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La MONUSCO dans le résolution des conflits: entre contestation locale et légitimation global


par Bernard POPO-E-POPO
Université Paris 8 Vincennes Saint Denis - Master 2 2020
  

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b. Opposition, contestation, révolution

Les formes et les manifestions de la contestation extrêmement variable et en général fort peu systématisées ne permettent pas toujours de distinguer la contestation de l'opposition ; d'autres plus que celle-ci peuvent aussi revêtir des formes qui l'apparentent à la contestation. Il existe plusieurs formes de contestation. Dans la contestation, on peut juxtaposer un ensemble de manifestations et d'activités qui, même si elles présentent une certaine unité, peuvent revêtir des formes très différentes. En effet, l'usage de la violence civile à titre d'exemple, est un des caractères possibles mais non nécessaires de la contestation13. L'organisation collective ne semble pas le critère qui distingue l'opposition politique de la contestation. S'il est vrai qu'en

10 Ibid, p. 6.

11 Ibid.

12 Ibid., p.7.

13 Ibid.

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pratique presque toutes les oppositions politiques supposent et nécessitent une organisation collective, il n'est pas exact que la contestation politique soit par nature, rebelle à l'organisation collective et inévitablement individualiste.

La distinction que l'on peut établir entre l'opposition et la contestation est que la première a pour but de se substituer aux autorités en place en tant que structure du pouvoir, alors que la contestation ne poursuivrait que le but platonique de la dénonciation de la légitimité du système ou le but révolutionnaire de la subversion de ce système. Mais cette distinction semble limitée car il y a des oppositions qui, soient en raison de leur faiblesse, soient en raison de leur radicalisme idéologique, ne peuvent guère être crues lorsqu'elles prétendent se substituer aux autorités en place. Quant aux mouvements de contestation, ils peuvent au moins prétendre que leur refus de reconnaitre la légitimité du système et de leurs actions pratiques d'insoumission sont le moyen les plus sûr d'user ce système et de provoquer son effondrement.

De ce point de vue, il y a certainement des zones-frontières où certains types d'action peuvent relever aussi bien, selon le point de vue où l'on se place, de l'opposition politique de la contestation politique. Néanmoins, on peut trouver, un critère distinctif de ces deux types d'action. Ce qui caractérise l'opposition politique, c'est que - quelles que soient les motivations profondes des opposants et quels que soient leurs buts plus ou moins manifestes, elle est une action qui s'inscrit à l'intérieur des structures du sous-système politique.

Ce qui fait la spécificité de la contestation et qui nous concerne dans ce travail, c'est qu'elle déborde le cadre de sous-système politique pour mettre en cause non seulement son ordre normatif propre mais aussi les modèles culturels généraux qui assurent la légitimité profonde du sous-système politique. La contestation s'attaque au système qui a la plus grande valeur « contrôlant ». C'est la raison pour laquelle toutes contestations politiques débordent du terrain spécifiquement politique et comporte aussi une « révolution culturelle »14.

Une autre manière de comprendre l'attitude contestataire, c'est de la mettre en parallèle avec l'attitude révolutionnaire. Pour Alain Touraine, le refus peut conduire à la contestation et à la lutte politique. Il résume donc la différence entre la contestation et le projet révolutionnaire comme étant des nouveaux problèmes : « de nouveaux problèmes et de nouveaux conflits... ont fait irruption dans la vie sociale de manière sauvage, sans théorie, sans partie, sans politique »15. Le fond de l'argumentation tendant à opposer « mouvement contestataire » et « mouvement révolutionnaire » repose finalement sur cette idée qu'il ne peut y avoir accès à la conscience révolutionnaire qu'à la condition de dépasser le stade « primitif » du refus de

14 Ibid.

15 Alain Touraine, Le mouvement de mai et le communication utopique, p. 288, Cité par Georges Lavau, Op. Cit.

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l'adaptation et de « l'intégration ». La différence entre révolution et contestation parait plus résider en une différence historique ou une divergence sur les conceptions stratégiques à l'intérieur du même phénomène, à savoir le phénomène révolutionnaire. Ce qui n'implique pas du tout que les mouvements contestataires que j'étudie dans ce mémoire aient une efficacité révolutionnaire pratique comparable à celles des mouvements révolutionnaires. L'ensemble des actions que l'on peut grouper sous le nom contestataire, écrit Georges Lavau, ne sont rien d'autres que des actions révolutionnaires qui, pour la première fois depuis longtemps échappent à un modèle jusqu'alors indiscuté qui était une certaine version de la pensée de Marx, mais qui était surtout dérivé du schéma léniniste. Pour lui, la contestation peut être in fine comme étant « une action de protestation véhémente, accompagnée ou non d'actes de violence, qui méprise les moyens institutionnalisés de l'opposition politique (lorsque ceux-ci sont disponibles), qui reproche à l'activité d'opposition de facilité finalement la survie d'un système social et politique répressif. De plus, c'est une action qui nie radicalement la légitimité des modèles culturels les plus profonde et les plus tacitement acceptés du système social, et qui cherche à en faire éclater la véritable nature oppressive. Enfin, elle vise non pas un simple changement politique, ni même à une transformation ordonnée des structures économiques, mais à une totale de l'être social de l'homme »16.

Structure du mémoire

L'architecture de ce travail sera tripartite. Dans la première partie, il sera question de montrer comment la Monusco se trouve à l'épreuve de la contestation (I). L'objectif de cette partie étant de saisir la manière dont se construit les rhétoriques contestataires aussi bien par les acteurs politiques que par la société civile et les mouvements citoyens (A). Ces rhétoriques contestataires sur la mission de l'ONU en République Démocratique du Congo, comme je les montrerai, s'inscrivent dans le prolongement de la contestation nationale comme modes de gestion politique.

Dans la deuxième partie, il sera question de comprendre comment les conflits et les violences constituent un facteur aggravant de la contestation à l'égard de la Monusco (II.). La complexité à mettre en place un plan de résolution de conflit peut se comprendre non seulement à travers les enjeux politiques mêmes de ces conflits pour relever enfin les défis de la paix (A.), mais également l'implication de plusieurs acteurs (B.).

La troisième partie cherchera à comprendre le rôle de la Monusco dans la résolution des conflits en République Démocratique du Congo (III.). Comment la Monusco, malgré les

16 Georges Lavau, La contestation politique, Op. Cit, p. 10.

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contestations locales contre son intervention au Congo, met en avant la promotion des Droits de l'Hommes et la protection des civiles comme facteur de légitimation de son mandat (A.). Enfin, il sera question de monter comment la recherche de la légitimation par le prisme de la négociation toujours renouvelée permet à la Monusco de passer d'une mission d'observation à une mission d'intervention en mettant l'accent sur le concept de la coopération.

Méthodologie

Pour mener à bien cette recherche, la méthode de mon travail a été une enquête sociologique. En effet, l'enquête sociologique, écrit Serge Paugam, peut être définie à partir de l'ensemble épistémologique complet qui comprend la posture scientifique du chercheur, la construction de l'objet, la définition des hypothèses, les modes d'objectivation, la méthodologie d'enquête, les instruments d'analyse des résultats et les formes d'écriture17

Dans cette enquête sociologique, j'ai utilisé une démarche inductive. Le choix de cette approche se justifie du fait que j'ai, d'abord, voulu commencer par collecter plusieurs matériaux de recherche avant de formuler mes hypothèses. La difficulté à faire le terrain au regard de la situation sanitaire liée au covid19 et l'impossibilité d'accéder directement aux informations de la Monusco ont totalement orienté ma démarche vers le choix d'autres procédés, notamment la collection des documents et d'archives en ligne. Quant à ces modalités d'accès aux matériaux de recherche, je me suis spécifiquement basé non seulement sur les rapports réguliers et officiels de l'ONU, mais également sur les compte-rendu de l'actualité des Nations Unies en République Démocratique du Congo. J'ai réussi à faire la collection de différentes résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU sur le mandat de la Monusco depuis 2010 jusqu'en 2020 en faisant un travail d'archive en ligne. En outre, j'ai réalisé dix entretiens (en faisant usage des nouveaux moyens de communications et technique d'information, notamment les appels téléphones, les échanges sur le réseau social WhatsApp) avec des officiers de l'Armée Congolaise à partir de Beni et Goma qui participent aux opérations conjointes MONUSCO-FARDC.

Les résultats de mon enquête m'amènent à la conclusion qu'il existe un malaise grandissant au sein de la population congolaise sur rôle de la Monusco dans les conflits et violences dans la région de l'Est de la République démocratique du Congo. La multiplication des massacres des civils par les rebelles à quelques mètres de postes de la Monusco, la prolifération des groupes armés et l'insécurité sont les facteurs qui augmentent la frustration et

17 Serge Paugam, Introduction - L'enquête sociologique en vingt leçons. Dans L'enquête sociologique (2012), pages 1 à 4.

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la méfiance à l'égard de la Mission. Ce climat de méfiance fait que la population, notamment à travers les mouvements citoyens de la société civile considèrent la Monusco comme étant complice aux massacres des civils. Cependant, du côté des acteurs de la Monusco, cette campagne de diabolisation contre la mission est une mauvaise appréhension du vrai rôle de la Monusco qui se veut d'abord une mission pour la protection des civils et la construction de la paix. Les frustrations accumulées du peuple ont inéluctablement engendré la révolte et la contestation à l'égard de la Monusco, réclamant dans le même coup le retrait définitif de celle-ci.

Ma démarche a été réflexive. La réflexivité m'a permis de rompre avec le sens commun, à savoir les représentations partagées par les diverses composantes de la société. Même si mon expérience personnelle et mon vécu sont souvent déterminants dans ce travail, j'ai toujours cherché à faire une distanciation par rapport au sens commun pour garantir la scientificité de ma démarche. Par exemple, dans ma note de recherche de Master 1 à travers lequel j'avais voulu comprendre pour la première fois les soubassements des conflits à l'est du Congo, il m'était arrivé de plonger dans le sens ou même dans la passion en adoptant parfois une attitude militante plutôt que scientifique. Ce qui n'est pas du tout le cas dans ce travail. Mon attitude par rapport à mon objet d'étude en Master 2 est totalement différente. Pour changer de paradigme, j'ai d'abord commencé par prendre du recul face à mon objet d'étude, à questionner ce qui me paraissait comme étant une évidence. Après cette gymnastique de la distanciation avec mon objet d'étude, je me suis rendu compte de la difficulté à travailler scientifiquement sur le sujet sur lequel on est soi-même, du moins de manière inconsciente, sujet et objet de recherche sans sombrer dans les prétentions de jugement de valeurs, surtout lorsque je sais qu'un matin je peux recevoir un coup de téléphone m'annonçant la mort d'un des membres de ma famille. Ayant vu l'arrivée de la MONUC, actuellement MONUSCO et ayant vécu avec elle depuis mon enfance, je considérais celle-ci, peut-être à tort et à raison, comme un sauveur qui sortirait le peuple congolais dans le gouffre de la violence infernale. Cependant, en questionnant le fonctionnement de la contestation à l'égard de la Monusco aujourd'hui, je me suis interrogé sur les vraies motivations de la mission qui semblent aller de soi comme la protection des civiles et la promotion des droits de l'homme. Tout en reconstruisant la genèse les mouvements contestataires à l'égard de la mission et les rhétoriques sous-jacentes, j'ai cherché à comprendre comment les catégories des groupes contestataires ont pu, au prix de la lutte sociale, imposer leur légitimité. La démarche réflexive m'a servie également lors de la réalisation des entretiens à avoir un regard critique. Ce qui m'a permis de questionner mes données et de ne pas leur accorder, comme dirait Serge Paugam, « une confiance aveugle ».

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PREMIÈRE PARTIE :

LA MONUSCO À L'ÉPREUVE DE LA CONTESTATION ET DE LA NÉGOCIATION

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle