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Comment adapter la gestion et la stratégie d'un club professionnel aux nouvelles exigences du football européen ?


par Guillaume Romeyer
Kedge Business School - Master 2019
  

Disponible en mode multipage

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    Année universitaire 2018-2019

    La gestion d'un club de

    football français

    Comment adapter la gestion et la stratégie d'un club professionnel aux nouvelles exigences du football européen ?

    Présenté par Guillaume ROMEYER

    Sous la direction de Raoul STIOUI

    Mémoire présenté le 05/07/2019

    Mémoire de Master Programme Grande École à KEDGE Business School

    2

    3

    Résumé

    Le football est un sport mouvant qui s'est réinventé pour devenir une véritable industrie. Autrefois local, le football est devenu global et ne s'arrête désormais plus aux villes et aux frontières. Les acteurs ont évolué et les clubs ne suivent plus les mêmes objectifs. Les nombreux changements ont nécessité de profonds ajustements de la part des clubs et des instances régulationnistes. Certains clubs n'ont pas réussi à s'adapter tandis que d'autres ont su profiter de ces nouvelles opportunités pour étendre leur domination et générer de nouvelles sources de revenus.

    Véritable phénomène social, le sport le plus populaire au monde est le reflet de la société qui qui nous entoure : une financiarisation toujours plus importante, des riches toujours plus riches, des inégalités qui se creusent et une globalisation accrue. La libéralisation économique et financière constatée a permis au secteur d'engranger des gains toujours plus importants, non sans creuser les déficits de nombreux clubs. L'absence de réelle régulation ainsi que l'incitation à la performance sportive n'ont pas aidé à assainir la gestion financière des clubs.

    Dans ce nouvel écosystème globalisé, l'Olympique Lyonnais fait figure de précurseur à l'échelle nationale. Le club dirigé par Jean-Michel Aulas a su saisir cette aubaine pour développer un modèle économique profitable et pérenne. Le développement de nouvelles sources de revenus, décorrelés des aléas des résultats sportifs permet au club rhodanien de sécuriser ses activités et sa situation financière. L'audace des choix de la direction lyonnaise a été motivée par la volonté d'exister à l'échelle nationale puis européenne. Acteur majeur de sa région, l'OL est devenu un acteur essentiel pour la France du football grâce aux choix stratégiques mises en place depuis de nombreuses années. L'étude du club et de ses choix représentent une opportunité de mieux cerner les leviers et les enjeux stratégiques qu'un club peut mettre en place afin d'améliorer ses performances dans le nouveau contexte du football actuel.

    4

    Sommaire

    RESUME 3

    SOMMAIRE 4

    GLOSSAIRE 5

    INTRODUCTION 6

    1. LE PASSAGE D'UNE ERE INDUSTRIELLE A UNE ERE FINANCIARISEE DU FOOTBALL 7

    1.1. LE PASSAGE A UN MODELE D'ECONOMIE DE MARCHE 7

    1.1.1. D'associations à sociétés commerciales : l'évolution juridique des clubs français 7

    1.1.2. Une financiarisation du football 12

    1.2. LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DE LA FINANCIARISATION 30

    1.2.1. De nouvelles sources de revenus pour les clubs : le passage de la structure SSSL au modèle

    MCMMG 30

    1.1.1. Le modèle européen arrive-t-il à ses limites ? 37

    2. LA GESTION D'UN CLUB DE FOOTBALL FRANÇAIS 50

    2.1. CARACTERISTIQUES DU FOOTBALL FRANÇAIS 50

    2.1.1. Contrôle financier et audit annuel : une meilleure gouvernance que ses voisins ? 50

    2.1.2. Un retard sur ses voisins européens 53

    2.1.3. Un système de formation reconnu : les clubs français sont des exportateurs de talents à

    l'international mais restent dépendants des ventes de joueurs 58

    2.2. LES ACTIVITES SPORTIVES 60

    2.2.1. Le choix de la structure organisationnelle 60

    2.2.2. Le recrutement de joueurs 62

    2.2.3. Vision long-terme 64

    3. LE CAS DE L'OLYMPIQUE LYONNAIS 68

    3.1. PRESENTATION DE L'OL 68

    3.1.1. Histoire de l'OL 68

    3.2. ANALYSE DE L'ENVIRONNEMENT ET D'OL GROUPE 69

    3.3. RESULTATS OBTENUS 79

    3.3.1. Des revenus en hausse 80

    3.3.2. Un bilan en progression 86

    3.4. UN NOUVEAU MODELE ECONOMIQUE BASE SUR L'EXPLOITATION DE SES INFRASTRUCTURES SPORTIVES 88

    3.4.1. Développement des infrastructures autour du stade 89

    3.4.2. Le projet OL City 90

    3.4.3. Une nouvelle stratégie digitale adaptée 91

    CONCLUSION 93

    ANNEXES 96

    BIBLIOGRAPHIE 107

    TABLE DES MATIERES 113

    5

    Glossaire

    DNCG : Direction nationale du contrôle de gestion

    ECA : European Club Association

    EUSRL : Entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée

    FIFA : Fédération Internationale de Football Association FPF : Fair-play Financier

    LDC : Ligue des Champions

    LFP : Ligue de Football Professionnel

    OL : Olympique Lyonnais

    SAOS : Société Anonyme à Objet Sportif

    SASP : Société Anonyme Sportive Professionnelle

    UEFA : Union Européenne de Football Association

    6

    Introduction

    Afin d'introduire ce sujet, il convient d'expliquer le choix et la motivation qui m'a animé tout au long de l'année. D'abord l'enthousiasme ; le football est un sujet qui me passionne depuis toujours et l'étude de son modèle économique représentait pour moi une formidable opportunité de recherche. Ensuite d'un point de vue professionnel ; mon objectif à terme est de travailler dans l'industrie du sport et spécifiquement dans le football, ce mémoire fait donc office de première expérience sur la question.

    Au-delà du football et des matches en eux-mêmes, le véritable axe de recherche de ce mémoire se concentre sur le côté business de cette industrie du divertissement et du spectacle. Le football a connu de nombreuses mutations depuis la création du premier club professionnel en Angleterre. Il est devenu une véritable industrie générant des milliards d'euros chaque saison. Les clubs sont devenus des entreprises voire même des multinationales pour certains. Les modèles économiques ont évolué, les acteurs aussi. La grande popularité de ce sport à l'échelle internationale a provoqué l'arrivée de nouvelles parties prenantes, entrainant de profonds changements. Il a fallu aux clubs une grande adaptation pour répondre aux nouveaux besoins de cette nouvelle industrie. C'est ce que nous allons tenter de décrire dans ce mémoire en s'appuyant sur le cas de l'Olympique Lyonnais, club symbolique de cette nouvelle ère par sa gestion et l'audace de ses choix.

    Nous nous attacherons donc à comprendre comment adapter la gestion et la stratégie d'un club professionnel aux nouvelles exigences du football européen.

    Pour y répondre, nous analyserons dans un premier temps l'évolution de l'industrie footballistique en Europe et plus spécifiquement son passage d'une ère industrielle à une ère financiarisée au travers de la revue de littérature.

    Ensuite, nous étudierons la gestion d'un club de football français. Pour ce faire, il conviendra d'analyser les spécificités du football français avant de se pencher sur la gestion des activités sportives.

    Enfin, nous nous concentrerons sur le cas de l'Olympique Lyonnais, pour comprendre le modèle économique mis en place par Jean-Michel Aulas et les résultats de celui-ci.

    7

    1. Le passage d'une ère industrielle à une ère financiarisée du football

    1.1. Le passage à un modèle d'économie de marché

    1.1.1. D'associations à sociétés commerciales : l'évolution juridique des clubs français

    Depuis la création en 1863 de la Football Association à Londres qui a marqué l'unification du règlement, le football a connu de nombreuses révolutions. Cette rencontre entre les différents clubs londoniens scelle la séparation entre le football et le rugby.

    Avant de devenir le sport le plus populaire au monde, un des premiers faits marquants fût la professionnalisation du football permise, encore une fois par les anglais en 1885. Les premières intentions furent motivées par la volonté des instances d'éviter les scandales liés aux rémunérations illicites des joueurs amateurs par les clubs. Avec le statut professionnel, les joueurs pouvaient être rémunérés légalement par les clubs qui avaient très tôt perçus les gains potentiels d'une activité comme le football.

    Dès lors, les Anglais tentent d'exporter ce sport à travers le monde et c'est - paradoxalement lorsque l'on connait le contexte depuis - aux États-Unis que sera créée en 1894 la première ligue professionnelle hors des frontières britanniques. Plusieurs problématiques institutionnelles et financières viendront sceller le sort de la « American League of Professional Football » dès la saison suivante.

    Entre temps, des Britanniques travaillant au port du Havre entament la création d'un club en France : le Havre Athletic Club devient ainsi le premier club de football français en 1872. La professionnalisation du football français a été entérinée en 1932, après la vague qui a commencé par toucher les pays de l'Est et du Sud de l'Europe ainsi que ceux d'Amérique du Sud (« la Tchécoslovaquie en 1925, l'Autriche en 1926, la Hongrie en 1926, l'Espagne en 1929, l'Argentine en 1931, le Brésil en 1932, le Chili en 1933 et le Portugal en 1934 »1) Les pays du nord de l'Europe entameront ce processus après la Seconde Guerre Mondiale (« les Pays-Bas en 1954, l'Allemagne en 1963, la Belgique en 1974, le Danemark en 1985, la Finlande en 1990 et la Norvège en 1992 »).

    1 Drut B., 2011, Économie du football professionnel

    8

    Ce passage au professionnalisme n'a été suivi que par très peu de clubs qui passèrent le cap, essentiellement à cause des rémunérations que le statut induisait. Ainsi, très peu de clubs connurent le professionnalisme avant la création du Groupement des Clubs Autorisés, l'ancêtre de la Ligue de Football Professionnel (LFP). Cet organisme avait notamment pour mission de sélectionner les clubs qui auront droit au statut professionnel. Cet autoritarisme sera levé en 1970 lorsque le seul déterminant pour le passage du statut amateur à professionnel sera le critère sportif.

    Cette démocratisation du statut professionnel donné aux clubs a entrainé des changements de cadre juridique.

    Initialement, les clubs de football en France sont juridiquement considérés comme des « associations à but non lucratif ». De nombreuses évolutions juridiques ont été menées durant les décennies 70 et 80, pour au final permettre aux clubs de rester des associations à statuts renforcés. Ces lois ont permis aux clubs d'adopter des statuts avec des particularités juridiques qui ont pris fin en 1999, avec un texte qui abrogea ces statuts. Ce changement de législation engendre une transformation amorcée auparavant, qui voit les clubs adopter un modèle qui se rapproche d'un fonctionnement capitaliste.

    Depuis 1999, quasiment tous les clubs de Ligue 1 et Ligue 2 ont adopté le statut de Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP). Ce statut d'exception a été créé dans l'objectif de permettre aux clubs d'avoir plus de flexibilité. En effet, les deux autres statuts autorisés pour les clubs professionnels - à savoir l'entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée (EUSRL) et la société anonyme à objet sportif (SAOS) - ne leur permettent « ni de verser des dividendes, ni de rémunérer leurs dirigeants ». Ces deux facteurs apparaissent aujourd'hui obsolètes au vu de l'évolution et de la professionnalisation du secteur.

    Le statut SASP est donc plébiscité par la grande majorité des clubs professionnels français, qui se voient ainsi donner plus de flexibilité, notamment en ce qui concerne l'accès au capital, qui est libre. Cette forme juridique s'est progressivement répandue afin d'apporter une réponse plus adaptée aux nouveaux besoins de financement des clubs. Les investisseurs ont ainsi la possibilité d'acheter des actions du club et obtenir les droits sociaux en conséquence. Avant la création de ce statut, la recherche d'investisseurs était difficile pour les clubs français car tous les bénéfices découlant des activités d'un club devaient obligatoirement « être affectés à la constitution de réserves qui ne [pouvaient] donner lieu à aucune distribution » 2. Les

    2 Loi du 16 juillet 1984

    9

    investisseurs privés n'avaient donc pas ou très peu d'arguments pour investir dans un club. De plus, la rémunération des dirigeants a été rendue possible avec cette évolution. En effet, auparavant, les dirigeants de chaque club étaient considérés comme bénévoles. Sachant que la gestion d'un club professionnel est un métier à part entière, il était difficile pour ces dirigeants de s'investir pleinement sans percevoir de rémunération. Cette question a donc évolué avec l'objectif d'attirer des dirigeants plus compétents et ainsi amener une gouvernance et une gestion plus rationnelles. Ces transformations règlementaires ont été menées dans l'objectif de permettre aux clubs de répondre plus efficacement aux exigences nouvelles d'un football européen de plus en plus concurrentiel. Il ne manquait alors qu'une étape pour faire basculer le football français en pleine économie de marché : la possibilité d'introduction en bourse des clubs. Ce fut chose faite en janvier 2007 avec une loi permettant la cotation boursière des clubs sportifs, sous quelques réserves « l'acquisition d'actifs destinés àÌ renforcer leur stabilité et leur pérennité, tels que la détention d'un droit réel sur les équipements sportifs utilisés pour l'organisation des manifestations ou compétitions sportives auxquelles elles participent ».3 Les clubs qui veulent tenter l'aventure doivent ainsi justifier une volonté d'acquérir des actifs tangibles, notamment un complexe sportif, ce qu'a mis en pratique l'Olympique Lyonnais par exemple.

    Le statut juridique des clubs à travers l'Europe suit des cadres législatifs très similaires aux sociétés anonymes classiques, avec quelques spécificités régionales. Un rapide tour d'horizon sur l'évolution des statuts des quatre grands championnats européens permet de distinguer ces subtilités.

    En Italie, les clubs ont le statut équivalent de celui de « Société Par Action » (« societa per azioni »), à la nuance près qu'ils ont obligation de réinvestir les bénéfices de l'exercice dans le développement du sportif du club.

    Ce même modèle (SPA) est suivi par les clubs anglais dès le début du XXe siècle. La seule différence avec le fonctionnement italien intervient dans la redistribution des bénéfices sous forme de dividendes : les organisations anglaises ont plafonné ces indemnités à 15% de la hauteur des bénéfices.

    Concernant l'Espagne, la structure actuelle de quasiment tous les clubs professionnels (à l'exception de 4 clubs pour lesquels nous reviendrons plus tard) est la conséquence d'une crise

    3 Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006

    10

    financière qui toucha les clubs espagnols au cours des années 1980. Les déficits étaient tels qu'il a été imposé aux clubs l'adoption d'un statut très proche des SASP françaises en 1990 ; les « Sociedad anonima deportiva ». Seuls quatre clubs ne bénéficient pas de ce statut : le Real Madrid, le FC Barcelone, l'Athletic Bilbao et Osasuna. Ces derniers ont la particularité d'avoir pu garder leur statut précédent car ils étaient les seuls à ne pas présenter de déficits entre 1985 et 1990. Ils sont considérés comme des sociétés civiles sans but lucratif. Il est donc impossible pour un investisseur d'en devenir propriétaire en rachetant les parts ; le club appartient donc aux « socios », des membres qui payent une adhésion annuelle. Cette dernière permet aux à ces adhérents de jouir d'un pouvoir de décision et élisent tous les deux ans et demi le président du club.

    Enfin, le modèle allemand s'apparente à une sorte de variante édulcorée de ce qui est pratiqué par les quatre clubs espagnols cités plus haut. Ainsi, les membres de l'association gardent 50+1% des droits de vote ; un investisseur privé ne peut donc pas détenir plus de la moitié du capital-actions du club et en devenir le propriétaire. Seules exceptions en date : le Bayer Leverkusen et VFL Wolfsburg qui ont respectivement été fondés par les groupes Bayer et Volkswagen.

    Il est dont aisé de constater qu'au fil des époques, la volonté de chacun fut de faciliter le passage d'un modèle associatif à un modèle libéral, où l'économie de marché prédomine. Cela a eu pour effet de professionnaliser la gestion et la gouvernance des clubs concernés, qui sont devenus de vraies entreprises, au point de devenir pour certains de véritables multinationales. Une autre conséquence de ces mouvances se trouve dans la modification des structures actionnariales constatée dès lors.

    A l'origine de la professionnalisation du football, nombre de clubs étaient implantés dans des bassins industriels. Ce phénomène est présent aussi bien en Europe qu'en France où l'on peut constater de grands clubs actuels basés dans des villes industrielles (Manchester, Liverpool, Dortmund, Turin ...). Des clubs très importants du paysage footballistique français prennent également racine au sein de régions industrielles et étaient liés étroitement à de grandes entreprises ; le club de l'A.S Saint-Etienne a été fondé en 1933 par le Groupe Casino, le F.C Sochaux-Montbéliard est le fruit de la création du Groupe Peugeot, tout comme le RC Lens qui provient de la compagnie des mines de Lens.

    11

    Ces entreprises n'avaient pas la possibilité d'être les propriétaires de ces clubs officiellement. Néanmoins, il était aisé pour ces dernières de subventionner à souhait les clubs et donc en détenir le contrôle implicitement. Ainsi, au fur et à mesure des évolutions juridiques évoquées ci-dessus, les entreprises ont pu devenir propriétaires de ces clubs, et nombre d'entre elles n'ont pas hésité à entrer au capital des clubs. Les motivations des compagnies en question sont souvent d'associer leur image à un sport populaire.

    Plus tardivement (années 1990), il y a eu une vague de rapprochement entre clubs et chaines de télévision. En effet, ces deux parties prenantes sont étroitement liées car le secteur de l'audiovisuel a rapidement compris les potentiels revenus que pouvaient générer les retransmissions des matches. Les diffuseurs ont tout intérêt à ce que les clubs soient les plus attractifs possibles : il est donc dans leur intérêt d'investir des sommes importantes pour booster les revenus des clubs. Le football est devenu un générateur d'intérêts puissant pour les diffuseurs, qui considèrent alors les clubs comme les « producteurs de contenu télévisé » diffusé sur ces chaines de télévision. C'est pourquoi des diffuseurs ont même été jusqu'à rentrer au capital de certains clubs ; cela a été le cas pour Canal + qui a investi dans le PSG pour en devenir le propriétaire de 1991 à 2006 et du groupe M6 qui a racheté le club des Girondins de Bordeaux en 1999 avant de le céder au fonds d'investissement General American Capital Partners. Par ailleurs, le cas particulier du groupe BeIn Media Group est très intéressant ; ce dernier est devenu l'un des diffuseurs importants des compétitions européennes à travers l'Europe, propriété de l'État Qatari dont le PDG n'est autre que Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG. Nous reviendrons dans la section ii. Une financiarisation du football sur le phénomène des droits TV.

    Le développement et la professionnalisation du football en Europe a pris ses racines durant l'âge industriel, pourtant les évolutions marquées par une libéralisation de notre économie à toutes les échelles marque s'inscrivent dans la financiarisation. Tout ceci couplé aux récentes évolutions juridiques concernant les statuts des clubs en France, qui a eu pour conséquence une augmentation des capitaux dans les clubs. En effet, la facilitation pour les investisseurs de s'immiscer dans les clubs a eu pour effet une financiarisation des structures.

    12

    1.1.2. Une financiarisation du football

    La libéralisation économique qui a touché notre environnement quotidien a donc eu des impacts considérables sur l'industrie du football. Les réformes de dérégulation financière ont eu pour effet l'irruption de nouveaux acteurs qui allaient changer le cours de ce sport et le faire entrer dans une nouvelle ère. Ce mécanisme a donc été impulsé par les politiques néolibérales mises en place pour répondre aux difficultés économiques auxquelles les économies interventionnistes n'ont pas su répondre et le secteur du football n'a pas échappé à cette doctrine visant la liberté des marchés. Elles ont donc conduit à l'émergence de trois nouveaux acteurs économiquement développés : les diffuseurs audiovisuels, des nouveaux investisseurs aux allures de mécènes, et des entreprises multinationales par le biais des activités de sponsoring. Nous verrons que les intérêts de ces trois acteurs convergent, alimentant par la même occasion un mécanisme qui les lient plus ou moins directement.

    1.1.2.1. Les acteurs audiovisuels

    Le sport en général a toujours passionné les groupes de médias. Chronologiquement, la presse écrite fut la première à s'intéresser aux exploits sportifs, au point de participer à la genèse de certaines compétitions ; par exemple, la Coupe des Clubs Champions Européens (devenue Ligue des Champions) est le fruit du travail des journalistes de L'Equipe qui voyaient le potentiel pour le quotidien de conter les exploits des clubs de football. La radio s'est par la suite emparée du phénomène football en commentant les matches en direct. Et dernièrement, la télévision qui grâce aux nouvelles technologies de l'époque, pouvait diffuser les images des matches, pour plonger le téléspectateur au coeur de l'événement. Football et télévision ont toujours entretenu des rapports étroits : la diffusion du football à la télévision lui apporte une manne financière importante via la vente de ses droits de retransmission et lui offre une plus grande exposition, pendant qu'il permet aux chaines d'effectuer leurs meilleures audiences et d'améliorer leur image de marque.

    Ernest Chamond, l'inventeur du téléviseur, prédisait en 1927 que le football « deviendrait le plus grand spectacle télévisé ». 92 ans plus tard, force est de constater que la prophétie de ce patron d'entreprise s'est réalisée. Ainsi, avec 35 caméras installées au coup d'envoi de chaque match de la Coupe du Monde 2018 en Russie, tout est réuni pour fournir aux téléspectateurs une vision impeccable de ce spectacle télévisé. Aujourd'hui, la relation qui lie la télévision et le football s'exprime par le biais d'intérêts communs.

    13

    Pourtant, dans les années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la diffusion des matches n'est pas vue positivement par les clubs qui craignent alors une désertification des stades, se traduisant par une baisse des recettes liées à la billetterie, qui constituent à cette époque l'un des trois piliers du modèle économique de l'économie du football (voir 1.2 Les conséquences économiques de la financiarisation). Des mutations structurelles du secteur audiovisuel marquent le tournant de ce système, occasionnant simultanément de profondes transformations sur le football européen. En France, la précédente présence d'un monopole public empêchait le réel développement des droits télévisuels pour les compétitions sportives. Cette réglementation fût abolie le 29 juillet 1982 avec la fin du monopole d'État et la création de la Haute Autorité, qui autorisent dorénavant l'exploitation des chaines de télévision.

    Cette libéralisation du marché télévisuel s'est accompagnée d'un développement des technologies liés à la diffusion des images. Les méthodes de diffusion par satellite et par câble entrainent l'arrivée de nouveaux acteurs privés qui s'avéreront friands de ce nouveau spectacle. Les moyens technologiques ainsi mis à disposition des chaines leur permettent de se développer et d'atteindre plus de foyers. L'accès au contenu des images des matches vont commencer à devenir des enjeux stratégiques pour certaines chaines. Les coûts de production n'étant pas tributaires du nombre de spectateurs, la réalisation des matches de football n'engendre pas des coûts très élevés pour les chaines. En revanche, l'obtention des droits de retransmission s'avèrent déjà élevés pour l'époque. Les chaines vont donc financer les clubs par l'intermédiaire de l'achat des droits de retransmission des compétitions. Les organisateurs des événements sportifs - à savoir les ligues pour les compétitions nationales et les instances regroupant les fédérations pour les compétitions internationales - se retrouvent donc en situation de monopole contrarié : ils sont les offreurs exclusifs de leur produit face à plusieurs demandeurs, les diffuseurs. Cette situation s'est intensifiée avec la multiplication des acteurs audiovisuels : le nombre de chaines intéressées s'est accru au plus grand plaisir des ligues qui voient dans ce développement une concurrence toujours plus forte.

    Ainsi, les organisateurs des compétitions mettent en vente à intervalle régulier les droits de diffusion de leur « spectacle ». Des appels d'offre à périodicité de 5 ans maximum sont donc lancés. Ce système d'enchère instauré par les ligues et les fédérations a donc eu pour effet immédiat une inflation des droits TV (voir 1.2 Les conséquences économiques de la financiarisation) et une baisse du pouvoir de négociation des demandeurs, autrement dit les diffuseurs.

    14

    Au vu des montants auxquels sont négociés ces droits, les chaines payantes se sont rapidement imposées comme les diffuseurs majoritaires des compétitions de football.

    En ce qui concerne les chaines gratuites, la diffusion d'événements sportifs se caractérise principalement par des fins de communication et d'image de marque. En effet, ces dernières ont conscience que ces retransmissions représentent un gouffre financier.

    Les diffusions des compétitions de football représentent les plus grosses audiences à la télévision (les matches de la Coupe du monde 2018 représentent les 9 plus fortes audiences de l'année en France). On pourrait alors penser que les recettes issues de la publicité lors de la diffusion de ces événements entraineraient un poste de revenus assez élevé pour combler les montants des droits TV payés par les chaines. Pourtant, il semble important d'avoir à l'esprit que le marché publicitaire relatif à la télévision connait une stagnation depuis une quinzaine d'années, hors inflation (se rapporter à l'annexe 1).

    Cette diminution des recettes publicitaires s'est couplée d'une intensification des acteurs télévisuels, avec l'introduction dans les années 2000 de nouvelles chaines (16 nouvelles chaines gratuites depuis 2005). La concurrence sur le marché de la télévision gratuite s'est donc accrue, ayant pour effet le morcellement des audiences pour les chaines historiques. Enfin, l'arrivée de nouveaux acteurs sur Internet a entrainé un déplacement des revenus publicitaires vers ces nouvelles plateformes. Ainsi, les recettes publicitaires provenant de la télévision ne représentaient plus que 24% de la valeur totale des médias contre 36% pour Internet4.

    Dès lors, il est aisé de constater que pour les chaines de télévision, la logique strictement financière ne se veut pas appropriée : l'enjeu repose désormais sur la volonté d'améliorer sa réputation et d'accroitre sa notoriété et son image. Cet investissement difficilement quantifiable, peut alors avoir des retombées positives sur le long terme auprès des annonceurs.

    Les chaines payantes sont donc devenues les diffuseurs principaux des compétitions de football. Au contraire des chaines gratuites, les chaines payantes peuvent compter sur une autre source de revenus que les recettes publicitaires. Ainsi, au moment des appels d'offres ces dernières disposent d'une enveloppe plus conséquente pour ces activités. Le prix payé par les abonnés permet aux chaines en question d'amortir le montant des droits TV. Toutefois, il est difficile d'estimer la rentabilité de chaque droit acquis, et rares sont les chaines payantes rentables. A titre d'exemple, Bein Sport, qui a bouleversé le monde des chaines sportives avec son arrivée

    4 IREP Le marché publicitaire par média 2017

    15

    en 2012, cumulait 1,2 milliard d'euros de pertes en 2017, malgré 4 millions d'abonnés. Cette démultiplication des chaines payantes a participé à l'explosion des droits TV depuis une vingtaine d'années, avec pour effet une dépendance des clubs français à cette source de revenus. Cette augmentation spectaculaire des droits TV, qu'elle soit justifiée économiquement ou aberrante pour d'autres, renforce la détérioration de la situation financière de ces chaines. Nous verrons par la suite qu'elle est également une source de vulnérabilité pour les clubs mal gérés.

    L'avènement du financement du football français par les chaines payantes est symbolisé par l'arrivée de Canal + en 1984. Le lancement de la chaine par Havas marque un tournant historique pour le football français. La chaine cryptée devient alors le financeur du football français de longues années durant. A ce moment, les droits de retransmission des matches de Ligue 1 s'élèvent à 2 millions d'euros. Charles Bietry, le directeur du service des sports de Canal + fait de la Ligue 1 le produit phare de la chaine, qui devient un produit d'appel très efficace. A partir de ce moment, le football et la Ligue 1 deviennent un véritable spectacle : un « feuilleton » comme le décrivait Michel Denisot en 20035. Canal + et les autres médias diffusant du football transforment progressivement le football en un marché de stars. Le football et la télévision ont donc des intérêts mutuels, et c'est ainsi que les chaines deviennent au fur et à mesure de véritables promotrices du championnat.

    Symbole de l'évolution et de l'intensification de la concurrence, Canal + dit adieu à la Ligue 1 pour la période 2020-2024. Le montant total versé pour l'attribution de l'ensemble des rencontres du championnat s'élève à 1.153 milliard d'euros, un nouveau record qui place la France à la troisième place européenne, devant la Liga espagnole et la Serie A italienne qui vont à leur tour procéder à de nouveaux appels d'offres. C'est un changement de cap majeur pour Canal + qui a refusé de suivre la folle course en avant des montants des droits domestiques de la Ligue 1. Diffuseur historique du championnat hexagonal, Canal + pourra toujours tenter de racheter des matches ou des lots aux deux diffuseurs gagnants, à savoir MediaPro et BeinSport. Il faut dire que les ligues sont mieux organisées qu'auparavant ; elles délèguent à des cabinets de conseils spécialisés et à des avocats l'application de nouveaux dispositifs de répartition des lots de façon à faire monter les enchères.

    5 https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2010-3-page-91.html, consulté le 23 janvier 2018

    1998-2001 2001-2004 2004-2005 2005-2008 2008-2012 2012-2016 2016-2020 2020-2024

    126

    332

    278

    Montants droits TV

    639

    668

    607

    727

    1153

    16

    Source : Auteur, d'après LFP

    Il est intéressant de constater qu'un nouveau type d'acteurs rentrent en jeu sur le sujet de la retransmission des rencontres sportives : les plateformes en ligne d'Amazon ou Facebook par exemple. En Angleterre, 20 matches de Premier League seront diffusés par saison à compter de 2019 par le géant du e-commerce sur sa plateforme média, qui dispose de moyens considérables. Tout comme Facebook, qui a acquis les droits de diffusion de la Ligue des Champions européenne en Amérique Latine dès cette saison. Ces deux cas illustrent une fois de plus l'intensification de la concurrence du secteur avec l'arrivée de nouveaux canaux de diffusion. De nouveaux projets sont également à l'étude avec par exemple le lancement d'une plateforme payante, OTRO, qui propose du contenu exclusif sur les plus grandes vedettes du football ; un sujet qui intéresse de plus en plus les amateurs du ballon rond, symbole de la starification engendrée par les chaines de télévision.

    Comme énoncé antérieurement, les revenus liés aux droits TV n'ont cessé d'augmenter ces dernières années. Il est à noter que les règles de répartition des droits TV propres au football français diffèrent légèrement de celles de ses voisins européens. Depuis quelques années, il y a beaucoup d'évolutions pour tenter d'harmoniser les règles de répartition suivant les pays, qui suivent une répartition comme ci-dessous :

    Egalitaire 50% 50% 65% 50% 40%

    Résultats 30% 25% 35% 25% 30%

    -

    Notoriété/Poté20% 25%

    25% 30%

    En %

     
     
     
     

    Premier League

     
     
     

    Liga

    Serie A

     

    Ligue 1

     
     

    Bundesliga

     
     
     
     
     
     
     

    40

    60

    50

    30

    20

    10

    0

    56,7

    51,7

    48,7

    44,

    Droits TV saison 2017/2018 (en M€)

    8,7

    35,

    1,1 29,7

    26,5 24,7 24,2

    21,5 20,4 20,2 19,6 19,2 18,8 17,9 16,1 15,7

    17

    Source : auteur d'après DNCG

    1.1.2.2. Les investisseurs privés

    o Les propriétaires de clubs

    La libéralisation des capitaux à l'échelle mondiale a entrainé de nombreux changements dans la structure actionnariale des clubs de football européen. Disposant dorénavant de statuts semblables à ceux des entreprises classiques, plus rien n'empêchait les investisseurs privés de prendre part au business du ballon rond. La médiatisation croissante et les revenus qui vont avec suscitent l'appétence d'acteurs cherchant à tirer profit de cette industrie à l'aube d'une grande révolution économique. Ainsi, plusieurs types d'investisseurs vont commencer à s'immiscer dans le paysage footballistique européen, au sein duquel une intensification des flux nait. Une des conséquences importantes de la vague de libéralisation financière réside dans le mécanisme de déréglementation financière qu'elle a entrainé. Ce mécanisme se définit comme « le processus d'assouplissement ou de suppression des réglementations nationales régissant, et restreignant, la circulation des capitaux » 6. Les clubs étant devenus de véritables sociétés, ils n'échappent pas à l'accroissement des flux internationaux.

    En ce qui concerne la France, nous avons pu évoquer dans la section a. i. D'associations à

    sociétés commerciales : l'évolution juridique des clubs français, les entreprises propriétaires des clubs étaient historiquement locales. Jusqu'au carrefour des années 2000, nombre de

    6 https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/regle-des-3-d.html, consulté le 24 janvier 2019

    18

    propriétaires de clubs avaient pour objectif de satisfaire une passion ou de s'acheter une image nationale voire internationale. Ces clubs n'étaient pas souvent gérés comme des entreprises modernes et l'application d'un management paternaliste était de mise. L'objectif poursuivi par ces derniers n'étaient donc pas la création de valeur pour le club. C'est une des raisons de la recrudescence des investissements dans le secteur : le potentiel de maximisation de la valeur est très élevé. Le football est alors vu comme un marché récent où la maturité et la structuration ne sont qu'à ses prémices. Encore aujourd'hui, le secteur du football français est vu comme un marché où de nombreuses opportunités restent à saisir ; un phénomène symbolisé par la vague d'investissements étrangers en France depuis 2011, que l'on tâchera de développer dans un second temps.

    Il convient alors de tenter de comprendre les motivations de ces nouveaux apporteurs de capitaux qui n'hésitent pas à investir des sommes mirobolantes. Ainsi, l'arrivée progressive de riches investisseurs dans le football précédemment constatée peut suivre plusieurs stratégies. Communément, les propriétaires de clubs sportifs tendent vers deux types de stratégies qui ont des objectifs différents. La première se traduit pour eux comme la recherche d'une rentabilité financière que peut leur offrir la détention d'un club. La seconde ambition nourrie par ces investisseurs réside dans l'apport indirect qu'ils pourront tirer de ce club, à travers les aspects communicationnels et d'image associés au football et à un club prestigieux.

    La recherche d'une rentabilité financière

    Intéressons-nous en premier lieu à l'objectif pour un apporteur de capital de rentabiliser son investissement à travers les activités du club. Jusqu'à encore récemment, les clubs de football ne représentaient pas un business rentable, bien que les évolutions de statuts permissent aux dirigeants de reverser des dividendes. En effet, rares étaient les clubs qui ne présentaient pas de déficits.

    Les graphiques présents en annexe 2 tirés du rapport financier annuel de l'UEFA7 illustrent parfaitement l'évolution de la profitabilité de l'ensemble du secteur footballistique européen (se rapporter à l'annexe 2). Le secteur n'a jamais été aussi profitable qu'aujourd'hui ; il faut toutefois prendre en considération le creusement des inégalités qui masque une situation économique et financière fragile pour de nombreux clubs. En effet, de nombreux clubs souffrent

    7 UEFA, Club Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017

    19

    toujours de déficits récurrents et la majorité des clubs ne sont pas nécessairement rentables. Dans son ensemble, le football européen dégage des résultats positifs mais les disparités demeurent très importantes et l'équilibre économique du football européen reste fragile.

    En dépit de cette bonne santé financière apparente, il est impossible de passer outre les freins historiques qu'implique l'investissement dans un club de football. Les clubs représentent tout de même un investissement risqué, et ce pour plusieurs raisons.

    La dépendance des clubs aux revenus issus des droits TV tendent à rendre ces derniers sujets aux fluctuations des diffuseurs. La crainte d'une réduction de ces montants entrainerait irrémédiablement une forte dégradation des recettes du club. Une indexation des dépenses et des charges - salariales notamment - sur ces revenus peut devenir dangereux pour la rentabilité et la pérennité du projet. Les clubs sont dépendants des revenus issus des groupes audiovisuels et peuvent sembler être « sous perfusion ».

    De la même manière, l'incertitude liée au résultat sportif peut constituer une entrave pour les investisseurs présentant une aversion au risque. En effet, une méforme de l'équipe entrainant un écart par rapport aux prévisions peut avoir des conséquences très importantes économiquement. Prenons le cas d'une direction qui investit dans l'optique de se qualifier en Ligue des Champions (LDC). Si son équipe ne se qualifie pas à l'issue de la saison, le club aura donc engagé des dépenses conséquentes sans récupérer le gain financier qu'engendre une qualification en LDC : lors de la saison 2017/2018, les dotations des clubs en LDC étaient comprises entre 16.819.000 € pour le FK Qarabag (club ayant reçu le moins d'argent) et 88.654.000 € pour le Real Madrid8, vainqueur de l'édition. Dans le même temps, l'Olympique de Marseille, finaliste malheureux de l'édition de la Ligue Europa (LE) et plus grand bénéficiaire des dotations, en engrangé 22.966.178 €9, à peine plus que le FK Qarabag.

    Une autre illustration de l'importance d'une qualification en LDC pour les comptes d'un club est symbolisée par le club d'Arsenal. Absent de la plus prestigieuse des compétitions européennes pour la première fois depuis vingt ans, Arsenal a subi des pertes de l'ordre de 50 millions d'euros et a perdu trois places au classement des clubs les plus riches ; passant de la 6ème à la 9ème place, sa pire position depuis la saison 2004/200510.

    8 UEFA, LIGUE DES CHAMPIONS : DISTRIBUTION AUX CLUBS 2017/18

    9 UEFA, LIGUE EUROPA : DISTRIBUTION AUX CLUBS 2017/18

    10 Rapport Deloitte, Annual Review of Football Finance, 2018

    2014 2015 2016 2017 2018

    359

    Revenus Arsenal (en MC)

    436

    469

    488

    439

    20

    Source : Auteur, d'après les données du rapport Deloitte, Annual Review of Football

    Finance, 2018

    De même, les autres ressources des clubs sont étroitement liées à leurs prestations sportives. Toutes les couches sont concernées : la fréquentation du stade sera impactée en cas de mauvais résultats sportifs, entrainant une détérioration des revenus issus de la billetterie ; les droits TV auxquels le club a le droit dépend en partie de ses performances au classement, et l'attractivité d'un club résulte également de ses résultats. L'activité mono-produit des clubs de football peut agir comme un repoussoir pour les investisseurs. C'est pourquoi les clubs tendent à diversifier leurs activités, pour développer leur capacité à produire des sources de revenus déconnectées des performances sur le terrain (ce sera l'objet de la section sur l'OL).

    Dans le cas d'Arsenal, il est aisé de constater que les mauvaises performances sportives de l'équipe ont influé négativement sur ses recettes, à tous le postes : qu'ils s'agissent des revenus issus de la billetterie (Matchday revenu), des droits TV (Broadcast revenue) ou des revenus commerciaux (commercial revenue) comme le souligne l'annexe n°3.

    Par ailleurs, une autre particularité de la gestion d'un club est le manque de visibilité sur les perspectives sportives à plus d'un an. Ce court-termisme imposé par le format des compétitions n'encourage pas l'optimisation des résultats financiers sur le long-terme. En dépit de la mise en place d'une politique financière saine et durable au sein d'un club, la réalité des résultats sportifs aura très souvent tendance à influencer l'avis des supporters, qui pourront mettre plus ou moins la pression sur la direction pour réclamer du changement. Dans le spectre libéral, la cotation en bourse d'une entreprise classique permet de soumettre les dirigeants à une certaine discipline : celle des marchés financiers. En cas de mauvaise gestion, les entreprises cotées courent le risque d'une sanction des marchés financiers qui se traduira par une détérioration de la valeur de

    21

    l'entreprise, voire par une prise de contrôle de l'entreprise par d'autres acteurs. Il y a pourtant très peu de clubs de football qui sont présents sur les marchés boursiers. Le cas échéant, les performances sportives priment souvent sur les performances financières.

    Malgré ces obstacles historiques, la motivation des acteurs investissant dans le football est de plus en plus déterminée par une recherche de rentabilité directe. Les recettes en constante augmentation du secteur et des clubs entrainent des gains plus certains pour eux, garantissant un investissement moins risqué qu'auparavant.

    La recherche d'une rentabilité médiate avec le club comme instrument

    Le second objectif recherché par les investisseurs a très peu à voir avec la recherche de rentabilité financière directe. Dans ce cas, les propriétaires se servent du club comme d'un intermédiaire pour suivre des objectifs moins pécuniaires.

    Comme vu précédemment, certains actionnaires usent de leur prise de participation dans les clubs pour s'associer au caractère iconique du football. En France, un rapide tour d'horizon historique des présidents des clubs français témoigne de ce processus. Ces investisseurs locaux ont des besoins de notoriété : Jean-Michel Aulas à l'Olympique Lyonnais, Gervais Martel à Lens, François Pinault à Rennes, Louis Nicollin à Montpellier... Les exemples ne manquent pas, et la notoriété qui découle de ces investissements est bien réelle. Tous ces entrepreneurs ont acquis une notoriété régionale voire nationale grâce à leur participation dans leur club. En ce qui concerne les investisseurs internationaux, il y a plusieurs stratégies qui résultent de leurs investissements, que nous allons détailler par la suite.

    Historique des investissements étrangers en Ligue 1

    Les championnats professionnels français (Ligue 1 et Ligue 2) connaissent d'importants changements actionnariaux depuis le début de la décennie 2010. Cette vague d'investissements étrangers place la France à la seconde place européenne en termes de nombre de propriétaires étrangers dans sa première division avec six clubs11. L'annexe n°4 illustre cette tendance française.

    Alors que les clubs français ne présentent pas des résultats sportifs très flatteurs sur la scène européenne (LDC et LE), il est intéressant de se pencher sur les motifs de ces investissements. L'été 2011, marque un véritable tournant pour le football français avec l'acquisition de 70% des parts du PSG par le fonds souverain qatarien Qatar Investment Authority (QIA), pour un

    11 UEFA, Club Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017

    22

    montant de 40 millions d'euros dans un premier temps (aujourd'hui, QIA détient 100%). S'en est suivi le rachat de l'AS Monaco (ASM) - alors en Ligue 2 - au courant de la même année pour un montant qui reste opaque.

    Dans un second temps, la provenance des investissements s'est diversifiée avec l'arrivée d'investisseurs chinois et américains. Des hommes d'affaires chinois ont pris le contrôle de clubs historiques de Ligue 2 : le FC Sochaux-Montbéliard en 2015 par Wing Sang Li et l'AJ Auxerre en 2016 par James Zhou.

    L'année 2016 incarne le retour des investissements américains dans le football français (plus aucun investisseur américain n'était présent en France depuis le départ de Colony Capital, fonds d'investissement anciennement propriétaire du PSG) avec la vente de l'Olympique de Marseille à Franck McCourt, pour une somme de 45 millions d'euros. A son tour, l'OGC Nice passe sous pavillon étranger après l'annonce de la vente de 80% du capital du club pour une somme avoisinant les 21 millions d'euros à des investisseurs sino-américains, lesquels se nomment Chienn Lee, Alex Zheng, Paul Conway et Elliot Hayes. Lors de la même année, le groupe IDG Capital a investi 100 millions d'euros pour prendre le contrôle de 20% de l'OL, valorisant ainsi le club présidé par Jean-Michel Aulas à 500 millions d'euros. Les Girondins de Bordeaux sont devenus le sixième club de Ligue 1 appartenant à des étrangers : le fonds d'investissement GACP est devenu de cette façon propriétaire du club pour quelques 70 millions d'euros.

    Les raisons et les stratégies des investissements étrangers en Ligue 1

    Les nouveaux propriétaires des clubs de Ligue 1 poursuivent des objectifs différents. Certains ont des ambitions financières alors que d'autres misent sur l'acquisition de ces clubs pour développer des desseins moins directs.

    Dans un premier temps, intéressons-nous aux investisseurs qui voient en ces clubs de football un investissement présentant un futur gain financier et qui suivent une logique économique. Une raison évidente pour eux de se pencher sur la Ligue 1 est la valeur économique des clubs français, qui reste bien moins élevée que celle de ses voisins européens. De telle manière que les montants de rachats des clubs français n'ont jamais excédé les 100 millions d'euros. On est bien loin des prix entrevus pour le rachat du Milan AC (plus de 700 millions d'euros) ou de l'Inter Milan (270 millions d'euros), clubs aux situations financières très délicates. Par conséquent, les clubs de Ligue 1 représentent pour les investisseurs un coût à l'entrée bien plus faible. Il est donc plus aisé pour un potentiel acheteur de se pencher sur un club français.

    23

    Les observateurs sont très optimistes quant aux perspectives de croissance en France. Ces dernières sont importantes comme en témoigne l'évolution du chiffre d'affaires des clubs de Ligue 1 depuis des années. Par ailleurs, ces revenus vont être agrémentés par l'évolution des droits TV, avec le nouveau contrat de plus de 1,153 milliard d'euros qui entrera en vigueur en 2020.

    Taux de

     
     

    TCAM

    croissance

     

    56%

    6,58%

    2000

    1800

    1600

    1400

    1200

    1000

    400

    800

    600

    200

    0

    2011/12 12/13 13/14 14/15 15/16 16/17 17/18

    1135,8

    Revenus des clubs de Ligue en Millions

    d'euros

    1297,3

    1497,7 1418,4

    1390

    1643,3

    1774,8

    Source : Auteur, d'après DNCG

    Il y alors plusieurs stratégies qui sont entreprises. Une de celles-ci repose sur la volonté de certains investisseurs de prendre des participations dans un club qu'ils estiment sous-coté pour ensuite le revendre une fois la valeur revenue dans un standard qui correspond à leurs attentes. Ce n'est pas la recherche de rendements annuels sous formes de dividendes qui est recherchée dans ce cas mais plutôt le profit tiré de l'action d'achat-revente des parts du club.

    Par exemple, McCourt n'a acheté l'OM « que » 45 millions d'euros (certes avec ses dettes) ; s'il parvient à redresser le club, il pourrait espérer en retirer davantage en le revendant. Actuellement, la valeur du club est estimée à 282 millions d'euros selon Transfermarkt12. Cette stratégie est également suivie par les nouveaux propriétaires bordelais ; le patron de GAPC, Joseph DaGrosa, ne s'en est pas caché à la suite du rachat des Girondins de Bordeaux : « Le foot est une industrie en pleine croissance et cela devrait durer encore longtemps ». Bien qu'il souhaite améliorer la qualité de l'équipe, il assume la motivation court-termiste de son

    12 https://www.transfermarkt.fr/ligue-1, consulté le 29 janvier 2019

    24

    investissement : « Nous sommes là pour une période relativement courte par rapport à l'existence du club : cinq ou dix ans »13. Cette stratégie rejoint celle du propriétaire de l'Olympique de Marseille, qui est ici d'assainir la gestion du club, de profiter du capital marque du club et espérer tirer un bénéfice lors de sa revente. Cette politique peut s'accompagner d'effets directs sur les choix sportifs du club. Une des convergences de ces clubs est de suivre le chemin de l'AS Monaco. Leur politique suit la volonté d'augmenter les revenus et le capital du groupe, en investissant sur des jeunes joueurs à fort potentiel pour ensuite les revendre à prix d'or et générer des plus-values importantes. C'est une tactique qui présente toutefois certains risques, mais qui a montré son efficacité dans le cas de l'AS Monaco. C'est donc un risque que prennent certains nouveaux investisseurs, à condition de savoir s'entourer de spécialistes (Monaco est allé chercher Luis Campos, célèbre dénicheur de talents portugais spécialiste du sujet). Ainsi, depuis la prise de contrôle des Russes, les plus-values réalisées par le club (en millions d'euros) sont impressionnantes :

    Prix de vente

    Joueurs

    Plus-value

    649

    Total

    566

    James Rodriguez 80 35

    Kondogbia 40 20

    Abdennour 25 10

    Martial 50+30 55

    Bernardo Silva 50 35

    Bakayoko 45 32

    Mendy 57 42

    Saint-Maximin 10 5

    Carrasco 25 25

    Kurzawa 27 27

    Mbappe 180 180

    Lemar 60 56

    Fabinho 50 44

    Source : Auteur + CIES Football Observatory

    Cette politique qui s'apparente à du trading de joueurs est suivie par plusieurs clubs dorénavant qui n'ont pas les moyens d'investir sur des joueurs confirmés et qui espèrent réaliser des bénéfices à moindre coût. De cette façon, le fonds d'investissement américain GACP a lancé cette politique d'achat-revente en acquérant le jeune espoir anglais Josh Maja (20 ans), le français du PSG Yacine Adli (18 ans) ou encore Raoul Bellanova (18 ans), international espoir

    13 https://www.sofoot.com/dagrosa-nous-sommes-la-pour-cinq-ou-dix-ans-460370.html , consulté le 29 janv. 19

    25

    italien du Milan AC. Le club de l'OGC Nice poursuit également la même ambition sur le marché des transferts, au point de provoquer le départ de Jean-Pierre Rivère, président du club depuis 2011, en désaccord avec la politique de ses nouveaux propriétaires14. Le président Rivière était pourtant à l'origine de résultats admirables, tant sur le plan sportif avec notamment une troisième place en 2017 que sur le plan financier avec des ventes de joueurs épatantes (Pléa 25 millions, Dalbert 20 millions, Seri 30 millions, Mendy 16 millions ...). Le changement de cap amorcé par ces propriétaires s'inscrit dans la logique suivie par les clubs portugais qui excellaient dans la revente de joueurs. Ce système fut notamment permis par la tierce propriété dans le football (TPO)15, méthode interdite depuis 2015 par la FIFA qui permettait à des clubs de pouvoir acquérir les services d'un joueur pour lequel ils n'avaient pas les moyens d'acheter 100% de ses droits économiques. Des clubs portugais ont notamment fondé leur stratégie sur l'achat de joueurs à fort potentiel en s'appuyant sur des recruteurs de grande qualité.

    Dans le cas français, il est intéressant de constater que les investisseurs ciblent des clubs disposant de centre de formation de qualité. Ainsi, les cas de Lille (vendu en 2017 à l'homme d'affaires luxembourgeois Gérard Lopez) et Monaco, illustrent parfaitement cette orientation. Lille possède des structures et des formateurs de grande qualité, comme en témoignent les nombreux joueurs de qualité issus de leur centre : Hazard, Origi, Mirallas, Cabaye, Debuchy... pour un total de vente estimé à près de 200 millions d'euros. La plus-value qu'il est possible de réaliser sur des joueurs qui sortent du centre de formation représente un atout important pour les clubs français, réputés comme étant parmi les meilleurs au monde dans le domaine (atout qui peut nourrir d'autres ambitions de la part des investisseurs étrangers en Ligue 1, voir par ailleurs), caractéristique symbolisée par le nombre de joueurs français expatriés en Europe (sans compter tous les joueurs binationaux issus des centres de formation français non inclus dans les statistiques). L'annexe n°5 illustre parfaitement ce phénomène d'expatriation des footballeurs français : la France est le deuxième pays (le premier européen) fournisseur de joueurs expatriés. Ces derniers, au nombre de 727 ne sont dépassés que par les 834 expatriés Brésiliens.

    Toutefois, une trop grande importance accordée aux résultats financiers de la part des propriétaires peut devenir problématique et les supporters peuvent se sentir lésés, comme en témoignent les frondes des supporters d'Arsenal ou Manchester United contre la direction de

    14 https://rmcsport.bfmtv.com/football/bouleversement-a-nice-rivere-et-fournier-quittent-le-club-1609546.html, consulté le 29 janv. 19

    15 « La TPO désigne la vente par un club d'une partie des droits économiques d'un joueur à un tiers. Celui-ci peut être une personne physique ou une personne morale, comme un fonds d'investissement », L'Equipe

    26

    leurs clubs. Leurs dirigeants américains ont mis la priorité sur la rentabilité financière et la valorisation du club (Manchester United était le club le plus riche du monde lors de la saison 2017/2018) en négligeant les besoins sportifs du club, nourrissant un sentiment de rejet de la part des supporters face au manque d'ambitions sportives.

    Les nouveaux apporteurs de capitaux peuvent en outre être motivés par des volontés géopolitiques. C'est en tout le cas l'objectif du Qatar Investment Authority (QIA) avec sa branche d'investissements sportifs Qatar Sport Investment (QSI) qui a racheté le PSG. Cette stratégie s'inscrit dans une volonté de l'Émirat d'user de la diplomatie du sport pour exercer le développement d'un « sport power » 16. Conscient de la dépendance de son économie à des réserves épuisables (premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié), l'État souhaite diversifier ses activités et ambitionne de faire du tourisme une source de revenus durables et importants. L'idée d'investir massivement dans le sport suit donc cette logique, et l'objectif est double : il y a une dimension prestigieuse apportée par ce que représente Paris à l'échelle du monde. Cette recherche de prestige et de reconnaissance à l'international est traitée avec la plus haute importance, puisque c'est la famille royale qui est chargée des stratégies d'investissement en relation avec le sport, par l'intermédiaire de QSI17.

    Indépendamment des objectifs financiers et communicationnels, les investisseurs étrangers en Ligue 1 sont à la recherche du savoir-faire des centres de formation français. En attestent les volontés non dissimulées des Chinois de développer des compétences dans ce secteur afin de devenir une puissance reconnue et de former une équipe nationale de haut standing. La qualité des infrastructures françaises ainsi que l'efficience de la formation à la française ont fini de convaincre les investisseurs de choisir des clubs réputés dans ce milieu : Sochaux, Auxerre, Nice et l'Olympique Lyonnais sont tous sous pavillon Chinois (hormis l'OL) et de nombreux partenariats ont été noué avec d'autres clubs de Ligue 118 19 20 dans le cadre de la formation. Le Qatar suit également cette stratégie dans l'optique de la prochaine coupe du monde 2022 qui se

    16 https://portail-ie.fr/analysis/1303/sport-power-la-strategie-dinfluence-du-qatar, consulté le 24 janvier 2019

    17 BASTIEN J. Le football professionnel européen dans un système capitaliste financiarisé en crise : une approche régulationniste des facteurs de changement institutionnel, Thèse, 2017

    18 https://www.ol.fr/fr-fr/contenus/articles/2018/10/31/ol-ifc-nouveau-partenariat-sur-la-formation-en-chine, consulté le 28 janvier 2019

    19 https://rmcsport.bfmtv.com/football/toulouse-fc-conclut-un-partenariat-avec-le-club-chinois-de-shenzhen-942951.html, consulté le 28 janvier 2019

    20 https://www.losc.fr/actualites-foot-lille/les-premi%C3%A8res-losc-all-soccer-schools-en-chine, consulté le 28 janvier 2019

    27

    déroulera au sein de l'Émirat. Un autre symbole du rapprochement entre Ligue 1 et Chine : la LFP et la FFF qui ont inauguré en 2017 un bureau commun de développement et de coopération en Chine21 dans une optique de déploiement et développement à l'international.

    o Les entreprises qui sponsorisent les clubs

    En plus des investisseurs qui entrent au capital des clubs, d'autres acteurs privés ont pris de l'ampleur dans le financement des clubs de football. Des entreprises qui investissent des sommes d'argent importantes pour être associées au club, sous la forme de sponsoring en échange de versements financiers au club. Cette forme de revenus s'est considérablement accrue du fait de l'exposition médiatique croissante du football, permise par les acteurs audiovisuels (vois section 1.1.2.1. les acteurs audiovisuels). Cet avènement a été en parti la conséquence de la structure du secteur de la publicité avant les années 1970 (la publicité était interdite à la télévision avant 1970), qui a contraint les annonceurs à innover pour parvenir à diffuser leurs messages publicitaires. Ainsi, les annonceurs voyaient dans le football un formidable outil de communication et d'engagement pour le spectateur. De là s'est développé le sponsoring maillot. En effet, cette stratégie était souvent payante à l'époque : quel amateur de football n'a pas en tête les maillots Manufrance de l'AS Saint-Etienne ou les maillots RTL du PSG ? Dès lors, le marché du sponsoring n'a cessé de croître (des précisions seront apportés ultérieurement). Une autre raison de cette surenchère se trouve dans le fait que l'offre augmente très peu voire pas du tout ; le nombre d'équipes par compétition est limité (il y 20 clubs en Ligue 1), tandis que la demande pour obtenir des contrats avec les clubs est croissante. C'est pourquoi un nombre grandissant de sponsors fleurit sur les maillots des équipes. Aujourd'hui, une équipe de Ligue 1 peut afficher autant de sponsor qu'elle le souhaite sur son équipement (dans la limite d'une surface de 600 cm2) afin de maximiser le nombre de contrats conclus avec des entreprises. Nous reviendrons plus en détail sur les revenus issus de cette industrie dans la section suivante.

    S'associer à un club de renommé contribue à la réputation et au prestige de la marque. Cela rentre dans la stratégie de marques comme Emirates (sponsor principal du Milan A.C, du Real Madrid, du PSG, d'Arsenal, du Benfica Lisbonne ou encore de Hambourg) qui cherche à sponsoriser un club emblématique dans chacun des principaux championnats européens. Les entreprises sont désireuses d'associer leur nom pour gagner en notoriété et en popularité. Au

    21 https://www.francefootball.fr/news/Un-bureau-commun-a-la-fff-et-a-la-lfp-ouvert-a-pekin/778340, consulté le 24 janvier 2019

    28

    début, les marques étaient principalement locales, puis avec la mondialisation du football, on enregistre une internationalisation des contrats, qui sont de plus en plus diversifiés. Pour les grands clubs européens et les clubs anglais, la présence de sponsors asiatiques et du Moyen-Orient est grandissante. Ainsi, parmi les clubs de Premier League, seuls trois d'entre eux possèdent un sponsor principal anglais. Dans le même temps, douze clubs arborent des marques asiatiques22. Même constat pour le championnat espagnol, au sein duquel seules sept équipes ont pour sponsor principal une entreprise domestique. En ce qui concerne les clubs français, hormis les clubs jouant régulièrement les coupes d'Europe (le PSG avec Emirates, l'Olympique Lyonnais avec Hyundai, Monaco avec Fedcom) les sponsors restent majoritairement nationaux voire locaux (14 clubs ont un sponsor d'une entreprise française).

    On constate depuis peu une diversification des formes de sponsoring. Dorénavant, les compétitions ou même les stades sont sujets au sponsoring. Ils deviennent de véritables supports de publicité ; le naming est arrivé en Europe. C'est une fois de plus un concept originaire des États-Unis qui commencent à prendre de l'ampleur en Europe et en France. Ainsi, quasiment toutes les principales ligues nationales de football ont des contrats de naming : la Barclays Premier League en Angleterre, la Liga BBVA en Espagne, la Serie A TIM en Italie, la Ligue 1 Conforama en France, la Liga Nos au Portugal... Bien que le phénomène soit beaucoup moins développé qu'aux États-Unis, où 27 des 30 franchises NBA ont un contrat de naming pour leur salle23, de nombreux clubs ont conclu des partenariats avec des marques. Une entreprise comme l'assureur Allianz en a fait sa stratégie marketing en associant son nom à huit stades, présents sur quatre continents : l'Allianz Arena à Munich (Bayern Munich), l'Allianz Riviera à Nice (OGC Nice), l'Allianz Stadium à Turin (Juventus Turin), l'Allianz Stadium à Sydney (FC Sydney), l'Allianz Park à Londres (Sarecens, club de rugby), l'Allianz Parque à São Paulo (Palmeiras), l'Allianz Stadion à Vienne (Rapid Vienne) et enfin l'Allianz Field à St. Paul aux États-Unis (Minnesota United)24.

    En France, le naming peine à vraiment prendre effet. Il y a eu une certaine réticence à changer le nom d'un stade qui peut être historique : comment les supporters réagiraient si le Parc des Princes ou le stade Geoffroy-Guichard prenaient le nom d'une marque ? C'est l'une des raisons pour lesquelles très peu de stades français y ont recours, même si des efforts sont faits depuis

    22 UEFA, Club Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017

    23 http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/sporteco14sporsoranaming.pdf, consulté le 31 janvier 2019

    24 https://www.allianz.com/en/about-us/sports-culture/stadiums.html# , consulté le 31 janvier 2019

    29

    quelques années, avec quatre contrats signés sur les six dernières années : ce sont les clubs qui déménagent de stade (à l'exception du Vélodrome) qui ont eu recours à cette technique de sponsoring.

    OL : GROUPAMA STADIUM (9 ANS)

    3,5

    Montant du contrat annuel (en millions d'euros)

    OM : ORANGE
    VÉLODROME (10
    ANS)

    2,7

    BORDEAUX :
    MATMUT
    ATLANTIQUE (10
    ANS)

    2 1,8

    NICE : ALIIANZ RIVIERA (9 ANS)

    LE MANS : MMA ARENA (10 ANS)

    1

    Source : Auteur

    En somme, nous retrouvons chez les entreprises sponsors les mêmes motivations que ceux qui investissent dans les clubs à des fins communicationnelles et promotionnelles. Ce lien entre le football et les entreprises a initié les clubs au marketing et à l'importance de l'image à renvoyer auprès du public. Ainsi, le merchandising développé par les clubs actuellement est né avec l'arrivée de ces nouveaux acteurs dans une recherche de développement de la visibilité.

    Pour conclure cette partie, la convergence d'intérêts qui lie ces différents acteurs (clubs, acteurs audiovisuels, investisseurs et les sponsors) s'apparente à un mécanisme autoentretenu qui profite pour l'heure à tout le monde, alors que des observateurs plus sceptiques craignent la formation d'une bulle spéculative, qui ne demanderait qu'à exploser. Il sera intéressant de se pencher sur les stratégies des clubs pour se prémunir d'une trop grande dépendance aux droits TV, sorte de perfusion financière pour de nombreux clubs.

    Enfin, toutes les évolutions traversées par le monde du football et entamées notamment par le processus de financiarisation de notre économie a eu de profondes répercussions sur l'industrie footballistique. L'avènement de l'industrialisation du football a conduit à une professionnalisation du secteur, lequel n'a jamais généré autant de revenus. Nous reviendrons par conséquent sur les conséquences de cette mutation qui a vu l'émergence de ce qui est communément appelé le « football business ».

    30

    1.2. Les conséquences économiques de la financiarisation

    1.2.1. De nouvelles sources de revenus pour les clubs : le passage de la structure SSSL au modèle MCMMG

    La pénétration de ces nouveaux acteurs au sein de la sphère footballistique entraine avec elle une complexification du secteur, laquelle va profondément modifier les comportements des dirigeants. Ces transformations tendent à attirer de nouvelles parties prenantes qui vont alors chercher la maximisation de leurs intérêts et des profits. Les stratégies propres au monde de l'entreprise vont peu à peu se transposer aux clubs de football, en qui les investisseurs voient une nouvelle opportunité de développement de leurs activités. Ainsi, les clubs vont suivre des politiques managériales plus proches d'entreprises capitalistes multinationales plutôt que celles de clubs sportifs. L'accroissement des revenus et l'enrichissement du club deviennent primordiaux, parfois au dépend du sportif. Même si certains aspects propres à la gestion d'un club de football ne peuvent être remis en cause, il est indéniable de constater les répercussions de ce changement de paradigme.

    Par conséquent, une des premières conséquences qui découle de ces changements structurels se trouve dans l'évolution du modèle économique des clubs. Ces derniers sont passés d'un modèle « spectateurs, subventions, sponsors, local » (SSSL) à un modèle « Media-Corporations-Merchandising-Markets-Global » (MCMMG)25. Dans le premier modèle, qui a perduré jusqu'aux débuts des années 1990 en France, les revenus des clubs provenaient majoritairement des recettes de billetterie (spectateurs), qui étaient complétées par toute sorte de subventions26 et par l'apparition des premiers sponsors. Enfin, toutes ces ressources étaient locales. Aujourd'hui, les revenus du football professionnel en France ont beaucoup évolué et se sont très largement globalisés. La structure SSSL ne permettait plus aux clubs de faire face à l'inflation salariale constatée alors27. Les nouveaux propriétaires des clubs ont donc cherché de nouveaux débouchés financiers, plus lucratifs que les postes de revenus historiques du modèle SSSL. Au courant des années 1990, les clubs des plus grands championnats européens ont progressivement modifié leurs sources de financement pour rendre plus efficient leur business

    25 Concepts popularisés par Wladimir ANDREFF

    26 Subventions publiques + donateurs privés + cotisations des membres

    27 Les charges salariales représentaient 84% des dépenses des clubs français en 1982/83 (ANDREFF W. et STAUDOHAR P., 2000 & BASTIEN J. Le football professionnel européen dans un système capitaliste financiarisé en crise : une approche régulationniste des facteurs de changement institutionnel, Thèse, 2017)

    31

    model. La dépendance liée aux recettes au guichet (billetterie) a laissé place à la dépendance aux droits TV, que nous tâcherons de décrire ci-après.

    Répartition des sources de revenus

     

    1970/71

    2016/2017

    Billeterie

    81%

    11,1%

    Subventions

    18%

    0,0%

    Sponsors

    1%

    20,9%

    Droits TV

    0%

    50,2%

    Merchandising et autres

    0%

    17,8%

    Sources : Auteur, d'après Andreff W., Zoudji B., La mondialisation économique du football, 2005 + DNCG, saison 2016-2017

    Désormais, les droits TV constituent le principal poste de revenus des clubs, c'est-à-dire que le produit dérivé de l'activité d'un club (la télévision qui retransmet le produit principal, à savoir l'organisation d'un match) a supplanté le produit principal (la billetterie). L'évolution de la structure de financement des clubs marque le risque d'une télé-dépendance des clubs, qui indexent leurs charges et leurs dépenses sur cette variable, fragilisant ainsi leur pérennité. Par exemple, les revenus des clubs anglais de Premier League proviennent pour 61% des droits TV (3,221 milliards d'euros lors de la saison 2017/1728). En Ligue 1, la part de ces derniers est de plus de 50%, en attendant l'entrée en jeu du nouveau contrat lors de la saison 2020/2021 qui augmentera mécaniquement la part des recettes octroyées à ces droits. L'annexe n°6 tiré du rapport annuel de Deloitte permet de comparer l'importance des droits TV au sein des cinq grands championnats.

    Les clubs n'ont jamais été aussi riches et les groupes audiovisuels n'y sont pas étrangers. Comme il en a été mention précédemment, le montant des droits de retransmission des matches n'a jamais été aussi élevé. Ce qui est perçu comme une aubaine par certains, est vu au contraire comme une limite sectorielle par d'autres : les clubs sont devenus très (trop ?) dépendants des recettes liées à ces droits TV. L'intérêt des chaines de télévision s'est accru à mesure du renforcement des équipes européennes. Disposant dès lors de moyens considérables grâce notamment à ces groupes de médias, les clubs ont pu investir plus massivement pour améliorer qualitativement et quantitativement leurs effectifs, alimentant ainsi une surenchère pour les

    28 UEFA, Club Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017

    32

    meilleurs talents internationaux. L'arrêt Bosman en 199529 a contribué à renforcer ce phénomène, entrainant une plus grande mobilité pour les joueurs et la possibilité pour les clubs de recruter des joueurs européens sans limitation et sans restriction juridique. Les meilleures équipes des principales ligues ont dont pu se renforcer en ayant la possibilité de composer des effectifs plus importants (l'offre de joueurs est devenue beaucoup plus importante). Ces équipes sont alors devenues plus compétitives, ce qui a eu pour effet mécanique une hausse du nombre de diffuseurs intéressés et donc de l'intensité concurrentielle, provoquant une revalorisation de ces droits. Les mauvais résultats d'un club peuvent avoir des conséquences catastrophiques sur les revenus, et particulièrement sur les revenus télévisuels : une relégation de Ligue 1 en Ligue 2 entraine en moyenne une chute de 50% des revenus liés à ces droits30.

    Ce phénomène est entretenu par le système de ligues ouvertes qui prévaut en Europe31 alors qu'un système de ligue fermée privilégierait la sécurisation des revenus des clubs. La précédente dépendance des clubs aux revenus issus de la billetterie s'est reportée à ceux issus des droits audiovisuels, symptôme d'une industrie qui présente des imperfections et encore tributaire de variables qu'elle ne maitrise pas. Justement, malgré la hausse des tarifs, de la capacité des stades et donc de leur fréquentation, la part des revenus de billetterie n'a eu de cesse de décroitre. Les clubs mettent donc en place des stratégies pour attirer et fidéliser les spectateurs : outils de CRM, marketing et communication, package de matches, animations extra-sportives32... Ainsi, d'autres catégories socio-professionnelles (CSP) sont ciblées : les supporters historiques ne sont plus forcément le coeur de cible des nouvelles stratégies. Il y a une volonté de diversification de la population fréquentant le stade (femmes, CSP +, enfants). Il faut alors que les clubs soient vigilants à ne pas se tromper de stratégie : développer l'attachement reste le facteur le plus important33. Les spectateurs ne sont pas que de simples consommateurs, l'identité du club reste une donnée primordiale pour développer l'attractivité autour du stade. Bien sûr, les politiques d'amélioration du confort dans les stades ou la mise en place d'infrastructures de plus grande qualité ne peuvent pas à elles seules fidéliser les supporters, il faut accompagner ces transformations en développant l'attachement et l'identité du club, tout ceci en intégrant les supporters à cette identité.

    29 « Depuis cet arrêt, il est n'est plus possible de limiter le nombre de joueurs étrangers ressortissants de l'Union européenne dans un club », https://fr.wikipedia.org/wiki/Arr%C3%AAtBosman

    30 Étude CSA, Sport et télévision - Contributions croisées, 2017

    31 Thème abordé dans la section 1.1.1.3. Vers la création d'une ligue fermée ?

    32 Thème abordé dans l'étude de cas sur l`OL

    33 https://www.ecofoot.fr/taux-remplissage-football-francais-1895/, consulté le 5 février 2019

    33

    L'influence des nouveaux propriétaires des clubs de football a été détaillée dans la section précédente. Il est simplement utile de rappeler leur importance dans les transformations entamées dans le système de gouvernance et de gestion des clubs, sans parler des fonds apportés.

    L'arrivée de nouveaux acteurs à la tête des clubs et les répercussions de la financiarisation du secteur du football ont permis aux clubs de développer des activités commerciales sans précédent. Aujourd'hui, les clubs déploient de véritables stratégies commerciales et des départements entiers sont dédiés à ces opérations qui deviennent des sources de revenus importantes. Grâce à leur image de marque, les clubs développent de nouveaux concepts commerciaux. Le merchandising est ainsi devenu une ressource clé pour certains clubs. Les grands clubs européens sont de véritables marques internationales qui sont connues dans le monde entier. Par exemple, le Real Madrid, le FC Barcelone et Manchester United - les trois clubs les plus riches en 2018 - tirent chacun 47% de leurs revenus de leurs activités commerciales (respectivement 356 M€, 322 M€ et 316 M€)34, là où le PSG engrange 58% (313,3 M€) de ses revenus des activités commerciales. Au-delà des produits dérivés qui constituent un poste important de ses revenus commerciaux, l'internationalisation des clubs en tant que marque influe très positivement leurs revenus. Toutefois, il demeure difficile d'estimer les données chiffrées des recettes de merchandising car elles sont souvent confondues avec les revenus de sponsoring. Ainsi, dans la plupart des cas, les revenus de sponsoring restent supérieurs aux revenus issus de produits dérivés.

    On note une très forte croissance de ce poste de revenus depuis quelques années, phénomène qui s'est renforcé depuis cinq ans, comme en témoigne le graphique ci-dessous qui prend en compte les revenus commerciaux des cinq clubs les plus riches du monde (Real Madrid, FC Barcelone, Manchester United, Bayern Munich, Manchester City). Ces revenus ont crû de plus de 46% en l'espace de quatre ans.

    34 Les montants sont tirés de l'étude Deloitte Football Money League 2019

    Revenus commerciaux 2014-2018 des 5 clubs les
    plus riches (m€)

    1610

    1800

    1505 1495

    1600

    1261

    1400

    1101

    1200

    1000

    800

    600

    400

    200

    0

    2014 2015 2016 2017 2018

    34

    Source : Auteur, d'après Deloitte Football Money League 2019

    Avec la globalisation et l'internationalisation des marques, de plus en plus d'opportunités s'offrent aux clubs qui s'ouvrent à une audience planétaire. Alors qu'autrefois leur clientèle était essentiellement locale, voire nationale pour certains, le développement de la popularité des clubs à travers le monde influe sur leurs stratégies commerciales et marketing, qui ne se fondent plus seulement sur le bassin régional. Les innovations stratégiques liées à ces stratégies prennent plusieurs formes et les clubs se transforment en industrie du divertissement, comme l'attestent les propos du nouveau directeur exécutif des Girondins de Bordeaux, Frédéric Longuépée « Je suis convaincu qu'un club de football ne fait pas partie de l'industrie du sport mais de celle du divertissement »35. De nombreux moyens sont utilisés par les clubs pour développer leurs revenus commerciaux, comme nous le verrons avec le cas de l'Olympique Lyonnais. Il est donc intéressant de relever que les revenus de ces équipes sont de plus en plus tirés par des facteurs extérieurs à leur activité initiale. Comme stipulé dans la section 1.1.2.2. Les investisseurs privés, les sponsors sont toujours une source de revenus conséquente dans le financement des clubs (20,9% des revenus des clubs de Ligue 1 en 201736). L'intensité concurrentielle accrue des équipementiers sportifs renforce le montant des contrats signés avec les clubs. En effet, alors que les indéboulonnables Nike et Adidas restent leaders sur le marché, de nouveaux arrivants (Under Armour, New Balance) ou des marques historiques (Le Coq Sportif) sont venus redynamiser un secteur toujours plus lucratif. Les trois équipementiers historiques (Nike, Adidas et Puma) ont changé de stratégie afin de concentrer majoritairement leurs investissements sur des grosses écuries européennes, provoquant un

    35 https://www.ecofoot.fr/girondins-bordeaux-modele-autosuffisant-4487/, consulté le 5 février 2019

    36 DNCG, saison 2016-2017

    35

    éclatement des équipementiers des clubs plus modestes. Ainsi, parmi les 20 clubs de Ligue 1, on dénombre 12 équipementiers différents (Nike ne sponsorise plus que le PSG, Monaco et Montpellier tandis que Adidas ne sponsorise plus que l'Olympique Lyonnais et Strasbourg). A l'échelle européenne, une étude de PR Marketing valorise les contrats équipementiers des 98 équipes des cinq grands championnats européens à 861 millions d'euros pour la saison 2018/2019. Des records de montant sont régulièrement battus, avec un club comme Manchester United qui a signé un partenariat sur 10 ans avec Adidas à compter de 2015 pour un montant de 946 millions d'euros. On peut également citer l'exemple du FC Barcelone qui a renouvelé son partenariat avec Nike, lui assurant un paiement fixe de 60 millions d'euros par saison plus une part variable sous forme de royalties en fonction du nombre de maillots vendus (estimé à 45 millions d'euros annuels)37.

    Lorsque Andreff évoque les marchés, il fait référence à deux nouveaux marchés qui se sont ouverts aux clubs. Tout d'abord, l'évolution juridique des clubs leur a donné l'opportunité de se financer sur les marchés financiers. Toutefois, cette ouverture au marché du capital n'a pas répondu aux attentes encourageantes. Alors que plus de 40 clubs étaient côtés sur les marchés au début des années 2000, seulement 21 sont encore présents sur les marchés européens. La stratégie des dirigeants introduisant leur club en bourse est souvent motivée par la volonté de financement d'un projet, comme ce fût le cas pour l'Olympique Lyonnais qui a pu construire son stade en levant 100 millions d'euros sur le marché boursier. Néanmoins, comme le révèle l'annexe n°7, les résultats s'avèrent décevants, avec une dévaluation du titre de plus de 88% depuis son introduction en bourse en 2007.

    Un autre marché s'est développé en parallèle depuis la professionnalisation du monde du football : celui du marché des joueurs. L'évolution législative du travail en Europe a eu d'énormes répercussions financières et sportives. L'arrêt Bosman, en 1995, a permis la libre circulation des joueurs au sein de l`Union Européenne, sans restriction du nombre de joueurs étrangers (issus de pays membres de l'UE) par équipe. Dès lors, la fréquence et le montant des transferts ont explosé, phénomène qui a connu une forte accélération au tournant des années 2010. Les clubs les plus puissants et issus des ligues les plus riches ont alors pris un ascendant

    37 https://www.sportbuzzbusiness.fr/analyse-contrat-sponsoring-record-entre-fc-barcelone-nike.html, consulté le 5 février 2019

    36

    sans précédent sur le marché des transferts, et il est devenu difficile voire impossible de lutter pour des clubs plus modestes.

    Il y alors plusieurs stratégies qui ont découlé de ce nouveau marché. Des clubs se sont mis à spéculer sur des joueurs en ne les considérant que comme des actifs. L'objectif recherché ici est de réaliser des plus-values sur des joueurs à fort potentiel, achetés dans l'optique de les développer footballistiquement et de les revendre plus tard à un prix plus élevé, ou alors de développer des structures de formation efficientes pour pouvoir vendre des joueurs qui n'auront quasiment rien coûté au club. Ainsi, des ligues sont devenues spécialisées dans la vente de joueurs ; pour les clubs n'ayant pas les moyens de rivaliser financièrement avec le gratin européen, la vente des joueurs devient une composante fondamentale pour leur équilibre financier. Certains championnats sont donc dépendants de ces activités de transferts et se sont spécialisés dans la revente de joueurs qui s'apparentent désormais à de véritables actifs financiers. Les clubs français sont plutôt doués sur ces points, comme en témoigne la surreprésentation de clubs dans les meilleurs bilans financiers (balance des transferts) des ligues du top 5 constatée dans l'annexe n°8.

    Il y a donc une dichotomie qui s'est créée entre certaines ligues qualifiées d'importatrices de talents (Premier League, Liga, Bundesliga, Serie A, Süper Lig Turque, la Première Ligue Russe notamment) et d'autres dites exportatrices de talents (Eredevise aux Pays-Bas, Liga NOS au Portugal, ou encore Jupiler League en Belgique ...). Hormis le PSG, la Ligue 1 se situe plutôt dans la seconde catégorie ; les clubs français disposent de centres de formation de qualité et bon nombre d'entre eux privilégient l'achat de joueurs sous-évalués qu'ils vont chercher à revendre pour des montants plus élevés par la suite. Le manque de revenus et la difficulté pour les clubs de Ligue 1 à rivaliser avec les autres puissances financières du top 5 les forcent à redoubler de créativité afin de cerner les joueurs répondant le mieux à ces caractéristiques.

    Transferts Ligue 1 hors PSG (en millions d'euros)

    2014/15

    2016/17

    2013/14

    2015/16

    200

    124,5

    74

    129

    Ventes de la la Ligue 1 à l'étranger

    Achats de la Ligue 1 à l'étranger

    198,5 368,1

    17,5 138

    -55

    75,5

    Balance des trasnferts

    181 172

    Source : calculs de l'auteur, d'après Transfermarkt + DNCG, saison 2016-2017

    37

    Enfin, le football est passé d'un modèle local à un modèle global : il représente l'industrie la plus vaste et la plus mondialisée du marché des spectacles sportifs. La mondialisation du football existe par le prisme de plusieurs vecteurs. Comme il en a été question précédemment, le marché des joueurs s'est ouvert à l'international et la composition des effectifs des clubs européens n'a plus grand chose à voir avec leur pays d'affiliation38. Globalisation également quand on se réfère aux droits TV internationaux : le marché audiovisuel est mondialisé car les ligues nationales vendent leurs droits de retransmission à l'étranger. Pour finir, les équipementiers sportifs et les sponsors qui financent les clubs sont mondiaux : des multinationales de tous les continents sponsorisent le football européen. L'oligopole mondial des équipementiers sportifs est au coeur de la mondialisation à travers deux intermédiaires : les ventes des maillots et des articles de sport des clubs de football s'internationalisent de plus en plus et la main d'oeuvre nécessaire pour la fabrication de ces articles est internationale. En somme, le football ne représente qu'un miroir grossissant du monde qui nous entoure et de notre économie. Il n'est donc pas étonnant d'observer les dérives d'un système qui n'est assujetti qu'a très peu de limite et de régulation. Les conséquences économiques de la financiarisation sur l'industrie footballistique ont donc des incidences sur d'autres aspects de son environnement sectoriel.

    1.1.1. Le modèle européen arrive-t-il à ses limites ?

    1.1.1.1. Des revenus toujours plus élevés mais toujours plus inégaux

    Dans sa globalité, le monde du football européen ne s'est jamais aussi bien porté financièrement. Pourtant, une des caractéristiques fondamentales propre au plus populaire des sports s'effrite. La « glorieuse incertitude du sport » chère aux supporters se fait de plus en plus rare et les plus gros clubs squattent quasi systématiquement les plus belles places en championnat et en LDC. Les déséquilibres financiers entre les tops clubs européens qui engrangent des profits démentiels et les clubs plus modestes qui accumulent les déficits n'ont jamais été aussi importants. La corrélation entre les revenus des clubs et leur résultat s'avère très importante. Et lorsque l'on sait que les douze clubs les plus importants captent un tiers des recettes totales du football39, il ne fait guère d'illusions sur le sort des compétitions. L'UEFA a

    38 En 2005, l'équipe d'Arsenal a présenté une équipe uniquement composée de joueurs étrangers (incluant les remplaçants) : six Français, trois Espagnols, deux Néerlandais, un Allemand, un Brésilien un Camerounais, un Ivoirien, et un Suisse.

    39 https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Football-leaks-quand-l-uefa-s-inquiete-des-inegalites-croissantes-dans-le-football-de-clubs/957181, consulté le 19 févr. 19

    38

    beau s'être félicitée de l'assainissement de la gestion du football européen depuis l'instauration du fair-play financier (FPF), le creusement des inégalités économiques l'inquiète, comme en attestent les divulgations faites par Mediapart lors de l'éclatement des Football Leaks40. Ces révélations font état d'un cartel des plus gros clubs soumettant littéralement l'UEFA. Cette dernière s'inquiète du manque d'intérêt que pourraient susciter des compétitions toujours plus inégalitaires, où l'incertitude n'aurait plus sa place. Le risque serait de voir les spectateurs se détourner de ces compétitions. Comme le souligne Andreff, l'intérêt des supporters est d'autant plus fort que l'issue des matches est « incertaine et imprédictible ». Le système de ligue ouverte présent en Europe incite les propriétaires à investir massivement dans le sportif car le spectre de la relégation est présent au contraire d'une ligue fermée. Les clubs régulièrement en Coupe d'Europe profitent de gains considérables par rapport à leurs concurrents au sein de leurs ligues. La relation de réciprocité entre performance sportive et revenus associés alimente un cercle vertueux ou vicieux, selon l'angle de vue. Le graphique du cabinet A. Kearney présent en annexe n°9 ci-dessous reflète bien ce phénomène s'autoalimentant.

    Ce que le président de l'UEFA - Aleksander Èeferin - appelle la « magie du football » n'a jamais été aussi menacée. En dépit des appels de l'instance européenne pour « aider le football à créer des mesures pour rendre le jeu plus juste et mieux réglementé et ainsi améliorer son éthique et sa solidarité »41, les clubs des meilleures ligues européennes affirment toujours plus leur supériorité. La dernière réforme en date concernant la reine des compétitions européennes, la LDC, garantit la moitié des places (quatre tickets pour chacun des pays) aux clubs des quatre grands championnats (Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne). Ce n'est pas la première réforme allant dans le sens des clubs des grandes ligues depuis que l'obsolète Coupe d'Europe des Clubs Champions est devenue la LDC en 1992. L'objectif à peine dissimulé derrière toutes ces évolutions est de réduire l'aléa sportif pour les clubs au bénéfice de la logique économique42. Karl-Heinz Rummenigge, alors président du conseil exécutif du Bayern Munich se plaignait en 2016 que son club soit « dépendant du sort ». Cette déclaration lourde de sens témoigne de la volonté des super-clubs de sécuriser les investissements et de former un groupe de super clubs qui ne doit pas être remis en cause par l'hégémonie de nouveaux arrivants.

    40 https://www.mediapart.fr/journal/international/081118/l-uefa-discreditee-le-football-en-peril, consulté le 19 févr. 19

    41Aleksander Èeferin devant le 13e Congrès extraordinaire de l'UEFA, Genève 2017

    42 http://latta.blog.lemonde.fr/2016/09/20/ligue-des-champions-luefa-privatise-son-carre-vip/, consulté le 19 févr. 19

    39

    Pour comprendre la résultante de ces inégalités, il est indispensable de se pencher sur le rôle joué par le cartel des super clubs, qui usent de leur influence et de leur poids pour peser sur les réformes prises par l'UEFA. Ces derniers savent au combien ils sont importants pour l'UEFA, qui tire la majorité de ses revenus grâce à leur présence au sein des compétitions. Ainsi, il est intéressant de constater l'évolution des fonctions de chacun et la prise de pouvoir progressive des grands clubs au détriment de l'instance autrefois dirigée par Michel Platini. Pour exercer cette pression, ces derniers n'ont pas hésité à menacer l'UEFA de la création d'une superleague, c'est-à-dire une ligue fermée concurrente des compétitions que l'UEFA organise, et ce dès 1998. Les gros clubs sont de moins en moins enclins à distribuer et en viennent parfois à contester les mécanismes de solidarité mis en place pour tenter d'endiguer ce phénomène inégalitaire. Au contraire, les trois principaux clubs du championnat hollandais (Eredevise), à savoir l'Ajax Amsterdam, le PSV Heindoven et le Feyenoord Rotterdam ont fait une proposition officielle pour pallier le manque de compétitivité que peut entrainer une redistribution trop inégalitaire des revenus issus des compétitions européennes. Ainsi, ils proposent de reverser une partie de ces revenus aux autres clubs de la ligue pour les rendre plus compétitifs et rendre le championnat plus attractif. C'est bien là que va se jouer le futur du football européen : comment parvenir à rééquilibrer les revenus des clubs les plus riches et ceux des plus modestes. Il y a donc un réel risque systémique concernant la pérennité et l'avenir des compétitions telles que nous les connaissons aujourd'hui. De tels écarts de ressources ne peuvent conduire qu'à une réforme profonde du système, auquel cas l'intérêt des compétitions se retrouvera réduit au néant. Le constat d'un rapport de corrélation élevé entre les revenus d'un club et son classement final n'est pas nouveau et est illustré par ce graphique issu d'une étude du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) présent en annexe n°10.

    Ce phénomène se traduit déjà dans les faits à l'échelle européenne, avec la LDC qui cristallise ce creusement des inégalités, lesquelles s'étendent sur deux niveaux. Le premier est l'accès pour un nouveau club à la phase de poules de la LDC. D'une année sur l'autre, 80% des clubs sont les mêmes, il y a une forte corrélation entre les revenus tirés de la LDC et son impact sur le classement final au sein de la ligue. Le second volet de déséquilibre se situe au niveau des performances sportives au sein de la compétition. Depuis 1993, toutes les réformes de la LDC avaient pour effet d'amoindrir le poids des clubs des ligues mineures. Et cela se ressent sur les résultats dans ces compétitions : en dépit d'un nombre de clubs croissant dans la compétition depuis cette date, les quatre principales ligues (Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne) se sont partagées 23 des 26 victoires finales. Plus marquant encore, sur les dix dernières saisons, 39

    40

    équipes demi-finalistes sur 40 étaient issues de ces quatre ligues. A titre de comparaison, lors des dix éditions de 1985 à 1996, 24 des 40 demi-finalistes provenaient d'autres championnats43. Ce constat est le même pour la présence en quarts de finales des clubs :

    COUPE DES CLUBS CHAMPIONS (1970-92)

    LIGUE DES CHAMPIONS (1993/2015

    Présence en quarts de finale

    Nombre de championnats Nombre de clubs

    0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

    18

    25

    51

    78

    Source : Auteur, d'après Les Cahiers du Football

    Cette compétition est désormais une compétition quasi fermée, où les mêmes grands clubs des mêmes grandes ligues monopolisent les meilleurs résultats. La présence dans le dernier carré des mêmes clubs est une constante depuis quelques années. Cette domination est illustrée par les clubs espagnols, qui ont remporté neuf des dix titres européens depuis 2014, avec en tête le Real Madrid qui vient de remporter les trois dernières éditions de la LDC. Ce n'est pas une surprise de constater que le club madrilène est le club le plus riche au monde, illustrant une fois de plus la corrélation entre les ressources d'un club et ses performances sur le terrain. En définitive, le règne de l'argent dans le beautiful game serait-il en train de dénaturer les attraits qui ont contribué à le rendre si populaire ou permet-il aux clubs de se renforcer et d'offrir de meilleures conditions aux joueurs et aux managers pour un meilleur rendement ? Toujours est-il que le creusement des inégalités a entrainé une intensification des transactions (achats et ventes de joueurs) et une surenchère des salaires des joueurs, permettant aux plus grands clubs de pouvoir constituer des sureffectifs, et ne laissant que les miettes aux clubs plus modestes.

    43 http://latta.blog.lemonde.fr/2016/09/20/ligue-des-champions-luefa-privatise-son-carre-vip/, consulté le 19 févr. 19

    41

    1.1.1.2. Une inflation salariale et un accroissement de la mobilité des joueurs

    La financiarisation du football a contraint les clubs à repenser leur façon de procéder sur la question des transferts. On parle de transfert lorsque le club acheteur acquière les années de contrat restantes au joueur du club vendeur : ce premier doit alors verser des indemnités de mutation à ce dernier. Plusieurs facteurs viennent expliquer ces évolutions. Le cadre de notre étude commence au lendemain de l'arrêt Bosman en 1995. Cette décision de justice acte « l'obligation faite à un club de verser une indemnité libératoire au club quitté par un joueur en fin de contrat, ainsi que le principe de quotas de joueurs étrangers jouant dans chaque club, tous deux considérés comme non conformes au principe de libre circulation des travailleurs »44. Les conséquences de cette résolution rendue par la Cour de justice des Communautés Européennes couplées à l'accroissement des inégalités entre clubs ont contribué à redessiner le marché des transferts européens. L'arrêt Bosman agira donc en faveur de l'intensification de l'internationalisation des transactions de joueurs en Europe. Désormais, les joueurs sont devenus plus mobiles et leur pouvoir de négociation s'est retrouvé démultiplié.

    Les grands clubs européens ont dès lors eu la possibilité de confectionner des effectifs en empilant des stars européennes, s'appuyant sur la course à l'armement engendrée par ces évolutions juridiques. Les meilleurs joueurs étaient donc plus demandés qu'auparavant, ce qui a eu pour effet une surenchère de leur salaire.

    Les clubs n'avaient pas forcément les ressources nécessaires pour répondre à cette dérive inflationniste. De ce fait, les clubs ont fait évoluer leur besoin de financement pour répondre à cette tendance. Par la suite, les salaires ont suivi la tendance haussière des ressources du secteur du football. En Europe, les revenus des clubs ont été démultiplié par 504% (408% en France) en l'espace de vingt ans. Les salaires, dans le même temps, ont connu une hausse de 607% (471% en France) comme le révèle le tableau créé par Jérémie Bastien et présent en annexe n°11.

    Les salaires ont augmenté plus rapidement que les recettes des clubs ; derrière ce constat se cachent des inégalités profondes. En effet, les salaires des joueurs les plus talentueux ont augmenté bien plus rapidement que les autres. Au même titre que les inégalités de rémunération qu'il est possible d'observer dans l'économie réelle, les rétributions financières des plus riches

    44 Jean-François Brocard - Marché des transferts et agents sportifs : le dessous des cartes, Géoéconomie 2010 n°54

    42

    captent une part de plus en plus importante des revenus totaux distribués. Ainsi, la part des 10% des footballeurs les mieux payés a crû de huit points de pourcentage en sept ans45 (passant de 40,5 % à 48 %). Un des meilleurs exemples de ce phénomène se trouve dans l'évolution des dépenses salariales du FC Barcelone. L'été 2017 s'est avéré charnière pour le club blaugrana, avec de nombreux joueurs importants proches de leur fin de contrat. Dès lors, pour éviter de perdre ces joueurs gratuitement, il y a eu une vague de renouvellement de contrat pour ces cadres, accompagnée de l'arrivée de nouvelles recrues phares (le Brésilien Coutinho est arrivé en provenance de Liverpool pour un montant avoisinant les 160 millions d'euros, et le champion du monde français Ousmane Dembélé venu de Dortmund pour 130 millions d'euros). Ces nouveaux contrats ont contraint le club à allouer des sommes colossales aux salaires des joueurs. Près de 81% des revenus du club sont désormais octroyés aux rémunérations des joueurs et du staff contre 62% lors de la saison précédente (voir annexe n°12).

    Cette gestion, qui peut paraitre disproportionnée voire calamiteuse, doit prendre en compte la dimension de l'importance de superstars au sein d'une équipe. Pour comprendre cette importance, il convient de compter sur l'effet superstar théorisé par Sherwin Rosen. Il tente d'expliquer « Pourquoi un nombre réduit de personnes domine-t-il un champ économique en gagnant énormément d'argent ? ». Selon les conclusions de l'économiste, des petites différences dans un domaine très concurrentiel amènent de grandes différences de revenus. On peut également parler de rémunération marginale : comme dans tous les secteurs, les meilleurs éléments permettent de capter de la valeur pour l'employeur (le club en l'occurrence), qui le rémunérera en conséquence. Pour un club, une qualification en LDC peut être tellement rémunératrice qu'il sera plus rentable in fine d'investir sur un avant-centre plus cher pour augmenter ses chances de se qualifier. Les superstars représentent un facteur rare pour les clubs dans la mesure où ces derniers sont en excès de demande pour ces profils. C'est ce qui explique le salaire mirobolant de Lionel Messi qui percevrait plus de 100 millions d'euros par an de la part du club catalan46. Il n'est pas étonnant que ce type de joueurs, qui cumulent les trois valeurs du joueur captent une partie importante des produits d'un club.

    Car oui, désormais, le talent footballistique seul peut ne pas être la seule explication de rémunération. Ainsi, certains joueurs seront rémunérés très grassement pour répondre à des fins

    45 Jérémie Bastien, « Le football professionnel en Europe est-il en crise ? Une réponse régulationniste », Revue de la régulation [Online], 21

    46 https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-chiffres-vertigineux-du-contrat-de-lionel-messi-paye-plus-de-100-m-euro-par-an-au-fc-barcelone/866154, consulté le 25 févr.-19

    43

    pas nécessairement sportives. On parle alors de triple valeur du joueur : la valeur sportive, la valeur marketing et la valeur comptable. Un joueur peut être recruté par un club européen pour s'ouvrir à un nouveau marché. Par exemple, lorsque le Real Madrid a recruté James Rodriguez pour 80 millions d'euros à l'issue de sa Coupe du Monde 2014 très réussie, le sportif n'est pas le seul argument. En effet, le club merengue souhaitait s'attacher les services d'une superstar Sud-Américaine ; chose faite avec l'arrivée d'un des joueurs les plus populaires du monde auprès d'une audience plus globale que les seuls amateurs de football. De telle sorte que le prodige Colombien s'est classé numéro 1 des sportifs les plus recherchés sur Google en 2014. Même constat pour l'achat d'un joueur asiatique pour un club européen. Cette transaction peut être motivée par la volonté de développer la notoriété du club sur ce marché très dynamique. Lorsque Cristiano Ronaldo quitte le Real Madrid pour la Juventus de Turin, la motivation sportive n'est pas la seule explication de la transaction : le club piémontais engage par la même occasion toute l'attractivité et la notoriété autour du quintuple ballon d'or. Preuve en est, entre la date des premières rumeurs de son transferts en juin 2018 jusqu'au début de saison trois mois plus tard la côte des actions boursières de la Vieille Dame a bondi de 170%.

    L'évolution de notre société fait que les jeunes générations sont de moins attachées à une équipe et sont plus versatiles quant à quel club suivre. L'engagement des fans évolue ; la starification des acteurs du sport en est une des causes. Le prisme des récompenses individuelles et l'avènement des statistiques conduisent à individualiser de plus en plus ce sport collectif. Le fan moderne supporte un joueur, un entraineur, plus nécessairement une équipe. L'attachement aux « athlètes stars dépasse désormais l'attachement que les fans pourraient ressentir pour une équipe »47. Le rôle des individualités dans le fonctionnement des clubs et des ressources (recettes, engagement des communautés, visibilité...) qui en découlent progresse. C'est pourquoi il devient incontournable pour les grands clubs d'avoir des joueurs « bankables » au sein de leur effectif. A mille lieux des valeurs de la mouvance ultra, cette nouvelle génération de fans ne voit pas d'inconvénient à changer de club, voire même de sport48. Pour ce nouveau fan, le sport s'assimile à un divertissement de plus avec des joueurs adversaires mais dépendants l'un de l'autre. Le paroxysme de cette tendance est la « rivalité » Messi-Ronaldo, exacerbée par les médias et les annonceurs. En définitive, l'évolution de ce rapport de force entre joueurs et

    47 https://www.letemps.ch/sport/fan-moderne-revolutionnaire, consulté le 25 février 2019

    48 Il est intéressant de se pencher sur le rôle joué par les sponsors et les joueurs dans ce phénomène avec la multiplication de rencontres entre sportifs issus de disciplines différentes. Ainsi, un joueur comme Griezmann multiplie les apparitions sur les terrains NBA, pouvant provoquer l'émergence de nouvelles passions chez ses fans.

    44

    institutions pose la question de savoir si les superstars ne sont pas devenues plus influentes et plus importantes que les clubs ? Des joueurs ayant acquis des statuts immuables au sein d'institutions fortes ont partiellement répondu à la question en dictant des choix à leur direction.

    Les indemnités de transferts ont suivi la même tendance inflationniste qu'ont connue les salaires. Au sein des cinq ligues majeures, la décennie 2010 a marqué un tournant en ce qui concerne les montants investis. En l'espace de huit saisons, le montant des investissements en matière de transferts a suivi une augmentation de près de 278%, passant d'un total de 1,541 milliard d'euros dépensés en 2010 à plus de 5,820 milliards d'euros en 2018 (voir annexe n°13).

    En s'y penchant de plus près, il est intéressant de constater que ces montants astronomiques sont principalement portés par les clubs les plus puissants. Les dépenses des clubs des cinq principaux championnats ont représenté 77,5% du montant total des dépenses de transferts mondiales. Comme vu précédemment, des clubs sont devenus des experts dans la formation de jeunes joueurs en vue de les vendre ou les revendre à des clubs plus puissants.

    Cette inflation est également le fruit d'une plus grande mobilité des joueurs, qui négocient dorénavant plus de contrats au cours de leur carrière. Cette mobilité a été encouragée par les nouveaux acteurs précédemment décrits ; les groupes audiovisuels ont vite remarqué les bénéfices potentiels qu'ils pouvaient tirer d'effectifs cosmopolites remplis de stars et les nouveaux propriétaires ont accueilli la jurisprudence Bosman comme une aubaine.

    Selon une étude du CIES Football Observatory 49 au sein des 31 ligues professionnelles européennes, de 2010 à 2017, le pourcentage de nouvelles recrues dans les effectifs a augmenté de manière importante en passant de 36,7% à 44,9%. Les effectifs sont donc de plus en plus instables, et la part de joueurs étrangers au sein des équipes progresse chaque année. La Premier League est le symbole de cette évolution, avec des équipes constituées de profils très hétéroclites. Toutefois, ce concentré de superstars peut avoir des effets négatifs sur la compétitivité de l'équipe nationale et du championnat à terme, avec une place accordée aux jeunes joueurs formés localement qui s'amoindrit. Encore une fois, l'Angleterre est l'exemple parfait de ces transformations avec un nombre de transactions réalisés avec l'étranger toujours plus élevé (voir le nombre de transactions en annexe n°14).

    49 Rapport mensuel de l'Observatoire du football CIES n°34 - Avril 2018

    45

    En somme, la course à l'armement initiée après l'arrêt Bosman ainsi que la progression du pouvoir de négociation des joueurs les plus talentueux expliqueraient en partie l'inflation salariale dans le football. Ce phénomène est à la fois une conséquence et une cause de la financiarisation du football européen.

    1.1.1.3. Vers la création d'une ligue fermée ?

    La question qui se pose est de savoir si le football européen est soutenable dans sa forme actuelle. L'hyperconcentration des richesses remet en cause l'intérêt des compétitions et réduit l'incertitude sportive. La contrainte budgétaire molle ainsi que le format de ligues ouvertes qui prévalent n'incitent pas à la bonne gestion des clubs.

    Le fonctionnement des ligues ouvertes se rapproche d'un modèle libéral avec une dérégulation croissante. Dans le même temps, le modèle des ligues fermées suivi aux États-Unis est paradoxalement un modèle quasi-socialiste dans le sens où une forte régulation est de rigueur et une meilleure répartition des revenus s'opère.

    Un des problèmes que l'on retrouve au sein des ligues ouvertes est le fait que tous les clubs européens soient en concurrence pour les meilleurs joueurs et suivent un objectif de maximisation des victoires. Cela a entrainé une explosion des masses salariales et un endettement massif de la part des clubs qui ont compris l'absence de régulation et de sanctions à leur égard. Avant la mise en place du FPF, il y avait une incitation tacite à l'endettement qui se justifiait ex ante par la hausse de productivité proportionnelle et in fine une hausse des revenus. Les clubs les plus puissants ont vu le déséquilibre compétitif comme une aubaine. Et c'est dans ce sens que certains dirigeants des clubs les plus influents du continent ont émis l'idée dès 1998 de la mise en place d'une ligue fermée. La fuite de millions de documents confidentiels révélés au grand public lors des Football Leaks en 2016 puis en 2018 ont révélé les rêves de certains des clubs européens les plus prestigieux de concentrer encore davantage les revenus en créant une super ligue privée50. Ces discussions initiées par l'Association européenne des clubs (ECA) ont été démenties par les clubs concernés, mais leur ont permis d'influencer la décision de l'UEFA sur la nouvelle réforme de la LDC afin d'étendre leur domination (16 clubs sur 32 sont maintenant issus des quatre championnats majeurs).

    50 http://www.leparisien.fr/sports/football/football-leaks-quand-certains-clubs-europeens-veulent-une-competition-fermee-03-11-2018-7934487.php, consulté le 26 févr. 19

    46

    Avant d'analyser la faisabilité de la mise en place d'un système de ligue fermée, il est essentiel de comprendre les différences organisationnelles entre ces deux formats.

    Les principales caractéristiques que l'on retrouve en ligue fermée peuvent paraitre surprenantes lorsque que l'on pense au fait qu'elles sont nées et sont utilisées principalement aux États-Unis. Andreff parle même de « fonctionnement d'économie centralement planifiée » dans le sens où est exercé une restriction du nombre de « franchises », si bien qu'il est mention d'excès de la demande voire « d'économie de la pénurie » selon Kornaï. Les ligues américaines présentent donc des attributs se référant à la pensée socialiste, et ce sur plusieurs points. Parmi lesquels le partage des revenus issus des droits TV, mais également l'entrée dans une ligue qui est donc contrôlée en amont par une organisation qui émet des barrières à l'entrée. Cette institution est en situation de monopole et elle décide quels nouveaux acteurs pourront prendre la place d'autres acteurs. De plus, les rémunérations des joueurs sont déterminées par négociation collective, avec un nombre très important de joueurs syndiqués. Une des différences fondamentales avec le système de ligue ouverte réside dans la divergence des modes de rééquilibrage des forces sportives. Dans le système nord-américain, un système de draft51 couplé à la mise en place d'un salary cap52 existe afin d'éviter la concentration de talent au sein d'une seule équipe. Ainsi, les équipes les moins bien classées de la saison régulière auront les premiers choix concernant les nouveaux joueurs. Le salary cap quant à lui permet de réguler la masse salariale des franchises pour réduire les inégalités entre elles. L'objectif des franchises est la maximisation de leur valeur et du profit.

    Le système de ligue ouverte prévalant en Europe tend à créer un déséquilibre compétitif profond dans sa forme actuelle. Ce déséquilibre est alimenté par des disparités financières énormes entre les clubs. L'absence de régulations financières et salariales joue un rôle fondamental dans cette détérioration de l'équilibre compétitif. Le rééquilibrage compétitif s'opère avec le système de rétrogradation des équipes les plus faibles et de promotion pour les meilleures équipes des divisions inférieures. L'instauration du FPF en 2013 est une première étape dans la nécessité d'instituer une plus forte régulation au sein du football européen. Dorénavant, les clubs ne

    51 Selon Wikipedia, la draft « est un événement annuel majeur dans la ligue de basket-ball nord-américaine. Elle est comparable à une bourse de joueurs qui vont débuter dans la ligue : lors d'une soirée où sont réunis le commissaire de la NBA et les dirigeants des 30 équipes, chaque équipe va sélectionner à tour de rôle un joueur issu de l'université, du lycée, ou de l'étranger. La draft est le point d'entrée principal pour la majorité des joueurs évoluant en NBA. »

    52 Plafonnement de la masse salariale des franchises

    47

    peuvent plus dépenser plus que les recettes qu'ils perçoivent. Ils doivent parvenir à se financer sans avoir recours à des apports de fonds privés (banques ou actionnaires). L'objectif est donc d'inciter les clubs à tenir une gestion plus saine de leurs comptes ; car de par sa nature, la ligue fermée incite les clubs à surinvestir en talent. Néanmoins, la mise en place du FPF n'a pas eu tous les effets positifs recherchés. Plusieurs facteurs d'explication à cela ; pour commencer seuls les clubs qualifiés en Coupe d'Europe sont assujettis aux sanctions du FPF. Il y a donc une majorité de clubs européens qui ne sont pas concernés. Ensuite, il est question de son manque de rétroactivité. Les grands clubs historiques européens (Real Madrid, FC Barcelone, Manchester United, ...) sont aujourd'hui les clubs les plus riches et puissants, ils ont des revenus très élevés qui leur permettent de pouvoir dépenser des montants faramineux sans être inquiétés par le FPF. Toutefois, cette croissance de leur chiffre d'affaires a été rendue possible par des niveaux d'endettement très élevés il y a quelques années. Les nouveaux arrivants, soutenus souvent par de forts apports en capitaux de la part d'investisseurs étrangers n'ont donc pas la possibilité d'adopter des modèles similaires. Ils sont aujourd'hui contraints par les règles du FPF. En effet, les revenus pris en considération dans les calculs du FPF ne prennent pas en compte les apports de capitaux53. Le FPF agit quasiment comme une barrière à l'entrée pour des clubs plus récents qui souhaitent rejoindre l'élite du football mondial, en limitant leurs capacités d'investissements. Enfin, le manque d'indépendance de l'UEFA pose question sur ses réelles motivations. L'institution européenne assure les rôles d'organisateur des compétions dont elle tire la majorité de ses revenus et donc de sanctionnateur vis-à-vis des clubs qui jouent ces compétitions. Les revenus commerciaux qu'elle tire de ces compétitions ne sont que plus importants lorsque les grands clubs y participent ; comment alors sanctionner des clubs qui lui permettent d'optimiser ses revenus. De plus, l'importance croissante des grands clubs qui n'hésitent pas à faire planer le doute sur l'éventualité de la création d'une super ligue privée hors des filets de l'UEFA ne jouent pas en la faveur d'une réelle indépendance de l'instance.

    Dans ces conditions, les questions qui se posent sont les suivantes : la création d'une super ligue est-elle inévitable ? Si non, quels seraient les mécanismes qui permettraient de rétablir un équilibre compétitif viable à terme ? Les réponses semblent être nuancées, mais de nombreux observateurs s'accordent à dire que la LDC est déjà en soi une ligue semi fermée, dans le sens où les mêmes grands clubs se qualifient chaque année. Ces mêmes grands clubs se qualifient

    53 Sont pris en compte les revenus des droits TV, de la billetterie, des ventes de joueurs, de merchandising et de sponsoring.

    48

    pour les phases finales sans réelles difficultés ; avec des écarts de plus en plus importants. Le rapport mensuel de l'Observatoire du football CIES n°42 du mois de février 2019 intitulé « Évolution de l'équilibre compétitif en Ligue des Champions »54 vise à conclure que l'épreuve reine tend vers « moins d'équilibre et plus de prévisibilité ».

    L'actuel président de l'UEFA, Aleksander Ceferin, se retrouve face à plusieurs impasses quant à cette problématique. Le déséquilibre compétitif qui règne en Europe inquiète les dirigeants des institutions, qui voit là une potentielle perte d'intérêt des spectateurs. Pour répondre à cette tendance, Ceferin a annoncé la création d'une troisième Coupe d'Europe dès 2021 pour les clubs plus modestes. Néanmoins, pour agir sur le fond du problème, il est à se demander si l'organisation basée à Nyon a réellement un pouvoir de décision, sans se heurter au cartel des gros clubs. Une des solutions envisagées pour rééquilibrer les compétitions serait d'allouer une meilleure répartition des recettes entre la LDC et l'Europa League, avec la mise en place d'un mécanisme de solidarité plus opérant que celui actuellement établi. Une des hypothèses du rapport du CIES concerne la formation des joueurs. Selon eux, une part des revenus gagnerait à être versée aux clubs formateurs des joueurs participant à la LDC. Un dispositif de la sorte viendrait récompenser les clubs qui exercent un travail de qualité sur la formation, travail qui bénéficie in fine aux plus grands clubs.

    Finalement, il est à se demander si la création d'une super ligue est réellement souhaitée par les membres de l'ECA ou si elle sert d'argument de menace pour assujettir l'UEFA. La domination des puissants est le fruit d'un énorme déséquilibre financier, phénomène qu'il est difficilement envisageable de se voir contrarié. Les arguments ne manquent pas pour les clubs concernés : une super ligue leur permettrait d'engranger encore plus de revenus et de capter des financements croissants de la part des investisseurs. Ces revenus seraient alors départagés entre les quelques équipes en question, la distribution serait donc moins étalée. Financièrement, cette approche apparait comme une opportunité alléchante pour le cartel. Et comme l'évolution de l'objectif de certains clubs a déjà pris un tournant priorisant la maximisation du profit au détriment du sportif, il n'est pas étonnant de voir cette idée ressurgir. Un club comme Manchester United, sous l'impulsion de ses propriétaires - la famille Glazer - a clairement réorienté sa stratégie vers une logique marketing et financière. Les résultats sportifs se détériorent d'année en année malgré des revenus historiquement élevés. Au regard des récentes

    54 http://www.football-observatory.com/IMG/sites/mr/mr42/fr/, consulté le 28 févr. 19

    49

    déclarations des présidents de l'ECA et l'UEFA55 et des réels bénéfices potentiels pour les clubs, il n'est pas impossible de voir la super ligue comme un moyen de pression exploitée par l'oligopole européen pour gagner en influence auprès de l'UEFA. Il sera intéressant d'observer l'influence et le rôle des principaux financeurs du football européen dans ce projet. En effet, les groupes audiovisuels ainsi que les sponsors verraient d'un bon oeil l'intensification des rencontres entre gros clubs. Une ligue fermée serait pour eux une occasion en or de pouvoir offrir des chocs sportifs à intervalle régulier. Somme toute, ces acteurs constitueraient les instigateurs privilégiés d'une telle réforme institutionnelle du football européen. Toutefois, la transposition du modèle nord-américain semble difficile au vu des différences culturelles avec l'Europe. L'attachement territorial reste un marqueur très fort en Europe. Un club n'est pas transposable dans n'importe quelle ville au contraire d'une franchise NBA par exemple. L'histoire du football européen est ancrée sur cette culture d'ouverture au plus méritant sportivement. Et ce ne sont pas les déclarations d'Aleksander Ceferin qui contrediront ces spécificités : "En respectant la pyramide du football, en respectant le principe de compétitions ouvertes à tous, en respectant le système de promotion/relégation qui est au coeur de notre culture sportive, en respectant les résultats obtenus sur le terrain qui diffèrent parfois de ceux des livres de comptes, en respectant les supporters (...) vous êtes restés de grands clubs aux yeux du monde. Les plus grands clubs de l'histoire. Pour l'éternité. Merci de l'avoir compris et, croyez-moi, vous ne le regretterez pas"56.

    55 Agnelli et Ceferin ont assuré qu'il n'y aurait pas de projet de super ligue tant qu'ils présideront leurs instances respectives https://www.lesechos.fr/sport/football/afp-00667979-uefa-pas-de-super-ligue-tant-que-ceferin-et-agnelli-sont-la-2242907.php, consulté le 28 févr. 19

    56 https://www.lesechos.fr/sport/football/afp-00667979-uefa-pas-de-super-ligue-tant-que-ceferin-et-agnelli-sont-la-2242907.php, consulté le 28 févr. 19

    50

    2. La gestion d'un club de football français

    Le football français, de par certaines spécificités structurelles, se différencie de ses voisins européens. Cette partie tentera de répondre aux enjeux sur lesquels les clubs français doivent se pencher dans un futur proche au vu des caractéristiques intrinsèques de l'environnement français. Les différences législatives, fiscales, historiques et même culturelles engendrent des visions hétérogènes entre les pays européens quant à la gestion d'un club de football. Il conviendra de revenir sur les caractéristiques propres au football français, avant de s'intéresser à la gestion des activités sportives des clubs.

    2.1. Caractéristiques du football français

    Le football français reste une anomalie à l'échelle européenne. Très souvent considérée comme la cinquième nation européenne au niveau des clubs, la France n'en reste pas moins un nain sur l'échiquier européen. Avec seulement deux Coupes d'Europe - dont une n'existant même plus (la Coupe des Coupes remportée par le PSG en 1996) - à son palmarès et seulement six finales de la plus prestigieuse des compétitions la LDC (Reims en 1956 et 1959, Saint-Etienne en 1976, l'OM en 1991 et 1993 et Monaco en 2004), la France fait pâle figure. De nombreuses nations, très fortement affaiblies depuis l'arrêt Bosman, la supplantent au palmarès. Selon la LFP, cette absence de résultat serait la contrepartie d'un manque de moyens financiers et d'une concurrence fiscale biaisée par rapport à ses voisins. Il est donc intéressant de se pencher sur les caractéristiques qui font le football français.

    2.1.1. Contrôle financier et audit annuel : une meilleure gouvernance que ses voisins ?

    Le football français a connu diverses crises depuis sa professionnalisation en 1932. L'une d'elles a pris ses racines au début des années 1980 avec plusieurs sombres histoires qui affectèrent des clubs historiques du championnat de France : Saint-Etienne en 1982, Bordeaux en 1990 ou encore l'Olympique de Marseille en 1993. Ces scandales liés à des détournements de fonds, des fausses transactions, l'existence de caisse noire ou encore sur des matches arrangés ont révélé des dysfonctionnements graves au sein de la gouvernance des clubs. Pour remédier à ces problèmes, les autorités françaises ont décrété la création d'un organe de contrôle

    51

    financier chargé de superviser la gestion des clubs. La Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) est ainsi créée en 1984 avec comme mission la responsabilité d'auditer et de surveiller les résultats comptables des clubs professionnels français. Cette instance indépendante, chapeautée par le LFP a été créée dans l'objectif de promouvoir une meilleure gouvernance au sein des clubs professionnels français. Elle dispose d'importants pouvoir auprès des clubs. Ainsi, après avoir analyser les comptes et vérifier « notamment que les investissements sportifs n'excèdent pas les capacités financières »57 des clubs professionnels, elle donne des directives et des instructions aux clubs en déficit pour les aider à mieux gérer leurs dépenses. Selon la DNCG elle-même, son objectif est de « s'assurer qu'un club qui démarre une saison sportive aura les moyens financiers suffisants pour la terminer et participer ainsi à un championnat régulier, en toute équité avec les autres clubs »58. Ensuite, si les déficits continuent, la masse salariale des clubs en question sera expertisée plus amplement pour comprendre la provenance des déficits persistants.

    Si les comptes des clubs présentent des déficits, le gendarme du football français a alors un pouvoir de sanctions envers les clubs. Parmi celles-ci, les clubs en déficit peuvent se voir interdits de recruter pour une période donnée. La DNCG a même un pouvoir de sanctions sportives : elle peut décider de l'interdiction d'un club de participer à un championnat ou même rétrograder administrativement un club dans des divisions inférieures. Les exemples ne manquent pas. Ainsi, rien qu'au cours de la saison 2017/2018, l'organisme a procédé à « l'interdiction de recrutement » couplée à une « rétrogradation à titre conservatoire » contre Lille et Sochaux, à « l'encadrement de la masse salariale » de huit clubs de Ligue 2, à la rétrogradation en National du SC Bastia.

    Toutefois, en dépit de ces mesures visant à améliorer la gouvernance des clubs français, le dernier rapport en date de la DNCG montre un déficit de 176 millions d'euros pour la saison 2017/2018. Ces chiffres illustrent une anticipation de la hausse des droits TV français à compter de la saison 2020 qui augmenteront significativement les recettes des clubs. En attendant l'effet

    de cette hausse, les clubs n'ont pas hésité à investir pour renforcer leurs fonds propres. Les
    chiffres fournis par le rapport montrent que les fonds propres des clubs de Ligue 1 ont augmenté de 42% pour s'élever à 1.332 millions d'euros, dont 732 millions d'euros de capitaux propres (111 % d'augmentation). Attention néanmoins à ne pas omettre l'hétérogénéité des clubs dans

    57 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/17/la-dncg-le-gendarme-meconnu-du-football-

    francais44590304355770.html, consulté le 12 mars 2019

    58 RAPPORT FINANCIER DU FOOTBALL PROFESSIONNEL FRANÇAIS Saison 2017/2018

    52

    ce domaine : le PSG et l'OL comptent 85% des 732 millions d'euros de capitaux propres. Dans le même temps, les charges ont elles aussi largement augmenté (+22%). C'est précisément sur cette variable que la DNCG intervient en influant sur la masse salariale d'un club ou sur les dotations aux amortissements des indemnités de mutation (transferts).

    L'objectif de cet organe est d'éviter les énormes dettes des clubs européens (espagnols et italiens principalement). Beaucoup d'observateurs vantent la méthodologie et les contrôles effectués de la DNCG ; elle est censée apporter rigueur et discipline financière aux clubs. En effet, une des principales difficultés pour un club est de s'engager sur des dépenses (salaires ou indemnités de transferts) en connaissant les répercussions seulement en fin de saison. C'est là qu'intervient la DNCG ; elle doit intervenir pour apporter de la rationalité dans la gouvernance des clubs. Est-ce que pour autant les clubs français sont mieux gérés que leurs acolytes européens ? Pas si sûr au regard des résultats déficitaires des récentes saisons, qui touchent le point culminant lors du dernier exercice enregistré, et ce en dépit d'un chiffre d'affaires record de 2,8 milliards d'euros. Toutefois, une des composantes de ce chiffre d'affaires provient d'un record des montants des plus-values réalisées sur les ventes de joueurs (929 millions), qui est le couvert de fluctuations, sur lesquelles les clubs ne peuvent se permettent de s'appuyer durablement.

    La volonté affichée par la LFP d'appliquer une meilleure gouvernance est vantée par de nombreux autres pays européens. C'est dans ce sens que l'UEFA a instauré le FPF ; apporter une meilleure gestion financière au sein des clubs. Apporter une contrainte financière crédible au football européen devient indispensable. La DNCG a donc été précurseuse sur la question, même si les deux organismes ne s'attaquent pas à la même question : le FPF de l'UEFA se penche sur la rentabilité financière tandis que la DNCG s'intéresse à la solvabilité des clubs. Ainsi, un club comme le PSG n'a pas été inquiété par la DNCG lors de la saison 2013/2014 alors que dans le même temps, il se voyait infliger une amende de 60 millions d'euros pour non-respect des règles du FPF. Et c'est sur ce point que la DNCG ne prépare pas les clubs français au règlement européen ; son objectif est de s'assurer de la solvabilité des clubs, et ce même si ces derniers font appel à des apports en capitaux. Pendant que l'UEFA, par l'intermédiaire du FPF, encourage le principe selon lequel les clubs doivent financer leurs propres activités opérationnelles à partir de leurs propres ressources, les actionnaires n'étant autorisés à contribuer qu'au financement des investissements à long terme des clubs (construction d'infrastructures sportives ...). Ainsi, le champ d'action du gendarme financier

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    du football français ne se penche que sur le court-terme ; les clubs ne sont pas encouragés à opérer des investissements de long-terme. Des travaux menés par Nadine Dermit-Richard, Nicolas Scelles et Stephen Morrow montrent que les clubs français font des pertes que les actionnaires couvrent pour respecter les contraintes imposées par la DNCG. Par conséquent, les contributions des actionnaires servent principalement à financer les indemnités de transfert plutôt que les investissements à long terme (infrastructures sportives notamment). D'une manière générale, les résultats de leurs travaux tendent à démontrer que les clubs français ne se conforment pas vraiment aux principes du FPF. À ce titre, les exigences de la DNCG en matière de rôle des actionnaires ne sont pas suffisamment contraignantes pour inciter les clubs français à adopter un modèle viable et ainsi se conformer au FFP.

    En somme, il serait intéressant de se pencher sur cette double « contrainte » imposée aux clubs français engagés en Coupe d'Europe. Ne vaudrait-il pas mieux abandonner les principes de la DNCG pour s'adapter à ceux de l'UEFA ? Quid de la pertinence des critères de la DNCG ? Pourquoi ne pas harmoniser les règles du FPF à l'ensemble des clubs professionnels européens plutôt que se contenter de ceux jouant la Coupe d'Europe afin de leur apporter une contrainte financière plus dure ? Il y a de nombreux questionnements qui découlent quant à la pertinence de ces deux organismes de contrôle. Pour en revenir au football français, une extension du FPF à l'ensemble des clubs pourrait permettre d'assainir une gestion parfois archaïque que la DNCG n'a pu que partiellement corriger (preuve en est, la DNCG n'a pas pu empêcher des clubs de faire faillite et les déficits restent récurrents). Pour finir, le contrôle financier annuel imposé aux clubs français les contraint à un objectif de solvabilité et les encourage à tenir des comptes positifs sous peine de sanctions, encourageant une meilleure gouvernance en théorie. Les faits illustrent cependant des défaillances dans la gestion financière de nombreux clubs, les clubs français ne faisant pas exception à l'échelle européenne.

    2.1.2. Un retard sur ses voisins européens

    Le football français n'a jamais, au cours de l'histoire, approché le niveau de ses voisins européens (Italie, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni). D'un point de vue financier ou sportif, la France s'est toujours trouvée à la traine. Comment expliquer ce retard, au-delà du fait que l'Hexagone n'a jamais été un véritable pays de football, du moins au sens culturel du terme. Ainsi, avant les premiers succès de l'équipe de France lors de l'Euro 1984 puis surtout lors de

    54

    la Coupe du monde à domicile en 1998, le football n'intéressait guère la population. Toutefois, malgré le palmarès très flatteur de la nation tricolore depuis 1998 (2 coupes du monde et une finale perdue, un Euro et une finale perdue), le football de club n'a jamais été à la hauteur. La France fait figure de nain à l'échelle européenne, et ce pour plusieurs raisons. L'une d'elles renvoit au retard financier des clubs français qui ne pourraient pas rivaliser avec leurs homologues européens.

    2.1.2.1. Un retard financier sur ses voisins européens

    Le manque de vision stratégique long-terme et l'incompétence des dirigeants des clubs français leur a coûté un retard important sur le plan financier. Mais, au-delà de ces agissements, certaines raisons exogènes à la direction des clubs expliquent une partie de ce constat.

    2.1.2.1.1. Des billets à prix réduits et de faibles affluences

    Pour commencer, un des premiers éléments d'explication concerne la taille du marché français. Paradoxalement, la France est le deuxième pays européen en termes de population, néanmoins, les grandes agglomérations ne sont pas légions (seulement trois villes qui dépassent le million d'habitants) et nombre de clubs professionnels prennent place dans des villes moyennes. A l'étranger, les grandes métropoles abritent au moins deux clubs professionnels. Les exemples ne manquent pas : Barcelone, Madrid, Séville, Londres, Manchester, Liverpool, Turin, Milan, Rome, Berlin, Hambourg, Lisbonne, Istanbul... La France fait figure d'exception, même si le Paris FC et le Red Star font office de représentant francilien en Ligue 2 depuis peu. Le manque d'engouement pour le football de clubs en France (peu de clubs parviennent déjà à remplir leur stade) et le manque de grands bassins urbains entravent cette survenance. Les spécificités françaises ont toujours limité l'émergence de deux clubs dans la même ville. Le chercheur Loïc Ravenel tente d'apporter une réponse en mettant en exergue l'organisation même du sport français, « qui s'est de plus en plus municipalisé depuis les années 1960. Les mairies préfèrent privilégier un seul club de football ou bien se diversifier avec plusieurs sports différents, au lieu de se disperser dans plusieurs clubs de football. »59 Les municipalités restent majoritairement propriétaires des infrastructures sportives et sont responsables de l'entretien de celles-ci, un poids important pour ces dernières. Dans ce contexte, il est alors difficile d'encourager

    59 https://www.lemonde.fr/sport/article/2013/08/09/une-ville-un-club-de-foot-pro-l-autre-exception-francaise34594893242.html, consulté le 28 mars 2019

    55

    l'émergence de plusieurs clubs considérant les coûts structurels que cela engendre. Un modèle où l'importance des villes n'est pas si importante est plus prompt au développement de plusieurs clubs au sein d'une même agglomération.

    La taille des agglomérations accueillant les clubs professionnels fait également figure d'exception européenne. C'est ainsi que nous retrouvons de nombreux clubs professionnels français dans des villes très faiblement peuplées : Guingamp (6 900), Auxerre (34 583), Lens (30 413), Sochaux (3 978), Monaco (38 695) ... Ce constat alimente les faibles affluences dans les stades en France. Néanmoins, sur ce dernier point, l'affluence (même si elle reste très inférieure par rapport à l'Allemagne par exemple) est en hausse quasi constante depuis quelques années. La rénovation des stades pour l'Euro 2016 a certainement joué dans cette tendance. L'amélioration de la capacité des stades couplée à des meilleures prestations au sein de ceux-ci est sans aucun doute une des sources de cette hausse de l'affluence.

    Affluence moyenne Ligue 1

    30000

    25000

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    21155

    22362

    20894 21208

    22544

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    18869 19261

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    20000

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    15000 10000 5000 0

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    2011/12 2012/13 2013/14 2014/15 2015/16 2016/17 2017/18

    Source : Auteur, d'après LFP

    Malgré cette hausse, les taux de remplissage des stades restent très inférieurs à ceux constatés en Angleterre ou en Allemagne (68% contre plus de 90% en Allemagne). Pourtant, les prix des billets et des abonnements sont nettement moins élevés qu'en Premier League. Les revenus commerciaux provenant de l'exploitation des stades sont en hausse mais sont à des années lumières de ce qui est pratiqué en Premier League et même en Espagne. En dépit de cela, les clubs de Ligue 1 n'attirent pas les foules ; symptomatique d'un manque d'engouement (les spectateurs sont moins enclins à payer un prix élevé pour un match de football) et d'un possible

    56

    manque de spectacle et d'intérêt des matches. Enfin, les décisions ubuesques prises par les autorités préfectorales concernant les interdictions de déplacement et les sanctions disproportionnées prises à l'encontre des supporters par les instances dirigeantes nuisent clairement aux affluences et au spectacle en tribunes, autre facteur qui améliore l'expérience au stade. La quasi systématique utilisation de sanctions collectives (huit clos partiel ou total, interdictions de déplacement...) ne pousse pas l'affluence à la hausse. La France accuse un retard colossal sur d'autres pays quant à la gestion de ses supporters. Le dialogue semble rompu entre des instances dirigeantes toujours plus répressives et des groupes de supporters revendiquant le droit d'exister dans la vie du club. Cette répression n'a pas porté ses fruits et il est dommageable de voir les instances continuer dans cette voie en restreignant toujours plus les libertés des supporters, parfois jugés comme des « sous-citoyens » (avec notamment l'interdiction administrative de stade promulguée en 2006 qui permet aux préfets de décréter des interdictions de stades à l'encontre de supporters sans passer par la voie judiciaire). Une justice préventive et arbitraire testée sur les supporters, cette catégorie de citoyens dont il peut sembler normal qu'ils disposent de moins de droits. Il n'est bien entendu pas question de remettre en cause les sanctions face à des comportements violents. Néanmoins, les moyens actuels permettraient d'individualiser ces sanctions sans nuire au spectacle en tribunes. L'expérience répressive contribue à la baisse du spectacle et influe négativement sur l'affluence.

    Les revenus commerciaux tirés de l'exploitation des stades restent ainsi en France un talon d'Achille que seuls le PSG et l'OL parviennent à réellement tirer profit, grâce à des stratégies différentes.

    2.1.2.1.2. Peu de clubs sont propriétaires de leur stade

    L'exploitation des stades en France nuit clairement à la compétitivité des clubs. L'absence de clubs propriétaires de leurs stades (hormis Lyon) contribue aux très faibles immobilisations corporelles des clubs français comparé à leurs voisins. Le stade représente l'outil de production du club ; être propriétaire de son stade dilue le risque financier et permet de décorréler ses résultats commerciaux à ses performances sportives. Le club propriétaire est également maitre dans l'adaptation de son enceinte à ses stratégies marketing et commerciales. Plusieurs raisons expliquent cette absence d'investissements en infrastructure sportive : la faiblesse des capitaux propres des clubs français en est une. En dépit d'une amélioration de la structure financière des

    57

    clubs, marqué par une hausse des fonds propres de 24% en 2017 (919 millions d'euros de fonds propres pour les clubs de Ligue 1 lors de la saison 2016/17) et des capitaux propres (346 millions d'euros), les écarts abyssaux suivant les clubs ne doivent pas masquer cette faiblesse structurelle (78% de l'ensemble des fonds propres des clubs professionnels français sont le fruit de quatre clubs : PSG, OL, OM, Monaco). Ce manque de capitaux propres limite les capacités d'endettement des clubs (auprès d'établissements de crédit) pour développer des immobilisations corporelles, au contraire de l'OL qui a su profiter de ses bons résultats sportifs, de sa régularité, d'un centre de formation efficient lui assurant des revenus importants et d'une gestion rigoureuse pour pouvoir construire son nouveau complexe sportif. L'Allemagne a grandement bénéficié de l'organisation de la Coupe du Monde 2006 pour moderniser son parc des stades. Elle n'a pas hésité à mettre les clubs au milieu des discussions pour éviter les « surdimensionnements d'investissement »60 afin d'accroitre la compréhension des enjeux d'exploitation. Avec l'organisation de l'Euro 2016, les clubs français ont pu bénéficier d'infrastructures rénovées, parfois neuves (Nice, Bordeaux, OL, Lille). Cette évolution des infrastructures ne s'est malheureusement pas accompagnée d'une meilleure collaboration entre les acteurs publics et les clubs au niveau des enjeux d'exploitation. Les clubs sous-estiment encore trop souvent les compétences potentiellement déployables au sein des enceintes sportives : tout ce qui concerne les processus de gestion de la billetterie, le merchandising, la relation client ... La faible implication des clubs français sur ces problématiques leur vaut un retard important sur ces voisins européens, qui dégagent des revenus beaucoup plus importants en exploitant à 100% leurs enceintes. Le fait de posséder son complexe sportif oblige le club à en professionnaliser son exploitation et à axer davantage ses pratiques sur ces sources de revenus.

    Les taux bancaires très bas et la revalorisation des droits TV à venir pour les clubs sont d'autant plus de raisons pour les clubs de se pencher sur la question d'investir dans une nouvelle enceinte ou dans le rachat de leur enceinte existante. En effet, la vision court-termiste de nombre de directions de clubs les a plusieurs fois empêchés d'orienter leurs investissements sur des véritables stratégies de croissance viable. Une réorientation des objectifs structurels permettrait de se pencher sur la question. Néanmoins, le manque d'historique sur ce type d'opérations ne permet pas d'estimer le prix d'un stade, qui s'avère extrêmement onéreux. Le club de Jean-

    60 Rapport Pour un modèle durable du football français remis au Ministère des Sports, de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et de la Vie associative le Mercredi 29 janvier 2014 par Jean GLAVANY

    58

    Michel Aulas constitue donc une singularité au sein du football français ; la réussite économique du stade, trois ans seulement après son ouverture pourrait donner des idées à d'autres clubs...

    2.1.3. Un système de formation reconnu : les clubs français sont des exportateurs de talents à l'international mais restent dépendants des ventes de joueurs

    La jeunesse française du football a la côte en Europe depuis quelques années. L'été 2018 a marqué l'avènement de cette formation florissante avec le couronnement en Russie d'une sélection relativement jeune : 15 des 23 joueurs sélectionnés lors du mondial avaient 25 ans ou moins (plus jeune sélection du Mondial). Selon les données de Transfermarkt, l'effectif des Bleus était le plus cher au monde (1,08 milliard d'euros de valorisation). Il n'est plus à démontrer la qualité de la formation française depuis la mise en place en 1973 de la charte du football professionnel. Cette dernière constitue le point de basculement de la formation française vers une plus grande technicité. Cette convention collective a servi de socle à l'instauration des centres de formation pour les clubs professionnels. La formation des joueurs a subi un changement radical pour suivre un modèle ordonné et méthodique. La formation est dès lors au coeur de la politique stratégique de la FFF. Par la suite, s'ajoutent les pôles espoirs, en charge de préparer les jeunes joueurs (U14/U15) aux exigences des centres de formation. L'importance accordée aux centres de formation se matérialise par le nombre de joueurs professionnels expatriés. La France se situe à la deuxième place sur cet indicateur derrière le Brésil, comme vu précédemment (se référer à l'annexe n°15).

    Plusieurs facteurs existent pour tenter d'expliquer ce phénomène. Tout d'abord, la richesse du bassin parisien qui n'est pas loin d'être le premier bassin de recrutement mondial. La densité de talent unique de la région a permis aux clubs français de recruter des jeunes joueurs pour leurs centres de formation. Ces jeunes joueurs, issus souvent de quartiers populaires n'hésitent pas à tenter leur chance loin de leur foyer pour bénéficier d'une formation de qualité et ainsi avoir une chance de signer un jour un contrat professionnel. La mixité sociale et culturelle des jeunes joueurs couplée à la spécificité du système de formation français forment un bon ensemble permettant l'éclosion de talents. De plus, l'ancienneté du système comprend lui aussi ses avantages : les effets d'apprentissage et l'expérience accumulés sont d'autant plus de facteurs de performance. Par ailleurs, les clubs ont obligation de consacrer un budget à la

    59

    formation. Il est fondamental pour un club de disposer d'installations de qualité pour accueillir les jeunes dans les meilleures conditions.

    Victimes de leurs succès, les clubs français se voient « pillés » de leurs meilleurs joueurs. Pour combler les nombreux départs à l'étranger, les clubs professionnels français se voient dans l'obligation de faire confiance aux jeunes issus du centre de formation. En effet, ne bénéficiant pas des moyens des clubs de Premier League, les clubs sont parfois dans l'incapacité financière de recruter de nouveaux joueurs. Ils ont alors recours à la formation et ont la nécessité de lancer des jeunes issus de leur centre pour compenser cette impossibilité financière. Les jeunes joueurs français ont donc plus de chance d'avoir du temps de jeu en Ligue 1 et en Ligue 2 que des jeunes issus de centres de formation anglais ou italien par exemple. Hubert Fournier, le Directeur Technique National explique les bons résultats des centres de formation par cette faculté des clubs à lancer tôt les jeunes dans le grand bain : « les dirigeants ont compris que la pérennité de leur projet sportif et financier passait par la formation. Du PSG jusqu'à la Ligue 2. La Ligue 1 donne vite la possibilité aux jeunes de prendre de l'expérience. C'est une spécificité française d'accélérer le développement »61.

    Pourtant, les meilleurs joueurs du championnat partent fréquemment à l'étranger pour donner une autre ampleur à leur carrière. Le prestige et le niveau des autres championnats les poussent à s'exporter pour gagner en visibilité, en salaire voire en trophée. Cette réputation peut s'avérer problématique pour le bon développement du championnat de France. Aujourd'hui, ce dernier est parfois perçu comme un championnat de « passerelle » au sein duquel les joueurs ne perçoivent qu'un moyen d'exposition pour attirer l'oeil de recruteurs étrangers.

    Les clubs ont bien compris l'attractivité de la marque « Ligue 1 » auprès des clubs étrangers, et ils n'hésitent pas à miser sur ce modèle pour dégager des sommes importantes en transferts de joueurs. Attention toutefois à ne pas se rendre tributaire à cette source de financement, qui reste aléatoire. Le rapport financier du football professionnel français de la saison 2017/1862 nous apprend que les plus-values successives aux opérations de cession de joueurs ont atteint un montant record de 929 millions d'euros contre 302 millions d'euros lors de la saison précédente. La dangerosité se situe dès lors dans la faculté des clubs à « déconnecter » leurs dépenses au maximum de cette source de revenus.

    61 http://www.leparisien.fr/sports/football/formation-des-footballeurs-aujourd-hui-on-ne-raterait-plus-griezmann-07-08-2018-7846230.php, consulté le 3 avr. 19

    62 RAPPORT FINANCIER DU FOOTBALL PROFESSIONNEL FRANÇAIS Saison 2017/2018, DNCG

    60

    Même s'il impossible de savoir si cette dynamique ralentira dans les années à venir, la dépendance de certains clubs à ce poste de revenus peut s'avérer problématique. Le modèle économique de ces derniers est dorénavant trop sensible aux transferts de leurs joueurs. Il conviendrait pour ces clubs de profiter de cette richesse pour renforcer leurs fonds propres et améliorer leur structure financière. Ce réajustement permettrait de réduire le risque économique que fait peser le modèle actuel.

    2.2. Les activités sportives

    Les activités sportives représentent le propre de l'activité d'un club de football. Toutes les fonctions relatives à l'activité sportive sont très importantes dans la gestion d'un club : du choix de la structure organisationnelle à la relation entre le top management et les joueurs, toutes les décisions impactent les performances sportives. Les activités propres au terrain doivent être interconnectées avec les activités orientées business et avec les relations avec les parties prenantes, des supporters aux autres communautés.

    2.2.1. Le choix de la structure organisationnelle

    Fondamentalement, l'objectif de tous clubs est de gagner le plus de matches possibles à la fin de la saison en fonction de ses ressources et des ambitions de son équipe. Le rôle de l'équipe dirigeante est de parvenir à répondre de la meilleure des façons aux besoins de son groupe, exprimés par un entraineur (souvent accompagné d'un directeur sportif sur cet aspect) ou par un manager général. Il y a une grande différence culturelle sur la structure à adopter entre les pays anglo-saxons et les pays plus latins. Dans le cas de figure britannique, la fonction de « manager » revêt d'une finalité plus orientée moyen terme, avec une mission plus générale qu'un entraineur classique.

    2.2.1.1. Rôle de l'entraineur

    Dans la structure la plus classique des clubs, l'entraineur de l'équipe première a la responsabilité opérationnelle la plus importante au sens où il est en charge de la plus belle vitrine du club : l'équipe professionnelle. L'entraineur est en charge de la préparation des

    61

    joueurs au travers des entrainements hebdomadaires, de la mise en place tactique durant les matches, du choix des joueurs alignés, de la gestion des émotions d'un groupe, du bien-être des joueurs, de la préparation psychologique des joueurs, de l'assurance qu'ils croient en son discours, de gérer les égos ... Il a bien entendu un rôle crucial et souvent ingrat au quotidien ; il doit pouvoir s'adapter à de nombreux aléas (blessures, méformes, enchainement de matches ...) et supporter une pression parfois étouffante. Il représente son équipe lors des conférences de presse et doit donc vivre avec une pression médiatique parfois oppressante lors de séries de mauvais résultats. Pour être sûr de pouvoir répondre à tout cela, les entraineurs des clubs professionnels doivent être en possession de diplômes nationaux, voire transnationaux pour avoir le droit d'exercer. En France, de nombreux diplômes existent pour répondre aux besoins des différentes divisions et catégories. L'entraineur doit être titulaire du Brevet d'entraîneur professionnel de football (BEPF), condition sine qua none pour entrainer une équipe professionnelle française.

    2.2.1.2. Rôle d'un « General Manager »

    Le rôle de manager général à la britannique est en voie de disparation au profit de structures avec un entraineur principal, assister d'un directeur sportif ou directeur du football. En effet, les rotations d'effectif et d'entraineurs sont de plus en plus nombreuses. Les cas de managers emblématiques comme Sir Alex Ferguson ou Arsène Wenger se raréfient. Ces deux légendes du football anglais incarnent parfaitement le rôle du Manager au sein d'un club. Contrairement à l'entraineur « classique », le manager prend plus de hauteur et supporte une fonction moins opérationnelle. Arsène Wenger ne préparait pas les entrainements de son équipe d'Arsenal, il donnait les consignes à son staff qui exécutait. Son rôle s'apparentait plus à de la supervision, emmagasinant de l'information sur ses joueurs, ses adversaires... Il est moins esseulé, et son objectif est d'amener son équipe au match dans les meilleures conditions. L'intelligence émotionnelle et la communication sont des qualités indispensables pour ce rôle. A la différence d'un entraineur, le manager a une vision plus orientée moyen/long terme, dans le sens où il doit apporter une cohésion et une cohérence au club. Il doit identifier les secteurs à renforcer et a la responsabilité du recrutement des joueurs. Son rôle est plus libre que celui d'un simple entraineur.

    Finalement, Mauricio Pochettino (entraineur de Tottenham) résume très bien la différence entre deux rôles qu'il a endossé : « If you are the manager, you decide many things about the club.

    62

    But if you are a head coach, your responsibility is to play better, try to improve the players and to get positive results. At Southampton, I was a manager. My responsibility was not only to coach the team. With Tottenham, I am a head coach. A head coach is head of your department. My department is to train the team. »63

    Le choix du fonctionnement organisationnel de l'équipe première est donc un premier facteur de décision de la part des dirigeants d'un club.

    2.2.2. Le recrutement de joueurs

    Afin de répondre à leurs objectifs, les clubs doivent recruter des joueurs avec cohérence en prenant en considération plusieurs facteurs. Ainsi, le plus compliqué pour un club est d'avoir du succès et de maintenir ce niveau de performance sur le long terme. Parvenir à cerner les réels besoins de son équipe et garder les joueurs importants relève d'une gestion fine et d'une connaissance du secteur très pointue. Aiguiller les choix du club suivant ses contraintes (financières et/ou légales) demande une organisation interne très développée capable de prendre en considération de nombreuses informations pour limiter les degrés d'erreurs. Une bonne communication entre les instances en question est également primordiale.

    Le schéma suivant met en exergue les différentes parties prenantes impliquées lors du recrutement des joueurs.

    63 https://www.ibtimes.co.uk/mauricio-pochettino-i-am-head-coach-tottenham-not-manager-1477305,

    consulté le 23 avr. 19

    63

    Rôle du directeur sportif

    Dans le cas des clubs français, le rôle du directeur sportif est essentiel : il est le garant d'une vision stratégique moyen voire long terme se complétant avec le travail plus court-termiste de l'entraineur principal (qui « prend les matches les uns après les autres » comme ils adorent le rappeler en zone mixte). La fonction du directeur sportif est très large ; la partie la plus visible et la plus tangible de son travail est la formation de l'effectif de l'équipe première pour la saison à venir. Pour ce faire, il doit travailler en collaboration avec toutes les parties prenantes du club. Il doit évaluer les forces et les faiblesses de l'effectif présent, en anticipant les futurs départs ou les méformes à venir. Aussi, il doit prendre en compte et savoir si l'entraineur pourra compter sur les jeunes joueurs de l'équipe réserve et du centre de formation. Une fois les besoins identifiés, il travaille en étroite collaboration avec les équipes de recruteurs qui auront collecté des données sur des joueurs correspondant aux caractéristiques données. Le directeur sportif tient également une place importante dans la négociation des contrats avec les nouveaux joueurs, arbitrant entre les montants investis et les besoins du club : il étudie la faisabilité de la

    64

    signature avec son Président. L'intégration des joueurs est une étape dont il peut s'occuper tout comme créer une atmosphère positive entre les joueurs et autour du club.

    Il a également un rôle d'intermédiaire entre le conseil d'administration et le département football en assistant aux réunions du conseil d'administration. Il doit insuffler la philosophie du club sur des échéances long-terme et construire des réseaux avec les parties prenantes concernées (autres clubs, agents de joueurs influents...).

    2.2.3. Vision long-terme

    2.2.3.1. Philosophie du club

    Pour un club comme pour une entreprise, avoir une vision de long terme est indispensable : elle détermine où le club va. Elle définit réellement la spécificité d'un club. Elle doit s'accompagner d'un respect des valeurs et des traditions du club. Un club comme l'AS Saint-Etienne attire encore des joueurs en s'appuyant sur ses traditions en mettant en avant l'historique du club et de la ville. Chaque joueur se voit remettre une lampe de mineur à son arrivée et la direction a fait le choix de construire le premier musée de club de France, au sein de l'emblématique stade Geoffroy-Guichard64. La culture club est à développer « pour valoriser son histoire et promouvoir ses valeurs » selon Roland Romeyer, Président du directoire de l'AS Saint-Étienne.

    Le football est de nature à avoir des cycles courts - une saison - qui vont déterminer de nombreuses choses dont une grande partie des revenus. Disposer d'une vision à long terme permet de passer outre certains aléas qui peuvent arriver au cours d'une saison. Cela nécessite de l'adaptation malgré tout, mais pas à n'importe quel prix. Le club ne doit pas transgresser ses valeurs et doit s'appuyer sur de la continuité. Cette continuité passe également par le développement de l'académie de jeunes. Ces deux piliers sont des investissements de long terme. L'exemple le plus frappant est le cas de l'Ajax Amsterdam lors de la saison 2018/2019. Le club hollandais, lourd de traditions, s'est recentré sur ce qu'il faisait de mieux : la pratique d'un football total, offensif et imposant joué par des jeunes du centre de formation. Le succès triomphant de cette équipe au budget de 85 millions (équivalent à celui de Bordeaux ou Saint-Etienne) au milieu de mastodontes européens rappelle qu'une grande cohérence au sein d'un club couplée à une patience du board peuvent porter leur fruit. Ainsi, dans le cas du club Amsterdamois, la direction s'est entourée de personnalités importantes de l'histoire du club

    64 http://www.museedesverts.fr, consulté le 24 avr. 19

    65

    avec Marc Overmars en qualité de directeur du football ou Edwin van der Sar en tant que directeur exécutif. Ils se sont assurés de fournir à l'entraineur des joueurs complémentaires avec l'effectif déjà présent en prenant en compte non seulement leurs qualités de footballeur mais aussi d'Homme. Des tests de personnalité sont régulièrement soumis aux futurs joueurs de certains clubs pour cerner qui ils sont, afin d'améliorer leur intégration. La patience du board et l'implication sans faille de toutes les parties prenantes d'un club sont des facteurs sine qua none lorsque ces types de philosophies sont mises en place, comme le souligne le Président de l'Athletic Bilbao, Josu Urrutia Tellerìa dans le livre ECA Club Management Guide : « It is possible to be successful by way of focusing on the academy ; however, this success is not going to be achieved quickly and may be different from the short term success of winning titles on a regular basis. It requires a lot of thought and analysis on the part of club management, ang a high degree of implication and acceptance by the club's stakeholders to maintain such a model, even though times of difficulty. »

    Le succès en football est éphémère, un club ne gagne pas souvent de titres, mais la philosophie reste. Cette dernière va permettre de savoir comment le club souhaite gagner ses matches. La philosophie d'un club peut évoluer avec le temps, mais il doit le faire de façon cohérente. De même, le football est une industrie qui se joue à réaction plutôt qu'à prédiction. Les décisions sont largement influencées par les émotions plutôt que par des faits. La culture d'un club permet de réduire ce facteur émotionnel et de gagner en expérience pour s'affranchir des facteurs extérieurs.

    2.2.3.2. Gestion des effectifs

    L'élaboration de l'effectif d'un club est une des missions les plus importantes pour les directions des clubs. Les joueurs qui composent l'équipe vont être responsables des résultats. Par ailleurs, de nombreux clubs tirent une source de revenus très importante des cessions de joueurs. Les périodes de mercato sont donc primordiales pour les clubs, et l'anticipation est le maitre mot.

    Avant d'engager des dépenses sur des joueurs sans cohérence, il convient pour les clubs de prendre plusieurs facteurs en compte, lesquels sont détaillés dans le tableau ci-dessous :

    Sportif Finance Culture

    Qualité footballistique

    Coût d'acquisition

    Joueur national ou étranger

    Expérience

    Salaire

    Formé au club ou non

    Potentiel

    Potentiel de revente

    Age

    66

    Style de jeu et adéquation avec celui de l'équipe

     

    Coût de remplacement

    Acceptation des supporters (ex club rival ...)

    Affinité avec l'équipe

    Potentiel marketing et

    commercial

    Historique de carrière

    2.2.3.3. Développement du centre de formation

    Importance d'un centre de formation compétent

    Le développement d'une académie performante est un investissement sur le long terme, qui prendra du temps à avoir ses effets. Le retour sur investissement peut prendre des années. Toutefois, une réelle implication de toutes les parties prenantes pour s'assurer de former des jeunes de qualité porte souvent ses fruits. L'Olympique Lyonnais a par exemple choisi de se spécialiser dans la formation au début des années 2000 en y investissant quantitativement et qualitativement. Cela leur a permis de compter sur de nombreux joueurs du centre de formation pour composer l'équipe lors de la construction du nouveau stade. En effet, Jean-Michel Aulas, anticipant la pénurie d'investissement sur le sportif durant les années où le stade serait construit, s'est appuyé sur des joueurs formés localement pour tenir les rangs sans avoir besoin d'investir sur le mercato.

    Tout serait donc une question de volonté ? Si l'on en croit les chiffres de l'ECA65, en 2011, le coût consacré à l'académie de l'Ajax Amsterdam était de plus de six millions d'euros par an contre trois millions pour le Bayern Munich ou Arsenal par exemple. Lorsque nous prenons en compte le gouffre financier qui sépare le cas hollandais de ces homologues allemands ou anglais, il est intéressant de constater que la formation ne requière pas la même importance dans la stratégie du club. Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte, et ce même rapport suggère cinq facteurs clés de succès :

    - Vision du conseil d'administration concernant la transition des joueurs de l'académie ; - La qualité et l'expérience des formateurs ;

    - La communication entre l'Académie et l'équipe professionnelle ;

    - La mise en oeuvre d'une politique cohérente de développement footballistique ; - L'efficience du recrutement des jeunes talents.

    65 ECA Report on Youth Academies, 2012

    67

    L'accent doit être mis sur une approche holistique du développement du joueur, prenant en considération le développement de l'homme aussi bien que du footballeur.

    Le lancement des jeunes joueurs

    Toutefois, posséder une académie performante n'est pas suffisant. Il faut parvenir à réussir l'étape la plus difficile : la transition vers l'équipe professionnelle. Certains clubs disposent d'académies de très bonne qualité mais ne font pas suffisamment confiance à leurs jeunes joueurs. Les clubs anglais sont particulièrement concernés par ce phénomène avec trop peu d'exemple de joueurs formés dans les clubs localement qui s'installent en équipe première. Le meilleur exemple est Chelsea, qui possède une des toutes meilleures académies d'Europe66 mais qui ne parvient que trop rarement à lancer des jeunes jouant un rôle important pour l'équipe première. Les sommes dépensées sur le marché des transferts et l'empilement de joueurs dans certains clubs ne permettent pas cette transition censée aboutir le travail de formation. D'autres clubs, à l'inverse, sont des spécialistes pour lancer leurs jeunes du centre de formation. Tout est une question de timing, de volonté et de confiance (parfois de nécessité) : le fait de lancer un jeune trop tôt alors qu'il n'est pas prêt pour le haut niveau peut s'avérer destructeur pour ce dernier.

    Les activités sportives sont donc le coeur opérationnel du fonctionnement d'un club et doivent être envisagées comme un élément concomitant des activités « business » que nous tâcherons de détailler sous le sillage de l'exemple de l'OL.

    66 « Le club remporte l'UEFA Youth League -- la Ligue des champions pour jeunes -- en 2015 et 2016 et reste sur cinq victoires consécutives en FA Youth Cup (2014, 2015, 2016, 2017, 2018) sur sept finales de rang (2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018). »

    68

    3. Le cas de l'Olympique Lyonnais

    Cette partie tentera de répondre aux problématiques nouvelles de l'économie du football constatées par la direction de l'Olympique Lyonnais, les sources de revenus et les choix stratégiques qui en découlent. Comme vu précédemment, l'économie de ce sport a grandement évolué au fil des décennies, et nous ne reviendrons pas sur les caractéristiques qui la constituent aujourd'hui (hausse des droits TV, hausse des transferts et des salaires ...). Il sera question dans cette partie de comprendre quels sont les leviers d'action propres que l'OL a su mettre en oeuvre afin d'optimiser ses activités commerciales et in fine ses revenus.

    3.1. Présentation de l'OL 3.1.1. Histoire de l'OL

    L'Olympique Lyonnais a été fondée en 1950. Au cours de cette première décennie d'existence, le club est promu en première division et se stabilise au sein de l'élite des clubs de football français. La décennie suivante marque les premiers succès lyonnais avec la victoire lors de la finale de Coupe de France 1964 face à Bordeaux. Ils remettent le couvert trois ans plus tard, en 1967, en ajoutant à leur palmarès une nouvelle Coupe de France. C'est également au cours de cette décennie que Lyon participe aux premières compétitions européennes de son histoire avec une participation à la défunte Coupe des Coupes. Ensuite, une longue période de disette s'installe dans le Rhône jusqu'à l'arrivée de Jean-Michel Aulas. Ce jeune entrepreneur lyonnais - fondateur de la CEGID - prend les rênes du club en 1987 et se lance dans un projet très ambitieux : faire de Lyon non seulement un grand club français, mais aussi une véritable puissance du football européen. Les débuts sont compliqués, et l'OL ne parvient pas à maintenir des résultats constants pour espérer remplir son objectif. Toutefois, cela ne décourage pas l'homme d'affaires qui continue d'investir. La suite lui donnera raison : l'OL devient champion de France pour la première fois de son histoire en 2002 à l'ultime journée. S'en suit une domination totale sur le plan hexagonal avec sept titres de champion de France consécutifs (une première en France). Cette décennie contribue également à la réputation du club à l'échelle européenne avec des performances remarquées contre de grandes écuries européennes.

    Dès 2007, Jean-Michel Aulas entrevoit la possibilité pour son club de construire son propre stade. C'est dans cette optique que l'OL Groupe fait son introduction en bourse la même année. La signature du permis de construire a lieu en 2012, officialisant ce projet destiné à faire rentrer

    69

    le club dans une nouvelle ère. Un an plus tard, les travaux ont pu démarrer pour s'achever en 2016. Cette année marque l'entrée dans le nouveau stade de l'OL, quelques mois avant le début de l'Euro 2016, organisé en France.

    Structure de l'actionnariat

    Après la prise de participation à hauteur de 100 millions d'euros du fonds d'investissement chinois IDG Capital au début d'année 2017, la répartition du capital se présente ainsi :

    Total

    58174234

    100%

    100%

    Actionnaires

    Autres 38046

    Auto-détention 347250

    Holnest (famille Aula 16208087

    Pathé 11341388

    IDG 11627153

    Public 18612310

    Nombre actions

    % capital

    27,86% 32,02%

    31,99% 26,08%

    19,50% 27,04%

    19,99% 14,76%

    0,07% 0,10%

    0,60% NA

    % droits de vote

    Source : Auteur, d'après OL.fr

    3.2. Analyse de l'environnement et d'OL Groupe

    Afin d'analyser l'environnement et les forces et faiblesses dont dispose l'OL pour y répondre, une analyse SWOT67 parait optimale.

    Strenghts

    L'OL possède des atouts et des forces indéniables qui lui confèrent un avantage concurrentiel sur nombre de concurrents. Le modèle que l'OL a pu développer sur la diversification de ses revenus fait partie des grandes réussites économiques à mettre au profit de Jean-Michel Aulas.

    67 Selon Wikipédia, une matrice SWOT « est un outil de stratégie d'entreprise permettant de déterminer les options offertes dans un domaine d'activité stratégique. Il vise à préciser les objectifs de l'entreprise ou du projet et à identifier les facteurs internes et externes favorables et défavorables à la réalisation de ces objectifs [...] Le nom est un acronyme pour les quatre paramètres examinés par la technique :

    - Strengths (Force) : caractéristiques de l'entreprise ou du projet qui lui donnent un avantage sur les
    autres.

    - Weaknesses (Faiblesses) : caractéristiques de l'entreprise qui désavantagent l'entreprise ou le projet
    par rapport aux autres.

    - Opportunities (Opportunités) : éléments de l'environnement que l'entreprise ou le projet pourrait
    exploiter à son avantage.

    - Threats (Menaces) : éléments de l'environnement qui pourraient causer des problèmes à l'entreprise
    ou au projet. »

    70

    Au fil des années, le club rhodanien a su étendre son champ d'activités pour ne plus le limiter à la production de matches de football. Les différentes activités proposées par l'OL seront plus amplement détaillées dans une section utlérieure. Cette diversification est une force qui a permis au club de garantir des revenus en se détachant de l'aléa sportif. Pouvoir compter sur des revenus décorrelés des résultats sportifs permet de pérenniser le modèle économique du groupe.

    Au-delà de ce point, la dotation d'une enceinte privée ultra moderne confère à l'OL un atout évident. La captation des données rendue possible par ce nouvel outil ainsi que l'amélioration de l'expérience utilisateur au stade permettent une plus grande capacité d'innovation et plus globalement d'initiatives tournées vers le consommateur.

    Une autre force du club est l'incroyable régularité des résultats de son équipe première. L'OL est sur une série de 23 participations d'affilé à une Coupe d'Europe (LDC ou Europa League) Nous avons constaté une mutation de la concentration financière du football européen avec un accroissement des inégalités toujours plus important, d'un côté une oligarchie de clubs jouant régulièrement la LDC et de l'autre de nombreux clubs qui se partagent le reste. L'OL semble avoir emboité le pas pour appartenir au premier groupe. Son plan stratégique à 5 ans, que nous détaillerons dans une section dédiée ne fait que corroborer cette volonté et cette tendance. La culture de la performance et l'ambition font partie de l'ADN récent du club.

    Si l'équipe masculine obtient des résultats plutôt positifs, il est impossible de passer sous silence ceux de l'équipe féminine. Cette dernière, très tôt mise en avant par le président Lyonnais, est le symbole de l'avant-gardisme du club sur ces questions. Le club est une réelle vitrine européenne pour le football féminin avec des investissements notables et la grande importance qui lui est consacrée. Nous détaillerons la stratégie mise en place par le groupe OL autour de sa section féminine dans la catégorie Opportunities.

    De plus, le club lyonnais peut compter sur un bassin dynamique et large : la ville de Lyon est une agglomération importante qui fait partie des plus attractives de France68. Sa situation géographique ainsi que son accessibilité via les réseaux de communication en font une place

    68 https://www.challenges.fr/immobilier/attractivite-economique-des-villes-en-france-palmares-2018623255, consulté le 20 mai 2019

    71

    forte de la France provinciale. Elle se classe au deuxième rang national (derrière Paris) en termes de PIB de son agglomération et représente un pôle de développement important en Europe. L'OL dispose d'une quasi exclusivité territoriale de la ville de Lyon ; pouvoir compter sur l'appui et l'accès au marché d'une métropole de l'envergure de Lyon représente une force indéniable.

    La bonne santé financière du club lyonnais et les marges élevées de son activité par rapport à ses concurrents constituent une force sur laquelle peut s'appuyer pour continuer son développement. L'OL n'est pas visé par des enquêtes juridiques liées au FPF ou par la DNCG. Le solide modèle économique et financier bâti par Jean-Michel Aulas a permis de concilier rentabilité et résultats. Ce dernier a publiquement reçu les félicitations de nombreux dirigeants du football européen, à commencer par Karl-Heinz Rummenigge, président du Bayern Munich - un club modèle dans la captation de nouveaux revenus - et anciennement président de l'ECA (de 2008 à 2017) qui s'est réjoui du modèle initié par l'OL avec l'acquisition d'une enceinte 100% privée.

    Le football est le sport préféré des Français, aussi bien en termes de nombre de licenciés69 qu'en termes d'audience et d'affluence70. Cette suprématie populaire du football en France présente deux avantages pour le club : le nombre de jeunes joueurs potentiellement repérés par l'OL pour leur académie et la probabilité d'une affluence élevée. Concernant le premier point, le bassin lyonnais représente un territoire d'excellence. De nombreux joueurs, aujourd'hui internationaux, sont originaires de la région et voient en l'OL un environnement optimal pour développer sainement leurs aptitudes.

    Justement, une autre de leurs forces est l'excellence dans la formation des joueurs. L'OL est devenue une référence en la matière, ce qui lui assure des revenus de cession de joueurs importants et des joueurs de qualité disponibles pour l'équipe première fréquemment. Les effets d'apprentissage et les méthodes développés au fil des saisons par les équipes du centre de formation lui assurent un effet d'attractivité pour les jeunes talents de la France entière. Ainsi, le centre de formation de l'OL occupe la première place française en la matière depuis plus de

    69 « La FFF compte aujourd'hui près de 2,2 millions de licenciés dont 400 000 bénévoles et près de 165 000 féminines », https://www.fff.fr/la-fff/organisation/chiffres-cles-fff consulté le 29 mai 2019

    70 La Ligue 1 a accueilli 8 544 052 spectateurs lors de la saison 2017-18. Le rugby, arrive deuxième du classement avec « seulement » 2 434 970 spectateurs. Source Wikipédia

    72

    six ans consécutivement et est aujourd'hui à la deuxième place européenne au classement des centres de formations71. L'investissement dans la formation entamé très tôt depuis la prise de fonction de Jean-Michel Aulas porte ses fruits. Le dirigeant lyonnais est conscient de l'importance de cette activité, comme en témoignent les efforts fournis, notamment financiers. « En termes de formation, on est le club qui investit - et de très loin - le plus en France ; plus de 10 millions d'euros par an, et de plus en plus » se targue le président lyonnais72.

    Enfin, la valorisation de l'effectif professionnel de l'OL est à ce jour très importante. La valeur totale de l'effectif professionnel du club est estimée à 420,4 M€73 si l'on en croit les calculs de Transfermarkt, source utilisée par l'OL dans son document de référence. L'OL bénéficie donc d'un effectif qualitatif, hautement valorisé.

    Weaknesses

    En dépit de ces nombreux atouts, le groupe OL présente quelques faiblesses que nous allons tâcher de décrire. Une des premières tient en l'appartenance même du club au secteur du divertissement sportif. Même si l'OL a un nouveau stade, cette industrie présente un risque lié à des mauvais résultats sportifs qui pourraient avoir de terribles conséquences financières. Une non qualification européenne entrainerait une perte de revenus considérable. L'attractivité - au sens des joueurs - de l'OL s'en trouverait lourdement affectée. L'industrie footballistique reste tributaire de l'aléa sportif et il n'est pas impossible de voir les résultats sportifs dégringoler. Des risques sont présents, ils peuvent affecter les bonnes performances sportives de l'équipe première : des facteurs exogènes (bons résultats des concurrents, disqualification ...) ou endogènes (méforme de joueurs importants, blessures, conflits avec l'entraineur ...) existent. Pour se prémunir de ces risques, le club a mis en place des moyens de diversification des revenus et des primes élevées destinées aux joueurs en fonction des résultats sportifs.

    La construction du nouveau stade a eu pour effet un endettement conséquent pour le groupe. Le niveau d'endettement de l'OL reste très élevé et s'établit à 222 M€ au 30 juin 2018 (hors créances et dettes joueurs). Si l'on se réfère au document de référence de la saison 2017/18, les dettes financières se répartissent de la façon suivante :

    71 CIES Football Observatory, 2018

    72 https://www.estrepublicain.fr/sport/2019/02/18/football-la-strategie-payante-de-lyon, consulté le 22 mai 2019

    73 https://www.transfermarkt.fr/olympique-lyon/startseite/verein/1041, consulté le 20 mai 2019

    73

    - « Emprunt obligataire : 49,8 M€ ;

    - Emprunt Long Terme pour le stade : 117 ,4 M€ ;

    - Emprunt contrat de location-financement : 10,3 M€ dont 7,7 M€ pour le Groupama Stadium, 2,1 M€ en autres dettes financières non courantes et 0,5 M€ en autres dettes financières courantes ;

    - Emprunt construction Groupama OL Academy et OL Training Center 8,6 M€, dont 7,4 M€ en autres dettes financières non courantes et 1,2 M€ en autres dettes financières courantes ;

    - Emprunt BPI 1,6 M€ dont 1 M€ en autres dettes financières non courantes et 0,6 M€ en autres dettes financières courantes. »74

    L'endettement de l'OL reste justifié au vu des investissements réalisés et des retombées potentielles. Néanmoins, cet indicateur doit appeler à de la vigilance pour ne pas voir son niveau d'endettement devenir problématique.

    Malgré le deuxième budget de France depuis de nombreuses années, les résultats sportifs ne sont pas si resplendissants et ont tendance à stagner. Certains analystes et supporters déplorent le manque d'ambition sportive par rapport aux moyens dont disposent l'OL. Les résultats sont loin d'être catastrophiques et sont réguliers, mais le manque de concurrence que le club offre au PSG sur la scène nationale symbolise cette tendance. Depuis que le club parisien est sous pavillon qatari, Montpellier et Monaco ont réussi l'exploit d'être sacrés champions de France. Dans le même temps, l'OM a atteint une finale de coupe d'Europe. L'OL n'a remporté aucun trophée depuis sa Coupe de France en 2012 et la direction semble se contenter des récents résultats.

    L'arrivée de Jean-Michel Aulas en 1987 marque un tournant historique pour le club rhodanien. Le célèbre dirigeant lyonnais est une figure emblématique du sport français et a très largement contribué aux succès répétés de son club. Toutefois, la vampirisation de la fonction présidentielle peut s'avérer une faiblesse, à l'heure où le Président ne semble plus aussi inspiré sur les questions liées au sportif. Les entraineurs et la direction sportive se heurtent à un pouvoir institutionnel éminemment important : cette omniprésence à tous les étages de la part du

    74 Document disponible sur le lien https://investisseur.olympiquelyonnais.com/informations-financieres/rapports-annuels.html

    74

    fondateur de CEGID75 peut présenter certaines limites. Malgré une réputation continentale et des performances européennes qui ont marqué les esprits dans les années 2000, Jean-Michel Aulas s'est toujours refusé de collaborer avec des entraineurs internationaux expérimentés pour privilégier des entraineurs français prometteurs (Puel, Fournier, Le Guen, Santini...) ou alors des promotions internes (Garde ou plus récemment Genesio). La peur de perdre du pouvoir et le besoin d'occuper toute l'attention médiatique sont des facteurs d'explication potentiels.

    Enfin, pour rebondir sur ce dernier point, la difficile lecture de l'organigramme de l'OL s'avère ennuyeux sur certains points. En effet, le manque de clarté sur la direction sportive et le rôle ambigu de plusieurs personnes influentes sont symptomatiques de problèmes de gouvernance identifiés. La présence depuis de nombreuses années de Bernard Lacombe dans un rôle pas vraiment officiel (Conseiller spécial du président) et de Gérard Houllier (Conseiller extérieur) n'aident pas à y voir plus clair. L'opacité et l'influence de leurs rôles laissent planer le doute quant à leur véritable poids sur les décisions concernant le domaine sportif.

    Opportunities

    Les perspectives de l'OL dans le futur s'annoncent prometteuses. Au-delà de l'amélioration continue de sa santé financière et de la pérennité de son Business Model, le club a su développer des stratégies lui permettant d'étendre son influence auprès de partenaires internationaux. En premier lieu de cette stratégie : l'équipe féminine de l'OL qui s'accapare tous les trophées nationaux et européens depuis des années sur une base impressionnante ; treize fois championnes de France (série en cours) et six fois championnes d'Europe. La réputation de Lyon en Europe passe aussi par le maintien de cette grande compétitivité.

    Outre ces résultats, la stratégie de Jean-Michel Aulas repose sur l'internationalisation de l'effectif de la section féminine pour donner en visibilité à son club. Pas moins de 9 nationalités sont représentées par des joueuses toutes internationales dans leur pays respectif. Le plus gros coup du club a été réalisé lors de l'intersaison 2016 avec la signature de l'américaine Alex Morgan, plus grande star du football féminin. Le transfert, en plus de présenter un grand renfort sportif, est venu alimenter une démarche marketing et communicationnelle finement pensée en amont. Ainsi, l'ambition du club a été de s'ouvrir au juteux marché américain du soccer et

    75 Jean-Michel Aulas a fondé le groupe CEDIG en 1983, société spécialisée dans l'édition de logiciels de gestion et de systèmes d'information pour les entreprises

    75

    gagner en reconnaissance internationale. En suivant ce même objectif, le club rhodanien a conclu de nombreux partenariats avec des clubs à travers le monde (au Japon, au Liban, en Tunisie, au Sénégal et en Corée du Sud). Plus récemment, avec l'ouverture du capital de l'OL au chinois IDG (voir ci-dessous), de nombreux partenariats ont été noués avec des académies chinoises sur un service d'échange de savoir-faire. Cette stratégie a déjà amené le club à nouer des partenariats avec des firmes multinationales avec par exemple le sponsor principal, Hyundai constructeur automobile sud-coréen, depuis 2012.

    Toujours dans cette volonté d'intensification du développement de la marque OL à l'étranger, le fonds chinois IDG Capital a racheté 20% du capital du groupe pour un montant avoisinant les 100 M€. Au-delà du partenariat financier, l'objectif est double : aider la Chine à développer son football et promouvoir l'image de l'OL au travers de l'empire du milieu. Pour ce faire, le fonds et l'OL Groupe ont procédé à la création d'une joint-venture (45% détenue par l'OL et 55% par IDG) : Beijing OL FC. Cette dernière aura comme objectif le transfert du savoir-faire du club français relativement à la formation de jeunes joueurs (création d'académie de football, formation d'entraineurs locaux) ou encore la promotion du football féminin.

    Pour appuyer cette nouvelle notoriété, l'équipe première participe chaque été à des tournois de préparation avec des équipes internationales aux quatre coins du monde.

    La hausse à venir des droits TV en France est également une très bonne nouvelle pour l'OL qui va pouvoir bénéficier de revenus en hausse sur cette activité. Les investissements pourront être plus conséquents grâce à la manne financière apportée par MediaPro (1,153 milliard d'euros investis pour la période 2020-2024). Cette augmentation de près de 60% permettra aux clubs qualifiés en Coupe d'Europe de mieux rivaliser avec les équipes des autres championnats européens. Attention toutefois à bien utiliser cet argent frais sans tomber dans une spirale salariale inflationniste (nous y reviendrons dans la section Threats). Les revenus globaux dans le football sont en forte augmentation. Comme évoqué dans les sections précédentes, le football européen génère des revenus en forte hausse, et l'OL n'échappe pas à cette tendance.

    Les opportunités de développement autour du Groupama Stadium sont nombreuses et devraient assurer à l'OL une offre très diversifiée de services regroupés dans l'activité Events. Le projet de la création d'une salle de concert fermée pouvant se transformer en salle pouvant accueillir des matches de Basketball a été évoqué. Le rapprochement entre Jean-Michel Aulas et la star du basket français Tony Parker va dans ce sens. En effet, ce dernier est également président du

    76

    club de basketball de l'ASVEL (Villeurbanne, en banlieue lyonnaise) et le rapprochement entre ces deux entités est sur le point de se finaliser. L'OL est en discussion exclusive avec le club villeurbannais concernant une prise de participation. Ce rapprochement entre l'entrepreneur de 70 ans et le joueur NBA prend également la forme d'un projet plus important. Ainsi, Jean-Michel Aulas a demandé au quadruple champion NBA de lui apporter son image et son dynamisme outre-Atlantique pour créer une franchise de football féminin aux États-Unis.

    Concernant la formation, l'OL a pris de l'avance sur de nombreux concurrents. Le nombre important de joueurs internationaux dans leur catégorie d'âge illustre les bonnes perspectives de la formation. Les ventes récentes de Samuel Umtiti à Barcelone et d'Alexandre Lacazette à Arsenal ont amené un nouveau coup de projecteur sur l'académie lyonnaise, qui commence à avoir très bonne réputation aux yeux des recruteurs européens. De bonne augure pour dans les années à venir.

    Threats

    Les menaces qui concernent l'OL sont de plusieurs ressorts. Tout d'abord, la croissance des revenus doit s'accompagner d'une gestion saine. En ce sens, limiter l'inflation salariale visible dans le football européen depuis quelques années apparait primordial. Il ne faut pas tomber dans la spirale inflationniste. En effet, le nouveau modèle économique du football professionnel incite les directions des clubs à mettre des moyens considérables dans l'achat de nouveaux joueurs. Cette course à l'armement exerce indéniablement une pression à la hausse des rémunérations des joueurs. Une mauvaise gestion dans les dépenses salariales peut s'avérer très dommageable pour un club, et l'OL, en dépit de ses revenus très importants n'échappe pas à cette règle. Le cas de Yohan Gourcuff témoigne des difficultés que peut entrainer un transfert onéreux mal géré : son contrat de cinq années a coûté plus de 11,5 M€ par saison à l'OL (comprenant les salaires, les charges associées et l'amortissement de l'indemnité de transfert) pour un rendement sportif très insuffisant. Il est donc important de comprendre et d'anticiper les risques que peuvent entrainer ce genre d'erreurs si elles se répètent.

    L'industrie des loisirs est en constante évolution. Aujourd'hui, les jeunes générations éprouvent de nouvelles envies concernant leurs loisirs. Le développement spectaculaire de l'e-sport fait partie de cette nouvelle industrie76. Les chiffres de ce nouveau secteur ont de quoi

    76 L'e-sport se définit comme « a pratique de jeux vidéo où le joueur affronte d'autres joueurs en réseau »

    77

    impressionner ; depuis 2014, la croissance de l'e-sport dans le monde est de l'ordre de 445% avec des prévisions de chiffre d'affaires avoisinant les 3 milliards de dollars pour l'industrie. L'annexe n°16 met en exergue cette tendance haussière par poste de revenu.

    Les perspectives et les investissements réalisés dans l'e-sport témoignent de la solidité de ce phénomène. Au détriment du football ? Pour l'heure, l'industrie du sport n'est pas menacée à proprement parlé mais certains sponsors commencent à privilégier des ligues d'e-sport plutôt que des équipes de football. Par exemple, pendant que McDonald's abandonnait son partenariat avec la fédération allemande de football en 2018, elle privilégiait la concentration de ses efforts financiers sur de nouvelles opportunités dans le e-sport. Autre exemple marquant, l'équipementier sportif Nike qui vient de s'engager dans un partenariat de cinq ans avec LPL (League of Legends Pro League, la ligue chinoise du jeu en question) pour un montant de 144 M€. Ce transfert des investissements de la part des sponsors peut constituer une menace comme une opportunité pour les clubs de football. Les audiences suivent également une progression exponentielle, la dernière finale de la coupe du monde de League of Legends en 2018 a été suivie par près de 99,6 millions de spectateurs. Des audiences qui pourraient pousser les acteurs audiovisuels historiques à détourner leurs investissements dans le futur. Le football et un club comme l'OL doivent s'adapter à ces mutations pour ne pas perdre des fans potentiels. Il faut parvenir à convaincre la communauté e-sport pour ne pas se laisser cannibaliser ses parts de marché. C'est pourquoi certains clubs ont saisi l'opportunité d'investir dans des équipes de e-sport. C'est le cas de l'OL qui a décidé de créer sa propre équipe de e-sport en janvier 2017. Dans son communiqué officiel, le club rhodanien déclarait : « la création de cette équipe e-sports s'insère dans un projet plus large de l'Olympique Lyonnais d'ouverture vers de nouveaux territoires et la volonté de se rapprocher encore de la communauté OL en partageant des expériences online à travers le monde »77. La menace que constitue cette nouvelle industrie peut donc s'avérer être une opportunité pour l'OL si les investissements sont faits intelligemment. En effet, cette équipe aura pour objectif de développer la popularité de l'OL à travers le monde en s'adressant à de nouvelles communautés.

    Il est également important de prendre en compte la montée en puissance et l'ambition des ligues asiatiques et notamment chinoise. L'AFC Champions League gagne de l'ampleur et le

    77 https://www.ol.fr/fr-fr/contenus/articles/2017/01/30/communique-lolympique-lyonnais-se-lance-dans-

    lesports-29529, consulté le 28 mai 2019

    78

    championnat chinois commence à attirer de nombreux joueurs européens en pleine forme de l'âge. Aujourd'hui, les efforts impressionnants amorcés par les autorités et les politiques volontaristes d'investissement mises en place par le gouvernement chinois pour faire de la Chine une puissance majeure du football mondial d'ici 2050 peuvent être considérés comme une menace pour les clubs européens et donc l'OL.

    La compétitivité du championnat de France de Ligue 1 peut être considérée comme une menace à moyen/long terme pour l'OL. En effet, la faible médiatisation du championnat hexagonal par rapport à ses voisins et le manque de changements en perspective sur la hiérarchie européenne tendent difficilement à croire à l'optimisme quant à sa compétitivité future. Et ce déficit de notoriété se traduit dans les chiffres ; les droits TV à l'étranger de la Ligue 1 paraissent bien dérisoires quand on pense aux sommes déboursées pour le championnat anglais par exemple. Ainsi, la Ligue 1 engrange 80 M€ chaque année pour le montant intégral de ses droits internationaux. A titre de comparaison, le championnat anglais encaisse 1,3 milliard d'euros, le championnat espagnol 650 M€, le championnat italien 370 M€ et le championnat allemand 250 M€. La Ligue 1 a un retard considérable sur la question, ce qui pourrait altérer le développement économique d'un club comme l'OL.

    Le projet de compétition semi-fermée de l'UEFA et l'ECA pourrait s'avérer être une grande menace pour l'OL si ce dernier ne fait pas partie intégrante des clubs impliqués. Si la réforme en question se concrétisait, les championnats nationaux se trouveraient très affaiblis financièrement. Les clubs les plus puissants concentreraient encore plus les revenus du football européen et les inégalités ne cesseraient de se creuser. Jean-Michel Aulas - par son influence au sein du football européen notamment - s'est déclaré en faveur d'une réforme de la LDC en croyant que l'OL était en position de faire partie de cette « élite ». Néanmoins, une telle réforme constitue une réelle menace à termes pour tous les clubs.

    Aucun autre dirigeant n'aura autant marqué le football français que Jean-Michel Aulas. Il aura su amener l'OL à un niveau alors inespéré à sa prise de fonction en 1987 et le football français aura du mal à trouver un dirigeant aussi investi et visionnaire. En prenant en compte cette importance, il est aisé de comprendre la lourde tâche qu'aura son successeur à la tête de l'OL. L'OL c'est Jean-Michel Aulas. Jamais un président n'a eu autant d'influence et d'emprise sur son club en France. La question de son remplacement va s'avérer être un moment charnière pour le club. La période de transition qui s'en suivra sera marquée par de nombreuses

    79

    incertitudes. Parvenir à se détacher d'une personnalité aussi forte et aussi influente n'est jamais chose aisée, et il faudra un gros travail de préparation en amont pour amorcer cette transition en douceur. Le président âgé de 70 ans ne continuera pas éternellement et son départ laissera son lot d'incertitudes.

    Enfin, une menace qui pourrait avoir un impact indirect sur l'OL est le Brexit. En effet, si celui-ci s'opère enfin, la question des joueurs extra-communautaires va se poser. L'adhésion du Royaume-Uni à l'espace commun permettait un nombre illimité de joueurs européens dans les écuries de Premier League. Dorénavant, la menace de la sortie de cet espace laisse un flou quant au sort réservé aux joueurs européens dans ce championnat. En connaissant les sommes dépensées par les clubs anglais sur le marché des transferts et notamment auprès des clubs français (Lacazette vendu à Arsenal pour 53 M€, Essien à Chelsea pour 38 M€, Malouda à Chelsea pour 21,5 M€ ...), il est important de suivre l'évolution de cette question qui reste pour lors sans réponse.

    3.3. Résultats obtenus

    L'Olympique Lyonnais (OL) a axé son modèle économique sur l'exploitation de sa nouvelle enceinte sportive : le Groupama Stadium. Après des années compliquées sur le plan financier pour parvenir à financer ce stade 100% privé (une première en France), cet investissement sur le long terme commence à porter ses fruits. Les résultats financiers des dernières saisons corroborent cette stratégie visant à positionner l'OL dans le cercle des grands clubs européens. Le document de référence de la saison 2017-1878 ainsi que le rapport financier semestriel de la saison 2018-1979 nous éclairent sur les bonnes performances financières du club présidé par Jean-Michel Aulas. En effet, depuis la livraison du nouveau stade lors de la saison 2015/16, l'OL n'a eu que des résultats positifs.

    78 Document disponible sur le lien https://investisseur.olympiquelyonnais.com/informations-financieres/rapports-annuels.html

    79 Document disponible sur le lien https://investisseur.olympiquelyonnais.com/informations-financieres/rapports-semestriels.html

    80

    Ce bilan positif est à mettre en perspective avec plusieurs facteurs (notamment les plus-values réalisées par le club sur les cessions de joueurs) que nous détaillerons ultérieurement.

    3.3.1. Des revenus en hausse

    3.3.1.1. Produits des activités

    La bonne santé comptable de l'OL est illustrée par une croissance des produits issus de son

    activité. Si l'on se réfère au document de référence de la saison 2017/18, « l'activité du Groupe

    s'organise autour de 6 produits d'activités complémentaires :

    - Billetterie ;

    - Partenariats et publicité ;

    - Droits marketing et TV ;

    - Events ;

    - Produits de la marques (produits dérivés, OL Images...) ;

    - Trading de joueurs. »

    Les produits des activités de l'OL sur la première partie de la saison 2018/19 atteignent un montant record de 168,4 millions d'euros (20,8 millions d'euros de plus que lors de la saison précédente, qui s'établissaient à 147,6 millions d'euros).

    81

    Source : auteur, d'après rapport financier semestriel de la saison 2018-19

    Cette hausse de plus de 14% met en exergue l'importance d'une qualification en LDC dans les revenus d'un club. Sur une demi-saison, les revenus issus des droits TV de l'UEFA et de billetterie ont engendré une hausse des recettes estimée à plus de 48 millions d'euros.

    Un rapide éclairage sur le détail des produits des activités permet de comprendre les leviers d'action sur lesquels l'OL s'appuie pour améliorer ses performances.

    o Billetterie : 21,2 M€ (+24% soit +4,2M€)

    Les revenus tirés de la billetterie ont augmenté de 4,2% sur la même période par rapport à la saison précédente. Nous distinguerons les recettes en Ligue 1 et les recettes en LDC. Les recettes de billetterie de la Ligue 1 sont globalement en hausse depuis l'entrée dans le nouveau stade. Les facteurs d'explication se concentrent principalement sur l'accroissement de l'affluence au stade. Cette dernière est passée de 40.600 spectateurs de moyenne en décembre 2016 à 49.600 cette saison, soit une hausse de près de 22% en deux ans. L'amélioration continue des infrastructures80 ainsi qu'une meilleure récolte des données sur leurs supporters81 ont

    80 Les infrastructures ne sont pas encore terminées, voir le projet OL City dans la section 3.5.3 Le projet OL City

    81 Voir section 1.2.2 Une nouvelle stratégie digitale adaptée

    82

    permis à l'OL d'accroitre l'affluence malgré un climat sportif plus tendu que lors de l'année précédente. De plus, l'instauration d'une stratégie tarifaire plus modulable en octobre 2017 a permis un meilleur taux de remplissage. Outre l'effet volume (hausse de l'affluence moyenne), l'OL a pu compter sur une amélioration sensible de l'effet prix grâce à une meilleure gestion et un meilleur traitement des datas sur les supporters. Ainsi, le panier moyen d'un spectateur au Groupama Stadium (billetterie, merchandising, parking, buvette ...) a augmenté, rapportant la recette moyenne par place à 35€ contre 28€ l'an dernier. Une meilleure connaissance de sa cible couplée à des infrastructures modernes et qualitatives semblent être la formule gagnante pour l'OL.

    Le club rhodanien a également pu bénéficier de l'effet LDC sur ses revenus de billetterie, et ce malgré un match à huit clos82. La venue du champion d'Angleterre en titre, Manchester City a permis d'engranger quelques 5,4 M€. Il est ainsi aisé de comprendre qu'une qualification en LDC impacte fortement les revenus d'un club, au-delà même des droits TV et des donations de l'UEFA qui découlent de cette compétition.

    o Partenariats et publicité : 15,3M€ (+9% soit +1,3M€)

    Les revenus issus des partenariats et des contrats de publicité sont également en hausse. Le contrat de naming en vigueur avec Groupama en 2017 pour une durée de trois saisons renouvelables rapporte 5,5M€ chaque année83. A ce prix, l'assureur appose son nom au stade (Groupama Stadium), au centre d'entrainement (Groupama OL Training Center) et au centre de formation (Groupama OL Academy). L'OL mise également sur son développement en Asie avec un contrat de partenariat sur la zone Asie.

    o Droits TV : 82,1 M€ (+122% soit +45,2M€)

    L'impact de la plus prestigieuse des compétitions européennes se ressent fortement sur les produits issus des droits TV. Comme évoqué lors de la section 1.1.2.1. Les acteurs audiovisuels, l'UEFA dote les clubs qui y participent de droits TV faramineux : le montant accordé à l'OL pour cette compétition avoisine les 57,4M€ contre 11M€ la saison dernière au même moment

    82 https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Ligue-des-champions-le-huis-clos-coutera-5-millions-d-euros-a-l-ol/945638, consulté le 12 mai 19

    83 http://www.leparisien.fr/sports/football/olympique-lyonnais-groupama-stadium-les-coulisses-de-l-accord-25-08-2017-7212162.php, consulté le 12 mai 19

    83

    lorsqu'il était qualifié en Europa League. On comprend donc mieux la nécessité pour des clubs avec des ambitions pareilles d'une qualification pour la LDC. Les droits TV nationaux (de la LFP pour la Ligue 1 et la Coupe de la Ligue et de la FFF pour la Coupe de France) sont ajustés en conséquence au classement et des performances sportives : l'OL a enregistré sa 22ème saison d'affilée en Coupe d'Europe à l'issue de la saison 2017/18 (synonyme de top 5). La régularité de l'OL lui permet donc de s'assurer des droits TV nationaux élevés. Ainsi, la hausse programmée des droits TV pour la saison 2020 (le groupe Mediapro a racheté l'intégralité des droits TV de la Ligue 1 pour la période 2020-2024 pour un montant de 1.153 milliard d'euros) profitera de manière considérable à l'OL.

    o Events : 3,2 M€ (-47%, soit -2,9 M€)

    La propriété entière et l'exploitation exclusive de l'enceinte du Groupama Stadium s'avère être un atout indéniable pour la création de nouveaux revenus. Les événements hébergés par le stade sont nombreux et peuvent prendre plusieurs formes.

    D'un côté, les événements destinés aux entreprises (séminaires, salons, show-rooms...) et les visites sont en constante progression (plus de 400 événements B2B en 201884). Le stade a été pensé pour offrir des prestations d'ampleur avec de nombreuses services :

    - Mise à disposition d'espaces réceptifs adaptables aux besoins (loge, salon, auditorium...) ;

    - Restauration : prestations adaptables aux divers événements (cocktails, gala, Brasserie Bocuse...) ;

    - Parkings gratuits et privés ;

    - Animations : visite du stade, escape-game et autres activités.

    Ce type d'évènements destinés principalement aux professionnels enregistre une forte croissance (+68% de recettes) et devient très populaire dans la région ; l'OL souhaitant devenir un acteur majeur de la région lyonnaise dans le tourisme d'affaires.

    De l'autre côté, les événements d'ampleur organisés au Groupama Stadium. La direction a pour ambition de devenir un acteur majeur en termes d'organisation d'évènements. Pour l'année 2019, trois concerts d'Ed Sheeran, un concert Stars 80 ainsi qu'un de Phil Collins devraient

    84 https://olentreprises.com/seminaires/379/seminaires-groupama-stadium?a=0, consulté le 12 mai 19

    84

    assurer des revenus décorrelés des performances sportives au groupe de Jean-Michel Aulas. L'enceinte accueillera également les demi-finales et la finale de la Coupe du Monde féminine en juillet 2019.

    Ainsi, la diminution des revenus lors du premier semestre de la saison 2018/19 n'est qu'une conséquence de l'absence d'événements majeurs sur la période (au contraire de la saison précédente qui a vu accueillir un concert, un match international de rugby et un match de préparation à la Coupe du Monde de l'Équipe de France entre autres). Les revenus devraient donc repartir à la hausse lors de ce second trimestre avec les événements cités ci-dessus.

    o Produits de la marque : 8,5M€ (-4%, soit -0,3M€)

    Les revenus issus des produits de la marque sont en hausse sur les dernières années grâce notamment à un travail important qui a été entrepris sur le merchandising. Les ventes issues d'internet sont aujourd'hui le canal numéro un des revenus de merchandising. L'arrivée dans le nouveau stade a été bien gérée par les équipes merchandising de l'OL, qui ont su profiter d'un nombre de spectateurs en progression. Une boutique officielle plus grande que la précédente à Gerland a été implantée sur le parvis du stade où les spectateurs sont plus susceptibles de passer devant. Indépendamment des jours de matches et des revenus issus de la boutique, l'organisation des « events » permet au club de vendre des produits dérivés (événements professionnels notamment). Le développement en outre d'une application Groupama Stadium permet aux fans de commander ce qu'ils désirent depuis leur emplacement dans le stade. L'OL a considérablement augmenté ses efforts sur le développement d'infrastructures digitales et notamment mobiles afin d'améliorer ses taux de conversion85. Les résultats du merchandising présents dans le document de référence de l'OL et en annexe n'°18 mettent en exergue les bienfaits de cette stratégie. Ainsi, la Vente à Distance (VAD) est devenue lors de la saison 2017/18 le premier canal de vente du club. Le virage pris par l'OL sur ce nouveau créneau s'avère payant et avant-gardiste.

    o Cession de joueurs : 38,1 M€ (-41%, soit 26,6 M€)

    85 https://www.ecofoot.fr/interview-david-banget-olympique-lyonnais-croissance-ecommerce-2347/,

    Consulté le 13 mai 2019

    85

    L'OL peut s'appuyer sur un centre de formation d'excellence pour lui permettre de développer des joueurs de qualité destinés à jouer au plus haut niveau. Au-delà de la possibilité de pouvoir s'appuyer sur ces joueurs pour l'effectif professionnel, le club utilise ce vivier comme une source de revenus. De nombreux joueurs passés par l'académie de l'OL jouent à l'international et le club a su valoriser ce savoir-faire pour en faire une vitrine à l'échelle européenne.

    Ce tableau récapitulatif des plus grosses cessions de la part de l'OL sur les 15 dernières années met en exergue les qualités de l'OL dans les opérations de cessions de joueurs. Cette activité est d'autant plus rentable dans le sens où bon nombre de ces transferts concernent des joueurs formés au club.

    Joueurs

    Montant (en M€)

    Mendy

    53

    Lacazette

    53

    Tolisso

    41,5

    Essien

    38

    Benzema

    35

    Diarra

    26

    Umtiti

    25

    Mariano

    22,3

    Malouda

    21,5

    Geubbels

    20

    Marlet

    17,6

    Abidal

    16

    Mammana

    16

    Diakhaby

    15

    Njie

    14,5

     

    Source : auteur

    *Les joueurs en orange ont été formés à l'OL

    86

    3.3.2. Un bilan en progression

    Source : Rapport financier semestriel 2018-2019

    o Actif

    Le bilan s'établit à 667,2 M€ à la fin de l'année 2018. Un rapide aperçu de la répartition des actifs permet de se rendre compte de l'importance du nouveau stade dans la structure financière de l'OL. La livraison du nouveau stade a grandement fait progresser le montant total du bilan depuis 2014.

    87

    La part des immobilisations corporelles s'est considérablement accrue dans le bilan. Le projet « OL City » qui a pour vocation l'ouverture tous les jours de l'année des activités développées autour du stade va encore confirmer cette tendance. Les détails de ce projet seront retracés par la suite. Afin de réaliser ces investissements, l'OL a dû se forger une structure financière robuste et durable au fils des années. Cela a eu pour effet la possibilité du financement d'un projet à plus de 500 M€.

    Tous les voyants sont au vert financièrement : les soldes intermédiaires de gestion s'améliorent au fil des saisons. L'excédent brut d'exploitation (EBE), qui met en valeur la viabilité et la rentabilité financière d'une entreprise est de 53,9 M€ au 31 décembre 2018, représentant 32% de produit des activités.

    o Passif

    La structure financière de l'OL est assez inédite en France. Pour financer la construction et l'acquisition de son stade, le club a eu recours à des mécanismes d'endettement financier. Ainsi, la dette financière est bien plus élevée que celle des autres clubs du championnat de France. A l'issue de l'exercice 2015/16, la dette financière totale du groupe a atteint son pic en s'établissant à plus de 300 M€. L'arrivée du groupe chinois IDG Capital au capital d'OL Groupe en 2017 a permis d'apporter une amélioration de sa situation financière. Les 100 M€ d'augmentation de capital permises par IDG ont automatiquement eu l'effet de diminuer le taux

    88

    d'endettement du club. De plus, cet apport d'argent a permis de renégocier les conditions de la dette ; la maturité de la dette a augmenté et les charges financières (principalement les taux d'intérêt) qui y sont liées sont passées de 6,5% à 4,3%86.

    Pour ainsi dire, la situation financière de l'OL est assez singulière dans le paysage footballistique français. Ce caractère unique est le fruit d'un choix de modèle économique mûrement réfléchi en amont.

    3.4. Un nouveau modèle économique basé sur l'exploitation de ses infrastructures sportives

    Le modèle économique suivi par l'OL Groupe lui permet de se fixer des objectifs ambitieux sur le plan financier comme l'indique le rapport semestriel du 31 décembre. Les objectifs fixés à horizon cinq ans témoignent de la transformation du business model pour faire du club un véritable acteur « full entertainment ». Ainsi, le groupe ambitionne de générer 400 M€ de chiffre d'affaires chaque saison d'ici 2024, et faire partie des vingt clubs générant le plus de revenus en Europe. Pour ce faire, l'OL a dévoilé les contours de son « concept full entertainment ». Nous allons tâcher de détailler les objectifs de cette planification stratégique et les moyens mis en oeuvre pour l'atteindre.

    86 https://www.ecofoot.fr/olympique-lyonnais-modele-financier-singulier-3268/, consulté le 29 mai 2019

    89

    3.4.1. Développement des infrastructures autour du stade

    Avant toute chose, il semble important d'établir une liste des avantages liés à la possession de

    son enceinte sportive :

    - Récupérer l'intégralité des recettes liés à la billetterie ;

    - Récupérer l'intégralité des recettes de merchandising liés à l'exploitation du stade ;

    - Ne plus payer de loyer au propriétaire du stade ;

    - Choisir le contenu des événements hors matches et récupérer les revenus liés à cette

    exploitation ;

    - Choisir ses partenaires en fonction de ses besoins ;

    - Développer une offre commerciale et marketing à l'extérieur et l'intérieur du stade.

    Les gains générés par le Groupama Stadium sont d'abord liés à l'exploitation du stade durant les matches de l'équipe professionnelle. Ainsi, les revenus de billetterie ont progressé de façon spectaculaire avec l'entrée dans le nouveau stade comme en témoigne le graphique en annexe n°22.

    Pour développer cette activité, l'OL met en place des abonnements B2C et B2B. L'instauration de nombreux espaces VIP et de loges (au nombre de 105) à destination d'entreprises permet au club de générer de plus gros revenus les jours de matches. La mise en place d'une stratégie suivant le yield management87 pour optimiser le remplissage du stade commence à porter ses fruits. Des initiatives portant sur la gestion des données sont également entreprises depuis plus d'un an au sein de l'équipe digitale.

    Afin de rentabiliser le lourd investissement qu'implique la construction de son stade, l'OL tend à faire de son stade un espace ouvert au public sept jours sur sept. En effet, la possession de son enceinte implique de lourds coûts opérationnels de gestion et de maintenance.

    L'organisation d'événements au sein de l'enceinte est également en pleine progression, avec des résultats visibles très rapidement et mis en exergue en annexe n°22. Outre les événements déjà programmés (Coupe du Monde féminine, concerts à venir ...), de nouveaux objectifs

    87 « Le Yield Management consiste à moduler les tarifs en fonction de la demande », https://mabilletteriesport.wordpress.com/outils-de-developpement/yield-management/ , consulté le 2 juin 2019

    90

    émergent en interne. Les projets sélectionnés devraient permettre à l'OL de générer de nouveaux revenus. Ainsi, le club cherche à signer des accords avec des tourneurs professionnels pour l'organisation de concerts au sein du stade. Cela augmenterait la fréquence des spectacles et en faciliterait la logistique. La création d'un festival annuel de musique est également en projet au sein du club pour dynamiser l'activité autour du stade. De plus, la possibilité d'un tournoi composé des meilleures équipes féminines mondiales est en discussion. Outre cela, le conseil d'administration a témoigné son envie d'étendre son réceptif « Grand séminaire » de plus de 2.000 m2 pour répondre aux besoins de ses partenaires B2B.

    3.4.2. Le projet OL City

    Au-delà de l'activité liée au stade en lui-même, le véritable axe de croissance rendu possible avec la construction du Groupama Stadium est le projet « OL City ». L'objectif annoncé de ce projet est de faire du complexe autour du stade un « lieu de vie 365 jours par an ». Les premières étapes de ce projet ont déjà vu le jour en 2018 avec l'ouverture du musée du club en mai et de l'hôtel Kopster en octobre. Les nouveaux aménagements prévus d'ici 2021 comprennent de nombreuses infrastructures permettant de faire du stade un lieu incontournable. Ainsi, un pôle médical devrait voir le jour courant 2019 suivi d'un immeuble de bureaux intitulé « Les loges » et d'un centre de loisirs à horizon 2020. Le centre médical est également pourvu d'un laboratoire d'analyses médicales et de quinze spécialités. Quant au centre de loisirs, de nombreuses activités sont prévues : laser game, bowling, escape game, centre de sport, escalade

    ...

    Toutes ces activités, déconnectées du business model originel de l'OL, viennent entériner la nouvelle stratégie de Jean-Michel Aulas. Le projet OL City porte pour ambition la venue de plus de trois millions de visiteurs par an (contre 1,4 million lors de la saison 2017/18). Fort de son potentiel immobilier, l'OL envisage même la construction d'une salle événementielle afin de compléter son offre actuelle. La construction d'une salle pouvant accueillir jusqu'à 15.000 spectateurs est évoquée pour permettre au club d'organiser des activités de spectacles et de divertissement durant toutes les saisons. Au-delà des concerts, des matches de basket de l'ASVEL pourraient y prendre place tout comme des séminaires d'une plus grande ampleur. Le club rhodanien a également comme projet l'extension du terrain foncier autour du stade pour envisager une augmentation de son potentiel commercial exploitable.

    91

    3.4.3. Une nouvelle stratégie digitale adaptée

    La clé du nouveau modèle économique de l'OL est donc clairement le concept « full entertainment ». Outre les aménagements prévus et les possibilités d'extension des infrastructures, le club espère intensifier les revenus liés à son développement « médias ». En plus des droits TV dont il a déjà été question, le développement médiatique de l'OL passe inévitablement par une stratégie numérique adéquate. C'est en ce sens que l'équipe digitale s'est renforcée ces dernières années. En effet, la multiplication des activités du club et de la marque globale ainsi que la complexification de la clientèle ont entrainé une réorganisation en interne pour mieux répondre aux différents besoins. 30 personnes sont aujourd'hui employées à temps plein pour répondre aux besoins digitaux autour de pôles d'expertise : Community, Fan Experience et Marketing.

    Le Groupama Stadium est par la même occasion devenu le premier smart stadium de France. Par smart stadium, il faut comprendre les outils numériques mis à disposition du spectateur pour en améliorer son expérience. Les objectifs d'un stade connecté sont l'amélioration de l'expérience des utilisateurs qui se rendent au stade mais également la monétisation de leur temps passé au stade.

    Mais alors, en quoi le Groupama Stadium est-il un stade connecté ? Tout d'abord, l'installation de plus de 800 bornes Wi-Fi permet à quelques 25.000 spectateurs de se connecter simultanément88. Deux applications gratuites ont vu le jour - « MyOL » et l'application du stade « Groupama Stadium » - pour permettre notamment aux spectateurs de commander boissons et nourritures directement via leur smartphone. Le stade est totalement « cashless », seuls les paiements par le biais de l'application et en carte bancaire sont acceptés. Outre cela, les applications proposent des services pour faciliter la venue au stade (parkings, transports en commun, plan d'accès, billet électronique ...), pour avoir accès à des informations sur le match et même des images exclusives ou encore pour pouvoir acheter des produits du club directement.

    88 https://www.rtl.fr/actu/futur/le-parc-olympique-lyonnais-premier-stade-connecte-de-france-7781214509, consulté le 5 juin 2019

    92

    Les données engrangées à travers ces applications et les différents outils proposés par l'OL améliorent le ciblage de ses spectateurs, et ce, permettant la personnalisation des services proposés. La gestion des données des utilisateurs devient un véritable enjeu pour les clubs. Il est question de fidéliser les jeunes générations qui ont grandi avec le digital. L'expérience au stade ne se limite désormais plus au seul match de football en lui-même. Pour le club, son développement passe par la diversification de ses services, et notamment ceux offerts lors des rencontres au stade. Accroitre l'affluence et la monétisation semble être l'objectif du club qui fait figure de pionner sur la question de l'expérience spectateur et des services proposés.

    En définitive, l'OL fait figure de précurseurs français sur les questions relatives au développement commercial et financier. La direction a très tôt su cerner les évolutions du secteur de l'industrie du football pour s'inspirer de techniques empruntées au sport américain.

    93

    Conclusion

    Le football européen a évolué au rythme des transformations qui ont affecté la société occidentale, devenue majoritairement libérale et capitaliste. Le processus de financiarisation qui s'est démocratisé a influé sur le fonctionnement même des clubs de football, au même titre que les évolutions juridiques qui ont généralement profité aux clubs les plus puissants. De cette financiarisation, les points à retenir sont la diversification des sources de financement des clubs qui est apparue au courant des années 1990 et l'influence grandissante des financeurs du football européen qui ont désormais des motivations diverses. Toutefois, il est indéniable de constater l'inopérante régulation du secteur footballistique au niveau européen, qui a favorisé la concentration des revenus et des forces sportives au sein d'un cartel de clubs. Ce manque de contrainte budgétaire historique a fragilisé l'équilibre compétitif des compétitions nationales et supranationales. Tout compte fait, on observe un effet de mimétisme du football sur la société civile. Le football n'est que le miroir grossissant de ce que nous observons depuis le tournant financier pris par nos sociétés occidentales : financiarisation de l'industrie, hausse des inégalités et concentration des richesses chez les très puissants. L'évolution de l'influence croissante des grands clubs dans les décisions institutionnelles sera décisive pour comprendre le futur visage du football européen. Pour l'heure, la convergence d'intérêts entre les financeurs (groupes audiovisuels et sponsors) et les grands clubs amène à penser que l'importance de ces derniers ne va cesser de croitre, amenuisant une incertitude du résultat déjà très affectée.

    La financiarisation de l'industrie footballistique entraine mécaniquement des fluctuations : le bien-fondé même d'un club étant la maximisation de ses résultats, son activité mène à un surendettement. Le système de ligue ouverte présent en Europe couplé à la capacité de négociation des joueurs poussent les clubs à des charges élevées. Les grands clubs ne sont pas réellement inquiétés par ces dépenses, à la différence des clubs intermédiaires et inférieurs. Ces premiers sont soutenus par d'importants financeurs et bénéficient de droits TV (notamment grâce à la très lucrative LDC) très élevés. L'absence de réglementation limitant cet écart croissant de revenus fragilise l'équilibre économique du football européen au profit de clubs ultra puissants, accroissant le risque d'une crise financière du secteur.

    Les nouvelles exigences de l'industrie footballistique européenne obligent les clubs à s'adapter pour pouvoir être compétitif. L'OL, fort de ses succès au début des années 2000, a su saisir le

    94

    virage capitalistique du secteur en parvenant à modifier son business model pour en tirer profit. Ainsi, la construction d'un nouveau stade 100% privé a fait changer de dimension le club rhodanien. Le nouveau modèle économique du club, au prix d'investissements importants, lui permet de se fixer comme objectif de devenir l'un des vingt clubs qui génèrent le plus de revenus d'ici cinq ans.

    La volonté de l'OL d'axer son offre sur un concept de « full entertainment » est le coeur de sa nouvelle politique. Cette dernière s'inscrit dans une conception plus globale du groupe ; l'OL n'est plus un simple club de football mais une véritable industrie du divertissement. Au-delà de la progression quasi instantanée des revenus, cela permet au club de déconnecter ses revenus de ses résultats sportifs et d'en sécuriser une partie. Les nombreuses concessions accordées aux entreprises permettent au club d'attirer une clientèle B2B friande de nouveaux concepts. La modernisation de l'offre du club en fait un véritable précurseur en la matière. Elle lui permet de fidéliser de nombreux spectateurs tout en en attirant de nouvelles catégories.

    La direction a bien saisi les nouveaux enjeux relatifs à la gestion d'un club de football d'envergure européenne et apparait comme un acteur important de son secteur.

    95

    96

    Annexes

    Annexe n°1

    Annexe n°2

    97

    Source : UEFA, Club Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017

    Annexe n°3

    Source : Rapport Deloitte, Annual Review of Football Finance, 2018

    Annexe n°4

    98

    Source : UEFA, Club Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017

    Annexe n°5

    Source : CIES Football Observatory

    Annexe n°6

    99

    Source : UEFA, Club Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017

    Annexe n°7

    Source : Boursorama

    Annexe n°8

    100

    Source : CIES Football Observatory

    Annexe n°9

    Source : A.T Kearney

    Annexe n°10

    101

    Annexe n°11

    Source : Jérémie Bastien, « Le football professionnel en Europe est-il en crise ? Une réponse régulationniste », Revue de la régulation, 21

    Annexe n°12

    102

    Annexe n°13

    Source : CIES Football Observatory

    Annexe n°14

    103

    Source : GLOBAL TRANSFER MARKET REPORT 2018, FIFA

    Annexe n°15

    Source : CIES Observatoire du football

    Annexe n°16

    Source : newzoo.com

    Annexe n°17

    Source : Ecofoot.fr

    Annexe n°18

    Source : OL.fr

    104

    Annexe n°19

    105

    Source : Rapport financier semestriel 2018-2019

    Annexe n°20

    Annexe n°21

    106

    Annexe n°22

    107

    Bibliographie

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    Articles :

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    OL Groupe, Document de référence de la saison 2017/2018

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    UEFA, 2017, Club Licensing Benchmarking Report: Financial Year

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    Thèses :

    J-F. Bourg, Thèse, 2012, Contribution à une analyse économique des marchés du sport professionnel : Une mise en perspective théorique et empirique

    J. Bastien, Thèse, 2017, Le football professionnel européen dans un système capitaliste financiarisé en crise : une approche régulationniste des facteurs de changement institutionnel

    Lois :

    Loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives

    Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social

    113

    Table des matières

    RESUME 3

    SOMMAIRE 4

    GLOSSAIRE 6

    INTRODUCTION 7

    1. LE PASSAGE D'UNE ERE INDUSTRIELLE A UNE ERE FINANCIARISEE DU FOOTBALL 8

    1.1. LE PASSAGE A UN MODELE D'ECONOMIE DE MARCHE 8

    1.1.1. D'associations à sociétés commerciales : l'évolution juridique des clubs français 8

    1.1.2. Une financiarisation du football 12

    1.1.2.1. Les acteurs audiovisuels 13

    1.1.2.2. Les investisseurs privés 18

    o Les propriétaires de clubs 18

    o Les entreprises qui sponsorisent les clubs 27

    1.2. LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DE LA FINANCIARISATION 30
    1.2.1. De nouvelles sources de revenus pour les clubs : le passage de la structure SSSL au modèle MCMMG 30

    1.1.1. Le modèle européen arrive-t-il à ses limites ? 38

    1.1.1.1. Des revenus toujours plus élevés mais toujours plus inégaux 38

    1.1.1.2. Une inflation salariale et un accroissement de la mobilité des joueurs 41

    1.1.1.3. Vers la création d'une ligue fermée ? 46

    2. LA GESTION D'UN CLUB DE FOOTBALL FRANÇAIS 51

    2.1. CARACTERISTIQUES DU FOOTBALL FRANÇAIS 51

    2.1.1. Contrôle financier et audit annuel : une meilleure gouvernance que ses voisins ? 51

    2.1.2. Un retard sur ses voisins européens 54

    2.1.2.1. Un retard financier sur ses voisins européens 55

    2.1.2.1.1. Billets à prix réduits + affluence faible 55

    2.1.2.1.2. Peu de clubs sont propriétaires de leur stade 57

    2.1.3. Un système de formation reconnu : les clubs français sont des exportateurs de talents à

    l'international mais restent dépendants des ventes de joueurs 58

    2.2. LES ACTIVITES SPORTIVES 60

    2.2.1. Le choix de la structure organisationnelle 61

    2.2.1.1. Rôle de l'entraineur 61

    2.2.1.2. Rôle d'un « General Manager » 61

    2.2.2. Le recrutement de joueurs 62

    2.2.3. Vision long-terme 64

    2.2.3.1. Philosophie du club 64

    2.2.3.2. Gestion des effectifs 65

    2.2.3.3. Développement du centre de formation 66

    3. LE CAS DE L'OLYMPIQUE LYONNAIS 68

    3.1. PRESENTATION DE L'OL 68

    3.1.1. Histoire de l'OL 68

    3.2. ANALYSE DE L'ENVIRONNEMENT ET D'OL GROUPE 69

    3.3. RESULTATS OBTENUS 79

    3.3.1. Des revenus en hausse 80

    3.3.1.1. Produits des activités 80

    3.3.2. Un bilan en progression 85

    o Actif 85

    o Passif 86

    3.4. UN NOUVEAU MODELE ECONOMIQUE BASE SUR L'EXPLOITATION DE SES INFRASTRUCTURES SPORTIVES 87

    3.4.1. Développement des infrastructures autour du stade 88

    3.4.2. Le projet OL City 89

    114






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe