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La MONUSCO dans le résolution des conflits: entre contestation locale et légitimation global


par Bernard POPO-E-POPO
Université Paris 8 Vincennes Saint Denis - Master 2 2020
  

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1. Enjeux de conflits à l'Est de la RD Congo

Les conflits et violences qui affectent la République Démocratique du Congo sont liés à plusieurs enjeux. Roland Pourtier étudie ces conflits à partir des enjeux miniers. Il souligne trois raisons principales qui sont à la base de conflits surtout dans le Nord et le Sud-Kivu73. La première raison est directement est celle de la terre. L'est du Congo est une région de hautes terres qui est très convoitée en raison de son aptitude agro-pastorale. C'est un espace qui a plusieurs horsts et volcans. La deuxième raison est celle de la proximité ou ce que j'appellerai voisinage. Il s'agit en fait de territoires qui ont été entraînés dans ce que Pourtier appelle « la guerre des Grands Lacs par un phénomène mécanique de proximité »74. Étant proche du Rwanda, ces régions n'ont pas résisté à l'exportation des conflits rwandais qui ont conduit au génocide des Tutsis. La troisième raison est celle des mines. Le Nord-Kivu et le Sud-Kivu sont des régions où il existe plusieurs mines. Ces ressources minières ont été exploitées depuis l'époque coloniale et elles ont été fortement valorisées par le « boom du tantale au tournant du militaire : la columbo-tantalite (« coltan ») »75. Il s'agit donc d'un minerai qui est devenu stratégique depuis l'explosion du téléphone portable dont le tantale est l'un des composants irremplaçables76.

À partir de ces trois raisons, il y a lieu de constater le caractère multidimensionnel des enjeux de conflits dans les régions du Kivu. Ce qui alimente la guerre à l'est du pays c'est bien précisément la conjugaison de ces différents enjeux. Du coup, la résolution des conflits devient complexe. Plutôt que de parler de « guerres de ressources » comme certains le pensent, Roland Pourtier ainsi que Philippe De Billon, cherchent plutôt à comprendre cette multiplicité de violences et conflits. Pour Philippe De Billon, le contrôle des ressources, de leurs territoires et des réseaux de commercialisation influencent les stratégies des groupes armés, le déroulement des conflits et leur résolution. Toutefois pour lui, qualifier ces conflits de « guerres de ressources » motivées par la cupidité de combattants est simplificateur. Il faudrait plutôt prendre en compte autant d'éléments majeurs, notamment les intérêts commerciaux des étrangers, le contexte de dépendance vis-à-vis des matières premières, débouchant parfois sur « une déliquescence des États »77. En effet, l'importance du contrôle de ressources, écrit

73 Roland Pourtier, « Les enjeux minier de la guerre au Kivu », in Béatrice Giblin, Les conflits dans le monde, Armand Colin, 2016, p. 249 à 261.

74 Ibid., p. 250.

75 Ibid.

76 Ibid.

77 Cfr. Philippe Le Billon, « Matières premières, violences et conflits armées », in Revue Tiers Monde, Armand Colin, 2003/2 n°174, pages 297 à 321.

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Philippe Le Billon, a souvent eu un impact direct sur les zones de déploiement et l'intensité des groupes armés78. Pour lui, le groupes rebelles cherchent à établir des bases solides ou des zones de forte insécurité dans les régions de production ou sur les itinéraires de transport. Dans ce sens, les troupes du gouvernement essayent de manière générale d'empêcher ceci par des mesures de contre-insurrection à l'encontre des populations civiles qui sont déplacées vers des zones de regroupements sous surveillance. Dans la plupart des cas, malheureusement, les troupes du gouvernement s'associent au pillage. Un des rapports des experts de l'ONU, connu sous le nom « Rapport Mapping »79 qui traitent de crimes de violation de droits de l'Homme et de crimes contre l'humanité commis en République Démocratique du Congo aborde cette problématique. Il y a parfois une ambiguïté dans l'effet global des ressources naturelles. Plutôt que de servir au bien-être de la population, les ressources minières à l'est de la République Démocratique du Congo servent plutôt à l'intensification des confrontations au niveau des zones économiques. Comme écrit Philippe De Billon, « si les revenus de ces ressources permettent d'augmenter l'armement et le recrutement des groupent armés, le peu d'affrontement opposant les belligérants reflète parfois paradoxalement leurs préoccupations commerciales »80. Dans cette perspective, on a parfois l'impression que dans les conflits qui rongent la République Démocratique du Congo, les différents acteurs qui tirent profit de la situation ne souhaiteraient changer le statu quo.

Pour Roland Pourtier, l'évaluation de l'impact des enjeux miniers sur les conflits en République Démocratique du Congo ne peut s'apprécier qu'à partir d'un contexte. En effet, à l'Est de la RDC, « la guerre - qui pour être dite de `'basse intensité» n'en est pas moins très destructrice - s'est installée dans la durée parce qu'elle traduit des tensions structurelles extrêmement fortes »81. Pour parler des enjeux des conflits à l'Est du Congo, Jean-Claude Willame82 parle du paradigme de la « salle climatisée » et de la « véranda ». Ces termes sont évoqués pour désigner les deux lieux de pouvoir où se discute, se donne à voir et se gère le conflit du Kivu. Il entend par la « salle climatisée » le site symbolique du pouvoir officiel, à savoir des chancelleries et des conférences internationales. Par la véranda, il fait l'analogie avec le site des rencontres et du pouvoir informels. Du coup, il soumet l'instabilité liée à la guerre

78 Ibid., p. 309.

79 Nations Unies, Rapport du projet Mapping concernant les violations les plus graves de droits de l'homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, Août 2010.

80 Philippe Le Billon, « Matières premières, violences et conflits armés », Op. Cit., p. 309.

81 Roland Pourtier, « Les enjeux miniers de la guerre au Kivu », Op. Cit. p. 2049-250.

82 Cfr. Jean-Claude Willame, « La guerre du Kivu. Vue de la salle climatisée et de la véranda », In Politique étrangère, 2010/3 Automne, pages 678 à 706.

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au Kivu à cette double perspective de la véranda pour montrer des « dimensions aussi surprenantes qu'oubliées d'un affrontement qui ne veut pas finir »83.

Les enjeux politiques de la guerre au Kivu ne peuvent être compris, selon J.-C Willame, qu'en restituant une dimension historique à cette guerre, dimension trop souvent méconnue, y compris par ceux qui sont censés y mettre fin. En revisitant l'histoire, il montre comment les déplacements de populations à l'époque coloniale ont abouti aux premières violences entre rwandophones dès les premières années de l'indépendance de la République Démocratique du Congo. Pour lui, même si ces violences ont laissé une marque indélébile, elles n'ont guère eu de visibilité dans le « désordre généralisé qui s'est emparée du pays entre 1960 et 1964 »84. L'antagonisme entre rwandophones et allochtones mis en avant par certains chercheurs, n'est donc pour lui que le résultat de l'intrusion brutale de près d'un million de Hutus au Kivu après le génocide rwandais, mais plonge plutôt ses racines dans « une compétition forcenée et de longue durée »85. Pour lui, la richesse des hautes terres volcaniques, le surpeuplement des pays voisins et la formation d'une bourgeoisie latifundiaire dans les années 1970 ont provoqué des émotions meurtrières limitées dans le temps et dans l'espace. Il note à titre d'exemple les massacres anti-tutsis auxquels répondent la révolte dite « Kinyarwanda » en 1965, guerre de Walikale en 1993. Ces massacres ont donc forgé ce qu'il appelle « des identités meurtrières » qui n'hésitent pas à manipuler la loi sur la nationalité à des fins d'exclusivité foncière86. C'est dans cette perspective de guerres paysannes que s'inscrit les guerres d'État des années 1990. Il y a lieu de constater ici un système d'emboitement des conflits où plusieurs petites guerres se déroulent au sein d'une grande guerre et que Jean-Claude Willame appelle « première guerre africaine »87. Pour lui, cette première guerre est celle du Rwanda qui part à la poursuite de génocidaires réfugiées au Kivu. Cette poursuite des génocidaires dans le Kivu se transforme avec Laurent-Désiré Kabila en guerre de succession du régime de Mobutu comme je l'ai montré plus haut, puis lors d'un revirement dont l'histoire a le secret, en une guerre sur le territoire congolais mettant aux prises sept pays africains et deux anciens alliés devenu ennemis, à savoir le Rwanda et l'Ouganda88. Ce que l'on retient dans cet évènement, c'est que les guerres d'État ont ainsi laissé place à un système de « Seigneur de guerre » qui continue à semer de la terreur jusqu'à nos jours, mais sous d'autres formes. Les conflits du Kivu a fait intervenir plusieurs

83 Ibid., p. 695.

84 Ibid., p. 695.

85 Ibid.

86 Ibid.

87 Ibid.

88 Cfr. Ibid.

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acteurs pour tenter de les résoudre. De l'accord de Lusaka en 1999 à la crise de Goma en 2008, l'Organisation des Nations Unies, l'Union africaine, la Communauté de développement d'Afrique australe, l'Union européenne, ont ainsi tenté d'intervenir pour résoudre ces conflits sans réussir à orienter de manière décisive, s'il faut reprendre l'expression de J.-C. Willame « la logique de véranda »89.

L'histoire des initiatives de paix est celle d'une rencontre constamment manquée entre la logique de la salle climatisée et celle de la véranda. J.-C. Willame observe et décrypte pendant plusieurs années les opérations de maintien de la paix. Le cas du Kivu servira ainsi pour lui, de façon successive, de laboratoire à une laborieuse politique européenne, de critère du maintien de la paix à la mode onusienne, d'impasse existentielle pour l'aide au développement, et de lieu d'externalisation de querelles belgo-belges qui iront jusqu'à l'incident diplomatique de 2008. Et dans ce jeu, renchérit-il, « seul la Chine tient une place à part, car elle est parvenue à devenir le premier partenaire de la reconstruction de la RDC sans se mêler réellement de sa pacification - hormis la présence symbolique de 200 casques bleus chinois »90.

Les enjeux miniers en République Démocratique du Congo sont souvent renouvelés. Il convient de préciser que les ressources minières à l'est du pays ne sont pas comparables à celles de Katanga. Dans ses recherches sur les conflits à l'Est de la République Démocratique du Congo, Roland Pourtier affirme que cuivre, cobalt, zinc, manganèse, or, uranium et germanium ont scellé le destin de cette province orientale de la RDC91. Dans le conflit qui avait conduit à la sécession du Katanga quelques jours après l'indépendance, l'enjeu était celui de la préservation des intérêts de l'Union minière du Haut-Katanga (UMHK) qui constituait l'archétype de la compagnie minière coloniale. La première intervention onusienne en Afrique subsaharienne mettra fin à ce projet de sécession. Pourtant, la situation n'est pas la même avec les conflits à l'Est de la république. En effet, Roland Pourtier précise que les minerais du Kivu n'ont pas non plus autant de valeurs que les diamants du Kasaï, province qui fut également agitée par des tentatives de sécession. La chasse aux minerais du Kivu est devenue un enjeu économique et politique crucial « lorsque la compétition minière s'est emparée d'un espace

89 Willame s'inpire de l'anthropologue Emmanuel Terray pour penser le conflit congolais à partir du paragramme de la « salle climatisée » et de la « véranda » pour désigner les deux lieus de pouvoir où se discute, se donne à voir et se gère le conflit du Kivu. La véranda est donc le site des rencontres et pouvoir informel. Tandis que la salle climatisée est le site symbolique du pouvoir officiel.

90 Jean-Claude Willame, La guerre du Kivu. Vue de la salle climatisée et de la véranda, Op. Cit, p. 696.

91 Roland Pourtier, « Les enjeux miniers de la guerre au Kivu », In Béatrice Giblin, Les conflits dans le monde, Op. Cit. p. 252.

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déjà fragilisé par ses tentatives démo-ethniques »92. Pourtant, cette exploitation de minerais à l'Est du Congo n'est pas du tout récente.

En effet, la découverte de l'or puis de la cassitérite dans le Kivu remonte aux années 1920 leur exploitation n'avait pas les mêmes enjeux comme aujourd'hui. Après les années de guerre civile, les contrats miniers signés dans les conditions opaques ont été révisés avec succès mitigé, pour reprendre les termes de Roland Pourtier, car la confusion juridique couvre des pratiques de corruption solidement ancrées dans la société congolaise93.

Aujourd'hui, le paysage minier semble complément modifié. Avec l'avènement des nouvelles technologies, les start-up ont soudainement valorisé le tantale. Il est devenu un enjeu de taille à partir du moment où il est rentré dans la fabrication des condensateurs qui équipent les téléphones portables et les consoles informatiques. L'entrée du tantale dans l'usage des nouvelles technologies aura des conséquences majeures dans le devenir du Congo en général et la région du Kivu en particulier. L'abondance de la columbo-tantalite au Kivu, écrit Pourtier, a provoqué la ruée de dizaine de milliers des personnes vers les sites miniers abandonnés par la SOMIKI. Ils ont rejoint l'immense cohorte de ceux qu'on appelle les `'creuseurs» au Congo-Zaïre. La flambée des cours du tantale n'a été que de courte durée (1999-2001), mais l'activité minière s'est adoptée aux variations de la demande du marché mondial. Elle se partage aujourd'hui entre production de cassitérite, wolframite, coltan, sans compter l'or dont les cours ont atteint des sommets en 201394. A partir de ce qui précède, il convient de souligner le lien qui existe entre matière première, nouvelles technologies et économie qui permettent de comprendre le conflit dans le Kivu.

La situation économique à l'Est de la République Démocratique du Congo est radicalement complexe. La complexité de celle-ci est due au fait que cette économie, basée sur les mines, passe du caractère informel au caractère formel par le prisme de la mondialisation du marché. Les exploitants miniers du Kivu sont « l'image emblématique de l'informalisation de l'économie minière congolaise »95. Le contexte sécuritaire dans lequel se sont proliférés les groupes armés, l'informel a été, le paradigme de l'économie du marché. Dans ce contexte d'une économie déstructurée par le délitement de l'État et le repli identitaire des campagnes sur une autosubsistance de survie, la mine offre aux populations locales la possibilité d'un gain pour une grande majorité, mais en même temps, elle laisse miroiter la possibilité de chance. A l'Est

92 Ibid.

93 Roland Pourtier, « Les enjeux miniers de la guerre au Kivu », Op. Cit., p. 253.

94 Ibid.

95 Ibid.

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de la République Démocratique du Congo, notamment dans les places aurifères, il y a toujours la possibilité de rêve de trouver une petite.

Le fait d'être informelle, l'économie minière n'est pas du tout inorganisée. Le secteur minier informel fonctionne cependant dans un rapport hiérarchique d'un modèle pyramidal. Tout en bas de la pyramide, on trouve des creuseurs qui extraient le minerai dans des conditions parfois de fortune sous la responsabilité d'un chef d'équipe qui coordonne l'exploitation. Les chefs coutumiers profitent de leurs privilèges pour faire reconnaitre des droits miniers et prélever ainsi une rente sur l'activité extractive. Il y a ensuite des négociants qui achètent les minerais et les acheminent, ou même les font transporter jusqu'aux comptoirs. En suivant tout un réseau, les minerais sont transportés à des conditions extrêmement difficiles, parfois à dos d'homme sur plusieurs kilomètres jusqu'à la grande route dans des sacs qui sont ensuite acheminés par camion jusqu'à un tronçon asphalté qu'on utilise comme piste d'atterrissage par de petits avions. En prenant le relais, les avions évacuent le minerai jusqu'à Goma. Cette forme de réseau de coopération mise en place pour l'extraction de minerai est une forme d'organisation, bien qu'informelle, de l'économie minière. Mais comment passe-t-on de l'économie informelle à l'économie informelle ?

Le passage de l'informel au formel suit un cheminement par réseau. Ce réseau de l'ombre pour reprendre les termes de Joroeme Cuvelier96, bien qu'informel se construit à côté de projets plus officiels. En effet, les villes frontières réceptionnent les minerais qui proviennent de l'intérieur. Ces villes de réception des minerais constituent ainsi une véritable charnière entre, ce que Roland Pourtier appelle, « l'économie informelle en amont et l'économie formelle en aval »97. Du coup, les courtiers et les sociétés spécialisées dans le commerce des minerais prennent le relai en servant d'intermédiaires entre les comptoirs et les entreprises métallurgiques des pays industriels ou émergents, équipés pour le traitement du tantale comme les États-Unis, l'Allemagne, la Belgique, la Chine, y compris le Kazakhstan. La chaine de production se termine dans les usines de la fabrication des condensateurs et dans celles des portables qui ont envahi le marché mondial98. Comme on peut le constater, le premier segment de réseau de circulation, de la mine aux comptoirs, est confronté à un environnement de grande insécurité, d'absence de droit, du surgissement de la violence. Dans ce contexte où l'État congolais a montré ses limites pendant des décennies pour assurer la sécurité et la protection

96 Joroen Cuvelier, Traduction de Christine Messiant, « Réseau de l'ombre et configurations régionale. Le cas du commerce du coltan en République démocratique du Congo », In Politique africaine, 2004/1 N° 93/ pages 82 à 92.

97 Roland Pourtier, « Les enjeux miniers de la guerre au Kivu », Op. Cit., p. 254.

98 Ibid.

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des personnes, il règne alors la `'loi du plus fort». Il faut également souligner que l'économie minière a été très militarisée et des hommes en armes qui assurent `'la police des mines» avant que la situation politique du Kivu ne conduise à une multiplication de groupes armés qui trouvent dans leur contrôle des moyens financiers pour l'achat d'armements. Aujourd'hui, l'Est de la République Démocratique du Congo continue à vivre une spirale d'instabilité : lorsqu'un groupe des milices dépose les armes, un autre groupe apparait.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo