal est médiatisée dans la presse locale429.

En tout, 49 tableaux, 3 oeuvres sur papier et 11 objets d'art sont vendus au cours de l'exposition de la Société des Amis des Amis de 1882430. À la très grande majorité, les oeuvres des artistes étrangers et principalement parisiens ont été privilégiées par les amateurs de Touraine. Les oeuvres de ces artistes représentent 98% des oeuvres achetées. À l'évidence ce sont les oeuvres de genres mineurs qui sont favorisées. Sur les 49 oeuvres vendues, 23 sont des paysages, 18 des représentations de genre et 8 des natures mortes. Cette répartition correspond finalement au goût des amateurs de l'époque, compte tenu du renversement de la hiérarchie des genres. Si les oeuvres vendues au salon de Tours de 1882 ne représentent qu'un peu plus d'un dixième de l'ensemble des oeuvres exposées, il semble néanmoins que cette exposition figure parmi les plus rémunératrices pour les artistes cette année-là. À la clôture de son exposition, la Société des Amis des Arts publie dans le Journal d'Indre-et-Loire une dépêche, dans laquelle elle démontre que son exhibition « s'est élevée au premier rang, rivalisant avec les grandes villes et avec celles de sociétés ayant un déjà un long passé d'existence »431 en raison du nombre d'oeuvres vendues.

En relevant dans les journaux spéciaux quel chiffre ont atteint les ventes qui se sont faites dans les plus importantes des expositions provinciales organisées par les sociétés artistiques dans le cours de l'année 1882 ; nous trouvons à Douai 16 ventes, à Montbéliard 20, à Versailles 29, à Bordeaux 31, à Saint-Quentin 44, à Auxerre 47, à Rouen 68432.

428 [ANONYME], Exposition de portraits par Ingres et ses élèves, cat. exp., Paris, Fondation de la Maison de Santé du Gardien de la Paix, Paris, Jacques Seligmann & Fils, 1934.

429 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture. Aperçu général. Lettre 1. », op. cit., p. 2.

430 [ANONYME], « Société des Amis des arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 279, 27 et 28 novembre 1882, p. 2.

431 Ibidem.

432 Ibidem.

Au numéro suivant du Journal d'Indre-et-Loire la Société des Amis des Arts corrige le nombre de ventes réalisées à l'exposition rouennaise organisée du 1er octobre au 15 novembre433. Ce ne sont plus 68, mais 58 achats qui ont été effectués à Rouen, faisant de l'exposition de Tours la manifestation artistique de province la plus vendeuse de l'année 1882. Si les chiffres avancés par les Amis des Arts de Touraine n'ont pu être vérifiés, la publication du nombre d'oeuvres d'art vendues participe à la mise en évidence de la réussite de l'exposition et à la valorisation de la jeune association organisatrice. De surcroît la commission de 5% prélevée par la société sur chaque oeuvre vendue participe à compenser les frais liés à l'organisation de l'exposition.

L'exposition de 1882 apparaît comme un unicum en Touraine, de part le nombre de ventes réalisées durant son ouverture, mais également de part la présence massive des artistes étrangers. En effet, plus de trente ans la sépare de la première exposition ouverte aux artistes de la capitale, et il semble qu'il faille attendre 1889 pour qu'une nouvelle exposition soit ouverte à tous les artistes français. Toutefois l'exemple de cette exposition est révélateur des enjeux liés à l'organisation des salons en province. Ils sont effectivement au XIXe siècle et jusqu'au premier quart du XXe siècle, des manifestations non négligeables pour les peintres comme pour les marchands, puisque permettant de trouver des amateurs en dehors de Paris. Les expositions de Tours sont donc à envisager dans la démarche globale de décentralisation du marché de l'art sur l'ensemble du territoire national.

121

433 [ANONYME], « Les expositions prochaines », Courrier de l'art, n° 21, 25 mai 1882, p. 245.

122

CONCLUSION

Malgré plusieurs études monographiques particulièrement érudites réalisées par des chercheurs locaux dont nous reconnaissons sans conteste la somme historiographique434, toutes les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts de Touraine ne profitaient pas jusqu'à ce jour d'études à leur sujet, à l'exemple des Sociétés des Amis des Arts fondées à Tours depuis la première moitié du XIXe siècle. Ce travail consacré aux sociétés artistiques tourangelles entre 1789 et 1914 a donc permis de redécouvrir quelques une d'entre elles, qui ont oeuvré pour le développement de la culture en Touraine. Cette étude permet d'une part de corriger certaines erreurs jusqu'alors acceptées dans l'historiographie et d'autre part d'enrichir les connaissances déjà acquises sur ce vaste sujet de recherche, en proposant une étude globale et impartiale les confrontant toutes ensembles. C'est avec ce projet et l'intention de mettre en parallèle un large corpus de sociétés du département d'Indre-et-Loire, que ce travail a été entrepris, dans l'objectif de démontrer l'implication des associations dans la vie artistique et culturelle de la Touraine sur une longue période chronologique, de près d'un siècle et demi.

Cette étude menée sur les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts s'inscrit à l'évidence dans le champ de l'histoire sociale des arts, puisque qu'elle essaie de retracer des réseaux de sociabilité, des itinéraires personnels d'artistes et d'érudits, de traiter des données à la fois d'ordre historique et sociologique et de conjuguer plusieurs domaines de recherche souvent pluridisciplinaires comme le collectionnisme, le marché de l'art et l'historiographie. Cette démarche intellectuelle et scientifique semble nécessaire pour reconstituer la réalité de l'époque. Dès lors, notre travail procède à son échelle et avec des résultats incontestablement plus modestes, des études entreprises notamment par les historiens de l'art Dominique Dussol et Nicolas Buchaniec, de la sociologue Raymonde Moulin et de l'historien Jean-Pierre Chaline435 qui tous se sont intéressés à l'histoire des sociétés savantes et artistiques et à leurs actions sur les territoires provinciaux, dans l'objectif de définir entre autres, la part d'influence

434 AUDIN, Pierre, op. cit, 2008.

LAURENCIN, Michel, « La Société d'agriculture... », op. cit, 2010.

435 DUSSOL, Dominique, op. cit., 1997. BUCHANIEC, Nicolas, op. cit., 2010. MOULIN, Rayomde, op. cit., 1976. CHALINE, Jean-Pierre, op. cit., 1998.

123

des associations sur la vie artistique, culturelle, pédagogique, économique et sociale dans les départements français au XIXe siècle.

Peut-être que le titre de cette étude soulève quelques interrogations ou commentaires quant à la définition géographique du sujet ? En dépit de recherches bibliographiques et archivistiques, aucune société ou cercle impliqué dans le domaine des Beaux-Arts n'a pu être recensé dans le département en dehors de Tours. Dès lors était-il nécessaire de maintenir ce titre ? Il semble vraisemblablement qu'il faille défendre l'affirmative. Si c'est en la préfecture d'Indre-et-Loire que l'ensemble des sociétés d'émulation artistique se situe, en raison de la présence des institutions politiques, administratives, économiques et culturelles conduisant par là-même à la présence de l'essentiel des membres des sociétés, c'est à l'héritage historique et artistique de la Touraine en général que toutes les associations de Tours font appel dans un souci de légitimité. Les sociétés ne sont plus seulement à inscrire dans une aire géographique, mais dans un périmètre artistique et historique. Il semble donc qu'à l'exemple d'autres sociétés artistiques françaises, dont les Société des Amis des Arts de la Nièvre, de la Moselle, de Savoie ou encore de la Drôme, l'essentiel des sociétés d'Indre-et-Loire s'inscrivent dans le champ plus large du département, à commencer par la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, puis la Société Archéologique de Touraine et la Société des Amis des Arts de la Touraine. Néanmoins un élément distingue certaines d'entre elles : la dénomination de leur secteur géographique. Créée sous l'Empire, période d'abolition des privilèges et des titres de la société d'Ancien Régime, la Société d'Agriculture utilise la dénomination récente du département, à l'inverse des sociétés formées à la Restauration et sous la Troisième République qui font appel à la nomination de l'ancienne province de France. Le recours à la dénomination ancienne du territoire semble participer à l'inscription de ces sociétés, de leurs actions et de leurs membres dans la généalogie historique et artistique de la Touraine, et en particulier à ses heures les plus fastes à l'instar de la Renaissance.

La micro-histoire des sociétés savantes et artistiques d'Indre-et-Loire semble suivre finalement les pérégrinations du contexte de création des sociétés savantes et artistiques françaises. Dès lors les multiples typologies de sociétés référencées à l'échelle nationale se retrouvent dans cette étude. Académies, sociétés littéraires, archéologiques ou artistiques sont autant de catégories de sociétés présentes en Touraine au XIXe siècle qui s'investissent de près ou de loin dans le développement des Beaux-Arts. C'est ce que nous avons essayé de présenter en constituant une histoire chronologique et sociale des formations des sociétés artistiques en Touraine, en débutant notre récit à la Révolution et en le clôturant à la veille de la Grande

124

Guerre. Des premières sociétés, à l'exemple de la Société Royale d'Agriculture de la généralité de Tours aux dernières référencées à l'instar de la Société des Amis des Arts de la Touraine, de la Société Photographique ou paradoxalement de la section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire - héritière lointaine de la première société mentionnée - apparaissent sans grande difficulté, des différenciations majeures dans la forme mais aussi dans le fond, même si toutes sont investies dans le développement des arts.

De fait, toutes ne participent pas aussi activement à l'encouragement des Beaux-Arts, comme le démontre cette étude chronologique des diverses associations. À l'évidence, les sociétés de la fin du siècle et particulièrement la Société des Amis des Arts de la Touraine et la section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire s'investissement plus activement dans l'encouragement des Beaux-Arts en Touraine. L'organisation régulière d'expositions, de loteries, de concours mais également les attributions annuelles de prix et de bourses aux artistes en devenir sont les manifestations sensibles qui les différencient des autres sociétés. Néanmoins les Sociétés des Amis des Arts tourangelles et les associations artistiques s'y apparentant, se distinguent fondamentalement et presque idéologiquement des autres sociétés. À l'exemple de la Société des Amis des Arts de la Touraine, pour laquelle notre étude réserve indéniablement une large place dans le but de mettre en relief son action vis à vis des autres associations du département, les sociétés artistiques de Touraine se distinguent par les membres à l'origine de leur formation. L'essentiel des membres fondateurs sont effectivement des artistes locaux ayant l'ambition de promouvoir et de défendre les arts vivants de leur région. Si les érudits tourangeaux, investis dans les différentes sociétés savantes de Touraine, s'efforcent par leurs écrits de célébrer la mémoire, les arts et le patrimoine monumental local, les artistes regroupés dans les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts semblent s'impliquer dans la construction de l'identité artistique tourangelle depuis le milieu du XIXe siècle. L'organisation d'expositions strictement réservées aux artistes de la région, le rejet des oeuvres des artistes étrangers, l'érection de statues à la mémoire des grands hommes du département ou les diverses sollicitations adressées à l'autorité municipale pour l'acquisition des oeuvres des artistes tourangeaux sont des exemples de la volonté des sociétés artistiques de Touraine de valoriser l'identité locale.

Toutefois, la constitution d'une identité tourangelle ne peut s'opérer de manière isolée par les sociétés, en raison notamment des difficultés financières et règles administratives auxquelles elles sont soumises. Ainsi elles travaillent en collaboration étroites avec les acteurs

125

politiques de la ville, du département et de la nation. Les rapports entretenus entre les instances politiques et les sociétés ont été examinés à partir de documents administratifs, souvent arides pour l'historien, mais contenant des informations utiles et de première main, nécessaires à constituer une chronique administrative, économique et culturelle du quotidien des sociétés artistiques et savantes. Si les administrations municipales, préfectorales et nationales semblent accorder une grande autonomie aux sociétés, elles se révèlent être néanmoins des soutiens constants et nécessaires pour le développement des activités artistiques auquel aspirent les associations. Le prêt de locaux à plus ou moins courtes durées, l'attribution d'oeuvres d'art ou d'allocations pour organiser des expositions et des loteries, sont autant d'actions qui démontrent l'implication des administrations dans le quotidien des sociétés locales. La participation régulière des autorités administratives aux frais des associations artistiques sous-entend l'intérêt de ces dernières dans le développement et l'encouragement des Beaux-Arts sur le territoire national. Tout compte fait, il paraît bien difficile de désigner l'action des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts comme le résultat de la délégation des affaires culturelles de l'État, en raison de son implication régulière dans le quotidien des associations. À l'évidence, il faut envisager l'organisation des manifestations locales de Beaux-Arts comme la conséquence de cette relation bilatérale.

En ce qui concerne les sociétés artistiques de Touraine, notre étude paraît démontrer le rôle particulier qu'elles jouent dans les affaires culturelles de Tours et du département au XIXe siècle. Si en dehors de leurs actions, les arts et la culture ne sont pas annihilés, il semble qu'ils soient relativement restreints. Le musée et l'école des Beaux-Arts sont effectivement les seules institutions artistiques locales au XIXe siècle. Notre étude prouve dès lors que les sociétés artistiques sont des acteurs majeurs de la vie culturelle à cette époque et qui ont conscience à la fois de leur rôle philanthropique et pédagogique. Les sociétés sont en effet à l'origine de nombreuses souscriptions pour l'érection de statues à la mémoire des grands hommes du département. Outre le devoir de mémoire, ces monuments ont l'intention d'inspirer la population à suivre la voie des personnages statufiés. Aussi, il faut noter que toutes les expositions se tenant à Tours au XIXe siècle sont établies par les sociétés du département, à l'exception toutefois de celles de 1881 et 1892, organisées par des commissions municipales dont l'essentiel des membres sont néanmoins sociétaires des associations artistiques et savantes de Touraine.

Il est fort probable que d'autres expositions aient été organisées en dehors de celles que nous avons mentionné dans notre travail, en raison d'un dépouillement non exhaustif de la

126

presse sur cent vingt-cinq ans. Toutefois, lumière a été faite sur plusieurs d'entre elles, jusqu'alors non mentionnées dans les travaux touchant à l'histoire culturelle locale436. Toutes ces expositions n'ont à l'évidence pas la même destination. Quand certaines se veulent exclusivement pédagogiques, comme les expositions rétrospectives de la Société Archéologique de Touraine, présentant les oeuvres conservées dans les collections particulières du département, d'autres se proposent d'encourager les artistes vivants en se faisant lieu d'attraction commercial, puisque proposant un cadre de vente dont les artistes locaux ont rarement à disposition, comme nous le présentons dans notre travail.

Cependant, la majorité des expositions se rejoignent en mettant en lumière les mérites de la production locale, qu'elle soit ancienne ou contemporaine. En effet, les expositions rétrospectives sont l'occasion d'inscrire dans l'histoire de l'art, alors en construction, les spécificités du patrimoine artistique régional, à l'exemple des céramiques de Charles-Jean Avisseau qui permettent d'une part de faire la jonction entre art ancien et art vivant et qui sont à l'évidence d'autre part les éléments les plus caractéristiques de l'école de Tours. Nous nous efforçons ainsi dans notre travail de démontrer l'importance de l'action des sociétés de Beaux-Arts dans ce chantier de reconstruction identitaire. Outre l'art d'Avisseau et de ses suiveurs, l'art vivant tourangeau ne semble pas disposer d'une esthétique particulière. Dès lors les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, et principalement la Société des Amis des Arts de la Touraine et la section artistique de la Société d'Agriculture s'emploient à former un cercle d'artistes placés sous l'égide des maîtres tourangeaux faisant carrière à Paris. Aussi ne faut-il pas oublier que la définition d'artiste tourangeau que donnent les sociétés artistiques est poreuse et semble profiter aux artistes de stature locale.

Si l'essentiel des expositions organisées à Tours sont strictement réservées aux artistes locaux, dans l'objectif de soutenir leur production, certaines sont ouvertes aux artistes étrangers et notamment parisiens. Pour les organisateurs, la présence de ces artistes valorise à n'en pas douter leurs expositions. Aussi, la confrontation de la population tourangelle aux oeuvres des artistes de Paris se présente comme des rencontres bénéfiques pour chacun des partis. En effet, la majorité des habitants de Tours et des jeunes artistes de la région ne sont que rarement confrontés à l'art vivant de la capitale. Dès lors les expositions sont à comprendre comme des événements à la fois pédagogiques et mercantiles. Pour les artistes qui y exposent, elles sont

436 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit. 1992, p. 141-143. BENÂTRE, Nathalie, op. cit., 1988, p. 114-123. BROGARD, Clémence, op. cit. 2016, p. 125.

127

effectivement à appréhender comme des avatars de la décentralisation du marché de l'art de Paris vers la province. Les salons provinciaux en général, les expositions sociétales de Touraine en particulier sont des manifestations intéressantes pour l'ensemble des artistes français confrontés à une vive concurrence. Dès lors, ces expositions se présentent comme un second marché de l'art où les artistes trouvent en dehors de la capitale des mécènes et des amateurs. L'exemple particulier de l'exposition de 1882 organisée par la Société des Amis des Arts de la Touraine le démontre. Toutefois, nous concluons que cette exposition est à envisager comme un événement inédit en Touraine, puisqu'elle semble être la seule à avoir accueillie autant d'artistes étrangers et avoir induit autant de ventes au cours de son ouverture.

Si les sociétés tourangelles sont bénéfiques pour les artistes en leur apportant notamment une visibilité certaine, qu'en est-il finalement pour la population, pour laquelle elles se proposent généralement de développer le goût des arts ? À l'évidence, toutes les couches de la société tourangelle ne sont pas touchées par l'action des sociétés savantes et artistiques, malgré des vertus philanthropiques affirmées, qui se soldent par des essais de démocratisation des manifestations culturelles. L'abaissement des tarifs, l'adjonction d'événements culturels plus populaires aux expositions d'art vivant ou l'organisation de loterie sont autant d'opérations qui s'inscrivent dans la démarche de démocratisation de la consommation artistique au XIXe siècle. Pour autant nous démontrons que la participation au quotidien des associations et aux activités organisées par celles-ci reste l'apanage de l'élite tourangelle en analysant à la fois les profils des membres des bureaux des différentes sociétés et en observant la fréquentation des expositions et des tarifs des cotisations par exemple.

Le travail proposé n'est pas insoumis à la critique. Toutefois, il nous semble qu'il permet de mieux appréhender dans leur globalité, les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, principaux promoteurs de l'art en province au XIXe siècle. Sans prétention aucune, ce mémoire fournit une base solide pour tout historien sensible aux questions des sociabilités artistiques au XIXe siècle en Touraine et qui souhaiterait affiner cette première recherche. Si l'essentiel des sociétés convoquées dans cette étude sont pluridisciplinaires, ce sont manifestement les arts plastiques qui ont été les plus étudiés. Il reste donc du travail à l'historien musicologue ou spécialiste des arts du spectacle, pour retracer la vie musicale et dramatique en Indre-et-Loire au XIXe siècle, d'autant que les sociétés orphéoniques et théâtrales sont abondantes dans le département comme en témoigne le dépouillement des dossiers administratifs des

128

associations437. En ce qui concerne principalement le développement des Beaux-Arts par l'intermédiaire des sociétés artistiques, il serait intéressant d'élargir la recherche à l'ensemble de la région pour proposer une histoire comparative des associations des différents départements limitrophes. Sans doute serait-il nécessaire de conserver la chronologie fixée pour cette étude. Mais avant tout, il faudrait définir les limites géographiques de la région, puisque cette division administrative n'existe pas en tant que telle au XIXe siècle. Il serait possible par exemple, d'étudier les sociétés issues des départements conviés à participer aux expositions des produits des arts et de l'industrie en Touraine, que sont la Sarthe, la Loire-Inférieure, le Loiret, la Vienne, l'Indre, le Maine-et-Loire et le Loir-et-Cher. Cette étude pourrait s'appuyer sur des travaux déjà menés sur les sociétés locales de ces départements438. Les sources à disposition sont probablement les mêmes que celles nécessaires à constituer notre étude, à l'instar de la presse, des archives administratives et autres livrets et catalogues d'exposition. Ce travail permettrait notamment de retracer des réseaux entre les membres des diverses sociétés, comprendre la réception des artistes régionaux au cours des différentes expositions et redéfinir plus généralement la cartographie de la vie artistique en province au XIXe siècle.

437 Police 1800-1940 : Associations, cercles et sociétés, Tours, Archives départementales d'Indre-et-Loire, 4M 168 à 265.

438 CRÉTIN-NICOLO, Olivia, op. cit., 2003.

ROSENEAU, Ariane, La Société des Amis des Arts d'Angers, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art, Université Paris-Sorbonne, 1986.

129

BIBLIOGRAPHIE

I) Sources :

1.1) Sources d'archives : Paris, Archives nationales :

· Expositions en province (Neuilly-Wassy) et divers : patronage des Beaux-Arts, prêts et éventuellement achats d'oeuvres d'art. 1879-1935 : Tours (Indre-et-Loire), F/21/4085.

· Expositions en province, Tours (Indre-et-Loire), F/21/541. Tours, Archives municipales :

· Délibérations des Conseils municipaux de la ville de Tours, 1D 53 à 58 et 72.

· Dépôts d'oeuvres au musée des Beaux-Arts de Tours, 2R1 223.

· École municipale de dessin. Remise des récompenses, 2R1 3.

· Expositions de l'art et de l'industrie, Indre-et-Loire, 2F 14.

· Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, 48Z 1 à 24.

· Sociétés savantes d'Indre-et-Loire. 2R 401/1.

· Sociétés savantes d'Indre-et-Loire : 2R 401/2.

Tours, Archives départementales :

· Musée de Tours, 4 T (en cours de reclassement).

· Police 1800-1940. Associations, cercles et sociétés : autorisations et contrôles 4M 168 à 261.

· Sociétés savantes, cote T1395 (en cours de reclassement).

· Société des Amis des Arts de la Touraine, T1406 à T1408. 1.2) Sources imprimées :

1.2.1) Dictionnaires et encyclopédies :

- BELLIER DE LA CHAVIGNERIE, Émile, Dictionnaire général des artistes de l'École française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours, t. Paris, Librairie Renouard, 1882-1885.

- DIDEROT, Denis, ALEMBERT, Jean d', Encyclopédie, t. I, Paris, 1751.

- LAROUSSE, Pierre (éd.), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, t. I, Paris, Larousse, 1867.

130

- ROBERT, Adolphe (éd.), BOURLOTON, Edgar (éd.), COUGNY, Gaston (éd.), Dictionnaire des parlementaires français, t. V, Paris, Bourloton éditeur, 1891.

1.2.2) Livrets, programmes, rapports d'expositions et mémoires des sociétés artistiques et savantes tourangelles :

- Commission d'organisation de l'exposition des arts et de l'industrie, Programme de l'exposition des produits des arts et de l'industrie du 10 au 31 mai 1841, Tours, Mame, 1841.

- CROY D'ARGENSON, Raoul de, « Rapport de la section des Beaux-Arts », Exposition des produits de l'industrie et des arts à Tours (Mai 1841). Rapports des diverses commissions, Tours, Mame, 1841.

- PALUSTRE, Léon, Album de l'exposition rétrospective des Beaux-Arts de Tours, Tours, Georget-Joubert, 1873.

- PALUSTRE, Léon, Mélanges d'art et d'archéologie : objets exposés à Tours en 1887, Tours, L. Péricat, 1887.

- PALUSTRE, Léon, Album de l'exposition rétrospective de Tours, Tours, Imp. L. Péricat, 1890.

- SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE TOURAINE, Bulletins, t. I-XXVI, Tours, Imp. Deslis, 1842-1937.

- SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DU

DÉPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE, Annales, t. I-XC, Tours, Imp. Deslis, 1821-1910. - SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE LA TOURAINE, Comptes-rendus, Tours, Imp.

Juliot, 1881-1892.

- SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE LA TOURAINE, Exposition de 1882, cat. exp., Tours, Hôtel de ville, Tours, Imp. Rouillé-Ladevèze, 1882.

- VILLE DE TOURS, Exposition des Beaux-Arts, Tours, Imp. Ernest Mazereal, 1881.

- VILLE DE TOURS, Salon des Beaux-Arts 1923, cat. exp., Tours, Hôtel de ville, Tours, E. Arrault et Cie, 1923.

1.2.3) Presse :

· Chronique des arts et de la curiosité, Paris, Grande Imprimerie :

- D. C., « Exposition de la Société des Amis des Arts de la Touraine », Chronique des Arts et de la Curiosité, n°32, 28 octobre 1882, p. 246-247.

· 131

Courrier d'Indre-et-Loire, Tours, s. n. :

- [ANONYME], « Exposition des produits des arts et de l'industrie », Courrier d'Indre-et-Loire, n° 48, 8 avril 1841, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts à Tours », n° 49, 10 avril 1841, p. 1.

· Courrier de l'Art, Paris, Imp. De l'Art :

- [ANONYME], « Les expositions prochaines », Courrier de l'art : chronique hebdomadaire des ateliers, des musées, des expositions, des ventes publiques, n° 21, 25 mai 1882, p. 245.

- [ANONYME], « Expositions prochaines », Le Courrier de l'art : chronique hebdomadaire des ateliers, des musées, des expositions, des ventes publiques, n° 46, 14 novembre 1884, p. 549.

· Gazette des Beaux-Arts, Paris, Imp. De J. Claye :

- BLANC, Charles, « La société des Arts unis », Gazette des Beaux-arts », t. VI, 1er juin 1860, p. 257-265.

- LAGRANGE, Léon, « Des expositions provinciales d'objets d'art et de curiosité », Gazette des Beaux-Arts, t. II, 15 avril 1859, p. 93-109.

- LAGRANGE, Léon, « Exposition rétrospective de tableaux de maîtres anciens », Gazette des Beaux-Arts, t. XX, 1er mai 1866, p. 573-577.

- LAGRANGE, Léon, « Des Sociétés des Amis des Arts en France. Leur origine, leur état actuel, leur avenir ». Gazette des Beaux-Arts, 1er mars 1861, p. 291-301, t. IX ; 1er avril 1861, p. 29-47, 15 avril 1861, p. 102-117, 1er mai 1861, p. 158-168 ; 15 mai 1861, p. 227242, t. X.

· Journal des Artistes, Paris, Imp. Ducessois :

- [ANONYME], « Nouvelles des arts », Journal des Artistes, n° 21, 26 mai 1839, p. 334-336. - J. H., « Exposition de tableaux à Tours », Journal des Artistes, n° 23, 6 juin 1841, p. 354356.

· Journal d'Indre-et-Loire, Tours, Imp. Mame :

1835 :

- [ANONYME], « Conseil Municipal de Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 23, 1er février 1835, p. 1.

- [ANONYME], « Conseil Municipal de Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 73, 27 mai 1835, p. 1.

- [ANONYME], « Tours. Avis important », Journal d'Indre-et-Loire, n° 55, 5 avril 1835, p. 1.

132

1841 :

- [ANONYME], « Exposition du produit des arts et de l'industrie », Journal d'Indre-et-Loire,

n° 47, 3 avril 1841, p. 1.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, 9

avril 1841, p. 1.

- [ANONYME], « Exposition du produit des arts et de l'industrie », Journal d'Indre-et-Loire,

n° 66, 13 mai 1841, p. 1.

- [ANONYME], « Exposition de peinture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 67, 15 mai 1841, p.

2.

- [ANONYME], « Peinture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 69, 17 mai 1841, p. 2.

- [ANONYME], « Peinture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 71, 19 mai 1841, p. 2.

- [ANONYME], « Peinture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 75, 23 mai 1841, p. 2.

- [ANONYME], « Tours. Tirage de la loterie des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire,

n° 75, 23 mai 1841, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition des produits des arts et de l'industrie », Journal d'Indre-et-

Loire, n° 76, 2 juin 1841, p. 1-2.

1847 :

- [ANONYME], « Tours. Commission d'organisation de l'exposition de tableaux », Journal

d'Indre-et-Loire, n° 108, 8 août 1847, p. 2.

- [ANONYME], « Tours. Commission d'organisation de l'exposition de tableaux », Journal

d'Indre-et-Loire, n° 109, 10 août 1847, p. 1-2.

- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art. Premier article. », Journal

d'Indre-et-Loire, n° 120, 3 septembre 1847, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art. Deuxième article. », Journal

d'Indre-et-Loire, n° 121, 5 septembre 1847, p. 1-2.

- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art. Troisième article. », Journal

d'Indre-et-Loire, n° 122, 7 septembre 1847, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art. Quatrième article. », Journal

d'Indre-et-Loire, n° 123, 9 septembre 1847, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art. Premier article. », Journal

d'Indre-et-Loire, n° 124, 11 septembre 1847, p. 1-2.

1853 :

- [ANONYME], « Tours. Exposition de tableaux », Journal d'Indre-et-Loire, n° 194, 14 août

133

1853, p. 1.

- [ANONYME], « Exposition de Peinture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 205, 1er septembre 1853, p. 2.

- [ANONYME], « Tours. Exposition de Peinture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 211, 8 septembre 1853, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition de Tableaux », Journal d'Indre-et-Loire, n° 215, 11 septembre 1853, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes. Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 220, 17 septembre 1853, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition de Peinture. Deuxième article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 224, 22 septembre 1853, p. 1-2.

- [ANONYME], « Exposition de Peinture. Troisième article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 227, 15 septembre 1853, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition de Tableaux modernes. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 232, 1er octobre 1853, p. 1.

- [ANONYME], « Exposition de Peinture. Quatrième article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 233, 2 octobre 1853, p. 1-2.

1882 :

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 144, 9 juin 1882, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts. Exposition de Beaux-Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 224, 23 septembre 1882, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 259, 4 novembre 1882, p. 2.

- [ANONYME], « Exposition de la Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 265, 11 novembre 1882, p. 3.

- [ANONYME], « Société des Amis des arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 279, 27 et 28 novembre 1882, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 229, 29 septembre 1882, p. 2.

- [ANONYME] « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 283, 2 décembre 1882, p. 3.

- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture. Aperçu général. Lettre 1. »,

134

Journal d'Indre-et-Loire, n° 254, 28 octobre 1882, p. 2.

- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La peinture de genre et de fantaisie. Lettre II », n° 257, 1er novembre 1882, p. 2.

- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La peinture de genre et de fantaisie. Lettre III », n° 258, 2-3 novembre 1882, p. 2.

- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La peinture de genre et de fantaisie. Lettre IV », n° 261, 6-7 novembre 1882, p. 2-3.

- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. Peintres de natures mortes. Lettre V », n° 262, 8 novembre 1882, p. 2.

- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. Paysages, marines, portraits et divers. Lettre VI », n° 265, 11 novembre 1882, p. 2-3.

- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. Paysages, marines, portraits et divers. Lettre VII », n° 268, 15 novembre 1882, p. 2-3.

1884 :

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 114, 15 mai 1884, p. 2.

1885:

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 90, 17 avril 1885, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 108, 8 mai 1885, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 111, 11-12 mai 1885, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine. Exposition des Beaux-arts et des Arts décoratifs », Journal d'Indre-et-Loire, n° 112, 13 mai 1885, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine. Sculpture », Journal d'Indre-et-Loire, n° 116, 18-19 mai 1885, p. 2.

- [ANONYME], « Société des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 137, 13 juin 1885, p. 2.

1886 :

- [ANONYME], « Le salon tourangeau, Journal d'Indre-et-Loire, n° 135, 10 juin 1886, p. 2.

135

- DE STALL, « Société des Amis des Arts. Exposition annuelle », Journal d'Indre-et-Loire, n° 104, 2 et 3 mai 1886, p. 2.

- DE STALL, « Société des Amis des Arts. Exposition annuelle », Journal d'Indre-et-Loire, n° 106, 6 mai 1886, p. 2.

- DE STALL, « Société des Amis des Arts. Exposition annuelle », Journal d'Indre-et-Loire, n° 111, 12 mai 1886, p. 2.

- DE STALL, « Société des Amis des Arts. Exposition annuelle », Journal d'Indre-et-Loire, n° 119, 21 mai 1886, p. 2.

1887 :

- DE STALL, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 114, 15 mai 1887, p. 2.

- DE STALL, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 115, 16-17 mai 1887, p. 2.

- DE STALL, « Le Salon Tourangeau », Journal d'Indre-et-Loire, n° 117, 19 mai 1887, p. 2. - DE STALL, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 125, 29 mai 1887, p. 2.

1889 :

- DIVRAY, Jean, « L'exposition de la rue Saint-François », Journal d'Indre-et-Loire, n° 106, 5 mai 1889, p. 2.

1898 :

- [ANONYME], « Une exposition à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 39, 16 février 1898, p. 2

- [ANONYME], « Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres : Une exposition à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 49, 27 février 1898, p. 3.

- [ANONYME], « Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres : Une exposition à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 57, 9 mars 1898, p. 2-3.

- [ANONYME], « Une exposition à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 71, 24 mars 1898, p. 2

- [ANONYME], « Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres : Une exposition à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 75, 31 mars 1898, p. 2.

- [ANONYME], « L'exposition des Beaux-arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 82, 8 avril 1898, p. 2.

136

- [ANONYME], « Exposition des Beaux-arts et des Arts décoratifs », Journal d'Indre-et-Loire, n° 94, 22 avril 1898, p. 2.

- BEAUSSIER, Henri, « L'exposition des Beaux-arts et des Arts décoratifs », Journal d'Indre-et-Loire, n° 85, 11-12-13 avril 1898, p. 2-3.

- LEMOINE, J., « Exposition des Beaux-arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 77, 2 avril 1898, p. 2.

1899 :

- [ANONYME], « Exposition des Beaux-arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 249, 22 octobre 1899, p. 2.

- MOREL, L., ROUGÉ, A., « Exposition annuelle des Beaux-arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 236, 6 octobre 1899, p. 2.

· L'Artiste, Paris,

- [ANONYME], « Salon de 1838 », L'Artiste, (t. XV, première série, Paris, 1838), Genève, Slatkine Reprints, 1972, p. 173.

- ARNAUD, Camille d', « Beaux-Arts », L'Artiste, t. VII, 4ème série, 1846, p. 208.

· La Petite France, Tours, s. n. :

- [ANONYME], « Chronique régionale », La Petite France, n° 134, 14 mai 1887.

· L'Écho littéraire et artistique, Tours, Imp. P. Salmon :

- [ANONYME], « Chronique régionale », L'Écho littéraire et artistique, févier 1904, p. 3132.

- [ANONYME], « Chronique régionale », L'Écho littéraire et artistique, mars 1904, p. 4748.

- [ANONYME], « Chronique régionale », L'Écho littéraire et artistique, mai 1904, p. 7879.

· La revue littéraire et artistique de Touraine, Tours, Imp. Moderne, Bardot-Berruer : - [ANONYME], « Les artistes tourangeaux au Salon de Paris », Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 28, 1er juin 1887, p. 222.

- BRIAND, Paul, « La Bibliothèque de la Société des Amis des arts de la Touraine », Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 23, 1er janvier 1887, p. 43-44.

- LEBLOIS, Paul, « La Touraine au Salon de Paris », Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 4, 1er Juin 1885, p. 66-68.

- R. T., « Une exposition indépendante de Beaux-Arts », Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 40, 1erjuin 1888, p. 279.

- VALENCES, Jehan des, « Causerie à propos de l'Exposition des Beaux-Arts et des arts

137

décoratifs de la Société des Amis des Arts de la Touraine », Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 4, 1er Juin 1885, p. 60-66.

- VALENCES, Jehan des, « L'exposition des Amis des Arts de Tours de 1886 », Revue littéraire et artistique de Touraine, n°16, 1er Juin 1886, p. 117-120

- VALENCE, Jehan des, « Le Salon de Tours », Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 28, 1er juin 1887, p. 220-222.

· La Touraine littéraire et artistique, organe de la Société littéraire et artistique, Tours, Imp. P. Salmon :

- PLEIXE, F. du, « Le Monument Bretonneau-Trousseau-Velpeau », La Touraine littéraire et artistique, n° 5, 1909, p. 85.

· La Touraine, revue littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du Centre et de l'Ouest, Tours, s. n. :

- [ANONYME], « Les soirées de Gala de la Société les Amis des Arts de la Touraine », La Touraine n° 5, 15 février 1913, p. 173-175.

- [ANONYME], « Le Salon Tourangeau », La Touraine, n° 8, 15 mai 1913, p. 250-253.

- [ANONYME], « La Touraine au Salon de 1913, La Touraine, n° 9, 15 juin 1913, p. 308310.

- [ANONYME], « Le Salonnet Tourangeau », La Touraine, n° 20, Mai 1914, p. 292.

- [ANONYME], « Écho des sociétés savantes », La Touraine, n° 1 à 21, octobre 1912 à juin 1914.

- HENNION, Horace, « A Pierre de Ronsard », La Touraine, n° 1, 15 octobre 1912, p. 4-8. 1.2.4) Divers :

- DUCHEMIN-RIBOUT, La ville de Tours et ses environs, Tours, Imp. Ladevèze, 1853.

- MARET-LERICHE, Jules, Les expositions d'art au XIXe siècle, Paris, Imp. Schiller, 1866. - Ministère de l'Instruction publique, Annuaire des sociétés savantes de la France et de

l'étranger, Paris, Victor Masson, 1846.

- PESQUIDOUX, Léonce, Voyage artistique en France. Études sur les musées d'Angers, de Nantes, de Bordeaux, de Rouen, de Dijon, de Lyon, de Montpellier, de Toulouse, de Lille, etc., etcÉ, Paris, Michel-Lévy, 1857.

- SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE LA TOURAINE, Cinquantenaire de la Société des Amis des Arts de la Touraine 20 décembre 1931, Tours, imp. Deslis, 1931.

138

II) Ouvrages consultés :

- ALCOUFFE, Daniel (éd.), DION-TENENBAUM, Anne (éd.), ENNéS, Pierre (éd.), Un âge d'or des arts décoratifs 1814-1848, cat. exp., Paris, Grand Palais, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1991,

- AGULHON, Maurice, « La statuomanie et l'histoire », Ethnologie française, nouvelle série, t. VIII, n° 2, p. 145-172.

- ANDIA, Béatrice de (éd.), Les expositions universelles à Paris de 1855 à 1937, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2005

- ANGRAND, Pierre, Histoire des musées de province au XIXe siècle, t. IV, Les Sables d'Olonne, Le Cercle d'Or, 1986.

- AUGOUVERNAIRE, Martine, Collectionneurs, Amateurs, et curieux au XIXème siècle en Indre-et-Loire, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction d'Isabelle Brelot, Université François Rabelais de Tours, 1992.

- AUDIN, Pierre, « La Société littéraire et artistique de la Touraine. Soixante ans de vie culturelle provinciale », in Mémoires de l'Académie ses sciences, arts et belles-lettres de Touraine, 2008, p. 137-153.

- BENåTRE, Nathalie, Un musée de Province au XIXème : le musée des Beaux-Arts de Tours dès origines à 1910, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction d'Alain Corbin, Université François Rabelais de Tours, 1988.

- BÉNÉZIT, Emmanuel, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, Paris, Gründ, 1949.

- BENOIT, Serge (éd.), EMPTOZ, Gérard (éd.), WORONOFF, Denis (éd.), Encourager l'innovation en France et en Europe. Autour du bicentenaire de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Paris, CTHS, 2006.

- BERGOT, François, Trésors de l'Académie des Sciences, Belles-Lettre et Arts de Rouen, Bonsecours, Editions point de vue, 2009.

- BERNARD, Bruno (éd.), Loteries en Europe. Cinq siècles d'histoire, Gand, Snoeck-Ducaju & Zoon, 1994.

- BERTINET, Arnaud, Les musées de Napoléon III une institution pour les arts (1849-1872),

139

Paris, Mare et Martin, 2015.

- BOISNARD, Luc, Dictionnaire des anciennes familles de Touraine, Mayenne, Éd. Régionales de l'Ouest, 1992.

- BROGARD, Clémence, Une exposition rétrospective en province : Le cas de l'exposition des Beaux-Arts de Tours en 1873, mémoire de master 1 d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de France Nerlich, Université François-Rabelais de Tours, 2016.

- BRUNNER, Marie-Ange, « Bibliographie des expositions en province 1815-1850 », Gazette des Beaux-Arts, XCV, 1980, p. 198-212.

- BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province : les expositions artistiques dans le nord de la France 1870-1914, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.

- BUYSSENS, Danielle, « Les expositions loteries de la Société des Amis des Beaux-Arts de Genève (1822-1830) ; analyse d'un échec », in JACCARD, Paul-André, GUEX, Sébastien, BUYSSENS, Danielle, Le marché de l'art en Suisse, Zurich, Institut Suisse pour l'Étude de l'Art, 2011.

- CHALINE, Jean-Pierre, Sociabilité et érudition les sociétés savantes en France, Paris, Ed. C. T. H. S, 1998.

- DÉMIER, Francis, La France du XIXe siècle 1814-1914, Paris, Éditions du Seuil, 2000.

- DIDELOT, Emmanuelle, Les petites heures d'un marché de l'art dans une ville de province à la fin du XVIIIe siècle : vendeurs d'objets de collection, amateurs d'art et collectionneurs à Tours sous le règne de Louis XVI : 1774-1792, mémoire de master, sous la direction de France Nerlich, Université François-Rabelais de Tours, 2007.

- DUSSOL, Dominique, Art et bourgeoisie la Société des Amis des Arts de Bordeaux (18511939), Bordeaux, Le Festin, 1997.

- FÉNÉAN, Jacques, Histoire de la Franc-maçonnerie en Touraine, Chambray-les-Tours, C.L.D., 1981.

- FINE, Agnès, « Bibliographie des expositions en province. 1851-1870 », Gazette des Beaux-Arts, vol. 96, 1980.

- GILET, Annie, « De l'école de dessin au musée, histoire d'une collection », in Dessins XVe-XXe siècle. La collection du musée de Tours, cat. exp. Tours, Musée des Beaux-Arts, Tours, imp. Mame, 2001, p. 11-22.

- GIRAUDET, Ernest, Histoire de la ville de Tours, t. II, Tours, Les principaux libraires, 1873. - GIRAUDET, Ernest, « Les artistes tourangeaux : architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs, graveurs, orfèvres, peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse. Notes et

140

documents inédits », Mémoire de la Société Archéologique de Touraine, t. XXXIII, Tours, imp. Rouillé-Ladevèze, 1885.

- GOUY, Isabelle, « La Société des Amis des Arts à Lyon au XIXe siècle », in Travaux de l'Institut d'Histoire de l'Art de Lyon, 1985, p. 109-114.

- GREEN, Nicholas, « Circuits of Production, Circuits of Consumption: The Case of Mid-Nineteenth-Century French Art Dealing », Art Journal, vol. 48, n° 1, 1989, p. 29-34.

- HASKELL, Francis, L'amateur d'art, (s. l., trad. de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat), Paris, Librairie Générale Française, 1997.

- HASKELL, Francis, The Ephemeral Museum Old Masters Paintings and the Rise of the Art Exhibition, s.d. (Le musée éphémère : Les maîtres anciens et l'essor des expositions, trad. de l'anglais par Pierre-Emmanul Dauzat, Paris, Gallimard, 2002).

- HAUG, Hugo, La Société des Amis des Arts de Strasbourg ; 1832-1932, Strasbourg, imp. Alsacienne, 1932.

- HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, Marché(s) de l'art en province, actes de colloque, Bordeaux, Bibliothèque municipale, 30 janvier et 1er février 2008, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010.

- LAHALLE, Agnès, Les écoles de dessin au XVIIIe siècle. Entre arts libéraux et arts mécaniques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006,

- LAURENCIN, Michel, Dictionnaire biographique de Touraine, Chambray-lès-Tours, CLD, 1990.

- LAURENCIN, Michel, La vie quotidienne en Touraine au temps de Balzac, Paris, Hachette, 1980.

- LAURENCIN, Michel, « La Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire : du siècle des Lumières à l'époque contemporaine », Mémoires de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, XXIII, 2010, p. 91-123.

- LAVISSE, Ernest, LEMONNIER, Henry, Mélanges offerts à M. Henry Lemonnier, Paris, Champion, 1913.

- LE COEUR, Marc « Le Salon annuel de la Société des Amis des Arts de Pau, quartier d'hiver des impressionnistes de 1876 à 1879 », in Histoire de l'art, 1996, p. 57-70.

- LE FRANÇOIS, Thierry, Catalogue des peintures, dessins et estampes acquis depuis 150 ans par la Société des Amis des Arts de la Rochelle, La Rochelle, Éditions des Musées d'Art et d'Histoire, 1993.

141

- LEMAIRE, Gérard-Georges, « La naissance de la presse artistique et le Salon », L'oeil, n° 564, décembre 2004, p. 88-89.

- LONG, Véronique, « Les collectionneurs d'oeuvres d'art et la donation au musée à la fin du XIXe siècle : l'exemple du musée du Louvre », Romantisme, n°112, 2001, p. 45-54.

- LUCAS, Jean-Jacques, Collectionneurs en province ouest-Atlantique (1870-1953), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.

- MARTIN-FUGIER, Anne, La vie d'artiste au XIX ème siècle, Paris, Éd. Louis Audibert, 2007.

- MILLLET, Audrey, « Charles-Antoine Rougeot et Jean-Jacques Raverot : itinéraire d'une famille au sein des écoles de dessin de Tours (1776-1826) », in ENFERT, Renaud d', FONTENEAU, Virginie, Espace de l'enseignement scientifique et technique. Acteurs, savoirs, institutions XVIIe-XXe siècles, Paris, Hermann, 2011, p. 109-118.

- MIOCHE, Laura, Gaëtan Cathelineau (1787-1859) : Artiste, collectionneur et donateur tourangeau, mémoire de master d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de France Nerlich, Université François Rabelais de Tours, 2010.

- MOREAU, Véronique, Peinture du XIXe siècle : 1800-1914, Vol. 1 et 2, Paris, Imp. Nationale, 1999.

- MOULIN, Raymonde, « Les bourgeois amis des arts », in Revue française de sociologie, XVII, 1976, p. 383-422.

- PELTIER, Anne, Les commissaires-priseurs et les ventes à Tours au XIXème siècle, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction de Sylvie Aprile, Université François Rabelais de Tours, 1999.

- RAUX, Sophie, « Les loteries de François Verbeelen dans les Flandres (1595-1608) », in COQUERY, Natacha (éd.), BONNET, Alain (éd.), Le commerce de luxe. Production, exposition et circulation des objets précieux du Moyen âge à nos jours, actes de colloque, Paris, Mare et Martin, 2015, p. 103-109.

- ROCHE, Daniel, Le siècle des Lumières en province : Académies et Académiciens provinciaux 1680-1789, Paris, Mouton, 1978.

- ROTH-MEYER, Clothilde, « Le phénomène de la location de tableaux par les marchands de couleurs parisiens au XIX », Histoire de l'art, n°58, 2006, p. 57-66.

142

- SANDT, Udolpho van de, La Société des Amis des Arts (1789-1798) un mécénat patriotique sous la Révolution, Paris, ENSBA, 2006.

- SANDT, Udolpho van de, « Les collections de la Société des Amis des Arts », in PRETI-HAMARD, Monica (éd.), SÉNÉCHAL, Philippe (éd.), Collections et marché de l'art en France 1789-1848, actes de colloque, Rennes, décembre 2003, Presses universitaires de Rennes/Institut national d'histoire de l'art, 2005, p. 73-86.

- SCHURR, Gérald, CABANNE, Pierre, Dictionnaire des Petits Maitres de la peinture, 18201920, Paris, Les Éditions de l'Amateur, 2008.

- SCHWEITZ Daniel, « De l'anthropologie préhistorique à la muséologie ethnoarchéologique : une scène de la vie au Néolithique reconstitué par le docteur Ledouble à l'Exposition nationale de Tours (1892) », Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. LX, 2014, p. 305-342.

- SOFIO, Séverine, « Les marchands de couleurs au XIXe siècle, artisans ou experts ? (Paris, Tours) », Ethnologie Française, n° 165, janvier 2017, p. 75-86.

- VÉDRINE, François, La Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire (1820-1880), mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction de Claude-Isabelle Brelot, Université François-Rabelais de Tours, 1993.

- VITRY, Paul, Le Musée de Tours, Paris, H. Laurens, 1911.

- WHITE, Harrison et Cynthia, La carrière des peintres au XIX ème siècle : du système académique au marché impressionniste, (s.l., trad. de l'anglais par Antoine Jaccottet, 1991), Paris, Flammarion, 2009.

- WHITELEY, Linda, « Art et commerce d'art en France avant l'époque impressionniste », Romantisme, n°40, 1983, p. 65-76.

- WIDELSTEIN INSTITUTE, PISSARO, Joachim, DURAND-RUEL SNOLLAERTS, Claire, Pissaro catalogue critique des peintures, Paris, Skira, 2005.

INDEX

A

BURTY, Phillipe · 39, 88 BUSSON, Charles · 101

143

Aix · 24

ALAPHILIPPE, Camille · 78, 82

Amboise · 44, 82

Amiens · 33, 36

Angers · 31, 101, 109, 113, 114, 127

ARGENSON, Victorine d' · 30

Avignon · 11

AVISSEAU, Charles-Jean · 86, 91, 92, 109, 111, 125

AVISSEAU, Joseph-Édouard · 91, 111

AZAY-LE-RIDEAU, château · 106

B

BALZAC, Honoré de · 27, 45, 85

BANCHEREAU, Michel · 24

Barbizon, école de · 107

BARIC, Jules · 86

Bazar Turonien · 8, 108, 109

BÉNASSIT, Louis-Émile · 117

BÉRANGER, Pierre-Jean de · 54

BÉRAUD, Jean · 101

BESNARD, Paul-Albert · 101

BIENCOURT, Marquis de · 106

BLANC, Charles · 69

BOILLEAU, Louis · 41

BONAPARTE, Napoléon · 31

Bordeaux · 11, 13, 14, 32, 39, 88, 101, 103, 116, 119

BORDES, Charles · 86

BOSSEBOEUF, Lous-Auguste · 82

BOUCHÉ, Georges · 53

BOUCHER, François · 91

BOUDIN, Eugène · 103

BOURDICHON, Jean · 89, 90

BOVY, Ferdinand · 111

BRAD, Léon · 92

BRESDIN, Rodolphe · 65, 111

BRETONNEAU, Pierre-Fidèle · 85, 86

BRIAND, Paul · 47, 48, 51, 57, 67

C

Caen · 31

CAMBACÉRÈS, Jean-Jacques-Régis de · 31

Cambrai · 32, 33

Carolus-Durand · 101

CARRÉ-DE-BOUSSEROLLE, Armand-Louis-Henri ·

92

CATHELINEAU, Gaëtan · 41, 42, 44, 106, 108

CAUMONT, Arcisse de · 39

CHALMEL, Jean-Louis · 27, 28

CHAMPOISEAU, Armand-Noël · 29

CHAMPOISEAU, Noël · 39, 44

Champs de Mars · 31

CHAPOTON, Grégoire · 93, 95

CHAPTAL, Jean-Antoine · 31

Chargé · 82

Charles VII · 89

CHARLET, Nicolas-Toussaint · 37

CHASSÉRIAU, Théodore · 116

CHAUSSEMICHE, François-Benjamin · 78, 82

CHAUVIGNÉ, Auguste · 53

CHAUVIGNÉ, Auguste-Alexandre · 91

CHAUVIGNÉ, Auguste-François · 91

CHAUVUGNÉ, Auguste · 48, 52, 53, 82, 112

CHENONCEAU, château · 56, 61, 107

CHOLLET, Louis · 54, 81

CLÉMENT DE RIS, Louis · 99

CLÉRAMBAULT, Édouard Gatian de · 82

CLOUET, François · 47, 90, 107

CLUZEL, François Pierre du · 24, 25

COGNIET, Léon · 98

COLOMBE, Michel · 47, 81, 89

CONQUÉRÉ DE MONBRISSON, Jenny · 118

COTTIER, Maurice · 48, 118

CROÙ, Raoul de · 3, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38,

43, 63

144

D

D'ALEMBERT, Jean · 28

DAGUERRE, Louis · 57

DAMIEN, Pierre · 48

DAMON, René-Louis · 93, 110, 111

DAUDET, Alphonse · 82

DAUDET, Julia · 82

DEGAS, Edgar · 104

DELACROIX, Eugène · 48, 101

DELAHAYE-AVROUIN, Jacquet · 108

DELAROCHE, Paul · 48

DELPÉRIER, Georges · 85

DESCARTES, René · 85, 86

DESLANDES, Paul · 27, 28

DIDEROT, Denis · 28

Dieppe · 117

DORÉ, Gustave · 100

DRAKE DEL CASTILLO, Jacques · 49, 66, 78, 82, 95,

118

DUBOZ, Félix · 47

DUCHÂTEAU, Thérèse · 112

DUJARDIN-BEAUMETZ, Etienne · 84

DURAND-RUEL, Jean-Marie-Fortuné · 107

DURAND-RUEL, Paul · 103, 107, 116, 117

E

EASTMAN, Georges · 57 Église des Minimes · 43, 71, 98 ELIOT, Claude · 116 ÉLIOT, Maurice · 117 ENLART, Camille · 87

F

FEBVOTTE, Jean-Joseph · 30, 36, 37 FLANDRIN, Hippolyte · 93 FOUQUET, Jean · 47, 81, 89, 90 François Ier · 68, 89 Frédéric-Guillaume IV de Prusse · 91 FROMENTIN, Eugène · 116

G

GAGNEUX, Paul · 111 GAMBETTA, Léon · 49 GIRAUDET, Alexandre · 39, 44, 89 GIROUX, Alphonse · 107 GLEYRE, Charles · 48 GO†IN, Henri · 27, 39, 41, 42, 44 GRANDIÈRE, Benoit de la · 24 GRANDMAISON, Charles de · 89 GRASSET, Edmond · 48 GRÉGOIRE, Henri dit Abbé Grégoire · 22 GREUZE, Jean-Baptiste · 42 GRODVOLLE, Adolphe · 50, 78 GUÉRIN, Charles · 41 GUYOT, Charles · 41

H

Havre · 11, 103

HENNION, Horace · 55, 56, 81, 92 HOURY, Charles · 98 HOUSSAYE, Arsène · 98 HUARD, Etienne · 113

I

INGRES, Jean-Auguste-Dominique · 110, 119

J

JACQUEMIN, Charles · 37

JACQUINET, Jacques-Victor · 37 JUSTE, Frères · 47, 89

L

La Concorde Écossaise · 27

La Palette d'Or (Marcadier) · 108 La Parfaite Union · 27

LADEVÈZE, Jean-François · 40 LAGRANGE, Léon · 10, 13, 43, 68, 103 LALOUX, Victor · 48, 82

LANDAIS, Joseph · 91 93, 94, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106,

LANSYER, Emmanuel · 101 107, 108, 109, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119,

LARGILLIéRE, Nicolas de · 42 120, 125, 127, 128, 129, 130, 135, 136, 139, 140

LAURENT, Alfred · 40, 41 PASQUIER, Jean · 79

LAURENT, Félix · 48, 78, 93 Pau · 104

LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix · 8, 37, 38, PELOUZE, Marguerite · 107

41, 42, 44 PESQUIDOUX, Léonce de · 101

LEBLANC, Léon · 111 PICHOT, Marie-Louis · 79

LEFEBVRE, Jules · 83 PINEAU, Léon · 55

LEROLLE, Henry · 101 PISSARO, Camille · 117

LESOURD, Charles-Alfred · 53, 111 PITARD, Ferdinand · 47, 93

LOBIN, Julien-Léopold · 41, 93 POINCARÉ, Raymond · 53

LOBIN, Lucien-Léopold · 47, 48, 93, 111 Poitiers · 14, 24, 55

Loches · 44, 54, 93 POTTIER, Charles · 97

Louvre · 31 POUSSIN, Nicolas · 107

LUZARCHE, Victor · 41 PRATH, Henri · 48, 70

Lyon · 13, 24, 31, 32, 97, 101, 115, 139 prieuré de Saint-Côme · 85

PUVIS DE CHAVANNES, Pierre · 65, 111

M

145

MAHIEU, Jules-Charles · 47 MAME, Ernest · 37, 41 Manchester · 90

Marseille · 11, 13, 24 MATHURIN, Maurice · 112 MIGNARD, Pierre · 107 MONET, Claude · 103, 104, 117 MOREAU, Georges · 95, 118 MOREAU, Gustave · 115, 116

N

Nancy · 11, 116

Nantes · 14, 24, 31, 32, 88, 101, 109, 113, 115

NATTIER, Jean-Marc · 91

NIÉPCE, Nicéphore · 57

NORIET, Jean-Baptiste · 41

P

PALISSY, Bernard · 91,

92

 
 
 
 
 
 
 

Paris · 10,

11,

12,

13,

18,

21,

22,

23,

24,

26,

27,

28,

30,

31,

57,

32,

59,

33,

63,

35,

64,

38,

72,

39,

78,

40,

79,

41,

81,

43,

82,

45,

84,

47,

86,

48,

88,

53,

89,

54,

90,

R

RABELAIS, François · 1, 15, 16, 38, 85, 86, 106

RAVEROT, Jean-Jacques · 24, 25, 41, 99

RENOIR, Auguste · 103, 104

RIFFAUT DESÊTRES, Jean · 27

RIPAULT, Alexandre · 47, 48, 86

RONSARD, Pierre de · 85, 86

ROSTAND, Edmond · 85

Rouen · 11, 13, 21, 36, 69, 79, 101, 119, 120

ROUGEOT, Charles-Antoine · 23, 24, 25, 29, 77

ROULLEAU, Jules · 48

ROUSSEAU, Philippe · 118

ROUX, Charles-Gabriel · 41, 42

ROYER, Henri · 79

S

SAINT-SAèNS, Camille · 85 SARCEY, Francisque · 54 SAUSET, Louis-Antoine · 109 SICARD, François · 78, 82 SISLEY, Alfred · 103, 104 SONREL, Elisabeth · 83 SOURDEVAL, Charles de · 29

STOLCK, Alida · 118 Strasbourg · 11, 15, 103 SUC, Etienne · 114, 115 SUZANNE, Prospère · 55

TASTES, Maurice de · 44 TÉNIERS, David · 107 THORÉ, Théophile · 106 TISSOT, James · 54 TROUSSEAU, Armand · 86

T

VALENCIENNES, Pierre-Henri · 30

VALLET, Jean-Pierre · 110

VAVASSEUR, Charles · 82

VEAU-DELAUNAY, Pierre-Louis-Athanase · 22, 26,

27, 28

VELPEAU, Alfred · 86

VIGNY, Alfred de · 54

VILLEMIN, Paul · 53

VIOLLET-LE-DUC · 69

VITRY, Paul · 85

W

146

 

WAILLY, Charles de · 11

WALWEIN, Auguste · 33, 36, 37, 67 WILLIAMSON, Édouard-Thomas · 69

V

VAFFLARD, Pierre-Auguste · 30






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand