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Les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine entre 1789 et 1914


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master II Histoire de l'art 2017
  

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CONCLUSION

Malgré plusieurs études monographiques particulièrement érudites réalisées par des chercheurs locaux dont nous reconnaissons sans conteste la somme historiographique434, toutes les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts de Touraine ne profitaient pas jusqu'à ce jour d'études à leur sujet, à l'exemple des Sociétés des Amis des Arts fondées à Tours depuis la première moitié du XIXe siècle. Ce travail consacré aux sociétés artistiques tourangelles entre 1789 et 1914 a donc permis de redécouvrir quelques une d'entre elles, qui ont oeuvré pour le développement de la culture en Touraine. Cette étude permet d'une part de corriger certaines erreurs jusqu'alors acceptées dans l'historiographie et d'autre part d'enrichir les connaissances déjà acquises sur ce vaste sujet de recherche, en proposant une étude globale et impartiale les confrontant toutes ensembles. C'est avec ce projet et l'intention de mettre en parallèle un large corpus de sociétés du département d'Indre-et-Loire, que ce travail a été entrepris, dans l'objectif de démontrer l'implication des associations dans la vie artistique et culturelle de la Touraine sur une longue période chronologique, de près d'un siècle et demi.

Cette étude menée sur les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts s'inscrit à l'évidence dans le champ de l'histoire sociale des arts, puisque qu'elle essaie de retracer des réseaux de sociabilité, des itinéraires personnels d'artistes et d'érudits, de traiter des données à la fois d'ordre historique et sociologique et de conjuguer plusieurs domaines de recherche souvent pluridisciplinaires comme le collectionnisme, le marché de l'art et l'historiographie. Cette démarche intellectuelle et scientifique semble nécessaire pour reconstituer la réalité de l'époque. Dès lors, notre travail procède à son échelle et avec des résultats incontestablement plus modestes, des études entreprises notamment par les historiens de l'art Dominique Dussol et Nicolas Buchaniec, de la sociologue Raymonde Moulin et de l'historien Jean-Pierre Chaline435 qui tous se sont intéressés à l'histoire des sociétés savantes et artistiques et à leurs actions sur les territoires provinciaux, dans l'objectif de définir entre autres, la part d'influence

434 AUDIN, Pierre, op. cit, 2008.

LAURENCIN, Michel, « La Société d'agriculture... », op. cit, 2010.

435 DUSSOL, Dominique, op. cit., 1997. BUCHANIEC, Nicolas, op. cit., 2010. MOULIN, Rayomde, op. cit., 1976. CHALINE, Jean-Pierre, op. cit., 1998.

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des associations sur la vie artistique, culturelle, pédagogique, économique et sociale dans les départements français au XIXe siècle.

Peut-être que le titre de cette étude soulève quelques interrogations ou commentaires quant à la définition géographique du sujet ? En dépit de recherches bibliographiques et archivistiques, aucune société ou cercle impliqué dans le domaine des Beaux-Arts n'a pu être recensé dans le département en dehors de Tours. Dès lors était-il nécessaire de maintenir ce titre ? Il semble vraisemblablement qu'il faille défendre l'affirmative. Si c'est en la préfecture d'Indre-et-Loire que l'ensemble des sociétés d'émulation artistique se situe, en raison de la présence des institutions politiques, administratives, économiques et culturelles conduisant par là-même à la présence de l'essentiel des membres des sociétés, c'est à l'héritage historique et artistique de la Touraine en général que toutes les associations de Tours font appel dans un souci de légitimité. Les sociétés ne sont plus seulement à inscrire dans une aire géographique, mais dans un périmètre artistique et historique. Il semble donc qu'à l'exemple d'autres sociétés artistiques françaises, dont les Société des Amis des Arts de la Nièvre, de la Moselle, de Savoie ou encore de la Drôme, l'essentiel des sociétés d'Indre-et-Loire s'inscrivent dans le champ plus large du département, à commencer par la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, puis la Société Archéologique de Touraine et la Société des Amis des Arts de la Touraine. Néanmoins un élément distingue certaines d'entre elles : la dénomination de leur secteur géographique. Créée sous l'Empire, période d'abolition des privilèges et des titres de la société d'Ancien Régime, la Société d'Agriculture utilise la dénomination récente du département, à l'inverse des sociétés formées à la Restauration et sous la Troisième République qui font appel à la nomination de l'ancienne province de France. Le recours à la dénomination ancienne du territoire semble participer à l'inscription de ces sociétés, de leurs actions et de leurs membres dans la généalogie historique et artistique de la Touraine, et en particulier à ses heures les plus fastes à l'instar de la Renaissance.

La micro-histoire des sociétés savantes et artistiques d'Indre-et-Loire semble suivre finalement les pérégrinations du contexte de création des sociétés savantes et artistiques françaises. Dès lors les multiples typologies de sociétés référencées à l'échelle nationale se retrouvent dans cette étude. Académies, sociétés littéraires, archéologiques ou artistiques sont autant de catégories de sociétés présentes en Touraine au XIXe siècle qui s'investissent de près ou de loin dans le développement des Beaux-Arts. C'est ce que nous avons essayé de présenter en constituant une histoire chronologique et sociale des formations des sociétés artistiques en Touraine, en débutant notre récit à la Révolution et en le clôturant à la veille de la Grande

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Guerre. Des premières sociétés, à l'exemple de la Société Royale d'Agriculture de la généralité de Tours aux dernières référencées à l'instar de la Société des Amis des Arts de la Touraine, de la Société Photographique ou paradoxalement de la section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire - héritière lointaine de la première société mentionnée - apparaissent sans grande difficulté, des différenciations majeures dans la forme mais aussi dans le fond, même si toutes sont investies dans le développement des arts.

De fait, toutes ne participent pas aussi activement à l'encouragement des Beaux-Arts, comme le démontre cette étude chronologique des diverses associations. À l'évidence, les sociétés de la fin du siècle et particulièrement la Société des Amis des Arts de la Touraine et la section artistique de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire s'investissement plus activement dans l'encouragement des Beaux-Arts en Touraine. L'organisation régulière d'expositions, de loteries, de concours mais également les attributions annuelles de prix et de bourses aux artistes en devenir sont les manifestations sensibles qui les différencient des autres sociétés. Néanmoins les Sociétés des Amis des Arts tourangelles et les associations artistiques s'y apparentant, se distinguent fondamentalement et presque idéologiquement des autres sociétés. À l'exemple de la Société des Amis des Arts de la Touraine, pour laquelle notre étude réserve indéniablement une large place dans le but de mettre en relief son action vis à vis des autres associations du département, les sociétés artistiques de Touraine se distinguent par les membres à l'origine de leur formation. L'essentiel des membres fondateurs sont effectivement des artistes locaux ayant l'ambition de promouvoir et de défendre les arts vivants de leur région. Si les érudits tourangeaux, investis dans les différentes sociétés savantes de Touraine, s'efforcent par leurs écrits de célébrer la mémoire, les arts et le patrimoine monumental local, les artistes regroupés dans les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts semblent s'impliquer dans la construction de l'identité artistique tourangelle depuis le milieu du XIXe siècle. L'organisation d'expositions strictement réservées aux artistes de la région, le rejet des oeuvres des artistes étrangers, l'érection de statues à la mémoire des grands hommes du département ou les diverses sollicitations adressées à l'autorité municipale pour l'acquisition des oeuvres des artistes tourangeaux sont des exemples de la volonté des sociétés artistiques de Touraine de valoriser l'identité locale.

Toutefois, la constitution d'une identité tourangelle ne peut s'opérer de manière isolée par les sociétés, en raison notamment des difficultés financières et règles administratives auxquelles elles sont soumises. Ainsi elles travaillent en collaboration étroites avec les acteurs

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politiques de la ville, du département et de la nation. Les rapports entretenus entre les instances politiques et les sociétés ont été examinés à partir de documents administratifs, souvent arides pour l'historien, mais contenant des informations utiles et de première main, nécessaires à constituer une chronique administrative, économique et culturelle du quotidien des sociétés artistiques et savantes. Si les administrations municipales, préfectorales et nationales semblent accorder une grande autonomie aux sociétés, elles se révèlent être néanmoins des soutiens constants et nécessaires pour le développement des activités artistiques auquel aspirent les associations. Le prêt de locaux à plus ou moins courtes durées, l'attribution d'oeuvres d'art ou d'allocations pour organiser des expositions et des loteries, sont autant d'actions qui démontrent l'implication des administrations dans le quotidien des sociétés locales. La participation régulière des autorités administratives aux frais des associations artistiques sous-entend l'intérêt de ces dernières dans le développement et l'encouragement des Beaux-Arts sur le territoire national. Tout compte fait, il paraît bien difficile de désigner l'action des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts comme le résultat de la délégation des affaires culturelles de l'État, en raison de son implication régulière dans le quotidien des associations. À l'évidence, il faut envisager l'organisation des manifestations locales de Beaux-Arts comme la conséquence de cette relation bilatérale.

En ce qui concerne les sociétés artistiques de Touraine, notre étude paraît démontrer le rôle particulier qu'elles jouent dans les affaires culturelles de Tours et du département au XIXe siècle. Si en dehors de leurs actions, les arts et la culture ne sont pas annihilés, il semble qu'ils soient relativement restreints. Le musée et l'école des Beaux-Arts sont effectivement les seules institutions artistiques locales au XIXe siècle. Notre étude prouve dès lors que les sociétés artistiques sont des acteurs majeurs de la vie culturelle à cette époque et qui ont conscience à la fois de leur rôle philanthropique et pédagogique. Les sociétés sont en effet à l'origine de nombreuses souscriptions pour l'érection de statues à la mémoire des grands hommes du département. Outre le devoir de mémoire, ces monuments ont l'intention d'inspirer la population à suivre la voie des personnages statufiés. Aussi, il faut noter que toutes les expositions se tenant à Tours au XIXe siècle sont établies par les sociétés du département, à l'exception toutefois de celles de 1881 et 1892, organisées par des commissions municipales dont l'essentiel des membres sont néanmoins sociétaires des associations artistiques et savantes de Touraine.

Il est fort probable que d'autres expositions aient été organisées en dehors de celles que nous avons mentionné dans notre travail, en raison d'un dépouillement non exhaustif de la

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presse sur cent vingt-cinq ans. Toutefois, lumière a été faite sur plusieurs d'entre elles, jusqu'alors non mentionnées dans les travaux touchant à l'histoire culturelle locale436. Toutes ces expositions n'ont à l'évidence pas la même destination. Quand certaines se veulent exclusivement pédagogiques, comme les expositions rétrospectives de la Société Archéologique de Touraine, présentant les oeuvres conservées dans les collections particulières du département, d'autres se proposent d'encourager les artistes vivants en se faisant lieu d'attraction commercial, puisque proposant un cadre de vente dont les artistes locaux ont rarement à disposition, comme nous le présentons dans notre travail.

Cependant, la majorité des expositions se rejoignent en mettant en lumière les mérites de la production locale, qu'elle soit ancienne ou contemporaine. En effet, les expositions rétrospectives sont l'occasion d'inscrire dans l'histoire de l'art, alors en construction, les spécificités du patrimoine artistique régional, à l'exemple des céramiques de Charles-Jean Avisseau qui permettent d'une part de faire la jonction entre art ancien et art vivant et qui sont à l'évidence d'autre part les éléments les plus caractéristiques de l'école de Tours. Nous nous efforçons ainsi dans notre travail de démontrer l'importance de l'action des sociétés de Beaux-Arts dans ce chantier de reconstruction identitaire. Outre l'art d'Avisseau et de ses suiveurs, l'art vivant tourangeau ne semble pas disposer d'une esthétique particulière. Dès lors les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, et principalement la Société des Amis des Arts de la Touraine et la section artistique de la Société d'Agriculture s'emploient à former un cercle d'artistes placés sous l'égide des maîtres tourangeaux faisant carrière à Paris. Aussi ne faut-il pas oublier que la définition d'artiste tourangeau que donnent les sociétés artistiques est poreuse et semble profiter aux artistes de stature locale.

Si l'essentiel des expositions organisées à Tours sont strictement réservées aux artistes locaux, dans l'objectif de soutenir leur production, certaines sont ouvertes aux artistes étrangers et notamment parisiens. Pour les organisateurs, la présence de ces artistes valorise à n'en pas douter leurs expositions. Aussi, la confrontation de la population tourangelle aux oeuvres des artistes de Paris se présente comme des rencontres bénéfiques pour chacun des partis. En effet, la majorité des habitants de Tours et des jeunes artistes de la région ne sont que rarement confrontés à l'art vivant de la capitale. Dès lors les expositions sont à comprendre comme des événements à la fois pédagogiques et mercantiles. Pour les artistes qui y exposent, elles sont

436 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit. 1992, p. 141-143. BENÂTRE, Nathalie, op. cit., 1988, p. 114-123. BROGARD, Clémence, op. cit. 2016, p. 125.

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effectivement à appréhender comme des avatars de la décentralisation du marché de l'art de Paris vers la province. Les salons provinciaux en général, les expositions sociétales de Touraine en particulier sont des manifestations intéressantes pour l'ensemble des artistes français confrontés à une vive concurrence. Dès lors, ces expositions se présentent comme un second marché de l'art où les artistes trouvent en dehors de la capitale des mécènes et des amateurs. L'exemple particulier de l'exposition de 1882 organisée par la Société des Amis des Arts de la Touraine le démontre. Toutefois, nous concluons que cette exposition est à envisager comme un événement inédit en Touraine, puisqu'elle semble être la seule à avoir accueillie autant d'artistes étrangers et avoir induit autant de ventes au cours de son ouverture.

Si les sociétés tourangelles sont bénéfiques pour les artistes en leur apportant notamment une visibilité certaine, qu'en est-il finalement pour la population, pour laquelle elles se proposent généralement de développer le goût des arts ? À l'évidence, toutes les couches de la société tourangelle ne sont pas touchées par l'action des sociétés savantes et artistiques, malgré des vertus philanthropiques affirmées, qui se soldent par des essais de démocratisation des manifestations culturelles. L'abaissement des tarifs, l'adjonction d'événements culturels plus populaires aux expositions d'art vivant ou l'organisation de loterie sont autant d'opérations qui s'inscrivent dans la démarche de démocratisation de la consommation artistique au XIXe siècle. Pour autant nous démontrons que la participation au quotidien des associations et aux activités organisées par celles-ci reste l'apanage de l'élite tourangelle en analysant à la fois les profils des membres des bureaux des différentes sociétés et en observant la fréquentation des expositions et des tarifs des cotisations par exemple.

Le travail proposé n'est pas insoumis à la critique. Toutefois, il nous semble qu'il permet de mieux appréhender dans leur globalité, les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, principaux promoteurs de l'art en province au XIXe siècle. Sans prétention aucune, ce mémoire fournit une base solide pour tout historien sensible aux questions des sociabilités artistiques au XIXe siècle en Touraine et qui souhaiterait affiner cette première recherche. Si l'essentiel des sociétés convoquées dans cette étude sont pluridisciplinaires, ce sont manifestement les arts plastiques qui ont été les plus étudiés. Il reste donc du travail à l'historien musicologue ou spécialiste des arts du spectacle, pour retracer la vie musicale et dramatique en Indre-et-Loire au XIXe siècle, d'autant que les sociétés orphéoniques et théâtrales sont abondantes dans le département comme en témoigne le dépouillement des dossiers administratifs des

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associations437. En ce qui concerne principalement le développement des Beaux-Arts par l'intermédiaire des sociétés artistiques, il serait intéressant d'élargir la recherche à l'ensemble de la région pour proposer une histoire comparative des associations des différents départements limitrophes. Sans doute serait-il nécessaire de conserver la chronologie fixée pour cette étude. Mais avant tout, il faudrait définir les limites géographiques de la région, puisque cette division administrative n'existe pas en tant que telle au XIXe siècle. Il serait possible par exemple, d'étudier les sociétés issues des départements conviés à participer aux expositions des produits des arts et de l'industrie en Touraine, que sont la Sarthe, la Loire-Inférieure, le Loiret, la Vienne, l'Indre, le Maine-et-Loire et le Loir-et-Cher. Cette étude pourrait s'appuyer sur des travaux déjà menés sur les sociétés locales de ces départements438. Les sources à disposition sont probablement les mêmes que celles nécessaires à constituer notre étude, à l'instar de la presse, des archives administratives et autres livrets et catalogues d'exposition. Ce travail permettrait notamment de retracer des réseaux entre les membres des diverses sociétés, comprendre la réception des artistes régionaux au cours des différentes expositions et redéfinir plus généralement la cartographie de la vie artistique en province au XIXe siècle.

437 Police 1800-1940 : Associations, cercles et sociétés, Tours, Archives départementales d'Indre-et-Loire, 4M 168 à 265.

438 CRÉTIN-NICOLO, Olivia, op. cit., 2003.

ROSENEAU, Ariane, La Société des Amis des Arts d'Angers, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art, Université Paris-Sorbonne, 1986.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon