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Le personnel politique et diplomatique camerounais dans le fonctionnement et le processus de prise de décision à l'assemblée générale des nations-unies (1960-2017)


par Ezekiel ZANG NGBWA
Université de Yaoundé I - Master 2021
  

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3. Les crises ivoirienne et libyenne

Le 28 novembre 2010, à la suite d'une intense campagne électorale, est proclamé vainqueur à l'élection présidentielle ivoirienne, M. Alassane Dramane Ouattara. Cependant, son adversaire, le président sortant, M. Laurent Gbagbo, refuse de reconnaître sa victoire. C'est le début d'une longue crise qui dura environ sept mois, et se solda, le 28 avril 2011, par l'arrestation du président sortant par les forces républicaines ivoiriennes, avec le concours des forces françaises (forces Licorne).225(*)

Nous ne reviendrons pas sur tous les épisodes de ce tragique feuilleton. Cependant, il convient de considérer quelques éléments antérieurs à cette crise, lesquels permettront de comprendre d'une part les enjeux de la crise, et d'autre part l'attitude camerounaise à l'Assemblée générale des Nations-Unies.

Tout d'abord, il faut relever qu'avant l'accession du président Laurent Gbagbo à la magistrature suprême ivoirienne en 2000, le palais présidentiel ivoirien de Côte d'Ivoire était sous location, et ceci au profit des Français.226(*) Le président Gbagbo vint mettre un terme à ce système, estimant que «le bail payé aux Français durant les quarante années de l'indépendance de la Côte d'Ivoire avait largement compensé les dépenses occasionnées par la construction de ce palais».227(*)

Ensuite, il conviendrait également de dire un mot sur le cacao ivoirien, notamment sur la problématique du prix qui, tout comme celle de la location du palais, contribua considérablement à assombrir le ciel des relations Paris-Abidjan. En effet, le prix du cacao ivoirien (à l'international, plus précisément), était, pendant très longtemps, dicté par les autorités de Paris et leurs acolytes de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC). Une fois de plus, le président Gbagbo vint mettre ce système à mal, arguant que les Européens (et les Occidentaux en général), ne subissant aucun diktat (africain, plus précisément) sur les prix de leurs produits industriels, devraient appliquer la politique de la réciprocité à ce propos, en laissant aux Etats africains la latitude de déterminer eux-mêmes les prix de leurs produits.228(*)

Au regard de tous ces éléments, on peut donc facilement comprendre que la crise ivoirienne, comme tout conflit international, était fondamentalement un conflit d'intérêt, avec en avant-garde les intérêts français. D'où le soutien politique, diplomatique et militaire apporté par Paris au camp Ouattara tout au long de ladite crise.

Par la même occasion, on peut aussi comprendre la politique de la chaise vide adoptée par les ressortissants camerounais aussi bien à l'Assemblée générale des Nations-Unies qu'en dehors. Si l'on peut évoquer le principe de non-ingérence dans les affaires des autres Etats comme justificatif de cette attitude, il ne faudrait cependant pas perdre de vue qu'une politique allant à l'encontre des intérêts de la France aurait attiré à Yaoundé l'hostilité de cette dernière, avec qui elle entretient d'ailleurs des relations on ne peut plus privilégiées. De plus, faudrait-il le rappeler, la France s'impose, somme toute, sur la scène internationale, comme une puissance avec laquelle il faut compter.

Un examen minutieux de la crise libyenne, débutée en février 2011 et ayant abouti, le 20 octobre de la même année, à l'assassinat du guide libyen, Mouammar Kadhafi, conduit à des conclusions analogues. En effet, selon certaines sources, les véritables fondements de la guerre en Libye reposaient essentiellement sur trois facteurs : le facteur énergétique, le facteur économique et financier, et le facteur géopolitique.

La Libye, huitième réserve pétrolifère mondiale229(*) et deuxième producteur africain de pétrole après le Nigeria,230(*) envisageait déjà, sous l'égide de son illustre leader, de s'autonomiser quant à l'exploitation et à la transformation de son pétrole, ce que n'auraient pas apprécié certaines chancelleries occidentales, en l'occurrence la France, qui détenait une bonne partie des concessions pétrolières. Outre l'immense fortune du dirigeant libyen,231(*) les technologies acquises par ce dernier auprès de son ancien homologue irakien, Saddam Hussein,232(*) lui permettaient de mettre en oeuvre cette politique.

Allant dans le même sens, il existait clairement, dans l'esprit des dirigeants occidentaux, notamment les Français et leurs homologues américains, la crainte que le leader libyen, mû par ses convictions panafricanistes, ne divulguât ces technologies à ses pairs africains, ce qui aurait constitué pour leurs pays respectifs une catastrophe économique et financière.

Il faut noter, par ailleurs que, toujours sous l'effet de l'esprit panafricaniste qui l'animait, le guide libyen s'était également érigé en chaud partisan d'une monnaie africaine et d'une institution africaine de coopération économique et de développement. Cette idéologie devait se concrétiser par la création d'une Banque Centrale africaine et d'un Fonds monétaire africain. Une fois de plus, les intérêts occidentaux se trouvaient gravement menacés. Car non seulement l'emprise du FMI et de la Banque mondiale sur le continent allait être fortement diminuée, mais aussi les intérêts de la France se trouvaient ainsi en danger, du fait de l'effet que la mise en oeuvre de ces projets aurait eu sur les accords de coopération financière et monétaire signés avec les pays africains membres de la zone franc.

Enfin, il faut relever que Kadhafi envisageait également la création d'un satellite panafricain233(*), ce qui promettait d'avoir des conséquences à la fois géopolitiques et économiques. En effet, outre que les chancelleries occidentales allaient voir leur contrôle sur les dirigeants africains fortement annihilé, les firmes occidentales, qui détiennent quasiment le monopole en la matière sur le continent, auraient, à coup sûr, vu leur chiffre d'affaires fortement diminué sur le continent.

Une fois de plus, l'on comprend que la diplomatie camerounaise dans les tribunes onusiennes ait également été muette à ce sujet car, comme dans les cas précédents, les intérêts de grandes puissances se trouvaient en jeu.

Toutefois, il faut noter que les relations entre Yaoundé et Tripoli n'avaient jamais été particulièrement roses, surtout sous l'ère Biya. L'animosité naquit du fait de la décision du chef de l'Etat camerounais de renouer ses relations diplomatiques avec Israël.234(*) Cet acte a attiré au chef de l'Etat camerounais l'hostilité du guide libyen, qui l'a traité de «traitre» à la cause africaine.

Il s'ajoute également à ceci le soutien de Yaoundé à la cause tchadienne durant la crise frontalière d'Aozou qui opposait alors le Tchad à la Libye de Mouammar Kadhafi. Le Cameroun a, à cet effet, accordé des facilités logistiques à la France dans le cadre de son intervention militaire au Tchad et, dans une certaine mesure, aux États-Unis, par une visite officielle du président Biya à Washington en 1986. Cette visite intervenait à la suite de bombardements américains en Libye.235(*)

Cet état de choses a amené le dirigeant libyen à déclarer «le Cameroun de M. Biya ennemi numéro 1 de la Libye en Afrique noire».236(*) Les mutations géopolitiques et diplomatiques qui s'opérèrent en 1990 suite à la résolution du conflit tchado-libyen par la CIJ ne changèrent pas grand-chose aux relations plutôt houleuses entre Yaoundé et Tripoli.

Au regard des trois illustrations qui précèdent, on peut donc déduire que les positions camerounaises à l'Assemblée générale des Nations-Unies relatives aux conflits et contentieux internationaux prennent en compte deux principaux facteurs : le poids de l'acteur majeur du conflit, et l'importance de ses relations avec ledit acteur. Ces deux facteurs l'amènent très souvent à pratiquer une diplomatie de neutralité, à travers des votes abstentionnistes, et parfois, la politique de la chaise vide. Mais ces facteurs ne lui font cependant pas oublier sa diplomatie du rayonnement, qui l'amène très souvent à participer à diverses instances de l'Organe onusien.

* 225 France 24, «Arrestation du président ivoirien Laurent Gbagbo : édition spéciale », 11 avril 2011 à 15 :00.

* 226 Afrique Média Tv, «Documentaire sur la crise ivoirienne », 23 mai 2011.

* 227 Entretien avec Pierre Rodrigue Owono Ngbwa... Selon cette source, le bail de ce palais aurait été imposé par Paris aux dirigeants ivoiriens, pour rembourser au Trésor français les dépenses effectuées à cette occasion.

* 228 E. Zang Ngbwa, « Du cinéma à la Haye ou la politique de deux poids deux mesures », in Nkul du CHGA, numéro 1, janvier 2020.

* 229 Afrique Média Tv, 'Documentaire sur la vie de Mouammar Kadhafi, 23 octobre 2011.

* 230 J. Criaud, Géographie du Cameroun, 2ème édition, Yaoundé, Imprimerie Saint-Paul, 1987.

* 231 La fortune de l'ex-dirigeant libyen s'élevait à 84 milliards de dollars US.

* 232 Entretien avec Gabriel Ngbwa Owono...

* 233 Afrique Média TV...

* 234 Mouelle Kombi, La politique étrangère... p.119.

* 235 Mouelle Kombi, La politique étrangère, pp. 118-119.

* 236 M. Liniger-Gormaz, «Le Cameroun à l'heure du renouveau », in Le Journal de Genève, 4 avril 1987.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus