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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE KINSHASA

FACULTE DE DROIT

DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC INTERNE

B.P. 204 KINSHASA XI

LA PROTECTION DU DROIT DE MANIFESTER DANS L'ESPACE PUBLIC EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO 

Étude de droit comparé français, espagnol et béninois.

Par

Charles ODIKO LOKANGAKA

Diplômé d'Etudes Supérieures en Droit Public

Thèse présentée et défendue en vue de l'obtention du grade de Docteur en Droit.

Membres du jury:

- Prof. Jean Louis ESAMBO KANGASHE, Président;

- Prof. Jacques DJOLI ESENG'EKELI,Promoteur ;

- Prof.Paul-Gaspard NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Co-promoteur ;

- Prof. Célestin MUSAO KALOMBO, Secrétaire ;

- Prof. ILUME MOKE, Membre effectif ;

- Prof. Ivon MINGASHANG, Membre suppléant ;

- Prof. MULAMBA MUBYABO, Membre suppléant.

Année Universitaire 2019-2020

ÉPIGRAPHIE

« Quand un peuple ne défend plus ses libertés et ses droits, il devient mûr pour l'esclavage. »

Jean-Jacques Rousseau

DÉDICACE

À Sarah Kabuya, mon épouse.

REMERCIEMENTS

Je tiens ici à exprimer toute ma gratitude envers Monsieur le professeur Jacques Djoli Eseng'ekeli, mon Promoteur de thèse, pour son entière disponibilité, ses conseils toujours précieux et son soutien constant tout au long de ce travail de recherche. Je lui sais également gré de la relation de confiance réciproque qui s'est installée dès le début de notre collaboration et qui ne s'est jamais démentie.

J'adresse en deuxième lieu ma profonde reconnaissance au Professeur Paul-Gaspard Ngondankoy Nkoy-ea-Loongya, Co-promoteur et mon encadreur scientifique depuis 2010. C'est sous ses auspices que l'idée même de cette thèse, portant sur un de ses sujets de prédilection, est née. Comme l'a si bien dit un jour le professeur Jacques Djoli, si scientifiquement je suis pour lui un « fils adoptif », c'est que, pour le professeur Paul-Gaspard Ngondankoy, je peux revendiquer bien volontiers le titre de « fils biologique ». Je le remercie pour la confiance, l'encadrement et la rigueur scientifique reçus de lui.

Mes remerciements s'adressent en troisième lieu à l'ensemble du corps professoral de la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa et particulièrement aux Professeurs Jean-Louis Esambo Kangashe, Président du Jury, Célestin Musao Kalombo, Secrétaire du Jury, Ivon Mingashang, Michel Ilume Moke et Félicien Mulamba Mubyabo pour leurs précieuses remarques, lesquelles ont permis d'améliorer la qualité de cette étude.

J'adresse aussi mes sincères remerciements à tous ceux qui ont contribué à l'accomplissement de ce travail : tout d'abord, le Professeur Léon Odimula Lofunguso ainsi que Messieurs les Abbés Professeurs Yengo et Nkwasa pour leurs conseils et leurs relectures ; ensuite, Monsieur le Chef de Travaux Christian Tshiamala et l'Assistant Dani Oleko pour leurs concours et la relecture d'ensemble du tapuscrit. 

Une pensée va vers mes amis et tous ceux qui ont partagé, à un moment ou à un autre et de diverses manières, ces cinq années de recherches. Je pense particulièrement aux Docteurs Félicien Kalala et Patrick Mende, aux assistants et chefs de travaux Ngebas Kipoy, Leroi Kangulumba, Byumanine Mpova, Célestin Kanyama, Emmanuel Ramazani Shadary, Laurent Onyemba, Célestin Ekoto, Cyrille Makepa et Franck Losoli. Leur présence et leur soutien sans faille m'ont aidé plus qu'ils ne peuvent le penser.

Mes remerciements particuliers vont à mes parents Émile Lokangaka et Antoinette Edumbe ainsi qu'à mes oncles et tantes Albert Wongodi (d'heureuse mémoire), Simon Dikete, Kema Odiko, Ahoka Odiko, Ehowande Odiko, Okako Odiko, Lomandja Odiko, Welo Odiko, Ndjeka Odiko et Djemba Lokoto.

Je ne peux oublier mes frères et soeurs Ekodi Lokangaka, Tshike Lokangaka, Asamawo Lokangaka, Wungudi Lokangaka, Lokanga Lokangaka et Lopaka Lokangaka.

Je remercie - last but non least - ma famille : Sarah Kabuya, mon épouse ; Bryan Odiko, mon fils ; Fortelle Glorieuse Odiko, Muriella-Promel Odiko et Raelle Odiko, mes filles.

PLAN SOMMAIRE

Première partie :

LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION : SA FONDAMENTALITÉ,

SES DIMENSIONS HISTORIQUES ET CONTEXTUELLES

Chapitre I : La fondamentalité du droit de manifester dans un état démocratique

Section 1 : Le principe de liberté, fondement substantiel de la liberté de manifestation

Section 2. Les traits caractéristiques de la fondamentalité du droit de manifester

Section 3 : La proximité sémantique impliquant une précaution de langage dans l'usage de certains concepts

Chapitre II : L'évolution des cadres contextuel et juridique de l'exercice de la liberté de manifestation

Section 1 : Le Congo-Belge : l'exercice de la liberté de manifestation dans un contexte colonial

Section 2 : Le Congo-Zaïre : l'exercice de la liberté des manifestations dans un contexte dictatorial

Section 3 : La liberté de manifestation sous les régimes de Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila

III : L'ancrage de la liberté de manifestation en droit comparé 

Section 1 : La liberté de manifestation en France

Section 2 : La positivité de la liberté de manifester en Espagne

Section 3 : La liberté de manifestation au Bénin

Deuxième partie :

LA PROTECTION DE LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION

DANS L'ESPACE PUBLIC CONGOLAIS

Chapitre I : Une architecture virtuelle de protection de la liberté de manifestation

Section 1 : Les mécanismes non-juridictionnels de protection de la liberté de manifester

Section 2 : Les mécanismes juridictionnels de protection du droit de manifester

Section 3 : Le régime de responsabilité découlant de la liberté de manifestation

Chapitre II : Contradictions, ambiguïtés et inadaptations pratiques du système juridique congolais de protection de la liberté de manifestation

Section 1 : La hiérarchie des normes : une exigence de l'effectivité de la liberté de manifestation

Section 2 : La liberté de manifestation : un droit constitutionnel dont les modalités d'exercice postulent l'intervention du législateur

Section 3 : La liberté de manifestation : la nécessité de la cohérence du système juridique de protection

Chapitre III : Prospectives pour une protection plus efficace et plus effective du droit de manifester dans l'espace public congolais

Section 1 : La nécessité de réformer le système juridique congolais de protection de la liberté de manifestation

Section 2 : La légitimité de la norme de protection de la liberté de manifestation et la nécessité de sa mise en oeuvre

Section 3 : L'instauration d'un service public de la justice de qualité

PRINCIPAUX SIGLES, ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES UTILISÉS

ABAKO : Association des Bakongo

AFDL  : Alliance de Forces Démocratiques pour la Libération du Congo

AJDA  : Actualité Juridique de Droit Administratif

ANC  : Alliances Nationales Congolaises

AUF  : Agence Universitaire de la Francophonie

BCNDH  : Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme

CE  : Cour Européenne

CEDH  : Cour Européenne de Droit de l'Homme

Cfr. : Conferatur (voir tel, ou se référer à...)

CNDH : Commission Nationale des Droits de l'Homme

CRIDHAC : Centre de Recherche Interdisciplinaire pour la Promotion et la Protection des

Droits de l'Homme en Afrique Centrale

Dir : Sous la direction de

Éd.  : Éditions

EUA  : Éditions Universitaires Africaines

FARDC  : Forces Armées de la République Démocratique du Congo

FONUS  : Forces Novatrices pour l'Union et la Solidarité

Ibidem  : Même auteur encore

Idem  : Même auteur

J.O.R.D.C  : Journal Officiel de la République Démocratique du Congo

LGDJ  : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

M.P.R.   : Mouvement Populaire de la Révolution

MONUSCO: Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo

NNT  : Number Needed to Treat (Nombre de Sujet Nécessaire pour Traiter)

OFCJOJ  : Organisation, Fonctionnement et Compétence des Juridictions de

l'Ordre Judiciaire

ONG : Organisation non gouvernementale

ONU  : Organisation des Nations Unies

Op. cit.  : Opus Citatum (ouvrage déjà cité)

Ord.  : Ordonnance

p.  : page

pp.  : pages

PUF  : Presses Universitaires de France

PUK  : Presses Universitaires de Kinshasa

R.D.P  : Revue de Droit Public

R.I.D.C  : Revue Internationale de Droit Comparé

RDC  : République Démocratique du Congo

SOS  : Save our Souls (Sauver nos Âmes)

spéc.  : spécialement

UDPS  : Union pour la Démocratie et le Progrès Social

Unikin  : Université de Kinshasa

vol.  : volume

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le droit de manifester revêt une importance tout à fait particulière dans le cadre d'un État de droit1(*). Il constitue la pierre angulaire du principe de la démocratie et des droits de l'homme et représente, pour une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun2(*). En aménageant une place propre et indépendante à cette liberté3(*), le Constituant congolais de 2006 semble avoir pris conscience de l'exacte mesure de ces enjeux. En effet, le lien entre droit de manifester et la démocratie est communément affirmé dans le droit positif, la jurisprudence et la doctrine4(*).

Le Tribunal constitutionnel espagnol, affirme dans cette perspective que « la reconnaissance du droit de manifester par la Constitution manifeste la volonté de consacrer un élément déterminant de l'État démocratique et de l'État de droit ».5(*) La Cour européenne des droits de l'homme voit dans la liberté de manifestation l'un des fondements essentiels de la société démocratique6(*). Sa constitutionnalisation marque dans la plupart des États, la volonté claire et précise de ceux-ci de lui assurer plus d'autorité et de stabilité7(*), permettant aux pouvoirs publics d'en sauvegarder la fondamentalité.

Au plan doctrinal, Hubert Alcaraz et Olivier Lecucq considèrent « la liberté de manifestation comme un pilier indispensable au système démocratique qui impose la liberté d'expression et la liberté des supports d'expression ».8(*)Fraisse décrit « la liberté de manifestation comme l'une des libertés civiles et politiques participant à l'émergence et à l'enracinement de la culture démocratique dans l'État moderne »9(*). Elle représente, de ce fait, le thermomètre ou l'un des indices probants dans l'appréciation de l'état des lieux ou du niveau démocratique d'un État10(*). En même temps, «  elle est l'arme politique la plus efficace du moment où le recours à la force n'est plus un mode normal d'expression, mais bien une violation du droit ». A vrai dire, le droit de manifester est une véritable expression du constitutionnalisme populaire. Gérard Sain Saulieu démontre que « la manifestation permet à la démocratie de se mettre en oeuvre face à l'incurie anesthésiante des politiques qui n'engendrent pas l'allégresse. Tous ces gens dans la rue représentent une expression populaire, pour pallier l'impuissance du politique, contraints de prendre le risque d'une redoutable incertitude sur l'avenir, en payant ainsi le prix du disfonctionnement des institutions étatiques »11(*).C'est à cette dynamique que nous devons tous les mouvements observés dans le monde.

D'aucuns s'étonneraient de constater que l'arsenal de nouvelles techniques utilisées pour restreindre la liberté de manifestation soit plus impressionnant que les efforts déployés pour la protéger. La violence n'est plus que policière ; elle a fini pour prendre des allures politiques et judiciaires. Pourtant, dans une démocratie, le contrat conclu entre le peuple et l'État repose sur l'idée selon laquelle celui-ci doit respecter les droits et libertés de celui-là.12(*) Ainsi, la raison d'être de l'État est d'apporter aux individus un minimum de sécurité leur permettant de s'épanouir pleinement.13(*)

Avant de continuer, il nous paraît important de signaler notre choix consistant à ne pas opérer une distinction entre les concepts droit et liberté. Nous allons les utiliser l'un pour l'autre. Ce choix n'a aucune intention d'invalider la dichotomie notionnelle entre un droit et une liberté. Celle-ci existe à l'évidence, quoiqu'elle soit à la fois discutable sur le plan doctrinal que du droit positif. Dans plusieurs textes qui consacrent ce droit on trouve les deux expressions, soit en raison de l'instrument qui le porte ou d'un choix personnel dicté par la conception personnelle ou étatique des droits et libertés fondamentaux.

Pour certains auteurs, dont Löhrer les droits subjectifs et les libertés publiques sont assimilables. Les seules différences qui les caractérisent, tiennent surtout au degré de latitude laissé à leurs titulaires14(*). Les droits sont des libertés strictement pré-orientées ou encore prédéterminées. Leur contenu n'est ni variable ni négociable au gré des personnes en relation. Quant aux libertés, elles sont des droits largement pré orientés, de telle façon que leurs titulaires possèdent, au sein de cette zone préfixée, une capacité d'autodétermination15(*). Ainsi que le définit Jean Rivero, la liberté est un pouvoir d'autodétermination, en vertu duquel l'homme choisit lui-même ses comportements personnels16(*).

Pour permettre une bonne "entrée en matière" de cette dissertation, il nous revient, dans cette introduction, (1) de fixer le contexte de l'étude (2) et de dresser un état de la question, (3) avant de poser la problématique de l'étude (4) et d'émettre les hypothèses de la recherche (5). Ces rubriques seront suivies de la justification de l'étude (6), de l'indication de la démarche méthodologique (7) et de la délimitation du champ de la recherche (8), le tout finissant par l'annonce d'un plan sommaire (9).

1. CONTEXTE DE L'ÉTUDE

La dynamique socio-politique et juridico-institutionnelle en République Démocratique du Congo, est caractérisée de nos jours par la recherche de l'émergence et de consolidation d'un système démocratique et de mise en place d'un État post-autocratique.

Afin de traduire dans les faits cet état de chose, la rue a été mobilisée par une partie de l'opinion publique. En l'occurrence, l'opposition politique représentée notamment par les associations de la société civile et les mouvements dits citoyens, pour qui le régime en place s'illustraient dans son fonctionnement par la violation de la Constitution. L'article 64 de ladite Constitution a été ainsi mis à contribution dans le but de faire échec à une telle entreprise.17(*) Car, estimaient-ils, que dans pareilles circonstances, la rue s'est toujours révélée plus forte que la police et l'armée, plus efficace que la diplomatie, quand tout devient trop insupportable, quand aucune issue politique ne se profile, le recours à elle reste l'ultime espoir d'un changement radical ».18(*)

La situation politique traduisait un climat d'antagonisme provoqué par la tentative du président Joseph Kabila de rester au pouvoir au-delà de ses deux mandats constitutionnels opposant deux camps, en l'occurrence, la Majorité au pouvoir et l'Opposition. La scène était jonchée des partisans du régime, qui scandent au passage du Président de la République le cri « Wumela », c'est-à-dire « demeure longtemps au pouvoir », en face de leurs adversaires politiques qui criaient « Yebela » c'est-à-dire, « sois intelligent et sage pour quitter le pouvoir à temps, sinon, le peuple t'y contraindra ».Eu égard à une telle ambiance, la suspicion permanente, le contrôle strict et rapproché de toute tentative de manifestation ainsi que la censure systématique deviennent le mode de fonctionnement ordinaire pour éviter qu'un mouvement contestataire ne déstabilise le régime et ses dignitaires.

Quelques manifestations ont bien eu lieu. Un grand nombre d'entre elles ont en réalité été cependant interdites, cela sans une motivation particulière. Par ailleurs, aucun contrôle de proportionnalité des mesures de restriction n'est apparu nécessaire pour apprécier leur bien fondé au regard de la menace à l'ordre public alléguée. Les auteurs de multiples entraves portées contre cette liberté n'ont manifestement pas été inquiétés en termes de leur responsabilité.

On invoque habituellement l'ordre public immatériel.19(*) D'aucuns voient dans cette pratique, la volonté de museler l'Opposition et la Société civile. Dans ce cadre, seules les manifestations statiques et de soutien au régime peuvent recevoir l'approbation du pouvoir20(*). En témoigne les différentes restrictions et limitations imposées pour l'exercice de la liberté de manifestation.

A cet effet, « un arsenal de nouvelles techniques est utilisé pour restreindre cette liberté. L'ordre public immatériel, la privatisation de l'espace public, la volonté de faire payer les manifestations pour les dégâts qu'elles génèrent et les nouvelles méthodes policières constituent autant de menaces ». À la suite des manifestations de janvier 2015, le Ministre de la Communication et Porte-parole du Gouvernement a, au cours d'un point de presse organisé au lendemain des évènementsimputé la responsabilité des dégâts orchestrés par les manifestants aux organisateurs desdites manifestations, tout en envisageant la possibilité de faire saisir leurs patrimoines en vue d'éventuelles réparations des dommages causés tant sur les biens publics que privés.

La description du paysage socio-politique dans lequel se déroulent les mouvements de contestation par voix des manifestations publiques en République démocratique du Congo, serait incomplète si l'on indique également que les tactiques de terreur sont souvent utilisées par les organisateurs et les manifestants dans le but de donner de l'ampleur à leur revendication, ne peuvent que susciter d'inquiétudes. Une certaine opinion se fait la fausse idée qu'une manifestation sans dégâts matériels passe pour un échec. En recourant dans cet ordre d'idée à la terreur par l'érection des barricades, les jets des pierres,incendies de véhicules et bâtiments privés tout comme publics ainsi que les brûlages des pneus sur la voie publique. Il s'agit là, parmi tant d'autres dérapages aux conséquences fâcheuses qui rendent légitime, la question de savoir si l'on peut prétendre demeurer dans un idéal démocratique.

Sans rechercher à participer, ni à tenter de répondre par une telle question, à ce stade, il y a simplement lieu de relever que chaque fois que le pouvoir en place se trouve confronter à cet état de fait, il fait usage des moyens répressifs. Les moyens de télécommunication sont perturbés, l'internet et le téléphone mobile. A Cette attitude autoritaire, interdisant techniquement la liberté d'expression et se traduisant aux yeux des observateurs par le caractère ouvertement répressif du pouvoir correspondent paradoxalement à la révolte.21(*)

Les services de l'ordre et le Pouvoir judiciaire, au lieu d'être les garants des droits fondamentaux et des libertés publiques, sont détournés de leurs missions traditionnelles à la solde des individus et fonctionnent sous les soubresauts du politique. Dans leur actif, on dénombre plusieurs cas d'arrestations arbitraires, des jugements sur commande politique22(*) et une brutalité policière insoupçonnable.

C'est à cette dynamique que l'on doit attribuer les différentes manifestations du 19, 20 et 21 janvier 2015, celles du 19 au 20 septembre 2016 convoquées par le Rassemblement de l'Opposition congolaise et celles organisées le 31 décembre 2017 par le Comité Laïc de Coordination, appuyé par la hiérarchie de l'Église Catholique pour exiger l'application de l'Accord de la Saint Sylvestre signé le 31décembre 2016 et qui prévoyait, entre autres, l'organisation des élections en décembre 2017, l'ouverture des médias proches de l'opposition et la libération de prisonniers politiques.23(*)

Alors que certaines manifestations ont été déclarées et autorisées, d'autrespar contre, interdites, ont débouché sur une violente répression causant des pertes en vies humaines, des arrestations arbitraires et des dégâts matériels importants, au nombre desquels on peut énumérer une centaine des morts, des pillages et des casses des biens publics que privés, sans épargner la profanation des quelques lieux de culte (les paroisses catholiques). Il en résulte une question de la responsabilité pénale qui implique des poursuites judiciaires à l'encontre des acteurs des faits subversifs présentés en déterminant le rôle joué par chaque acteur.

Cette description du contexte dans lequel s'exerce la liberté de manifestation en République démocratique du Congo ne suffit pas pour appréhender réellement l'état de lieu de la protection de cette liberté dans ce pays à forte tradition autocratique.24(*) Il importe de faire l'état de la question avant de poser la problématique de la présente recherche.

2. ÉTAT DE LA QUESTION ET REVUE DE LA LITTÉRATURE

La question de la protection de la liberté de manifestation est au coeur d'un paradoxe qui devrait nécessairement conduire les juristes à s'interroger sur le rôle que jouent les pouvoirs publics en tant que premiers débiteurs des droits fondamentaux d'une part, et sur la fonction que remplit la norme juridique en tant qu'instrument de conduite humaine, d'autre part. L'esprit libéral qui a présidé à l'élaboration de la Constitution du 18 février 2006 laissait donc à penser que pareille liberté allait désormais connaitre son âge d'or. L'espoir était d'autant plus fort que l'article 26 lui ménage une place propre, indépendante par rapport aux libertés classiques telles que relatives à l'expression et réunion, auxquelles elle a été depuis longtemps attachée25(*). Pourtant, l'espoir n'a pas fait long feu. Le régime n'arrive pas à faire face à la désagrégation du système politique congolais.

Autant la liberté de manifestation connait aujourd'hui une très forte actualité dans le monde entier, autant elle subit en même temps de fortes limitations et revers, aussi bien dans les pays en transition démocratique que dans les pays occidentaux, considérés traditionnellement comme étant les pays de vieilles démocraties26(*). Certains pensent même à son éclipse.

Aujourd'hui, plus de quatorze ans après la promulgation de cette Constitution, l'architecture de protection du droit de manifester demeure inachevée. La promulgation formelle d'une loi censée fixer les mesures d'application de la liberté de manifestation, telle que prévue par l'alinéa 4 de l'article 26 libellé ci-dessous, continue à être victime d'une politique de l'autruche, de restriction camouflée, le Parlement et la Présidence se rejetant mutuellement la responsabilité du défaut de sa promulgation formelle.

En vertu del'article 26 précité « La liberté de manifestation est garantie. Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air impose aux organisateurs d'informer par écrit l'autorité administrative compétente. Nul ne peut être contraint à prendre part à une manifestation. La loi fixe les mesures d'application ».27(*) Paul-Gaspard Ngondankoy dégage de cette formulation quatre principes fondamentaux susceptibles d'encadrer ce concept. A savoir : la garantie de la liberté de manifestation ; la déclaration ou l'information qui n'impose pas aux organisateurs d'une manifestation de requérir une quelconque autorisation des pouvoirs publics. Puis l'autonomie de volonté, qui implique que la participation à une manifestation ne peut être forcée. Et enfin, celuide la réserve législative reconnaissant au seul législateur le pouvoir d'imposer les limites à la jouissance des droits et libertés fondamentaux28(*).

Si les deux articles de Paul-Gaspard Ngondankoy sur la liberté de manifestation ont inspiré et motivé cette étude, celle-ci ne manque pas de prendre ses distances sur bon nombre de questions. En l'occurrence, sur l'effectivité de la promulgation de droit, s'agissant de la loi portant modalités d'exercice de la liberté de manifestation. Comme le dit le Tribunal suprême espagnol, à la Constitution les grands principes, à la loi organique les conditions précises d'exercice ou le contenu propre du droit de manifester29(*). Pourtant l'adoption et la promulgation d'une loi portant mesures d'application de la liberté de manifestation devrait être inscrite parmi les priorités du gouvernement issu des élections de 2006. Or la confusion persiste jusqu'à ce jour.

En observant la pratique de cette disposition par les pouvoirs publics, nous avons l'impression que cette liberté est conditionnée par une autorisation préalable. Tout indique que les pouvoirs publics considèrent que la nouvelle loi n'étant pas encore promulguée, il faille se résigner à appliquer l'article 4 du décret-loi de 199930(*), même si celui-ci contredit l'esprit de la norme supérieure qui consacre le régime d'information. C'est aussi le lieu de répondre à la question de savoir si le Décret-loi du 29 janvier 1999 sur la liberté de manifestation et de réunion pacifique reste encore en vigueur et valide pour être appliqué.

Dans l'hypothèse où il faut considérer ce décret-loi, il importe de rappeler que dans un système juridique, une norme trouve sa validité dans sa conformité à la norme fondamentale qui lui donne légitimité. Aux termes de l'article 221 de la Constitution31(*), ce Décret-loi devrait en principe être considéré comme abrogé implicitement surtout dans ses dispositions jugées contraires à la Constitution, notamment en son article 4 qui institue un régime d'autorisation contraire à celui d'information institué par l'article 26 de la Constitution.32(*) Donc, si l'on peut l'affirmer, avec Patrick Wachsmann33(*), que la hiérarchie des normes est un instrument privilégié de protection des libertés, la suprématie de la Constitution du 18 février 2006 sur les autres textes implique le principe de nullité de plein droit de tout acte contraire à la Constitution, le contrôle de tous les actes, qu'ils émanent du législateur ou de l'administration, étant le gage par excellence de la protection des libertés.34(*)

Il se fait pourtant que dans les faits on a l'impression d'être confrontéà deux régimes contradictoires, ce qui nous permet de l'affirmer avec Julien Betaille que l'absence de contradiction entre les normes constitue l'une des conditions juridiques de l'effectivité de la norme35(*). Cependant, le régime juridique de la liberté de manifestation en droit congolais accuse une contradiction évidente. Cette incompatibilité pèche contre le principe de la hiérarchie des normes et affecte la cohérence du système juridique qui commande que la norme inférieure soit conforme à la norme supérieure. L'une des conséquences de cet état des choses réside dans le risque d'une neutralisation réciproque de leurs effets respectifs, voire d'une domination des effets de la norme inferieure sur ceux de la norme supérieure36(*).

La contrariété entre le Décret-loi du 29 janvier 1999 et la Constitution du 18 Février 2006 rend non seulement ineffectif l'exercice de la liberté de manifestation, mais aussi, permet la neutralisation des effets de la Constitution en tant que norme fondamentale au profit d'un décret censé tirer sa légitimité de sa conformité à la Constitution. Toutefois, les critères de validité retenus dans le cadre de l'ordre juridique devraient permettre d'assurer sa cohérence, et ainsi préserver l'effectivité de la norme. En outre, pour être cohérent, l'ordre juridique doit nécessairement organiser la purge des normes non valides puisqu'un acte invalide « produit des effets de droit tant qu'il n'a pas été annulé »37(*). L'incompatibilité dudit décret-loi doit dès lors être attestée et ainsi organiser son retrait de l'ordonnancement juridique.

Aussi, s'il faut s'appuyer sur les prescrits de l'article 140 alinéa 2 de la Constitution38(*), le défaut de promulgation d'une loi par le Président de la République dans le délai constitutionnel vaut promulgation de droit. Ainsi, la proposition de la loi portant mesures d'application de la liberté de manifestation devrait être considérée comme promulguée de plein droit, même si, à la surprise générale et au mépris de toute logique juridique, ladite proposition serait renvoyée en violation de la Constitution pour une nouvelle lecture au Parlement, laissant ainsi cohabiter l'actuelle Constitution avec le décret-loi du 29 janvier 1999.

Autant dire que, quelles qu'aient été les bonnes intentions du Constituant en faveur d'une démocratie libérale, les conditions ne sont en réalité, pas réunies pour pouvoir assurer un développement favorable de libertés, en général et de celui du droit de manifester en particulier. Le régime de la liberté de manifestation reste ainsi, dans la pratique tout au moins, à quelque chose près, le même que sous l'empire du décret-loi de 1999.

Dans la doctrine, le vide est loin d'être comblé. Les travaux juridiques existants n'ont pas de notre point de vuedirectement permis de répondre précisément à cette problématique. Paul-Gaspard Ngondankoy ne cesse d'alerter, lors de ses différentes interventions, sur la liberté de manifestation concernant le risque de voir les associations civiles et politiques, ainsi que leurs acteurs, dominer le débat sur la liberté de manifestation. Car, écrit-il, cette actualité est d'autant plus importante à analyser que le silence de l'intellectuel comporte le risque de laisser à ces acteurs le droit de tout dire sur cette liberté fondamentale, notamment celui de l'enfermer dans son seul aspect politique et ainsi réduire le cercle de son champ d'application39(*).

Parmi les recherches importantes conduites dans ce cadre, on peut citer le colloque sur la liberté de manifestation dans l'espace public, organisé du 18 au 19 mars 2017 par la Faculté de Droit et Science politique de l'Université d'Aix-Marseille. Même si, dans ce cadre, les apports de la comparaison ont été précieux pour comprendre les contradictions qui affectent l'exercice de cette liberté, l'absence d'une analyse sur l'Afrique représente un vide qu'il conviendrait de combler par une étude plus globalisante, prenant en compte les spécificités africaines et congolaises.

Les quelques analyses portant sur la question de protection de la liberté de manifestation n'ont pas pris suffisamment en compte la situation de la République démocratique du Congo et ses spécificités. Elles contribuent néanmoins à la conceptualisation des standards internationaux sur la liberté de manifestations. Afin de pouvoir répondre à la question de savoir si l'on assiste à une éclipse de cette liberté au regard de ce que Jacques Djoli qualifie, non sans raison, de tératologie des libertés fondamentales ou cette production protéiforme des déclarations, chartes, structures relatives aux libertés sur fond d'indigence effective et des pratiques nocives ou malveillantes, c'est qui est une forme de dépossession des libertés publiques, l'étude d'une aire européenne est apparue opportune mais pas suffisante.

Durant les cinq dernières années, les peuples africains ont réinvesti la rue avec l'intention d'en faire un moteur de démocratisation. Tous ces mouvements qui ont provoqué plusieurs mutations tant sur le plan politique que juridique et causé des dégâts matériels et pertes en vies humaines, n'ont pas fait à ce jour l'objet de plusieurs recherches afin d'expliquer et appréhender les contradictions et les paradoxes autours de l'exercice du droit de manifester. L'essentiel des questionnements sur la liberté de manifestation, à travers la littérature remarquable, tourne autour des plusieurs problématiques liées tantôt à sa fondamentalité, à son implémentation et à l'établissement des limites à l'exercice de cette liberté, tantôt à la gestion de l'espace public et privé, tantôt à la sécurité publique, etc.

Abordant la question, Gabriel Babineau recèle pourtant les différentes questions liées à la problématique dont l'occupation des lieux publics, la place de la violence dans la jouissance de la liberté de manifester et les limites établies dans l'exercice de cette liberté. Il souligne le fait que la limite imposée pour assurer le caractère pacifique de la manifestation ne doit pas restreindre indument le droit de manifester40(*), c'est-à-dire affecter le noyau dur de la liberté de manifestation ou altérer sa substance. Très vite, l'importance d'une justice indépendante, à même de sanctionner les différentes violations, se réclame.41(*)

C'est pourquoi, parlant de la prise en charge constitutionnelle et législative du droit de manifester, Omar Bendourou martèle sur l'établissement du système de contrôle de constitutionnalité et des sanctions pénales42(*), qu'il considère comme gage de la protection du droit de manifester. Julie Ferrero propose de déplacer le point focal de l'analyse de la liberté de manifestation de la sphère interne au niveau international, dans une approche « top-down »43(*)sa régulation. L'évaluation des apports de la protection internationale permettra de mettre en lumière le contraste entre la force de la consécration de ce droit et l'ambivalence de sa mise en oeuvre44(*). Cette étude souscrit à cette démarche. La richesse de la jurisprudence internationale permet de contribuer et d'inspirer positivement les éventuelles réformes tant sur le plan juridique qu'institutionnel afin de rendre plus cohérent l'ensemble du système juridique de protection du droit de manifester45(*).

La rareté des études axées spécifiquement sur la liberté de manifestation est reconnue par les juristes. La liberté de manifestation est souvent engloutie dans la liberté de réunion pacifique ou d'association auxquelles elle peut être rattachée avec comme conséquence déplorable que la majorité de recherches porte sur les droits fondamentaux en général, pourtant le droit de manifester présente des caractéristiques spécifiques dues à son influence sur le plan politique et à son essentialité.

En République démocratique du Congo, les premières recherches sur la question de la protection de la liberté de manifestation avaient consisté, principalement, à préciser son régime juridique d'abord, comme innovation apportée par la nouvelle Constitution promulguée en 2006, puis, à démontrer l'inconstitutionnalité du Décret-Loi de janvier 1999 portant modalités d'exercice de la liberté des manifestations, lequel décret-loi soumettait l'organisation d'une manifestation à un double régime, celui de la déclaration préalable et celui de l'autorisation46(*).

Cet état de choses, avait pour vocation d'affirmer la suprématie de la Constitution sur le Décret-loi conformément au principe d'autorégulation du système juridique. L'article de Yatala et plusieurs conférences organisées à la suite de la promulgation de la Constitution du 18 février 2006, répondaient de cet objectif47(*).

On citera Trésor Lungungu dont les recherches, en la matière, proposent l'instauration d'un observatoire de manifestations publiques pour assurer une jouissance effective du droit de manifester48(*). De notre point de vue, un organe dépourvu de moyen de contrainte ne saurait permettre de rendre effective la protection du droit de manifester, car n'exerçant qu'une magistrature morale.

Cette étude se démarque de celles qui l'ont précédé. D'abord, parce qu'elle s'inscrit dans la perspective du droit comparé et ensuite, parce qu'elle ne se limite pas à identifier les contradictions, les ambiguïtés et les paradoxes autour de l'exercice de cette liberté, mais propose les mécanismes permettant d'enserrer cette liberté dans un cadre juridique répondant aux standards internationaux, susceptibles de favoriser une jouissance aisée et effective du droit de manifester et notamment à travers le renforcement (pénalisation) des sanctions visant l'entrave au droit de manifester.49(*)

Sur le plan du droit positif, en dépit de la règlementation existante, les manifestations organisées en 2015, les 19, 20 et 21 janvier, et celles de 2016, par le `'Rassemblement'' dans le but d'empêcher au Président Kabila de rester au pouvoir au-delà de la fin de son dernier mandat fixé au 19 décembre 2016, ont été entravées, débouchant sur des pertes en vies humaines, sans dénombrer tous les cas d'arrestations arbitraires et de disparition forcée. Les comportements des acteurs, lors de ces évènements, n'ont, à ce jour fait l'objet d'aucune recherche scientifique rigoureuse.

Pourtant, ils suscitent les questions de responsabilité tant dans le chef des manifestants que dans celui des pouvoirs publics. Cette responsabilité peut être pénale ou civile et politique. Elle est pénale lorsqu'elle fait intervenir les notions de trouble à l'ordre public par le fait de comportement des acteurs ou par le fait d'entraver volontairement l'exercice du droit de manifester. L'aspect civil de cette responsabilité réside dans l'appréciation des dégâts causés et des préjudices subis par le fait de ces comportements.

3. PROBLÉMATIQUE

L'étude de la protection de la liberté de manifestation dans l'espace public en République Démocratique du Congo suscite denombreuses interrogations que de réponses susceptibles de favoriser sa compréhension. La garantie constitutionnelle offerte à l'article 26 de la loi fondamentalepour sa jouissance effective devrait être complétée par une loi portant mesures d'application, aux termes de l'alinéa 4 de la disposition constitutionnelle sus-évoquée.

Le défaut de promulgation formelle de cette loi laisse cohabiter dans l'arsenal juridique deux textes contradictoires qui tendent à se neutraliser mutuellement et à favoriser, dans la pratique, la prédominance des effets de la norme inférieure sur ceux de la norme supérieure, engendrant ainsi une anomalie juridique susceptible de porter atteinte au principe de la hiérarchie des normes juridiques.

Compte tenu de cette anomalie juridique, l'étude du régime de la protection constitutionnelle de la liberté de manifestation en droit positif congolais, par rapport à d'autres systèmes juridiques existants, nous a paru nécessaire. Dès le départ, plusieurs questions ont taraudé notre esprit, dont les deux principales ci-après : d'abord, quels sont les facteurs qui participent à la dégradation des conditions d'exercice du droit de manifester en République Démocratique du Congo ? Ensuite, si ces facteurs sont identifiés, quelles sont les pistes thérapeutiques appropriées pour rendre effective la protection du droit de manifester  dans ce pays ?

Telle est la substance de la problématique de cette étude dont il convient, à présent, de dégager des hypothèses.

4. HYPOTHESES DE TRAVAIL

Le scientifique n'est pas seulement celui qui propose des réponses aux questions posées. Il est aussi, et peut-être surtout, celui qui pose de bonnes questions et fournit des réponses adéquates. La validité d'une recherche ne dépendra pourtant pas seulement de la pertinente des questions qu'elle soulève, mais aussi de la vérifiabilité des réponses provisoires formulées en formes d'hypothèses.

 En l'espèce, nous partons de l'hypothèse selon laquelle l'absence d'un régime juridique cohérent, l'inexistence et l'obsolescence des sanctions de l'entrave ainsi que la persistance de la culture autocratique et l'incivisme des citoyens constituent les principaux vecteurs de la fragilité de l'exercice de la liberté de manifestation en République démocratique du Congo.

Il s'agit dans cet ordre d'idées, de procéder à l'harmonisation du système de protection du droit de manifester, par le renforcement et l'individualisation des sanctions de l'entrave au droit de manifester ainsi que l'éducation constitutionnelle en vue d'une citoyenneté active, si l'on veut réellement donner une portée réelle du droit de manifester, dans un environnement où le juge joue un rôle central.

5. JUSTIFICATION DE L'ÉTUDE

La présente recherche se fixe comme objectif principal de trouver les moyens théoriques et pratiques susceptibles de contribuer à l'émergence de la liberté de manifestation. La recherche comparative étant par essence une étudede reforme, l'enjeu essentiel consisteà identifier, à partir d'une comparaison entre quelques systèmes juridiques de promotion et de protection du droit de manifester, le meilleur système afin de contribuer à la réforme du système juridique congolais.

Principalement, deux facteurs justifient le choix de mener une recherche sur la protection de la liberté de manifestation en droit constitutionnel : d'un côté, le désintérêt affiché par la doctrine vis-à-vis de cette liberté (A) et, d'un autre côté, le besoin indispensable de protection effective du droit de manifester (B), garantie de l'expression populaire dont la privation peut conduire à des insurrections ou des rebellions armées. Se basant néanmoins sur les réalités juridiques comme factuelles des autres systèmes juridiques, il importe tout autant de justifier le choix que nous avons porté sur la France, l'Espagne, le Bénin (C) pour en faire les miroirs de cette recherche.

5.1. Une question d'actualité délaissée par la doctrine

La liberté de manifester connaît aujourd'hui une très forte actualité, et ce dans le monde entier. Paradoxalement, elle n'a pas fait l'objet d'autant d'études doctrinales que d'autres libertés, à l'instar de la liberté d'expression, à laquelle elle peut etre rattachée. A cet égard, offrant des exemples de limitation apportée à cette liberté par-delà les frontières, son étude dans une perspective de droit comparé s'impose. Il s'agit d'examiner la façon dont le droit positif, notamment français, espagnole, et béninois encadre cette liberté.

Du même avis que Paul-Gaspard Ngondankoy et Jean-Marie Denquin, nous partageons le constat selon lequel, il y a moins de réflexions des spécialistes sur la question de la liberté de manifestation, laissant la place au politique et à la Société civile. Pourtant l'idée que la somnolence de la doctrine facilite la prolifération des monstres n'est pas seulement ultime vestige de la pensée des lumières. Au-delà de son influence directe et mesurable, la pensée critique crée un climat d'insécurité. Elle reste la seule méthode connue pour insécuriser la bêtise50(*). Dans le même sens, Paul-Gaspard Ngondankoy s'inquiète du silence de l'intellectuel et craint que cette liberté demeure l'apanage des acteurs sociopolitiques qui peuvent se permettre de tout dire ou de ne rien dire sur cette liberté fondamentale, et notamment le risque de l'enfermer dans son seul aspect politique et, ainsi, réduire le cercle de son champ d'application51(*).

Le Constituant congolais de 2006 se démarque nettement de ses prédécesseurs en ce qui concerne la liberté de manifestation. Cette liberté est autonomisée, les limitations constitutionnelles sont supprimées, le régime juridique est assoupli. Pourtant, il faut bien reconnaître que ces innovations mises en place n'ont guère suscité l'intérêt de la doctrine. En dépit de quelques études, généralement peu enthousiastes consacrées à cette liberté, la question de la liberté de manifestation a été jetée dans les oubliettes. Dans ces conditions, l'étude de la protection de la liberté de manifestation apparaît tout à fait bienvenue.

5.2. L'indispensable besoin de protection de la liberté de manifester

La recherche de l'ancrage de l'État de droit passe nécessairement par une protection efficiente des droits et libertés fondamentaux des citoyens et l'accroissement du rôle du juge. Les mécanismes de protection des droits fondamentaux, en général, et de la liberté de manifestation, en particulier, ont jusqu'ici révélé des vices congénitaux insusceptibles de favoriser l'âge d'or de ces droits et libertés pourtant rêvé autant par le Constituant que par plusieurs analystes de la Constitution du 18 février 2006 en raison de son caractère libéral.

Cette recherche s'efforce ainsi de comprendre et d'essayer de trouver un mécanisme de protection notamment grâce au droit comparé en mettant en avant les ambiguïtés, les paradoxes, les contractions autour de l'exercice de cette liberté dont l'importance n'est plus à démontrer.

Pierre Favre fait remarquer qu'il existe une représentation du droit de la manifestation qui ne correspond nullement au droit positif.52(*)« L'intuition de départ qui motive cette recherche est celle d'une éclipse, d'une limitation contemporaine des libertés, dont la liberté de manifestation fournirait une vision très nette »53(*). Même si, l'actualité récente a bien montré la faiblesse des États jadis considérés comme pays de liberté mais l'embrasement que provoque cette liberté sur l'ensemble de continent nécessite d'être expliqué d'une manière rigoureuse. Telle est la justification importante d'un travail d'évaluation sur la consécration et l'effectivité d'un droit capital comme celui de manifester dont les liens avec la démocratie et l'État de droit sont incontestablement prouvés tant par la doctrine que la jurisprudence.

Une évaluation de l'article 26 de la Constitution du 18 février 2006 s'impose donc, dans le souci de mesurer l'impact de cette disposition sur la jeune démocratie de la RDC après plus d'une décennie de sa consécration.La contribution expérimentale de cette étude se traduit par le fait qu'elle constitue un instrument de référence important dans les débats liés à la liberté de manifestation qui oppose systématiquement « pouvoir » et « peuple ». Importe le choix des pays ciblés, objet de la comparaison.

5.3. Choix des États, objet de la comparaison

Le problème du choix des objets à comparer est étroitement lié à celui du questionnement : la comparaison n'étant pas un but en soi, mais un moyen, on compare des objets en vue de répondre à une question préalablement formulée54(*). Au regard d'un tel constat, le choix du droit français, en vue de rendre compte de la protection de la liberté de manifestation, nous a semblé nécessaire. Ceci s'explique par l'existence d'une filiation explicite entre le droit congolais et le droit français, par le fait de l'histoire et, conséquemment, de leur appartenance à la famille romano-germanique.

En outre, même si d'autres sons de cloche se font entendre au regard des atteintes constatées contre le droit de manifester en France, il n'apparaît pas justifié d'affirmer que la liberté de manifestation subit actuellement une éclipse en droit français. D'une part, si les textes définissent un régime d'exercice relativement strict, celui-ci ne connaît pas un durcissement au cours de la période contemporaine55(*). Au contraire, la pratique sur le long terme se caractérise par un certain libéralisme, ainsi qu'en témoigne le nombre de manifestations se déroulant sans avoir été déclarées. D'autre part, alors que cette liberté ne bénéficiait auparavant d'aucune protection juridictionnelle effective, la réforme des référés a permis de soumettre les restrictions dont elle peut faire l'objet à un contrôle rapide et efficace du juge administratif. Au regard de cette évolution, il est possible d'affirmer que l'histoire récente de la liberté de manifestation en France est marquée par le progrès et non par la régression56(*).

En ce qui concerne d'autres pays, loin d'être purement subjective, la préférence donnée aux exemples espagnol et béninois se trouve, au contraire, commandée par des facteurs objectifs. L'Espagne demeure l'un des pays européens comportant, en plus des garanties constitutionnelles plus accentuées de la liberté de manifestation57(*), des recours destinés à protéger les droits fondamentaux des personnes, notamment le recours d'Amparo. Ce recours est une des compétences principales du Tribunal Constitutionnel prévues dans la Constitution. L'objet de ce type de procès est la protection du justiciable contre les violations des droits et libertés reconnus aux articles 14 à 29 de la Constitution, provenant de dispositions, actes juridiques, omissions ou simple voie de fait des pouvoirs publics, des Communautés Autonomes et des autres entités publiques de caractère territorial, corporatif ou institutionnel, ainsi que de leurs fonctionnaires ou agents. L'interposition d'un recours d'Amparo, on ne peut faire valoir d'autres prétentions que celles qui visent à rétablir ou à préserver les droits ou les libertés pour lesquels on a formulé le recours.

Malgré les controverses actuelles, le Bénin est restéun lapse de temps un modèle démocratique à l'échelle du continent africain et héberge une Cour constitutionnelle à compter au nombre de plus crédibles et prolifiques. De plus, le Bénin a été retenu en raison des mutations constitutionnelles survenues, lesquelles ont placé la liberté au coeur des règles constitutionnelles de fonctionnement du pouvoir politique. Le Bénin est le pays qui a opéré les premiers bouleversements constitutionnels avec la mise sur pied d'une « Conférence des forces vives de la nation ».58(*) Depuis lors, la démocratie béninoise ne cesse de rayonner à l'échelle continentale au point d'apprivoiser les chercheurs. Aussi c'est l'activisme du citoyen béninois qui commande le choix de ce pays. La Bénin et la République démocratique du Congo, ont aussi un héritage colonial. Un régime reconnu pour son caractère absolu.

Le contour de la recherche ainsi établi, on est désormais en mesure de fournir des indications sur les méthodes employées dans cette recherche.

6. INDICATIONS MÉTHODOLOGIQUES

L'étude des libertés publiques présente une difficulté particulière, qui tient au caractère de « discipline-carrefour » propre à la matière59(*). Jean Rivero pense qu'elle suppose la connaissance d'un certain nombre de données fondamentales relevant des autres disciplines. Perpétuellement, elle fait appel à des notions telles la démocratie, la séparation des pouvoirs, la légalité, la police administrative... et aujourd'hui de plus en plus celle de l'État de droit.60(*)

Pareille attitude n'infère pas que le chercheur devient moins juriste ni qu'il cesse de le devenir ; bien au contraire, souligne Paul-Gaspard Ngondankoy, en s'appuyant sur des approches non juridiques, le juriste restera juriste, mais il ne fermera pas ses portiques aux autres spécialistes en la matière.61(*) Par ailleurs, «  ne dit-on pas que celui qui ne connaît que le droit ne comprendra pas le droit » ? « Et que le droit constitutionnel ne trouve toute sa signification qu'en étant placé dans le point de convergence des phénomènes juridiques et politiques »?

Si l'actualité semble fournir d'amples justifications en faveur d'une recherche spécifique sur cette liberté, celle-ci se veut historique et comparative. Historique en ceque l'étude ne s'inscrit pas nécessairement dans une analyse synchronique de la liberté de manifestation ; elle se préoccupe de retracer son évolution dans l'histoire politique et institutionnelle de la RDC en prenant en compte les soubresauts qu'a connu ce droit fondamental dans la construction de son régime juridique. Recherche comparative au regard du fait que l'encadrement de la manifestation par un régime de police doit être examiné ainsi que la manière dont les publicistes ont dans chaque pays de la comparaison, pensé cette liberté.

L'approche juridique aura aidé à résoudre le problème du contenu des textes et de leur interprétation. Elle renferme plusieurs grilles de lecture interprétatives : littérale, téléologique, génétique ou chronologique, holistique et systémique.

L'interprétation littérale, même si elle ne permet pas d'appréhender la réalité juridique dans toute son ampleur, n'est pas à rejeter. Elle est le point de départ de l'analyse d'une norme. Elle permet de décrypter le langage juridique, de percer les zones sombres de la linguistique juridique en décodant le jargon juridique qui paraît de plus en plus comme un langage ésotérique que seuls les techniciens peuvent déchiffrer. Dans le contexte précis de cette étude, l'interprétation littérale a été mise à profit pour examiner le régime juridique de la liberté de manifestation depuis que la RDC existe comme État jusqu'à ce jour.

L'interprétation téléologique a permis de dégager le sens d'un texte au regard de sa raison d'être, c'est-à-dire, en fonction du but et l'objectif visés par le créateur de la règle en étude ; l'interprétation génétique ou chronologique cherche à appréhender l'intention de l'auteur de la règle.

L'interprétation systémique : elle cherche à donner à une disposition son sens en tenant compte de sa place dans la structure générale du texte. Elle implique donc la prise en considération d'autres dispositions pour dégager le sens de l'une d'elles. Jean Combacau explique en effet que, « La science juridique ne consiste pas à la connaissance des règles mais des systèmes juridiques articulés au sein desquels aucune n'a de sens en elle-même et n'en acquiert que parce qu'elle est reliée à d'autres ».62(*)

Cette conception qu'il convient d'appeler le systémisme juridique mérite d'être appréhendée en dépassement des dispositions d'un même texte. En effet, le systémisme fait le pari qu'il n'y a d'intelligence possible du monde qu'à condition de saisir les relations que tissent entre elles les différentes parties des ensembles organisés. Ramenée en droit, l'interprétation systémique d'une règle doit prendre en compte les rapports, contractions et interactions nécessaires de ladite règle avec d'autres et de la norme dont elle relève avec les autres normes dans le système juridique, en vue d'en préserver la cohérence.

L'interprétation génétique recherche l'intelligence de la règle de droit dans les causes qui ont sous-tendu sa naissance ou sa création. Pour Ambroise Kamukuny en utilisant l'interprétation génétique, l'on peut également comprendre une disposition juridique en se référant à la genèse du texte, en recherchant l'intention de ses auteurs, généralement dans les travaux préparatoires ou les débats parlementaires qui ont précédé son adoption. Il est en effet fréquent que l'auteur du texte ait lui-même dit les objectifs de son texte ou le sens à lui accorder lorsqu'il en défendait l'adoption63(*). Ceci est d'autant plus clair, lorsqu'on cherche à comprendre la charte coloniale.

La méthode juridique ne saurait à elle-même se suffire. Le recours à la méthode des sciences politiques trouve toute sa pertinence dans cette étude dans le fait qu'étudier la règle de droit, particulièrement dans le domaine constitutionnel, c'est suivre en témoins attentif le mouvement qui n'a jamais cessé d'entraîner les sociétés politiques à s'organiser selon un certain ordre (...), écrit Georges Burdeau.64(*) Et que l'histoire démontre que la rue a contribué à influencer les différentes mutations intervenues dans le monde, en général et en République démocratique, en particulier.

S'agissant particulièrement de la liberté de manifestation publique, les problèmes qu'elle pose, ne sont nullement abstraits ; c'est chaque jour, et à travers le monde tout entier, qu'ils affleurent à la surface de l'actualité, parfois au premier plan. Il faut donc, pour donner à la matière son caractère véritable, et sa dimension, s'attacher à saisir, à travers la presse et dans la vie, les faits qui s'y attachent, et qu'elle peut éclairer. Le contact entre l'étude théorique et la réalité quotidienne, toujours utile, est, en matière de libertés publiques, particulièrement nécessaire et fécond. Une fois menée en dehors de la réalité, cette étude perdrait toute sa pertinence et tout son intérêt.

La dimension historique que comporte cette recherche sur la liberté de manifestation appelle elle-même le recours à la méthode y relative. La situation actuelle des libertés publiques est fonction de l'histoire : évolution des idées, successions des événements...tout nous en rapproche. Par ailleurs, « l'histoire est un trésor aux mains des juristes qui leur permet d'éclairer la situation des institutions existantes et de prévoir leur évolution future, et même de connaître les institutions disparues pour comprendre par contre, les institutions actuelles. C'est dire que l'histoire permet d'éclairer le présent et de baliser l'avenir ».65(*)

L'approche comparative pour une recherche de ce genre est sans doute indispensable compte tenu du caractère universaliste de ce droit. En outre, la comparaison permet de se dégager du cadre étroit national, en l'occurrence congolais, de transcender ses particularités pour mieux en faciliter la compréhension, mais aussi en apprécier la signification.

Inhérente à toute démarche comparatiste, la justification du recours au droit comparé se révèle, en effet, indispensable. A priori, l'objet de l'étude entreprise constituerait une justification suffisante, l'apport du droit comparé à l'étude des droits de la personne humaine n'étant plus à démontrer. Déjà en 1968, René Cassin écrivait à ce sujet : « toutes les utilités reconnues en général à la méthode comparative, on les trouve au maximum dans l'étude des droits de l'homme »66(*). Terrain privilégié pour le comparatiste, les droits et libertés le sont, en réalité, tout autant que la liberté de manifestation, dont le large mouvement de diffusion à travers le monde lui permet de prétendre à l'universalité. Par conséquent, l'étude de la protection des droits fondamentaux à travers la situation de la liberté de manifestation se voudrait, de par son objet même, particulièrement propice à une approche comparatiste.

L'universalisme de la liberté de manifestation ne saurait échapper à la pertinente remarque du doyen Francis Delpérée lorsqu'il soutient que « la leçon de la science comparatiste des institutions publiques est aussi de montrer que, par-delà les ressemblances institutionnelles qu'il est légitime de relever, voire de grouper en systèmes ou en régimes, des différences fondamentales subsistent. Elles tiennent à la diversité des circonstances historiques qui entourent la création des États »67(*).

Kriesi n'a aucun tort de dire que: «...penser sans comparaison est impensable et en l'absence de comparaison, toute pensée scientifique l'est également. Ceci nous permettra donc de faire incursion hors du seul droit congolais des libertés publiques pour voir ce qu'il en est sous d'autres cieux, plus particulièrement dans les États connus pour être des foyers d'émergence des libertés publiques et dont la situation pourrait être moins alarmante sur la question de leur protection.

Il s'ensuit qu'une approche de la protection d'un droit fondamental, telle que consacré par le constituant de 2006 ne permettrait pas « d'appréhender toutes les problématiques, réelles ou potentielles » que recèle le sujet. C'est l'analyse de la question de la liberté de manifestation dans une approche quelque peu « universaliste » et « intemporelle » impose le recours au droit comparé. Et ce, d'autant plus que le droit comparé offre la possibilité de proposer, sur la base des expériences française et espagnole, une vision prospective de ce que pourrait être, mutatis mutandis, la protection de la liberté de manifestation en RDC dans les années à venir.

Car, ainsi que l'a fait remarquer René Cassin, « parmi les différentes utilités reconnues aux recherches de droit comparé, figure d'abord l'avantage d'une meilleure connaissance du droit national, grâce aux réflexions que suscitent les règles en vigueur dans les droits étrangers : le jeu des miroirs permet d'apercevoir certains aspects particuliers d'un objet qu'un regard direct n'a pas permis de découvrir »68(*).

On peut noter que ces pays dans lesquels le vent de la contestation a soufflé, ont en commun notamment l'héritage colonial. Voilà qui justifie à suffisance le recours à cette méthode dans le cadre de la présente recherche qu'il convient de délimiter.

7. DÉLIMITATION DU CHAMP DE LA RECHERCHE

L'une des règles fondamentales d'une recherche scientifique est relative à la délimitation du champ de l'étude. « Restreindre le champ d'application d'une étude est une loi de la nature » et « l'objet de la recherche doit être délimité dans le temps et dans l'espace, si non le sujet ne peut être épuisé». A cette double limitation traditionnelle s'ajoute une limitation matérielle de l'objet de la recherche.

Du point de vue spatial, la recherche concerne principalement, mais pas exclusivement, la République Démocratique du Congo, ce qui sous-tend que les droits et les situations de la liberté de manifestation sous d'autres espaces seront mis à contribution dans le cadre de cette recherche afin de permettre une migration juridique.

Du point de vue temporel, cette étude se veut d'abord une évaluation de l'application de l'article 26 de la Constitution du 18 février 2006, telle que modifiée à ce jour. Par la suite, la recherche remontera à la période qui a précédé l'adoption de cette Constitution jusqu'à celle de l'État indépendant du Congo.

Matériellement, la recherche va consister, d'une part, à l'analyse des textes régissant la liberté de manifestation, et d'autre part à la présentation des faits et des événements les plus marquants d'ici ou d'ailleurs, susceptibles de permettre de lier la théorie à la pratique sur la question en étude, sans omettre une étude statistique du cadre d'exercice de la liberté de manifestation en RDC sur cette période déterminée. Il n'est pas superfétatoire de rappeler que la recherche se situe dans le droit constitutionnel et précisément le droit constitutionnel des libertés.

PREMIERE PARTIE :

LA LIBERTE DE MANIFESTATION : SA FONDAMENTALITE, SES DIMENSIONS HISTORIQUES ET CONXTUELLES

Introduction

L'histoire juridique du régime de la liberté de manifestation en République Démocratique du Congo nous démontre qu'elle s'inscrit en dents de scie. Les textes y relatifs ainsi que les régimes politiques qui se sont succédé en ont développé des clichés aux natures diverses. Tous les pouvoirs qui se sont suivis l'un à l'autre ont eu maille à partir avec la jouissance de ce droit par ses titulaires, d'abord en raison de l'absolutisme qui caractérisait le régime colonial et, ensuite, au regard du régime dictatorial qui s'en est suivi. En somme, tous ces deux régimes ayant comme dénominateur commun leur méfiance vis-à-vis de la liberté.

Le régime juridique de cette liberté a connu une évolution tributaire de conceptions dominantes, qui émaillent les différents contextes sociopolitiques auxquels l'État congolais a fait face de ses origines à ce jour. L'histoire politique de la République Démocratique du Congo connait plusieurs divisions et subdivisions susceptibles de variations selon une étude à une autre et selon les objectifs de chaque chercheur.

Les étapes les plus marquantes de l'histoire du Congo sont cependant connues : la période coloniale, elle-même répartie en deux sous périodes, celle de l'État indépendant du Congo et celle du Congo belge ; le règne du président Mobutu caractérisée par une rude dictature, englobant l'ère de la "démocratisation" déclenchée à partir des années 1990 jusqu'au retour à la République Démocratique du Congo avec l'avènement de l'AFDL ; ce dernier événement introduira le pays dans une nouvelle phase, celle des régimes kabilistes ayant balisé la voie à la Constitution de la 3e République promulguée le 18 février 2006, jusqu'à la récente passation des pouvoirs le 24 janvier 2019.

La philosophie de la colonisation sous-tend d'un environnement très hostile aux droits de l'homme en général et à la liberté de manifestation en particulier. Celle-ci étant par essence l'expression des revendications à l'égard des pouvoirs publics, le régime dictatorial mobutien ne pouvait naturellement pas lui réserver bon accueil. Ne dit-on pas qu'un pouvoir soupçonneux redoute toujours qu'une manifestation de rue ne tourne à l'émeute ou, pire, à la révolution ! Ainsi le droit de manifester peut apparaître comme une concession, une faiblesse du pouvoir. « Pourtant, il n'en est rien car contrairement à la révolution, la manifestation ne met pas nécessairement en cause le pouvoir, les croyances ou l'identité collective. Il s'agit d'une soupape, pas d'une bombe »69(*).

C'est à partir de 1990 que les manifestations publiques reprennent dans leur ampleur et que le peuple redécouvre cette recette démocratique. L'essoufflement de la classe politique dans la lutte contre le régime de Mobutu videra de son ampleur la manifestation publique, jusqu'à ce que l'AFDL vienne en finir avec le régime dictatorial avant d'en instituer un autre qui sera combattu par plusieurs mouvements rebelles ; cette étape consacre l'éclipse des manifestations publiques. L'assassinat de Laurent-Désiré Kabila en 2001 conduira le pays vers une transition qui a ouvert la voie à la Constitution de la 3e République.

Cette partie s'attellera à relever la fondamentalité et la centralité du droit de manifester dans une démocratie (chapitre I). Il y sera analysé également l'évolution de l'exercice de la liberté de manifestation publique en République Démocratique du Congo en vue de mettre en lumière pour en tirer des leçons, des péripéties de cette liberté au travers de l'histoire politique du pays (chapitre II). Cette approche nous place dans la dimension historique de la question. Elle sublime l'étude en cherchant à appréhender les problèmes de la protection de la liberté de manifestation publique dans les origines de celle-ci et à travers son expérimentation dans la société. Pareille étude serait sans grand apport si elle ne sert de lumière qui illumine le présent.

Cependant, la question de la liberté de manifestation mérite d'être abordée en des termes nouveaux. La beauté du cadre juridique a déjà démontré ses limites, ou mieux, son insuffisance à solutionner les problèmes que posent la jouissance et l'exercice du droit de manifester. Ces problèmes ne sont pas à rechercher en dehors du cadre général des droits fondamentaux tant en RDC que dans d'autres États à travers le monde. Il est ainsi loisible d'examiner, dans une approche comparative, le droit de la liberté de manifestation (chapitre III).

CHAPITRE PREMIER :
LA FONDAMENTALITÉ DU DROIT DE MANIFESTER DANS UN ÉTAT DÉMOCRATIQUE

En RépubliqueDémocratique du Congo, la liberté de manifester est consacrée par l'article 26 de la Constitution du 18 février 2006 suscitée.

Les manifestations publiques constituent un véritable levier de la démocratie libérale, et comme nous l'avons relevé plus haut, la crise qui affecte la démocratie représentativedémontre l'importance de la liberté de manifestation. Les limites et les multiples abus des mécanismes de la représentation démocratique appellent qu'une place soit aménagée à l'intervention directe dans l'action publique par le souverain primaire, et, de ce point de vue, la liberté de manifestation demeure un moyen privilégié.

Mais avant d'aborder la dimension juridique de cette question, il convient d'analyser la liberté dont la liberté de manifestation ne constitue qu'une facette70(*) ; seront explorés ensuite le terme « manifestation » associé ou non au concept liberté et enfin les concepts dérivant de leur corrélation (section I).

Un autre problème réel est d'ordre purement terminologique. Certains auteurs emploient indifféremment certains concepts alors qu'ils ne sont pas équipollents. De notre point de vue, il sied d'éviter que la proximité sémantique n'entraine un imbroglio scientifiquement désagréable (section III).

Mais au-delà de ces aspects théoriques de la liberté, il faut mettre en exergue la fondamentalité de ce droit (section II) dans l'ordre juridique de la RDC.

Section 1. Le principe de liberté, fondement substantiel de la liberté de manifestation

Le fondement du droit de manifester doit être recherché à partir des concepts qui le composent, principalement le terme « liberté ». Cette démarche est indispensable pour cerner la liberté de manifestation sous l'angle du droit (§1). Ainsi, placée dans un contexte juridique précis - sous l'angle du droit interne comme du droit international - la liberté de manifestation mérite d'être épluchée (§2) pour éviter toute équivocité et confusion avec les notions voisines(§3).

§1. Les fondements de la liberté de manifestation

L'étude sur la protection de la liberté de manifestation implique que soit préalablement déterminés les contours et le fondement de cette liberté avant toute explication.

Préoccupation politique et sociale majeure de notre temps, l'aspiration à la liberté chute dans le formidable gouffre de perplexité que l'idée génère. Dans un pays engagé de plein pied dans l'ère démocratique, la liberté de manifestation occupe une place de choix, en même temps qu'elle demeure à bien des égards, le baromètre de la démocratie.

D'après Marcel-René Tercinet, l'histoire révèle que « la manifestation est l'un des moyens privilégiés par les citoyens pour affirmer leurs croyances, pour défendre leurs intérêts, voire pour renverser un régime politique [...]. Son développement en matière politique ou sociale traduirait le besoin ressenti par les citoyens de revenir à la démocratie directe »71(*).

La liberté de manifestation est un droit fondamental aux implications politiques certaines. Droit subjectif individuel et/ou collectif lorsqu'elle est consacrée, la liberté de manifestation devient plus un fait politique lorsqu'elle est exercée. Elle mérite ainsi, pour une appréhension exacte, d'être placée dans le viseur optique d'une parallaxe binoculaire, une double approche simultanée juridique et de science politique, qui permet une analyse holistique des phénomènes juridiques en droit public.

En effet, la règle de droit est une construction. L'étudier, c'est suivre en témoin attentif, le mouvement qui n'a jamais cessé d'entrainer les sociétés politiques à s'organiser selon un ordre72(*). En revanche, le fait politique découlant de l'exercice de la liberté de manifestation est spontané. La maîtrise de la règle de droit, en l'espèce le droit de la liberté de manifestation, requiert inévitablement la connaissance des forces qui stimulent la règle, les figurent dans lesquelles elle s'inscrit et pourquoi pas les mutations sociales qui l'engendrent et qu'elle provoque.

Saisir le concept « liberté » dans son articulation juridique est incontournable pour percer le sens de la liberté de manifestation.

1. Liberté comme prérogative

Le conflit des libertés tire son origine de celui opposant la liberté du sujet à la liberté du groupe social, considérée ici comme la liberté de tous. Il sied cependant de relever que la liberté du sujet n'est pas forcément l'opposé de la liberté de tous, une possible conciliation permet de déboucher par une harmonieuse convergence entre les deux.

L'un de ces concepts polysémiques, le terme « liberté » peut recevoir plusieurs sens. Gérard Cornu en relève par exemple une dizaine : « bienfait suprême consistant pour un individu ou un peuple à vivre hors de tout esclavage, servitude, oppression, sujétion, domination extérieure ou étrangère ; situation garantie par le droit dans laquelle chacun est maitre de soi-même et exerce comme il veut toutes ses facultés ; exercice sans entrave garanti par le droit de telle faculté ou telle activité ; fait de n'être ni arrêté ni détenu, etc.73(*)

Dans l'esprit des lois, Charles de Secondât dit Montesquieu définit « la liberté comme le droit de faire tout ce que les lois permettent et de n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir »74(*). De notre point de vue, dans les rapports avec la loi, la liberté devrait être perçue, non comme le droit de faire ce que les lois permettent, mais plutôt comme le droit de faire tout ce que les lois ne prohibent pas. Cette dernière conception rime avec l'idée qui considère la liberté comme principe de la vie, sauf à respecter les restrictions nécessaires qu'impose la coexistence des membres du groupe social, lesquelles restrictions sont portées par la loi.On se rapproche ainsi de la conception des révolutionnaires qui considéraient la liberté comme le pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui75(*).

La liberté apparaît ainsi comme un pouvoir d'autodétermination, en vertu duquel l'homme choisit le comportement qu'il adopte. En définitive, avec Barthélémy Omeonga76(*), nous considérons la liberté comme le pouvoir reconnu à la personne de déterminer sans contrainte son action ou sa pensée. Elle constitue donc une prérogative du point de vue de son titulaire et de ses attributs, et tend à ignorer le contexte social dans lequel s'inscrit nécessairement son exercice, contexte qui peut l'amener à se heurter à d'autres intérêts légitimes.

2. Un concept à controverses

Aussi vieille que l'humanité, la recherche de la liberté demeure d'une redoutable modernité77(*). C'est en effet l'une des préoccupations de la société internationale exprimée lors du Sommet du millénaire, c'est-à-dire à l'occasion de la réunion extraordinaire des Chefs d'État et de Gouvernement tenue au siège des Nations Unies à New York du 6 au 8 septembre 2000, parmi les valeurs fondamentales que doivent sous-tendre les relations internationales au XXIème siècle figure «la liberté »78(*).

La valeur liberté intéresse autant les générations actuelles, futures que passées79(*). Avec Maurice Agulhon, admettons dès maintenant que « la liberté, réduite à son principe simple, à sa définition élémentaire, est une valeur à peu près unanimement reconnue »80(*). Dans ce combat du millénaire pour notre liberté, la bataille pour son affirmation en tant qu'attribut de l'être humain semble gagnée.

Le constituant congolais de 2006 inscrit son oeuvre dans ce combat, en réaffirmant son adhésion et son attachement à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, aux Conventions des Nations Unies sur les Droits de l'Enfant et sur les Droits de la Femme.81(*).

Joint à la liberté, c'est alors un ensemble plus vaste, celui des droits de l'Homme, qui se trouve placé au centre des discussions politiques et juridiques. Les droits de l'homme bénéficient depuis quelques décennies d'une promotion considérable et d'une spécificité corrélative. Sans parler de leur médiatisation par l'action des très nombreuses ONG, le droit leur réserve une place privilégiée.

Le Vocabulaire de Lalande commence par indiquer que « la liberté est l'état de celui qui fait ce qu'il veut et non ce que veut un autre que lui : elle est l'absence de contrainte étrangère »82(*). Cette définition générale ouvre sur de nombreuses questions, dont cette dernière qu'en est-il de la liberté dans la société ? Pour y répondre, le Dictionnaire de Lalande distingue deux sens du mot liberté. Dans un premier, « les mots libre ou liberté marquent simplement l'absence de contrainte sociale s'imposant à l'individu »83(*). On remarquera que cette définition se situe dans la droite ligne de la précédente, qu'elle précise simplement.

Pour l'illustrer, Waschsmann reprend le propos du héros du Film d'Orson Welles, Citizen Kane : « Il n'y une personne au monde qui décide pour moi, et cette personne, c'est moi », témoigne d'un individualisme exacerbé84(*). Mais dans un second sens, dont Lalande précise qu'il est doté d'une valeur « appréciative », le mot désigne « non seulement le degré plus au moins haut d'indépendance que possède l'individu à l'égard du groupe social dont il fait partie, mais également le degré d'indépendance que l'on considère comme normale et souhaitable, constituant un droit et une valeur normale ».85(*) Réunis dans un sommet, en 1989, les Chefs d'État et de Gouvernement des pays ayant le français en partage ont rappelé, à l'occasion du bicentenaire de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que la dignité humaine et le respect des droits de la personne sont des aspirations communes à tous les États de la Francophonie.86(*)

La philosophie a aussi posé puis amélioré sa définition en énonçant que la liberté est une action qui, réalisée par un sujet libre, n'est pas limitée : « caractère indéterminé de la volonté humaine ; libre arbitre »87(*). « La liberté, ajoute Ricoeur, n'est aucunement une entité, une espèce d'être ; c'est un caractère, exprimé par un adjectif, qui s'attache à certaines actions humaines »88(*). La liberté est une action qui ne connaît donc pas non plus de limite extérieure. Elle serait une capacité d'agir totale que ni l'entendement humain, ni l'environnement physique ne seraient en mesure de borner.

Mais déjà on pressent un premier hiatus : l'homme n'est-il pas « libre » d'asservir autrui, de détruire la liberté du genre humain ? Cela n'est pas improbable. Car s'il y a « une véritable permanence de l'aspiration humaine à la liberté, qui traverse allègrement les époques et réunit les courants de pensée les plus divers », c'est « en justifiant les actes les plus opposés»89(*). Cependant, l'évolution du sens du mot liberté semble nuancer la contradiction selon laquelle la liberté, en se réalisant, se retournerait contre elle. Au milieu du XIVème siècle, le concept de liberté semble limiter l'action du sujet : il devient un « pouvoir d'agir, au sein d'une société organisée, selon sa propre détermination, dans la limite de règles définies »90(*).

La novation sémantique, introduite par la suite au cours du XVIème siècle, ne doit pas masquer cette réalité : si la liberté est « absence de contrainte », autrement dit, une « possibilité », un « pouvoir d'agir sans contrainte »91(*), c'est que les limites - qui pourraient paraître au premier abord supprimées par l'adjonction des termes « sans contrainte » - sont intégrées aux vocables « possibilité » et « pouvoir »92(*).

Une action libre peut ontologiquement tout faire, possibilité et pouvoir, sauf nier la liberté car l'alternative est la suivante : soit cette action libre nie la liberté et recrée une contrainte et, ainsi, contrarie sa propre définition sous l'angle de « l'absence de contrainte » ; soit elle peut nier la liberté et, pour ne pas contredire sa définition, la « possibilité » ou le « pouvoir » d'agir sont les manifestations lexicales de l'inhérence de limites à la liberté93(*).

Paul-Gaspard Ngondankoy indique que les droits naturels consacrés dans le texte constitutionnel passent du statut philosophique à un statut juridique94(*). Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un passage d'un statut à un autre, ce qui suggérerait une perte du premier statut en l'occurrence le statut philosophique desdits droits mais d'un élargissement de celui-ci. C'est ce qui ressort des propos de cet auteur lorsqu'il renchérit que « leur affirmation dans le texte constitutionnel revêt donc, de ce point de vue, une double portée : philosophique d'abord, parce qu'ils constituent des valeurs justificatives des autres droits et libertés reconnus ; juridique ensuite, parce qu'ils sont susceptible d'être invoqués, à titre autonome, comme des droits subjectifs devant leurs organes de protection.

Dans ce contexte, la conceptualisation de la liberté pose un premier paradoxe sémantique : une action libre n'est jamais totalement libre. Aussi pour concrétiser la liberté convient-il de lever ce paradoxe, mais bien plus, de fixer les contours de la liberté de manifestation.

Cette liberté d'action postulée conduit inévitablement à un conflit ; elle en est la prémisse (A). On peut alors en déduire l'inéluctabilité du conflit originel en tirant une conclusion qui s'impose : la nécessité de la liberté de tous (B).

A. Le conflit entre la liberté du sujet et la liberté de tous

Le fait que la liberté soit « souvent présentée » à la fois comme un « objet de conquête » et « une réalité "inaliénable" »95(*) suscite l'étonnement voire un certain malaise. Frédéric Laupies estime en effet que la liberté prétendument donnée demeure discutée. « Si elle est à conquérir, elle n'est pas déjà donnée ; si, en revanche, elle est inaliénable, elle est toujours déjà là. Ces deux pôles induisent à leur tour des contradictions : si on la tient pour inaliénable, sa défense apparaît inutile et contradictoire ; si on la défend, elle peut être tenue pour une réalité fragile, voire contingente et relative »96(*). N'est-il pas dès lors prudent de tenter de lever cette double contradiction puisque le consensus à peine énoncé est déjà fragilisé ?

Selon Philippe Segur, « au commencement étaient les devoirs et non les libertés (...). L'histoire des libertés s'écrit alors en creux, à partir de leur négation »97(*). La liberté est le résultat d'une conquête de l'homme sur l'homme : « l'histoire des droits de l'homme est dominée par l'écartèlement de la personne entre l'obéissance et la délivrance. Mais dans cette histoire, le devoir précède le droit »98(*).

La liberté, c'est naïvement une faculté positive, la capacité d'agir sans contrainte. Si « en appeler à une évidence intrinsèque des droits de l'homme est une solution paresseuse qui relève d'une illusion culturelle »99(*), pour autant, entreprendre de proposer une ou plusieurs significations de la liberté est un exercice éminemment philosophique et telle n'est pas l'ambition de ce travail.

C'est la liberté dont seul le droit peut s'occuper : « le droit est une discipline sociale. Seuls relèvent de lui les rapports de l'homme avec les autres et la société. Dès lors, il abandonne au philosophe les aspects du problème de la liberté étrangers à son objet propre »100(*). La réflexion en droit ne peut porter que sur l'existence de la liberté perceptible en tant qu'objet social : « réfléchir sur la liberté, c'est réfléchir sur les conditions de sa réalisation dans la vie humaine, dans l'histoire, au plan des institutions »101(*).

B. La collision des libertés antagonistes

Refonder la résolution du conflit de libertés résulte de la possibilité ouverte par la notion d'intérêt général de penser différemment la conjonction entre liberté du sujet et liberté de tous. L'intérêt général conçoit autrement le rapport entre droits et libertés. « Issu de la Raison moderne, il est le plus mauvais système d'organisation politique à l'exception de tous les autres »102(*).

En effet, l'intérêt général semble ici, là, partout, depuis toujours, sous des vocables, certes différents, lesquels n'occultant pas toutefois la prégnance d'un intérêt qui transcende les intérêts particuliers et dont celui-ci procède. « Partout, on s'accorde pour admettre qu'il existe une chose publique, la republica, à côté et bien souvent au-dessus de la multitude des choses privées » annonce Élisabeth Zoller immédiatement en prélude à son ouvrage103(*). Didier Truchet voit dans l'intérêt général autant « un élément régulateur de la liberté qu'un facteur d'atteinte à celle-ci. Il peut être aussi l'élément conciliateur de deux libertés antagonistes »104(*).

La notion d'intérêt général serait donc appropriée pour comprendre la volonté de limiter collectivement les libertés et absorber, en principe, tous les cas de conflits de libertés. La notion d'intérêt général paraît offrir, comme on va le voir, un cadre de références global à la liberté en rendant possible cette mutualisation. La définition de l'intérêt public en tant qu'objectif de l'État énoncée par le professeur Zoller corrobore cette prise de position. « Cet intérêt public, on pourrait aussi dire la chose publique, ce n'est rien d'autre que l'État105(*) ».

L'État est fait, non pas de la somme de tous les intérêts privés, mais seulement de la somme de tous les intérêts que les hommes ont décidé, par un acte de libre volonté, de mettre en commun »106(*). La notion d'intérêt général est désormais convoquée pour rendre compte de ce que la définition juridique de la liberté, ou pour le dire d'une autre manière, la restriction de la liberté pour la protéger, est l'affaire de tous. Il existe donc un intérêt public, distinct des intérêts privés, un intérêt public en soi »107(*).

C'est cet intérêt public qui constitue le point conciliateur du conflit entre la liberté du sujet et la liberté de tous, et la liberté de manifestation mérite d'être placée dans cette perspective, au regard des impératifs de l'ordre public qui en imposent les restrictions.

Le postulat de départ de la liberté du sujet conduit inexorablement à la conséquence que la liberté de tous est nécessaire. Mais cette nécessité d'ordre logique aggrave le contexte conflictuel dans lequel se meut l'exercice de la liberté. L'égale liberté de tous rend ce conflit inéluctable. Être contraint de résoudre ce conflit suppose, en premier lieu, qu'on ne peut s'y soustraire. Précisément, les caractères de la liberté humaine, sa définition acceptée, montrent qu'admettre la liberté implique l'égalité entre les individus. C'est à cette double condition, liberté-attribut et égalité-corrélat, que se trouve confirmé le conflit inéluctable. Il naît du télescopage de l'exercice de leurs libertés par des êtres égaux.

L'homme isolé, et dans son droit d'agir comme il l'entend, est libre. La liberté, entendue philosophiquement autrement dit comme un pur fait est théoriquement illimitée. Cependant, sitôt qu'est admise la liberté de l'homme, sont admises, de plano, les libertés des hommes, la liberté de tous. Cela tient à l'énoncé même108(*). Si tous les hommes sont libres, alors ce sont des êtres également libres. Leur égalité découle de leur liberté dès l'état de nature. Symétriquement on comprend qu'« une liberté totale tuerait l'égalité au profit des plus forts (...) »109(*).

On peut s'appuyer sur le propos de Kant pour expliciter les conséquences de la liberté110(*). L'auteur de la Doctrine du droit rappelle qu'« il n'y a qu'un seul et unique droit inné»111(*): « La liberté (comme indépendance vis-à-vis de l'arbitre contraignant d'un autre individu), dans la mesure où elle peut coexister avec la liberté de tout autre suivant une loi universelle, est cet unique droit originaire qui appartient à tout homme en vertu de son humanité »112(*).

Mais il ajoute immédiatement que cette liberté s'accompagne de « l'égalité innée, c'est-à-dire l'indépendance qui consiste à ne pas être obligé par les autres à davantage que ce à quoi on peut aussi réciproquement les obliger. Par conséquent, la qualité de l'être humain qui réside dans le fait d'être son propre maître (sui juris), en même temps que celle d'un homme intègre (justus), parce que, avant tout acte juridique, il n'a rien fait d'injuste. Enfin aussi la faculté de faire envers d'autres ce qui en soi n'amoindrit en rien ce qui leur revient, pourvu qu'ils ne veulent pas l'admettre (...) : toutes ces facultés d'agir sont déjà inscrites dans le principe de la liberté innée et n'en sont pas réellement distinctes (...) »113(*).

C'est une illustration de ce que, chez Kant, liberté et égalité sont logiquement associées, l'égalité découlant nécessairement de la liberté. Si tous les hommes sont libres, alors ils sont forcément égaux. Il n'existe qu'un seul droit à la liberté, lequel inclut nécessairement le principe d'égalité. « En d'autres termes, l'équilibre social, fondé sur un principe moteur individuel et inné, la liberté, est compensé par un principe régulateur social, l'égalité. La doctrine réactualise la pensée de Kant en se référant à une contraction sémantique inédite : "l'Égale-liberté"114(*).

L'état de nature, état de liberté pour l'homme disait Locke115(*), « est aussi un état d'égalité ; en sorte que tout pouvoir et toute juridiction est réciproque, un homme n'en ayant pas plus qu'un autre. Car il est très évident que des créatures d'une même espèce et d'un même ordre, qui sont nées sans distinction, qui ont part aux mêmes avantages de la nature, qui ont les mêmes facultés, doivent pareillement être égales entre elles, sans nulle subordination ou sujétion (...) »116(*). L'égalité, comme limite inhérente à la liberté, est cependant, faute de règle commune garantissant cette limite, source de conflits.

Dorénavant identifiée, l'origine du conflit va peu à peu être appréhendée par l'homme. Ce n'est au fond qu'au prix du respect mutuel de la liberté de chacun que l'on parvient à respecter la liberté de tous. Impliquant l'égalité de jouissance, la vraie liberté, c'est-à-dire une liberté effective pour tous, ne peut s'exercer que « dans le respect du droit d'autrui »117(*).

Il faut pour cela trouver un équilibre entre deux réalités en conflit. Toute la difficulté est effectivement que « l'égalité (...) et la liberté sont à la fois opposées et complémentaires »118(*). Cela est résumé par ce chiasme évocateur : « Trop de liberté tue l'égalité, trop d'égalité tue la liberté »119(*). De l'équilibre dépend l'avènement de la vraie liberté. Or, pour parvenir à trouver cette vraie liberté, elle doit être respectée par chacun. « Si l'idée de la liberté était absolue, et s'il n'existait aucune limite à l'exercice de la liberté, celle-ci risquerait de s'autodétruire »120(*).

La liberté du sujet entre en conflit avec la liberté d'autrui et empêche la réalisation de la liberté de tous. Car, fondamentalement, la liberté est impuissante à se définir elle-même ; elle ne peut « s'auto-définir » car elle est de même valeur.

La liberté ne peut par conséquent être pensée sans recourir à d'autres concepts. Conscient de cette spirale destructrice de sa propre liberté dans laquelle ce conflit le fait entrer inexorablement, l'homme va s'attacher à trouver des solutions aux conflits de liberté, en particulier, en cherchant un concept ou une notion suffisamment large pour rendre compte de cette coordination entre liberté du sujet et liberté de tous. En somme, un élément extérieur susceptible d'arbitrer pour le résoudre le conflit entre liberté du sujet et liberté de tous.

§2. La liberté de manifestation sur la voie publique en question

Les manifestations publiques ont toujours été organisées et réglementées, mais très rarement le concept de manifestation publique a été défini. Le droit positif congolais ne comporte pas des dispositions constitutionnelles ou légales définissant à proprement parler la manifestation publique.

Pourtant, celle-ci doit être le plus possible circonscrite et distinguée de notions qui lui sont proches. Le décret-loi du 29 janvier 1999 portant réglementation des manifestations et les réunions publiques énumère les types des manifestations publiques »121(*). Mais on n'y retrouve guère une définition de liberté de manifestation. Toutefois, en tenant compte de cette énumération et a contrario des réunions publique122(*), le professeur Yatala définit les manifestations publiques comme « des rassemblements en déplacement continu, comme les marches, les défilés, les cortèges, les cérémonies d'accueil, les processions politiques, culturelles, ou religieuses »123(*). Cette définition, si elle en est une, laisse un goût d'inachevé parce qu'elle ne demeure pas moins l'énumération d'une série d'agissements publics qui s'apparentent au droit de manifester.

1. Le sens de la liberté de manifestation 

La liberté de manifestation est à la fois un besoin humain et un moyen d'expression sociopolitique. Il s'agit d'une liberté d'expression et un support de moyens d'expressions. A ce titre, la manifestation s'est vue qualifiée par le Conseil constitutionnel français de « droit d'expression collective des idées et des opinions ».124(*)

Parmi les besoins fondamentaux qui participent au sens de l'humain, celui de manifester en est un. En tant qu'humain, toute personne est toujours animée des désirs et de traduire ses états d'âmes, des sentiments de natures diverses sont exprimés de diverses manières : la joie, la colère, l'amour, le mécontentement ou les émotions de toute sorte. Ce besoin prend une autre dimension lorsqu'il est ressenti par un groupe d'individus, c'est-à-dire, quand plusieurs personnes expriment l'un de ses sentiments.

Selon Marcel-René Tercinet, l'histoire révèle que "la manifestation125(*) est l'un des moyens privilégiés par les citoyens pour affirmer leurs croyances, pour défendre leurs intérêts, voire pour renverser un régime politique [...]. Son développement en matière politique ou sociale traduirait le besoin ressenti par les citoyens de revenir à la démocratie directe"126(*).

L'actualité récente en Afrique en général et en République Démocratique du Congo en particulier, démontre le rôle de cette liberté dans le processus de démocratisation des Etats africains. Pour certains, la manifestation est le moyen le plus efficace permettant aux citoyens de participer directement à la gestion de leurs pays et d'influencer ses décisions.

Si, pour plusieurs, corruptibilité de la manifestation est synonyme de violence, elle est davantage encore synonyme de détournement et de récupération de sens. « Car, par définition, un manifestant ne donne pas le sens de ses actions. Il crie, il marche, parfois il agit dans ces manifestations-actions qui sont à elles-mêmes leurs propres fins. Mais le travail politique d'explicitation ne lui appartient pas à tout le moins ni entièrement, ni directement ». La « manifestation de papier »127(*), le travail sur le sens à donner à l'événement manifestant fait toujours l'objet d'un débat entre les acteurs sociaux et politiques concernés.128(*)

Soit, les manifestants ne contrôlent pas le sens politique qui émane du rassemblement. Cela ne signifie toutefois pas que les manifestants ne manifestent que pour manifester, qu'ils ne s'expriment pas sur les raisons de leur action lors de l'événement, pris encore, que « ....la manifestation n'est pas un lieu de débat, d'un échange d'idées », étant « dirigée principalement vers l'action ».129(*)

« Le discours discréditant la manifestation en raison de ses propriétés soi-disant proactives est le détournement du sens le plus important auquel est confrontée cette forme de participation à la vie politique. »130(*) Certes, « la manifestation pacifique et l'impact qu'elle obtient dans l'immédiat résident avant tout dans le nombre de participants et la force des slogans et des phrases-chocs, susceptibles d'attirer l'attention des passants et de colorer le clip destiné au télé-journal du soir ».131(*) Peut-être bien que le nombre de participants et les slogans qu'ils scandent font peu pour avancer de nouvelles idées sur la cause qu'ils défendent. N'en demeure pas moins ce discours détourne le sens de la manifestation en ce qu'il nie à cette action sa capacité à créer un espace de discussion valable et en ce qu'il omet d'analyser cette action à la lumière de l'argumentaire du mouvement social auquel elle appartient.132(*)

C'est pourquoi cela serait considéré comme un voeu d'un retour à la démocratie directe. Dans les pays d'Afrique comme dans d'autres, l'écart entre la volonté du peuple et l'agir des élus devient profond. Ce qui fait croire me semble-t-il à une confiscation de pouvoir du peuple au profit des élus.

D'une part, dire qu'au sein d'une manifestation, l'action prend le pas sur le discours ne signifie pas que celle-ci n'est pas un lieu d'échange d'idées. Malgré l'apparente unité de la manifestation, il faut se garder de mettre chaque manifestant dans le même panier. Effort d'organisation, division du travail et unité de discours obligent, ce ne sont pas tous les manifestants qui agissent à titre de « porte-parole » auprès des médias.

Ce ne sont pas non plus tous les manifestants qui accomplissent un travail d'information. Reste que toute manifestation pacifique est le théâtre d'une éducation populaire, plus ou moins formelle (par exemple, kiosque d'information sur la cause défendue et les causes apparentées, distributions de tract ou teach in133(*)). Reste aussi que toute manifestation est un amalgame de comportements individuels et collectifs.134(*) Au sein du rassemblement, la formation de groupe est le comportement collectif le plus souvent rencontré.135(*) Composés le plus souvent de personnes qui se connaissent déjà, ces groupes offrent une structure qui facilite le dialogue, l'échange et le débat.

D'autre part, la finalité de la manifestation n'est pas d'apporter une réflexion étoffée et pleine de nuances sur une situation sociale jugée inacceptable, mais de réveiller les consciences au sujet de cette dernière en créant un événement de toutes pièces. Comme le devoir parental de correction par rapport au devoir d'éducation, la texture « plus musclée » de la manifestation requiert pour être comprise qu'elle soit placée en contexte, c'est-à-dire à l'intérieur du mouvement social auquel en général elle appartient.

A. La diversité des formes de manifestation

Aux termes de l'article 2 de la proposition de loi fixant les mesures d'application de la liberté de manifestation, il est disposé que : « la manifestation s'entend comme tout rassemblement sur les voies publiques ou en plein air, préalablement déclaré, en vue d'extérioriser une conviction ou une volonté collective affirmant, approuvant ou désapprouvant un fait, un acte ou une mesure quelconque ».136(*)Dans son alinéa deuxième, elle distingue la manifestation mobile de la manifestation stationnaire. Lorsque la manifestation se déplace d'un point à l'autre de la voie publique, elle est mobile. Elle est stationnaire lorsqu'elle ne comporte aucun déplacement.137(*) Celle-ci nous semble complète, car, elle retient trois éléments, qui sont : une action collective, une action publique ainsi que la portée expressive. 

Cité par Gabriel Babinau, André Jodouin définit, la manifestation comme une « une action collective et publique qui a pour but la communication ».138(*) Cette définition a l'avantage d'englober la manifestation sous toutes ses formes. Elle retient aussi trois éléments essentiels de la manifestation, soit ses aspects collectifs, publics, et expressifs. Fillieule et Tartakowsky considèrent que la manifestation renvoie toujours à quatre éléments : une occupation momentanée d'un lieu physique ouvert, une expressivité, une pluralité de participants et une dimension politique139(*). Le quatrième élément n'est pas toujours évident, du fait que certaines manifestations n'ont rien de politique étant donné qu'elles ont pour finalité la juste satisfaction d'un besoin social.

Pour Bernard Stirn,la manifestation est « une réunion qui présente la double particularité d'être organisée sur la voie publique et d'avoir pour projet d'exprimer un sentiment collectif ». Elle peut être fixe ou se combiner avec un déplacement et un cortège. Mais comme on peut vite s'en rendre compte, cette approche s'écarte de celles que propose bon nombre de législations sur la question, qui distinguent les manifestations publiquesdes réunions publiques.140(*)

La manifestation peut se dérouler dans ces deux types d'endroits, pourvu qu'il s'agisse d'un lieu ouvert au public. La notion d'occupation momentanée de lieux physiques ouverts exprime bien cette idée. La dimension publique de la manifestation est intimement liée à sa dimension expressive. Pour que la manifestation puisse communiquer son message, il faut nécessairement qu'elle se déroule à la vue des gens, donc dans un lieu physique ouvert au public.

Pour Fillieule et Tartakowsky, il s'agit de la dimension première de la manifestation : toute manifestation a pour dimension première l'expressivité, tant pour ses participants que pour les publics, par l'affirmation visible d'un groupe préexistant ou non, par la mise au jour de demandes sociales plus au moins précises. Ce second critère permet d'exclure le rassemblement de foule hétérogène, sans principe unificateur, mais aussi des actions politiques visant la discrétion, voir le secret141(*).

Enfin, pour qu'il s'agisse d'une manifestation, celle-ci doit « se traduire par ou déboucher sur l'expression de revendications de nature politique ou sociale »142(*). Ce critère est à la fois central et délicat. Délicat puisque la nature politique de la manifestation ne serait pas toujours évidente. En effet, il peut arriver qu'elle soit dérivée plutôt qu'intentionnelle. Même si celle-ci semble être la plus considérée surtout en raison de la faillite de système de gouvernance des Etats. ·Par exemple : une émeute qui éclate dans un quartier défavorisé peut être le signe d'une crise sociopolitique. Cette dernière dimension touche directement au coeur du débat sur l'importance de la manifestation puisqu'elle sous-entend les liens que la manifestation entretien avec la démocratie.

La liberté de manifestation peut être mieux appréhendée dans ses différences avec d'autres expressions qui ne lui sont pas similaires. Il va de soi que la manifestation nécessite une pluralité d'acteurs puisqu'il implique toujours une réunion ou un rassemblement de gens. La manifestation se tient aussi nécessairement en public, mais il ne s'agit pas ici d'une dichotomie entre propriété publique et propriété privée.

B. Ce que une manifestation publique n'est pas

Il existe plusieurs mouvements ou rassemblement qui s'apparentent à la manifestation qui méritent d'être élucidés afin d'éviter la confusion dans leur appréhension. Parmi ceux-ci, on peut citer l'attroupement et le soulèvement populaire, les contre-manifestations et autres.

B.1. L'attroupement et le soulèvement populaire

Sur le plan pratique, il n'est nul doute que l'attroupement soit confondu à une manifestation ou vice-versa. Cela n'est pas de la considération juridique. Il faut aussi noter la controverse sur le caractère licite ou illicite d'un attroupement.

Le droit distingue la manifestation de l'attroupement. Pour certains chercheurs, les deux concepts ne se renvoient aucunement l'un à l'autre. Pierre Favre143(*) considère qu'un attroupement est un rassemblement des personnes qui ne respecte pas les conditions nécessaires à une manifestation publique.144(*)En d'autres termes, un attroupement n'est pas très éloigné de la manifestation mais la nuance qui existe mérite d'être relevée, car sur le plan juridique les effets sont importants. Yatala soutient que, « la manifestation publique diffère de l'attroupement qui constitue un rassemblement improvisé des personnes et qui présente des risques de trouble à l'ordre public. L'attroupement se caractérise d'après lui par son improvisation et sa désorganisation »145(*). Ainsi, il ne bénéficie pas de la même protection juridique que la manifestation et peut être réprimé par la loi pénale.

Si le code pénal français réprime l'attroupement en tant que tel, le code pénal congolais par contre, réprime l'attroupement lorsqu'il est utilisé pour s'opposer à l'exécution des travaux publics146(*). Pour Bertrand Pauvert et Xavier Latour, conformément au principe du libre accès à la voie publique, le rassemblement de personnes sur celle-ci n'a en tant que tel rien d'illicite et n'a donc pas à être autorisé d'une quelconque manière.147(*)

Il en est tout autrement de son déroulement149(*). En effet, tout rassemblement sur la voie publique peut se voir qualifié d'attroupement, à la discrétion des autorités publiques. L'attroupement désigne un rassemblement spontané et inorganisé de personnes sur la voie ou l'espace publique ; il n'est pas en tant tel interdit ou illégal. Il ne prend un tel caractère que si, sommés de se disperser par l'autorité de police, ses participants refusent de se soumettre à l'invitation qui est faite. A ce moment l'attroupement prend un caractère illégal150(*) et peut être dispersé par la force publique151(*).

Il existe enfin un droit spécifique de l'insurrection, entièrement séparé des droits de la manifestation et de l'attroupement et qui est assorti des lourdes peines parmi les dirigeants et pour les fournisseurs d'armes.

B.2. La contre-manifestation 

La contre-manifestation n'est autre que la manifestation qui s'oppose à une autre en exprimant une opinion contraire. Etymologiquement, la contre-manifestation, vient du mot « manifestion », précédé par le préfixe « contre ».152(*)Si la majorité de manifestations traduisent les pensées révolutionnaires, nous devons aussi préciser que d'autres manifestations expriment le soutien au régime et donc n'a rien de contestataire.En même temps que la liberté de manifestation occupe l'actualité, la contre-manifestation, elle se présente comme une alternative à l'existence d'une pensée unique dans une société donnée.

Depuis un certain temps, les contre-manifestations ont refait surface. En République démocratique du Congo, le nombre d'élus dans une assemblée n'est plus le seul critère pour identifier une majorité politique. Les contestations récurrentes des résultats électoraux ont provoqué une crise de légitimé. Les protagonistes recours ainsi constamment à la rue pour prouver leur ancrage au sein de la population.

La contre-manifestation entretien aussi un lien étroit avec la démocratie.En ce sens qu'elle permet non seulement l'expression des idées et des opinions mais aussi facilite le pluralisme qui est élément essentiel dans un Etat de droit.Il faut de ce point de vue, retenir que la liberté d'expression se révèle aussi bien dans la manifestation que dans la contre-manifestation.

2. La liberté de manifestation : composantes et corollaires

Le droit de manifester peut être bien compris à partir de ses composantes et de ses corollaires. Dans les lignes suivantes, nous allons déterminer les éléments constitutifs de la liberté de manifester et identifier ses corollaires.

Le droit de manifester se compose de trois éléments principaux. Il s'agit de :élément temporels, élément finalistes et élément objectifs :

L'élément temporel, découle du fait que le regroupement un caractère momentané, à la différence de la liberté d'association. Ceci implique que la réunion et la manifestation exigent un regroupement temporel d'un groupement d'individus qui poursuivent une même finalité.

S'agissant de l'élément finaliste, ce dernier se rapporte à l'objectif poursuivit dans la manifestation. Cet objectif peut être soit la défense de l'intérêt général, soit de l'exposition des opinions ou des idées contestataires. Si la majorité de manifestations traduisent les pensées révolutionnaires, nous devons aussi préciser que d'autres manifestations expriment le soutien au régime et donc non rien de contestataire.

Enfin, l'élément objectif, fait la différence car elle sert à déterminer le typer de manifestation et le cas échéant le régime juridique applicable.

§3. Le lien entre la liberté de manifestation et les autres droits et libertés

Comme le relève Jean Morange, « il n'y a guère de liberté qui se conçoive isolée des autres »153(*). Avant de les distinguer l'une des autres, Henri Oberdorff traite ensemble « les libertés de réunion, de manifestation et d'association qui constituent selon lui de libertés essentielles pour le bon fonctionnement les démocraties »154(*). En ce qu'elles permettent à l'individu de participer de manière effective à la vie de la cité, elles représentent la forme la plus aboutie de la liberté d'expression collective des idées et des opinions155(*)

1. Une liberté articulée avec la liberté d'expression

La liberté de manifestation est un mode d'expression collective d'une opinion ou d'un malaise profond et d'une réclamation de changement. De par son essence, la manifestation est toujours porteuse d'un message. L'attitude affichée par les participants traduit souvent le mécontentement ou le soutien que le groupe porte au régime ou à son action. C'est l'un des moyens les plus utilisés par les groupes des pressions pour atteindre leurs objectifs.

La manifestation, lorsqu'elle est revendicative, n'est rien d'autre que l'expression collective, et non pas individuelle, d'idées et d'opinions. Les deux libertés sont très étroitement liées, elles s'articulent, se combinent, se complètent. La Cour prend soin de faire le départ entre les deux libertés : l'une est la règle générale, l'autre la règle spéciale. La connexité des notions permet à la Cour d'appliquer à la liberté de manifestation, les principes bien posés relatifs à la liberté d'expression156(*).

2. Une liberté découlant de la liberté des réunions pacifiques

Traditionnellement, une réunion est « une rencontre organisée et temporaire de plusieurs personnes en vue d'entendre l'exposé d'idées, de se concerter sur la défense d'intérêts ou d'entreprendre une action commune »157(*). La liberté de manifestation publique se distingue également de la liberté d'association, car, cette dernière suppose la constitution des groupes permanents.

En premier lieu, il convient de distinguer les manifestations publiques des réunions publiques. Celles-ci sont généralement perçues comme des rassemblements sédentaires d'au moins deux personnes ne comportant aucun mouvement continu de déplacement d'un lieu à l'autre, alors que celles-là implique forcément un déplacement continu.158(*)

La liberté de réunion est un droit collectif apparenté à la liberté de manifestation et qui est une faculté reconnue à toutes personnes, organisées ou non en association civile permanente, de se rassembler, c'est-à-dire de se trouver ensemble pour discuter, partager, se divertir...bref, pour faire ou ne pas faire quelque chose159(*).

Même si plusieurs législations ne donnent pas de définitions formelles de la réunion, la jurisprudence est précieuse pour mieux connaitre les formes qu'elle peut revêtir. Ce sont par ailleurs, des textes concernant le maintien de l'ordre, de la sécurité qui permettent de la circonscrire encore plus.

Il sied d'explorer la définition de la liberté de manifestation en droit international. L'une des particularités de cette dernière est d'être incluse dans la liberté de réunion, qui peut prendre plusieurs formes. Selon Frédéric Sudre, « le droit à la liberté de réunion pacifique, qui se traduit par la formation de groupes momentanés (réunion, manifestation), permet l'échange en commun d'idées et la manifestation collective de l'activité publique160(*) ».

Le Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires. Sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements (ci-après « Rapport conjoint ») indique en ce sens qu'« une «réunion», selon l'acception la plus courante, est un rassemblement intentionnel et temporaire dans un espace privé ou public à des fins spécifiques, qui peut prendre la forme d'une manifestation, d'un meeting, d'une grève, d'un défilé, d'un rassemblement ou d'un sit-in, avec pour objectif d'exprimer des griefs ou des aspirations ou de célébrer des événements161(*) ».

La capacité de se rassembler et d'agir collectivement est fondamentale pour le développement démocratique, économique, social et personnel, l'expression des idées et la promotion d'une citoyenneté engagée. Les réunions peuvent contribuer utilement au renforcement des systèmes démocratiques et, parallèlement aux élections, jouent un rôle fondamental dans la participation de la population en plaçant les gouvernements face à leurs responsabilités et en permettant l'expression de la volonté du peuple dans le cadre des processus démocratiques162(*).

3. Une liberté se rapprochant de la liberté d'association

Les manifestations emportent association des manifestants, c'est-à-dire pour manifester, ces derniers ont besoin de s'associer. Mais n'en vas pas pour autant que toute association débouche à une manifestation que des individus peuvent s'associer pour bien d'autres fins. C'est ce qu'explique d'ailleurs plus clairement P.-G. Ngondankoy lorsqu'il tente de définir la liberté d'association qu'il qualifie au passage de « droit collectif par excellence », comme la faculté reconnue à plusieurs êtres humains de s'associer, c'est-à-dire de se réunir en vue de coordonner le travail d'intérêt ou de sentiments163(*).

Plus particulièrement, la liberté de manifestation est un mode d'expression collective d'une opinion ou d'un malaise profonde et d'une réclamation de changement. Le message qu'elle porte est souvent adressée à l'autorité compétente. C'est pourquoi elle revêt le caractère d'une liberté fondamentale et fini par bénéficier de la protection juridique.

Section 2. La recherche de la fondamentalité du droit de manifester

Il nous paraît indiqué d'aborder le débat général sur la fondamentalité des droits et libertés avant de revenir sur la liberté de manifestation.

Dans plusieurs systèmes juridiques, la notion de droit fondamental ou de liberté fondamentale renvoie aux droits et libertés situés au sommet de l'ordre juridique. 

La fondamentalité se limite alors à la légiconstitutionnalité,dans d'autres, la fondamentalité est une propriété qui n'est pas réductible à une source déterminée.164(*)Dans l'identification de la fondamentalité, le juge peut opposer les normes constitutionnelles, qui sont toutes fondamentales, et les normes infra-constitutionnelles, dont certaines seulement peuvent présenter ce caractère ».165(*)

Parmi les critères de fondamentalité, on peut retenir les critères formels et non formels, matériels et non matériels.

§1. La fondamentalité est-elle liée à une source ?

Plusieurs juristes publicistes attachent la fondamentalité d'un droit ou d'une liberté à sa source166(*). Ainsi la fondamentalité se réduit à un niveau normatif précis : le niveau constitutionnel ou conventionnel. Dans l'expression « droit fondamental » indique M. Capitant, « le caractère constitutionnel, est exprimé par le mot « fondamental » qui ne signifie rien de plus »167(*). Dans la doctrine française, les partisans de l'approche formelle associent également la fondamentalité à un rang normatif déterminé : le niveau supralégislatif. Pour le juge français des référés en revanche, la fondamentalité n'est pas liée à une source déterminée168(*).La fondamentalité ne se réduit pas à un niveau donné de la hiérarchie des normes.

Les libertés fondamentales reconnues trouvent leur origine soit dans la Constitution, soit dans la loi ordinaire. Cette idée peut s'affirme en droit congolais lorsque la loi n° 11/023 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives en RDC, en son article 2, dispose : « la pratique des activités physiques et sportives est un droit fondamental pour tous »169(*).Les obligations juridiques qualifiées de liberté fondamentale sont issues de normes se trouvant à des niveaux variés de celle-ci. Ainsi, la fondamentalité, loin de se limiter à une source de droit déterminée, constitue une propriété d'une liberté ou d'un droit.

§2. La fondamentalité est une propriété

L'essence de la fondamentalité n'est pas liée à la valeur juridique de la norme qui porte la liberté. Celle-ci n'est certes pas indifférente (du moins si elle est constitutionnelle) mais elle ne représente pour le juge qu'un indice. « Elle agit comme un révélateur de fondamentalité. Rien de plus. La hiérarchie des normes n'intervient pas en tant que telle dans l'identification de la fondamentalité »170(*). Ce qui caractérise cette propriété, c'est l'importance ou l'essentialité d'une norme. Comme l'affirme Gilles Bachelier, « ce qui compte c'est le caractère éminent de la liberté ou du droit en cause »171(*). Ce qui fait le caractère fondamental d'une liberté, c'est son caractère essentiel.

Pour apprécier la fondamentalité d'une liberté, le juge administratif doit mesurer l'attachement que lui vouent les citoyens. Il est aidé, dans cette tâche, par plusieurs critères ou indices qui permettent de limiter la subjectivité inhérente à une telle opération. Le critère principal et presque exclusif est celui de la valeur juridique suprême. Par hypothèse, « les règles de valeur constitutionnelle sont toutes formellement et matériellement fondamentales »172(*). « A l'inverse, les normes infraconstitutionnelles ne sont pas fondatrices d'un ordre juridique, c'est-à-dire formellement fondamentales »173(*). Si certaines d'entre-elles peuvent le cas échéant s'avérer fondamentales, c'est uniquement en raison de leur importance, donc exclusivement d'un point de vue matériel ou substantiel.

Ainsi, il ressort de la jurisprudence une opposition, non pas entre les normes « disponibles » (législatives ou infralégislatives) et les normes « indisponibles » (supralégislatives), mais entre les normes constitutionnelles (qui sont toutes et nécessairement fondamentales) et l'ensemble des autres normes (dont certaines seulement sont fondamentales)174(*). La source constitutionnelle prévaut sur toutes les autres sources de découverte des libertés fondamentales. Les autres sources ne jouent qu'un rôle subsidiaire, supplétif. En raison de l'importance que revêt l'activité sportive, la loi régissant l'exercice du sport en République Démocratique du Congo qualifie ledit exercice d'un droit fondamental en raison notamment de son essentialité.

La vocation prioritaire de la Constitution dans la détermination de la fondamentalité s'explique par une considération simple : l'attachement des citoyens à un droit ou à une liberté est directement formalisé dans la loi fondamentale. Cela étant, les citoyens peuvent également manifester un attachement à un droit ou à une liberté sans que celle-ci ne figure dans la Constitution. Enoncée simplement par une norme infraconstitutionnelle, elle peut néanmoins être essentielle, c'est-à-dire présenter un caractère matériellement fondamental. Ainsi, source principale des libertés fondamentales, la Constitution n'en représente pas le gisement exclusif. La source constitutionnelle recèle nécessairement la fondamentalité ; les sources infraconstitutionnelles ne sont susceptibles de la révéler que de façon exceptionnelle. Cette place privilégiée de la Constitution.

1. La constitutionnalité comme indice de fondamentalité 

La constitutionnalité n'est pas une condition de la fondamentalité mais elle est plus qu'un indice. Elle n'est pas nécessaire, dans la mesure où des normes non constitutionnelles peuvent se voir reconnaître un caractère fondamental. Toutefois, elle est plus qu'un indice puisqu'elle suffit, à elle seule, à qualifier une norme de fondamentale. Il s'agit d'un critère et même du critère qui est, de loin, le plus important, car il est à lui seul suffisant pour caractériser la fondamentalité d'une norme.

Il est le critère par excellence de fondamentalité. Les normes constitutionnelles bénéficient d'une présomption de fondamentalité. Elles correspondent aux deux acceptions du terme « fondamental » ? D'une part, elles présentent un caractère essentiel, ce qui justifie leur consécration dans un texte placé hors des majorités parlementaires. D'autre part, elles sont au fondement de notre ordre juridique et politique. Par-là, la constitutionnalité est par essence révélatrice de fondamentalité.

Les normes constitutionnelles sont formellement fondamentales ; elles sont même les seules normes formellement fondamentales. Comme l'a indiqué Robert Alexy, « Les normes de droits constitutionnels sont formellement fondamentales comme résultat de leur place au sommet de la hiérarchie du système juridique (...) »175(*), « la base indispensable des normes juridiques qui règlent la vie de la collectivité »176(*). » L'unité et la cohérence d'un ordre juridique se forment autour de sa loi fondamentale. Celle-ci, en raison notamment de la stabilité particulière qui la caractérise, représente le fondement et la fondation d'un ordre juridique »177(*) ; elle en établit les assises. Elle représente le fondement de validité de toutes les autres normes178(*).

A mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie des normes, la procédure d'adoption et de modification des actes normatifs devient plus lourde, c'est-à-dire requiert des formalités plus contraignantes et des consentements plus difficiles à obtenir : la stabilité des règles et principes constitutionnels bénéficient d'une stabilité remarquable. « Les règles de droit contenues dans le bloc de constitutionnalité sont beaucoup plus assurées d'une performance ou d'une pérennité que celles contenues dans les lois ordinaires. Le droit donc a un coefficient de sécurité beaucoup plus grand lorsqu'il est de rang constitutionnel que lorsqu'il est de rang législatif ordinaire (...) »179(*).

L'ordre juridique étant conçu comme une pyramide de normes hiérarchiques180(*), les normes infraconstitutionnelles doivent respecter les prévisions de la Constitution. Dans les conditions fixées par les textes et la jurisprudence, une disposition conventionnelle, législative ou administrative pourra voir sa validité contestée devant le juge constitutionnel ou le juge ordinaire181(*). En cas de contrariété avec la loi fondamentale, la norme infraconstitutionnelle se trouvera, selon les cas, annulée ou privée d'effet. En tant qu'ils figurent parmi les normes de valeur constitutionnelle, autrement dit qu'ils représentent la base du système juridique, les droits et libertés constitutionnels sont ipso facto fondamentaux.

Les normes constitutionnelles sont aussi matériellement fondamentales. Norme du consensus182(*), la Constitution représente en effet, le siège des valeurs et des libertés essentielles.183(*)« le moment constitutionnel » est par définition le moment de la coopération générale : « Dans les moments constituants, les volontés politiques des sujets politiques s'accordent dans un but commun : établir les principes qui dominent les intérêts particuliers de chacun pour permettre la vie en commun de tous184(*) » Dès lors, c'est dans la Constitution que l'on est censé trouver les libertés les plus importantes.

Les droits qui y sont énoncés sont en effet, jugés suffisamment primordiaux ou essentiels pour devoir être mis hors de portée des majorités parlementaires. Ils correspondent à « des positions auxquelles on attribue une telle importance que la décision concernant leur acceptation ou non-acceptation ne peut être confiée à la simple majorité parlementaire »185(*). Et de fait, un lien étroit unit depuis longtemps Constitutions et libertés186(*). En France, le principe d'une définition constitutionnelle des droits et libertés s'est imposé dès la Révolution187(*). Les constitutions qui se succèdent depuis 1791 comportent en principe une liste de droits et libertés. « Même les constitutions les plus autoritaires contiennent au moins une garantie explicite des principales libertés »188(*).

La constitutionnalité emporte de plein droit la fondamentalité. Les normes constitutionnelles sont toutes fondamentales du fait de la conjonction, en ce qui les concerne, des deux acceptions du terme fondamental. Rien ne peut affecter la fondamentalité d'un droit. Notamment, les restrictions législatives apportées à l'exercice de droit constitutionnel n'en suppriment nullement le caractère fondamental. Cela étant, le juge administratif considère qu'une norme peut également être fondamentale d'un point de vue strictement substantiel. Si la Constitution épuise la fondamentalité formelle, elle n'épuise nullement la fondamentalité matérielle.

En ce qui concerne la liberté de manifestation, sa fondamentalité est hors de toute contestation tant en fonction de son essentialité que de sa prise en charge par la constitution du 18 février 2006. Si le débat n4est plus permis sur la fondamentalité de la liberté de manifestation au regard de précédents développements, il est admis que certaines libertés consacrées par des normes infra-constitutionnelles sont aussi fondamentales.

2. La fondamentalité des libertés infra-constitutionnelles

En ce qui concerne la consécration d'une liberté fondamentale à partir d'une disposition législative, celle-ci n'est pas dépourvue de risque au regard des caractères précaires et subordonnés qui sont aujourd'hui ceux de la loi. Non seulement la loi peut toujours être privée d'effet pour inconstitutionnalité ou inconventionnalité mais elle peut en outre être abrogée par le parlement à tout moment. Pour autant, l'importance de ce risque doit être relativisée.

En ce qui concerne son identification, la fondamentalité d'une norme infraconstitutionnelle s'évalue à l'aune d'un critère purement matériel. C'est sur ce point qu'apparaît la différence majeure entre les normes constitutionnelles et les normes infraconstitutionnelles. Alors que le critère de la valeur juridique suprême est à lui seul suffisant pour reconnaître la fondamentalité d'une norme donnée, une disposition de rang infraconstitutionnel ne sera fondamentale que si elle présente un caractère éminent ou essentiel.

Section 3. La proximité sémantique impliquant une précaution de langage dans l'usage de certains concepts

Promouvoir les droits fondamentaux et les protéger renvoient à deux notions juridiques distinctes nonobstant la tendance un peu répandue à les confondre. Il convient dans cette section, de préciser la cloison entre les concepts « promotion » et celui de « protection » (§1.) en vue de mettre en lumière l'intérêt scientifique de cette différenciation.

Cet intérêt nous amènera à examiner la portée de l'ordre public en ce qu'il constitue l'argument principal des pouvoirs publics pour justifier la défaillance de protection de la liberté de manifestation. Par ailleurs, l'ordre public et l'espace public méritent pareillement d'être différenciés (§2), au motif que l'occupation de celui-ci est de nature à porter atteinte à celui-là.

§1. La distinction entre la promotion et la protection

Avant de différencier les deux concepts, promotion et protection, il nous paraît indispensable d'abord de les définir séparément. Ainsi, au premier point il sera fait un dégagement conceptuel du mot promotion et protection.

1. Définition des concepts promotion et protection

Les deux concepts sont parmi les concepts les plus utilisés en matière de droits fondamentaux au point de se confondre mutuellement. Pour certains la promotion est synonyme de protection. Que sont-ils ? Et que signifient-ils exactement ?

A. Promotion

Le mot promotion vient du latin promotio qui signifie avancement. Selon le dictionnaire Larousse, le mot promotion vient du verbe promouvoir, du latin « promovere » qui signifie faire avancer.189(*) Le mot signifierait aussi favoriser le développement ou l'essor de quelque chose ou encore mettre en oeuvre. Dans le cadre de cette recherche, c'est le deuxième sens du mot qui sera plus rapproché de notre objectif de recherche. Nous pouvons ainsi définir la promotion comme étant une action de vulgarisation ou d'éducation aux droits fondamentaux.

L'emploi de ce concept dans cette étude risque d'être révélateur d'un optimisme exacerbé dans la mesure où nous avons indiqué plus haut que l'affirmation de la jouissance effective du droit de manifester demeure encore sujette à caution en République Démocratique du Congo. Peut-on promouvoir une liberté fondamentale là où maints observateurs nient son existence ?

B. Protection

Le concept protection tire ses origines du mot latin « protectio » qui signifie protéger, arbitrer, défendre, ou soutenir quelque chose ou quelqu'un. Il est donc un soin préventif face à un éventuel risque ou problème. Le concept protection se définit comme étant de bien être dont devrait jouir tout individu. Pour le dictionnaire Larousse, la protection doit être appréhendée comme un ensemble de mesures destinées à assurer quelqu'un contre un risque, un danger, un mal190(*).

Par garantie de protection des droits de l'homme, l'on entend l'ensemble des mécanismes organiques et procéduraux prévus par le Droit en vue d'assurer la sauvegarde, quelque fois la promotion, des prérogatives reconnues à la personne humaine contre d'éventuels atteintes qui proviendraient de toutes parts ou de n'importe qui.

En droit des droits de l'homme, ces mécanismes sont soit d'origine nationale, soit d'origine internationale. Si les mécanismes internationaux sont les plus souvent connus, aidés pour cela par la « diplomatie des droits de l'homme » et relayés tant par les médias que par l'action des associations de défense des droits de l'homme, il n'en est pas souvent le cas des mécanismes nationaux, surtout ceux institués par la Constitution.

Le phénomène a pris de l'ampleur en République Démocratique du Congo non seulement à cause de la prolifération des associations de défense des droits de l'homme dont la majorité » est financée par des fonds extérieurs mais surtout à cause de l'ignorance par la population, voire du mépris par les autorités, de la Constitution dans la vie courante.

2. Intérêt de la distinction

Les concepts promotion et protection sont des plus utilisés en matière de droits fondamentaux. En même temps ils sont pris pour synonymes l'un pour l'autre. Dans ce cadre une précision du langage s'impose en vue d'éviter l'arbitraire et la confusion dans le langage.

A. Une exigence doctrinale

Plusieurs instruments juridiques internationaux et nationaux reprennent les mots promotion et protection sans préciser leurs sens en termes de définition. Pour en savoir plus, il faut ainsi recourir aux lexiques et divers dictionnaires. Si ces derniers les définissent, ils n'établissent pas pour autant leurs divergences. Dans ce cadre, le recours à la doctrine de vient sans aucun doute une préoccupation de chercheurs.

Certainsauteurs semblent dans leurs écrits confondre la promotion à la protection des droits fondamentaux, car, ils utilisent l'un pour l'autre. Une pareille utilisation peut ouvrir une porte à l'arbitraire. D'où la nécessité d'établir les bornes, tout en déterminant préalablement leurs possibles compénétrations.

B. Une précision terminologique

Le droit est un énoncé, un discours que l'on construit à base des concepts. Toute anarchie dans la définition des concepts employés dans le discours juridique constitue une menace pour les fondements mêmes de la discipline et la science juridique risque d'en perdre son rayonnement. C'est dans ce contexte qu'il sied de constater la difficulté de théorisation à laquelle sont généralement confrontés les chercheurs en sociales en général et en droit en particulier.

Ainsi, mettre en lumière la cloison qui sépare les deux concepts se révèle non seulement comme une démarche noble dans son essence, mais d'un apport scientifique non négligeable.

§2. L'ordre public matériel et immatériel

Dans ce paragraphe, il sera défini successivement les concepts « ordre public » dans toutes ces dimensions.

1. La conception retenue de l'ordre public

Définir l'ordre public constitue une tâche épineuse. La doctrine souligne de manière constante les difficultés à cerner juridiquement les contours de cette notion, au contenu insaisissable191(*). L'ordre public est une vaste conception de l'ensemble de vie en commun sur le plan politique et juridique.192(*) Son contenu varie évidemment du tout au tout selon les régimes.193(*) A l'ordre public s'opposent, d'un point de vue dialectique, les libertés publiques et les droits fondamentaux des citoyens.

Les prémices de l'ordre public remontent au VIeme siècle, où il est assimilé aux « lois publiques » puis au « droit public » au sein du Digeste194(*). A la fin du XVIIIème siècle, le projet de Code civil de l'an IV fait référence à la notion d' « ordre social », tandis que celui de l'an XII évoque de nouveau le « droit public »195(*). De fait, sous l'Ancien Régime, la puissance souveraine est considérée comme l'auteur, la garante et la bénéficiaire de l'ordre social196(*). Dans les provinces, l'intendant constitue le « garant de la sécurité, de l'ordre social et de l'ordre public »197(*).

De manière explicite, l'expression « ordre public » émerge à la Révolution française. L'essoufflement des structures de l'Ancien Régime conduit la bourgeoisie à repenser le pouvoir et à formaliser le pacte social198(*). La notion d'ordre public figure ainsi dans les deux instruments phares de la « modernité juridique »199(*) que sont la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789200(*) et le Code civil de 1804201(*).

Depuis, l'ordre public surgit à chaque degré de la hiérarchie des normes et se retrouve dans l'ensemble des branches du droit202(*). La pluralité des ancrages de l'ordre public dans l'ordre juridique illustre, à elle seule, son caractère essentiel. Il s'analyse comme une norme inhérente au Droit203(*). Cependant, cette notion ne fait pas l'objet de définition légale, c'est-à-dire d'un énoncé en droit positif204(*). A l'image du constat dressé par Georges Vedel à propos du droit, l'ordre public serait « indéfinissable mais présent »205(*).

Dans le même sens, Wachsmann soutient que « le discours de la liberté et celui de l'ordre public sont fondamentalement contradictoires, sourds l'un à l'autre (...) »206(*). Si au cours des siècles, les deux notions étaient antinomiques, il n'en demeure pas moins vrai aujourd'hui, qu'elles tendent à se conditionner207(*).

Il définit l'ordre public comme « l'ensemble de valeurs dont les pouvoirs publics jugent nécessaire d'imposer le respect à un moment déterminé »208(*). Ces valeurs sont hétérogènes et se résumeraient, selon la doctrine à la sécurité publique, la tranquillité publique, la salubrité publique ainsi que la moralité publique, cette dernière étant un complément à la trilogie traditionnelle. La notion continue ses conquêtes et inclurait aujourd'hui la dignité humaine, conformément à un arrêt du Conseil d'État français. En effet, le Conseil d'État de France, le même qui avait intégré la moralité publique parmi les composantes de l'ordre public plus de 35 ans avant209(*), a fait de la dignité humaine cinquième composante de l'ordre public.210(*)

A. La double acception de la notion d'ordre public

L'indétermination de la notion d'ordre public provient des réalités diverses auxquelles elle renvoie. De manière générale, « est d'ordre public, ce qui est si important qu'est mise en question l'essence de la société ou de son droit »211(*).

Une première difficulté apparaît ici puisque s'opposent, en doctrine, les thèses unitaires et dualistes. Selon les premières, l'ordre public a une réelle unité conceptuelle. Il se définit comme l'ensemble des règles que les autorités publiques estiment indispensables pour sauvegarder la stabilité et les valeurs de la société212(*). Au-delà de la diversité de ses expressions dans les branches du droit, la notion d'ordre public est considérée comme une213(*). Pour Paul Bernard, par exemple, il s'agit « toujours d'assurer le respect d'une exigence sociale fondamentale »214(*).

A l'inverse, les thèses dualistes considèrent qu'il y a deux conceptions de l'ordre public215(*). L'une, procédurale ou contentieuse, fait référence aux règles dont le caractère impératif s'impose à tous en vue de maintenir l'ordonnancement juridique général216(*). Il s'agit de l' « ordre des comportements juridiques », c'est-à-dire des opérations juridiques217(*). La seconde, matérielle, renvoie, quant à elle, à la paix interne, à la sécurité qui permet à un groupe humain de former une société et donné, l'état social dans laquelle la paix, la tranquillité et la sécurité publiques ne sont pas troublées »218(*). Ainsi envisagé, l'ordre public est celui à la réalisation duquel contribue la police : il vise l' « ordre des comportements matériels »219(*).

Cette nouvelle vision de l'ordre public traduit, de toute évidence, le conditionnement de l'ordre public et la liberté. Parmi les quatre composantes de l'ordre public, il y a trois premières qui se rapportent à l'ordre public matériel, suivie de deux dernières qui sont liées à l'ordre public immatériel.

B. La conception matérielle de l'ordre public

Dans le cadre de cette étude, seule l'acception matérielle de l'ordre public sera examinée, précisément parce que c'est sous cet aspect que l'ordre public fait l'objet d'un renouvellement. Prise en ce sens, la notion doit là aussi être précisée. L'ordre public peut être défini comme l'absence de troubles au sein de la collectivité220(*). Positivement, il signifie « l'établissement, dans la collectivité, des conditions qui assurent le plein épanouissement de l'individu »221(*). L'ordre public comprend alors les buts légalement visés par la police administrative, à savoir, à titre principal, la sécurité, tranquillité et la salubrité publique222(*). Il bénéficie, par ricochet, d'une amorce de définition légale puisque ces objectifs correspondent à ceux de la police municipale, énoncés dans la loi du 5 avril 1884223(*) et repris par l'article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales.

D'un point de vue matériel, l'ordre public entretient des liens étroits avec l'intérêt général, finalité de toute activité administrative224(*). Cependant, l'ordre public s'en distingue225(*), dans la mesure où il ne constitue qu'une catégorie spécifique de l'intérêt général226(*).

De plus, l'ordre public dépasse la seule police administrative. Celle-ci « n'épuise pas l'essence de l'ordre public »227(*). Comme le relève Jean Combacau, l'ordre public comprend non seulement les figures de la police administrative mais aussi la loi pénale puisque l'une et l'autre visent à mettre fin aux troubles228(*). L'ordre public constitue en effet un élément de définition du droit pénal229(*). L'atteinte à l'ordre public, lors de la commission d'une infraction, constitue le fondement de l'application du droit pénal230(*). Ainsi entendu, l'ordre public remplit des fonctions précises dans l'ordre juridique.

2. Les fonctions précises de l'ordre public

L'apparition du concept d'ordre public tient avant tout à sa fonction dans l'ordre juridique. Il s'agit d'assurer la sauvegarde des droits et libertés de l'individu « lorsqu'ils ne disposent pas, par eux-mêmes, des moyens de s'auto-protéger ou de se réaliser »231(*). En cela, l'ordre public comprend « un ensemble d'effets juridiques, nécessaires à l'accomplissement de sa fonction d'instrument de structuration et de cohésion sociales »232(*). Son rôle consiste à justifier des restrictions aux droits et libertés afin d'assurer les conditions sociales de leur exercice. Néanmoins, l'ordre public implique de limiter leur exercice uniquement dans la mesure où cela est nécessaire à la protection même de l'ordre public qui garantit ces droits233(*). Il s'agit d'un « ordre finalisé », lié à la construction de l'État libéral et indispensable à la garantie des droits234(*).

L'analyse fonctionnelle de l'ordre public235(*) explique pourquoi l'ordre public apparaît de manière concomitante à la proclamation des droits et libertés à la fin du XVIIIème siècle. Elle révèle, par là même, la corrélation entre l'ordre public et les libertés236(*). Cette idée illustre la continuité du droit237(*). Dès le début du XXème siècle238(*), le Conseil d'État pose le principe selon lequel les limitations apportées aux libertés par l'autorité de police ne sont légales que si le maintien de l'ordre public les rend nécessaires239(*), du droit de la Convention européenne des droits de l'homme et, plus généralement, du droit international des droits de l'homme240(*). Les droits supranationaux reconnaissent aux États membres la possibilité de limiter les droits fondamentaux par des impératifs d'ordre public dans stricte mesure où ceux-ci l'exigent.

En droit constitutionnel, cette « conception circulaire »241(*) de l'ordre public, défini comme « norme de nécessité »242(*), découle de la Déclaration de 1789. Elle ne s'est imposée au législateur qu'à partir du moment où la Constitution a bénéficié d'une garantie juridictionnelle à même d'en sanctionner la méconnaissance. Dès ses premières décisions, le Conseil constitutionnel impose le respect de cette dialectique au législateur243(*).

La fonction de l'ordre public dans l'ordre juridique permet ainsi d'expliquer pourquoi l'ordre public demeure une norme non écrite. Il comprend « toutes les exigences considérées comme les plus vitales au sein d'un ordre juridique »244(*). En ce sens, l'ordre public est une notion changeante245(*). Comme le relève Nathalie Jacquinot, « la société évolue, ses valeurs changent, ce qu'elle ne tenait pas pour fondamental peut le devenir et l'ordre public s'adapte en conséquence : s'il apparaît comme une notion fixe, quasi-intemporelle, c'est précisément parce qu'il a su évoluer avec elle »246(*).

L'ordre public matériel ou extérieur s'inscrit dans le cadre de la trilogie traditionnelle de la notion, à savoir, la sécurité ou la sureté publique, la tranquillité publique et la salubrité publique. Cette conception du départ visait le maintien des conditions de vie saines et paisibles au bénéfice des populations d'un groupe social donné. Prise en ce sens, la notion doit la aussi être précise. Elle peut être définie comme l'absence de troubles au sein de la collectivité247(*).

3. La conception immatérielle de l'ordre public

Aujourd'hui, la trilogie traditionnelle, défendue par Maurice Hauriou248(*) n'est plus exhaustive. A côté de l'ordre public matériel ou extérieur, se développe la notion de l'ordre public immatériel ou intérieur constitué de l'ensemble des règles juridiques et des valeurs qui s'imposent pour des raisons de moralité ou de sécurité impératives dans les rapports sociaux.249(*) De plus en plus, la notion de l'ordre public immatériel refait surface sur le champ des libertés fondamentales dont celui du droit de manifester. En France le juge a considéré comme légitime l'interdiction de la manifestation ayant comme mobil principal la distribution de la soupe au cochon. Considérant que parmi les populations françaises, il existe, celles qui ne consomment pas le cochon. Cette manifestation était considérée comme une discrimination et une provocation contre les musulmans et les juifs reconnus pour leur hostilité à la consommation de la viande de porc.

CHAPITRE DEUXIEME :
L'ÉVOLUTION DES CADRES CONTEXTUEL ET JURIDIQUE DE L'EXERCICE DE LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION

L'État Indépendant du Congo vécut vingt-trois ans. La création et l'organisation de l'État Indépendant du Congo, État hors-normes, furent un cocktail d'ambitions et d'opportunités. L'adaptation aux circonstances joua un rôle majeur dans l'évolution des ambitions géostratégiques du roi, dans les campagnes contre les Afro-Arabes, dans les alliances ou les conflits avec les chefs locaux. Les attributs d'un État moderne furent fixés sur le papier : lois, services officiels, organigrammes bureaucratiques et hiérarchie250(*).

Le roi donna un caractère particulier à cet État par la constitution d'un « domaine privé » qui réservait à l'État et bientôt à des compagnies mixtes les ressources du sol et du sous-sol. Il en alla de même pour le « domaine de la couronne », concession gérée par l'État et dont les revenus devaient permettre au roi de financer des projets durables en Belgique. Avant son annexion par la Belgique, le Congo ressemblait plus à une entreprise privée qu'à une colonie classique. Si cette assertion passe pour vérité, il est dès lors illusoire d'imaginer que les manifestations publiques puissent prospérer dans une entité gérée comme une entreprise individuelle.

En 1908, le Congo deviendra une possession coloniale belge. Comment expliquer cette transformation d'un État en une Colonie ? Elle ne se fit pas à l'improviste; elle ne fut pas non plus, comme on pourrait le croire, uniquement le résultat des campagnes menées contre le régime léopoldien. En fait, l'annexion du Congo par la Belgique représente l'aboutissement d'un long travail de préparation : « elle trouve son origine à la fois dans la volonté du Souverain, dans l'aide financière capitale que la Belgique avait en une période difficile apportée à l'État, et dans la conscience de plus en plus grande que le peuple belge prenait, au début de ce siècle, de ses responsabilités devant l'oeuvre africaine »251(*).

Une succession d'événements marque les étapes qui préparèrent cette annexion. Leur point de départ se trouve en 1889 : cette année, Léopold II avait fait un testament dans lequel il déclarait « léguer et transmettre après sa mort, à la Belgique, tous ses droits souverains sur l'État Indépendant du Congo ». L'année suivante, la convention du 5 juillet 1890 faisait faire à la Belgique un nouveau pas en avant. Par cette convention, l'État Belge avait consenti à l'État Indépendant du Congo un prêt important de vingt-cinq millions de francs ; en contrepartie de cette aide, il avait reçu une option qui lui permettait, au bout de dix ans, de s'annexer le territoire du Congo. Cette annexion possible n'allait pas sans conditions, notamment celle d'éteindre par voie de confusion la dette contractée.

Une nouvelle étape fut atteinte en 1901. En effet, à ce moment, la convention de 1890 venait à échéance et la Belgique pouvait exercer son option. Déjà une proposition d'annexion était déposée au Parlement, lorsque Léopold Il, tout en confirmant son testament et en réaffirmant le droit de la Belgique, demanda de surseoir à l'annexion jusqu'au moment où le Congo serait tout à fait productif. En fait, le Souverain voulait éviter les dangers qu'aurait entraînés une annexion précipitée, mal préparée.

Déférant au désir du Roi, le Parlement chargea alors une commission, formée de députés appartenant à tous les partis, de préparer un projet de loi sur « le gouvernement des possessions coloniales de la Belgique ». Ainsi s'annonçait la dernière phase de l'évolution. Les campagnes déclenchées contre le système instauré au Congo allaient contribuer à précipiter les événements, et le 3 décembre 1907 le projet de loi souhaité était déposé sur le bureau de la Chambre. Ce projet consacrait la cession à la Belgique de « la souveraineté des territoires composant l'État Indépendant avec tous les droits et obligations qui y sont attachés »252(*). Après de laborieuses négociations, le Parlement votait le 20 août 1908, la loi réalisant l'annexion du Congo.

Le 15 novembre de la même année, l'État Indépendant cessait d'exister pour devenir « le Congo Belge ». Le pouvoir souverain du Roi Léopold II ayant été transféré au Royaume de Belgique, la mutation ainsi réalisée253(*) était riche en conséquence sur le plan de la règlementation interne : La Constitution belge de 1831 devrait s'appliquer sur le territoire de la colonie, le législateur belge avait désormais le lourd fardeau de doter la colonie d'un arsenal juridique conséquent susceptible d'y organiser la vie et le commerce, dans un esprit de paternalisme assumé par les colons. Il se posera la question de la jouissance des droits fondamentaux garantis dans la constitution belge parmi lesquels la liberté de manifestation par les habitants de la colonie (section I).

Cette période sera suivie par une autre, celle du règne du président Joseph-Désiré Mobutu, qui changera l'appellation du Congo en Zaïre et imposera une rude dictature durant un peu plus de 32 ans. Son règne aura été précédé par une courte durée d'un règne latent, qui durera 5 ans, soit de 1960 à 1965. Dans ce contexte de pouvoir autocratique, il n'est point de doute que la jouissance et l'exercice des droits fondamentaux de la personne humaine ait connu de sérieuses entraves. La liberté de manifestation, qui comporte en elle les germes de la contestation du pouvoir, ne pouvait qu'être regardée avec beaucoup de mépris sous la dictature (section II). Il n'est cependant pas exclu que des manifestations aient été organisées durant cette période. Elles répondaient toutefois à une stratégie d'expression du militantisme au gré du soutien des actions du parti unique devenu parti-État, même si certains mouvements de contestation pouvaient être inventoriés, surtout vers les années 90. La gestion des manifestations publiques sous les régimes kabilistes (section III) a vendu une image sombre de la RDC, si bien qu'au regard des atteintes multiples auxquelles le droit de manifester a fait face, on pouvait bien conclure à un recul, ou plutôt à une éclipse de la liberté de manifestation en RDC.

Section 1. Le Congo-Belge : l'exercice de la liberté de manifestation dans un contexte colonial

Nous aurions voulu aborder ce chapitre avec cette énigme tragique : qu'aurait été l'Afrique noire sans la colonisation ? Résoudre cette énigme n'était pas possible, non pas parce qu'il aurait été fou de vouloir embrasser tous les changements que la colonisation a introduits dans les sociétés africaines, non pas tant parce qu'il aurait été insensé de vouloir appréhender la complexité des effets d'externalités et d'équilibre général auxquels la colonisation a donné lieu à l'échelle du monde, mais parce que d'emblée l'Histoire nous opposait une impossibilité radicale : aucun contrefactuel n'existe, tous les pays africains ont été colonisés. Tous ou presque, puisque seule l'Éthiopie a su rester indépendante en infligeant une défaite aux Italiens à la bataille d'Adoua en 1896, faisant de cette victoire la première d'un pays africain sur les colonialistes.

Dans ces circonstances, il devenait impossible de considérer l'Ethiopie comme le contrefactuel de l'Afrique avec la colonisation. Quand tout un continent, et plus encore la plus grande partie de l'hémisphère sud, a vécu la colonisation, les retombées sont telles que même les pays indépendants comme l'Ethiopie n'ont pas évolué comme s'il n'y avait pas eu de colonisation. Nous ne saurons donc jamais ce qu'aurait été l'Afrique sans la colonisation.

Pourtant, cette question mérite de rester posée, car la liberté de manifestation, victime de l'environnement liberticide colonial, a pourtant contribué, dans certaines circonstances, à éradiquer cet horrible phénomène. En tentant d'évaluer l'impact de long terme de l'histoire coloniale sur le développement des inégalités en Afrique, il convient aussi, sans en faire l'une des préoccupations centrale de la présente recherche, de chercher à rencontrer l'Afrique d'avant la colonisation, ses royaumes, ses sociétés acéphales, ses régions dynamiques et ses régions reculées, ses routes commerciales, ses villes, ses comptoirs, ses peuples.

L'Afrique est encore aujourd'hui perçue comme un continent qui avant la colonisation n'était « pas assez entrée dans l'histoire »254(*). L'homme africain comme un homme « qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles »255(*).

Mais l'historien Henri Brunschwig, élève de Lucien Febvre et de Marc BLOCH, héritier de la tradition « positiviste », émet un autre son de cloche : il considérait l'histoire comme un travail de rigueur et de raison fondé sur la critique des textes, à l'écart des tumultes et des engagements. Dans son ouvrage sur l'histoire de l'Afrique noire256(*), Henri Brunschwig donne un éclairage très instructif sur la période1830-1890, période décisive qui précéda la période coloniale : « L'Afrique noire s'ébranlait et se modifiait, tout comme l'Europe à partir des inventions et des découvertes qui la sortirent du Moyen-Age. (...)

Le rythme de l'évolution fut à la mesure du Noir, libre d'accepter ou de refuser les nouveautés : l'Africain n'eut pas le sentiment d'être contraint et dominé. Il traita en général d'égal à égal avec l'étranger et ne se sentit pas entraîné malgré lui sur une voie qui ne lui convenait pas. Cette évolution aurait pu continuer. Elle fut interrompue dans le dernier quart du XIXe siècle. (...) L'Afrique noire était en voie d'occidentalisation lorsqu'elle fut partagée »257(*).

Pendant quatre-vingt ans, l'histoire de la Belgique a été celle d'une puissance coloniale. Celle-ci commence en 1885, lorsque les grandes puissances reconnaissent la souveraineté personnelle du Roi des Belges, Léopold II, sur l'État Indépendant du Congo.

Cette histoire coloniale se poursuit jusqu'aux indépendances des années 1960, en passant par la reprise formelle de la colonie congolaise par l'État belge en 1908 et, au lendemain de la Première Guerre mondiale, par celle des anciennes colonies allemandes du Ruanda-Urundi. Cette période coloniale, qui concerne près de la moitié de l'histoire de la Belgique, s'est accompagnée de la mise en oeuvre d'une propagande raciste massive en vue de légitimer la colonisation dans l'esprit de l'ensemble de la population belge258(*).

Dans cette société coloniale aux élans absolutistes, la question de la reconnaissance des libertés est complexe à aborder. Complexe à cause de la promiscuité de la société coloniale, une promiscuité due principalement à des disparités juridiques entre les différentes couches sociales.

Dans son discours cependant, comme parfois dans son agir, le pouvoir colonial se réfugie à l'ombrage d'un paternalisme qui tend à justifier et occulte ses atrocités. Conscient de la nature liberticide du régime implanté au Congo, la Belgique se résigna de reconnaitre certaines libertés potentiellement subversives aux congolais. Parmi ces libertés figurent la liberté de réunion, la liberté de manifestation, la liberté d'expression, pour ne citer que celles-là. Et pourtant, tous ces droits étaient consacrés par la Constitution belge qui devrait s'appliquer aussi dans la Colonie (§1).

Sur terrain, les atrocités commises sur les populations autochtones du Congo frisaient un mépris total des droits garantis aux habitants de la colonie (§2).

§1. Le régime applicable à l'exercice de la liberté des manifestations

La domination du colonisateur sur le colonisé s'est accompagnée, sous le couvert du paternalisme, de la promotion d'une vision raciste de son histoire et de son humanité. Cette entreprise colonisatrice s'exerce dans une situation de perplexité entre d'une part la nécessité de civiliser les populations et le vent de promotion des droits de l'homme259(*). Du côté des colonisés, la même perplexité de choix hantaient les esprits qui devraient choisir entre la résignation au paternalisme et la défense de leurs droits légitimes. Dans ce contexte précis, les populations colonisées, à défaut d'adresser aux colonisateurs leurs revendications par l'exercice de la liberté de manifestations publiques, se sont vues obligées de recourir à d'autres voies d'expression violentes tels les émeutes, les révoltes, les rebellions, etc.

1. La résignation au paternalisme

Caractérisée par un paternalisme caricatural, n'excluant pas une répression féroce de tout mouvement revendicatif, l'exploitation coloniale ne pouvait qu'obtenir la résignation des indigènes, qui ne pouvaient que s'acclimater à cet environnement. La liberté d'expression étant inexistante, l'opposition prit longtemps un tour religieux, sous l'égide d'Églises syncrétiques : celle de Simon Kimbangu, à partir de 1921, celle de la Kitawala (Watchtower), à partir de 1923, parmi d'autres. Sans oublier les différentes révoltes, notamment celle de Batetela et autres.

Mais le paternalisme qui régissait les rapports entre Européens et Congolais ne résista pas à l'émancipation des populations indigènes traduite à travers les différents mouvements contestataires. A partir des années 1950, l'opposition se politisa. En 1956 parut le Manifeste de Conscience africaine, rédigé par un groupe d'« évolués » qui réclamait l'indépendance. L'exemple des colonies françaises qui, tels le Sénégal et, plus près, le Gabon, accédèrent à la souveraineté en 1960, entraîna rapidement le Congo belge dans la bourrasque d'une indépendance qui n'avait pas été préparée.

A. Une consécration excluant les indigènes

La loi sur le gouvernement du Congo-belge, votée par le Parlement belge, reconnaissait certains droits aux congolais à l'exception de ceux inhérents à la vie démocratique. Les articles 2 à 6 de la Charte coloniale reconnaissent aux belges, aux étrangers et aux indigènes, se trouvant sur le territoire du Congo, deux espèces distinctes de droits : d'une part, des droits qui s'imposent au respect du Gouvernement, qui limitent son pouvoir d'intervention, mais ne l'astreignent à aucun service positif, à aucun devoir d'assistance directe. Ce sont les droits publics et civils ; et d'autre part, des droits qui exigent de l'État une coopération active, l'aide puissante de ses agents pour assurer aux bénéficiaires des avantages de progrès et de civilisation. Ce sont des droits-créances, dont les droits à l'assistance prévus surtout par les dispositions de l'article 5.260(*)

La disposition la plus importante demeure le premier alinéa de l'article 2 de la Charte qui est ainsi libellé : « Tous les habitants de la colonie jouissent des droits reconnus par les articles 7, alinéas 1er et 2, 8 à 15, 16, alinéa 1er, 17, alinéa 1er, 21, 22 et 24 de la Constitution belge.

Ces articles de la Constitution belge consacrent notamment la garantie de la liberté individuelle261(*), la prescription sur le juge naturel262(*), le principe de la légalité des peines263(*), l'inviolabilité du domicile264(*), la propriété privée265(*), la nullité des peines de confiscation des biens266(*) et de mort267(*), la liberté de culte et d'opinion268(*).

C'est pourtant l'article 19 de la constitution belge qui garantissait la liberté de culte et de manifester ses opinions en public ou en privé.

B. La portée libérale de cette consécration

La reconnaissance des droits et libertés aux indigènes augure le passage d'un régime absolutiste vers une gestion libérale de la métropole. Et pourtant, à une bonne lecture des faits, pareille lecture de la situation du Congo-Belge serait une grave aberration.

L'initiative que la Commission de la Chambre parlementaire avait prise, en proposant de régler dans la Charte coloniale la situation juridique des habitants de la colonie, est hautement louable. Aucune incertitude ne devrait subsister au sujet des règles fondamentales qui régiraient les droits et les devoirs des membres du nouveau groupement social. À l'inverse, ce fut une piètre idée en ce sens qu'elle camouflait cette velléité manifestée dans la suite de discriminer les sujets belges sur la base de leurs origines.

Sans doute, dans la législation de l'État indépendant du Congo, de nombreux décrets reconnaissent isolément certains des droits dont les populations belges trouvent affirmation dans leur Constitution nationale. Mais, dans les pays dotés d'institutions constitutionnelles et représentatives, la situation juridique du citoyen comprend trois séries des droits.

Le paternalisme se découvre ici par le contenu de l'article 5 de la Charte coloniale. Le législateur belge recommande au Gouverneur général de protéger les institutions qui tendent à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation. A ce sujet, les missionnaires chrétiens, les savants, les explorateurs (...) sont l'objet d'une protection spéciale269(*).

L'autorité coloniale belge estimait que pour l'habitant du Congo, il ne peut pas encore être de lui reconnaitre les droits politiques. Après comme avant l'annexion, l'habitant du Congo est resté soumis à un système de gouvernement absolu.

Après l'annexion, l'absolutisme n'est plus exercé par une personne physique, le fondateur de l'État indépendant du Congo, mais l'autorité, pour avoir été transmise à une personne morale, la nation belge, n'en a pas moins conservé son ancien caractère. Le fait qu'après l'annexion les attributions du gouvernement sont partagées entre un roi constitutionnel et des chambres délibérantes n'a pas modifié pour la possession coloniale son régime de dépendance absolue.

Cette répartition des pouvoirs est une affaire relevant du gouvernement intérieur de la métropole qui détermine, comme elle le juge convenable, le mode suivant lequel elle exerce sa souveraineté. Malgré ce partage, les décisions transmises à la colonie s'imposent sans que les arénicoles ou les étrangers aient à contribuer à ces mesures, à les approuver ou à les répudier. C'est cette absence totale de toute participation des personnes gouvernées à l'exercice des attributs du gouvernement qui caractérise le système absolutiste.

Ce système puisait son efficacité dans le recours à la force. Raymond Betts270(*) relève qu'au-delà de la diversité des théories et des méthodes de la domination coloniale avancées ou appliquées dans la période de l'entre-deux-guerres, il ne s'en dégage pas moins un modèle très net de régime bureaucratique. À l'époque, la domination coloniale était passée d'un contrôle militaire à un contrôle institutionnel civil ; le recours direct à la force, lui, tendait à être remplacé par la persuasion administrative. Malgré ce changement, le dernier argument du pouvoir colonial restait le canon. Comme ses plus ardents défenseurs le faisaient volontiers observer, le pouvoir colonial s'était établi par la force des baïonnettes et c'était par elle qu'il se maintenait271(*).

Dans ce contexte, la réticence du législateur belge à consacrer la liberté de réunion et d'association (et plus loin la liberté de manifestation) se fonde sur des raisons évidentes : ces libertés tiennent, aux yeux du Constituant belge, des droits politiques. Leur consécration ne rimera donc point avec un régime absolutiste. « Les lois, a dit le Ministre de la justice, doivent être adaptées à l'état du pays qu'elles régissent, c'est un véritable contresens de vouloir appliquer à un pays encore barbare un régime qui n'a été appliqué à la Belgique qu'après plus de mille ans de civilisation. Il faut tenir compte des faits. Les proclamations des principes théoriques ne servent à rien quand elles vont à l'encontre des réalités272(*). Cette rhétorique ne faisait qu'occulter la crainte des revendications populaires, et cela apparaît clairement dans les propos du Ministre de la justice.

En face d'une tendance qui préconisait de reconnaitre aux belges vivant au Congo tous les droits reconnus aux belges dans la Constitution, le Ministre rétorque : « Vous voulez empêcher le Gouvernement de disposer de tout moyen de se défendre contre les entreprises de mauvais gré et d'empêcher peut-être des révoltes ou des désordres ».

C'est l'imprévisibilité des soulèvements qui intrigue les pouvoirs publics belges, et le Ministre de la justice ne prend pas la peine de le cacher : « nous disons simplement que dans un pays neuf le pouvoir doit être armé contre des éventualités dont vous ne semblez pas soupçonner l'importance »273(*).

A la différence de la liberté de la presse qui a été entourée d'une protection spéciale, la liberté de réunion et d'association, pourtant consacrée par la Constitution belge, n'a pas été reconnue aux habitants de la colonie.

Deux positions sont possibles devant ce constat. D'abord, le principe selon lequel la liberté est le principe, avec son corollaire « ce qui n'est pas interdit est prohibé » permet de conclure que la liberté de réunion et d'association doit être considérée comme existante dans la mesure où l'article 2 de la Charte coloniale n'est pas restrictif.

Ensuite, parce que la liberté de la presse, figurant dans la même catégorie, ne peut être réglementée par une mesure administrative que conformément aux lois et aux décrets qui la régissent274(*), on peut conclure a contrario que la liberté de réunion et d'association peut, elle, connaitre des restrictions directement par une simple décision de l'autorité administrative.

Cette différence de traitement s'explique par la dangerosité des réunions tumultueuses et des groupements hostiles au pouvoir colonial, leur soudaineté et leur impact sur la paix sociale.

2. Un régime discriminatoire basé sur la race

Le monde colonialiste était fondé sur le racisme, il n'y a point de doute à cela275(*). Comme P. Curtain et d'autres l'ont souligné, « l'entrée de l'Europe en Afrique a coïncidé avec l'apogée, aux XIXe et XXe siècles, du racisme et du chauvinisme culturel en Europe même276(*) ».

L'examen attentif des textes des chansons qui utilisent la veine coloniale, montre l'exploitation de la recherche d'exotisme avec ses conséquences sur le paternalisme, la bonne conscience coloniale et le racisme sans fard qui prévaut la plupart du temps. L'image de l'indigène, va être au centre de ce dispositif de légitimation de l'acte colonial, et devenir le point de cette rencontre de nationalismes pourtant profondément distincts. En effet, par la force des valeurs universalistes et la pression des idées nationalistes qui vont progressivement subsumer le discours colonial, la Belgique va graduellement créer un modèle de l'« indigène » pour renforcer et légitimer le discours colonial de la métropole.

On assistera ainsi à une réglementation discriminatoire mettant en présence les citoyens belges, les immatriculés et les indigènes non immatriculés. Il faut noter cependant que le discours des colons était propagateur d'un égalitarisme qui véhiculait une idée "fausse" de l'égalité naturelle entre les hommes, alors que la réalité faisait état d'un anti modernisme qui se décline sous différentes facettes, une glorification du monde rural et de la famille chrétienne, une hiérarchisation de la société, une glorification des élites, un anticapitalisme (souvent théorique) et un anti-intellectualisme virulent277(*), destiné à maintenir une race sous le joug de la servitude coloniale.

L'article premier de l'Ordonnance-Loi n°25-131 sur la Répression des manifestations de racisme ou d'intolérance religieuse du 25 mars 1960, prévoit une peine de servitude pénale d'un mois à un an et d'une amende n'excédant pas 3000 francs, ou d'une de ces peines seulement, les inscriptions murales, le port d'emblèmes, les gestes, les paroles ou les écrits susceptibles de provoquer, d'entretenir ou d'aggraver la tension entre races, ethnies ou confessions. Le monde colonialiste était fondé sur le racisme, il n'y a point de doute à cela278(*).

Les effets néfastes de ce racisme sur le plan social étaient de grande ampleur et brisait le principe. La mobilité constante d'une population active presque entièrement composé de migrants, son manque de qualification et le racisme général étaient autant d'handicaps pour les travailleurs africains qui auraient voulu réclamer à ses employeurs capitalistes un meilleur salaire et des conditions de travail moins pénibles.

A. La stratification sociale

La société coloniale du Congo comportait trois grandes catégories de personnes : les belges, les étrangers et les indigènes. Cette stratification sociale de piètre figure n'a pas été ménagée par Arnaud Lismond-Mertes, lorsqu'il déclare à ce sujet que « jusqu'à la fin, le Congo a été soumis à un apartheid de fait ».

Les belges désignent ici, toute personne de nationalité belge vivant dans la colonie. On peut, entre autres, citer les autorités et autres fonctionnaires belges venus assurer la prétendue mission civilisatrice ainsi que les religieux qui eux aussi par l'évangile devrait contribuer à l'asservissent de l'homme noir par l'évangile du pardon.

Les étrangers sont des personnes des diverses nationalités vivant en République Démocratique du Congo. On pouvait recenser, les arabes, les portugais pour ne citer que ceux-là.

Les indigènes, sont les populations noires constituées des autochtones. Même si parmi les noires, on différenciait les évolués autrement appelés les immatriculés de la première catégorie qui regroupe ceux dont la mission civilisatrice n'avait pas encore affectés sensiblement.

Les villes avaient été conçues pour séparer la ville « blanche » de la ville indigène. A 18 heures, les indigènes qui travaillaient pour les Blancs étaient appelés à rentrer chez eux. À 21 heures, on éteignait les lumières dans la « cité indigène ». Quand un Congolais voulait acheter un morceau de boudin dans une servait à l'extérieur à travers une petite fenêtre »279(*). Ce clivage social n'était sans impact juridique. La jouissance et les catégories des droits subjectifs étaient fonction de ce clivage social.

René Schoentjes illustrait dans son « Schéma de la ville congolaise » que pour « raisons d'hygiène » une « zone neutre » séparait les quartiers « européens » et « indigènes». D'une largeur de 500 mètres, elle correspondait, selon son concepteur, au rayon d'action maximal d'un moustique porteur de la malaria280(*). Ce mode de vie de la société coloniale ne peut augurer, sauf extrême naïveté, une égalité des droits entre les membres de la communauté dont la description venait d'être faite.

B. Une réglementation discriminatoire

L'article 6 de la Constitution belge de 1831 est conçu comme suit : « Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres. Les belges sont égaux devant la loi ; seuls sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers ».

Deux questions méritent d'être examinées à la lumière de cette disposition, l'une concernant la portée même du principe de l'égalité des belges y consacrée, et l'autre concernant la nationalité des habitants de la colonie, avant de revenir sur l'appréciation de cette règlementation.

B.1. L'égalité des Belges (de la Belgique et du Congo) devant la loi

A l'alinéa premier de l'article 6, le constituant belge énonce que l'inexistence des ordres parmi les belges. Cette consécration n'avait, en Belgique de 1908, qu'une importance historique. Cette disposition avait été introduite pour écarter la distinction féodale des trois ordres des nobles, des villes et des campagnes, représentés, à l'époque hollandaise, dans les États provinciaux. La déclaration, utile au lendemain de la révolution, est devenue superflue, voir obsolète ou tout simplement superfétatoire dans un État acquis aux conceptions de droit public.

Cette répartition tripartite de la population du Congo-belge découle de l'intitulé du chapitre II de la Charte coloniale, « Des droits des belges, des étrangers et des indigènes », même si l'écriture de ce chapitre soulève un certain nombre de constatations :

1° L'article 2, premier article du chapitre, consacre un égalitarisme juridique au profit de tous les habitants de la colonie, qui sera atténué par les dispositions des autres articles dans la suite. Sauf la liberté de la presse et la liberté de réunion et d'association, l'article 2 de la Charte coloniale donne à tous les habitants de la colonie belge les droits publics dont les belges ont la jouissance sur le territoire de la métropole. Les étrangers et les indigènes sont ainsi mis sur le même pied que les citoyens de la mère patrie.

A l'égard des étrangers, il n'était pas permis d'en décider autrement car, héritière de l'État indépendant du Congo, la Belgique était tenue par les stipulations de l'Acte général de Berlin souscrit par cet État.

Pourtant, aux termes de l'article 5 dudit Acte, les étrangers, dans le bassin conventionnel du Congo, « jouiront indistinctement, pour la protection de leurs personnes et de leurs biens, l'acquisition et la transmission de leurs propriétés mobilières et immobilières, et pour l'exercice des professions, du même traitement et des mêmes droits que les nationaux ».

En plus, il est dans les idées en vogue de considérer les garanties de la liberté et de la propriété comme répondant aux légitimes revendications de la nature humaine, abstraction faite de la nationalité des personnes281(*).

À l'égard des indigènes cependant, des débats houleux ont alimenté les travaux préparatoires de la Charte coloniale.

2° Les droits réels et la liberté individuelle des indigènes seront réglés par des lois. Cette habilitation du législateur contenue dans la Charte coloniale dénote des ambitions constitutionnelles de ses rédacteurs. Les rédacteurs de la Charte en parlent avec le ton du constituant, comme si la Charte coloniale était l'oeuvre d'un pouvoir constituant. Son auteur est le parlement belge qui l'a adoptée selon la procédure législative, et le doute n'est pas permis sur la nature législative de la Charte coloniale, car, le Congo-Belge n'étant pas un État, il ne pouvait pas avoir de constitution.

Même si, dans le cadre d'un État fédéral, l'entité pouvait se doter d'une constitution, celle-ci n'aurait pas été l'oeuvre du Parlement de la fédération.

En outre, l'alinéa 2 de l'article 2 indique que le les mots « la loi » mentionnés dans les articles 7, alinéa 2, 8 à 15, 16, alinéa 1er, 17, alinéa 1er, 21, 22 et 24 de la Constitution belge sont remplacés, en ce qui concerne la colonie, par les mots « les lois particulières ou les Décrets ».N'est-ce pas là une manière sournoise de reconnaitre que la Loi sur le gouvernement du Congo-Belge est une loi générale, prise en application de la Constitution belge, notamment de l'article 107, alinéa 2 ?

Il faut noter que le seul fait d'avoir été l'oeuvre du Parlement belge demeure insuffisant pour affirmer avec force la nature législative de la Charte coloniale. Pour avoir été élaborée et adoptée par le Parlement belge, la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo n'en demeure pas moins la première constitution du Congo indépendant.

Cependant, cette habilitation du législateur par les auteurs de la Charte coloniale n'est pas sans avantage : elle est de nature à préserver les droits réels et la liberté individuelle des indigènes des interférences intempestives de l'administration coloniale.

3° La coutume avait une place dans l'ordonnancement juridique de la colonie. C'est l'article 4, alinéa 2 de la Charte coloniale qui le consacre. Cette disposition, encore que se référant expressément à la matière des droits civils, a été interprétée comme exprimant le principe suivant lequel le droit coutumier continue à régir la vie des indigènes non immatriculés.

De son côté, la législation sur les juridictions indigènes édictait, parmi les règles de fond applicables par lesdites juridictions : Les tribunaux indigènes appliquent les coutumes pour autant qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre public universel. Dans les cas où les coutumes sont contraires à l'ordre public universel, comme en cas d'absence de coutumes, les tribunaux jugent en équité. Toutefois, lorsque les dispositions légales ou réglementaires ont eu pour but de substituer d'autres règles à la coutume indigène les tribunaux indigènes appliquent ces dispositions conformément à l'article 18 tel que résultant du décret du 17 mars 1938. Cependant, si le droit coutumier existait légalement et était dès lors, applicable, il était tenu en échec, ainsi qu'il ressort des textes précités, lorsqu'il était contraire soit à la législation écrite soit à l'ordre public.

Devait être écartée toute coutume qui aurait été en opposition avec la législation écrite lorsque celle-ci avait été promulguée à l'intention même de la population indigène soumise au droit coutumier282(*).

3. Analyse de l'Ordonnance n° 025/555 et l'Ordonnance n° 25-55 du 05 octobre 1959

La société coloniale a été marquée par une véhémente hostilité à toute revendication politique. Cette intolérance politique aura des conséquences, des répressions sanglantes des manifestations qui auront émaillées les dernières années de la colonisation belge. Ce texte d'un article avait comme objectif principal de réprimer toutes les manifestations racistes et de renforcer l'ordre public colonial. Une analyse rigoureuse de cette d'ordonnance confirme sans ambages la peur qu'éprouve le régime colonial face au caractère dangereux et subversif que représente la manifestation.

L'ordonnance n° 25-505 du 5 octobre 1959 réglementait les manifestations, réunions ou rassemblements en plein air283(*).

Tout cortège, défilé, manifestation, réunion ou rassemblement de personnes en plein air ou en lieu non fermé ou découvert était soumis à une autorisation préalable et écrite. Étaient dispensées de l'autorisation préalable, si elles étaient conformes aux usages locaux, les sorties sur la voie publique et les réunions publiques culturelles284(*).

La demande de l'autorisation devait être écrite et parvenir à l'autorité compétente au moins six jours avant la date de la manifestation, réunion ou rassemblement285(*). La violation des dispositions légales exposait son auteur à une peine de servitude pénale de deux mois au plus et ou à une amende de deux mille francs286(*). Bien qu'ainsi garantie, la liberté de manifestation avait de la peine à se traduire par un exercice réel.

§2 La manifestation et la colonisation

Les précédents développements ont indiqué que la législation coloniale avait consacré un apparent égalitarisme entre les indigènes, les étrangers et les citoyens belges vivant dans la métropole.

Cependant, ce serait faire preuve de naïveté que d'admettre que la règle de l'article 2 de la loi sur le gouvernement du Congo-Belge pouvait connaitre une application effective au regard du contexte colonial même. La Charte coloniale pouvait traduire la réalité dans le vécu quotidien des indigènes. Une chose est la consécration d'un droit, une autre en est son effectivité.

La société coloniale a été marquée par une véhémente hostilité à toute revendication politique. Cette intolérance politique aura des conséquences des répressions sanglantes des manifestations qui auront émaillées les dernières années de la colonisation belge.

1. L'intolérance politique et sociale

Le petit comité de parlementaires belges qui prépara l'annexion du Congo jeta les bases d'un « régime colonial modèle » qui devait être au-dessus de tout soupçon. Il élabora un système hiérarchique et paternaliste contrôlé par Bruxelles pour gérer la colonie de manière efficace et économiquement autonome, se débarrassant chaque fois que possible des tâches non administratives (enseignement, travaux d'infrastructure, médecine).

Ce système fut aussi autoritaire : malgré la Charte coloniale, qui fit office de constitution du Congo belge, le travail obligatoire ne fut effectivement pourchassé qu'à partir des années 1930. Les libertés de presse, de réunion, d'association ne furent, elles, effectives qu'à partir de 1959. Dans les années 1950, les idéaux de modernisation matérielle renforcèrent la conviction que le Congo était une « colonie modèle ». Sans mauvaise conscience, les sections consacrées au Congo par l'Exposition universelle et internationale de 1958 communiquent un message rayonnant d'optimisme matériel287(*).

Un peu plus avant, au cours des années 1900, l'État Indépendant du Congo a été accusé d'avoir toléré, sinon organisé, la mise en place d'un vaste « système » de brutalités et d'actes de barbarie, mutilations, actes de cannibalisme, représailles massives, etc.

A. L'intolérance politique

Le temps qui précède l'indépendance est une période de forte agitation politique justifiée par la grandeur de l'enjeu : l'indépendance du Congo belge. En prélude de cette période, plusieurs manifestations ont eu lieu. Celles-ci visaient l'élimination de toute forme de discrimination.

Du point de vue juridique, la réglementation est fonction de l'appartenance au clan des colons ou à celui des autochtones. La période coloniale fut totalement négatrice de ce droit fondamental. Mais il faut souligner qu'au cours de cinq derniers mois qui précédaient le 30 juin date de l'indépendance plusieurs mutations sont intervenues pour éradiquer toute forme de violence et ainsi bannir l'intolérance. Tous les signes distinctifs sont obligés de disparaître.

En raison de la notion de l'ordre public colonial, elle n'avait ni permis ni facilité la jouissance de la liberté de manifestation aux autochtones congolais. Cette période fut caractérisée par des fortes tensions. On a enregistré plusieurs manifestations. Certaines se sont muées en rebellions, d'autres en mutineries ainsi que en révoltes. Toutes ces formes de contestations traduisent la détermination des congolais de mettre fin au système colonial et son cortège d'actes autoritaires.

Alors que la Constitution belge de 1831 disposait en son article 14 que la liberté de culte, celle de leur exercice public ainsi que la liberté de manifester288(*) ses opinions en toute matière étaient reconnues. Ce texte était appliqué au Congo belge au moyen la loi sur le gouvernement du Congo belge du 18 octobre 1908 dite « Charte coloniale » ainsi que par des lois particulières.

Comme il découle des précédentes analyses, une discrimination était faite dans la jouissance de certains droits, dont celui de manifestation, à l'égard les indigènes et les belges vivants dans la colonie.

Pour remonter aux origines, lorsque Henry Morton Stanley a établi l'autorité du roi en 1879 sur le pays, qui devint en 1885 l'État indépendant du Congo, propriété privée du roi de Belgique Léopold II, il a essayé d'introduire, à l'instar de tous les colonisateurs, les cadres politiques et administratifs qui lui étaient familiers en Europe, quoique sous une forme minimaliste et détournée de ses objectifs initiaux.

Les structures administratives et étatiques furent imposées à une population qui disposait déjà, selon les régions, la langue et l'expérience historique, d'une grande variété d'organisations politiques. Parmi cette population, certains se considéraient comme descendants du royaume de Kongo, avec une organisation politique de forme hiérarchique et des schémas d'échanges commerciaux avec des terres lointaines ; d'autres étaient des paysans et des commerçants qui exerçaient leurs activités à une échelle plus réduite, locale ou régionale ; il y avait également les marchands d'esclaves au long cours, et enfin les sociétés acéphales vivant de la chasse et de la cueillette et ayant peu de contacts avec le monde extérieur289(*).

Quelle que soit l'organisation de leur société, les sources de la légitimité de leurs dirigeants ou leurs pratiques et leurs conduites politiques, tous ces groupes se retrouvèrent soumis à la volonté de Léopold II et, après 1908, à l'idée belge consistant à imposer des structures étatiques modernes aux populations indigènes afin de créer la civilisation ou le développement.

Les dirigeants de certains groupes se sont finalement vu garantir le statut d'autorité autochtone alors que d'autres n'ont pas obtenu ce statut. Tous étaient soumis la loi belge exercée par les autorités belges290(*).

B. L'intolérance sociale

L'administration belge tentait d'utiliser les autorités traditionnelles comme des avant-postes pour la mise en oeuvre de ses règles coercitives. Les tribus étaient définies et les chefs nommés en fonction des besoins belges, c'est-à-dire pour exercer un certain contrôle administratif, mais les chefs servaient surtout de base locale pour la mobilisation du travail forcé et la récolte des tributs. Les populations locales étaient, par exemple, recrutées pour construire les routes et livrer le caoutchouc, ce qui constituait des tentatives d'imposition très simples291(*).

Certaines autorités traditionnelles se voyaient garantir le statut d'autorité autochtone et étaient censées gérer la vie quotidienne des communautés locales, tandis que d'autres se voyaient refuser ce statut292(*).

Cette situation avait des conséquences importantes pour l'accès à la terre. Les autochtones n'avaient pas le droit à une terre sur une base individuelle, l'accès à la terre ne pouvant se faire que par l'intermédiaire d'une autorité traditionnelle qui s'appuyait sur des droits hérités des ancêtres pour allouer la terre. Cette terre n'était accessible qu'aux membres du groupe.

Les Congolais qui ne bénéficiaient pas d'une autorité traditionnelle n'avaient donc pas accès à la terre et étaient à peine tolérés sur les terres des autres groupes. Dans le Congo de l'après indépendance, cette situation a non seulement conduit à des conflits pour la terre, mais a également suscité un problème de citoyenneté, comme dérivé de la propriété terrienne, pour certaines communautés.

Les droits liés à la propriété privée étaient exclusivement réservés aux propriétaires terriens blancs. Les mêmes règles s'appliquaient aux droits afférents à d'autres sortes d'actifs.

Dans une sorte d'asphyxie totale, les indigènes de l'époque n'avaient à portée de main aucun moyen de revendication disponible.

2. Les conséquences de l'intolérance

L'histoire du Congo notera l'année 1959 comme une année ouverte par la violence des événements du 4 janvier et la répression aveugle qui s'en est suivi. Evénement aux conséquences politiques de grande ampleur, parce que suivi des engagements politiques de grande taille, notamment par le roi des belges293(*), il s'inscrivait dans la ligne d'autres événements revendicatifs, particulièrement ceux de Stanley ville.

A. Les événements du 4 janvier 1959

Il convient d'exposer les faits ayant caractérisés cet événement inédit (a) avant de revenir sur ses retombées politiques (b).

1. Que s'est-il réellement passé au Congo ?

À la veille de l'indépendance, les événements du 04 janvier 1959 à Léopoldville auront fortement marqué les esprits et l'histoire même du Congo, à cause de la répression du meeting politique de l'ABAKO pourtant programmé et autorisé.

La section de l'ABAKO de la Commune de Kalamu avait projeté pour le dimanche 4 janvier une réunion. Il semble, par ailleurs, qu'il y a eu ordre et contrordre concernant l'autorisation de la réunion. Selon M. Van Hemelrijck, ministre du Congo belge et du Ruanda-Urundi, la réunion de l'ABAKO se tenait « dans des conditions irrégulières, tant au point de vue de l'occupation des locaux de l'YMCA qu'au point de vue de l'assistance du public294(*) ».

Le public n'ayant pas été informé de l'annulation de l'événement, « un concours de circonstances provoque un effet boule de neige. Un match de football vient de se terminer au stade Kalamu (aujourd'hui stade Tata Raphael). Mécontents à cause de leur équipe favorite, excités par la présence policière et des rumeurs « Les blancs tirent sur les noirs », les spectateurs sortants du stade se transforment en manifestants. La foule se regroupa devant l'entrée du local de la Réunion. L'assistance était sous tension et de légers incidents firent empirer la situation, qui tourna à l'émeute.

Cette situation avait entrainé trois jours d'incendie et de pillage ; l'emploi de la force avait causé désolation, plusieurs morts et blessés. A l'origine, un usage excessif de la force.

La répression était d'une violence disproportionnée, de sorte que la journée du 04 janvier est depuis lors commémorée, en République Démocratique du Congo, comme la journée des martyrs de l'indépendance.

2. Analyse juridique de la situation

L'évènement se déroule avant l'Ordonnance loi n° 25-505 du 5 octobre 1959 portant la réglementation des manifestations, réunions ou rassemblements en plein air. On décèle au moins dans le récit qu'il existait une règlementation sur la liberté de réunions. L'organisation des réunions publiques était subordonnée à une autorisation préalable, ce qui révèle le caractère autocratique du pouvoir politique colonial dans un contexte politique tendu.

Les moyens de répression usités par les autorités publiques renforcent cette affirmation. Ces manifestations du 4 janvier 1959 ont été réprimées avec une extrême véhémence dans un mépris total de la vie humaine.

3. Impacts sur le plan politique

Le 13 janvier 1959, dans une allocution télévisée, le roi Baudouin s'adresse à ses « compatriotes de Belgique et du Congo ». Rappelant le but de la présence belge sur le continent tel qu'il avait été défini par Léopold II, le souverain affirme que la Belgique est décidée à « conduire, sans atermoiements funestes, mais sans précipitation inconsidérée, les populations congolaises à l'indépendance dans la prospérité et la paix ».

Suivra la déclaration du gouvernement belge aux termes de laquelle « la Belgique entend organiser au Congo une démocratie, capable d'exercer les prérogatives de la souveraineté et de décider de son indépendance ».

Les milieux politiques congolais n'ont pas manqué de saisir la balle au bond. Le MNC de Patrice-Emery Lumumba et l'ABAKO, les deux principaux mouvements réagissent diversement à ces déclarations : pour le premier, c'est la satisfaction, les congolais ont besoin d'être préparés et l'indépendance doit être totale ; pour la seconde, il n'y a pas question d'attendre, l'indépendance doit être immédiate.

La réunion publique du 4 janvier a causé un impact significatif sur l'indépendance du Congo.

B. Les contestations de Stanleyville

Au lendemain des journées insurrectionnelles de janvier 1959, le message royal et la déclaration gouvernementale du 13janvier avaient reconnu la vocation du Congo à l'indépendance. Mais six mois plus tard, aucune précision n'était toujours apportée par le pouvoir belge, tant en ce qui concerne la date de l'indépendance, la constitution d'un gouvernement, que la mise en place des Assemblée nationales. Il n'y avait pas de perspectives sûres de l'indépendance.

Le ministre des Colonies, Van Hemelrijck qui avait la confiance des Congolais avait été limogé. Toute cette situation avait engendré de l'agitation sociale et la crise d'autorité auprès des congolais qui voulaient être associés étroitement à la solution de leurs problèmes, et participer activement à l'élaboration des institutions qui ne seraient plus imposées. Les Congolais ne voulaient plus être placés devant les solutions unilatérales de fait accompli.

C'est ce contexte que se tient le grand congrès du MNC de Patrice Emery Lumumba du 23 au 26 octobre 1959 dans un calme relatif, avec l'autorisation des autorités. A l'issue de cette grande réunion et des incompréhensions croissantes entre Lumumba et les autorités coloniales, celles-ci décidèrent son arrestation, ce qui tourna aux troubles, opposant la foule déchaînée et les forces de la gendarmerie et de police tentant d'arrêter Lumumba. Un bilan de 26 morts et de plus de 100 blessés a été déploré par les autorités.

De ce tableau de la situation à l'époque coloniale dessine avec assez de clarté le caractère autocratique du pouvoir. Dans ce contexte de répressions récurrentes de toute voix contestataire, l'exercice de la liberté de manifestations publiques ne saurait être envisagé. Cet élan s'est étendu jusqu'après l'indépendance du Congo.

Section 2. Le Congo-Zaïre : l'exercice de la liberté de manifestation dans un contexte dictatorial

Si dans son ensemble, le règne de Mobutu a été régi par la Constitution du 24 juin 1967, celle-ci avait été, d'une part, précédée par la Déclaration de prise du pouvoir par le haut commandement militaire du 24 novembre 1965. D'autre part, cette Constitution de la deuxième République a été révisée plusieurs fois, au total 17 révisions, mais, dans nos analyses, nous n'allons prendre en compte que les révisions fondamentales.

A l'invitation du Lieutenant Général Joseph-Désiré Mobutu, commandant en chef de l'ANC, les autorités supérieures de l'armée se sont réunies le 24 novembre 1964 en sa résidence. Après avoir fait un tour d'horizon de la situation politique et militaire dans le pays, leur étonnant constat faisait état de ce que si la situation militaire était satisfaisante, la faillite était complète dans le domaine politique.

En effet, alors que l'armée s'engageait à rétablir l'ordre et la paix, les dirigeants politiques par contre se sont positionnés dans une lutte stérile pour accéder au pouvoir sans aucune considération pour le bien-être des citoyens. La course au pouvoir des politiciens risquant de faire couler le sang des congolais continuellement, tous les chefs militaires de l'ANC réunis le mercredi 24 novembre 1965 autour de leur commandant en chef, ont pris, en considération de ce qui vient d'être dit. Les droits et libertés garantis par la Constitution du 1er août 1964 tels que prévu dans ses articles 24 à 28 sont respectés, il en est notamment ainsi de la liberté de penser, de conscience, de religion, d'expression, de presse, des réunions et d'association, l'ANC s'étant tenue en dehors et au-dessus des activités politiques, tous les détenus politiques seront libérés. Cette décision ne s'applique pas aux membres des bandes insurrectionnelles ayant commis une atteinte à la sûreté intérieure de l'État.

Le président Mobutu, sous la bénédiction d'un contexte international marqué par la guerre froide, imposera à son « Zaïre » l'une de plus terribles dictatures que le monde aura connues.Le grand fossé entre consécration et jouissance effective qui caractérise le domaine des droits fondamentaux n'a pas été absent durant cette période, surtout lorsqu'on a en vue l'incompatibilité criante entre l'absolutisme et les droits de la personne humaine, l'un étant la négation des autres.

Le cadre juridique de la liberté de manifestation n'était épargné des stigmates de la dictature (§1), même si les tendances de démocratisation ayant sévi au Congo avec la tenue de la Conférence nationale souveraine ont été à la base d'un ordre juridique nouveau (§2), qui s'est affiché comme une rupture avec le passé.

§1. Un cadre juridique illustrant un contexte dictatorial

Avant d'aborder la période marquée par la dictature de Mobutu, une brève analyse portant sur la situation du pays avant 1965 s'impose. Il s'en suivra la période marquée par le règne du Président Mobutu, lequel a connu deux moments forts : de la Déclaration de prise de pouvoir du Haut commandement de l'Armée nationale congolaise jusqu'à la libéralisation politique du 24 avril 1990.

Il fera élaborer en 1967 la Constitution de la deuxième République qui connaitra, comme indiqué plus haut, plusieurs révisions jusqu'à devenir un costume à la taille du chef de l'État. Il sied donc d'analyser le régime juridique de la liberté de manifestation sous la Constitution du 24 juin 1967 et toute son évolution.

Cette Constitution est restée en vigueur au-delà de la libéralisation de la vie politique en 1990, mais sera remplacée, à l'issu de la Conférence nationale souveraine, par l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de la transition. Ce texte n'a pas été promulgué par le Président de la République et sera remplacé par la loi n° 93-001 du 02 avril 1993 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de la transition.

1. La liberté de manifestation sous la constitution de 1964

La Constitution du 1er août 1964295(*) garantit, en son article 24 alinéa 4 pour toute personne, le droit de manifester sa religion ou ses convictions seule ou en commun tant en public qu'en privé, par les cultes, l'enseignement, les pratiques, l'accomplissement des rites et l'état de vie religieuse, sous réserve du respect de l'ordre public et des bonnes moeurs. Les articles 25 et 28 de cette même constitution consacrent respectivement la liberté d'expression et la liberté de réunions paisibles et sans armes ainsi que la liberté syndicale. Le terme manifester contenu à l'alinéa 4 de l'article 24 de la Constitution de Luluabourg ne saurait, de notre point de vue, être appréhendé au sens de cette étude. Si le constituant de 1964 n'a pas précisé la nature des convictions dont question dans cette disposition,296(*) il n'en demeure pas moins vrai que les modalités et les moyens de le faire peuvent conduire à des conclusions précises : toute personne peut manifester ses convictions seul ou en commun, tant en privé qu'en public, et cela, par les moyens qui sont limitativement énumérés dans la constitution.

A ce niveau, il est intéressant de relever que la liberté de manifestation est un droit individuel d'expression, généralement collective, même s'il est admis qu'un individu peut seul exercer sa liberté de manifestation. De plus, manifester au sens actuel de l'article 26 de la Constitution du 18 février 2006 ne renvoie guère à une action faite en privé. La constitution parle clairement de la manifestation sur les voies publiques ou en plein air. En outre, les moyens employés pour manifester ses convictions aux termes de la Constitution de 1964 nous éloignent de l'idée de la manifestation que nous explorons dans ce travail. Cette manifestation se fait par les cultes, l'enseignement, les pratiques, l'accomplissement des rites et l'état de vie religieuse, ce qui indique sans ambages qu'il s'agit bien de l'exercice de la liberté de culte.

De la liberté d'expression telle que consacrée à l'article 25 de la Constitution de Luluabourg il est difficile d'inférer la liberté de manifestation publique. Les moyens d'exercice de la liberté d'expression figurant dans cette disposition la parole, l'écrit et l'image sont loin de traduire l'idée de la manifestation publique telle qu'elle est consacrée en 2006 ; au surplus, la constitution de 1964 consacre la liberté de réunion, laquelle constitue une jumelle de la liberté de manifestation sans aucune allusion à cette dernière.

C'est ici une illustration éloquente de l'ignorance ou de la négation de cette liberté fondamentale par le constituant de 1964, lequel pourtant reçoit les éloges des auteurs297(*) pour avoir été la première Constitution véritablement démocratique avec la réputation de promouvoir la démocratie dans le jeune État du Congo.

2. La liberté de manifestation avant 1967

Le pays accède à l'indépendance le 30 juin 1960. Il est régi alors par la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo et la loi fondamentale du 17 juin de la même année, relative aux libertés publiques, deux textes élaborés par le Parlement belge à l'aube de l'indépendance du Congo.

La première loi fondamentale règle l'organisation politique de l'État, alors que dans la seconde, l'objectif poursuivi était celui de définir la situation des droits des peuples vivant sur le territoire du Congo. C'est en quelque sorte la charte des droits et libertés des citoyens, constitués sous forme d'une Déclaration des droits.

Le législateur belge, auteur de cette loi fondamentale n'hésite pas à afficher sa détermination d'établir un régime démocratique. Il proclame au nom de congolais, l'indéfectible attachement de ces derniers aux droits de l'homme et aux principes de la démocratie. Dans l'élaboration de cette dernière, le souci d'assurer le respect de la personne humaine, sans distinction de couleur, de sexe, de langue, de religion, de nationalité, d'opinion politique, d'origine sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.298(*)

Par ailleurs, la Loi fondamentale du 19 mai 1960 n'ayant pas abrogé des dispositions légales ou réglementaires contraires au nouvel ordre politique et juridique de l'indépendance, certaines d'entre elles ont continué d'avoir droit de cité, elles ont été maintenues dans le commerce juridique en dépit de leur caractère et nature liberticides et anachroniques. Tel a été le cas de l'Ordonnance n° 025/555 du 5 octobre 1959 prise par le Gouverneur général/Administrateur des colonies relative à la réglementation des réunions et manifestations publiques.299(*)

Sur le plan politique, le jeune État entre dans une zone de turbulence, et doit faire face à plusieurs crises : la mutinerie de l'armée, les sécessions du Katanga et du Kasaï, la révocation mutuelle du Chef de l'État et du Premier Ministre. Ceci conduira donc le Colonel Joseph-Désiré Mobutu à son premier coup d'État latent par la mise en place d'un Collège des commissaires, puis à son coup d'État définitif le 24 novembre 1960, près de 16 mois seulement après l'entrée en vigueur de la Constitution du 1er août 1964, l'une des constitutions de la RDC adoptée par referendum et créditée d'être la Constitution la plus démocratique de l'histoire du pays.300(*)Cette date du 24 novembre 1965 marquera le début d'une rude dictature imposée au peuple du Congo qui deviendra, deux ans plus tard le Zaïre.

3. Traits fondamentaux de la Constitution du 24 juin 1967

Cette Constitution plébiscitaire élaborée a poursuivi, avec un accent particulièrement marqué, le chantier du renforcement exagéré des pouvoirs du Président de la République tout en maintenant une séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif.

A.1. La situation des droits et libertés des citoyens

L'exercice par les citoyens de leurs droits, sous la Deuxième République, avait posé de sérieux problèmes, notamment la difficulté de concilier la reconnaissance de ces droits par la Constitution et leur effectivité dans un système politique et administratif totalitaire ; un véritable paradoxe entre le droit et la réalité. Concrètement, on relève que la Constitution du 24 juin 1967 de même que ses différents et multiples révisions, organise, en faveur des citoyens la plupart des droits et libertés que les États démocratiques reconnaissent à leurs citoyens : les droits à la vie, à la propriété dont l'expropriation doit se faire pour cause d'utilité publique moyennant indemnité compensatoire préalable, la liberté de mouvement, le droit à l'éligibilité et la liberté de réunions publiques.

Cependant, toutes ces libertés publiques s'exercent dans le cadre particulièrement verrouillé dominé par le M.P.R., parti unique, d'abord et, ensuite, parti-État. Du coup, la question de l'effectivité de ces droits, dont la plupart sont demeurés de simples crédos, pseudo-droits ou ingéniosités constitutionnelles, se pose. En effet, s'il est de principe qu'entre le droit et la réalité la règle a toujours été celle d'un mariage-exception, la question se pose en des termes non identiques : ici, il s'agit d'un antagonisme difficilement conciliable dû à un régime dictatorial qui, comme le fait remarquer Evariste Boshab, a fait et fera, pendant longtemps encore, la honte de l'Afrique subsaharienne.301(*) La phase de terreur qu'a traversée le processus de décolonisation de la RDC, illustre la dérive d'un régime qui prétend faire triompher la liberté. De temps à autres, il inaugure des instruments dont s'inspireront les régimes totalitaires, en particulier celui qui consiste à assassiner et emprisonner les opposants pour les faire taire.

A.2. Le cas particulier de la protection de la liberté de manifestation

Après les manifestations de janvier 1959, il a fallu attendre, les débuts des années quatre-vingt-dix, de la période dite de transition démocratique, pour que l'on assiste à nouveau à d'autres manifestations d'une semblable envergure et d'une comparable importance historique.

Sous le régime de la Deuxième République, un régime qui appliquait une certaine prophylaxie sur le plan politique, les seules grandes mobilisations populaires furent celles provoquées par les meetings du président Mobutu, souvent tenus au Stade du 20 mai, à N'Sele. Durant cette période de rude dictature, il était interdit de faire entendre des voix dissidentes au régime du maréchal. Des foules immenses, pouvant atteindre 100.000 personnes, assistaient à ces rassemblements.

Donnant l'apparence de consulter le peuple, c'est-à-dire, d'une démocratie dite populaire, les foules convoquées, étaient encadrées, manipulées, mais aussi, subjuguées et enchantées par le spectacle du pouvoir et l'illusion d'y être associées302(*). Mais en réalité une simple manipulation politique au service d'un Tyran. Cette sorte de démocratie d'acquiescement caractérisée par l'absence du peuple à toutes les instances de prise de décision.

Ici, le Gouvernement par tous reste l'un des plus grands défis à relever, pourtant, constituant un nouveau style de direction des États du troisième millénaire. Une analyse sans complaisance du système de démocratie représentative à travers l'exemple congolais, laquelle démocratie a dévoilé ses limites dans tous les domaines de la vie à travers le monde justifie à plus d'un titre la raison de l'actualité de la rue. Une illusion entretenue par le dialogue que le grand orateur noue avec la foule. Rituellement, les meetings débutent par un échange de ce type : « Bomba bomba ? » « Mabé ! » qui se traduit littéralement par « Cacher la vérité ? », «et le peuple répondait «  ce n'est pas bien ! », « Nasakola ? » « Sakola !» aussi traduit par, « Dois-je parler ? » « Il faut parler !», « Nasilisa ? » « Silisa ! », (dois-je tout dire ? Il faut tout dire)303(*).

Comme tout grand orateur, le président Mobutu, par le charisme de sa personne et la magie de son verbe, fait de la foule une masse compacte, « produit la masse et le maintien en vie » : « L'art de l'orateur consiste à résumer en mots d'ordre304(*) tout ce qu'il veut obtenir et à le présenter avec force à la masse pour l'aider à se former et à exister. »305(*)

C'est avec l'ouverture de la « transition démocratique » que le peuple kinois redevient rebelle. La dégradation des conditions de vie a fini par franchir ces « limites ». Et le 24 avril 1990 le président Mobutu a fait solennellement l'aveu de l'échec de sa deuxième République, ouvrant la brèche au désir d'un changement radical qui habitait sourdement la société. À quelques mois d'intervalle, Kinshasa sera le champ de deux immenses démonstrations de masse : les pillages de septembre 1991, la manifestation de février 1992 appelée la « marche des chrétiens » ou encore la « marche de l'espoir ».

Le pays entre dans une phase particulièrement prospère pour la liberté de manifestation, mais la répression est rude. Deux ans plus tard, la classe politique s'organise dans un grand forum, le plus grand que le pays a connu jusqu'à ce jour, pour discuter sur l'avenir du pays.

B. Les révisions de la Constitution de 1967

Au total, la Constitution du 24 juin 1967 a connu 17 révisions dont les principales demeurent celles introduites par la loi du 23 septembre 1970. Elle consacra l'institutionnalisation du MPR, par la loi du 15 août 1974 consacrant le mobutisme comme doctrine du MPR et la plénitude de l'exercice du pouvoir par le Président de la République ; par la loi du 15 février 1978 libéralisant l'exercice du pouvoir au sein du MPR en rendant tout organe de l'État responsable par l'abandon de la plénitude de l'exercice du pouvoir par le Président du MPR, Président de la République.

B.1. La Loi n° 70/001 du 23 décembre 1970

Cette loi porte l'institutionnalisation du MPR et la consécration de son rôle dirigeant. Elle avait placé sous la dépendance du parti tous les autres organes de l'État. En général, cette révision constitutionnelle a consisté en une série de réformes : l'article 4 al 2 de la Constitution est supprimé au profit d'une formule qui ne retient que le MPR comme l'unique parti et l'unique institution de l'État. C'est le MPR parti unique. Il en est de même de l'article 19 aux termes duquel les institutions de la République étaient fixées.

A ce stade, disons que, en dépit de l'institutionnalisation de MPR et de la consécration de son rôle dirigeant, il y avait encore possibilité de séparer le MPR de l'État. Paradoxalement, le processus d'encadrement et d'envoutement des institutions de l'État par le parti avait été ainsi déclenché, il connaitra son paroxysme, le sommet culminant ou le couronnement lors de la révision de 1974.

B.2. La Loi n° 74/020 du 15 août 1974

Tout est parti du congrès extraordinaire du MPR qui a tiré un certain nombre de considérations sur l'institutionnalisation du MPR déclenchée lors de la révision de 1970. Plusieurs décisions y ont été prises notamment l'impérieuse nécessité de réviser la Constitution pour l'adapter aux réalités du moment. En effet, en 1974, le MPR proclamé comme seule institution du pays devait exercer son influence sur le plan idéologique par une doctrine appelée « le Mobutisme ». Celui-ci est défini comme cet ensemble d'actes, pensée et idées du Président Mobutu.

Quatre idées paraissent fondamentales dans la Constitution du 15 août 1974 :

- le MPR est conçu comme une famille agrandie aux dimensions de la nation zaïroise devient la nation zaïroise organisée politiquement ;

- le Chef qui incarne cette famille, exerce la plénitude du pouvoir ;

- une place spéciale est réservée au Président fondateur du MPR ;

Le peuple élit le Président du MPR qui est en même temps et de droit et par voie de conséquence, Président de la République.

Tout cela pousse à la conviction selon laquelle et à la confirmation que la loi du 15 août 1974 n'est pas une simple révision de la Constitution comme tente de le soutenir la version du pouvoir, mais plutôt une nouvelle Constitution pour le Zaïre.

Menacé d'asphyxie et de paralysie, après les discours du Président du MPR, Président de la République du 1er juillet 1977 et du 25 novembre 1977, le nouveau régime a été contraint à la libéralisation consacrée par la révision du 15 février 1978.

B.3. La Loi n° 78-010 du 15 février 1978

Cette loi de révision constitutionnelle vient consacrer une sorte de libéralisation au sein des organes du MPR. Il faut reconnaître, par ailleurs, que plusieurs facteurs extérieurs ont concouru ensemble avec la menace de paralysie du MPR, à l'avènement de cette libéralisation. On peut citer les deux guerres du Shaba qui ont mis le régime en face d'une opposition armée.

L'organisation des pouvoirs publics, laisse observer un certain partage dans l'exercice du pouvoir. Désormais, investis des responsabilités, les autres organes du parti devenaient des acteurs sur la scène politique et non des simples spectateurs comme ils étaient en 1974.

Concernant le Président du MPR, Président de la République, les innovations suivantes ont été introduites :

- malgré le partage du pouvoir avec les autres organes, il conserve l'initiative des lois et de la révision constitutionnelle concurremment avec le Conseil législatif, il légifère, dans ce contexte, par voie d'ordonnance-loi en dehors des sessions du Conseil législatif et cela sans une quelconque habilitation ;

- malgré l'institution du Premier commissaire d'État, il demeure selon la forme présidentialiste de gouvernement, le Chef de l'exécutif ;

- le mandat du Président du MPR, Président de la République est fixé à sept ans, cette fois-ci, indéfiniment renouvelable.

- Il cesse d'être le Président de tous les organes, ces derniers disposent de leurs propres présidents.

A propos du Bureau politique, ses membres ne sont plus uniquement nommés par le Président de la République : sur les trente membres que compte cet organe, dix-huit doivent être élus et le Président du MPR se réserve le droit de nommer les douze autres membres dont leur Président.

Le Conseil législatif récupère sa fonction législative et l'exerce pleinement. Il lui est reconnu en plus, le pouvoir de contrôle sur les activités du Conseil exécutif du Conseil judiciaire et des services publics de l'État.

Le Conseil Exécutif n'a pas connu des changements notables, seulement il a été institué un poste de Premier commissaire d'État chargé d'assurer la coordination du Conseil exécutif. Sa mission est exclusivement de veiller au respect et à l'application par tous les Commissaires d'État des directives présidentielles. A ce titre, il doit tenir le Président du MPR, Président de la République pleinement informé de la conduite des affaires de l'État.

Le Conseil judiciaire a subi une réforme importante du fait de la création, à sa tête, d'un Président permanent qui est un haut magistrat. Il est reconnu au Président du Conseil judiciaire le contrôle des décisions des cours et tribunaux, la possibilité d'en suspendre l'exécution et de les faire reformer par la Cour Suprême de Justice, le parti au procès entendus.

En définitive, avec cet effort de libéralisation à l'intérieur du système en place, la loi du 15 février 1978 a institué un régime de séparation des pouvoirs au sein du MPR. Il appert clairement que toutes ces révisions sont provoquées dans le sens d'un durcissement du régime plutôt que vers une démocratisation. Le contexte socio-politique a été caractérisé par une réduction croissante des libertés des citoyens et une répression brutale de toute voix discordante. Toute manifestation réalisée ne l'était que dans le cadre du soutien au régime et jamais dans le but d'exprimer une quelconque revendication.

§2. Les tendances de démocratisation : le régime juridique proposé à l'issue des négociations politiques au Zaïre

Les luttes en faveur de la démocratie et l'État de droit ont prouvé la manière dont le pouvoir politique a restreint le droit de manifester dans l'espace public. Dans ce cadre, la rue aurait joué un rôle important contre le pouvoir autoritaire instauré par le Président Mobutu au Zaïre. Durant cette période, Étienne Tshisekedi, l'un des plus grands leaders d'opposition qu'a connu la République Démocratique du Congo, renonçant à une lutte armée a fait de la rue, un moteur de démocratisation.

L'apport de l'Église catholique est aussi significatif pour le combat contre la dictature et le régime autoritaire. Les différentes manifestations convoquées tant par l'opposition que par l'Église Catholique ont à coup sûr affaibli le pouvoir de Kinshasa, alors zaïre.

1. Multipartisme intégral et l'ouverture effective de l'espace politique

Les luttes en faveur du respect des droits de l'homme ont mis en évidence la manière dont le pouvoir politique durant les dictatures a restreint la liberté de manifestation dans l'espace public. Ces pratiques ont conduit à une réflexion juridique sur le rôle indispensable de l'éthique dans la politique et le besoin de repenser l'organisation constitutionnelle du pouvoir afin de canaliser institutionnellement les conflits.

À la fin des années 1980, la démocratie s'est installée sur tout le continent, accompagnée de deux phénomènes : d'une part une libéralisation des économies et le développement des privatisations des secteurs économiques traditionnellement aux mains de l'État ; d'autre part la consolidation d'un mouvement « néo-constitutionaliste »2(*)28 qui repense toute la logique des rapports entre les pouvoirs publics et les droits des citoyens. La liberté de manifestation dans l'espace public est alors devenue un droit constitutionnel subjectif de protection de la dignité humaine s'inscrivant dans une dogmatique de protection et de garanties juridiques nourrie par une rhétorique constitutionnelle2(*)29. On peut y voir une transition d'une société dans un État national à une société nationale catégorielle dans l'État.

A. La liberté de manifestation au lendemain du discours du 24 avril 1990

La Conférence nationale, qui s'est ouverte le 7 août 1991, a versé immédiatement dans les querelles et la confusion. Le 19 août, l'Union sacrée de l'opposition s'est retirée des travaux en signe de protestation. Le 21 octobre, trois semaines après son investiture, le premier ministre Étienne Tshisekedi, chef de file de l'opposition, est démis de ses fonctions par le chef de l'État. Le 4 décembre, le président Mobutu, dont le mandat expire à minuit, se reconduit d'autorité à la tête de l'État. Le 19 janvier 1992, le nouveau Premier ministre, Nguz-a-Karli Bond, suspend les travaux de la Conférence nationale.

La « marche des chrétiens » s'inscrit directement et fondamentalement dans ce contexte : elle est une réaction à la décision de Nguz, une mobilisation populaire en faveur de la Conférence nationale. Si la frustration des espérances mises dans un changement politique radical entre aussi dans l'explication de la jacquerie-pillage des 23-24 septembre 1991, des facteurs économiques et sociaux jouent cette fois un rôle plus décisif. D'autres scènes de désordre et de pillage avaient eu lieu à Kinshasa : d'une assez grande ampleur déjà en décembre 1990, de moindre envergure en mai 1991. L'économie du pillage va en septembre-octobre 1991 se diffuser dans l'ensemble du pays, et le phénomène se reproduira en fin 1992 début 1993.

Il reste qu'il nous semble que pour caractériser les pillages de septembre 1991 à Kinshasa une autre notion développée par cet auteur est plus éclairante : celle de « masses ameutées » (étant entendu que pour tenter de rendre compte adéquatement d'une réalité historique il faut toujours combiner plusieurs éléments d'une typologie, plusieurs types idéaux). La masse ameutée, dans la caractérisation qu'en donne Canetti, est celle qui se forme pour tuer, celle qui se jette sur une victime et donc chaque membre participe ou cherche à participer à la mise à mort306(*). Canetti voit dans une forme primitive de rassemblement, la « meute de chasse » (réunion d'une petite troupe d'hommes en vue d'abattre, se partager, manger une proie), le modèle original dont dérive la masse ameutée. La notion peut être transposée au phénomène du pillage dans lequel la proie animale ou la victime humaine deviennent butin. C'est une preuve éloquente de l'importance de la liberté de manifestation et de son importance dans le maintien de l'ordre public ; elle sert à éviter à la société des débordements qu'engendrerait le musèlement des populations dont les revendications prennent des formes de plus en plus violentes, au regard de la fermeture de l'espace public.

B. La liberté de manifestation dans le contexte de l'ouverture effective de l'espace politique

L'installation de la démocratie s'est accompagnée de changements structuraux touchant à la liberté de manifestation.

Tout d'abord, de nouveaux partis politiques ont été créés, les demandes de dispositifs de participation citoyenne à la décision publique se sont multipliées et des mécanismes de représentation démocratique et de décentralisation ont été consacrés. On a ainsi pu constater un renforcement de la citoyenneté politique. En Bolivie par exemple, les grandes mobilisations des Indiens ont produit des changements structuraux dans la société et même au niveau de l'État.2(*)30 Les revendications de genre et de droits catégoriels sont devenues de plus en plus fortes dans toute l'Amérique latine et les fondements traditionnels de la société comme la famille a commencé à muter.2(*)31

Plus précisément, cette période de démocratisation a été caractérisée essentiellement par trois types de mobilisations sociales. Le premier a visé la défense des conditions des ouvriers au moment de la crise de l'industrialisation accélérée par des réformes économiques d'envergure ; on peut citer en ce sens les actions menées en Bolivie ou au Brésil avec le PT (Parti travailliste). Un deuxième type de
mobilisation sociale est lié à l'urbanisation et au développement de secteurs informels qui ont conduit à une augmentation des demandes de services accompagnés de revendications de droits constitutionnels dits de troisième génération.

Le troisième type de mobilisation sociale s'explique par le retour des revendications des paysans et des Indiens pour défendre leurs terres et leur culture face au processus de globalisation du capitalisme ; on peut mentionner à cet égard les grandes manifestations qui ont eu lieu en Colombie, en Équateur, au Brésil et au Mexique encore marqué par le mouvement « zapatiste »307(*).

La liberté de manifestation dans l'espace public a ainsi cessé d'être l'expression de grandes organisations sociales comme les syndicats autour de la question de la construction de l'État-nation pour devenir une mobilisation de catégories, de communautés et d'identités culturelles revendiquant des droits subjectifs dans un État constitutionnel pluraliste.

C'est notamment la logique des revendications féministes, des partisans du mariage homosexuel, de la dépénalisation de l'avortement, ou encore de la dépénalisation de la consommation de drogues, etc. Cette nouvelle pratique constitutionnelle de la liberté de manifestation conduit à une redéfinition et une fragmentation des partis politiques, et plus généralement de la politique elle-même qui est de moins en moins l'affaire partagée de tous les citoyens et davantage l'affaire particulière de certaines catégories de citoyens attachés à leurs droits propres.

L'incertitude quant à l'intérêt général et la chose commune ainsi que l'atténuation de la frontière entre l'espace public et l'espace privé deviennent des signes distinctifs d'une liberté de manifestation qui s'inscrit désormais dans une logique catégorielle et non plus politique et publique. La politique au sens classique du terme semble être remplacée par une dogmatique constitutionnelle et un droit public subjectif qui remodèle l'État constitutionnel et accentue le rôle des juges qui doivent l'interpréter.

Ainsi, à l'aube du XXIe siècle, la liberté de manifestation se trouve au centre d'une dynamique de refondation de la politique sur de nouvelles logiques d'État et de déconstruction de la tradition constitutionnelle occidentale pour penser juridiquement la modernité.

La République Démocratique du Congo n'est pas restée en marge de cette évolution. La fin de la guerre froide a soufflé, à travers le monde entier un nouveau vent impliquant la démocratisation des pays ayant longtemps croupi sous la dictature. Le Zaïre de Mobutu a respiré de cet air de l'ouverture démocratique tel que décrit ci-haut. Les revendications de cette nouvelle ère ont été à la base de la convocation du plus grand forum politique que le Congo a connu, la Conférence nationale souveraine.

2. Les résolutions de la conférence nationale souveraine

La Conférence nationale souveraine tenue au Zaïre de l'époque s'est étalée sur une année et demie, soit du deuxième semestre de 1990 à 1992, et avait réuni les délégués représentant toutes les couches de la population, toutes les régions et la diaspora du Zaïre (Congo-Kinshasa). Ce forum est restée jusqu'à ce jour la conférence la plus longue et la plus réfléchie de l'Afrique, mais dont les résolutions n'ont jamais été sérieusement appliquées.

Le but de la CNS était que les citoyens du Zaïre se mettent ensemble afin de discuter sur la situation du pays, et qu'ensemble ils trouvent des solutions sur les maux qui rongeaient le pays. Le but a été bel et bien atteint avec succès et de nouvelles bases avaient alors été jetées à travers les « Résolutions et les acquis de la Conférence nationale souveraine ». A défaut d'une assemblée existante et ayant une assise légale, constitutionnelle et représentative, il a fallu organiser une conférence politique, réclamée par l'ensemble de la société congolaise et largement représentative de toutes les couches, catégories, provinces et tendances politiques, idéologiques, intellectuelles et religieuses de toute notre société. C'est cette présence qui a conféré à la CNS une légitimité de fait résultant de son caractère largement représentatif. Dans une étude réalisée par National Democratic Institute en avril 2001, 60 % des personnes interrogées étaient d'avis qu'on devrait retourner aux acquis de la CNS308(*).

La CNS a accouché de plusieurs résolutions, mais aussi d'un texte, l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période transition du 04 août 1992. Ce texte commence par proclamer l'adhésion du peuple zaïrois à la déclaration universelle des droits de l'Homme et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Même si ces textes international et régional ne consacrent pas expressément la liberté de manifestation309(*), cette affirmation constitue un sursaut démocratique de grande envergure, lorsqu'on se représente le climat politique qui a précédé ce texte.

L'article 10 de ce texte est ainsi libellé : « La République du Congo garantit l'exercice des droits et libertés individuels et collectifs, notamment les libertés de circulation, d'entreprise, d'information, d'association, de réunion, de cortège et de manifestation, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs ».

Cet article qui ressemble à une disposition fourre-tout parce que comportant plusieurs droits et libertés pourtant des générations différentes, témoigne combien le constituant en était encore balbutiant en matière des droits fondamentaux des citoyens310(*). Quoiqu'il en soit, cette consécration a marqué un pas de géant dans la voie de la démocratie en République Démocratique du Congo. L'article 11 de la loi n° 93-001 du 02 avril 1993 portant Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de la transition311(*) et l'article 10 de l'Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994312(*) reprennent la même disposition.

Cet élan de démocratisation entamée à la Conférence nationale souveraine ne s'est pas seulement limité dans les textes, le vécu quotidien des zaïrois pendant cette période de transition a été marqué par des manifestations intenses.

3. Le droit de manifester sous la constitution de la transition du 04 avril 2003

Au lendemain de la chute du régime dictatorial de Mobutu et son remplacement par celui de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération, une guerre éclatera sur plusieurs fronts et le pays sera transformé en un territoire abritant plusieurs gouvernements dirigés par les mouvements armés.

C'est dans ce contexte que la classe politique congolaise se réunira à Sun City en Afrique du sud en vue de trouver une solution durable au conflit et mettre fin à la guerre. Les acteurs politiques réunis dans ce forum ont adopté un certain nombre de principes de la transition, parmi lesquels, la réaffirmation de leur adhésion à la Déclaration universelle des droits de l'homme, au Pacte international des droits civils et politiques de 1966, au Pacte international des droits économiques et socioculturels de 1966, à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de l98l et aux conventions internationales dûment ratifiées. Dans cette perspective, elles prennent l'engagement de lutter pendant la période de la transition pour un système respectueux des valeurs de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés fondamentales313(*).

La Constitution du 04 avril 2003 a été élaborée par les parties prenantes au Dialogue dans le but de se doter d'un cadre juridique de la transition politique qui a duré presque trois ans.

Ce texte consacre la liberté de manifestations publiques en des termes identiques avec les textes issus de la Conférence nationale souveraine. Comme les articles 10 de l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de la Transition du 04 août 1992, 11 de l'Acte constitutionnel harmonisé du 02 avril 1993 et 10 de l'Acte constitutionnel de la Transition du 09 avril 1994. La constitution de la transition du 04 avril 2003, en son article 16 en ces termes : « La République Démocratique du Congo garantit l'exercice des droits et libertés individuels et collectifs, notamment les libertés de circulation, d'entreprise, d'information, d'association, de réunion, de cortège et de manifestation, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs ».

Cette disposition soulève certaines observations : des droits de générations et de natures diverses sont consacrés dans la même disposition, laissant ainsi la tâche au législateur de déterminer les modalités d'exercice de ces droits.

La jouissance de ces droits connait une triple limitation : le respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs. Il sied de relever ici que la formule faisant référence à l'ordre public et aux bonnes moeurs s'avère quelque peu pléonastique. La notion d'ordre public, telle que développée ci-haut comporte une dimension immatérielle qui inclut la moralité publique comme quatrième composante de l'ordre public. La moralité publique étant comprise dans l'ordre public, il devient inutile de l'énumérer comme limitation au droit de manifester à côté de l'ordre public.

Dans le contexte de cette transition, l'exercice de la liberté de manifestation se réalisait conformément au décret-loi de 1999 qui n'était pas incompatible avec la lettre et l'esprit de la constitution du 04 avril 2003.

Dans la pratique, des manifestations ont eu lieu sous le régime de cette constitution : des manifestations spontanées des étudiants qui déploraient le silence de la MONUC face aux événements de Bukavu et exigeaient l'application immédiate du chapitre 7 de la charte des Nations Unies autorisant l'usage de la force pour quiconque ne respecterait pas les accords signés lors du dialogue intercongolais.314(*)

Les manifestations de l'union pour la démocratie et le progrès social ont cependant débouché par certains accrochages entre des manifestants et les forces de sécurité ont eu lieu entre le 29 juin et le 1er juillet, faisant un mort à Kinshasa, cinq à Tshikapa et sept à Mbuji Mayi. Plus de 400 manifestants et représentants des partis politiques parmi lesquels de nombreux responsables de l'UDPS ont été brièvement arrêtés à Kinshasa et dans les Kasaï, mais ils ont pour la plupart été relâchés dans les 24 heures. Depuis le 30 juin, l'UDPS a manifesté le souci d'organiser ses activités publiques en ne sortant pas de la légalité. La manifestation politique qu'elle a organisée avec l'autorisation du Gouvernement de transition, le 9 juillet, à Kinshasa, a rassemblé 20 000 sympathisants315(*).

Ces lignes démontrent combien la liberté de manifestation s'exerce dans un contexte particulièrement difficile en République Démocratique du Congo. Nonobstant le régime auquel il est subordonné, l'exercice de cette liberté chère à la démocratie souffre des écueils de tout genre, si bien que les atteintes y portées présentent un bilan macabre.

4. Le bilan des atteintes portées sur la liberté de manifestation

Les luttes en faveur de la démocratie et l'État de droit ont prouvé la manière dont le pouvoir politique a restreint le droit de manifester dans l'espace public. Dans ce cadre, la rue aurait joué un rôle important contre le pouvoir autoritaire instauré par le Président Mobutu au Zaïre. Durant cette période, Étienne Tshisekedi, l'un des plus grands leaders d'opposition qu'a connu la République Démocratique du Congo, renonçant à une lutte armée a fait de la rue, un moteur de démocratisation.

L'apport de l'Église catholique est aussi significatif pour le combat contre la dictature et le régime autoritaire. Les différentes manifestations convoquées tant par l'opposition que par l'Église Catholique ont à coup sûr affaibli le pouvoir de Kinshasa, alors Zaïre. On ne peut pas oublier les cas d'arrestation, les morts, et autres entraves à cette liberté dans le cadre d'un régime reconnu pour son caractère tyrannique.

§3. La gestion des manifestations et les vagues de démocratisation au Zaïre 

Les luttes en faveur du respect des droits de l'homme ont mis en évidence la manière dont le pouvoir politique durant les dictatures a restreint la liberté de manifestation dans l'espace public. Ces pratiques ont conduit à une réflexion juridique sur le rôle indispensable de l'éthique dans la politique et le besoin de repenser l'organisation constitutionnelle du pouvoir afin de canaliser institutionnellement les conflits. Ceux-ci se manifestent ici par la gestion de ce droit fondamental par les pouvoirs publics. Il faut cependant relever que la gestion des manifestations publiques n'a pas été la même, selon que la dictature sévissait encore dans le pays (1) et que la vague de démocratisation a conduit à un changement de stratégie (2).

1. La gestion des manifestations au plus fort de la dictature

La dictature et la liberté de manifestation s'opposent au point qu'on peut affirmer sans risque d'être contredit, que l'une est la négation de l'autre. Pour que cette assertion soit vérifiée, il faut que la liberté de manifestation soit appréhendée dans sa véritable portée démocratique, parce que même en dictature les manifestations dans le cadre de ce que nous avons appelé « la démocratie d'acquiescement » peuvent bien prospérer sans que lesdites manifestations ne répondent à l'idéal démocratique. La culture autocratique comporte certainement une nette influence sur le droit de manifester. Généralement dans des régimes autocratiques, si la manipulation des textes juridiques ne réussit pas étouffer la liberté de manifestations publiques, ce sont des pratiques musclées de répression qui s'en occupent.

A. L'influence de la culture autocratique sur le droit de manifester

La conception congolaise de la liberté de manifestation est facteur du contexte politique de l'ère. La période exerce une influence significative sur la situation de la liberté de manifestation. Toute la législation en vigueur traduit la nature du régime.

L'article 10 de la Constitution du 24 juin 1967 est libellé en ces termes : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Dans la République, il n'y a pas de religion d'État. Toute personne a le droit de manifester sa religion ou ses convictions, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques, l'accomplissement de rites et l'état de vie religieuse, sous réserve de l'ordre public et des bonnes moeurs ».

Et l'article 11 de renchérir : « Tout Congolais a droit à la liberté d'expression. Ce droit implique la liberté d'exprimer ses opinions et ses sentiments, notamment par la parole, l'écrit et l'image. Il trouve sa limite dans les prescriptions de la loi et les règlements qui appliquent celle-ci ».

D'une brève analyse de ces dispositions il ressort les considérations suivantes : d'abord, le droit de manifester sa religion ou ses convictions, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques, l'accomplissement de rites et l'état de vie religieuse peut-il être assimilé à la liberté de manifestation telle qu'envisagée dans cette étude ? Ce questionnement n'autorise pas une réponse hâtive pour la simple raison que, lorsque le constituant parle de manifester sa religion ou ses convictions, il ne détermine pas la nature de convictions dont il s'agit. Celles-ci peuvent être religieuses, philosophiques ou politiques. Cependant, lorsqu'on analyse les moyens prévus par le constituant pour manifester lesdites opinions (le culte, l'enseignement, les pratiques, l'accomplissement de rites et l'état de vie religieuse), on se rend vite compte que la liberté de manifestation dans le format actuel de l'article 26 de la Constitution n'est pas concernée par cette disposition. En outre, le fait que cette disposition se rapproche de l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et que ce dernier texte consacre le droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques, plus proches de la liberté de manifestation prouve à suffisance la volonté du constituant de 1967 d'omettre de consacrer carrément la liberté de manifestation.

La même analyse mérite d'être appliquée à l'article 11 de la Constitution de 1967. Les moyens d'expression recensés ici nous rapprochent de la liberté de manifestation : la parole, l'écrit et l'image. Mais la question de son exercice risque de contrarier cette position. La liberté d'expression se présente ici comme un droit d'exercice individuel alors que la liberté de manifestation est, en principe, d'exercice collectif.

Sous la Constitution du 24 avril 1967, les libertés garanties aux articles 10 et 11 sont limitées par l'ordre public et les bonnes moeurs pour la première et par les prescriptions de la loi et les règlements qui appliquent celles-ci pour les secondes. Il est à noter que dans un contexte d'un pouvoir autocratique, la fluidité de la notion d'ordre public a toujours servi de prétexte réel ou fallacieux aux pouvoirs publics pour limiter à outrance les droits fondamentaux.

Lorsque même on aurait assimilé la liberté d'expression ou celle de l'article 10 de la Constitution de 1967 à la liberté de manifestation, les limitations auxquelles ces libertés ont été astreintes rendraient leur exercice hypothétique au regard de la réalité.

Si certaines dictatures font prospérer les droits fondamentaux notamment économiques, sociaux et culturels pour en obtenir la subjugation volontaire du peuple, il est admis que les dictatures contrastent notoirement avec les droits civils et surtout politiques.

La dictature de Mobutu n'a pas exception à la règle. Ce fut une période horrible et particulièrement obscure pour les droits fondamentaux de la personne humaine et pour la liberté de manifestation en particulier. Mobutu ne tolérait aucune voix discordante ni aucune revendication.

2. Le processus de démocratisation

L'installation de la démocratie s'est accompagnée de changements structuraux touchant à la liberté de manifestation.

Tout d'abord, de nouveaux partis politiques ont été créés, les demandes de dispositifs de participation citoyenne à la décision publique se sont multipliées et des mécanismes de représentation démocratique et de décentralisation ont été consacrés. On a ainsi pu constater un renforcement de la citoyenneté politique.

Dans le cas précis de la République Démocratique du Congo, la jouissance de la liberté de manifestation entre d'une part la survivance d'un cadre juridique obsolète que l'on essayait d'adapter au contexte politique et d'autre part la gestion des crises par des accords politiques divers.

L'année 1990 fit souffler un vent nouveau sur l'ensemble du continent et au Congo-Zaïre en particulier. La libéralisation des activités politiques déclenchée à la suite du discours historique du 24 avril 1990 fut à la base d'un multipartisme intégral aux allures d'un multipartisme sauvage au Congo et un engouement sans précédent pour les activités politiques, dont l'organisation des manifestations publiques.

Cependant, la constitution de 1967 était toujours en vigueur entre 1990 et 1992. Un cadre juridique hostile à la liberté des manifestations publiques régissant l'organisation de l'État dans une période de réveil démocratique, il n'y avait rien d'aussi paradoxal. Aussi fallait-il trouver des mécanismes politiques pour adapter cet arsenal juridique devenue obsolète au contexte sociopolitique de l'heure.

Après l'essoufflement de l'opposition politique interne au Congo-Zaïre, c'est en 1997 que la solution viendra avec le départ du président Mobutu à la suite de la rébellion de l'AFDL.

La période dite de la deuxième Transition, du 17 mai 1997 au 4 avril 2003, est régie par le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo, élaboré, à la suite de la Révolution du 17 mai 1997, par l'administration de l'A.F.D.L. Cette constitution se montre moins bavarde en ce qui concerne les droits fondamentaux. Elle se borne à une consécration laconique des droits sans en citer nommément un seul. Après s'être affiché comme assez autocratique dans l'exercice du pouvoir, c'est près de deux ans après l'entrée en vigueur du Décret-loi constitutionnel sus visé que sera élaboré le décret-loi n° 196 du 29 janvier de1999 par le président de la République, alors titulaire du pouvoir législatif, en vertu de l'article 8 du Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, tel que modifié et complété par le Décret-loi constitutionnel n° 180 du 10 janvier 1999.

3. L'entrée de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération

La plupart d'auteurs s'accordent à reconnaitre les élans autocratiques de la gestion du pouvoir par le Président Laurent-Désiré Kabila. Pour les uns, son règne comporte comme marque principale, l'éclipse de l'État de droit2(*)32, les autres nient carrément le caractère « constitutionnel » au Décret-loi constitutionnel du 27 mai 1997, au motif qu'il ne règlemente pas la séparation des pouvoirs et ne garantit pas les droits fondamentaux des citoyens.

Malgré l'évidente dépendance de la justice, réaffirmant la valeur fictive des dispositions constitutionnelles, l'article 38 du Décret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 tel que modifié et complété par les différents Décrets lois constitutionnels subséquents, dispose que le magistrat dans l'exercice de sa mission de dire le droit, est indépendant. Mais, il est soumis à la seule autorité de la loi ; le pouvoir judiciaire étant lui également indépendant des pouvoirs législatif et exécutif.

L'indépendance des juges à cette époque est constamment menacée, et peut-être le principe le plus bafoué. Les fréquentes interventions de l'exécutif dans le domaine réservé au juge, dans sa mission de dire le droit, sont de nature à servir de pont entre l'indépendance - réalité et l'indépendance - fiction, le juge se trouvant enchaîné en dépit de certaines de ses prises de position demeurées malheureusement sans impact. C'est au cours de cette même période qu'ont été révoqués 315 magistrats au mépris du droit en vigueur et des droits reconnus à ces derniers.

Elaborée à la faveur du recours à la violence du 17 mai 1997, le Décret- loi constitutionnel brille par son caractère laconique, en ce qui concerne l'organisation des droits et libertés des citoyens. Sans préambule, le texte se limite à annoncer, en son article 2 qu'en République Démocratique du Congo l'exercice des droits et libertés individuelles et collectives est garanti sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs.

Cette déclaration aussi pauvre ne permet pas de présager sur la certitude des garanties, ni sur la bonne foi des autorités à organiser la protection ou l'exercice des droits et libertés des citoyens. En dépit des révisions, le texte de la Constitution, en cette matière, est resté intouchable. Il eut été souhaitable de procéder même par une énumération, sous forme d'une liste, des droits et libertés que le constituant entendait reconnaître.

Cette lacune pourrait être justifiée par le retard qu'aurait connu la République Démocratique du Congo par rapport à l'affirmation du processus de constitutionnalisation des branches du Droit. Le processus qui déboucherait au changement de statut de droits humains, par, la transformation de libertés publiques aux droits fondamentaux.

La formule de l'article 41 ainsi libellée : « pour autant qu'ils ne soient pas contraires aux dispositions du présent Décret-loi constitutionnel, les textes législatifs et réglementaires existant à la date de sa promulgation restent en vigueur jusqu'au moment de leur abrogation », fait penser à une possible application du régime de l'Acte constitutionnel de la Transition ou des textes antérieurs. Mais, au regard du régime mis en place, il y a lieu de se demander s'il peut exister des textes qui ne soient pas contraires à la forme du Gouvernement. Seule la volonté des gouvernants en place est, dans ces conditions, déterminante. C'est ainsi que, par déclaration du pouvoir, l'activité des partis politiques était suspendue jusqu' à l'élaboration du décret-loi n° 194 du 29 janvier 1999.

L'asphyxie du processus de l'État de droit se fera rapidement remarquer par la multiplicité des mesures liberticides, le recours à la violence politique et des violations des droits de l'homme occasionnant ce que le professeur André Mbata qualifie de règne d'une gestion chaotique2(*)33, assimilable à une société dans laquelle règne la loi de la jungle, la loi de la force au lieu de la force de la loi.2(*)34

La loi n° 001/2001 du 17 mai 2001 constituera, dans le domaine des activités des partis politiques, un apaisement et le dénouement de la situation : la souplesse de son régime, l'importance des pistes de solution permettront de soutenir que le régime s'est finalement ressaisi pour relancer le processus de la démocratisation. A ce sujet, le professeur Evariste Boshab relève notamment les quatre innovations ci-après : les améliorations formelles tenant au régime d'enregistrement et au pouvoir limité, mais non inexistant de l'exécutif, les améliorations relatives aux droits de la défense, les améliorations relatives à la garantie de droit et les améliorations relatives à la paix sociale2(*)35.

En ce qui concerne la liberté de manifestation, comme les autres libertés, son exerce est resté enfermé dans les carcans d'un mutisme constitutionnel et légal qui aura pris fin par la promulgation du décret-loi n° 196 du 29 janvier de1999.

3. L'entrée en vigueur du décret-loi du 29 janvier 1999

Un texte de 12 articles, le décret-loi n° 196 du 29 janvier de1999 a vocation à régir la liberté de manifestation en République Démocratique du Congo, en remplacement de la règlementation en vigueur2(*)36, appelée à céder la place en raison de son anachronisme et sa contrariété au nouvel ordre institutionnel et « démocratique » instauré au pays le 17 mai 1997 date de la prise du pouvoir par les révolutionnaires -rebelles sous la conduite de Laurent-Désiré Kabila.

A. L'économie du décret-loi

Le décret-loi consacre, au bénéfice des congolais, le droit d'organiser des manifestations et réunions publiques et d'y participer individuellement ou collectivement. Ici la liberté connait triple limites : les restrictions légales, les impératifs de l'ordre public et les bonnes moeurs.

Le législateur de 1999 définit les manifestations et réunions publiques selon le critère du lieu de la tenue desdites manifestations ou réunions et selon celui de l'accès du public.

Le régime de la liberté de manifestation et de réunion publique est hybride : déclaration préalable avec possibilité de basculer dans le régime de l'autorisation préalable.

Les déclarations et, éventuellement, les autorisations préalables sont faites ou sollicitées devant les autorités politico-administratives compétentes, qui en prennent acte ou accordent l'autorisation selon le cas.

Le décret-loi impose aux pouvoirs publics la charge de d'encadrement des manifestants, et institue une sorte collaboration entre les pouvoirs publics et les organisateurs, aux fins de prévenir des troubles à l'ordre public. La responsabilité pénale est instituée dans le chef de quiconque organiserait des manifestations sans déclaration ou autorisation préalable ainsi que la responsabilité civile pour tous les dommages causés par les participants à la manifestation ou réunion incriminée.

La structure et le contenu de ce décret-loi appellent un certain nombre d'observations qu'il convient d'analyser à l'aune des principes qui doivent présider à la jouissance d'un droit fondamental, et notamment de la liberté de manifestation.

B. Lecture critique du décret-loi

Qualifiée par le Conseil d'État français comme le « droit d'expression collective des idées et des opinions »2(*)37, la liberté de manifestation apparaît consubstantielle au fait social dont elle est tout à la fois le symptôme et l'expression2(*)38 ; elle révèle l'état d'âme du peuple qui, conformément aux théories en vogue, demeure le souverain.

Ce qui a poussé, ça me semble, certains à affirmer haut et fort que « la démocratie occidentale n'a de démocratie que la liberté de manifestation »2(*)39.C'est en cette couverture démocratique que tous les régimes cherchent un refuge, même les autoritaristes les plus absolus.

L'exposé des motifs du décret-loi sous examen n'a pas manqué de recourir à cette incantation : la réforme vise à conformer la règlementation au « nouvel ordre (...) démocratique instauré au pays le 17 mai 1997 »2(*)40.

C'est plutôt la structure du régime et l'exercice du pouvoir qui n'autorise pas qu'on y colle le qualificatif de « démocratique », même si, pour le leader de la révolution du 17 mai 1997, un relativisme s'impose quant à la conception de démocratie.

Comme indiqué plus haut, après des atermoiements fulgurants dans le domaine de la démocratie et des droits de l'homme, le régime du président Laurent-Désiré KABILA s'est mis à réaliser des légers progrès en matière de démocratie, notamment. L'entrée en vigueur de ce texte fait briller des lueurs d'espoirs, mais des inquiétudes subsistent.

C. Facteur de la fragilité de la liberté de manifestation

Le décret-loi sous examen s'illustre par son ambiguïté. Son article 4 consacre deux régimes d'exercice du droit de manifester : les manifestations sont soumises à une déclaration préalable auprès des autorités administratives compétentes. Toutefois, les manifestations organisées sur le domaine public peuvent être subordonnées à une autorisation préalable.

La lecture de cette disposition soulève des questions juridiques non sans importance : quelle est la portée du concept « domaine public » employé par le législateur ? Le décret-loi offre une possibilité à l'autorité politico-administrative de soumettre une manifestation au régime de l'autorisation. Il importe de s'interroger sur la limite à franchir pour passer du régime de la déclaration à celui de l'autorisation. La loi reste peu parcimonieuse à ce sujet, et l'absence de tout critère déterminant, laissant ainsi un très large pouvoir discrétionnaire à l'administration, ce qui est périlleux pour les droits et libertés des citoyens.

Néanmoins, une interprétation de cette disposition est possible pour juguler toute équivocité. Le caractère public d'une manifestation découle de trois éléments dont deux ont trait au lieu de sa tenue : sont considérées comme publiques les manifestations organisées sur la voie publique ou dans les lieux publics ouverts, non clôturés ou celles auxquelles le public est admis ou invité.

Il en découle que, par rapport au lieu de son organisation, la manifestation peut se tenir dans le domaine public ou privé de l'État, et même dans les domaines des privés. Il en est par exemple d'une manifestation sédentaire tenue dans une concession privée, à laquelle le public est invité. C'est une manifestation publique par l'assistance du public, mais, se tenant sur un domaine privé, ne saurait être soumis au régime de l'autorisation.

L'emploi du concept « domaine public » doit être précisé ici. Le domaine public de l'État doit être entendu comme l'ensemble de toutes les terres affectées à un usage ou à un service public. Ce bloc comprend deux catégories des terres : celles dont l'accès est subordonné à l'obtention d'un titre par les pouvoirs publics et celles dont l'accès est libres.Les voies publiques font partie du domaine public, et, étant la chasse gardée des manifestations publiques, sont directement visées par cette disposition.

L'autre aspect qui mérite une attention particulière, c'est celui relatif aux modalités d'exercice de la déclaration. Le dépôt la déclaration n'est pas suffisant pour la tenue d'une manifestation, encore faudrait-il que l'autorité administrative en prenne acte. Cette exigence légale ne peut être minimisée. En effet, l'autorité administrative saisie dispose de trois jours pour prendre acte. Dépassé ce délai, il est supposé avoir pris acte de la déclaration. En conséquence, lorsque l'autorité politico-administrative reçoit la déclaration, les organisateurs sont tenus en état. Cette période de trois jours servira cependant à l'autorité administrative pour s'enquérir sur tous les impératifs ponctuels de l'ordre public et prendre toutes les mesures nécessaires à l'encadrement des manifestants.

Il est à noter cependant que ce décret laisse non réglées plusieurs situations que suscite l'exercice de la liberté de manifestation, lesquelles situations seront analysées dans la suite. En outre le caractère hybride du régime laisse l'idée du floue conduisant les autorités politico-administratives à recourir au régime d'autorisation, que nous qualifions a juste titre de régime d'exception ; qu'au régime de déclaration préalable qui est un régime initialement consacré. Ce choix qui s'apparente au régime autoritaire. Car il empêche la jouissance d'une liberté parmi les plus essentielles. Nous pouvons bien conclure avec Patrick Waschsmann pour qu'il ne soit pas de démocratie authentique, c'est-à-dire de démocratie pluraliste, si certaines libertés essentielles ne sont pas garanties.

Section 3. Les principales atteintes portées au droit de manifester

§1. Contexte historique

Les organisations non gouvernementales tant nationales qu'internationales avaient intensifiées les dénonciations depuis des décennies sur les poursuites pénales politisées et les techniques policières abusives de contrôle de la foule telles que les arrestations de masses et l'emploi d'armes dangereuses causant ainsi pertes en vies humaines.

Entre le 15 et le 31 décembre 2016, les autorités congolaises ont agi pour empêcher et pour contenir la tenue de manifestations publiques contre le maintien au pouvoir du Président Kabila au-delà de la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel le 19 décembre.316(*) Dans les principales villes de la RDC, les forces de défense et de sécurité, dont les agents de la PNC, mais également des militaires des FARDC équipés d'armes létales, ont été massivement déployées dans le but d'empêcher et de répondre aux manifestations publiques attendues, malgré les interdictions imposées au préalable par les autorités317(*).

Le BCNUDH a documenté au moins 40 personnes tuées, dont cinq femmes et deux enfants, et 147 autres blessées, dont 14 femmes et 18 enfants, résultant d'un usage disproportionné de la force et de l'utilisation de balles réelles par les forces de défense et de sécurité, en particulier l'armée, dont les soldats de la Garde républicaine et de la Police Militaire, qui ne sont ni équipés ni entrainés pour les opérations de gestion des foules. Avant, pendant et après les manifestations, les forces de défense et de sécurité ont par ailleurs procédé à des arrestations à grande échelle de personnes suspectées de planifier ou de participer à des manifestations, dont des membres et des militants de partis d'opposition et de mouvements citoyens.

La période pré et post-électorale constitue en République Démocratique du Congo, les moments forts de la répression des droits fondamentaux en général et du droit de manifester en particulier.

On observe en effet une intensification des mesures d'intimidations et de répression, notamment des exécutions extrajudiciaires, un usage disproportionné de la force contre la population, des atteintes à la liberté d'expression et des arrestations et détentions arbitraires d'opposants politiques, de défenseurs des droits humains, de journalistes, notamment lors de rassemblements politiques pacifiques318(*). Toute personne s'exprimant contre le maintien du président Kabila au pouvoir est susceptible d'être inquiétée par les forces armées (FARDC et Police Militaire), la police (PNC) ou les services des renseignements (ANR). Cette situation de musèlement de l'opposition par des procédés musclés et liberticides s'est étendue sur plus d'une décennie.

Pour mieux l'analyser, nous l'avons répartie en trois étapes : la période de 2006 à 2011 entre les deux cycles électoraux (1), celle comprise entre 2011 et 2016 (2) et enfin la période marquée par les manifestations de l'opposition et celles du Comité laïc de coordination de 2017 et 2018 (3).

§2. La période de 2006-2011 : entre les deux cycles électoraux

Les trois cycles électoraux organisés en République Démocratique du Congo depuis l'adoption de la Constitution du 18 février 2006 sont les moments de rétrécissement de l'espace démocratique dans notre pays. Les missions d'observations et les organisations non gouvernementales de défense de droits de l'homme rapportent plusieurs cas de violations de la liberté de réunion et de manifestation.

A. Les manifestations pré- et post-électorales de 2006

La conception autoritaire du pouvoir affichée par le président Kabila dès sa prestation de serment du 6 décembre 2006, conjuguée à une détention exclusive de la force publique et à un accès privilégié à l'argent public et privé, ont généré, au fil des années, chez les responsables du camp présidentiel, un sentiment de toute-puissance. Tout semble indiquer qu'encouragé par une certaine complaisance de la communauté internationale, le pouvoir se soit senti libre de recourir à la violence, à sa guise, à l'occasion.

Alors qu'il s'agissait, en 2011, de confirmer la marche vers la démocratie engagée en 2006, les partis politiques ont transformé ces élections en un combat navrant entre politiciens avides de pouvoir et de privilèges319(*). L'étouffement rapide de toute contestation par un large déploiement des forces de l'ordre, au lendemain de la publication des résultats, y compris dans Kinshasa où l'opposant E. Tshisekedi avait recueilli 64 % des voix, prouve que cette « gestion violente » du processus électoral par le pouvoir s'est avérée payante, mais aussi que l'opposition n'a jamais été en mesure de mobiliser en profondeur en faveur d'une alternance.Ce schéma qui diffère profondément de celui de 2006, nous ramène en fait aux situations que vivent la majorité des pays d'Afrique centrale à l'occasion de la tenue d'élections générales320(*).

Les affiches électorales de la MP étaient en cela assez révélatrices de l'esprit imprégnant son leadership : pas d'éléments de programme, mais une photo de J. Kabila avec un seul slogan : « Na Rais 100% sûr321(*) » très vite traduit par les militants et le public en : « Sûr à 100 % de la victoire du Chef ». La détermination à rester en place et à ne céder aucun pouce de terrain à l'opposition était totale ; l'emploi des forces de l'ordre, l'utilisation des medias publics et le contrôle de l'administration électorale étaient considérés comme des avantages « normaux » entre les mains de la majorité en place, en application d'une règle du jeu tacite que l'opposition se devait d'accepter, comme c'était le cas dans la plupart des pays africains de la sous-région

§2. La période entre 2011 et 2016

Cette période était fortement marquée par des turbulences liées violations systématiques de liberté de manifestation entre la période de 2011 (A), la période de 2015 (B) et la période de 2016 (C).

A. La période 2011

Entre le 15 et le 31 décembre 2016, les autorités congolaises ont agi pour empêcher et contenir la tenue de manifestations publiques contre le maintien au pouvoir du Président Kabila au-delà de la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel le 19 décembre. Dans les principales villes de la RDC, les forces de défense et de sécurité, dont les agents de la PNC, mais également des militaires des FARDC équipés d'armes létales, ont été massivement déployées dans le but d'empêcher et de répondre aux manifestations publiques attendues, malgré les interdictions imposées au préalable par les autorités.

Dans ce contexte, le BCNUDH a documenté au moins 40 personnes tuées, dont cinq femmes et deux enfants, et 147 autres blessées, dont 14 femmes et 18 enfants, résultant d'un usage disproportionné de la force et de l'utilisation de balles réelles par les forces de défense et de sécurité, en particulier l'armée, dont les soldats de la Garde républicaine et de la Police Militaire, qui ne sont ni équipés ni entrainés pour les opérations de gestion des foules.

Avant, pendant et après les manifestations, les forces de défense et de sécurité ont par ailleurs procédé à des arrestations à grande échelle de personnes suspectées de planifier ou de participer à des manifestations, dont des membres et des militants de partis d'opposition et de mouvements citoyens.

Entre le 15 et le 31 décembre 2015, au moins 917 personnes, dont 30 femmes et 95 enfants, auraient été arrêtées en RDC par les forces de défense et de sécurité. Bien que la plupart aient été libérées, au moins 70 parmi elles ont été condamnées pour des infractions de droit commun tels que la destruction méchante, le pillage, la rébellion ou la participation à un mouvement insurrectionnel et plusieurs ont été soumises à des traitements cruels, inhumains ou dégradants lors de leur arrestation ou pendant leur détention.

Entre le 15 et le 31 décembre 2016, en lien avec les manifestations, le BCNUDH a documenté qu'au moins 40 personnes ont été tuées par des agents de l'État, dont cinq femmes et deux enfants : 17 à Kinshasa, 12 à Lubumbashi (province du Haut-Katanga), huit à Boma et trois à Matadi (province du Kongo Central). Au moins 38 de ces victimes ont été tuées par balle par les forces de défense et de sécurité. Durant la même période, au moins 147 personnes ont été blessées par des agents de l'État, dont 14 femmes et 18 enfants : 64 à Lubumbashi, 51 à Kinshasa, 16 à Matadi et 12 à Boma, ainsi qu'une personne dans chacune des villes de Luebo (province du Kasaï), Kananga (province du Kasaï central), Mbuji-Mayi (province du Kasaï oriental) et Beni (province du Nord-Kivu).

Bien que certains incidents documentés par le BCNUDH se soient déroulés lors d'affrontements avec des manifestants violents, les informations collectées dénotent un usage excessif et disproportionné de la force, dont l'utilisation d'armes létales et de balles réelles, tirées sur les parties supérieures du corps par les forces de défense et de sécurité congolaises en réponse aux manifestations des 19 et 20 décembre.

L'utilisation d'armes létales par des forces de défense et de sécurité lourdement armées contre des manifestants viole les droits garantis par le droit international ainsi que par la Constitution congolaise et est contraire aux standards internationaux régulant l'usage de la force et des armes à feu par les agents de maintien de l'ordre. De plus, plusieurs victimes ont été blessées des suites de traitements cruels, inhumains ou dégradants lors de leur arrestation ou de leur détention, en violation des normes internationales et du droit congolais.

A Kinshasa, par exemple, au moins 17 personnes, dont deux femmes, ont été tuées, et au moins 51 autres, dont sept femmes et deux enfants, ont été blessées par des agents de l'État. La plupart des incidents documentés dans la capitale ont commencé dans la nuit du 19 au 20 décembre 2016, lorsque les forces de défense et de sécurité ont commencé à tirer à balles réelles et à utiliser des grenades lacrymogènes pour disperser la population qui était descendue dans la rue en faisant du bruit à l'aide de sifflets et de casseroles. Ce soir-là, un homme a été tué par balle par des militaires des FARDC pendant que la population manifestait et sifflait dans la commune de Masina à Kinshasa. Les violences à Kinshasa ont continué tout au long de la journée du 20 décembre, quand les militaires de la Garde républicaine et de la Police Militaire procédaient à des tirs de sommation pour disperser la population. Sur les 17 personnes tuées documentées par le BCNUDH à Kinshasa, deux l'ont été le 19, 15 et 20 décembre.

Quinze de ces victimes ont été tuées soit par des balles perdues, soit par des tirs directs, un homme est mort après avoir été percuté par un camion de la PNC, et un autre homme, arrêté le 19 décembre à Masina, serait mort des suites de traitements cruels, inhumains et dégradants pendant sa détention au camp militaire Kokolo. Le 20 décembre, au moins 29 personnes ont été blessées (dont cinq femmes et un enfant), dont au moins 16 par balle et trois à la suite de traitements cruels, inhumains et dégradants lors de leur arrestation ou détention par les forces de défense et de sécurité. La plupart des personnes tuées ou blessées ont été évacuées par des agents de la PNC vers des camps militaires tels que les camps Kokolo et Tshatshi et vers la morgue de l'hôpital de référence Mama Yemo. L'accès à ces lieux a été refusé au BCNUDH.

A Lubumbashi, entre le 15 et le 31 décembre 2016, le BCNUDH a documenté la mort de 12 personnes, et 64 blessés, pour la plupart résultant de l'utilisation de la force létale par les forces de défense et de sécurité, dont des agents de la PNC et des militaires des FARDC, certains habillés en tenue civile, en réaction à des manifestations violentes. Lors de la seule journée du 20 décembre, neuf hommes, une femme et un enfant de 17 ans ont été tués par balle réelle lorsque les forces de défense et de sécurité ont tiré sans distinction sur des manifestants violents. Au moins trois de ces victimes, dont un homme tué à bout portant dans le quartier Matshipisha, ont été tués par des agents de la PNC et six, dont deux hommes tués à bout portant dans les quartiers Katuba II et Kisanga, ont été tués par des militaires des FARDC.

B. Les manifestations de janvier 2015 contre la loi électorale

Les événements des 11,12, 19,20, 21 janvier 2015 survenus à Kinshasa en sont une nette illustration du type de violence liée au processus électoral que risque de vivre la RDC. « Ces événements ont occasionné plusieurs cas de morts des innocents, des blessés, des arrestations arbitraires et enlèvements dans le rang des manifestants ». Le Bilan des morts varie selon la source, 42 morts selon la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH), et 27 morts selon le dernier bilan du gouvernement de la RDC, sans préciser l'identité des gens à la base de ces morts presque banalisées.

C. Les manifestations de septembre 2016 dénommées « carte jaune »

Des manifestations de l'opposition ont été organisées le 26 mai 2016 dans tout le pays pour protester contre le Président Joseph Kabi a et son ambition de rester au pouvoir au terme de son deuxième mandat.

Selon le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme (BCNUDH), au moins neuf manifestations ont été interdites par les autorités municipales, et 59 personnes ont été arrêtées pendant les manifestations322(*). Le rapport d'Amnesty Internationale (Al), fait état d'au moins 16 villes empêchées de manifester ou ayant connu des manifestations dispersées323(*). Le Gouverneur du Nord-Kivu a interdit toute manifestation dans sa province.324(*)

Parmi les manifestations ayant été dispersées, figurent notamment celles ayant été organisées dans les villes suivantes : Tshikapa (Kasaï), Kananga (Kasai-Central), Butembo (Nord-Kivu), Béni (Nord-Kivu), Goma (Nord-Kivu), Bunia (Ituri), Kisangani (Tshopo), Kalemie (Tanganyika), Moba (Tanganyika), Lubumbashi (Haut-Katanga), Mbujt-Mayi (Kasai-Orïental), Mbandaka (Équateur), Matadi, (Kongo-central).325(*) Le BCNUDH indique que 101 personnes en rapport avec ces manifestations ont été arrêtées entre le 23 et le 26 mai 2016326(*). Selon le Colonel Mwana Mputu, porte-parole de la Police nationale congolaise (PNC), 9 personnes ont été interpellées sur l'ensemble du territoire327(*).

Selon Human Rights Watch (HRW): « Le 26 mai 2016, les forces de sécurité ont tiré du gaz lacrymogène et à balles réelles alors qu'elles cherchaient à empêcher la poursuite de manifestations à Goma, tuant au moins une personne et en blessant au moins 11 autres, dont quatre enfants »328(*). La manifestation a été interdite mais les manifestants se sont tout de même regroupés. Une personne a été tuée lors d'un accident de la route causé par la fuite de manifestants.

Ces personnes sont membres de partis d'opposition tels que l'UNC, le MPCR et RECO. Ils s'étaient réunis au domicile de Tex Maybinga, membre de l'UNC, dans le quartier Ciné Palace de Matadi, pour préparer la manifestation du 26 mai, lorsqu'ils ont été arrêtés par la police. Ces arrestations ont suscité de vives réactions notamment de la part de Vital Kamerhe (supra), qui a insisté sur le fait que ces arrestations se sont produites dans un lieu privé. L'UNC a affirmé qu'il s'agissait d'une réunion de préparation à la manifestation du 26 mai et perçoit ces arrestations comme une tentative d'intimidation.

La répression des manifestations a suscité de nombreuses réactions internationales. Le 21 juillet 2016, le Haut-Commissaire de la MONUSCO, Zeid Ra'ad Al Hussein, a exprimé ses inquiétudes quant à la situation en RDC. Il a dénoncé un «  harcèlement croissant, (une) répression des voix qui s'opposent au gouvernement (et des) dispersions excessives et parfois mortelles de manifestations ». Il a en outre souligné que « Les manifestations et réunions organisées par l'opposition et par la société civile sont souvent entravées ou réprimées, alors que celles organisées par la majorité présidentielle se déroutent généralement sans obstruction »329(*).

Dans une lettre adressée le 7 septembre 2016 au conseil des droits de l'Hommes de l'ONU, HRW a indiqué que : « Depuis janvier 2015, le gouvernement congolais exerce une répression brutale à l'encontre de ceux qui se sont prononcés contre ou se sont opposés aux tentatives de prolonger ta présidence de Joseph Kabila au-delà de la limite constitutionnelle de deux mandats, dont le second prend fin le 19 décembre 2016. Les forces de sécurités et officiels gouvernementaux ont arrêté arbitrairement des dizaines de dirigeants de l'opposition et activistes, ouvert le feu sur des manifestants pacifiques, interdit des manifestations de l'opposition, bloqué des médias, accusé déjeunes activistes pro-démocratie de fomenter des actes terroristes, et empêché des dirigeants de l'opposition de circuler librement dans le pays. Le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits humains en RD Congo a documenté 760 violations des droits humains liées à des restrictions en matière d'espace démocratique, dont 500 intervenues en 2016»330(*).

Avant, pendant et après les événements du 19 et 20 décembre, les autorités congolaises ont conduit des arrestations massives et des détentions de personnes suspectées de planifier ou de participer à des manifestations, dans le but d'empêcher toute démonstration. Entre le 15 et le 31 décembre 2016, au moins 917 personnes, dont au moins 30 femmes et 95 enfants, ont été arrêtées par des agents de l'État sur l'ensemble du territoire de la RDC : 414 à Lubumbashi, 184 à Kinshasa, 115 à Goma, 76 à Matadi, 43 à Boma, 30 à Oicha (province du Nord-Kivu), trois à Kasumbalesa (province du Haut-Katanga) 25 à Bukavu (province du Sud-Kivu), 12 à Luebo, huit à Mbuji-Mayi, quatre à Beni, deux à Kalemie (province du Tanganyika), et une à Kananga.331(*) De nombreux civils arrêtés par les forces armées ont été conduits dans des camps militaires, en violation des standards internationaux. Les équipes du BCNUDH se sont vues refuser l'accès aux camps militaires et aux centres de détention de l'ANR.

Le 26 décembre 2016, 49 personnes arrêtées par la police à Lubumbashi pour pillage et vandalisme de propriétés publiques et privées ont été transférées devant le Parquet de grande instance de Lubumbashi, et condamnées pour vol, destruction méchante, association de malfaiteurs, rébellion et incendie volontaire par le Tribunal de grande instance de Lubumbashi, en procédure de flagrance.

Le 28 décembre, en procédure de flagrance également, le même Tribunal a condamné 22 manifestants arrêtés entre le 20 et le 22 décembre à des peines allant de 12 mois avec sursis (pour huit manifestants, qui ont ensuite été relâchés), à trois ans de servitude pénale principale pour rébellion et participation à un mouvement insurrectionnel. Le Tribunal a en même temps acquitté 27 autres personnes.

Dans la nuit du 27 au 28 décembre, 102 personnes, dont 30 mineurs, ont été arrêtées par les forces de défense et de sécurité lors d'une opération de ratissage dans la commune de Katuba pour y rechercher les biens pillés pendant les manifestations du 20 décembre. Parmi ces 102 personnes, 96 dont les 30 mineurs ont été relâchés du DLCC le 28 décembre. Les six autres individus ont été transférés au Parquet de grande instance de Lubumbashi accusés de vol qualifié.

A Goma, au moins 115 personnes, dont cinq femmes, des membres des partis d'opposition et de mouvements de citoyens332(*), ont été arrêtées par les forces de défense et de sécurité dans le cadre des manifestations contre le président Kabila restant au pouvoir. Les arrestations ont commencé le 15 décembre, date à laquelle les agents de la PNC ont arrêté de manière préventive 15 jeunes sans-abris soupçonnés de vouloir participer aux manifestations du 19 décembre. Les 18 et 19 décembre, 28 personnes ont été arrêtés au cours d'une opération de ratissage menée par des agents de la PNC. Le 19 décembre, l'ANR a arrêté cinq personnes et des agents de la PNC ont arrêté 22 personnes pour avoir porté des t-shirts rouges symbolisant un «carton rouge» donné au président Kabila pour quitter son poste. Au moment de la rédaction du présent rapport, sur les 115 personnes arrêtées à Goma, 102 avaient été libérées et 13 étaient toujours en détention.333(*)

À Matadi, au moins 76 civils, dont au moins un mineur, ont été arrêtés par les agents de la PNC les 20 et 21 septembre, principalement dans leurs maisons, dans des magasins, des garages, des cabines téléphoniques ou des bars et non pendant les manifestations. Ils ont été emmenés dans des cellules du commissariat urbain local de la PNC et à la Direction des renseignements généraux (DRG). Parmi les personnes arrêtées, beaucoup ont été libérées entre le 20 et le 22 décembre après le paiement d'une somme d'argent demandée par les agents de la PNC. Treize personnes ont été transférées au Parquet de grande instance, dont sept ont été relâchées le 26 décembre, tandis que cinq étaient toujours détenues à la prison centrale de Matadi pour vol et rébellion, en attendant une audience devant le Tribunal de grande instance de Matadi.

À Boma, entre le 20 et le 21 décembre 2016, des agents de la PNC déployés dans toute la ville ont arrêté 43 personnes, dont deux femmes et quatre mineurs de moins de 14 ans. Vingt de ces personnes ont été libérées après avoir versé diverses sommes d'argent, alors que les 23 autres ont été transférés au Boma. Parquet de grande instance, qui a immédiatement ordonné la libération des deux femmes et des quatre enfants et de huit personnes supplémentaires. Au moment de la rédaction de ce rapport, neuf personnes étaient toujours détenues dans la prison centrale de Boma et poursuivies par le Parquet de grande instance pour rébellion, destruction méchante et association criminelle.

Il convient de rappeler que, depuis la fin de 2015, dans la plupart des grandes villes, les autorités locales ont continué d'interdire les manifestations publiques, alors que dans d'autres villes, des manifestations spécifiques ont été interdites après que les organisateurs aient communiqué les lieux des rassemblements prévus aux autorités.

Le 13 décembre 2016, dans un télégramme, le commissaire général de la PNC, Charles Bisengimana, a demandé à tous les commissaires provinciaux de la PNC d'adopter des mesures visant à empêcher toutes les marches collectives avant, pendant et après le 19 décembre, tout en rappelant la nécessité de le faire dans le respect des droits de l'homme. Les autorités locales de Goma et de Bukavu, ainsi que de la province du Haut-Uélé, ont interdit les manifestations avant le 19 décembre de cette même année. À Kinshasa, une interdiction générale et illimitée de toutes les manifestations publiques, ordonnée par le Gouverneur de la Ville après les événements du 19 septembre 2016, était toujours en place.

Les interdictions générales de manifestations imposées de facto ou de jure en RDC sont injustifiées et disproportionnées au regard de la nécessité de maintenir l'ordre public et sont contraires au droit international relatif aux droits de l'homme et aux articles 25 et 26 de la Constitution congolaise. L'utilisation disproportionnée de la force et de la répression contre des manifestants pacifiques sur la base de ces interdictions devrait donc être considérée comme contraire aux normes internationales relatives aux droits de l'homme et aux dispositions pertinentes de la Constitution congolaise.

Le 15 décembre 2016, l'Autorité de Régulation des Postes et des Télécommunications (ARPTC) a ordonné aux fournisseurs d'accès à l'internet de restreindre l'accès à tous les réseaux sociaux à partir du 18 décembre 2016 à 23h59. L'accès aux réseaux sociaux a ainsi été coupé en République démocratique du Congoen date du 20 décembre au 28 décembre 2016.334(*) Certains fournisseurs d'accès Internet ont même dû couper entièrement la connexion en internet pendant la même période335(*).

§3. La période allant de décembre 2017 et janvier 2018 : Comité Laïc Catholique de coordination « CLC »

Le droit à la liberté de réunion pacifique a été fortement restreint au cours de l'année 2017. Le 31 mars 2017, sur instruction du vice-Premier Ministre, Ministre de l'Intérieur et Sécurité, toutes manifestations politiques publiques dans l'ensemble du pays ont été interdites.336(*) Des interdictions générales de manifester ont été formellement imposées dans au moins 12 villes ou provinces par les autorités locales. Par exemple, le premier avril 2017, le Gouverneur de la province du Kongo Central a publié un communiqué officiel,337(*) interdisant l'organisation de manifestations dans cette province. Un arrêté du Maire de la ville de Kananga (province du Kasaï Central) du 23 novembre 2017 a également interdit l'organisation de toutes les manifestations publiques sur toute l'étendue de la ville « jusqu'à nouvel ordre ».338(*)

Si des restrictions raisonnables au droit de réunion pacifique peuvent être nécessaires sous certaines circonstances, les interdictions générales et non limitées dans le temps imposées par les autorités de la République démocratique du Congo sont, même lorsque des interdictions sont invoquées, la protection de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l'ordre public, disproportionnés et discriminatoires, car elles excluent l'examen des circonstances spécifiques à chaque réunion proposée.339(*) Par ailleurs, en plus des interdictions générales, les autorités locales ont systématiquement et manifestement refusé d'autoriser les manifestations pour lesquelles elles avaient été notifiées conformément à laConstitution de la République Démocratique du Congo.340(*)

Les interdictions de manifester et le déploiement systématique des forces de défense aux côtés des services de sécurité illustre l'hostilité des autorités congolaises, aussi bien politico-administratives que les services de sécurité et les forces de défense, à l'égard des organisateurs et des participants aux rassemblements de l'opposition et d'autres organisations de la société civile.341(*)

CHAPITRE TROISIEME :
LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION EN DROIT COMPARÉ

D'un continent à l'autre, la liberté de manifestation est au coeur de l'actualité. En Europe et à ses portes : l'état d'urgence, déclaré en France, a conduit à l'adoption de la loi du 21 juillet 2016, après les attentats de Nice, permettant d'interdire plus facilement les manifestations. Toujours en France, les récents épisodes des manifestations des gilets jaunes ont été à la base de l'adoption de la loi anticasseurs. Le mouvement des Indignés, en Espagne, a été encadré par les autorités publiques sur le fondement de la législation en matière électorale342(*) ; en Pologne343(*), les manifestations défendant l'avortement se sont opposées au Gouvernement conservateur. L'Ukraine ou encore la Turquie et l'Égypte ont également été le théâtre de manifestations impressionnantes.

Le mouvement « Occupy » s'est répandu sur tous les continents, aussi bien américain qu'asiatique ; à Hong Kong, de fortes manifestations contre le projet de loi d'extradition vers la Chine continentale se sont soldées par des scènes de répression parfois inédites. À un autre niveau, les mouvements des printemps « arabes », en Afrique du Nord344(*), et « érable », avec la grève estudiantine au Canada, montrent la résonance de cette liberté au niveau mondial, dans des États caractérisés par la diversité de leurs régimes politiques et de leurs traditions juridiques. L'actualité témoigne des fortes restrictions dont cette liberté fait l'objet, comme un signal d'alerte de l'état de santé des démocraties dans le monde.

Mais cette liste ne doit cependant pas donner l'impression que l'enjeu des manifestations en question est le même partout. Les manifestations ont joué et jouent aujourd'hui un rôle central dans les processus de transition démocratique345(*), mais aussi dans les démocraties plus installées où leur rôle est de contribuer au débat d'idées.

Le contexte actuel témoigne donc de l'intérêt d'étudier la liberté de manifestation dont les contours sont a priori difficiles à dessiner, dans une approche de comparaison en vue de tirer des leçons des expériences des autres nations pour édifier un droit congolais de la liberté de manifestation conforme aux exigences démocratiques.

Le droit de manifester cher aux textes protégeant les droits de l'homme, revêt une importance tout à fait particulière dans le cadre d'un État de droit346(*). Il est considéré comme la pierre angulaire du principe de la démocratie et des droits de l'homme et représente pour une société démocratique l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun347(*).

Alors que les ordres juridiques de certains États ont brillé par l'ignorance des standards structurant des cadres adaptés de protection de la liberté de manifestation ; d'autres États ont fait preuve de maturité en cristallisant des cadres dignes des États démocratiques. C'est le cas par exemple de la France et de l'Espagne qui en dépit des lacunes structurelles réussissent à instaurer des cadres plus ou moins outillés. D'autres États, à l'image de la République Démocratique du Congo et le Benin,348(*) consacrent des régimes juridiques astreints à des limitations évidentes liées au déficit démocratique caractérisant les institutions politiques. Ils abordent la question de cette liberté avec un ton différent : les limitations constitutionnelles à la liberté de manifestation cèdent la place à un régime despotique traduisant plus des volontés autoritaires.

Le contexte historique ainsi que la culture juridique de chaque système ont marqué la conception des droits et libertés et ; par conséquent de la liberté de manifestation. L'histoire constitutionnelle française et le moment de rupture qu'elle organise avec la Révolution de 1789 caractérisent une approche de la liberté de manifestation bien différente de la façon dont elle est appréhendée ailleurs.

Au Royaume Uni, les manifestations sont appréhendées autrement qu'en France. Dans les États anciennement membres du bloc soviétique, comme en RDC, les révolutions ont également marqué la conception de la liberté de manifestation. Cette diversité illustrant la standardisation des cadres structurant la liberté de manifestation par tel ou tel ordre juridique inspire la rationalisation d'autres cadres juridiques. C'est là l'importance de la méthode comparative. Le présent chapitre s'articule autour de l'analyse comparée du régime juridique de la liberté de manifestation dans l'espace européen (Section I) d'une part et dans l'espace africain de l'autre (Section II) à la lumière du droit congolais dont les tares du système juridique ne cessent pas d'être décriées (Section III).

Section 1. Le cadre juridique de protection de la liberté de manifestation en France

La question de la liberté de manifestation est au coeur des débats en France, qualifiée de « patrie des droits de l'homme ». L'adoption récente de la loi anticasseurs au lendemain des manifestations des « gilets jaunes » démontre à suffisance son actualité et l'intensité de la surveillance dont fait l'objet cette liberté en France (§1). En plus de l'examen de la situation française, la présente section s'emploie à analyser les régimes juridiques de la liberté de manifestation dans ce pays (§2) dans la perspective d'une analyse comparative avec le droit congolais.

§1. Le droit de manifester en France : une liberté sous les signes de méfiance

En France, la liberté de manifestation occupe une place particulière au sein de la catégorie des libertés fondamentales. Elle offre un visage singulier, traduisant la méfiance des pouvoirs publics. « On n'en rappellera ici que les principes, ceux qu'il est nécessaire de connaître pour suivre la présente argumentation », car dans le détail, il s'agit d'un droit complexe, finalement peu étudié, fait de pièces successives mal emboîtées dont l'analyse exigerait un ample développement.349(*)

Non seulement cette liberté fait l'objet d'une consécration en demi-teinte mais, en outre, son régime semble davantage placé sous le signe de l'ordre que celui de la liberté. Car aucun texte ne la consacre officiellement, si ce n'est un décret sur la sécurité publique.350(*) C'est par la jurisprudence qu'elle a été affirmée et en suite connu son essor. Les dernières années, la situation de la liberté de manifestation s'est positivement améliorée au point de la classée parmi les libertés les mieux protégées. C'est à travers l'instauration de la procédure de référé-liberté permettant en toute célérité d'arrêter toutes formes de violations des droits fondamentaux par un contrôle rapide des restrictions portées contre les libertés par le juge administratif.351(*)

1. La protection inachevée

Si la liberté de manifestation est certes reconnue à un niveau supralégislatif, les textes et jurisprudences qui la consacrent ne parlent pas de liberté de manifestation ni même de manifestation. Dans l'ordre constitutionnel, la liberté de manifestation ne bénéficie pas d'une consécration textuelle352(*). Aucun élément du bloc de constitutionnalité ne reconnaît expressément une telle liberté. Un article en ce sens figurait dans le projet de Constitution du 19 avril 1946mais ce projet ne fut pas adopté.353(*)Il a fallu attendre une décision de 1994 pour voir le Conseil constitutionnel consacrer un timide « droit d'expression collective des idées et des opinions »354(*), qui revient à reconnaître la liberté de manifester sous la forme d'une définition.

Le texte dont ce droit est issu n'est pas mentionné par le Conseil. Il paraît peu probable qu'il ait entendu le créer totalement sans aucune assise textuelle car telle n'est pas l'orientation de sa jurisprudence355(*). En cas de création d'une nouvelle norme constitutionnelle, le Conseil s'efforce toujours de la rattacher à un texte, serait-ce de façon artificielle. Dans le cas du droit à l'expression collective des idées et des opinions, le texte correspond, selon la plupart des auteurs356(*), à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, aux termes duquel « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions (...) pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi ».357(*) L'énoncé évoque la notion de manifestation d'une opinion. Il s'avère suffisamment large pour inclure la notion de manifestation au sens de défilé. Un rattachement aux articles 2 et 4 de la DDHC serait également envisageable.

Le même constat d'une reconnaissance en demi-teinte s'impose au niveau international. Là encore, sont absentes tant les notions de manifestation que de liberté de manifestation. L'article 11 de la convention européenne reconnaît un droit « de réunion pacifique ». L'article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques parle du « droit de réunion pacifique ». La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne retient une formule proche en évoquant « la liberté de réunion pacifique ».358(*)L'expression « liberté de manifestation » n'est pas expressément359(*) utilisée, comme si elle suscitait une certaine méfiance. Ce sentiment se trouve conforté par l'analyse de son régime.

2. Un régime placé sous le signe de l'ordre public et méfiance

Par rapport aux autres libertés (notamment la liberté d'association et la liberté de réunion, qui comme elles ont en commun d'amener des personnes à se rassembler), la liberté de manifestation peut être qualifiée de liberté « surveillée » au sens où son régime est placé sous le signe de la sécurité.

Cela est d'autant évident que le régime qui l'organise trouve sa place non pas dans une loi sur la liberté de manifestation ou dans le code des relations entre le public et les administrations mais dans le code de la sécurité intérieure.360(*) De façon significative, elle figure dans un Chapitre premier intitulé « Prévention des atteintes à l'ordre public lors de manifestations et de rassemblements ». Ce choix n'est pas anodin et révèle une certaine perception de la liberté de manifestation.

Cette orientation n'est d'ailleurs pas nouvelle et existe depuis la consécration de cette liberté. Le premier texte qui l'organise, à savoir le décret-loi du 23 octobre 1935, codifié en 2012 dans le code de la sécurité intérieure,361(*) s'intitule décret-loi « portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public »362(*). La philosophie et les inspirations sont différentes de « grandes lois » relatives aux libertés sous la troisième République, loi sur la presse, loi sur la liberté d'association, loi sur la liberté syndicale.363(*) Cette différence s'explique par le contexte dans lequel ce texte a été édicté. Adopté en réaction aux affrontements du 6 février 1934,364(*) il visait, dans l'esprit des rédacteurs, non pas à consacrer une liberté publique ou à reconnaître un droit de manifester mais plutôt à garantir l'ordre public. L'idée sous-jacente est la suivante : les manifestations représentent un risque, il faut le contenir.

L'orientation « sécuritaire » de la liberté de manifestation, c'est-à-dire le fait qu'elle soit, plus que d'autres, placée sous le signe de la sécurité se comprend et n'apparaît en tout état de cause pas anormale. En effet, un usage dévoyé de cette liberté est porteur d'un danger plus important et plus immédiat que d'autres libertés. Plus important car il provoquera des blessés voire des morts. Plus immédiat car les dégâts, pertes humaines, blessures, dégradations sont instantanés. La dangerosité potentielle de cette liberté se situe incontestablement un cran au-dessus d'autres libertés : si l'on prend le cas de la liberté d'association, un usage dévoyé de celle-ci aboutira, dans le pire des cas, à la constitution de groupements ayant un objet contraire à l'ordre public (s'il y a lieu, l'association sera dissoute). Un usage dévoyé de la liberté d'expression conduira à un outrage, une injure, une diffamation ou, dans le pire des cas, un appel à la haine ou à la violence. Même dans ces cas de figure, le risque ou la dangerosité n'est ni immédiat ni instantané.365(*) La plus grande dangerosité potentielle de la liberté de manifestation, par rapport à d'autres libertés, justifie qu'elle fasse l'objet d'une surveillance plus étroite.

Au demeurant, il convient de relativiser la prégnance de l'ordre dans le régime de la liberté de manifestation. Et ce pour trois raisons : primo, son exercice est soumis à un régime de déclaration et non pas d'autorisation,366(*)un arrêté soumettant les manifestations à la délivrance d'une autorisation préalable est illégal,367(*)secundo, certaines manifestations sont dispensées de l'exigence d'une déclaration préalable,368(*)tertio, en pratique, de nombreuses manifestations ne sont pas déclarées,369(*)contrairement à ce que prescrit la loi et le fait d'organiser une manifestation sans déclaration, alors même qu'il est puni par la loi370(*), ne donne quasiment jamais lieu à poursuites371(*). De même, la puissance publique ne donne pour ainsi dire jamais l'ordre de disperser des manifestations non déclarées ou interdites, estimant que le trouble à l'ordre public qui en résultera risquerait d'être plus important que celui résultant du non-respect de la loi.372(*) Cela signifie, et c'est incontestablement un signe de libéralisme, que l'autorité publique laisse se dérouler ces rassemblements qui, de fait, ne se trouvent même pas soumis à l'exigence d'une déclaration mais relèvent du régime d'exercice des libertés le plus favorable, à savoir le régime répressif : la liberté s'exerce sans autorisation ni même déclaration.373(*)

Il résulte de ce qui précède que l'orientation « sécuritaire » de la liberté de manifestation mérite d'être relativisée. En outre, dans une perspective dynamique, il est particulièrement notable que la protection juridictionnelle dont elle bénéficie soit passée au cours des dernières années du néant à l'effectivité.

§2. Le régime juridique de la liberté de manifestation en France

La manifestation est en France soumise au régime relativement libéral de la déclaration et non au régime de l'autorisation préalable.374(*) La déclaration sera faite à la mairie de la commune ou aux maires des différentes communes sur le territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus, avant la date de la manifestation. A Paris et pour les communes du département de la Seine, la déclaration est faite à la préfecture de police. Elle est faite au préfet ou au sous-préfet en ce qui concerne les villes où est instituée la police d'État. La déclaration fait connaître les noms, prénoms et domiciles des organisateurs, et est signée par trois d'entre eux, faisant élection de domicile dans le département. Elle indique le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement des groupements invités à y prendre part et, s'il y a lieu, l'itinéraire projeté. L'autorité qui reçoit la déclaration en délivre immédiatement un récépissé375(*). L'autorité publique ainsi informée ne peut interdire sous le contrôle du juge la manifestation que s'il y a une menace grave et précise pour l'ordre public.

Le droit et la jurisprudence opèrent ensuite une distinction appuyée entre l'organisateur d'une manifestation et le « simple » manifestant. L'organisateur commet un délit s'il ne déclare pas la manifestation qu'il organise, ou s'il fait une fausse déclaration, par exemple sur la date ou l'itinéraire ou encore s'il poursuit la préparation d'une manifestation interdite. Par contre, il n'y a, pour celui qui n'a pas organisé la manifestation, aucun délit à participer à une manifestation quand bien même celle-ci n'aurait pas été déclarée, voire aurait été interdite (la jurisprudence est constante), et tout du moins tant que la force publique n'enjoint pas à se disperser376(*).

Toujours en droit, il est nécessaire également d'opérer une distinction stricte entre la manifestation sur la voie publique ou encore tous cortèges, défilés et rassemblèrent de personnes.377(*)En droit, les textes qui s'appliquent aux manifestations et aux attroupements sont complètement indépendants, ils ne renvoient aucunement l'un à l'autre.

Juridiquement, une manifestation interdite ou une manifestation non déclarée, ou encore une manifestation qui ne suit pas l'itinéraire prévu ou qui ne se disperse pas à l'appel de ses organisateurs ne devient pas par cela même un attroupement. Mais faute d'une définition légale de l'attroupement, le rassemblement de manifestants sur la voie publique, dès lors que les conditions du décret-loi de 1935 ne sont plus respectées, est souvent considéré comme constituant un attroupement. Cet artifice juridique, fréquemment employé par l'administration et parfois récusé par la jurisprudence, permet de dissiper par la force l'attroupement, notamment s'il y a risque d'atteinte à la tranquillité publique.

En ce cas, il n'y a plus lieu de distinguer entre ceux qui provoquent l'attroupement (on ne parle pas ici « d'organiser » un attroupement) et ceux qui le composent, tous seront également dispersés après les sommations réglementaires décrites avec un grand luxe de détails par le Décret n° 60-898 du 24 août 1960 modifiant le code de procédure pénale.

En vertu des normes internationales, la déclaration préalable a pour seul objectif de permettre aux autorités de se préparer afin que le rassemblement en question puisse se dérouler dans les meilleures conditions, tant pour les participants que pour les autres personnes. Elle ne doit donc pas être obligatoire si aucune préparation n'est nécessaire de la part des autorités, par exemple pour les petits rassemblements. Par ailleurs, les procédures administratives pour la déposer ne doivent pas être excessivement lourdes, longues ou coûteuses.

Section 2. La positivité de la liberté de manifester en droit espagnol

La Constitution espagnole de 1978 contient une longue déclaration des droits et des libertés et de leurs garanties d'exercice, énoncée dans l'esprit de la plupart des textes constitutionnels postérieurs à 1945 et intégrés à la tradition de l'État social de droit.

Le droit de manifester est prévue à l'article 21 qui prévoit que « 1. Le droit de réunion pacifique et sans armes est reconnu. L'exercice de ce droit n'exigera pas une autorisation préalable. 2. Les autorités seront informées préalablement des réunions devant se dérouler dans des lieux de manifestation publique et de circulation ; elles ne pourront les interdire que si des raisons fondées permettent de prévoir que l'ordre public sera perturbé mettant en danger des personnes ou des biens »378(*). Par injonction du constituant, cette disposition a fait l'objet d'une mise en oeuvre législative, la jurisprudence apportant, notamment, des précisions quant aux caractères de la liberté de manifestation et déterminant, à la suite des textes, les composantes de cette liberté.

L'histoire constitutionnelle espagnole a connu diverses formes de limitations du droit de réunion et de la liberté de manifestation, oscillant en la matière jusqu'en 1978 entre diverses conceptions (1). C'est à une conception libérale que le constituant de 1978 s'est finalement rangé (2), même si on observe que ce choix est loin d'avoir éteint toutes les interrogations et les affrontements autour de ce droit, ainsi que le met en lumière l'actualité (3).

§1. Le parcours historique du droit de manifester en Espagne

La protection de ce que la doctrine a coutume de désigner comme la « liberté de manifestation » n'est qu'un acquis tardif de l'ordre juridique espagnol.379(*) En effet, pendant longtemps, en Espagne, la liberté de manifestation, associée ou non à la liberté ou au droit de réunion, n'a fait l'objet d'aucune consécration, ni législative ni a fortiori constitutionnelle. Si ce ne sont les codes pénaux de 1822 et de 1848, qui répriment les associations et les réunions illicites, cette liberté est tout simplement ignorée et cette considération limitée aux seules associations et réunions illicites en dit assez long sur l'idée que l'époque se fait du droit de réunion.380(*) Comme il a été perçu en droit français, le droit de manifester est jugée en Espagne comme un élément potentiellement subversif qui doit être fortement contrôlé et, lorsque le droit envisage de s'en saisir, c'est surtout pour lui appliquer un régime « sanctionnateur »381(*).

Certes, si quelques réunions ont bien lieu, un grand nombre sont en réalité interdites sans que soit exigée une motivation particulière et, évidemment, sans qu'un contrôle des mesures d'interdiction ne soit prévu. De sorte que durant une grande partie du XIXème siècle, le droit de se réunir, et plus encore le droit de manifester, ne sont pas appréhendés en Espagne en tant que droits des individus mais ont beaucoup plus à voir avec un régime de police discrétionnaire, tout se passant comme si la restriction de la liberté de réunion était dans l'ordre naturel des choses382(*).

À partir de la Constitution de 1869, les choses évoluent nettement puisque son article 18 reconnaît positivement le droit de réunion, rapproché des libertés d'expression et d'association ainsi que du droit de pétition.383(*) Poursuivant même ce mouvement, la loi accueille le droit de réunion et de manifestation. D'une part, le Code pénal de 1870 liste les réunions et manifestations non pacifiques et donc illicites, d'où il ressort que les réunions et manifestations non incluses dans cette liste sont pacifiques et licites, et méritent à ce titre la protection de l'ordre juridique.384(*)

D'ailleurs, des sanctions sont prévues à l'encontre des fonctionnaires qui empêcheraient une réunion pourtant licite. Et bien que la liste des réunions interdites reste fort longue, un pas sérieux est incontestablement franchi par le Code pénal dans le sens d'une meilleure reconnaissance de la liberté de réunion. D'autre part, cela ressort de manière plus évidente encore de la loi du 15 juin 1880 portant précisément sur l'exercice de(s) réunion(s) publique(s)385(*).

Conformément à la Constitution de 1869, la réunion est bien présentée comme un droit ; mieux, les conditions prévues pour jouir de ce droit s'avèrent même libérales puisque, pour pouvoir organiser une réunion ou une manifestation licite, il suffit de porter par écrit à la connaissance du représentant du gouvernement l'objet, le site, le jour et l'heure de la réunion.386(*) Toutefois, ce régime de déclaration préalable assez respectueux des libertés se trouve tempéré par le fait que certaines réunions, même licites, exigent une autorisation préalable ; il s'agit de toutes celles qui sont célébrées dans les rues, sur les places et les allées, ou autres lieux de circulation. Il s'agit ici d'un régime hybride combinant information et autorisation préalables, assimilable à celui qu'a connu la RDC sous l'empire du décret-loi de 1999. Il faut relever cependant que le régime espagnol de 1869 se révèle plus restrictif que le régime congolais de 1999 au motif que le droit espagnol de l'époque subordonnait toutes les manifestations et réunions dans l'espace public à l'autorisation préalable alors qu'au Congo en 1999, toutes les manifestations dans l'espace public n'étaient pas concernées par l'autorisation préalable. Autant dire que les manifestations sont, en Espagne de l'époque, davantage suspectées de poser problème, le législateur privilégiant souvent à leur encontre un régime plus rigoureux.

Pour autant, le droit de réunion et de manifestation sort grandi d'une législation qui, dans les années 1870-1880, est dans une certaine mesure avant-gardiste. D'abord, par les formules employées : il n'est plus question par exemple de réunions à l'air libre mais de réunions sur des lieux de circulation, ce qui a pour conséquence de concrétiser plus clairement le caractère public des sites de réunions. Ensuite, le juge n'est pas écarté du processus puisque, dès que des sanctions sont envisagées contre les organisateurs de la réunion ou de la manifestation, il est seul autorisé à les prononcer.387(*) Enfin, et plus généralement, avec le Code pénal de 1870 et la loi sur les réunions de 1880 c'est un vent libéral, à la suite de l'élan imprimé par la Constitution de 1869, qui souffle sur des libertés jusque-là particulièrement malmenées, une « oasis au milieu des dispositions qui asphyxiaient les libertés publiques au XIXème siècle ».388(*) Cet état d'esprit bienveillant à l'égard du droit de réunion et de manifestation ne sera pas surpassé avant 1978, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de l'actuelle Constitution du Royaume d'Espagne.

On peut s'en étonner au regard de la Constitution de 1931, qui institue la seconde République espagnole, dans la mesure où ce texte exprime une forte réaction à la dictature du général Miguel Primo de Rivera qui a sévi de 1923 à 1930 avec la complicité du Roi Alphonse XIII.389(*) L'esprit libéral qui a présidé à l'élaboration de ce nouveau texte constitutionnel laissait donc à penser que les libertés publiques allaient, à l'image de la France qui fait alors figure de modèle, connaître leur âge d'or. D'ailleurs, pour ce qui est de la liberté de réunion, l'espoir est d'autant plus fort que l'article 38 lui ménage une place propre, indépendante par rapport aux libertés classiques comme la liberté d'expression ; cela exprime le caractère nouveau donné à cette liberté, plus seulement conçue comme une liberté individuelle mais également comme une liberté sociale, par laquelle chaque individu peut être et se montrer comme manifestation de la réalité sociale et comme figure de la société390(*). Pourtant, l'espoir fait long feu car le régime n'arrive pas à faire face à la désagrégation du système politique espagnol, aux problèmes sociaux et à la question religieuse. À l'inverse, particulièrement après l'arrivée au pouvoir du Front populaire en 1936, il se confronte à des coups d'État et bientôt à la guerre civile391(*). Autant dire que, quelles qu'aient été les bonnes intentions des constituants en faveur d'une démocratie libérale, les conditions n'étaient en réalité pas réunies pour pouvoir assurer un développement favorable des libertés. Le régime de la liberté de réunion reste ainsi, sur le principe tout au moins, à quelque chose près le même que sous l'empire des lois de 1870 et de 1880.392(*)

La situation va évidemment fortement évoluer avec la victoire du franquismeen 1939.393(*) En mal bien sûr, particulièrement à l'endroit de la liberté de réunion et de manifestation qui va être, comme toujours dans le cadre d'un régime autoritaire, l'une des premières cibles du nouveau régime, considérant que cette liberté présente un potentiel de subversion avéré à l'encontre du nouvel ordre politique et social. Il suffit de se référer à la circulaire édictée par le Sous-secrétaire de l'intérieur du 20 juillet 1939 pour observer la bascule complète. Dans l'exposé des motifs, on peut lire qu'en vertu des principes hiérarchiques du régime, la liberté de réunion est soumise à la Haute direction politique de l'État, ce qui, en d'autres termes, laisse imaginer l'état particulièrement précaire auquel va être réduite cette liberté. Concrètement, la circulaire ordonne que toutes les réunions et manifestations, sans exception, fassent l'objet d'une autorisation préalable par l'autorité gouvernementale. De plus, les autorités administratives disposent elles-mêmes, et non plus le juge, de la possibilité de sanctionner les organisateurs de manifestation récalcitrants394(*). La motivation des refus révèle à elle seule, si besoin en était, le caractère liberticide du régime à l'endroit du droit de réunion puisque, selon les consignes rappelées par la loi d'ordre public de 19598, son exercice ne sera autorisé qu'à partir du moment où les fins qu'il poursuit sont les mêmes que celles défendues par l'idéologie et les valeurs du régime franquiste. Cet épisode sombre pour les libertés prendra fin avec la mort de Franco en 1975 et la restauration du régime démocratique, donnant lieu à l'adoption de la Constitution de 1978. La période, agitée, qui sépare la Constitution de 1869 et la Constitution de 1978, livre beaucoup d'enseignements sur la conception que l'ordre juridique espagnol se fait aujourd'hui de cette liberté composite.

§2. Les acquis consolidés en droit positif

Avant toute chose, relevons que la consécration constitutionnelle de la liberté de réunion et de manifestation ne se suffit pas à elle seule, dans la mesure où les dispositions constitutionnelles restent concises et générales ; en particulier, aucune définition de la liberté de réunion n'est donnée. De sorte que cette liberté apparaît comme un concept englobant, qui recouvre tout à la fois le droit de se réunir dans un endroit de manière statique et le droit de manifester, qui suppose également une réunion d'individus mais de manière mouvante. Surtout, le manque de précisions appelle des lois de mise en oeuvre, afin de préciser l'objet de la liberté et ses modalités d'exercice. La loi de 1880 est, à cet égard, exemplaire et servira sans doute de modèle lointain au législateur contemporain.

La Constitution espagnole de 1931, quant à elle, prévoyait expressément une loi spéciale de régulation du droit de réunion à l'air libre395(*) mais, pour les raisons rappelées, celle-ci n'a jamais vu le jour. La Constitution de 1978 n'innove donc pas en invitant, sans le dire, le législateur à intervenir. Une loi organique de 1983 sur le droit de réunion a ainsi été adoptée pour développer les préceptes constitutionnels. Comme elle l'indique dès son premier article, « le droit de réunion pacifique et sans armes, reconnu à l'article 21 de la Constitution, s'exercera conformément aux dispositions de la présente loi organique »396(*). À la Constitution les grands principes, à la loi organique les conditions précises d'exercice ou, comme a pu le dire le Tribunal suprême espagnol, « le contenu propre du droit de réunion »397(*).

Au regard de l'histoire constitutionnelle espagnole, trois régimes principaux de restriction à la liberté de manifestation sont concevables, classés en fonction du degré d'atteinte à la liberté. De ce point de vue, tout d'abord, le régime le plus attentatoire est celui de l'autorisation préalable, c'est-à-dire celui en vertu duquel pour manifester ou se réunir, il faut y être autorisé par l'administration. Par nature, contraire à l'idée même de liberté, puisqu'on est libre seulement si on est autorisé à l'être, ce régime peut s'aggraver en fonction de son champ d'application, autrement dit en fonction des types de réunions qui en sont frappées, s'aggraver aussi s'il n'existe par ailleurs aucun contrôle juridictionnel de la décision de l'administration refusant l'autorisation. Sous Franco, toutes les réunions publiques ou les manifestations devaient être autorisées et il n'y avait pas d'intervention possible d'un juge398(*). Le pouvoir discrétionnaire de l'administration était par conséquent préalable et sans limites si bien que la liberté de réunion n'existait pas en réalité399(*). Le pouvoir était plus que discrétionnaire, il était arbitraire. Ensuite, le régime dit de déclaration préalable - en Espagne, l'expression est celle de « communication préalable » - est celui posé par la loi de 1880 à propos des réunions publiques400(*).

La structure complexe de la liberté de manifestation apparaît d'un triple point de vue, en ce qu'il s'agit d'un droit instrumental, de caractère politique, à la fois individuel mais aussi collectif et social. En outre, elle suppose, pour être identifiée, la réunion de trois éléments, temporel, finaliste et objectif. Quant à son caractère instrumental, relevons tout d'abord que la liberté de réunion et de manifestation produit des effets par lui-même en ce que sa vocation première est de permettre à un groupe d'individus de se réunir ou de manifester, autrement dit de se réunir de manière mouvante. Mais, à s'en tenir à cette conception étroite, on passe à côté de ce qui fait l'âme de la liberté de réunion et de manifestation, c'est-à-dire l'instrument, le support, le vecteur offrant un terrain d'épanouissement à d'autres libertés. La réunion ou la manifestation sont en effet des canaux d'extériorisation, au premier chef de la liberté d'opinion et d'expression, mais au second plan d'autres droits fondamentaux, tels que les droits politiques ou la liberté syndicale. Ainsi que l'a souligné le Tribunal suprême, le droit de réunion se révèle être « un instrument de la liberté d'expression », « une technique qui a comme finalité d'exprimer des idées, d'extérioriser des problèmes et de défendre des intérêts »401(*). Ce droit figure ainsi, dans une large mesure, le « point de rencontre des libertés individuelles»402(*).

Ce droit403(*) présente, ensuite et au surplus, un caractère politique, qui souligne son instrumentalisation. De ce point de vue, cette dernière est d'autant plus marquée que la liberté de réunion et de manifestation opère plus particulièrement dans le champ politique. Elle permet l'expression politique et dans une certaine mesure la participation politique en offrant aux individus la possibilité de manifester une idée, une opinion, qui prendra souvent la forme d'une revendication ou d'une contestation à l'endroit du pouvoir politique. C'est pourquoi, comme a pu le préciser le Tribunal constitutionnel, « la reconnaissance du droit de réunion par la Constitution 1978 manifeste la volonté de consacrer un élément déterminant de l'État démocratique et de l'État de droit »404(*). Reconnaître le droit de réunion et de manifestation, c'est reconnaître un pilier indispensable au système démocratique qui impose la liberté d'expression et la liberté des supports d'expression. À travers l'échange d'idées et d'opinions qu'il offre, le droit de réunion permet à l'ensemble social d'exprimer une position ou une revendication et, par conséquent, d'influencer la prise de décision par le pouvoir politique.

Enfin, le droit de réunion comporte une double face : « c'est un droit individuel quant à ses titulaires et un droit collectif quant à son exercice »405(*). C'est, en effet, en premier lieu, une liberté d'ordre individuel, reconnue comme droit subjectif de la personne, et un droit qui est donc opposable. Le titulaire du droit est, prima facie, la personne, entendue concrètement, qui dispose d'un droit-liberté aussi classique que précieux dans une société démocratique. Cependant, dans son exercice, le droit est aussi, en second lieu, une liberté d'ordre collectif puisque, évidemment, on ne peut se réunir ou manifester seul. Il importe qu'il y ait un minimum de participants à l'acte de réunion ou de manifestation. Le nombre minimum de participants a, d'ailleurs, été fixé à 20 personnes par la loi organique de 1983406(*), sans que le Tribunal constitutionnel ne trouve à y redire. Et parce que la liberté de réunion ou de manifestation permet une expression collective, elle revêt aussi un caractère social, fortement souligné à l'occasion de l'instauration de la Seconde République en 1931407(*).

Perçue de nouveau sous son angle instrumental, la réunion ou la manifestation joue une fonction sociale en étant support d'une opinion ou d'une revendication partagée et renforcée grâce à l'expression collective, en structurant aussi le mouvement collectif, apparaissant comme un marqueur social particulièrement visible. Sous cet angle, s'éclaire à nouveau la méfiance naturelle du pouvoir politique à l'égard de la liberté de réunion, qui sera d'autant plus forte que le régime sera autoritaire. Expression collective et revendicative, la réunion, et plus encore la manifestation, représente une arme potentiellement déstabilisante pour le pouvoir en place. Beaucoup de dirigeants ont reculé face au pouvoir de la rue, et la frontière entre l'expression collective pacifique et l'expression collective belliqueuse peut s'avérer poreuse ; les souvenirs d'une manifestation se transformant en émeute, voire en insurrection, alimentent cette crainte. Dans les régimes autoritaires, la suspicion permanente, le contrôle rapproché et la censure systématique deviennent le mode de fonctionnement ordinaire pour éviter qu'un mouvement collectif contestataire ne mette en cause le régime et ses dignitaires.

§3. La conception espagnole de la liberté de manifestation

Outre son caractère tout à la fois individuel, collectif et social, le droit de réunion se compose de trois éléments principaux, temporels, finalistes et objectifs.408(*) L'élément temporel, en premier lieu, découle du fait que le regroupement de personnes doit avoir un caractère temporel, transitoire à la différence du droit d'association. Autrement dit, la réunion ou la manifestation implique un regroupement momentané de personnes qui poursuivent une même finalité409(*). À cet égard, l'élément finaliste, en deuxième lieu, ressort de ce que la réunion ou la manifestation présente comme objectif essentiel la défense d'intérêts, l'exposition et l'échange d'opinions et d'idées, et/ou une expression contestataire. Elles ne sont pas une simple agglomération spontanée de personnes. Elles supposent une fin et une proposition qui, pour ce qui concerne les réunions publiques en tout cas, se formaliseront à travers une demande d'autorisation ou de communication préalable, la réunion ou la manifestation devant avoir en particulier un caractère licite. L'élément objectif, en troisième et dernier lieu, fait référence au lieu de célébration qui est déterminant pour identifier le type de réunion et le régime applicable.

En définitive, s'agissant de la configuration du droit de réunion, le Tribunal constitutionnel en a donné la définition suivante, synthétisant sa structure complexe. « Le droit ou la liberté de réunion a été reconnu par ce Tribunal comme une manifestation collective de la liberté d'expression réalisée à travers une association temporaire (transitoria), de personnes qui opère de manière instrumentale au service de l'échange et de l'exposition des idées, de la défense des intérêts ou de l'expression de problèmes et de revendications, dont les éléments constitutifs sont [les éléments] subjectif (regroupement de personnes), temporel (durée), finaliste (licéité) et réel (lieu de célébration) ».410(*)

Cette affirmation expose le flanc à la critique : l'on doit s'interdire de rabattre purement et simplement la liberté de manifestation sur la liberté d'expression combinée à la liberté de réunion. En effet, tout manifestant sait bien que s'il « descend dans la rue », ce n'est pas pour exposer ses idées, ni pour en débattre avec d'autres. Il n'entend pas discourir, mais agir. Il ne cherche pas à convaincre, mais à peser. On manifeste pour obtenir la démission d'un gouvernement, le retrait d'un projet de loi, la prise en compte de valeurs ou d'intérêts négligés, c'est-à-dire pour amener les représentants du peuple (ou d'autres types de dirigeants) à changer le cours de leur action (il en est par exemple des indépendantistes catalans). La manifestation étant moins l'expression d'une opinion que celle d'une volonté, ce qui compte n'est pas ce que disent les manifestants, mais ce que dit leur simple présence dans la rue : « notre présence collective prouve que nous avons la faculté de nous exprimer, même si tout ce que nous disons, c'est que nous existons ».411(*)

A côté de ces précisions apportées par la jurisprudence, observons que l'article 21 de la Constitution espagnole ne définit pas ce qu'il faut entendre par réunion, à une exception importante près. Le droit de se réunir est reconnu de manière générale, sauf s'il s'agit de réunions non pacifiques et avec armes. Cette limitation est classique puisqu'elle se retrouve dans la Constitution de 1931, qui elle-même faisait écho à la loi de 1880, laquelle admettait seulement les réunions pacifiques. Aussi, convient-il avant toute chose d'opérer une summa divisio, tenant au champ d'application du droit, entre les réunions licites et les réunions illicites. Pour l'essentiel, ces dernières, qui sont traitées par les lois pénales, ressortent des réunions non pacifiques ou avec armes et ne disposent pas de la couverture constitutionnelle. Elles sont, par conséquent, hors champ de protection constitutionnelle et il restera, ce qui n'est pas une mince affaire, à définir ce que l'on entend par réunions non pacifiques et avec armes, tâche qui revient à la loi pénale et à la jurisprudence412(*).

Au-delà, il importe d'établir une distinction entre les réunions qui ne sont soumises à aucune contrainte particulière et celles qui se voient appliquer un régime spécifique organisé par la loi organique de 1983 sur la base de l'article 21 de la Constitution. Les premières réunions sont celles qu'on pourra, de manière générale, qualifier de privées. Elles sont entièrement libres et peuvent évidemment se revendiquer directement de la protection de l'article 21 de la Constitution. Il s'agit, pour l'essentiel, des réunions : au domicile des personnes concernées ; organisées pour des raisons familiales ou amicales ; organisées par les partis politiques, les syndicats, les entreprises et les autres entités de ce genre (associations, corporations, fondations, etc.).

Le second type de réunions concerne celles qui sont soumises au régime spécifique prévu par la Constitution (alinéa 2 de l'article 21) et détaillé dans la loi organique de 1983. Il s'agit de réunions se tenant dans des lieux publics identifiés, la Constitution espagnole utilisant l'expression « lieux publics de circulation et de manifestation », c'est-à-dire pour l'essentiel le « foro público », représentant « le domaine public partagé pour l'exercice des libertés publiques »413(*). Par ailleurs, on aura remarqué que le droit de manifester n'est pas distingué du droit de réunion. La manifestation figure, par conséquent, l'une des formes d'exercice du droit de réunion visé par le texte constitutionnel. C'est seulement au niveau de la loi organique que sont mentionnées distinctement « les réunions et les manifestations ». Mais le régime est en définitive le même.

Dans une telle hypothèse, les organisateurs doivent déclarer préalablement la manifestation auprès de l'administration et ce n'est qu'après déclaration que l'administration peut intervenir. Encore que, on l'a vu, la loi de 1880 variait les plaisirs puisque certaines réunions publiques, en particulier les manifestations, étaient soumises à une autorisation préalable. Le régime peut donc être mixte et relever de divers mécanismes. À cela s'ajoute la possible intervention du juge pour contrôler le bien-fondé du refus ou de l'interdiction prononcée par l'administration. Enfin, le régime le plus libéral est le régime répressif ou judiciaire ; dans ce cas, la faculté d'interdire une réunion ou une manifestation ne relève que de la compétence du juge, soit par l'intermédiaire de l'administration à qui la réunion ou la manifestation a été préalablement déclarée, soit à travers une action exclusivement répressive en ce sens que le juge réprimera a posteriori les infractions commises à l'occasion de la réunion ou de la manifestation. Si l'intervention du juge a bien été imaginée ou consacrée dans les périodes libérales de l'histoire constitutionnelle espagnole, il semble n'avoir jamais été question de tout transférer entre les mains de celui-ci seul, a fortiori de manière exclusivement répressive.414(*)

A cet égard et sans surprise, le choix du Constituant de 1978 a été d'opter pour un régime respectueux de la liberté de réunion en disposant, dès l'alinéa premier de l'article 21, que : « L'exercice de ce droit ne nécessitera pas d'autorisation préalable ». La réunion et la manifestation sont donc en principe libres. Toutefois, quelle que soit l'importance que le Tribunal constitutionnel accorde à la liberté de réunion et de manifestation, il a bien insisté sur le fait que cette liberté, comme la grande majorité des libertés, n'était pas absolue et qu'elle pouvait par conséquent connaître des limites. À ce propos, observons que deux niveaux de limitation peuvent être distingués. Il y a, d'une part, on l'a évoqué, les réunions et manifestations qui sont par principe interdites parce qu'elles sont jugées illicites.

Ce point renvoie directement à l'identification constitutionnelle des réunions licites de manière générale, à savoir les réunions pacifiques et sans armes. Toutes les réunions non pacifiques et/ou avec armes sont prohibées et il appartient au législateur pénal d'en établir la liste. A vrai dire, le champ de l'illicéité paraît plus entendu puisque la loi de 1983 de régulation du droit de réunion indique, dans son article 1-3, que : « Les réunions illicites sont celles qui sont qualifiées comme telles par les lois pénales », ce qui, au-delà de la problématique des réunions non pacifiques ou armées, laisse indiscutablement une marge de manoeuvre au législateur. Il reviendra au juge constitutionnel de veiller à ce que le seuil de l'illicéité ne soit pas trop attentatoire à la liberté de réunion et de manifestation.415(*)

Il y a, d'autre part, selon l'alinéa 2 de l'article 21 de la Constitution, le cas des réunions sur les lieux de circulation publique et de manifestations pour lesquelles il est demandé une communication préalable à l'autorité administrative, qui pourra les prohiber seulement quand il existe « des raisons sérieuses et fondées d'altération de l'ordre public, avec un danger pour les personnes ou pour les biens ».416(*)

La loi organique de 1983 se charge de préciser ce régime de déclaration. En particulier, son article 8 dispose que : « La célébration des réunions dans les lieux de circulation publique et de manifestations devra être communiquée par écrit à l'autorité gouvernementale compétente par les organisateurs ou les promoteurs417(*), dans un délai de dix jours ouvrables minimum et de trente jours maximum ». Ce régime général est complété d'un régime particulier au titre duquel, toujours selon l'article 8 de la loi organique : « Quand existent des motifs extraordinaires et graves qui justifient l'urgence de la convocation et de la célébration de réunions dans des lieux de circulation publique et de manifestations, la communication (...) pourra se faire dans un délai minimum de vingt-quatre heures ».418(*)

L'article 10 de la loi organique s'intéresse, quant à lui, au fond du problème puisqu'il énonce les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut s'opposer à la réunion ou la manifestation. Il dispose ainsi que « si l'autorité (gouvernementale) estime qu'il existe des raisons sérieuses qu'une altération de l'ordre public puisse se produire, avec un danger pour les personnes ou pour les biens, elle pourra interdire la réunion ou la manifestation ou, le cas échéant, proposer la modification de la date, du lieu, de la durée ou de l'itinéraire de la réunion ou de la manifestation. La décision devra être motivée, et notifiée dans le délai maximum de soixante-douze heures suivant la communication (préalable) ». Enfin, l'article 11 de la loi organique prévoit qu'en cas de décision défavorable, les organisateurs pourront « exercer un recours contentieux (administratif) devant le Tribunal compétent, dans le délai de quarante-huit heures ».

D'autre part et surtout, la déclaration préalable donne la possibilité aux autorités administratives d'évaluer l'atteinte et la dangerosité que la réunion ou la manifestation emporte à l'encontre des droits et libertés des tiers en présence (liberté de circulation, liberté de conscience, sécurité des personnes et des biens, etc.). C'est à cette seule condition qu'il sera possible pour la puissance publique de soumettre la mise en oeuvre effective du droit fondamental en cause à des modifications ou à des aménagements, pouvant aller jusqu'à l'interdiction pure et simple419(*).

Effectivement, comme tout droit fondamental, la liberté de manifestation peut faire l'objet de limitations. Au titre de ces dernières, l'interdiction figure expressément à l'alinéa 2 de l'article 21. Cette dernière ne peut intervenir qu'en cas de risque d'altération de l'ordre public mettant en danger des personnes ou des biens, mais aussi, plus généralement, lorsqu'apparaît la nécessité d'« éviter qu'un exercice sans limites de ce droit ne porte atteinte à d'autres valeurs constitutionnelles, ce qui se déduit de l'article 10, alinéa 1, de la Constitution »420(*). Ainsi, le juge constitutionnel espagnol a-t-il indiqué que « dans les hypothèses où il existe des raisons fondées permettant de penser que les limites précitées ne vont pas être respectées, l'autorité compétente peut exiger que le rassemblement ait lieu tout en respectant lesdites limites constitutionnelles ou même, s'il n'existe aucun autre moyen de s'assurer de leur respect, en l'interdisant ». La référence aux « raisons fondées permettant de penser » renvoie alors un impératif de motivation effective et précise de sa décision par l'autorité administrative421(*).

C'est presqu'une évidence en démocratie mais, explicitant son raisonnement, le juge constitutionnel espagnol a pris soin de rappeler, pour expliquer cette conception, que « le contenu des idées liées aux revendications », que les manifestants entendent exprimer ou défendre par le biais de l'exercice de la liberté de manifestation, ne peut faire l'objet de « contrôle d'opportunité » ou d'un « contrôle politique. Puisque dans une société démocratique, l'espace urbain n'est pas seulement un lieu de circulation mais qu'il est aussi une sphère de participation des habitants à la vie publique, il est normal d'y laisser une place pour l'expression d'opinions.422(*) Dès lors, très concrètement, pour interdire une manifestation, il faudra, par exemple, démontrer l'obstruction totale des voies de circulation, interdisant tout accès à des zones déterminées ou des quartiers de la ville, sans possibilité d'avoir recours à des routes alternatives, c'est-à-dire une altération certaine de l'ordre public mettant en danger les personnes ou les biens, les services essentiels de sécurité ne pouvant alors être assurés.

Le juge constitutionnel espagnol est, d'ailleurs, allé jusqu'à indiquer, de manière assez précise, que des difficultés de circulation ne pourront justifier une restriction de la liberté de manifestation lorsque des mesures préventives s'avèrent impossibles à adopter ou sont impuissantes à atteindre le but fixé - par exemple, parce qu'elles ne permettent pas l'accès à la zone concernée, ou sont disproportionnées par exemple, lorsque les itinéraires alternatifs envisageables supposent des retards ou des détours irraisonnables ».423(*) Dans le même sens, toujours à propos de l'interruption du trafic automobile du fait de l'organisation d'une manifestation, le Tribunal constitutionnel a jugé qu'une telle « perturbation ne pouvait pas être à elle seule de nature à justifier une interdiction car elle n'est pas assimilable à une atteinte à l'ordre public mettant en danger des personnes ou des biens ».424(*)

Par conséquent, la référence à la seule perturbation du trafic automobile, sans autre détail, c'est-à-dire sans référence ni démonstration allant au-delà de la pure et simple constatation d'une interruption de la circulation pendant 45 minutes est insuffisante à justifier une atteinte à la liberté de manifestation, car cette perturbation est, « en quelque sorte, accessoire ».425(*) Il faut comprendre par là que le Tribunal constitutionnel interprète le concept de perturbation de l'ordre public, mettant en danger les personnes ou les biens, à la lumière des principes de l'État de droit social et démocratique ; ce qui explique qu'il considère que les valeurs qui fondent et assurent la cohérence de l'ordre social ne peuvent pas être utilisées comme paramètre du contrôle opéré par l'autorité administrative426(*).

Par ailleurs, cette garantie de l'exercice de la liberté de manifestation doit être assurée conjointement avec le respect du principe d'égalité, ce qui interdit bien toute discrimination en fonction du contenu du ou des messages que les promoteurs de la manifestation entendent transmettre. Et cette conception, certes rigoureuse, du véritable danger pour l'intégrité des personnes et des biens, ne verse pas pour autant dans l'excès car elle n'est pas nécessairement synonyme d'un recours à la violence par celles et ceux qui participent à la manifestation, dans la mesure où de telles manifestations ne relèvent pas de l'alinéa 2 de l'article 21, ce dernier ne visant que des rassemblements pacifiques. De ce point de vue, l'alinéa 2 ne délimite pas le contenu de la liberté de manifestation mais établit une limite à son exercice et confère aux pouvoirs publics la faculté de déterminer les mesures adéquates afin de garantir le bon exercice de la liberté en cause.

Outre qu'elle devra donc être précisément motivée427(*), l'éventuelle décision de l'autorité administrative devra être proportionnée. Il n'y a là rien de surprenant, la jurisprudence constitutionnelle espagnole jugeant, de manière très orthodoxe, que la disproportion entre la fin poursuivie et les moyens mis en oeuvre pour y parvenir fait l'objet d'un contrôle, y compris devant le juge constitutionnel, aboutissant à sa censure chaque fois que ce défaut de proportion implique « un sacrifice excessif et non nécessaire des droits garantis par la Constitution »428(*).

En matière de liberté de manifestation, cette appréciation de la proportionnalité met en oeuvre trois éléments : tout d'abord, l'adéquation de la mesure restrictive à l'objectif poursuivi, ensuite la nécessité de la mesure elle-même, en ce sens qu'il ne devait pas exister d'autre moyen moins attentatoire à la liberté permettant de parvenir au même but et, enfin, sa proportionnalité au sens strict, c'est-à-dire l'appréciation des avantages susceptibles d'en découler au regard des dommages qu'elle suppose.429(*) C'est ici que, comparativement à ce qui se produit dans les autres démocraties continentales, l'application du principe « favor libertatis » qui suppose de favoriser la liberté de manifester, expliquant la nécessité d'une motivation sérieuse d'éventuelles décisions de la puissance publique restreignant les conditions d'exercice de ce droit.430(*)Il s'ensuit que la communication tardive de la décision par l'autorité publique aux organisateurs de la manifestation est susceptible de censure devant le juge ordinaire ;elle peut également faire l'objet d'un grief soulevé devant la juridiction constitutionnelle dans le cadre du recours d'Amparo.431(*)

Section 3. L'exercice de la liberté de manifestation au Bénin

Le droit de manifester est un droit fondamental des citoyens au Bénin. Au-delà de sa protection juridique par les textes nationaux et internationaux, il est consolidé au Bénin par sa protection par la constitution. Ainsi, la liberté de manifestation jouit d'une large protection juridique au Bénin contrairement à d'autres États comme la France où elle n'est pas reconnue par la Constitution et c'est la jurisprudence qui s'est contentée de lui donner un caractère constitutionnel.432(*)

Depuis quelques années, on observe que les manifestations font l'objet d'un filtrage politique soit pour permettre à un groupe donné d'exprimer ses opinions et d'empêcher les groupes dissidents. Les groupes d'opposition au Bénin sont régulièrement interdits de manifester et on peut se demander s'il existe des textes juridiques réglementant l'exercice du droit de manifester au Bénin.433(*) Il en découle que même si la liberté de manifestation bénéficie d'une reconnaissance au Bénin (§1), son encadrement est quelque peu dévoyé par les pratiques politiques (§2).

§1. La reconnaissance de la liberté de manifester au Bénin

La liberté de manifestation, à l'instar d'autres libertés, jouit d'une protection juridique en droit béninois. Cependant, il existe des libertés dont l'exercice pourrait entrer en collision avec l'exercice d'autres droits. C'est en effet les droits qui constituent les libertés fondamentales qui appellent ces difficultés. Il est un fait que la liberté de manifestation pacifique ne figure pas parmi les droits faisant partie du noyau dur des droits fondamentaux. Cela induit qu'elle peut être sujette à des limitations.

Au Bénin, le droit de manifester est un droit suffisamment reconnu (1) même si sa conciliation paraît pénible (2) compte tenu des intérêts des tiers et de l'ordre public.

1. Le cadre juridique de la reconnaissance de la liberté de manifester

Le droit de manifester est aussi bien garanti par les textes internationaux reconnus par le Bénin que par les textes nationaux. Plusieurs textes internationaux ont fait de la liberté de manifestation, explicitement ou implicitement, un droit que les États doivent protéger. La plupart de ces textes ont été analysés ci-haut, ce qui rend superfétatoire leur analyse. Nous mettons cependant un accent particulier sur une réalité juridique singulière constatée dans la Constitution béninoise : la constitutionnalisation des droits et devoirs proclamés et garantis par la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples adoptée en 1981 par l'Organisation de l'Unité Africaine, et ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986, lesquels, sur pieds de son article 7, font partie intégrante de la Constitution et du droit béninois.434(*)

Deux constats peuvent être réalisés à partir de cette disposition : premièrement, étant une réaffirmation d'une idée force du préambule de la Constitution, cet article de référence fait mesurer le degré d'attachement du constituant à cet instrument panafricain, mis en annexe à la Constitution, dont il fait partie intégrante et ses dispositions constituent des normes supérieures à la loi interne et ce aussi conformément à l'article 147 de la Constitution. La diffusion et l'enseignement de cette Charte sont prescrits par l'article 40 de la Constitution. En second lieu, nombre de décisions de la Cour constitutionnelle435(*) se réfèrent non seulement à l'article commenté, mais aussi directement à des dispositions de la Charte.

Au niveau interne, c'est l'article 25 de la Constitution béninoise qui consacre la liberté de manifestation en ces termes : « L'État reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d'aller et venir, la liberté d'association, de réunion, de cortège et de manifestation ». De cette consécration constitutionnelle on peut relever les observations suivantes : différemment de la RDC où un article entier de la Constitution du 18 février 2006 est consacré à la liberté de manifestation, celle-ci fait l'objet d'une consécration vague à côté d'autres droits et de manière laconique ; comme le constituant congolais, le constituant béninois habilite le législateur à fixer les conditions d'exercice de la liberté de manifestation.

La lecture combinée et croisée de ces deux dispositions fait ainsi de ce domaine une réserve de compétence législative. Le juge constitutionnel béninois a affirmé avec force cette idée en précisant par exemple que « la liberté d'association, de réunion, de cortège et de manifestation est constitutionnellement garantie et que la loi peut en règlementer l'exercice, voire la limiter.

En revanche, elle ne saurait en aucun cas la supprimer ou l'annihiler, fût-ce même temporairement [...] que le pouvoir exécutif ou règlementaire ne peut donc s'immiscer dans ce domaine, si ce n'est seulement pour préciser les modalités d'application de la loi »436(*). Ainsi, les raisons possibles de limitation doivent se fonder sur un intérêt public légitime et les inconvénients de la limitation doivent être strictement proportionnels et absolument nécessaires pour les avantages à obtenir. Ce qui est plus important, une limitation ne doit jamais entraîner comme conséquence le fait de rendre le droit lui-même illusoire.

2. L'exercice de la compétence législative au Bénin

Le législateur béninois a ainsi la charge de tracer le cadre juridique de la liberté de manifestation conformément à l'injonction de la Constitution et de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ; mais c'est la référence au décret-loi de 1935 qui est observée au Bénin. Ce décret-loi français du 23 octobre 1935 s'appliquait au Bénin pendant la période coloniale, et, comme dans d'autres pays colonisés, continue à s'appliquer au Bénin indépendant.

Comme expliqué plus haut concernant la France, ce décret place les manifestations plus sous le signe de l'ordre public que d'un droit fondamental. Et puisque c'est surtout le recours à la voie publique qui fait la spécificité de la manifestation, sa régulation fait ainsi appel aux autorités communales. Ainsi, la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin réglemente l'exercice de la liberté de manifestation au Bénin par le rôle qu'il assigne aux autorités communales. Son article 76 dispose que « Le Maire est chargé de la police administrative dans la commune. Il sollicite pour ce faire, le concours des services compétents de l'État. Les actes de police du Maire ont pour objet d'assurer l'ordre, la tranquillité, la sûreté et la salubrité publique. Ils comportent: 1- Tout ce qui intéresse la sureté et la commodité de passage dans les rues, places, quais et voies publiques; 2- Le maintien d'ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, lieux de culte et autres lieux publics »437(*).

Dans le même sens, on peut faire référence au Décret 2005-377 du 23 juin 2005 portant réglementation du maintien de l'ordre qui prévoit que « le maintien de l'ordre a pour objet de prévenir les atteintes à l'ordre public et de prendre les mesures propres à le rétablir ». Ce Décret participe aussi à la réglementation du droit de manifester. En effet, c'est pour empêcher les dérives et surtout les troubles à l'ordre, que le Décret de 2005 peut être examiné comme organisant l'exercice du droit de manifester au Bénin438(*). Le maintien de l'ordre appellerait ainsi à la réglementation de la manifestation. Il existe donc un encadrement juridique de la manifestation par ces deux textes qui protègent l'ordre public.

En même temps qu'il faut protéger le droit de manifester, il importe de préserver le droit des autres personnes qui ne participent pas à la manifestation et partant, l'ordre public, ce qui est souvent difficile à concilier. Sous prétexte de garantir l'ordre public et l'intérêt général, les autorités béninoises exercent un pouvoir discrétionnaire anticonstitutionnel. Dans sa volonté de moderniser sa législation pénale, le législateur béninois a introduit une restriction abusive de la liberté de réunion et de manifestation en prévision des troubles qui découleraient de la publication des résultats des élections législatives contestées par l'opposition politique.

La Cour constitutionnelle du Bénin n'a jamais défini ce qu'elle entendait par ordre public mais, à la lecture de ses décisions439(*), il est facile de comprendre ce à quoi elle fait référence. Cependant, le Décret 2005-377 du 23 juin 2005 portant réglementation du maintien de l'ordre au Bénin donne une définition de l'ordre public par son objet. En effet, le maintien de l'ordre public consisterait à «assurer la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique ». Ainsi, le maintien de l'ordre public a pour objet « de prévenir les atteintes à l'ordre public et de prendre les mesures propres à le rétablir lorsqu'il est troublé ».440(*) Aussi, lorsqu'on se réfère à la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin on peut noter une définition de l'ordre public par son contenu.

Ainsi, « le Maire est chargé de la police administrative dans la commune. Il sollicite pour ce faire, le concours des services compétents de l'État. Les actes de police du Maire ont pour objet d'assurer l'ordre, la tranquillité, la sûreté et la salubrité publics ». Ils comportent : 1- Tout ce qui intéresse la sureté et la commodité de passage dans les rues, places, quais et voies publiques ; 2- Le maintien d'ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, lieux de culte et autres lieux publics441(*).

§2. Un encadrement déformé

L'encadrement de la manifestation au Bénin apparaît orienté vers un choix politique. En effet, afin d'organiser une manifestation, il est indispensable d'en faire la déclaration (1) aux autorités compétentes qui peuvent autoriser ou empêcher la manifestation. La qualité de l'autorité devant permettre la manifestation n'étant pas sans incidences sur l'autorisation ou non de la manifestation. On aboutit ainsi souvent à une autorisation de manifestation strabique (2).

1. Le régime de la liberté de manifestation au Bénin

Le droit de manifester est une liberté fondamentale. Néanmoins, l'exercice de ce droit est soumis à un formalisme qui va jusqu'à son interdiction. Il s'agit en fait d'une simple déclaration qui s'est transformée en demande d'autorisation dans la pratique au Bénin. Le traitement sélectif des dossiers relativement aux autorisations de manifestation, sur base des critères fondés sur l'appartenance politique (II) est favorisé par l'ambiguïté de son régime juridique (I).

A. L'ambiguïté du régime juridique béninois de protection

Comme toute liberté publique, la liberté de manifestation est définie par trois éléments cumulatifs. Il y a d'abord sa proclamation par une norme solennelle, ensuite son aménagement par le droit qui définit les conditions de son exercice et enfin sa protection par des sanctions juridiques. Chaque liberté est dotée d'un régime propre d'exercice. On distingue en effet trois modes d'exercice des libertés.

D'abord, il y a le régime répressif, qui paradoxalement à son intitulé, permet de laisser se développer l'activité humaine et n'intervient que pour en réprimer pénalement les excès. Il est le régime le plus libéral442(*). Ensuite, il existe le régime préventif qui soumet l'exercice d'une liberté à une autorisation préalable donnée par les pouvoirs publics et enfin le régime de la déclaration préalable qui impose aux citoyens de faire connaître à l'administration leur intention d'exercer une liberté. Ce dernier régime est celui qui est prévu443(*) pour régir la liberté de manifestation au Bénin.

La manifestation est donc soumise à déclaration préalable au Bénin. Ainsi, tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique, à l'exception des sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux, doivent faire l'objet d'une déclaration444(*). La déclaration doit se faire à la Mairie qui couvre le territoire sur lequel la manifestation doit avoir lieu où bien au préfet La déclaration doit indiquer les noms, prénoms et domiciles des organisateurs, le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement et l'itinéraire projeté, Elle doit être signée par les organisateurs.

L'autorité administrative se borne à délivrer immédiatement un récépissé à ceux-ci. Ce formalisme a deux buts. D'une part, il permet d'informer l'administration afin qu'elle prenne des mesures adéquates pour le bon déroulement de la manifestation. D'autre part, la déclaration préalable permet de situer les responsabilités en cas de trouble à l'ordre public observé pendant la manifestation.

Pourtant, on constate que l'administration ne se borne pas simplement à délivrer le récépissé. Car en effet, cette même autorité administrative est investie du pouvoir de maintien et de rétablissement de l'ordre public. Dès lors, elle peut interdire la manifestation si elle estime qu'elle est de nature à troubler l'ordre public. Ainsi, observe-t-on le danger du régime de déclaration préalable qui peut entrainer un glissement insidieux vers un régime d'autorisation. A l'origine, l'institution du régime de déclaration préalable devrait permettre la prévention des perturbations possibles des manifestations afin de garantir la sécurité des manifestants et le bon déroulement de la manifestation.

Mais, la défense de l'ordre public confiée aux autorités administratives les autorise à restreindre le droit de manifester afin de préserver l'ordre public. On observe le glissement du régime de la déclaration préalable vers le régime préventif d'autorisation dans lequel l'autorité publique est appelée à prévenir les troubles à l'ordre public en autorisant ou en refusant les manifestations compte tenu des troubles éventuels à l' ordre public.

Cette remise en cause insidieuse du régime de déclaration est davantage cautionnée par le juge constitutionnel du Bénin qui a accepté de statuer à plusieurs reprises sur les cas de limitation de la liberté de manifestation en décidant dans certains cas que le refus par l'autorité administrative d'exercice de la liberté de manifestation est conforme à la Constitution du Bénin445(*). Il résulte de l'analyse des décisions de la Cour constitutionnelle que, de la conciliation du droit de manifester, un droit fondamental et de l'ordre public, ce dernier prévaut446(*). Cependant, il est difficile d'évaluer le risque de troubles à l'ordre public et dans les faits, on assiste à un filtrage politique.

B. Une instrumentalisation politique pour museler l'opposition

La question qui se pose ici est celle de savoir si le mécanisme de la déclaration préalable, institué par le Décret-loi de 1935, assortie de la faculté reconnue à l'autorité de police de prendre immédiatement un arrêté d'interdiction motivé par la protection de l'ordre public ne constitue pas une source de déviance politique.

Depuis quelques années au Bénin, on observe la recrudescence des manifestations. La grève des travailleurs accompagnée de vive manifestation, les manifestations estudiantines et les manifestations politiques se décuplent. Toutes ces manifestations font souvent l'objet de déclaration assortie de la faculté de refus pour l'autorité administrative. Le régime de déclaration préalable nové en régime préventif est susceptible de beaucoup de dérives.

D'abord, l'autorité administrative qui doit délivrer l'autorisation peut disposer d'une compétence liée ou d'un pouvoir discrétionnaire. Dans le premier cas, lorsque la personne qui fait la déclaration de manifester remplit un certain nombre de critères prédéfinis, il est certain de jouir de son droit. Ce système lui garantit une certaine sécurité juridique car le comportement de l'administration est prévisible. Dans le second cas, 1'administration peut disposer d'un pouvoir discrétionnaire qui est « le pouvoir de choisir entre deux décisions ou deux comportements également conformes à la légalité »447(*). En matière d'autorisation préalable de la manifestation, le pouvoir discrétionnaire de l'administration permet à celle-ci d'accorder ou de refuser la manifestation selon des critères qu'elle définit elle-même. C'est un pouvoir exorbitant qui lui est conféré. C'est en vertu de ce pouvoir que les autorités apprécient le trouble à l'ordre public.

Au Bénin, le régime actuellement applicable à la liberté de manifestation est le régime préventif. Celui-ci se double du pouvoir discrétionnaire dont jouit l'autorité administrative. La délivrance de récépissé transformée en autorisation comporte ainsi assez d'arbitraires compte tenu de l'influence politique de l'autorité administrative. En effet, le pouvoir d'appréciation de l'autorité peut manquer de neutralité et dénoter par conséquent d'une certaine coloration politique. On se trouve ainsi dans un régime de filtrage politique de la liberté de manifestation.

Il ressort de tout ceci que même en reconnaissant que la liberté de réunion et manifestation pacifiques peut être limitée, il a été défini d'une part, les raisons exhaustives de justification de cette limitation et d'autre part, les conditions d'autorisation ou d'encadrement de cette restriction. Ainsi, la restriction de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques n'est pas absolue.

2. Une protection vicieuse

Les interdictions des manifestations visent parfois l'orientation vers un choix politique donné. Ainsi, on observe qu'il y a certaines manifestations qui sont principe au service de la diffusion de la politique gouvernementale (I) et on assiste à la marginalisation de l'opposition politique (II).

A. La manifestation au service de la diffusion d'une politique gouvernementale

Il n'est point aberrant d'affirmer avec le juge K. Mbaye que « la grande majorité des gouvernements africains n'admettent en effet, du moins en politique, qu'une opinion : celle du parti au pouvoir et de son leader448(*). Cependant, la démocratisation des régimes politiques à partir des années 1990 a changé ne serait-ce qu'un peu, cette donne. Les attitudes, comportements ou discours peuvent normalement être remis en cause à tout moment sans affecter pour autant le fonctionnement normal des institutions qui ne les intègrent pas. La manifestation est l'une des méthodes normalement les plus usitées pour faire des protestations collectives.

Néanmoins, depuis quelques années au Bénin, on observe le recul des manifestations l'opposition avec le regain des manifestations dites « de soutien des actions du gouvernement ». Ces manifestations, au lieu de faire des revendications à l'endroit du pouvoir en place, se bornent à faire les éloges du gouvernement, ce qui constitue un usage dénaturé de la manifestation. Pendant que certains groupes d'opposition font la demande d'une autorisation qui leur est en général refusée449(*), la manifestation de soutien des actions du gouvernement n'est jamais interdite. Ce fait interpelle à plus d'un titre. C'est en réalité que la classe dirigeante n'accepte pas d'opinion dissidente et les manifestations « normales » sont interdites.

Le Maire, le préfet ou le Ministre de l'Intérieur sont des autorités politiques et leurs décisions ne sont pas souvent neutres. Ils peuvent, dans certaines circonstances, être influencés par une politique donnée. La manifestation n'est donc plus un outil de revendication au Bénin. De plus, certains actes de violences policières accompagnant les manifestations au cours des dernières années ont toutefois suscité des préoccupations quant à l'attachement du gouvernement à protéger le droit de manifester pacifiquement au Bénin. Ainsi, une série d'interdiction de manifestation fait réfléchir.

B. Le musèlement de l'opposition

En octobre 2010, le Ministre de l'Intérieur avait interdit toutes les manifestations exigeant des renseignements sur la disparition de Pierre Urbain Dangnivo, un fonctionnaire du Ministère des Finances qui avait disparu en août de la Blême année. Ces manifestations et protestations ont été motivées par les soupçons d'une possible implication des autorités gouvernementales dans cette affaire. Le 21 février 2011, la police avait lancé des bombes lacrymogènes pour disperser des manifestants de l'opposition qui protestaient contre des listes électorales incomplètes pour le scrutin présidentiel du 6 mars. Suite à l'affichage de la liste électorale provisoire, trois semaines auparavant, les partis d'opposition s'étaient plaints de l'omission de près d'un tiers des électeurs admissibles. En visant l'article 43 alinéa 2 de la loi n° 2010-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, le Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique a, par un communiqué, interdit certaines manifestations pendant la période électorale. C'est ainsi que les militants de l'opposition qui ont voulu marcher devant la Cour constitutionnelle afin de remettre en cause la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) ont été dispersés.

On a également assisté à la bastonnade et à la mise aux arrêts des députés par les forces armées pendant les manifestations organisées par les groupes de l'opposition. Le 21 mars 2011 à Cotonou, la police avait lancé des bombes lacrymogènes, pour disperser des jeunes qui manifestaient contre les résultats de la réélection du Président Boni YAYI.

Tout récemment en 2019, de vives manifestations ont été organisées pour protester contre l'exclusion des partis politiques de l'opposition des élections législatives.

L'avènement des dispositions du nouveau Code pénal pour la restriction de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques n'est pas anodin, ni isolé. En effet, l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal est consécutive à celle des nouvelles lois électorales qui étaient déjà vivement critiquées pour avoir posé un terreau fertile à l'exclusion des partis politiques de l'opposition aux législatives du 28 avril 2019.

Il s'agit des lois n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin et n°2018-31 du 09 octobre 2018 portant Code électoral en République du Bénin. Pour rappel, l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal date du 28 décembre 2018. La suite consécutive évoquée supra est bien établie ce faisant.

Avec les restrictions portées aux partis politiques de l'opposition par les nouvelles lois électorales, il était prévisible qu'ils n'allaient pas rester passifs et allaient inéluctablement exprimer leur mécontentement au moyen de manifestations pacifiques se fondant sur la liberté fondamentale d'association et de manifestations pacifiques.

Des manifestations organisées le 4 avril 2019 à l'appel de plusieurs partis de l'opposition béninoise pour protester contre leur exclusion des élections législatives prévues à la fin du mois ont été interdites et dispersées à Cotonou450(*). Début mars, la Commission électorale nationale autonome (CENA) avait estimé que seuls deux partis membres de la mouvance proche du président Patrice Talon avaient rempli les conditions requises par le nouveau code électoral - adopté l'an dernier et durcissant les règles qui régissent les partis politiques pour pouvoir présenter des listes, excluant de facto toute l'opposition.451(*) Dans ce même contexte, Amnesty International a dénoncé la vague d'arrestations arbitraires de militants politiques et de journalistes et la répression des manifestations pacifiques qui, selon son constat, ont atteint un niveau alarmant au Bénin, à l'approche des élections parlementaires prévues pour le 28 avril 2019.452(*)

De ces quelques cas d'interdiction des manifestations, on constate que des opinions qui tentent d'aller à l'encontre du gouvernement sont fortement réprimées. Le régime ambigu de la liberté de manifestation est de ce point de vue le socle de toutes les dérives observées. En somme, la protection de l'ordre public est le fondement du dévoiement de l'encadrement de la liberté de manifestation. Cependant, il n'existe pas une définition assez précise de la notion d'ordre public dont l'appréciation de l'éventualité de trouble est laissée à l'appréciation du pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative.

De toutes les façons, selon les textes applicables à la liberté de manifestation au Bénin, une manifestation même interdite peut être organisée. Elle pourra, par la suite, être dispersée par les forces de l'ordre et les responsables pourront en répondre devant le juge.453(*) Malheureusement, il n'existe jusqu'à nos jours, aucune décision du juge administratif sur le droit de manifester au Bénin. Cette absence du juge administratif dans ce domaine peut, dans une certaine mesure, être révélatrice de la conception générale de la justice administrative au Bénin.

CONCLUSION PARTIELLE

Liberté, comme la démocratie est, un de ces mots qui chantent plus qu'ils ne parlent et au nom desquels beaucoup de crimes ont été commis.454(*) C'est un concept à géométrie variable, au champ sémantique vaste et multidimensionnelle. Dans sa dimension juridique, elle prend le sens d'une prérogative prise en charge par ces normes et protégée par des institutions établies à cet effet, notamment par le protecteur le plus attitré, le juge. D'où elle se rapproche davantage de la notion de droit fondamental, mais sans s'y ramener. Nous faisons nôtre le choix doctrinal de ne pas opérer une distinction entre un droit ou une liberté.

Certains auteurs ont choisi en effet de ne retenir aucune distinction entre libertés et droits fondamentaux455(*), droits et libertés fondamentaux456(*), ou encore en évoquant un droit des libertés fondamentales457(*). Il ne s'agit pas, dès maintenant, d'invalider la dichotomie notionnelle entre un droit et une liberté. Celle-ci existe à l'évidence, quoiqu'elle soit tout à fait discutée sur le plan du droit positif.458(*) On a caractérisé cette dichotomie en tenant compte du degré de latitude laissée aux titulaires de droits fondamentaux.459(*) « Les droits sont des libertés strictement pré-orientées (ou prédéterminées).

Leur contenu n'est ni variable ni même négociable au gré des personnes en relation. Quant aux libertés, elles « sont des droits largement pré-orientés (ou prédéterminés), de telle façon que leurs titulaires possèdent, au sein de cette zone préfixée, une capacité d'autodétermination »460(*), dans les limites qu'impose la coexistence des membres du groupe social, lesquelles limites sont portées par les lois et règlements ainsi que par d'autres principes reconnus. Ainsi en est-il de la liberté de manifestation qui, comme d'autres libertés, est censée connaître des limitations liées à l'ordre public, au respect des droits d'autrui, etc.

La norme qui porte cette liberté doit cependant être effective. Cette exigence de l'effectivité requiert que la norme soit adoptée selon les canons démocratiques qui en assurent un maximum de légitimité. En outre, la sanction de la norme constitue un facteur déterminant de son effectivité. Dans ce contexte, le juge joue un rôle central dans la conquête de l'effectivité de la norme.

A l'aune de ces conditions, l'évolution de la norme garantissant les droits fondamentaux, en général et la liberté de manifestation, en particulier, révèle que cette liberté n'a toujours pas prospéré en RDC, au regard des contextes politiques et juridiques qui ont marqué l'histoire du pays. C'est cette donne qui commande que soit mises à profit les expériences des autres pays, par la comparaison, pour tenter de combler les lacunes de notre droit positif.

DEUXIÈME PARTIE :
LA PROTECTION DU DROIT DE MANIFESTER DANS L'ESPACE PUBLIC : PROSPECTIVES CONGOLAISES

Introduction

La consécration ou la production d'un droit fondamental est une chose, sa protection en est une autre. Nous avons recouru plus haut au droit international des droits de l'homme pour explorer le contenu de la notion de « protection d'un droit garanti »461(*).

La protection d'un droit fondamental consiste à la mise en place des mécanismes normatifs et institutionnels pour mettre ledit droit fondamental à l'abri des atteintes de tous acteurs, publics ou privés, internes comme externes. La protection prend ainsi pour cible tous faits et actes susceptibles d'entraver la pleine jouissance d'un droit fondamental. Le cauchemar de la liberté de manifestation, c'est de devoir être protégée par ceux-là mêmes contre qui cette liberté s'exerce le plus souvent.

La démocratie est un régime qui a pour substantialité l'exercice de certaines libertés dont la liberté de manifestation offre l'exemple le plus concret. Pourtant, si le droit de manifester connait aujourd'hui une très forte actualité, et ce dans le monde entier, elle doit subir de très fortes limitations aussi bien dans les pays en transition démocratique que dans les pays occidentaux longtemps considérés comme exemple de la démocratie. Cette triste réalité a ainsi donné lieu à ce qu'on a qualifié de démocratie d'acquiescement, marquée par l'exclusion de citoyens de la gestion de la chose publique, une gestion censée lui revenir.

Si l'éclipse des droits fondamentaux en général et du droit de manifester en particulier peut être déclarée au regard des pratiques étatiques actuelles, il n'apparaît pas juste de généraliser une telle affirmation. Aurélie Duffy suppose qu'il n'apparaît pas justifié d'affirmer que la liberté de manifestation subit actuellement une éclipse en droit français462(*). D'une part, si les textes définissent un régime d'exercice relativement strict, celui-ci ne connait pas un durcissement au cours de la période contemporaine. Bien au contraire, précise-t-elle, la pratique sur le long terme se caractérise par un certain libéralisme, ainsi qu'en témoigne le nombre des manifestations se déroulant sans avoir été déclarées463(*). D'autre part, alors que cette liberté ne bénéficiait auparavant d'aucune protection juridictionnelle effective, la réforme des référés a permis de soumettre les restrictions dont elle peut faire l'objet à un contrôle rapide et efficace du juge administratif. Au regard de cette évolution, il est possible d'affirmer que l'histoire récente de la liberté de manifestation est marquée par le progrès et non la régression.464(*)

La situation française se rapproche-t-elle de la réalité congolaise sur la liberté de manifestation ? La réponse à cette question ne peut dériver que de l'analyse des mécanismes de protection de la liberté de manifestation prévus par le droit positif congolais (Chapitre IV) pour évaluer le degré de protection de cette liberté et, éventuellement le niveau d'écart que pourrait enregistrer la RDC avec les pays cibles de notre étude.

L'utilité d'un bon diagnostic se révèle lorsqu'on est en mesure de proposer une thérapie appropriée, susceptible d'obvier à ces tares qui ne cessent de barbouiller une démocratie chancelante en République Démocratique du Congo. De ce point de vue, il faut noter que la liberté de manifestation souffre cruellement des incohérences du système juridique l'organisant en RDC (Chapitre V). Les perspectives d'une jouissance effective de la liberté de manifestation vont ainsi boucler cette seconde partie et, partant, cette étude (chapitre IV).

CHAPITRE QUATRIEME :

UNE ARCHITECTURE VIRTUELLE DE PROTECTION DU DROIT DE MANIFESTER APPAREMMENT COHÉRENTE

La seule existence d'un catalogue de droits et libertés, aussi complet soit-il, ne saurait suffire à assurer l'exercice des droits reconnus à la personne humaine465(*). Il faut reconnaitre avec Dimitri Lohrer que ce n'est qu'à partir du moment où les droits et libertés se trouvent assortis de mécanismes de protection de nature à garantir leur effectivité qu'ils peuvent se réaliser.466(*) Dans le même sens, le professeur Pierre Bon estime que la simple proclamation de droits et libertés « les laisse à l'état virtuel 467(*)», c'est-à-dire sans aucune garantie d'effectivité et donc à l'état platonique représentant de simples voeux ou chapelets de bonnes intentions sans aucune volonté de les réaliser. « Pour qu'il s'agisse de droits réels et effectifs et non pas de droits formels et virtuels, il faut que la Constitution définisse un certain nombre de règles juridiques et mette sur pied un certain nombre de mécanismes destinés à en garantir le respect ».468(*) De ce constat découle la conclusion selon laquelle « les libertés ne valent en pratique que ce que valent leurs garanties ».469(*)

La protection de la liberté de manifestation est confiée à plusieurs institutions de la République. Elle bénéficie de la protection la plus énergique et la plus redoutée, celle du juge (section 1), mais elle comporte une dimension non-juridictionnelle ; le pouvoir législatif, appelé à légiférer et à contrôler l'action de l'exécutif, le pouvoir exécutif lui-même ainsi que d'autres structures publiques et/ou privées sont généralement mise à contribution dans cette oeuvre de protection (section 2). Toutefois l'on ne peut ignorer que la mise en jeu de la responsabilité des acteurs contribue efficacement à la protection du droit de manifester (section 3). Ainsi, il nous paraît impérieux d'analyser leur effectivité au regard de la liberté de manifestation.

Section 1. Les mécanismes non-juridictionnels de protection de la liberté de manifester

Si le juge se présente comme le gardien privilégié des droits fondamentaux, la RDC, le Bénin, la France et l'Espagne, à l'image de la plupart des systèmes démocratiques, disposent également de mécanismes traditionnels de garantie intervenant hors de l'organisation juridictionnelle. C'est par exemple le cas de la protection politico-parlementaire (§1). Commune à la France, le Bénin et l'Espagne notamment, cette protection, de nature politique, est susceptible de contribuer activement à la sauvegarde des droits fondamentaux. Elle s'inscrit en complémentarité de l'action du juge et, de ce fait, favorise un système institutionnel de garantie relativement complet de nature à alimenter les interrogations, s'agissant de la nécessité contemporaine d'un ombudsman spécialisé. La RDC n'est pas en marge de cette évolution. D'autres organismes interviennent intensément dans cette entreprise de protection. C'est le cas des organes du pouvoir exécutif de l'État ; il en est de même de l'ombudsman espagnole ou du Médiateur de la République français et béninois ou encore de la Commission Nationale des droits de l'homme congolaise créée par la loi organique n° 13/011 du 21 mars 2013 portant institution, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (§2).

En face de cet arsenal de mécanismes non juridictionnels de protection de la liberté de manifestation, il convient d'examiner la part des institutions de sécurité dans la protection de cette liberté (§3).

§1. La protection politico-parlementaire de la liberté de manifestation

Outre que le principe constitutionnel de la réserve de loi érige le législateur en pièce maîtresse du processus de concrétisation des droits fondamentaux, le Parlement, non seulement participe activement à la sanction des atteintes portées aux droits et libertés de valeur supra législative (1), mais permet de surcroît, un règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux droits fondamentaux par l'intermédiaire du droit de pétition (2). Dans les deux hypothèses, l'intervention du Parlement, de nature essentiellement politique, s'effectue selon des modalités sensiblement différentes de celle du juge et, ce faisant, se présente comme une source de complémentarité potentielle de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux. A ce sujet, la création par l'Assemblée Nationale de la RDC d'une Commission Permanente en charge de la protection des droits fondamentaux participe de cette nécessité.

1. La protection par la sanction des atteintes portées aux droits fondamentaux

La capacité du Parlement à sanctionner les atteintes portées aux droits fondamentaux, rendue possible par ses prérogatives de contrôle de l'action gouvernementale et sa participation à la procédure législative, s'exerce aussi bien vis-à-vis du pouvoir exécutif (A) que du pouvoir législatif (B). Dans ces deux hypothèses, le rôle de l'opposition politique s'avère généralement décisif car cette dernière, soucieuse d'accéder au pouvoir, n'hésite pas à dénoncer tout agissement du gouvernement et de sa majorité parlementaire potentiellement attentatoires aux droits des individus. L'activité particulière de l'opposition politique dans la protection des droits fondamentaux en général et de la liberté de manifestation en particulier se justifie par le fait que la liberté de manifestation constitue, pour l'opposition politique congolaise en l'occurrence, le moyen privilégié d'expression de leur revendication470(*).

A. La protection par la sanction des politiques gouvernementales liberticides

Dès le XIXe siècle, John Stuart Mill soulignait : « Le véritable office d'une Assemblée représentative n'est pas de gouverner, elle y est radicalement impropre ; mais bien de surveiller et de contrôler le gouvernement, de mettre en lumière tous ses actes, d'en exiger l'exposé et la justification [...] »471(*). Or, cette fonction de contrôle de l'action gouvernementale, expressément prévue par les Constitutions congolaise, française, espagnole et béninoise472(*), peut avoir une influence décisive dans la sauvegarde des droits et libertés, notamment de la liberté de manifestation. Elle permet au Parlement d'évaluer les politiques publiques entreprises par le pouvoir exécutif afin de s'assurer que le gouvernement et son administration font une correcte application des lois de développement des droits fondamentaux et, surtout, n'y portent pas atteinte. En somme, « une analyse scientifique visant à [...] contrôler la bonne application des lois, la rapidité de mise en oeuvre du gouvernement, ainsi que les effets réels de la nouvelle législation»473(*).

En République Démocratique du Congo, comme en France et en Espagne, le gouvernement peut demander au parlement l'adoption d'une déclaration de politique générale.474(*) Celle-ci est un exposé de grandes orientations du programme de gouvernement, les principales réformes et mesures qu'il veut mettre en place. Le parlement a la faculté de rejeter la déclaration de politique générale (le programme du gouvernement) lorsqu'il comporte des aspects liberticides et infliger ainsi la sanction suprême au gouvernement.

Par ailleurs, dans l'hypothèse où une atteinte aux droits fondamentaux est constatée, le Parlement détient plusieurs moyens pour y mettre un terme. Le moyen le plus direct est la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement par l'adoption d'une motion de censure. Toutefois, outre que ce mécanisme classique des régimes parlementaires est quasiment tombé en désuétude,475(*) sous l'influence notamment du phénomène majoritaire, le Parlement dispose de mécanismes incitatifs plus efficaces et plus redoutables.

Le relais médiatique des débats parlementaires, la publicité des auditions effectuées par les commissions d'enquête ou, encore, la publication des rapports remis par ces dernières, sont autant de moyens de pression conduisant généralement le gouvernement à mettre un terme à l'atteinte constatée. De surcroît, les techniques parlementaires d'information et d'investigation participent d'une dynamique de prévention des atteintes aux droits fondamentaux. Les organes exécutifs, se sachant surveillés par les parlementaires, cherchent effectivement à accomplir leurs responsabilités avec la plus grande diligence476(*). Le contrôle opéré par le Parlement s'inscrit ici en complémentarité de la garantie juridictionnelle dont les spécificités rendent la prévention des atteintes aux droits fondamentaux beaucoup plus délicate. Cette complémentarité se double d'une collaboration en matière de sanction des atteintes aux droits fondamentaux commises par le législateur.

B. La mise en échec des lois liberticides

Principalement deux moyens s'offrent au Parlement pour sanctionner une disposition législative portant atteinte aux droits fondamentaux. Tout d'abord, un moyen direct consistant à faire obstacle, au cours de la procédure législative, à un projet ou une proposition de loi considérée comme liberticide. Le Parlement, de sa propre initiative, rejette ou modifie en intégralité ou partiellement un texte contraire aux droits fondamentaux. En somme, ce procès fait au projet ou à la proposition de loi n'attend [...] pas la saisine du juge constitutionnel. En droit français, ce rejet peut intervenir à la suite d'une exception d'irrecevabilité soulevée avant la discussion des articles. Cette motion a pour « objet [...] de faire reconnaître que le texte est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles »477(*). Son adoption conduit au rejet pur et simple du texte, à charge pour le gouvernement de proposer un nouveau texte ou de l'abandonner478(*). Or, le recours à ce mécanisme a régulièrement pour finalité de dénoncer une atteinte aux droits fondamentaux.

Ensuite, un moyen indirect conduisant à saisir la Cour constitutionnelle d'une loi adoptée par le Parlement malgré l'existence de doutes quant à sa conformité à la Constitution. Le Parlement joue alors un rôle d'activation de l'organe de contrôle de la constitutionnalité des lois, expression d'une collaboration entre les institutions parlementaire et juridictionnelle dans le domaine des droits fondamentaux.

En Espagne, la saisine du Tribunal constitutionnel d'un recours a posteriori est ouverte à cinquante députés ou cinquante sénateurs,479(*) soit un septième de la chambre basse et un cinquième environ de la chambre haute. En France, depuis la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, soixante députés ou soixante sénateurs480(*) sont habilités à saisir le Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle abstrait a priori de la loi. En RDC, aux mêmes fins d'examen de la constitutionnalité, les lois peuvent être déférées à la Cour constitutionnelle, avant leur promulgation, par (...) le dixième des députés ou des sénateurs481(*). Plus souple et plus libéral, le système béninois reconnait à tout député le droit de saisir la Cour constitutionnelle en inconstitutionnalité des lois avant leur promulgation482(*). Or, ainsi ouverte à une minorité qualifiée de parlementaires ou à tout parlementaire, c'est-à-dire à l'opposition politique, la saisine de la juridiction constitutionnelle permet au Parlement de participer activement à la protection des droits fondamentaux contre l'action du législateur. Elle présente comme un ultime moyen pour les membres de l'opposition de mettre en échec une loi oppressive.483(*)

2. La protection par voie de pétition

Parmi les pays étudiés, seules les constitutions congolaise, française et espagnole484(*) consacrent le droit de pétition. La formule utilisée par le constituant congolais précise, mais de manière assez vague les destinataires des pétitions individuelles ou collectives en ces termes : « tout Congolais a le droit d'adresser individuellement ou collectivement une pétition à l'autorité publique qui y répond dans les trois mois ». En l'absence d'une loi relative au droit de pétition et à défaut d'une interprétation judiciaire, les contours du concept « autorité publique » risque de donner libre cours à multiples interprétations.

Quoiqu'il en soit, parmi ces autorités, l'institution parlementaire occupe une place privilégiée485(*). En effet, en tant qu'organe de représentation des citoyens doté de la plus grande légitimité démocratique, le Parlement se présente non seulement comme le premier destinataire des pétitions mais, de surcroît, se révèle en mesure, par l'intermédiaire des pétitions qui lui sont adressées, de proposer une résolution extrajudiciaire des litiges opposant une victime d'une violation de ses droits à une personne publique.486(*) Il s'agit d'« une procédure plus informelle, plus simple, moins longue et moins coûteuse [...] parfois préférée à l'action judiciaire487(*) » et, de toute évidence, susceptible de s'inscrire en complémentarité de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux.

Schématiquement, les pétitions adressées au Parlement sont dans un premier temps renvoyées devant une commission parlementaire pour faire l'objet d'une instruction.488(*) Dans un second temps, la commission, si elle considère la pétition recevable, peut, entre autres, la soumettre à l'assemblée ou la renvoyer au ministre responsable du service concerné afin qu'il réponde au pétitionnaire. Cette dernière option, couramment choisie, peut conduire le ministre à ordonner une enquête et à adopter les mesures nécessaires pour mettre un terme à l'atteinte constatée. Sachant qu'en Espagne, lorsque la pétition est renvoyée au gouvernement, les chambres peuvent exiger de celui-ci qu'il s'explique sur son contenu.489(*) En France, si le ministre n'a pas répondu dans un délai de trois mois à la pétition qui lui a été renvoyée par la commission, celle-ci peut décider de soumettre la pétition à la Chambre en séance publique490(*).

Somme toute, le Parlement, par le biais des pétitions qui lui sont adressées, est en mesure de proposer une résolution des litiges relatifs aux droits et libertés selon des modalités sensiblement différentes de celles du juge. On doit noter que l'exercice de la liberté de manifestation génère pas mal de situations des frustrations d'ordre politique surtout lorsque les répressions empêchent toute action citoyenne.

C'est là le signe d'une certaine complémentarité de la protection parlementaire en matière de droits fondamentaux. A une résolution souple et amiable des litiges, d'un côté, s'oppose, d'un autre côté, une résolution plus formaliste et contraignante, caractérisée par le prononcé d'une sanction. Il en résulte un système de garantie relativement complet ne laissant a priori aucune place pour un ombudsman spécialisé. L'identification d'autorités administratives indépendantes sectorielles spécialisées dans la protection des droits fondamentaux conduit à douter définitivement de l'opportunité d'une telle institution.

§2. Autres organismes nationaux de protection des droits fondamentaux

Les droits fondamentaux en général et la liberté de manifestation en particulier jouissent d'une protection plus large et pluridimensionnelle incluant même les organes du pouvoir exécutif, lesquels, par un engagement réel ou simulé, mobilisent un département ministériel entier à la question (1). A côté du ministère, il existe une structure indépendante, la Commission nationale des Droits de l'Homme (2).

1. Le pouvoir exécutif

Le Président de la république est le Chef de l'État est Chef de l'exécutif. Il est chargé par le constituant de veiller au respect de la constitution491(*), en même temps qu'il a prêté serment de ne se laisser guider que par l'intérêt général et le respect des droits de la personne humaine492(*). Il est dès lors, le premier protecteur des droits humains et des libertés fondamentales, et, en tant que tel, il dispose d'un droit de regard vigilant sur toutes les institutions de la République et peut user de son pouvoir pour les empêcher d'attenter aux droits des citoyens. En matière de promotion et protection des droits fondamentaux, chaque ministère est appelé à intégrer dans son action les politiques favorisant l'exercice des droits fondamentaux. Cependant, il s'avère important de scruter l'expérience du département des droits et libertés du citoyen de triste mémoire, avant d'examiner l'action du ministère des droits humains.

A. Le Département des droits et libertés du citoyen

Barthélémy Omeonga analyse le Département des droits et libertés du citoyen de la deuxième République comme une sorte d'ataraxie d'un système judiciaire orné d'un parfum d'anxiété493(*). Effectivement, il s'agit d'une révolution dans le régime de la protection des droits des administrés, instituant un recours de nature particulière, un recours politico-administratif dans le but d'anéantir les décisions judiciaires, précisément celles de la Cour Suprême de Justice prises en violations de droits fondamentaux des citoyens.

Le 24 juin 1985, le Chef de l'État, soucieux de redresser l'image du régime à la suite des contre-performances enregistrées dans le domaine des droits de l'homme, lance l'idée de mettre en place un organisme, l'oeil du peuple ayant pour mission « de recueillir et d'examiner les recours et plaintes de tout citoyen injustement et irrégulièrement lésé dans ses droits ou atteint dans ses libertés par l'administration publique ou par décision de justice ou par toutes les autres voies de fait. Lorsque toutes les voies de recours légalement autorisées auront été soit épuisées, soit inefficientes et que l'injustice dénoncée s'avère flagrante ».494(*) Ainsi sera créé le département des droits et des libertés du citoyen par Ordonnance n° 86/268 du 31octobre 1986.

Le texte reconnait à tout citoyen injustement et irrégulièrement lésé dans ses droits et atteint dans ses libertés, de saisir le ministère, après épuisement de toutes les voies de recours légales. Des termes bien choisis pour non seulement justifier la nature extraordinaire du recours devant cet organisme, mais aussi l'emprise de son action sur les décisions administratives et judiciaires.

Quant aux effets attachés à la décision de cet organisme, précisons qu'il s'agit des arrêtés départementaux qui rétablissent généralement le citoyen lésé dans ses droits. En des termes simples, ils anéantissent les décisions de la CSJ, puisqu'il est facile de comprendre que l'épuisement des voies de recours légalement établies dont il est question, vise les arrêts de la plus haute juridiction de l'État.

Barthélémy Omeonga voit dans cette architecture une double conséquence : l'anarchie dans l'ordonnancement juridique en place et l'enfermement du système dans un cercle vicié495(*). L'anarchie dans l'ordonnancement juridique résulte de ce pouvoir dont dispose désormais un recours administratif d'anéantir les décisions de justice ; il faut préciser que l'autorité de la chose décidée gagnait la primauté sur l'autorité de la chose jugée. La conséquence la plus irréductible consiste en ce que les décisions de la CSJ sont entreprises et cassées par une décision d'une autorité du pouvoir central, un arrêté départemental qui, à son tour, peut faire l'objet d'un recours en annulation devant la même CSJ. Ainsi, à chaque arrêt de la Cour, le département serait à mesure de répliquer par un arrêté départemental qui, à son tour, par la riposte de la Cour, encourant annulation,496(*) et ainsi de suite.

B. Ministère des droits humains

Si tous les membres du gouvernement ont, dans le cadre de la politique générale, une part de responsabilité dans la protection des droits fondamentaux du citoyen, il reste tout à fait indiquer que le Ministère des droits humains, comme son nom l'indique, a reçu, la priorité, partant du décret n° 03/027 du 16 septembre 2003 et de l'ordonnance n°07/018 du 16 mai 2007, jusqu'à l'Ordonnance n° 17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des ministères. Il est chargé de promouvoir et de garantir aux citoyens, la protection de leurs droits reconnus par la Constitution et les lois de la République.

En effet, le dernier texte, soit l'Ordonnance n° 17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des ministères, qui est encore en vigueur au moment de la rédaction de ces lignes, reconnait au Ministère des droits humains les attributions suivantes : la promotion et la protection des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, diffusion et vulgarisation des Droits de l'Homme, le suivi du respect des Droits de l'Homme, l'examen des cas flagrants de violation des Droits humains par des mécanismes appropriés tels que la médiation en matière de Droits de l'Homme et la Commission de Contrôle sans se substituer aux Cours et tribunaux ni aux procédures administratives prévues par la loi, la collaboration avec le Haut-Commissariat aux Droits de l'homme, avec la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, et avec d'autres Institutions Nationales, Régionales et Internationales en matière des Droits de l'Homme, la défense des intérêts de la République Démocratique du Congo devant les instances internationales et régionales des droits de l'homme, notamment le Conseil des Nations Unies pour les Droits de l'Homme et la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, la conception et la diffusion des rapports périodiques destinés aux comités de surveillance des traités internationaux et régionaux des droits de l'homme.

Ce texte reconnaît plusieurs attributions dont l'exercice peut se heurter à des écueils de tous ordres. L'examen des cas flagrants de violation des Droits humains par des mécanismes appropriés tels que la médiation en matière de Droits de l'Homme ne fait pas du ministère des droits humains un médiateur de la République. Solidarité gouvernementale oblige, l'animateur de cette institution ne pourra s'opposer ouvertement à un autre membre du gouvernement qui serait impliqué dans des violations des droits humains, toutes les résolutions étant discutées en conseil des ministres. En outre, lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts de la République Démocratique du Congo devant les instances internationales et régionales des droits de l'homme, il est impossible d'attendre d'un membre du gouvernement dire autre chose que l'apologie de son équipe. Il appert clairement qu'il existe une antinomie entre la défense des intérêts de la RDC (la défense de son gouvernement) et le suivi du respect des Droits de l'Homme par ce même gouvernement qui est enclin à les violer. Il s'agit, comme l'a si bien relevé Barthélémy Omeonga, d'une structure politique et administrative de l'État qui ne peut émerger en marge de la politique gouvernementale. Empêché dans la solidarité gouvernementale, le médiateur de la République accuse une regrettable faiblesse, celle d'être juge et partie, accusateur sur le banc des accusés497(*).

Même s'il joue, dans une certaine mesure, le rôle du médiateur de la République, consistant à amener les autorités administratives et judiciaires à rétablir les plaignants dans leurs droits, en aucun cas, l'action du Ministère des droits humains ne se substituera à celle des cours et tribunaux.

Cette ambiguïté fait que le ministère soit impuissant de sanctionner les pratiques et actes violeurs des droits de l'homme dont sont auteurs les différents services de sécurité, la police et l'armée, plus enclins à privilégier l'impératif sécuritaire au détriment même des libertés fondamentales, tombant ainsi dans ce que Jean Rivero appelle l'humainement incapable ou l'humainement injustifiable.498(*)

2. La Commission Nationale des Droits de l'Homme

Afin de répondre à la perplexité des administrés sur les capacités de l'administration à agir de manière efficace et respectueuse des libertés, la RDC s'est engagée depuis les années 1990 dans un vaste mouvement de création d'autorités administratives indépendantes. « Tel un oxymore juridique »499(*), les autorités administratives indépendantes présentent la spécificité d'appartenir à l'appareil administratif étatique tout en bénéficiant d'une véritable indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Caractérisée par l'absence de tutelle ou de pouvoir hiérarchique à leur égard, cette indépendance organique, permettant de mener dans les secteurs concernés une action soustraite aux influences du pouvoir politique,500(*) se trouve renforcée à l'échelle fonctionnelle par l'adéquation des moyens de chaque autorité à ses missions. Ces moyens, proches de ceux d'un ombudsman, favorisent une protection des droits et libertés imprégnée de souplesse, principalement animée par une volonté de « direction juridique non autoritaire des conduites »501(*).

La CNDH est la troisième autorité administrative indépendante après la Commission Electorale Nationale Indépendante et le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication en droit positif congolais. Elle a succédé à l'Observatoire Nationale des Droits de l'Homme, issu de la Transition politique qui a prévalue en République Démocratique du Congo entre avril 2003. Aux termes de l'article 1 et 3 de la Loi organique adoptée par l'Assemblée Nationale en septembre 2012, la Commission nationale des Droits de l'Homme (CNDH) est une institution d'appui à la démocratie.502(*)

Il est loisible d'analyser la composition et les attributions de cette institution avant de mettre en lumière les pesanteurs institutionnelles qui sont de nature à entraver son oeuvre.

A. La composition

La CNDH est composée de neuf membres, représentant neuf composantes de la société civile. Parmi ces dernières, l'on trouve le représentant des organisations non gouvernementales des droits de l'homme ; le représentant des ordres professionnels ; le représentant des syndicats ;1e représentant des universitaires ;1e représentant des confessions religieuses ;1e représentant des personnes avec handicap ; le représentant des organisations non gouvernementales des droits spécifiques de la femme ;1e représentant des personnes vivant avec le VIH/SIDA désignés par l'Assemblée Nationale et nommés par une ordonnance du Président de la République. Il nous faudra revenir sur le portrait de chacun des membres pour expliquer le dysfonctionnement ou la faiblesse de cette institution qui d'ailleurs auraient suscité beaucoup d'espoirs.

B. Les compétences

La commission nationale des droits de l'homme a pour mission de veiller au respect des droits de l'homme et des mécanismes de garantie des libertés fondamentales. Elle émet des avis et dresse des rapports sur toutes les questions de portée générale relevant de ses prérogatives. Elle formule à l'intention du gouvernement et de toute autre institution des conseils, propositions et avis dans les domaines des droits de l'homme, du droit international humanitaire et de l'action humanitaire.503(*)

En outre, elle est chargée de faire connaitre aux citoyens leurs droits fondamentaux. Concourir à la promotion de l'éducation civique et de la culture des droits de l'homme pour une meilleure conscience citoyenne504(*). Renforcer les capacités d'intervention des associations de défense des droits de l'homme, veiller à l'application des normes juridiques nationales et des instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme dûment ratifiés par la RDC505(*). Formuler des recommandations pour la ratification des instruments juridiques régionaux et internationaux des droits de l'homme, promouvoir et veiller à l'harmonisation de la législation, des règlements et des pratiques nationaux avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme dûment ratifiés par la RDC506(*).  De dresser des rapports sur l'état d'application des normes nationales et des instruments juridiques internationaux en matière des droits de l'homme, contribuer à la préparation des rapports que la RDC présente devant les organisations internationales, en application de ses obligations conventionnelles dans les domaines des droits de l'homme507(*) ; d'examiner la législation interne relative aux droits de l'homme et faire des recommandations pour son ordonnancement législatif508(*).

Contrairement à d'autres organisations et des institutions de défense et de protection des droits de l'homme qui disposent d'un pouvoir normatif, la nouvelle commission nationale des droits de l'homme constitue un organisme technique de nature consultative, chargé de la promotion et de la protection des droits de l'homme ; son action s'étend sur les activités des personnes physiques ou morales tant publiques que privées se trouvant sur le territoire national ou à l'étranger, victimes, auteurs de violations des droits de l'homme.509(*)

Ses attributions fixées aux termes de l'article 6 de la loi font de cette institution d'appui à la démocratie, un mécanisme citoyen de promotion et de protection des droits de l'homme510(*) disposant d'un pouvoir de sanction qu'elle exerce notamment à travers la publication des rapports mais sans un réel pouvoir de contrainte.

Dans ce cadre, la CNDH publie chaque année un rapport d'enquête sur la situation des droits de l'homme consécutive à la situation globale des droits de l'homme. Les manifestations publiques du 19 et 20 septembre 2016 dans la ville de Kinshasa ont été mentionnées dans un rapport publié par la CNDH. La bonne lecture dudit rapport permet d'appréhender la faiblesse de l'institution, l'implication ou l'influence politique, voire le déficit de personnalité de ses animateurs. Outre ces problèmes, il faut noter les difficultés d'ordre financier, comme le décrit constamment son président, la dotation actuelle en termes de capital humain, les défis budgétaires représentent les obstacles majeurs à son efficacité. D'ailleurs, même en dénonçant les pertes en vies humaines, les cas de détentions illégales sont restés toujours le moins alarmant, alors même que la flagrance de faits l'exigerait.

Le caractère quasi-juridictionnel de cette institution « ressort très clairement des principales attributions que la loi lui assigne ainsi que de la procédure qu'elle est appelée à mettre en oeuvre dans la protection des droits fondamentaux511(*). La CNDH peut être considéré, à plusieurs égards, comme un ombudsman.

C. La CNDH, un ombudsman à la congolaise ?

Le modèle classique de l'ombudsman a été bâti autour des préoccupations réelles qui se sont progressivement élargies. Revêtu, de manière plus ou moins explicite, d'une mission principale de surveillance de l'activité administrative en vue de prévenir ou de corriger les éventuels dysfonctionnements susceptibles d'affecter cette dernière, le modèle classique de l'ombudsman entretient un rapport on ne peut plus étroit avec la maladministration,512(*) cette pathologie affectant l'action de l'appareil administratif étatique.513(*) Toutefois, en dépit des divergences entourant la notion de « maladministration », un élément ne fait guère de doute : cette dernière ne saurait se confondre avec la problématique des droits fondamentaux.514(*) En effet, bien que certains dysfonctionnements de l'appareil administratif se révèlent susceptibles de porter atteinte aux droits de la personne humaine, la plupart du temps, la « maladministration » renvoie davantage à des incorrections administratives, sources de désagréments pour les usagers, qu'à de véritables violations des droits et libertés constitutionnellement garantis. Par ailleurs, si l'on devait s'efforcer de dépasser les clivages doctrinaux et nationaux, il conviendrait de retenir une approche relativement large de la « maladministration », comme « comprenant l'illégalité tout en la dépassant »515(*), étant donné que cette acception est celle qui se rapproche le plus de la mission poursuivie par le modèle originel de l'ombudsman.

De même, le Médiateur de la République, compétent pour s'assurer du correct fonctionnement des services publics administratifs,516(*) est habilité, afin de mener à bien cette mission, à exercer un contrôle relativement poussé des agissements de al'administration, fondé à la fois sur le droit et sur l'équité.517(*)Appréhende la « maladministration » comme « le contraire de la nomocratie ». Pour ce dernier, elle apparaîtrait lorsque se produit une inadéquation de l'action administrative avec la règle de droit, à l'origine d'un fonctionnement défectueux de la démocratie au sein de l'appareil administratif.518(*) Ce faisant, un lien étroit est établi par l'auteur entre « maladministration » et illégalité. Pour autant, les deux notions ne sauraient se confondre, parce que selon Paul Sabourin, « l'illégalité cesse d'être du domaine de la ''maladministration'' dès que le juge s'est emparé de celle-ci ». Par conséquent, la « maladministration » désignerait seulement les illégalités dont le juge n'est pas amené à connaître. Séduisante, une telle approche est cependant loin de faire l'unanimité.519(*) En particulier, considère qu'elle recouvre trop largement l'illégalité. Aussi préfère-t-il associer la « maladministration » à « tout comportement qui sans être fondamentalement contraire au droit n'est cependant pas exempt de critiques ». Pour l'auteur espagnol, la « maladministration » se distingue de l'inopportunité et de l'illégalité pour se rapprocher de l'injuste, de l'irrationnel et de l'inique.520(*)

Mais la situation de l'ombudsman espagnol mérite une attention particulière. A l'origine de vives discussions lors des débats constituants, la teneur exacte de la fonction attribuée au Défenseur du Peuple fait l'objet de nombreux rebondissements à l'occasion du processus d'élaboration de la Constitution espagnole de 1978.521(*) Sur la base d'un avant-projet de Constitution prévoyant une fonction unique de protection des droits et libertés garantis par le titre premier du texte constitutionnel, un certain nombre d'amendements sont effectivement déposés afin d'élargir la compétence de l'institution à la surveillance du correct fonctionnement de l'activité administrative stricto sensu1. Acceptés par la Commission constitutionnelle, ces amendements donnent lieu à la rédaction d'un nouvel article, inséré au Projet de Constitution, attribuant au Défenseur du Peuple une double fonction, d'une part, de protection des droits fondamentaux garantis par le titre premier de la Constitution, d'autre part, de surveillance de l'activité de l'administration afin de garantir l'effectivité des principes de l'État de droit. Mais, finalement, la rédaction donnée à l'article 54 de la Constitution par la commission mixte, dont la teneur littérale ne laisse place à aucun doute, abandonne cette conception dualiste au profit d'une vision fonctionnelle moniste, postulant que le Défenseur du Peuple est appelé à remplir une fonction unique de défense des droits fondamentaux.

C'est ici que la différence entre l'ombudsman et la CNDH congolaise commence à s'estomper. Cette institution a vocation d'être un ombudsman avec le constat réel que la CNDH congolaise manque l'aura des médiateurs de la République, sans doute à cause du contexte peu démocratique dans lequel elle évolue.

D. Les pesanteurs fonctionnelles

L'opinion espérait qu'une composition collégiale allait garantir la bonne gestion de la commission Nationale des Droits de l'Homme. À l'inverse, les autorités collégiales présentent davantage des garanties d'équilibre, les membres étant nommés par de cette méthode n'empêche cependant pas des nominations plus ou moins politiquement marquées. Ceci est autant plus plausible lorsque doit intervenir l'Assemblée Nationale avant l'ordonnance du Président de la République. Dans la pratique, les personnes désignées doivent avoir le parrainage de l'un des dignitaires du régime.

La CNDH exerce uniquement un pouvoir d'influence, une magistrature morale au service d'un « contrôle-évaluation », ce qui a parfois conduit à contester leur capacité d'accorder ou de favoriser aux citoyens une jouissance effective des droits et libertés fondamentaux. Cette capacité d'influence dépend très largement de la personnalité assumant les fonctions (expérience, rapports avec le pouvoir étatique...). Bien que disposant de pouvoirs d'investigation, son action prend la forme de recommandations non exécutoires, de rapports qui, si la CNDH est crédible sont généralement pris en considération par l'administration. Il faudrait s'appuyer sur l'opinion publique tant nationale qu'internationale pour pouvoir consolider son action.

Outre les conditions de nomination des membres et les garanties statutaires variables dont ils bénéficient, deux éléments sont fréquemment soulignés afin de contester l'indépendance de la CNDH. Premièrement, ces actes sont susceptibles d'être contrôlés par un juge. Cet argument doit pourtant être relativisé puisque le juge est lui-même indépendant et qu'il garantit au contraire la légalité des actes examinés. Deuxièmement, il est souvent regretté que budgétairement la CNDH soit dotée d'un budget insuffisant dépendant totalement de la bonne foi du Gouvernement, avec le risque de réduire les ressources d'une autorité trop entreprenante. Cette éventualité ne doit en effet pas être négligée, même si cette pratique serait sans doute politiquement dangereuse pour le gouvernement ou le Ministre qui s'y essaierait.

Au regard de la difficulté d'imposer les sanctions de violations des droits fondamentaux aux pouvoirs publics ou aux animateurs des institutions de l'État, plusieurs États ont envisagé de recourir aux mécanismes non juridictionnels poursuivant à juste titre la recherche de la persuasion, comme pour appuyer ce point de vue de Pierre-Gilles de Gennes, Prix Nobel de physique 1991, qui disait que « la persuasion est beaucoup plus efficace que n'importe quelle procédure autoritaire ».522(*)

A l'évidence, l'affirmation du Prix Nobel ne manque pas de surprendre. Contrairement à un acte d'autorité dont le propre est d'imposer, par voie de commandement, une volonté à autrui, l'acte de persuasion, parce qu'il consiste à obtenir quelque chose du persuadé sans recours à la contrainte, laisse, en effet, celui-ci libre de suivre la conduite préconisée et, par conséquent, encourt le risque permanent de demeurer sans effet. Surprenante, l'affirmation l'est d'autant plus dans le cadre d'une étude juridique, a fortiori lorsque celle-ci a trait aux droits fondamentaux.

Ainsi que le rappelle le professeur Bénédicte Delaunay, les droits fondamentaux, selon la doctrine allemande, « doivent être protégés par un système de recours à procédure contentieuse susceptibles d'aboutir à des sanctions ».523(*) Aussi leur effectivité est-elle généralement associée à la protection offerte par les organes juridictionnels, dont la spécificité est de prononcer des décisions revêtues de l'autorité de la chose jugée s'imposant à leurs destinataires.

L'engouement contemporain pour les voies non juridictionnelles de garantie, notamment dans le domaine des droits fondamentaux, impose pourtant de nuancer sensiblement le propos. Privilégiant le recours à des mécanismes incitatifs de direction des conduites pour remplir leur office, les instances de garantie non juridictionnelle se proposent effectivement de garantir l'effectivité des droits et libertés par la voie du dialogue et de la persuasion, c'est-à-dire en dehors de tout pouvoir coercitif. A ce titre, leur développement attesterait d'une insuffisance de la protection juridictionnelle dont le caractère juridiquement contraignant ne saurait être aussi efficace qu'une première approche peut le laisser penser. En ce sens que la protection offerte par le juge, aussi indispensable soit-elle, ne permettrait pas toujours, compte tenu, notamment, de son manque de souplesse, de garantir une protection optimale des droits fondamentaux et, par conséquent, justifierait l'instauration d'organe de garantie destinés à défendre les droits et libertés par le biais de moyens incitatifs.

En somme, le développement constant de la garantie juridictionnelle en RDC et dans d'autres pays confirme l'aptitude du juge à protéger les droits fondamentaux et, de ce fait, la place centrale occupée par ce dernier en la matière. Fort de ce constat, il est légitime d'exprimer certains doutes quant au besoin contemporain de recourir à l'institution de l'ombudsman.

Mais, de tels organes, étant en mesure de combler certaines carences affectant les traditionnelles voies de recours, favoriseraient, en somme, l'émergence d'un système institutionnel de garantie des droits et libertés complet et, partant, attesteraient du caractère incontournable de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux au sein de nos systèmes juridiques contemporains, même si les institutions de sécurité n'ont pas toujours un bon regard des droits fondamentaux en général et de la liberté de manifestation en particulier.

§3. Les institutions de sécurité et l'exercice de la liberté de manifestation

Les services de sécurité jouent dans un État de droit un rôle non négligeable dans la protection du droit de manifester. Il suffit pour s'en rendre compte, de lire les instruments juridiques portant organisation et fonctionnement de la Police nationale Congolaise, des Forces armées de la RDC et de l'Agence nationale de renseignements. L'avant-dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution de la RDC fait obligation à l'État « d'intégrer les droits de la personne humaine dans tous les programmes de formation des forces armées, de la police et des services de sécurité ».

C'est ainsi que chacun des instruments juridiques régissant ces services exprime la volonté d'instaurer un état de droit en République Démocratique du Congo en faisant référence aux droits et libertés fondamentaux parmi lesquels le droit de manifester occupe une place de choix.

1. La police nationale congolaise

La Police Nationale Congolaise est régie en premier lieu par les dispositions des articles 91, alinéa 3 et 182 à 186 de la constitution du 18 février 2006 ; ensuite la loi organique n° 11/013 du 10 août 2011 portant organisation et fonctionnement de la Police nationale congolaise et la loi n° 13/013 du 1er juin 2013 portant statut du personnel de carrière de la police nationale.

Dans son exposé des motifs, la loi organique associe à la Police la mission de la protection des personnes et de leurs biens, la préservation des droits de l'individu, socle de la démocratie dans un pays. Dorénavant la PNC est un service public, apolitique, soumis à l'autorité civile, au service de la nation toute entière et chargée d'assurer la protection des personnes, des biens et du maintien de l'ordre dans le strict respect de la Constitution.

L'organisation et le fonctionnement de la police nationale congolaise a pris en considération sa double mission à savoir le maintien de l'ordre public et le rétablissement des droits des personnes. Au regard de cette situation, la loi organique a engagé une réforme pour répondre au pressant besoin de doter la République d'une police républicaine, unifiée, efficace, civile, apolitique et professionnelle susceptible de fonctionner véritablement au-delà de toute conjoncture et soubresaut politiques524(*).

L'action de la police au regard des manifestations dans un État de droit démocratique peut être appréciée à 3 niveaux : avant les manifestations, pendant les manifestations et dans l'application des principes de maintien de l'ordre public.

A. L'action de la police avant les manifestations

Soumise à l'autorité civile, la police ne peut s'inviter à une manifestation sans une réquisition préalable. L'ordre d'intervention de la Police doit être donné par voie de réquisition.525(*) Son action consiste à prendre contact avec l'autorité civile, à se renseigner sur sa nature et les objectifs de la manifestation (politiques, sociaux, religieux etc.), repérage de l'itinéraire proposé (marche, lieu, etc.), contact avec les organisateurs (objectifs, service d'ordre interne, identification des éléments extrémistes ou plus radicaux, etc.). Cette première phase est préventive et doit conduire les services de police à faire une analyse correcte de la situation de façon à pouvoir anticiper les difficultés à prévoir et procéder dans la mesure du possible à envisager des mesures préventives à l'encadrement de la manifestation en coordination avec les organisateurs.

La police est avertie à ne pas faire une interprétation extensive de la notion d'ordre public qui conduit souvent sous couvert de la sécurité publique, à commettre de graves violations du droit de manifester. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure, toute réquisition doit être écrite. Pour permettre à l'exécutant d'apprécier la légalité de l'ordre reçu, la réquisition reprend la disposition légale en vertu de laquelle elle est faite.

B. L'action de la police pendant les manifestations

La police doit toujours de garder à l'esprit que manifester est un droit, de surcroit constitutionnel. Et qu'en conséquence les manifestants ont la pleine liberté de se réunir sans la crainte des représailles ou entraves de quelque nature que ce soit. Dans ce cadre une réquisition de dispersion ne peut être justifiée que s'il existe des troubles graves à l'ordre public. Les troubles ne peuvent pas être présumées, elles doivent se présenter de manière claire et qui n'invite aucun doute possible et la dispersion doit se réaliser conformément aux principes de maintien de l'ordre public.

C. Les quatre principes du maintien de l'ordre public

L'action de la police doit toujours obéir aux principes ci-dessous, concernant la question du maintien de l'ordre public. Il s'agit de entre autres : la conformité légale, l'interdiction de l'excès (le principe de la proportionnalité et de l'adéquation entre la mesure à prendre et le degré de la menace à craindre).

C.1. La conformité légale

Les actes de contrôle, doivent se fonder sur la loi, doivent être mesurés et respectueux des procédures individualisées et du contenu défini par la loi, indépendamment de la nature de ces mesures. Ils pourront ressortir des règlements des autorités de police, des décisions de l'autorité politico-administrative (autorisation, interdictions, ordres, etc.), des mesures de coercition (utilisation de la force, emploi d'armes non létales), ou même de simples opérations de surveillance. Toutes les procédures de police doivent reposer sur la prévision de la loi et être soumise au principe de la conformité légale.

Ce principe est consacré par l'article 10 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Police Nationale Congolaise qui dispose que « la police vérifie systématiquement la légalité des opérations qu'elle se propose de mener ». La conformité au droit étant la préoccupation centrale de l'État de droit, l'inclusion de ce principe dans la loi organique confirme l'option levée par le Constituant congolais de 2006 de faire de la RDC un État de droit et démocratique.

C.2. L'interdiction de l'excès : le principe de la proportionnalité

Toutes les mesures de police doivent obéir aux conditions de la nécessité, de l'exigibilité et de la proportionnalité, cela veut dire que le rôle de la police doit être strictement indispensable à assurer l'intérêt public en cause, sacrifiant au minimum les droits des citoyens. L'excès doit donc être entendu comme toute action de la police, non indispensable, contre la tenue d'une manifestation.

C.3. L'adéquation entre la mesure à prendre et le degré de la menace à craindre

Les agents de l'autorité, dans l'exercice de leurs activités de contrôle devant une situation concrète, devront toujours chercher à établir un relatif équilibre entre les objectifs à défendre et les coûts de la mesure à adopter pour les atteindre. L'on peut donc affirmer que, la mesure restrictive doit constituer un moyen approprié pour atteindre les objectifs visés par la loi.

C.4. Hiérarchies de valeurs entre la liberté et les risques éventuels

Les mesures de police doivent toujours se justifier par une stricte nécessité. Le recours aux mesures plus importantes n'est pas recommandé quand des mesures objectives peuvent s'atteindre par d'autres méthodes ou d'autres formes moins contraignantes.

Le rôle de la police est de défendre la légalité démocratique, de garantir la sécurité interne et les droits des citoyens, l'article 182, Constitution de la RDC, sachant que les mesures de police sont prévues dans la loi, elles ne doivent donc pas être utilisées en dehors du strictement nécessaire.

On doit avoir toujours présent que : Une réunion ou une manifestation ne peut avoir lieu que si la loi est appliquée, les indications légales des autorités politico-administratives et les mesures de la police sont respectées, défense de la légalité démocratique, garantie de la sécurité interne et de la défense des droits des citoyens de manière à éviter que les objectifs de l'événement ne soient pas contraires à ceux définis par la loi.

L'action de la police doit être toujours soumise au principe de la proportionnalité et de l'interdiction de l'excès, principes qui régissent toute l'administration publique dans ses trois dimensions : adéquation, nécessité et proportionnalité. L'usage de la force doit toujours avoir une nature résiduelle et subsidiaire, de manière à s'intégrer dans la logique de l'accomplissement d'un devoir de l'État et de ses organes.

2. La protection par les forces armées congolaises

Malgré la mobilisation systématique des militaires des FARDC lors de missions de maintien de l'ordre public, la loi organique portant organisation et fonctionnement des Forces Armées de la République démocratique du Congo, « FARDC »526(*) ne comporte aucune disposition restreignant le recours légitime à la force. Cette loi fait cependant la distinction entre l'emploi des militaires pour des missions de police et de maintien de l'ordre ou leur emploi dans des opérations purement militaires, notamment dans un contexte de conflit armé. Elle rappelle ainsi l'obligation aux militaires de respecter certains droits fondamentaux pendant la guerre et donc a fortiori dans un contexte de paix où ils exercent des missions de police et de maintien ainsi que rétablissement de l'ordre public face à des manifestants non armés et généralement pacifique.527(*) En outre, la Constitution congolaise dispose que nul n'est tenu d'exécuter un ordre manifestement illégal ou contraire au respect des droits de l'homme et des libertés publiques.528(*)

Telle qu'adoptée par le Parlement en décembre 2015, la proposition de loi fixant les mesures d'application de la liberté de manifestation prévoit l'imposition aux forces de l'ordre responsables des opérations de gestion des rassemblements publics de l'obligation de ne faire usage de la force que de manière proportionnelle, non létale et uniquement en cas de nécessité.

3. L'Agence nationale des renseignements

Chargée de la recherche, la centralisation, l'interprétation, l'exploitation et la diffusion des renseignements politiques, diplomatiques, stratégiques, économiques, sociaux, culturels, scientifiques, et autres intéressant la sûreté intérieure et extérieure de l'État,529(*) l'Agence Nationale de Renseignement joue un rôle très important en matière de protection du manifester. Organe technique auprès de la police administrative, c'est elle qui donne un avis à l'autorité administrative afin de doit répondre à une demande d'autorisation ou d'information selon le cas. C'est toujours elle qui doit connaitre si oui ou non la manifestation projetée peut donner lieu aux actes de violences et ainsi conseiller l'autorité et le cas échéant donner un avis favorable ou défavorable.

Malheureusement, ce service d'intelligence, comme pour la Police et l'Armée ont cessé d'être au service de la nation, pour servir les individus au pouvoir. Le caractère potentiellement subversif de la manifestation lui vaut toute l'hostilité de la part des agents commis à ce service. Ainsi pour protéger non pas l'institution Président de la République mais l'individu, l'ANR préfère sacrifier cette liberté en mettant à l'abri l'autorité politique de tout risque qui découlerait de l'exercice du droit de manifester.

Il faudrait donc, plaider pour que l'ANR, redevienne un service d'utilité nationale et revêtue de toutes les vertus républicaines et que son action s'inscrive dans le cadre de strict respect du Décret-Loi n° 003-2003 partant création et organisation de l'Agence nationale de renseignements. Aux termes de l'article 4 du décret ci-dessus, l'ANR a pour mission la protection de l'environnement politique garantissant l'expression normale des libertés publiques conformément aux lois et règlements.530(*) Il me semble que d'autres missions l'emporteraient sur celle lui conférée par l'article précité. Au-delà des cas de détention que l'on ne cesse de condamner, son application dans les différents cas d'interdiction mérite d'être signalée.

Sans aucun doute, elle est héritière et le reflet de la culture autocratique dont le pays a hérité de 32 ans de dictature. Placée sous l'autorité du Président de la République, l'ANR fonctionne en violation des lois et règlements et constitue un handicap à la promotion du droit de manifester. Il est difficile qu'un Gouverneur, un Bourgmestre ou toute autre autorité agissent violation ou encore en contradiction avec son avis.

§4. Les acteurs paraétatiques et interétatiques

Ces garanties sont liées à la capacité de réaction de la société elle-même et à l'apparition des autorités administratives indépendantes. A l'origine du pacte social que les individus concluent avec le pouvoir, se trouve en général l'obligation pour l'État de respecter les droits et libertés. Conformément à ce que Locke a avancé, toute attitude contraire ouvre à la société un droit de résistance. Ce principe essentiel qui donne une grande partie de sa valeur au contrat social a été repris, non sans débat, dans la Déclaration des droits de l'homme531(*). Bien que dépourvu de portée en droit positif, cet article et surtout la conscience qu'en ont les populations font que la société est la première à pouvoir se prémunir des atteintes à ses libertés.

En effet, la résistance à l'oppression n'implique pas nécessairement l'action violente ; elle passe aussi par des réactions individuelles ou collectives. La résistance a pris ces dernières années la forme des « lanceurs d'alerte » capables de transgresser des obligations de secret ou de discrétion professionnelle afin de faire cesser des agissements faisant peser un risque pour autrui.

Comme le corps humain, la société a la faculté de produire ses propres anticorps lorsqu'elle considère que ses libertés sont menacées ou violées. Il s'agit alors de s'opposer aux ingérences du pouvoir en recourant à des ressources qui ont prouvé leur efficacité. Ainsi, la presse est traditionnellement présentée comme un contre-pouvoir capable de faire fléchir des gouvernements. La liberté de manifestation joue, elle aussi, un rôle majeur, comme en témoignent les résultats obtenus, notamment, à la suite des événements du 04 janviers 1959 à Léopoldville et les émeutes de Stanley Ville, à la suite desquelles, le droit de manifester fut consacrée au profit des populations congolaises.

De même l'opposition à la remise en cause de l'école libre France, la grève n'est pas non plus dépourvue d'intérêt. En outre et depuis Tocqueville, on sait que la vitalité du tissu associatif est un élément essentiel, favorisant le regroupement des énergies et agissant au quotidien sur le terrain. A ce titre, la commission nationale consultative des droits de l'homme (loi 2007-292 du 5 mars 2007) permet aux associations de bénéficier d'un relais significatif auprès des pouvoirs publics. Elle éclaire, au moins en théorie, le Premier Ministre et les Ministres concernés sur les questions de portée générale intéressant les droits de l'homme et l'action humanitaire.

Poussé à son extrémité, le droit de résistance atteint parfois le seuil de la violence. Toute la difficulté est alors de savoir quand se termine l'action légitime et où commence l'action terroriste. La distinction entre la résistance et le terrorisme est sans doute l'une des plus subjectives à opérer, comme la France en a fait la cruelle expérience avec l'apparition de l'OAS durant la guerre d'Algérie.

Enfin, la société dispose de la possibilité (formelle ou informelle) d'exprimer son mécontentement par l'intermédiaire de pétitions adressées au pouvoir532(*). Longtemps craint par les autorités qui assimilaient la pétition à un dangereux moyen de pression, ce droit a recouvré une relative vigueur avec la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et plus encore avec celle de 2008 en France.

1. Les Organisations Non Gouvernementales de protection des droits de l'homme

Les organisations non gouvernementales telles qu'Amnesty international, Human Right Watch et plusieurs autres contribuent d'une manière significative à la protection et la promotion des droits fondamentaux, particulièrement de la liberté de manifestation. Plusieurs cas de violations ou d'entraves à la liberté de manifestation sont connus à travers les rapports et les déclarations de condamnation élaborés533(*). Elles font les rapports qui influencent la politique gouvernementale. Ne disposant pas de moyens de contrainte ou de sanction sur les auteurs de violations, constitués en grande majorité des personnalités politiques et administratives.

2. La protection internationale du droit de manifester

L'Afrique est au coeur des travaux de l'ONU, que ce soit dans les domaines des droits de l'homme, du développement ou de celui de la paix et de la sécurité. Le rôle historique des Nations Unies vis-à-vis de l'Afrique est souvent négligé. Il remonte au début de la création de l'Organisation lors de l'élaboration de la Charte de l'ONU dont les principes et les buts ont créé un environnement favorable à la lutte pour l'indépendance de nombreux pays africains. En matière des droits fondamentaux en général et de la liberté de manifestation en particulier, l'ONU s'active intensément en RDC (II), sans omettre l'apport des instances africaines dans la protection des droits fondamentaux (III).

A côté de l'ONU, la contribution de l'action internationale bi et multilatérale dans la défense des droits de l'homme n'est pas à négliger (I). Il s'agit du contrôle ou de la défense du droit de manifester par les organismes de la société civile internationale et l'action diplomatique par voie de condamnation des violations. Par ce que certains appellent ou considèrent comme la diplomatie des droits de l'homme, la soumission de l'État au droit est exigée par les institutions financières internationales pour accorder leur aide au développement des États du tiers monde. Dans ce contexte, chaque État se trouve dans l'obligation de se conformer non seulement à sa propre législation au sens le plus large de ce terme, mais également aux standards internationaux communément admis qui régissent la protection des droits fondamentaux des citoyens.

De ce point de vue, les déclarations faites par un groupe d'ambassadeurs, respectivement des États-Unis, du Canada et de la France qui auraient facilité l'organisation des manifestations de septembre et novembre 2016 pouvaient être citées comme exemple.534(*) On peut aussi noter qu'au motif que les autorités congolaises ont rétréci l'espace démocratique, en voulant taire toute dissidence leur aurait couté cher car mettant en péril certaines relations diplomatiques.

A. L'action internationale en faveur de la protection de la liberté de manifestation

Certains organismes internationaux jouent un rôle majeur dans la protection des droits fondamentaux. Cela pourrait être vérifié lorsqu'on analyse l'action des Nations Unies et des organismes comme Amnesty international, Humains Right Watch à travers leurs déclarations, on peut vite se rendre compte de leur impact pour la protection et la promotion du droit de manifester.

A.1. Les garanties mondiales

Comme dans les États, les individus disposent d'un pouvoir de réaction à l'échelle planétaire. Au même titre que les associations nationales, les organisations non gouvernementales prennent directement ou indirectement part active à la protection des libertés. En République Démocratique du Congo, Amnesty International et les pays de l'Union européenne, ainsi que le Gouvernement des États -Unis d'Amérique ont fait à travers leurs déclarations de condamnations contre les diverses restrictions dont le droit de manifester constitue une forme de garantie.

Les organisations internationales sont elles aussi très actives. Ainsi, dans le prolongement du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'ONU dispose d'un Comité des droits de l'homme, entré en fonction en 1977. Ses dix-huit membres élus par les États membres rédigent des rapports et observations adressés aux États. Le Comité travaille sur la base d'informations fournies par ces derniers. Il agit aussi à la suite de plaintes. Dans cette hypothèse, la plainte (« communication ») émane d'un État pour en viser un autre. Le Comité engage alors une procédure de règlement amiable. De manière plus originale, la plainte peut également venir d'un particulier ayant épuisé toutes les voies de recours internes, à condition que l'État ait accepté cette possibilité. Le Comité informe alors l'État visé et lui demande de fournir des explications, puis il rend ses décisions dépourvues de portée contraignante. Bien que produisant des résultats quantitatifs notables, ce mécanisme est fortement affaibli par l'absence de sanction et de pouvoir d'investigation.

Parallèlement au Comité des droits de l'homme, l'ONU a abrité une Commission des droits de l'homme dont la mission était de centraliser les informations relatives aux droits de l'homme dans le monde. Elle a toutefois perdu toute crédibilité en s'abstenant de relever des violations gravissimes des droits de l'homme ou en violant son obligation d'impartialité dans le conflit entre Israël et les Palestiniens. À cause de ce constat et dans le contexte d'une timide réforme des Nations Unies amorcée en 2005, la Commission a laissé la place à un Conseil des droits de l'homme composé de 47 membres désignés à la majorité absolue des États composant l'Assemblée Générale. L'une de ses premières décisions symboliques a été de créer, à compter de février 2008, un mécanisme d'examen périodique universel devant permettre de rendre les contrôles plus objectifs. La crédibilité de cette structure est toutefois discutée en raison des modalités de désignation des membres dont la qualité d'État démocratique n'est pas garantie en dépit de la création d'une procédure de suspension par l'Assemblée Générale en cas de violation flagrante.

On peut également citer l'action du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, créé en 1993, et qui siège à Genève. Son rôle est de renforcer par l'éducation et le dialogue la protection des droits de l'homme dans les États.

A.2. La contribution de l'Organisation Internationale de la Francophonie à la protection d'un État de droit

La justice est un attribut fondamental de l'État moderne. Elle assure, dans une société démocratique, la sauvegarde de l'édifice normatif ainsi que la protection des droits et libertés. Une justice indépendante et efficace est un symbole de l'État de droit. Elle révèle la réalité de la séparation des pouvoirs et consacre le règne du droit. Mais l'efficacité de tout appareil judiciaire dépend de la nature et de l'ampleur des moyens dont il dispose. Or, dans nombre d'États francophones, le système judiciaire connaît de nombreuses faiblesses, liées tantôt aux avatars des processus de stabilisation démocratique, tantôt aux situations plus fragiles de sortie de crise. La question du renforcement des capacités des institutions judiciaires se trouve ainsi posée. Et c'est sur cette base que l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a investi, depuis une trentaine d'années, le champ de la coopération juridique et judiciaire.

Ayant inscrit la promotion de la démocratie au coeur de son action politique, la Francophonie a pris des engagements forts et développé, en s'appuyant sur ses réseaux institutionnels, des programmes destinés à accompagner ses États membres dans le renforcement des capacités de leurs systèmes de justice. Cet engagement est perceptible dans le corpus normatif de l'Organisation. Il marque la ferme volonté des États francophones d'ancrer leurs relations dans un cadre de coopération, attaché à la protection des droits fondamentaux et à la régulation des pouvoirs majoritaires. La justice est donc désormais érigée en priorité dans le champ des préoccupations francophones. Elle y est saisie tant aux niveaux national et international que dans sa dimension transitionnelle.

B. La protection par les sanctions ciblées de l'UE et les USA

Les mesures européennes et américaines dites sanctions ciblées ne font pas l'objet d'une réception moins contestée dans le paysage politique et scientifique congolais. Elles font l'objet des controverses tant sur le plan doctrinale que politique. Certains trouvent en celles-ci une pratique néo-colonialiste ; pour d'autres, ces mesures permettent de suppléer les insuffisances et les faiblesses de nos systèmes judiciaires dépourvus de toute indépendance et qui fonctionnent sous le soubresaut du politique.

Dans cette partie, il sera donc question de répondre à une double interrogation, d'abord celle de savoir, en quoi consistent ces différentes mesures dites sanctions ciblées ? Et ensuite, quelle en est de l'effectivité de ces sanctions ?

B.1. La portée des mesures dites sanctions ciblées

Le 23 juin et le 28 septembre 2016, l'Administration américaine, à travers son Ministère des finances, agissant par le Bureau de contrôle des actifs étrangers, a annoncé dans un communiqué avoir inscrit sur sa très célèbre liste des sanctions, le Général Kanyama, Commissaire provinciale de la Police de Kinshasa, la Capitale de la RDC et deux autres généraux, entre autres Amisi Kumba dit Tangofort et John Numbi535(*).

Dans le même sens, l'Union Européenne a pris des sanctions contre quelques personnalités congolaises soupçonnées d'être à l'origine de l'intimidation, harcèlement à l'encontre de l'opposition, de la société civile et de médias536(*). L'Union européenne n'a pas oublié non plus ceux qui, pour elles, entravent le processus démocratique, à commencer par le visage médiatique du pouvoir congolais, Lambert Mende Omalanga, Ministre de la Communication et Medias et Porte-parole du Gouvernement congolais, Emanuel Ramazani Shadary, Vice-premier ministre, Ministre de l'Intérieur et autre ténor du régime.

L'organisation régionale européenne considère le Ministre des medias comme le porte-parole de la politique répressive du gouvernement vis à vis des médias537(*). « Une politique qui viole le droit à la liberté d'expression et d'information et compromet une solution consensuelle et pacifique en vue de la tenue des élections », estime l'UE dans un communiqué. Toutes ces personnalités sont désormais visées par une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'Union européenne, un gel de leurs avoirs ainsi que par l'interdiction de percevoir des fonds de quelqu'un en Europe. En même temps les banques commerciales oeuvrant en République Démocratique du Congo décident d'appliquer à la lettre ces mesures à une seconde prête538(*).

L'idée des Européens, c'est aussi de remettre un coup de pression pour faire avancer la transition en panne depuis janvier 2015. Et faire en sorte que le pays aille bien aux élections d'ici la fin de l'année comme il s'était engagé à le faire en décembre dernier. « Le processus électoral reste l'enjeu principal des prochains mois », insiste l'UE dans son communiqué.539(*)

Arrivée à Kinshasa, une délégation diplomatique de haut rang, qui comprenait entre autres dans ses rangs, le Ministre des Affaires étrangères angolais, Georges Chikoti. Celui-ci représente, les pays voisins puisque l'Angola présidait la CIRGL, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, et fait partie de la Commission Défense et Sécurité de la SADC et de la Communauté de développement de l'Afrique australe.

Selon Georges Chikoti, les sanctions européennes sont « un peu précipitées ». Il se demande « si l'UE n'est pas un peu trop détachée des réalités de la RDC »540(*). Pour les membres qui composaient cette délégation, il faut laisser au nouveau gouvernement qui vient d'être nommé, le temps aux choses, écouter les congolais et leur donner la possibilité de travailler pour sortir de cet imbroglio »541(*).

Parlant des sanctions américaines, Augustin Mampuya démontre que les sanctions au sens du maintien de la paix et de la sécurité internationales, que prétendraient prendre unilatéralement des États ou des organisations internationales autres que l'ONU, sans l'implication du Conseil de sécurité, sont contraires à la Charte des Nations-Unies et donc, illégales542(*).

Retenons que la RDC appartient au groupe des Etats Africains, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) qui sont associés à l'Union Européenne par les conventions de Lomé (I, II et III) et de Cotonou. L'article 36 de cette Convention conditionne l'accès aux mécanismes d'aide des Etats du Tiers-Monde au respect des droits de l'homme. La RDC étant signataire de ces accords, il est tenu de les respecter sous peine d'être sanctionnée. Il faut préciser qu'au départ, les sanctions étaient dirigées contre les Etats, et se sont révélées sans effets dissuasifs sur la conduite des dirigeants. L'UE a suspendu la coopération structurelle avec la RDC en 1990 pour cause de violation des droits de l'homme.

En ce qui concerne les Etats-Unis, seuls les Etats respectueux des droits de l'homme peuvent accéder au titre préférentiel au marché américain. La RDC a été exclue pour non-respect des droits l'homme. Ce sont les mêmes sanctions qui sont aujourd'hui dirigées contre les individus afin de créer un effet dissuasif.

Sans ignorer les contestations que suscitent les sanctions dites ciblées, en République Démocratique du Congo, tant sur le plan de leur régularité que de leur effectivité, il importe de signaler qu'elles restent dans le contexte congolais, l'une des rares qui puissent été prises visant l'effectivité du droit de manifester.

B.2. L'effectivité des sanctions dites ciblées prises au travers les mesures américaines et européennes

La réaction de certaines personnalités visées par les sanctions européennes et américaines risqueraient de faire croire que celles-ci ne sont que diffuses et par ricochet dépourvues de toute effectivité. C'est en tout cas l'impression que donne la réaction faite à chaud par le Général Olenga, l'une des personnalités congolaises reprises sur la très célèbre liste des américains543(*). Considérant l'habitude depuis longtemps adoptée par les politiques africains consistant à investir à l'étranger, cette position mérite d'être relativisée. En outre, lorsqu'on sait que chacune de ces personnalités possèdent au moins un compte en banque, soit un compte salaire ou privé, il est aussi possible d'affirmer qu'elles atteindront d'une manière ou d'une autre toutes les personnes visées.

Pour justifier ces nouvelles sanctions, l'UE évoque de graves violations des droits de l'homme, des rapports faisant état de l'usage disproportionné de la force par les services de l'État, en particulier les forces de sécurité. Face à une situation qui se détériore, l'Union européenne devait envoyer un signal au pouvoir544(*).

Toutes ces personnalités sont désormais visées par une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'Union européenne, un gel de leurs avoirs ainsi que par l'interdiction de percevoir des fonds de quelqu'un en Europe. En même temps les banques commerciales oeuvrant en République Démocratique du Congo décident d'appliquer ces mesures545(*).

« La personne, qu'elle soit physique ou morale si elle est sanctionnée la conséquence immédiate : c'est le gel des avoirs. Donc, ses comptes sont bloqués. Cette position des Américains est justifiée par le fait qu'on parle dollar américain [...], c'est leur monnaie », a expliqué M. Cuypers546(*).

Si les banques commerciales n'appliquent pas les sanctions décidées par les Américains, elles seraient elles-mêmes immédiatement frappées. « Si vous n'appliquez pas la sanction, vous allez vous-mêmes être sanctionné. Ça veut dire que vous ferez partie de ces listes sur lesquelles il y aura des restrictions soit des interdictions. Et s'il y a interdiction, vous ne pourrez plus faire des transactions en dollar américain», a redouté la même source547(*).

Une banque placée dans l'impossibilité de faire des compensations en dollar, a précisé Yves Cuypers, «c'est évidemment un coup dur» pour elle, dans la mesure où elle perdrait ses correspondants en dollars.

Ces sanctions permettront-elles de changer la donne ? Rien n'est moins sûr tant la communauté internationale semble elle-même divisée sur la question. L'Union africaine pense ainsi que la méthode forte n'est pas la bonne et plaide plutôt pour un dialogue politique discret548(*). L'ONU de son côté, tiraillée entre ses différents États membres, n'est pas parvenue à ce jour à une position commune et claire sur la RDC. Enfin, sans l'Église catholique pour assurer la médiation entre pouvoir et opposition, les relais semblent de plus en plus limités pour faire pression sur les autorités.

3. La protection onusienne (MONUSCO, BCNUDH)

Depuis plus d'une décennie, la MONUSCO et le Bureau Conjoint des Nations pour les droits de l'homme, ont contribué d'une manière non négligeable à la protection du droit de manifester. Le BCNUDH a une unité spéciale qui fait un monitoring des abus des droits humains, y compris en matière de la liberté de manifestation. Ces organismes exercent une fonction de vigilance qui a un effet dissuasif sur la police administrative.

Ils documentent les cas de violations du droit de manifester. Disposant de moyens financiers conséquents et d'un réseau important d'enquêteurs, leurs rapports reprennent avec plus de certitude les cas d'atteintes à cette liberté. Il faut aussi souligner que ces rapports ne sont sans conteste par les organisations gouvernementales. Néanmoins, quelque soient les contestations du gouvernement portant généralement sur le nombre de morts, les rapports de la MONUSCO et du BCNUDC demeurent les plus fiables possibles et permettent de rendre compte de l'effectivité de la situation en République Démocratique du Congo549(*).

Dans un communiqué rendu public le 14 novembre 2017 la MONUSCO a appelé et exhorté les autorités congolaises à respecter les libertés fondamentales telles que stipulées dans la constitution congolaise et les instruments juridiques internationaux dont la liberté de réunion et de manifestation et à instruire les forces de la défense et sécurité à respecter les principes, de proportionnalité et légalité conformément aux normes internationales550(*). La MONUSCO a rappelé aussi aux citoyens que le droit de manifester implique de s'abstenir de recourir à la violence sous toutes ses formes551(*). C'est par ces recommandations et condamnations que la M0NUSCO parvient à dissuader les autorités congolaises et les décourager d'adopter toute attitude attentatoire aux droits et libertés fondamentaux.

4. Les garanties assurées par les instances africaines

L'union Africaine et autres organisations régionales et sous régionales contribuent elles aussi à la protection des droits fondamentaux en général et du droit de manifester en particulier.

A. La protection par voie diplomatique : Déclaration des gouvernements africains 

Par la voie diplomatique, les gouvernements et les pays africains contribuent également à la protection de la liberté de manifester. Surtout en période de crise, les ambassadeurs et chefs des missions diplomatiques facilitent la jouissance et l'exercice des droits fondamentaux. Cela aurait été vécu particulièrement en 2016 et 2017 en RDC. Durant cette période un groupe d'ambassadeurs a fait le tour des institutions, pour exhorter les autorités congolaises à laisser s'exprimer les partis d'opposition et la société civile. En cas de violences ou de répression des manifestants, les appels à la retenue, sont généralement lancés pour permettre l'expression des idées démocratiques.

B. La protection devant Cour africaine des droits de l'homme et des peuples

La Cour est née avec le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : adopté le 9 juin 1998 à Ouagadougou (Burkina Faso), entrée en vigueur le 25 janvier 2004 soit trente jours après le dépôt de l'instrument de ratification des îles Comores. Cette quinzième ratification exigée par l'article 34 alinéa 3, s'est ajoutée à celle de l'Afrique du Sud, de l'Algérie, du Burkina Faso, du Burundi, de la Côte d'Ivoire, de la Gambie, du Lesotho, de la Lybie, du Mali, de l'Ile Maurice, de l'Ouganda, du Rwanda, du Sénégal et du Togo552(*). En annexe, les États qui ont ratifié le protocole.

En janvier 2006, les Chefs d'État et de gouvernement de l'Union Africaine réunis à Khartoum ont élus les 11 Juges de la Cour africaine. Le statut de la Cour est en cours d'élaboration. A ces jours la Cour n'exerce pas encore ses fonctions. Son siège sera établi à de Arusha (Tanzanie) dans les installations de l'ancien TPIR. Conformément à l'article 25 le siège doit être établi dans un État membre et peut être déplacé vers un autre État membre sur décision de la conférence des chefs d'États et des gouvernements après avis de la Cour. La Cour peut organiser des audiences dans d'autres pays membres sur décision de sa majorité et avec l'agrément de l'État concerné.

La Cour est composée de 11 membres, ressortissants des États membres de l'OUA aujourd'hui UA, élus à titre personnel parmi des juristes jouissant d'une très haute autorité morale, d'une compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique, reconnue dans le domaine des droits de l'homme des droits de l'homme et des peuples. La Cour ne peut avoir deux juges de même nationalité. Toute fois l'État peut présenter jusqu'à trois candidats, pourvu que les deux autres n'aient pas sa nationalité. Les juges sont élus au suffrage secret en veillant à la représentation adéquate des deux sexes, la répartition géographique équitable ainsi que les grands systèmes juridiques. Les juges sont élus pour un mandat de six ans renouvelable une seule fois (art. 15). On peut regretter que le protocole n'ait pas prévu un mandat unique pour épargner les juges de conditionnement électoralistes.

Section 2. Les mécanismes juridictionnels de protection de la liberté de manifester

Selon Véronique Champeil-Desplats, « le fait que l'effectivité des droits ne puisse être dans tous les cas assurée par le juge ne réduit contrairement à ce qui est parfois soutenu -, ni la « juridicité » (ou « normativité ») des droits, ni la possibilité d'obtenir leur effectivité par d'autres moyens. La qualité de norme juridique ne dépend pas de la possibilité d'invoquer la norme devant le seul juge. Elle dépend bien plus de l'adoption de la norme par une autorité compétente dans un système juridique donné »553(*). L'affirmation ne semble souffrir d'aucune contestation, même s'il est unanimement admis que l'intervention du juge s'avère nécessaire pour l'effectivité de la norme ainsi consacrée. En effet, il est classiquement admis en droit positif qu'une norme, entendue comme « la signification d'une proposition indiquant un modèle de conduite sur un mode impératif »554(*), obtient la qualité de règle de droit en raison de sa seule appartenance au système juridique555(*). Soit que cette norme ait été directement édictée par l'État, en vertu de son pouvoir normatif, soit que, bien qu'extérieur à l'État, elle ait été adoptée sur le fondement d'une norme Étatique556(*).

Ce soutènement n'exclut pourtant pas cette assertion qui est devenu un truisme dans la réflexion juridique : que le droit et la loi n'acquièrent leurs véritables signification et force qu'à l'instant où ils trouvent à leur disposition un juge en vue de leur réalisation. En tant que permissions juridiques de valeur supralégislative557(*), les droits fondamentaux ne sauraient par définition exister sans la présence d'un organe juridictionnel habilité à sanctionner les atteintes qui leur sont portées558(*), leur caractère fondamental résidant précisément « dans l'existence d'un contrôle juridictionnel permettant de faire prévaloir le droit sur la loi »559(*). Plus qu'un corollaire indispensable560(*), la justiciabilité se présente, dès lors, comme un élément constitutif des droits fondamentaux.

Le constituant congolais de 2006 se place quelque peu dans cette ligne en établissant ce lien essentiel entre les droits fondamentaux et la garantie juridictionnelle561(*), même si d'aucuns persistent à affirmer que l'existence d'un tel droit est liée à son inscription dans une norme alors que l'existence d'un mécanisme de contrôle n'est que le garant de son effectivité »562(*). En ce même sens, Anne Weber considère que « le ''test judiciaire'' constitue moins une condition de l'existence des droits de l'homme que de l'efficacité maximale de ces droits »563(*).

En somme, il est possible d'affirmer avec le professeur Frédéric Sudre qu'« il n'y a droit [fondamental] que par l'intervention du droit positif, lorsqu'un régime juridique est organisé tel que le droit soit protégé par une action en justice »564(*). Traduction de l'idée selon laquelle la seule proclamation des droits et libertés ne saurait suffire à en assurer l'exercice, les droits fondamentaux, en raison leur place spécifique au sein de la hiérarchie des normes, se présentent ainsi comme des droits nécessairement justiciables. Indissociables de la garantie juridictionnelle, le lien étroit qu'ils entretiennent avec le juge, spécialement constitutionnel, conduit à ériger celui-ci en condition déterminante de leur existence. C'est là un premier indice du rôle privilégié du juge en matière de protection des droits fondamentaux. Pour autant, ces derniers ne sauraient se contenter de n'importe quel juge. Leur effectivité tient pour beaucoup à l'existence d'une justice de qualité. Or, le développement constant de la garantie juridictionnelle, tant en RDC que dans des pays ciblés, s'inscrit dans cette perspective.

Magnifié par la doctrine, le juge, tel qu'il a été souligné, est classiquement présenté comme l'institution la mieux armée pour garantir l'effectivité des droits fondamentaux. Or, de cette croyance exacerbée dans la figure du juge, il en découle, trop souvent, une tendance à l'abstraction des lacunes affectant cette forme de protection565(*).

Dans la plupart des systèmes, c'est au juge qu'est dévolu l'essentiel de la mission de protéger les libertés contre les atteintes susceptibles de les affecter.566(*) Le droit congolais s'inscrit dans cette tradition, mais non sans paradoxe. Les lacunes inhérentes à la protection des libertés par le juge, qui tiennent à ce que celui-ci intervient presque toujours longtemps après les faits, ont conduit à une réflexion sur les ressources susceptibles d'apporter la protection juridictionnelle des libertés, selon diverses modalités.567(*) Si la protection effective des droits fondamentaux est une condition inhérente à leur statut, il serait vain de tenter de circonscrire ce rôle à une juridiction unique. De ce fait, l'identification du juge des droits fondamentaux congolais trouve sa base à l'article 150 de la constitution du 18 février 2006 qui dispose que « le pouvoir judiciaire « le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens »568(*). Ledit pouvoir judiciaire a été dévolu « aux Cours et Tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'État, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires »569(*). Les instances judiciaires sont réparties en deux ordres de juridiction à côté de la Cour constitutionnelle.

On examinera ainsi successivement la protection du droit de manifester par les différents juges, judiciaire, administratif et constitutionnel (§1).

Aussi convient-il de s'en référer à l'oeuvre du juge pour évaluer la réalité de la protection du droit de manifester (§3).

§1. La protection de la liberté de manifestation : quelles garanties par le juge ?

L'organisation judiciaire actuelle de la RDC impose que nous examinions tout à tour la protection de la liberté de manifestation par le juge judiciaire (1), par le juge administratif (2) et par le juge constitutionnel (3).

1. Le juge judiciaire, protecteur de la liberté de manifestation

L'ordre judiciaire comprend les juridictions civiles et pénales, les cours et tribunaux militaires, les tribunaux de commerce et les tribunaux de travail. N'ayant pas figuré parmi les juridictions de l'ordre judiciaire énumérées à l'article 6 de la loi organique portant OFCJOJ, la place des tribunaux pour enfant demeure un sujet de controverse à laquelle nous n'allons pas plonger dans le cadre de cette étude.

La liberté de manifestation, parmi les droits fondamentaux, constitue à la fois un droit-liberté et un droit-créance. En tant qu'un droit-liberté, elle procure à ses titulaires le pouvoir d'exprimer une opinion sous une forme particulière ; à ce titre, elle impose une abstention verticale et horizontale : verticalement, la manifestation ne peut être interdite par les pouvoirs publics que dans les conditions ayant trait au maintien de l'ordre public ; horizontalement, les atteinte à la liberté de manifestation par tout citoyen doivent être sanctionnées. En tant que droit-créance, la liberté de manifestation impose aux pouvoirs publics une prestation, l'encadrement et la sécurisation des manifestants. Ainsi, le juge répressif comme le juge civil ont, chacun en ce qui le concerne, la charge de la protection des droits fondamentaux.

A. Le juge pénal congolais et la protection de la liberté de manifestation

L'exercice du droit de manifester semble être placé dans beaucoup de régimes sous les signes du droit pénal. La responsabilité pénale concerne tant les agents publics que les personnes privées. Pour les cas des agents publics, les poursuites ne sont pas automatiques. Elles sont souvent paralysées par des privilèges de poursuite et d'autres immunités.

Il est désolant que parmi les six incriminations prévues dans la loi, cinq visent les manifestants et une seulement vise directement la protection du droit de manifester. L'entrave à la liberté de manifestation est punie de sept à soixante jours de servitude pénale lorsqu'elle consiste au refus de réception d'une déclaration préalable par l'autorité compétente ; fait pour quiconque de gêner, de perturber ou d'empêcher délibérément une manifestation, les peines variant dans ce cas de un à cinq ans de SPP et de 500.000 à 5.000.000 FC, selon les circonstances ou les auteurs570(*).

L'écriture de cette disposition appelle les observations suivantes :

- En cas de refus de réception d'une déclaration de manifestation, la responsabilité de l'autorité compétente est engagée ; la question pratique qui peut se poser est celle de savoir lequel de l'agent commis à la réception ou de l'autorité va engager la responsabilité ? seront-ils pris en corréïté ? Certes, l'agent qui justifie son comportement par l'ordre de sa hiérarchie de ne pas recevoir la déclaration n'est pas, aux termes de la loi, responsable d'entrave à la manifestation, la loi ayant prévu la responsabilité de l'autorité compétente et non celle du préposé. Il en serait autrement s'il est attesté qu'aucun ordre de ne pas recevoir n'a été intimé.

- Le législateur punit plus sévèrement le fait de gêner, de perturber ou d'empêcher délibérément une manifestation que le refus de réception d'une déclaration préalable ; en effet, le refus de réception de la déclaration étouffe la manifestation dans l'oeuf et les auteurs commettent un abus de pouvoir répréhensible. En outre, les peines encourues par l'auteur d'un refus de réception de la déclaration nous semblent dérisoires ; une amende de 100.000 ou 200.000 FC infligée à un gouverneur n'aurait aucun effet dissuasif ou expiatoire.

- L'entrave à la manifestation relève du Tribunal de paix, sauf lorsque les faits sont commis par les privilégiés de juridiction.

Les privilèges de poursuites dont bénéficient les auteurs potentiels de l'entrave à la manifestation rendent illusoire la protection pénale de cette liberté. Les réalités judiciaires de notre pays renseignent que des considérations d'ordre politique militent souvent en faveur de l'impunité. Seule une culture des droits fondamentaux ancrée dans nos juges peut favoriser une protection pénale efficace de la liberté.

Le juge répressif intervient également lorsqu'il s'agit de sanctionner les comportements délinquants commis à l'occasion des manifestations publiques.

B. La protection par le juge civil

La responsabilité civile découlant des manifestations publiques sera développée dans la section suivante. Il importe cependant de préciser que ladite responsabilité doit être engagée par les organisateurs d'une manifestation ou par des tiers à la manifestation avec préméditation, devant le juge judiciaire selon les principes tirés du code civil congolais livre III. En revanche, le juge administratif sera compétent lorsqu'il s'agit de la responsabilité de l'administration.

2. La protection de la liberté de manifestation par le juge administratif

La révolution opérée par la Constitution du 18 février 2006 a favorisé l'institution d'un ordre de juridictions administrations détachées désormais des juridictions judiciaires dans un système d'unité de juridiction et de spécialisation de contentieux571(*). Il existe à ce jour un ordre de juridictions administratives constitué du Conseil d'État, des différentes cours administratives d'appel et de différents tribunaux administratifs572(*).

En règle générale, le juge administratif protège les droits fondamentaux des citoyens en général par deux procédés, le contrôle de la légalité et la réparation du préjudice causé par un acte de l'administration. Les deux procédés demeurent d'une grande importance en ce qui concerne la liberté de manifestation.

A. La recherche de la conformité légale

L'aspect le plus original de la protection des libertés fondamentales par le juge administratif consiste dans l'annulation d'un acte administratif illégal. Cette compétence est reconnue au juge administratif tant par la Constitution du 18 février 2006573(*) que par la loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions administratives. Les trois degrés de la juridiction administrative correspondent ainsi à l'architecture de l'administration territoriale de la RDC construite à trois niveaux : l'administration centrale, l'administration provinciale et l'administration locale. Chaque niveau de juridiction a la charge de contrôler le niveau de l'administration correspondant. Mises à part les autres compétences leur reconnues par la constitution et les lois, le Conseil d'État contrôle l'administration centrale, les Cours administratives d'appel les administrations provinciales et les tribunaux administratifs les administrations locales.

Le contrôle de la légalité implique celui de l'application des principes prévus par la loi pour la gestion des manifestations publiques. Il emporte donc le contrôle de la nécessité d'une interdiction, de l'opportunité ; le contrôle de la proportionnalité des moyens employés pour la dispersion. Ici, la loi portant modalités d'application de la liberté de manifestation et celle portant organisation et fonctionnement de la police sont des références privilégiées du contrôle de la légalité.

B. La réparation du préjudice causé par l'administration

Lors des dispersions des manifestations, la possibilité ou même, dans le contexte congolais, la prévisibilité des abus susceptibles de causer des préjudices aux tiers, abus entraînant la responsabilité civile de l'administration comme commettant. De même, l'État engage sa responsabilité sans faute pour des troubles découlant des manifestations publiques. C'est le cas de la réparation du préjudice exceptionnel. Dans ce point, nous nous focalisons sur la responsabilité découlant des actes d'interdiction des manifestations.

Généralement la réparation du préjudice par l'administration prend deux formes : la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute ci-haut évoquée.

La question est de savoir si les organisateurs d'une manifestation possèdent le droit de procéder par un recours de plein contentieux devant le juge administratif pour solliciter du juge administratif l'annulation de la décision d'interdiction et, en même temps, la réparation du préjudice causé elle. Dans le cas où le juge administratif aurait annulé une décision d'interdiction alors que la date de la manifestation est dépassée, les organisateurs, qui auraient dépensé temps, argent et ressources diverses pour mobiliser les manifestants, ne peuvent être privés du droit à la réparation.

3. L'action de la Cour constitutionnelle dans la protection de la liberté de manifestation

La Cour constitutionnelle instituée aux termes de l'article 157 de la Constitution du 18 février 2006 exerce, selon les termes de Paul-Gaspard Ngondankoy, une protection directe et indirecte des droits fondamentaux.

La protection directe consiste en l'ouverture laissée à tout citoyen de saisir cette juridiction en inconstitutionnalité de tout acte législatif ou règlementaire. Cette ouverture est reconnue aux alinéas 2 et 3 de l'article 162 de la Constitution. Cette disposition permet à tout citoyen pourvu qu'il y ait intérêt de s'en référer à la haute juridiction en vue d'intenter un procès à tout acte législatif (loi, ordonnance-loi, édit) ou réglementaire qu'il estimerait contraire à la constitution. Il s'agit ici principalement de pouvoir censurer tout acte précité qui violerait les droits fondamentaux constitutionnels.

Si la doctrine congolaise reste encore divisée sur la question du contrôle de constitutionnalité des actes administratifs, la Cour constitutionnelle béninoise a maintes fois contrôlé la constitutionnalité des actes administratifs574(*). Il faut ici relever que l'ouverture consacrée par le système de la RDC est insuffisante au regard des autres systèmes étudiés. En effet, dans le système congolais, la saisine du juge constitutionnel contre un acte administratif n'est justifiée que dans la mesure où ledit acte est un acte règlementaire. Il en découle que la Cour constitutionnelle congolaise est incompétente pour connaitre du contrôle de la constitutionnalité des actes de portée limitée, comme par exemple la décision d'interdiction de la manifestation de telle date organisée par tel parti politique, cet acte n'étant pas un acte règlementaire. Il en est autrement lorsque la décision consisterait en une interdiction de toutes les manifestations limitée ou non dans le temps, auquel cas on serait en présence d'un acte règlementaire censurable par le juge constitutionnel sur pied de l'article 162, alinéa 2. Dans le système béninois et espagnol notamment, la Cour constitutionnelle et le tribunal constitutionnel peuvent être saisis contre un acte administratif non règlementaire. Ainsi, la Cour constitutionnelle béninoise a été saisi et s'est prononcé contre l'arrêté n° 8/0056/DEP-LIT/SG/SCAD/SA du 13 mars 2018 portant suspension de toutes activités relatives à la sortie des «égoun-goun?? dans le département du Littoral575(*).

Toujours dans le cadre de la protection directe des droits fondamentaux, l'article 49 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, le procureur général près cette Cour la saisit d'office pour inconstitutionnalité des actes législatifs et règlementaires ainsi que les traités internationaux dûment ratifiés et publiés au Journal officiel, lorsque ces actes portent atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ou aux libertés publiques.

La Cour constitutionnelle peut protéger le droit de manifester indirectement par diverses autres compétences qui lui ont été reconnues. Cette protection est indirecte en ce sens que les droits fondamentaux ne constituent pas l'objet de l'instance, mais sa conséquence. Il en est ainsi du contrôle de la constitutionnalité des textes juridiques sur saisie des autorités de la République. Dans la mesure où les droits fondamentaux sont consacrés par la constitution, leur violation par un texte entraine l'annulation dudit texte et le droit fondamental visé en sort mis à l'abri des atteintes, donc protégé.

Le contentieux électoral et référendaire et le règlement des conflits de compétence participent tout aussi de la protection des droits fondamentaux constitutionnels en ce que le premier garantit la jouissance des droits politiques les plus sacrés et le second protège le droit au juge consacré à l'article 19 de la Constitution. La Cour constitutionnelle, comme juge pénal du président de la République et du premier ministre, sanctionne les actes constitutifs d'infractions politiques et des infractions de droit commun commises par ces autorités. L'infraction de haute trahison comporte entre autres comme élément constitutif le fait pour ces autorités d'être reconnues auteurs, co-auteurs ou complices de violations graves et caractérisées des Droits de Homme576(*).

L'arsenal juridique congolais est amplement équipé pour assurer la protection de la liberté de manifestation par le juge.

Reste à vérifier si cette protection est réelle dans la dynamique jurisprudentielle d'ici et d'ailleurs.

§2. La dynamique jurisprudentielle de protection de la liberté de manifestation

La seule organisation de voies de recours au juge, aussi perfectionnées soit-elles, ne saurait suffire pour conclure à l'effectivité de la protection juridictionnelle des libertés fondamentales. Car, à la vérité, celle-ci dépend tout autant, si ce n'est plus, de l'attachement du juge aux droits de la personne humaine. Or, le discours arboré par le juge laisse transparaître que chacune de ses décisions s'inscrit « [...] dans la logique d'une jurisprudence protectrice et la jurisprudence dans la perspective d'ensemble de l'histoire du progrès continu des droits et libertés ».577(*) C'est ainsi que, en Espagne, le Tribunal Constitutionnel a gagné ses lettres de noblesse en s'érigeant, dès les premières années de fonctionnement du régime démocratique, en véritable gardien des droits fondamentaux consacrés par le titre premier de la Constitution578(*). En atteste sa jurisprudence du 14 juillet 1981, confirmée à plusieurs reprises, selon laquelle au sein de l'ordonnancement juridique espagnol la liberté et la démocratie ne sauraient être dissociées. Ou, encore, les nombreuses décisions affirmant que l'ensemble de l'ordonnancement juridique doit être interprété conformément aux valeurs constitutionnelles supérieures prévues par l'article 1.1 de la Constitution espagnole que sont la « liberté », la « justice », « l'égalité » et le « pluralisme politique ».

Afin d'appréhender plus amplement cet attachement du juge aux droits de la personne humaine, deux observations liminaires méritent d'être apportées.

En premier lieu, il convient de préciser que les modalités jurisprudentielles de protection des droits fondamentaux divergent sensiblement selon le système juridique considéré. En Espagne notamment, la jurisprudence développée par le juge trouve un fondement solide à travers un ensemble de règles constitutionnelles « de compétence, de procédure ou de fond qui doivent jouer dès lors que les droits constitutionnels sont en cause ». En France, en revanche, l'indifférence du texte constitutionnel à la notion de droits fondamentaux se répercute dans une large mesure sur le terrain du régime juridique applicable à cette catégorie de droits. Dans un tel contexte, c'est le juge lui-même qui, la plupart du temps, précise ce régime juridique en vue d'asseoir la suprématie des droits fondamentaux au sein de l'ordre juridique interne.

En second lieu, l'on doit considérer l'ampleur de la jurisprudence relative à la protection des droits fondamentaux. D'une part, la priorité sera donnée à la jurisprudence constitutionnelle compte du fait que les droits fondamentaux, en tant que droits de valeur supralégislative, intéressent essentiellement la juridiction constitutionnelle. D'autre part, parce qu'une étude de la jurisprudence constitutionnelle spécifique à chaque droit fondamental conduirait à sacrifier l'analyse au profit d'une exhaustivité présentant finalement que peu d'intérêt579(*), seront privilégiées les grandes lignes de ce mouvement jurisprudentiel finalement très peu prolixe en RDC.

En RDC, le comportement des juges dans la gestion de la liberté de manifestation dénote une carence inquiétante de la culture des droits fondamentaux. Les violations récurrentes et systématiques des garanties procédurales par les acteurs judiciaires sont devenues pathologiques en RDC. En ce qui concerne la liberté de manifestation, la gestion judiciaire des manifestations des mouvements citoyens en donnent une macabre illustration. Ceux-ci sont victimes d'une attitude des pouvoirs publics consistant à « l'utilisation de cadres juridiques, de stratégies et d'actions politico-judiciaires dans l'intention d'appliquer un traitement d'illégitimité ou d'illégalité » à la défense, la promotion et la protection des droits humains. L'objectif final étant d'agresser les Défenseurs des Droits de l'Homme et/ou d'entraver leur travail580(*). Le cas de la Lucha expose clairement la manière dont les pouvoirs et les autorités publiques cherchent à restreindre la capacité d'action du mouvement, soit par la criminalisation de ses membres et par la création d'un discours stigmatisant le mouvement et visant à empêcher leurs actions de protestation et de défense des droits et des libertés581(*).

Il apparaît clairement que les pouvoirs publics, principalement des branches de pouvoir exécutif et législatif, sont l'acteur principal de la criminalisation des membres de la Lucha, en créant des normes légales pour obstruer le travail de la Lucha et d'autres mouvements citoyens.

Sur le plan spécifique du droit pénal, les militants de la Lucha sont soumis à une criminalisation primaire50 liée aux normes légales existantes dans le Code Pénal Congolais51. Dans la plupart des cas, des militants de la Lucha ont été poursuivis pour les infractions suivantes se trouvant dans le Code Pénal : incitation à la révolte (Art 135 bis), association des malfaiteurs (Art 156), outrage aux autorités (Art 136), rébellion (Art 133), destruction méchante (Art 110). Moise Monidela, le bâtonnier Muyambo, président national du parti politique SCOD et tant d'autres ont payé le prix de la liberté de manifestation.

Il faut soutenir ici la position prise par le Tribunal de paix de Kananga, qui protège le droit de manifester en refusant de condamner les membres d'un mouvement citoyen et pour des motifs très démocratiques.

Le 23 janvier 2018, le Tribunal de paix de Kananga (Kasaï Central) a acquitté 10 militants des mouvements citoyens Lucha, Debout congolais, bâtissons et Filimbi, arrêtés le 29 décembre 2017 en préparation d'un rassemblement pacifique. Le Tribunal a motivé sa décision en invoquant les dispositions de l'article 26 de la Constitution, garantissant le droit à la liberté de manifestation et consacrant un régime de notification, et non d'autorisation préalable. Le Tribunal a renforcé sa décision en appliquant l'article 28 de la Constitution consacrant le droit de refuser d'exécuter tout ordre manifestement illégal reconnu à tout individu et à tout agent public.

Les autorités n'ont pas défini le contexte qui aurait pu justifier les interdictions de manifester, ni le cadre légal de l'intervention nécessitant l'emploi cumulé des services de sécurité et des forces de défense, ni même leurs relations de subordination. Au contraire, pour appliquer les interdictions de manifester imposées à l'opposition et/ou aux organisations de la société civile, le déploiement des services de sécurité et des forces de défense a été ordonné dans le but d'intimider ou de réprimer les manifestations.

La situation se révèle autre au Bénin. L'exemple de la décision DCC 03-134582(*) du 21 août 2003 est révélateur de l'apport du juge constitutionnel béninois à la protection de la liberté de manifestation. Le requérant devant la Cour, Monsieur Pierre Badet exposait que, par Lettre n° 287/CUC/CAB-SP du 29 avril 2002, le chef de la Circonscription urbaine de Cotonou (CCUC) a interdit la marche pacifique que se propose d'organiser le parti «La Renaissance du Bénin » (RB). Il évoquait en guise de motif que « les expéditeurs de la lettre de déclaration ne forment pas un groupe constitué » et que « l'un des signataires avait tenté d'organiser une marche malgré l'interdiction de celle-ci ». La Cour a tiré de la Lettre n° 268/CUC/SG/SGA/DAPSC-C du 23 avril 2002 qui interdisait ladite marche pacifique du RB l'idée suivante : l'auteur considérait que dans la lettre de déclaration, les termes utilisés « ne laissent pas présager qu'il s'agit d'une marche pacifique, mais plutôt d'une déclaration de guerre que l'autorité investie des pouvoirs de police doit pouvoir prévenir et prendre les décisions qui s'imposent » ; que le chef de la Circonscription urbaine de Cotonou conclut que lesdits termes laissent entrevoir « des troubles à l'ordre public que ne sauraient contenir les forces de sécurité publique... » et qu'il lui est revenu de « sources concordantes et dignes de foi que les manifestants se sont réellement apprêtés pour troubler l'ordre public... ». Après confrontation d'arguments, la Cour a conclu que l'analyse de la correspondance de la Renaissance du Bénin ne révèle aucun élément susceptible de faire craindre des troubles à l'ordre public ; que les raisons invoquées sont sans rapport avec l'exception d'ordre public et l'effectif suffisant d'agents de Force de sécurité publique disponible ; que dans ces conditions, la Cour doit faire droit à la demande du requérant en déclarant contraire à la Constitution la Lettre n° 287/CUC/CAB-SP querellée.

Le juge constitutionnel espagnol est, d'ailleurs, allé jusqu'à indiquer, de manière assez précise, que des difficultés de circulation ne pourront justifier une restriction de la liberté de manifestation lorsque des mesures préventives s'avèrent impossibles à adopter ou sont impuissantes à atteindre le but fixé par exemple, parce qu'elles ne permettent pas l'accès à la zone concernée, ou sont disproportionnées par exemple, lorsque les itinéraires alternatifs envisageables supposent des retards ou des détours irraisonnables »583(*). Dans le même sens, toujours à propos de l'interruption du trafic automobile du fait de l'organisation d'une manifestation, le Tribunal constitutionnel a jugé qu'une telle perturbation ne pouvait pas être à elle seule de nature à justifier une interdiction car elle n'est pas assimilable à une atteinte à l'ordre public mettant en danger des personnes ou des biens. Par conséquent, la référence à la seule perturbation du trafic automobile, sans autre détail, c'est-à-dire sans référence ni démonstration allant au-delà de la pure et simple constatation d'une interruption de la circulation pendant 45 minutes est insuffisante à justifier une atteinte à la liberté de manifestation, car cette perturbation est, « en quelque sorte, accessoire »584(*).

En France, le juge a estimé qu'« une manifestation ne peut être interdite que si elle constitue une menace pour l'ordre public. Ce motif d'interdiction est le seul admis, une manifestation ne pouvant pas être interdite pour un motif autre que le risque d'atteinte à l'ordre public. Ainsi, le fait qu'une manifestation (d'opposition à la visite d'un chef d'État étranger) puisse « porter atteinte aux relations internationales de la République » ne constitue pas un motif légal585(*). A l'occasion de la visite du chef de l'État chinois en France, le préfet a considéré par un arrêté que la tenue d'une manifestation allait impacter négativement sur les relations diplomatiques de la France et l'a interdite. Le Conseil d'État a affirmé « que si l'arrêté litigieux était également motivé par le fait que les manifestations envisagées pouvaient "porter atteinte aux relations internationales de la République", un tel motif, qui ne fait pas référence à des risques de troubles à l'ordre public, n'était pas, en lui-même, de nature à justifier l'arrêté litigieux ». De même, le fait que des fonctionnaires risquent de méconnaître leurs obligations déontologiques à l'occasion d'une manifestation ne peut être pris en compte pour interdire celle-ci dans la mesure où cette considération est étrangère à l'ordre public. La Cour d'appel de Paris a considéré que « que si les arrêtés litigieux étaient également motivés par le fait que la manifestation envisagée était "susceptible de donner lieu à des actes et propos de nature à porter le discrédit sur la fonction policière", un tel motif tiré de la méconnaissance éventuelle par les fonctionnaires des services de police de leurs obligations statutaires ne pouvait fonder légalement les arrêtés pris par l'autorité administrative investie des pouvoirs de police en vue d'assurer la protection de l'ordre public »586(*).

Il est dès lors communément admis que les risques de troubles de l'ordre public constitue le seul motif d'interdiction d'une manifestation publique, sans omettre que l'exercice de cette liberté peut se traduire par des actes qui appellent la responsabilité des acteurs.

Section 3. Le régime de responsabilité découlant de la liberté de manifestation en droit comparé

Les conditions posées pour la régularité de la manifestation ainsi que l'existence des sanctions pénales, civiles et administratives infligées en cas de contravention à la loi traduisent clairement le souci du législateur d'endiguer l'exercice de la liberté de manifestation afin d'éviter qu'elle vire au libertinage. Un équilibre délicat a donc été recherché entre la liberté et l'autorité, entre le régime libéral et le régime restrictif, bref, entre l'individu et l'État, dans un pays où, somme toute, la conscience citoyenne et démocratique n'est que très faiblement ancrée dans les moeurs. Cet équilibre se réalise par la mise en jeu de la responsabilité des acteurs. C'est ce que témoigne la pratique qui en est faite depuis l'existence dudit dispositif juridique.

Le concept « responsabilité » est ici usité au sens de « l'obligation de répondre de son acte ou de son fait ». Dans la théorie générale de droit, il existe une diversité des responsabilités : pénale, civile (laquelle peut être contractuelle ou délictuelle), politique, sociale, disciplinaire, professionnelle, administrative et même internationale.

Dans le contexte précis de cette étude, seules les dimensions de la responsabilité pénale (§1), civile (§2), disciplinaire et politique (§3) seront prises en compte.

§1. Mise en oeuvre de la responsabilité pénale

La liberté absolue est une liberté impossible. Toute liberté est sujette à des limitations et à des restrictions qu'impose la coexistence des membres d'un groupe social. Ainsi, à l'occasion de l'exercice d'un droit, fut-il fondamental, certains comportements attentatoires à l'ordre public sont susceptibles d'appeler une réponse pénale de la société dans la mesure où lesdits comportements sont réprimés par la loi pénale.587(*) De même, sont réprimés certains comportements tendant à obstruer à la pleine jouissance du droit de manifester par ses titulaires.

Pour sanctionner les normes qu'elle édicte, la puissance publique a notamment recours à un système répressif. Le droit répressif comporte les normes ayant pour fonction de « punir » le non-respect d'une norme primaire588(*) ; Selon Jacques Mourgeon, la punition permet ainsi d'éviter la violation d'une norme, « soit a priori, par l'effet intimidant qu'elle produit, soit a posteriori, en réduisant les possibilités de la renouveler »589(*). Le droit répressif s'inscrit en cela dans la perspective plus générale des sanctions, dans la mesure où sa fonction de punition, in fine de dissuasion, contribue au respect de la norme590(*). Par conséquent, pour ce qui concerne les obligations imposées aux personnes privées591(*), les sanctions répressives sont une condition juridique de l'effectivité.

La responsabilité pénale en matière de la liberté de manifestation peut être envisagée tant dans le chef des manifestants et organisateurs qu'au niveau des autorités administratives impliquées dans le circuit de son exercice. De ce point de vue, elle mérite d'être examinée sous deux angles, celui du droit pénal ordinaire comme celui du droit pénal administratif592(*).

1. Les infractions visant les manifestants

En droit français, la répression concerne la participation délictueuse à un attroupement ou manifestation, les entraves à l'exercice des libertés d'expression, du travail, d'association, de réunion ou de manifestation. L'entrave à ces libertés constitue une infraction plurale régie par l'article 431-1 à 2 du Code pénal. La sanction infligée est d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende593(*). Lorsque le fait est aggravé par le recours à des « coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations », l'auteur subira le triple des peines d'emprisonnement et d'amende594(*).

Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues par l'article 431-1 parmi lesquelles l'entrave à la liberté de manifestation encourent également les peines complémentaires suivantes :

1) L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26595(*) ;

2) L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27596(*), d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

3) L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation597(*).

En ce qui concerne la participation délictueuse, après avoir défini l'attroupement comme « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public », le législateur français punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende, « le fait, pour celui qui n'est pas porteur d'une arme, de continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations »598(*).

Deux constats se dégagent de cette disposition. En premier lieu, cette définition légale de l'attroupement est critiquable. Tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public ne peut pas être considéré comme un attroupement. Toute manifestation est de nature à « troubler » dans une certaine mesure l'ordre public. L'itinéraire emprunté par les manifestants demeurera certainement impropre à la circulation, obligeant ainsi les citoyens à choisir de voies de communication alternatives ; en cas de rassemblements sédentaires, les lieux occupés seront salis, etc. Ces « troubles » de l'ordre public ne transforment pourtant pas ce rassemblement en un attroupement. De cette définition légale de l'attroupement se pose la question de savoir si une manifestation, dès lors qu'elle est interdite, ou qu'elle se déroule sans autorisation préalable, ne devient pas ipso facto un attroupement. Les juridictions répondent par la négative, en considérant, par exemple, qu'un rassemblement calme et pacifique, même s'il est susceptible de gêner la circulation, ne peut être qualifié d'attroupement. L'attroupement devrait se définir par sa spontanéité.

En second lieu, la simple participation à un attroupement n'est pas constitutive d'infraction, encore faudrait-il que cette participation soit délictueuse. Le caractère délictueux de la participation consiste pour celui qui n'est pas porteur d'arme dans le fait de demeurer sourd à deux sommations de se disperser restées sans effet adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure599(*).

C'est lorsque la provocation directe a des attroupements est suivie d'effets que la peine peut être réévaluée au paiement d'une somme s'élevant à 100.000 euros.

Quant à la responsabilité pénale, elle repose, pour l'essentiel, sur six infractions prévues et punies par la loi de la manière suivante :

En droit français, issu de la loi du 10 vendémiaire en IV, modifiée par la loi municipale du 05 avril 1884, puis par celle du 16 avril 1914 ; ce régime, énoncé aux articles 133-1 à 133-8 du Code des communes, rendait ces dernières « civilement responsables des dégâts et dommages résultant de crimes et délits commis à force ouverte ou par violence. Ces crimes sont donc perpétrés sur leur territoire, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit envers des personnes, soit contre des propriétés publiques et privées », la demande d'indemnité relevant de la compétence judiciaire. Soulignons cependant que les rassemblements de jeunes, pour la plupart issus desdites cités, sont particulièrement la cible de l'activisme législatif pénal de ces toutes dernières années avec la création d'infractions telles que le délit d'embuscade (art. 222-15-1 CP, loi du 5 mars 2007) ou d'une variante de l'association de malfaiteurs aux contours encore plus imprécis puisque une « participation temporaire » suffit (art. 222-14-2 CP, loi du 2 mars 2010). Curieuse association, baptisée groupement et tenant autant de la réunion que de l'attroupement, érigée en un délit inséré dans le livre II du code pénal relatif aux infractions contre les personnes600(*).

Un grand nombre de législations spéciales ont été modifiées ou enrichies de nouvelles interdictions administratives pénalement sanctionnées ces dernières années : code rural (traque de chiens présumés dangereux) ou loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage dont certaines dispositions ont reçu les honneurs du code pénal (art. 322-4-1 CP). Mais aussi réglementation serrée relative aux activités commerciales sur la voie publique, dont les ventes dites « à la sauvette » ; la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a érigé en délit, passible d'une amende de 3750 € d'amende, le non-respect d'un arrêté de fermeture administrative visant ces petits points de ventes mobiles de restauration rapide où sont assemblés et préparés sur place des aliments pour remise immédiate au consommateur (art. L. 2215-6 et L. 2512-14-1 du code général des collectivités territoriales). Constitue une contravention de 4e classe, « le fait, sans autorisation ou déclaration régulière, d'offrir, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des marchandises ou d'exercer toute autre profession dans les lieux publics en violation des dispositions règlementaires sur la police de ces lieux ». Seule échappe aux foudres administratives et pénales la vente du fragile muguet pendant la journée du 1er mai.

L'attroupement armé fait l'objet d'une répression plus sévère, puisque la provocation directe à ce type d'attroupement est incriminée en tant que telle (art. 431-6 al.1 CP) ; suivie d'effet elle fait encourir une peine d'emprisonnement de 7 ans et une amende de 100 000 €. De plus, outre les traditionnelles peines complémentaires touchant aux armes, sont encourues les interdictions des droits civiques, civils et de famille, de séjour, et d'interdiction du territoire français même à titre définitif.

L'exercice de ces grandes libertés publiques est un intérêt protégé pénalement. Comme relevé ci-haut, le fait d'entraver cet exercice, de manière concertée et en usant de menaces, est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (art. 431-1CP). Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende en cas de violences contre les personnes ou de destructions et dégradations de biens. Ensuite, des incriminations spécifiques correspondent à l'absence de respect des formalités administratives (manifestation illicite), à un exercice s'accompagnant d'actes délictueux (participation délictueuse à une manifestation ou à une réunion publique ou à un attroupement) ou encore venant troubler la tranquillité publique et empêchant l'exercice d'autres droits ou libertés (entrave à la circulation). Ces incriminations se trouvent aussi bien dans le code pénal que dans des lois annexes et leur inventaire n'est pas toujours aisé. En outre, elles se doublent d'interdictions administratives, souvent préfectorales, dont la violation est pénalement sanctionnée601(*).

L'organisateur commet un délit s'il ne déclare pas la manifestation qu'il organise, ou s'il fait une fausse déclaration (par exemple sur la date ou l'itinéraire) ou s'il poursuit la préparation d'une manifestation interdite. Par contre, il n'y a, pour celui-ci qui n'a pas organisé la manifestation, aucun délit à participer à une manifestation quand bien même celle-ci n'aurait pas été déclarée, voire aurait été interdite (la jurisprudence est constante), et tout du moins tant que la force publique n'enjoint pas à se disperser602(*).

La manifestation illicite (art. 431-9 du Code Pénal français), punie de 6 mois d'emprisonnement et de 7500 € d'amende, concerne les organisateurs de la manifestation. Soit ces derniers auront omis de faire une déclaration préalable ; soit ils auront passé outre une interdiction de la manifestation ; soit ils auront fait une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l'objet ou les conditions de la manifestation. Participer à une manifestation autorisée, ou se trouver aux abords de cette manifestation, peut, depuis le décret du 19 juin 2009, constituer une contravention de 5e classe ; il suffit pour cela d'avoir dissimulé volontairement son visage afin de ne pas être identifié dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public (art. R. 645-14 CP). A bas les « capuches » et autres foulards, devenus des signes distinctifs des présumés « casseurs » ! Bon exemple de prévention répressive603(*).

En droit congolais, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales consacrés dans la Constitution s'impose aux pouvoirs publics et à toute personne604(*). Appliquée à la liberté de manifestation, cette disposition doit être comprise comme imposant double abstention, verticale et horizontale : les interdictions, les restrictions et la dispersion des manifestations régulières par les agents de l'ordre ne doivent se faire que selon les limites strictes et conformément à la règle de mesure ; les contre-manifestations ou d'autres comportements orchestrés dans l'intention d'entraver la bonne tenue des manifestations doivent être interdites et réprimées pénalement, par les organes étatiques qui ont la charge de protéger les droits fondamentaux de ses citoyens.

2. L'entrave à la liberté de manifestation

En droit français, la loi n° 107 sur la répression des manifestations illicites incrimine les entraves à l'exercice de liberté de manifestation. Ses articles 431-1 et 431-2 en donne l'économie. Il en est de l'article 431-1 qui considère le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté d'expression ; du travail [...] ou d'entraver le déroulement des débats d'une assemblée parlementaire est puni d'une amende de 15000 euros. Cette disposition ajoute dans son deuxième alinéa un autre aspect lié à la violence à travers des voies de fait, des coups et blessures, des destructions et dégradations. La violence aggrave ainsi la peine à la hauteur de trois ans de servitude pénale et 45000 euros. Cette disposition concerne un groupe ou plusieurs personnes agissant de manière concertée.

C'est l'article 431-2 qui punit individuellement ce comportement. Cette disposition stipule : « Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues par l'article 431-1 encourent également des peines complémentaires suivantes :

- L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;

- L'interdiction suivant les modalités prévues par l'article 131-27, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

- L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ».

3. S'agissant des organisateurs et des manifestants

En droit français la responsabilité pénale des manifestants se fonde sur l'article 431-9 de la loi du 22 juillet 1992 portant réforme du Code pénal qui stipule : « constitue le délit de manifestation illicite l'organisation d'une manifestation interdite ou même non déclarée, mais aussi le fait d'y participer avec une arme »605(*).

En droit congolais, le fait de continuer volontairement une manifestation violente après trois sommations légales, qui est puni de un à trois ans de SPP et d'une amende de 500.000 à 3.000.000 Franc congolais ou de l'une de ces peines seulement606(*).Le fait de participer à une manifestation avec arme ou de continuer volontairement à y participer avec arme après trois sommations légales, puni, selon le cas, de deux à cinq ans de SPP et d'une amende de 2.000.000 à 5.000.000 Francs congolais et de trois à dix ans de SPP + une amende de 3.000.000 à 10.000.000 Francs congolais ou de l'une de ces peines seulement607(*).

Le fait d'organiser une manifestation sur les voies publiques ou en plein sans faire de déclaration préalable est puni en droit congolais. Il en va aussi du fait d'organiser une manifestation sur les voies publiques ou en plein en violation de la décision de concertation convenue avec l'autorité administrative ainsi que. Un autre aspect de la pénalisation du droit de manifester tient sur le fait d'établir une déclaration préalable incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l'objet de la manifestation ou sur les conditions de la déclaration préalable. Ces trois faits distincts sont punis de un à six mois de SPP et d'une amende de 100.000 à 500.000 Francs congolais608(*).

Cette gamme d'infractions ne satisfait guère Mfuamba Lobo qui penche pour la responsabilité pénale renforcée609(*).

§2. La responsabilité civile découlant des manifestations publiques

La tenue des manifestations publiques est susceptible de causer, tant soit peu, des dommages aux membres du groupe social, lesquels peuvent résulter des différents acteurs desdites manifestations (les manifestants ou les forces de l'ordre). Le régime de responsabilité civile diverge cependant selon que les dommages causés aux personnes physiques ou morales résultent des faits de l'administration de ses préposés donc ou des manifestants eux-mêmes.

1. La responsabilité civile de l'État des dommages causés par les manifestants

La responsabilité civile de l'État ou des pouvoirs publics a été pendant longtemps dominée par les principes de droit public dont notamment la séparation des pouvoirs pour la simple raison que l'étude de cette question de droit était rattachée au droit constitutionnel et au droit administratif. Depuis le 5 novembre 1920, la Cour de Cassation belge610(*) a fait rentrer sous l'empire du droit civil l'État qui tentait constamment d'en sortir et de ne pas être régie par lui611(*).

2. Justification de la responsabilité civile de l'État

Face aux risques sociaux que constituent les attroupements et rassemblements sur la voie publique - on rappellera que selon l'article 431-3 du code pénal français, « constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public » le législateur a souhaité une responsabilité collective assumée par l'État. Cette définition du législateur français expose le flanc à la critique. Tout rassemblement dans la voie publique est de nature à troubler l'ordre public. Il obligera naturellement les paisibles citoyens à changer d'itinéraire, des slogans accompagnant l'événement entraineront à coup sûr des pollutions sonores, etc. L'attroupement devrait être défini par sa spontanéité. Avant que la loi du 22 juillet 1992 portant réforme du Code pénal ne définisse enfin les notions d'« attroupement » et de « rassemblement », les juges judiciaires tout d'abord, administratifs ensuite après 1986 avaient défini les notions susmentionnées et, postérieurement à cette loi, le précisent encore, à l'aide des caractères inorganisé, spontané, de l'explosion de violence collective, quelles qu'en soient les causes (politiques, religieuses, socio-professionnelles ou même ludiques) ou le lieu de déroulement (voie publique, voie privée ouverte au public). Toutefois, la responsabilité de l'État ne sera engagée que sous certaines conditions.

3. Les conditions de la responsabilité civile de l'État

Les caractères évoqués ci-haut excluent les dommages résultant d'attentats, d'actes isolés ou d'opérations de commando préméditées , encore que la distinction ne soit pas toujours évidente, les dommages résultant d'occupation de locaux par des grévistes entrant le plus souvent dans le champ d'application de la loi ; l'autre élément à prendre en compte est le caractère prévisible (l'autorité de police aurait dû prendre ses précautions).

A titre de conditions de la responsabilité, l'on doit retenir le lien de causalité, direct et certain, entre les crimes ou délits perpétrés à cette occasion et le dommage allégué ; le nombre de personnes concernées, même si, depuis quelque temps, le juge paraît moins exigeant, se contentant du caractère public, non contesté, de l'attroupement et du lien direct de causalité susmentionné.

La mise en oeuvre de ce régime spécial est toutefois très encadrée et subordonnée à la réunion de quatre conditions cumulatives : l'existence d'un attroupement ou d'un rassemblement, c'est-à-dire un groupe agissant de manière collective et spontanée, la commission d'un crime ou d'un délit au sens pénal ; l'usage de la violence ou de la force ouverte ; un préjudice direct et certain.

En droit congolais, cette tentation n'est pas moins présente, du moins à lire le texte qui régit spécialement la responsabilité civile des pouvoirs publics en cas de trouble. Dès lors, il devient indiqué d'examiner les deux régimes juridiques. En effet, la réparation des dommages causés par les troubles (émeutes, pillages, grèves et attroupements) peut être envisagée soit selon le droit commun de la responsabilité civile (articles 258 à 260 du code civil livre III), soit selon le régime spécifique de la responsabilité des pouvoirs publics en cas de troubles.

En France, le régime de responsabilité à raison des dommages résultant d'attroupements et rassemblements est celui de la responsabilité sans faute de l'État, désormais codifié à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : « L'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée ».

Le principe posé en droit congolais est que l'État est civilement responsable des dégâts et dommages causés aux personnes et à leurs biens par quiconque lors d'une manifestation déclarée, quitte à ce qu'il use de son action récursoire contre les organisateurs612(*). Pour les juristes formés à l'école du Droit civil, il s'agit là d'une exception notable au sacrosaint principe de la responsabilité civile individuelle posé par l'article 258 du Code civil, livre III, et qui ne se justifie ici que par des considérations d'ordre public qui entourent la liberté de manifestation. 

La règlementation introduit cependant une limite, mieux, une condition préalable pour que la responsabilité civile de l'État soit retenue : la manifestation en cause doit avoir été préalablement déclarée conformément aux exigences rappelées plus haut. C'est ce que prévoit implicitement, l'alinéa 1er de l'article 21 en édictant que « L'État est civilement responsable des dégâts et dommages causés aux personnes et à leurs biens lors d'une manifestation préalablement déclarée »613(*).

C'est là que réside, pour les organisateurs d'une manifestation, l'intérêt de la déclaration préalable614(*). Celle-ci n'est pas qu'un devoir imposé par la loi ; c'est aussi une garantie contre les risques encourus en cas de dégâts et de dommages provoqués par la manifestation. Car, comme le précise la loi, en cas de non-déclaration de la manifestation ou dans d'autres cas à préciser (sic), cette responsabilité civile incombera aux organisateurs615(*). Il y a là, donc, un régime de transfert de responsabilité de l'État vers les organisateurs de la manifestation. En dehors de cette hypothèse cependant, la responsabilité civile de l'État demeure de principe, pourvu que la manifestation publique ait été préalablement déclarée616(*).

Selon notre appréhension, ce conditionnement est sous-tendu par l'idée qu'il n'est pas raisonnable de reprocher à l'administration de n'avoir pas encadré une manifestation dont elle ignorait complètement l'organisation ou la tenue. Ce fondement est pourtant fragile : en sa qualité de garante de l'ordre public ayant à sa disposition les services de sécurité617(*) et de renseignement, l'administration est censée, sinon anticiper, s'enquérir des faits et évènements ayant une incidence sur l'ordre public. A ce sujet il a été jugé que « l'administration (pouvoirs publics) commet une faute toutes les fois qu'elle manque à son devoir général de prudence que l'administré est en droit d'attendre d'une administration normalement diligente (...). Elle est en faute, pour avoir omis de prendre les mesures nécessaires destinées à éviter que se produise une situation préjudiciable, qu'elle est chargée d'empêcher »618(*).

Qu'en est-il de la responsabilité civile de l'État pour des dommages causés lors d'une manifestation qui, bien que préalablement déclarée, a été interdite et que les manifestants ont bravé l'interdiction ? L'administration est-elle en droit de tirer prétexte de la mesure d'interdiction pour décliner toute responsabilité ? Nous parions pour la négative pour des raisons évoquées précédemment. D'ailleurs, pour les cas des manifestations interdites, l'inattention des pouvoirs publics est inexcusable au motif qu'ayant été informée, l'administration manquera cruellement à ses devoirs si elle ne prend pas les précautions nécessaires pour faire respecter la décision d'interdiction ou, en cas de tenue de la manifestation interdite, pour prévenir les débordements.

Retournant au droit français, on doit noter que la responsabilité sans faute de l'État peut ainsi être mise en cause pour des dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. Néanmoins, sa mise en oeuvre est de plus en plus restrictive et revient souvent à faire supporter aux collectivités victimes l'intégralité du préjudice, sur la base d'une distinction aléatoire entre faits « spontanés »619(*) et faits « prémédités620(*)».

4. La responsabilité civile pour les dommages causés par les tiers à la manifestation

La question la plus délicate est celle de l'origine des dommages, qui ne doivent pas résulter d'une action préméditée mais spontanée, dans le feu de l'action. Ainsi, dès lors que ces dommages sont le fait de casseurs agissant en marge de la manifestation, ou résultent d'actions délibérées et organisées des manifestants, ils ne peuvent entrer dans le champ de ce régime de responsabilité621(*). Étendre le régime de responsabilité sans faute à tous les dommages survenant lors d'un attroupement ou d'un rassemblement, y compris ceux ayant pour origine des groupes d'individus n'ayant aucune volonté de manifester mais ayant pour seul objectif de casser ou piller en marge de la manifestation, remettrait en cause les fondements mêmes des objectifs de ce régime de responsabilité. Ceci vise donc la prise en charge par l'État d'un risque social bien identifié et pour lequel l'administration dispose en principe de moyens de police administrative pour l'empêcher ou le limiter.

En droit congolais, la situation ne semble pas être la même concernant les tiers. En effet, l'article 23 de la loi sus-évoquée consacre la responsabilité des tiers, c'est-à-dire les personnes non-participantes à une manifestation, lorsque celles-ci « ... entravent une manifestation » ; elles répondent civilement des préjudices causés à quiconque dans les mêmes conditions que les organisateurs ». L'écriture de la loi semble entretenir de l'amalgame en ceci que la responsabilité des organisateurs est subordonnée à une condition préalable, le défaut de déclaration. Et Ngondankoy de s'interroger si la dernière incise de l'article 23 signifie que la manifestation en cause pour les tiers doit avoir été, ici aussi, affectée d'un tel vice622(*).

Il relève qu'« a priori, une telle condition n'est pas requise puisque, tout simplement, elle ne peut s'appliquer aux tiers. En effet, comment veut-on que les tiers, qui sont vraiment tiers, déclarent une manifestation à l'égard de laquelle ils n'ont aucun lien ! A l'opposé, comment veut-on que les victimes des dégâts et dommages causés par des tiers lors d'une manifestation soient privés d'un recours parce que la manifestation a été ou non préalablement déclarée ? N'ont-elles pas, précisément, intérêt à poursuivre les tiers, même quand la manifestation a été déclarée ? »

En outre, la condition de déclaration préalable a été instituée comme fondement du transfert de la responsabilité des auteurs des faits ayant causé préjudice vers l'administration. Dans la mesure où l'administration ne sera pas tenue pour responsable des dégâts causés par les tiers, rien ne justifie le conditionnement de cette responsabilité par une quelconque déclaration.

De l'avis de Ngondankoy, nous considérons que la dernière incise de l'article 23 de la loi ne peut, logiquement, renvoyer à la condition de la déclaration préalable prévue par l'article 21. Cet article ne peut renvoyer qu'aux conditions générales de la responsabilité civile telles qu'elles sont posées par l'article 258 du Code civil, livre III. C'est, du reste, ce que prévoit l'article 22 de la même loi qui, à propos des organisateurs de la manifestation, soumet la rétention de leur responsabilité civile aux « conditions prévues par le droit commun ».

Il en résulte que les tiers ne sont pas soumis à la condition préalable et implicite de la déclaration de la manifestation pour que leur responsabilité civile soit engagée. Que la manifestation soit déclarée ou pas, ils engagent leur responsabilité civile dès lors que les conditions de l'article 258 du Code civil, livre III, sont réunies. Néanmoins, lorsque les tiers auteurs des dégâts ne sont ni identifiés ni identifiables et que les préjudices sont énormes, l'administration doit endosser sa responsabilité pour défaut de précaution. Il doit en être autant en cas d'insolvabilité avérée des auteurs des dégâts.

En somme, qu'il s'agisse de l'État, des tiers ou des organisateurs et que la manifestation soit déclarée ou pas, la responsabilité civile organisée par les articles 21 à 23 de la loi reste soumise aux conditions ordinaires du « droit commun » : la faute, le préjudice et le lien de causalité entre les deux. Autant dire que l'organisation d'une manifestation publique comporte un coût en RDC, à la fois pour l'État, les organisateurs et les tiers. D'où l'intérêt de sa réglementation.

En France, la responsabilité des communes serait engagée, celles-ci pouvaient se retourner contre les auteurs ou complices du désordre. De même, étaient prévues diverses hypothèses de partage de la réparation du préjudice avec l'État : soit, « en vertu du risque social », celui-ci contribuait pour moitié au paiement ; soit, « si la municipalité (avait) manqué à ses devoirs par inertie ou connivence avec les émeutiers ». Il pouvait exercer un recours contre la commune à concurrence de 60% des sommes ainsi mises à sa charge ; soit enfin si, au contraire, « la position de la police locale ni de la force armée, ou si elle (avait) pris toutes les mesures en son pouvoir à l'effet de prévenir ou de réprimer les troubles », l'État prenait à sa charge le paiement des frais et dommages-intérêts623(*).

Encore fallait-il que le dommage résulte de la « manifestation » elle-même, et non pas d'un « groupe d'individus détachés de la masse des manifestants et auxquels celle-ci ne s'était pas associée »624(*), et que la victime n'ait pas elle-même participé à une manifestation interdite, la responsabilité de l'État n'étant alors engagée devant le juge administratif qu'en cas de faute lourde des forces de police ayant rétabli l'ordre625(*).

Lorsque ces conditions sont remplies s'applique un régime spécial de responsabilité sans faute de l'État, plus favorable encore aux victimes que le régime de droit commun de la responsabilité sans faute dans la mesure où il n'est pas exigé que le préjudice présente un caractère « anormal et spécial »626(*). Enfin, faute de précision législative627(*), il est aujourd'hui admis que le préjudice commercial né de l'occupation de gares ou de péages d'autoroutes par des attroupements peut aussi être indemnisé.

§3. Responsabilité disciplinaire et politique

En ce qui concerne la responsabilité administrative, elle venait d'être développée au paragraphe précédent. On va relever ici que les agents de l'administration, titulaires du pouvoir public, doivent insérer leur action dans un cadre légal précis sous peine de répondre disciplinairement devant la hiérarchie civile ou militaire. Les abus de plus en plus nombreux entraînent souvent la responsabilité au plus haut sommet, débouchant par des interpellations et même par la déchéance de certaines autorités suprêmes.

1. La responsabilité disciplinaire résultant des manifestations publiques

La police nationale tient par la constitution et la loi la charge d'assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, sous la direction de l'autorité civile. Aux termes de l'article 182 de la constitution du 18 février 2006, « la Police nationale est chargée de la sécurité publique, de la sécurité des personnes et de leurs biens, du maintien et du rétablissement de l'ordre public ainsi que de la protection rapprochée des hautes autorités ». L'article 2 de la loi organique n° 11/013 du 11 août 2011 portant organisation et fonctionnement de la Police Nationale Congolaise reproduit les mêmes termes à quelque différence près. La même loi organique inscrit la police dans la logique de l'État de droit en l'astreignant au respect de la constitution, des droits humains et libertés fondamentales de l'individu ainsi que des lois et règlements de la République628(*). Tout en imposant le respect de la dignité humaine par la police629(*), elle lui fait de même obligation de vérifier systématiquement la légalité des opérations qu'elle se propose de mener630(*). L'usage de la force est de même réglementé, mais en des termes de nature à favoriser un imbroglio ou un flou favorable à des violations intenses631(*). Cette situation a été décriée par Mfuamba Lobo et ne devrait pas laisser indifférent le juriste publiciste.

En face de ce décor législatif perfectible certes toute pratique policière qui se distance du cadre légal est constitutif de faute disciplinaire conformément aux articles 168 et suivants de la loi n° 13/013 du 1er juin 2013 portant statut du personnel de carrière de la police nationale. La procédure est enclenchée par le chef hiérarchique direct du policier mis en cause, sans préjudice des dispositions pertinentes des articles 202 et suivants de la loi organique n° 13/013 du 1er juin 2013.

2. La responsabilité politique

Les titulaires du pouvoir public peuvent toujours être appelés à répondre de leur gestion des manifestations publiques. Cette responsabilité peut revêtir une forme légale organisée par le droit positif, comme elle peut être inédite lorsque le titulaire du pouvoir souverain décide de prendre en mains son destin et en recourant notamment à la contestation.

Les assemblées délibérantes jouent un rôle déterminant dans la sanction des atteintes aux droits fondamentaux. La fonction de contrôle leur permet d'étendre leur compétence d'information, mais aussi le champ de la responsabilité des organes exécutifs, au respect des droits fondamentaux. La fonction de représentation, quant à elle, crée un lien direct entre les assemblées et les victimes des violations de leurs droits, en lui donnant une compétence dans la résolution extrajudiciaire des litiges632(*).

Espagne633(*) existe le droit d'interpellation, défini comme des « questions adressées au gouvernement sur des matières de caractère général ou d'une importance politique particulière provoquant généralement l'ouverture d'un débat se terminant, éventuellement, par la votation d'une motion par laquelle la Chambre fixe sa position relative au sujet débattu »634(*). Le mécanisme existe également en France mais, dans la mesure où il est indissociable de la procédure de la motion de censure en vertu de l'article 156 du Règlement de l'Assemblée nationale, il n'est pratiquement jamais utilisé635(*). Il se distingue des questions au regard du caractère plus large des problématiques abordées. Portant sur des matières de politique générale ou de politique sectorielle, l'interpellation permet de mettre en cause un dysfonctionnement des services placés sous l'autorité du gouvernement.

Le droit de créer des commissions d'enquête est également commun à la France et à l'Espagne636(*). Les commissions d'enquête peuvent être définies comme des « organes parlementaires collégiaux et temporaires [...] chargés de vérifier et analyser une question d'intérêt général en vue d'exiger la responsabilité politique ou d'aider à l'épuration d'une éventuelle responsabilité juridique »637(*).

En droit congolais, la responsabilité politique est organisée à tous les trois niveaux de l'organisation administrative du pays : à l'échelon national, les articles 138, 146 et 147 de la Constitution du 18 février 2006 réglementent le contrôle parlementaire et la responsabilité politique du gouvernement central. Aux termes de ces dispositions, « sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, les moyens d'information et de contrôle de l'Assemblée nationale ou du Sénat, sur le Gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics sont : la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote, la question d'actualité, l'interpellation, la commission d'enquête, l'audition par les Commissions.

Ces moyens de contrôle s'exercent dans les conditions déterminées par le Règlement intérieur de chacune des Chambres et donnent lieu, le cas échéant, à la motion de défiance ou de censure, conformément aux articles 146 et 147 de la présente Constitution. (...) Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d'un texte.

L'Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement ou d'un membre du Gouvernement par le vote d'une motion de censure ou de défiance. La motion de censure contre le Gouvernement n'est recevable que si elle est signée par un quart des membres de l'Assemblée nationale. La motion de défiance contre un membre du Gouvernement n'est recevable que si elle est signée par un dixième des membres de l'Assemblée nationale.

Le débat et le vote ne peuvent avoir lieu que quarante-huit heures après le dépôt de la motion. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure ou de défiance qui ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. Si la motion de censure ou de défiance est rejetée, ses signataires ne peuvent en proposer une nouvelle au cours de la même session.

Le programme, la déclaration de politique générale ou le texte visé à l'alinéa 1er est considéré comme adopté sauf si une motion de censure est votée dans les conditions prévues aux alinéas 2 et 3 du présent article.

Le Premier Ministre a la faculté de demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale.

Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure, le Gouvernement est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Premier ministre remet la démission du Gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre heures. Lorsqu'une motion de défiance contre un membre du Gouvernement est adoptée, celui-ci est réputé démissionnaire ».

A l'échelle provinciale, c'est la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces qui consacre pareillement tous les moyens d'information et de contrôle prévus au niveau national et susceptibles d'être appliqués dans les rapports entre les assemblées provinciales et les gouvernements provinciaux.

Au niveau local enfin, la loi n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'État et les provinces, institue pour chaque entité territoriale décentralisée deux organes : un organe délibérant et un organe exécutif. Elle établit les mêmes mécanismes de contrôle de l'exécutif pouvant déboucher par les mêmes effets, c'est-à-dire les motions de censure et de défiance. Dans la mesure où le maintien de l'ordre public dans sa juridiction relève de l'organe exécutif local, c'est ce dernier qui est fondé à recevoir les déclarations de manifestations et, partant, de procéder à d'éventuelles interdictions, sans compter que la gestion desdites manifestations lui incombe.

En 2008, après que la police ait mené au mois de mars une attaque préventive en prévisions des manifestations de la secte politico-religieuse Bundu dia Kongo (BDK), le ministre de l'intérieur de l'époque, le général à la retraite Denis Kalume Numbi fut convoqué à l'assemblée nationale. Ce ministre est passé à côté d'une motion de défiance dont il a été sauvé de justesse par la Majorité parlementaire dont il relevait.

Il faut noter que cette interpellation a été favorisée par le poids de l'opposition politique notamment l'opposition institutionnelle et le fracas causé par les évènements du Bas-Congo.

Cette illustration est manifestement moindre et les élus devraient redynamiser le contrôle de l'action gouvernementale au-delà des clivages politiques pour jouer pleinement son rôle dans la consolidation de l'État de droit et dans la promotion du constitutionnalisme en RDC.

L'autre dimension de la responsabilité politique qui mérite d'être explorée, c'est la responsabilité devant le peuple souverain. Non organisée en ce sens qu'il n'existe pas de dispositions juridiques qui précisent sa portée réelle, cette responsabilité n'est pas moins évidente. Si d'autres types de responsabilité trouvent leur fondement dans les instruments juridiques divers, la responsabilité politique peut être considéré comme une responsabilité aléatoire et incertaine. En droit congolais elle trouve l'un de ses fondements dans les dispositions de l'article 64 de la Constitution. Le premier alinéa de cet article est ainsi libellé : « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l'exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ». Le contenu de cette disposition suscite la curiosité scientifique et des questions que nous avons choisi d'escamoter dans la cadre de la présente étude. Il sied seulement de relever que le peuple peut procéder par des manifestations publiques pour réclamer la fin d'un régime.

Si la République Démocratique du Congo n'a pas de recette en termes de responsabilité politique devant le peuple, on peut en trouver autant dans les exemples égyptiens, tunisiens, sud-soudanais et burkinabés. Parmi les griefs retenus en charge des anciens dirigeants notamment de ces trois pays, nous pouvons citer la violence contre les manifestants ou autres comportements constitutifs d'entrave au droit de manifester pacifiquement. Dans le cas burkinabé notamment, la revendication originaire des manifestants portait sur le projet de révision de l'article 37 de la Constitution du Burkina Faso qui était en débat au parlement tendant à faciliter une nouvelle candidature de Blaise Compaoré. C'est la violence de la répression qui a excité l'ire des manifestants ; ceux-ci exigeront le départ immédiat du président Compaoré, ce qui débouchera sur la révolution du 30 octobre 2014.

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CHAPITRE CINQUIEME :

CONTRADICTIONS, AMBIGUÏTÉS ET INADAPTATIONS PRATIQUES DU SYSTÈME JURIDIQUE CONGOLAIS DE PROTECTION DE LA LIBERTE DE MANIFESTATION

L'État est un système juridique global et complet. Phénomène juridique à part entière, il se veut être un ensemble normatif cohérent au sommet duquel trône la Constitution. La constitution a vocation d'être la créatrice de l'ordre juridique, la norme-mère de laquelle toutes les autres normes tirent leur validité. C'est pourquoi il lui a valu, l'appellation de la norme fondamentale. La consécration d'un droit dans la constitution lui confère la plus haute sécurité juridique et le met à l'abri des atteintes ordinaires de niveau inférieur, pourvu que la hiérarchie des normes, gage de leur effectivité (Section 1), soit respectée. C'est au nom de cette hiérarchie que le législateur congolais est tenu de déférer à l'obligation constitutionnelle de mettre en oeuvre la liberté de manifestation (Section 2) en conformité, non seulement avec les principes constitutionnels de l'article 26, mais aussi avec le dispositif conventionnel en vigueur en République Démocratique du Congo (Section 3).

Section 1. La hiérarchie des normes : une exigence de l'effectivité de la liberté de manifestation

Kelsen affirmait déjà que « le droit est un certain ordre, une certaine organisation de la force »638(*). Cet ordre postule que les normes au sein du système obéissent à une certaine hiérarchie fondée sur les autorités qui en sont auteurs.

L'ordre juridique est « l'ensemble, structuré en système, de tous les éléments entrant dans la constitution d'un droit régissant l'existence et le fonctionnement d'une communauté humaine »639(*). Les normes sont ainsi organisées à l'intérieur de l'ordre juridique. Ce dernier forme un tout dont les normes sont les parties. Dès lors, la cohérence de l'ordre juridique peut être définie comme l'« harmonie, (le) rapport logique, (l') absence de contradiction dans l'enchaînement des parties de ce tout »640(*). Un ordre juridique cohérent est donc celui dans lequel il existe une harmonie des rapports entre les normes et surtout une absence de contradiction entre elles.

L'absence de contradiction entre les normes constitue une condition juridique de l'effectivité de la norme641(*). Celle-ci peut en effet être menacée par une contradiction entre cette norme et une norme inférieure car, le cas échéant, les effets de l'une contreviendront à ceux de l'autre, au risque d'une neutralisation réciproque de leurs effets respectifs, voire d'une domination de la norme inférieure sur la norme supérieure642(*). En principe, les critères de validité retenus dans le cadre de l'ordre juridique doivent permettre d'assurer sa cohérence, et ainsi de préserver l'effectivité de la norme. En organisant l'absence de contradictions entre les normes, la cohérence de l'ordre juridique contribue à préserver l'effectivité de la norme, elle en est donc l'une des conditions juridiques643(*).

Le modèle d'organisation de l'ordre juridique proposé par Hans Kelsen, fondé sur une hiérarchie entre les normes de cet ordre, semble en principe en mesure d'assurer sa cohérence. Il repose sur une « norme fondamentale » supposée644(*), distincte de la Constitution, qui unifie l'ensemble des normes de l'ordre juridique. Le principe suivi par Kelsen, déduit de la loi Hume, est que « la validité d'une norme ne peut avoir d'autre fondement que la validité d'une autre norme »645(*). De cette norme fondamentale découle, théoriquement, la validité de l'ensemble des normes d'un ordre juridique, formant ainsi une hiérarchie. Ainsi, l'ordre normatif n'est pas « un complexe de normes en vigueur les unes à côté des autres, mais une pyramide ou hiérarchie des normes qui sont superposées, ou subordonnées les unes aux autres, supérieures ou inférieures »646(*).

Le modèle kelsénien a fait l'objet de nombreuses objections théoriques647(*). Cependant, il propose une structure cohérente de l'ordre juridique. Organisé sur la base du principe de la hiérarchie, il est théoriquement à même d'éviter les contradictions entre les normes. « Cette structure rigoureusement hiérarchisée de l'ordre juridique (...) contribue puissamment à maintenir la cohésion de l'ordre juridique »648(*). Par conséquent, il peut être retenu comme hypothèse de référence permettant de comprendre en quoi la cohérence de l'ordre juridique constitue une condition de l'effectivité.

En outre, la confrontation du modèle théorique de Kelsen au droit positif peut permettre d'évaluer l'influence de la cohérence de l'ordre juridique sur l'effectivité. L'analyse du droit positif montre en effet la relativité de la cohérence de l'ordre juridique. Paul Amselek a ainsi mis en évidence que « la réalité (...) est beaucoup plus complexe, plus enchevêtrée que le schéma kelsénien ne le laisse paraître »649(*). Le pluralisme juridique contemporain renforce la pertinence de cette critique. Il semble établi que la hiérarchie des normes « ne permet assurément pas d'appréhender le pluralisme juridique régnant aujourd'hui »650(*) de sorte que ce pluralisme est susceptible de perturber la cohérence de l'ordre juridique. Par conséquent, le dépassement, par le droit positif651(*), du modèle kelsénien, constitue probablement un facteur d'incohérence de l'ordre juridique et in fine une menace sur l'effectivité de la norme.

Il faut affirmer avec Raphaël Paour652(*) que « la représentation du droit comme étant constitué d'un ensemble de normes hiérarchisées confère certaines des ressources dont ils disposent. Celles-ci doivent être identifiées et leur efficacité évaluée afin de déterminer dans quels cas il existe effectivement une corrélation entre la place d'une norme dans la hiérarchie et le pouvoir de son auteur ». Léon Odimula considère que « la pensée juridique est dominée par la représentation du système juridique comme étant une structure hiérarchique, linéaire et arborescente. Ce système est hiérarchique en tant que ses organes et normes sont placées dans une situation de supériorité ou de subordination, les uns par rapport aux autres653(*) ».

L'État, création juridique par excellence, repose essentiellement sur l'existence de cet ordre juridique cohérent. La République Démocratique du Congo ne déroge pas à cette règle chère au constitutionnalisme et à l'idée d'un État de droit démocratique. Théoriquement, l'ensemble du système juridique de la RDC est constitué d'un corps de règles hiérarchisées au sommet desquelles trône la Constitution du 18 février 2006. Cette affirmation trouve tout son fondement lorsque le constituant de 2006 pose le principe de la purge automatique et celui de la nullité de plein droit de tout acte déclaré non conforme à la constitution aux articles 221 et 168, alinéa 2. Par la volonté du constituant, la Constitution du 18 février 2006 est hissée au sommet de l'ordre juridique congolais et ne tolère, du moins sur le plan du principe, aucune rébellion de l'une ou de l'autre norme654(*).

C'est cette arborescence qui est mis en exergue par Léon Odimula lorsqu'il affirme que les différents maillons [du système juridique] dérivent d'une même source, ou mieux s'engendrent à partir d'un foyer de création originelle unique655(*). La Constitution du 18 février 2006 qui constitue ce foyer de création au cas congolais, renforce le régime de reconnaissance, de protection et de promotion des droits fondamentaux, ainsi que celui de l'exercice des libertés publiques. Elle consacre plus de 50 de ses articles aux droits et libertés fondamentaux656(*). Le législateur est investi par le constituant soit de déterminer les mesures d'application des certains droits spécifiques, soit de fixer les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques657(*).

Section 2. La liberté de manifestation : un droit constitutionnel dont les modalités d'exercice postulent l'intervention du législateur

Le constituant congolais de 2006 recourt, à l'instar de ses prédécesseurs, à la formule traditionnelle de proclamer l'adhésion et l'attachement du peuple congolais à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, ainsi qu'aux instruments juridiques internationaux des droits de l'homme, manifestant ainsi sa ferme détermination à instaurer un régime démocratique. Son action sera concrétisée au titre II de la Constitution qui organise les droits humains, les libertés fondamentales et les devoirs du citoyen et de l'État. Une véritable charte sociale de plus de 50 articles, qui se fonde sur une répartition trilogique reprenant les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels et les droits collectifs comportant souvent des innovations.658(*)

Dans le chapitre relatif aux droits civils et politiques, le constituant s'est en premier lieu inspiré de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Pacte International relatif aux droits civils et politique659(*), en retenant la quasi-totalité des droits y consacrés. Mais, il réserve la jouissance des droits politiques aux seuls congolais, sauf, exceptions établies par la loi. La Constitution du 18 février 2006 innove également en instituant la parité homme-femme dans les institutions nationales, provinciales et locales. Si la consécration constitutionnelle de cette révolution est un problème résolu, son respect demeure une autre question à laquelle le temps permettra de répondre. En effet, notre constat est que même au sein d'organisations féministes, la culture féministe semble encore étrangère, le zèle féministe disparaît chaque fois au contact d'événements660(*).

La consécration de la liberté de manifestation en République Démocratique du Congo semble diviser la doctrine voir les acteurs. Prévue par l'alinéa 4 de l'article 26 de la Constitution congolaise, la loi portant mesures d'application ressemble à un messie dont la venue semble controversée. Pour certains, elle doit d'être considérée comme déjà promulguée et ce en vertu de l'article 140 de la même Constitution qui recommande de considérer qu'à défaut de promulgation de la loi par le Président de République dans les délais constitutionnels, la promulgation est de droit. Plusieurs personnes sembleraient être de cet avis. À leur nombre figure Paul-Gaspard Ngondankoy qui ne cesse d'évoquer les différentes dispositions contenues dans la très célèbre « loi-proposition de loi ».

Par ailleurs, les autorités publiques recourent constamment au même texte de loi. C'est le cas du Gouverneur de Kinshasa qui convoque les organisateurs de la manifestation et autres services afférents des réunions de préparation, conformément à une disposition contenue ladite « loi-proposition de loi ». Il faut souligner que, même en recourant à ce texte, seules les dispositions favorables au Régime sont appliquées.661(*)

Un autre courant suggère par contre, d'attendre sa promulgation formelle par le Président de la République et, dans l'entre-temps, le recours au Décret-loi du 29 janvier 1999 sur les manifestations publiques, conformément à l'article 221 de la Constitution qui prévoit que « pour autant qu'ils ne soient pas contraires à la présente Constitution, les textes législatifs et réglementaires en vigueur restent maintenus jusqu'à leur abrogation ou leur modification ».

§1. La consécration législative : un vide à combler par une loi portant mesures d'application de la liberté de manifestation

La liberté de manifestation a été une conquête du constitutionnalisme du XIXe siècle, le constitutionalisme africain ayant pris la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 comme modèle d'organisation politique de l'État662(*). La plupart des constitutions du continent étudiées réservent au législateur et à lui seul, le pouvoir de prendre les mesures nécessaires à l'exercice de la liberté de manifestation663(*).

1. La consécration constitutionnelle de la liberté de manifestation

En République Démocratique du Congo, la Constitution promulguée depuis treize ans a habilité le législateur à déterminer les mesures d'application de la liberté de manifestation. Législateur ne s'est malheureusement pas acquitté de ce devoir constitutionnel durant près de 7 ans. Ce mutisme du législateur congolais devant une habilitation constitutionnelle, a été de nature à maintenir le flou et par conséquent obstruer à l'exercice de la liberté. Pourtant, la liberté de manifestation affirmée par l'article 26 de la Constitution matérialise l'esprit libéral ayant animé le constituant congolais de 2006 devrait être inscrite parmi les priorités de l'agenda du parlement.

2. La proposition de loi portant modalités d'exercice de la liberté de manifestation

En 2013, une proposition de loi portant mesures d'application de la liberté de manifestation a été déposée sur le bureau du Président de l'Assemblée nationale. Le destin de cette initiative législative est malheureusement très controversé, par ce qu'elle connait un parcours législatif très complexe. D'abord, elle connaitra un retard dans le processus de son adoption, parce que plusieurs fois programmée lors de l'ouverture de sessions parlementaires, mais sans faire l'objet d'examen, ensuite, déposée pour promulgation au Cabinet du Président de la République, elle ne sera pas promulguée et sera renvoyée pour une seconde lecture au Parlement, en violation de l'article 140 de la Constitution664(*). Depuis son adoption et sa transmission après la seconde délibération, la proposition de loi n'a jamais été promulguée, nonobstant le dépassement du délai constitutionnel.

Si les juristes à l'instar de Paul-Gaspard Ngondankoy considèrent que cette proposition de loi est promulguée de plein droit665(*), il faut qu'une telle considération trouve un mécanisme juridique d'accompagnement pour qu'une loi ayant connu une telle trajectoire soit effective. Par son acte, l'autorité de promulgation lance un mot d'ordre à toutes les administrations de l'État d'appliquer la norme et confère à celle-ci la force obligatoire. Cette prérogative est réservée à l'exécutif dans tous les États modernes. A partir de 1795 en France, le chef de l'État recourt à son pouvoir de promulgation pour pouvoir empêcher l'entrée en vigueur des lois qui méconnaissent la Constitution en la forme. Cette dimension de la formalité promulgatoire a été clairement mise en lumière par le Constituant de l'an III, puisque celui-ci a expressément subordonné son accomplissement au constat de « l'observation des formes prescrites »666(*).

A l'aune du droit positif congolais, cette idée ne repose pas sur un fondement solide en ce sens que le chef de l'État ne peut utiliser son pouvoir de promulgation comme un veto contre l'oeuvre du législateur. La navette législative prévue par la constitution permet au Président de la République de dénoncer les inconstitutionnalités dont seraient entachées les lois.

En effet, la Constitution du 18 février 2006 n'est pas la première à consacrer des mécanismes atypiques de promulgation des lois. Le pouvoir de promulgation a longtemps été utilisé par le Chef de l'État pour bloquer les textes de loi qui lui paraissent défavorables. C'est cette triste expérience qui conduira le constituant de 1994 à consacrer la promulgation par le pouvoir législatif667(*). Il se pose ici la question de la publication du texte promulguée par l'organe législatif, le journal officiel relevant du Président de la République. Pour une réforme complète en cette matière, le Constituant aurait dû étendre l'influence de l'organe législatif sur le journal officiel en vue d'assurer la publication des lois promulguées par le législatif.

L'abandon de la solution du constituant de 1994 par le constituant de 2006 au profit de la promulgation de plein droit pose plus de problèmes qu'il n'en résout. Il sied de relever que depuis le XVIIIe siècle, la promulgation semble se justifier par le souci du constitutionnalisme d'assurer la prééminence formelle de la Constitution, de façon à éviter l'arbitraire, outre de l'exécutif, du législatif. Cette considération a pu être occultée par le principe de séparation des pouvoirs, sur lequel la promulgation s'est trouvée fondée au XIXe siècle668(*). Mais, au travers de ce principe, c'est bel et bien la Constitution qu'il s'agissait de faire respecter : puisque, historiquement, la séparation des pouvoirs n'a elle-même d'autres finalités que d'éviter le despotisme des gouvernants, en leur imposant le respect des principes fondamentaux inscrits dans le texte suprême669(*).

Dans ce contexte, la promulgation ne saurait être détournée de sa fonction originale de servir de garantie de la prééminence formelle de la Constitution pour satisfaire les appétits politiciens insatiables des acteurs politiques.

Parce qu'il s'agit d'une oeuvre législative, nous suggérons que des réformes soient opérées dans le sens de reconnaître au parlement en cas de dépassement du délai constitutionnel de promulgation la possibilité de transmettre une loi adoptée qu'il estime avoir respecté le parcours normal conformément à la Constitution et aux lois de la République, au Journal Official, pour publication, en vue de son exécution et de son opposabilité aux citoyens.

A défaut d'une telle démarche, une référence à la Cour Constitutionnelle peut aussi amener à régler la question. Il suffit pour cela que les présidents des chambres reçoivent la compétence de saisir la Cour constitutionnelle aux fins de constater la carence législative et la promulgation de droit, s'il y a dépassement du délai constitutionnel de promulgation. La Cour constitutionnelle ainsi saisie devra rendre un arrêt constatant la promulgation de droit et ordonner la publication de la loi concernée au journal officiel.

Le constituant béninois a adopté la même solution. On peut lire au sixième alinéa de l'article 57 de la loi n° 90-32 du 11 Décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin : « (...) Si après ce dernier vote, le président de la République refuse de promulguer la loi, la Cour constitutionnelle, saisie par le président de l'Assemblée nationale, déclare la loi exécutoire si elle est conforme à la Constitution ». Parmi les 4 pays étudiés dans cette thèse, les clauses de suspicion n'existent que dans les constitutions africaines alors que les vieilles démocraties ne s'en servent pas. L'on ne peut s'empêcher de constater que ces clauses de suspicion sont symptomatiques d'une carence démocratique et démentent l'euphorie démocratique de certains États africains.

En ce qui concerne la saisine de la Cour constitutionnelle par les présidents des chambres parlementaires, le contexte congolais me semble tout à fait particulier, du fait de la coïncidence de deux majorités, parlementaire et présidentielle. Dans l'hypothèse de coïncidence de majorités, il faut retenir qu'il est difficile de voir aboutir une initiative de dissidence à la volonté du Président de la République. D'où la nécessité que cette compétence des présidents des chambres s'exercent en dehors de tout conflit. Après les élections du 30 décembre 2018, la configuration politique a connu une mutation : même si une large majorité a été constituée entre le CACH et le FCC, le rafistolage de ladite majorité s'est réalisé non sans peine. Le président de la République aujourd'hui ne peut se targuer d'une majorité au parlement, la majorité dans la majorité lui étant, si pas hostile, non acquise.

Revenant à la loi de mise en oeuvre de l'article 26 de la Constitution du 18 février 2006, le vide législatif créé délibérément par les pouvoirs publics congolais depuis 2006 mérite une réflexion.

§2. Le déni de législation en matière de liberté de manifestation : une carence fautive dépourvue de sanction

La consécration constitutionnelle d'un droit fondamental s'accompagne parfois d'une imposition expresse à l'État à tous les pouvoirs publics670(*) de certaines obligations. Celles-ci s'analysent en termes, non plus de restrictions, mais au contraire de garanties au profit du droit auquel elles sont reliées. Dans les États fédéraux, ce sont également les organes des collectivités fédérées en charge des matières qui sont concernées par ces obligations.

1. La nécessaire intervention du législateur

Les pouvoirs publics doivent agir pour les droits fondamentaux. L'article 23 de la Constitution belge, dont l'insertion date de 1994, ne dit pas autre chose lorsqu'il impose aux législateurs le législateur fédéral et les législateurs fédérés de garantir les droits économiques, sociaux et culturels, afin de permettre à chacun de « mener une vie conforme à la dignité humaine »671(*). L'article 22 bis, inséré en 2000 impose à ces mêmes législateurs de garantir la protection du droit de chaque enfant « au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle ». Quand l'article 11 bis, inséré en 2002, il entend que les législateurs « garantissent aux femmes et aux hommes l'égal exercice de leurs droits et libertés, et favorisent notamment leur égal accès aux mandats électifs et publics ». L'adoption récente de ces dispositions montre clairement qu'il y va d'une tendance constitutionnelle moderne.

La formulation retenue est parfois plus étendue. Ainsi, en vertu des articles 39 et suivants de la Constitution espagnole, ce sont « les pouvoirs publics » qui sont tenus, par exemple, d'assurer la protection sociale, économique et juridique de la famille, de créer les conditions favorables au progrès social et économique, de poursuivre une politique de formation et de réadaptation professionnelles, d'encourager et de protéger l'accès de tous à la culture ou encore de veiller à l'utilisation rationnelle de toutes les ressources naturelles. En Italie, les articles 29 et suivants de la Constitution imposent à « la République », par exemple, de reconnaître les droits de la famille, de protéger la santé, de créer des écoles publiques, ou encore d'encourager l'épargne sous toutes ses formes.

Cette situation suscite de nombreuses questions. Ainsi, dans la perspective d'une conception objective des droits fondamentaux, ne doit-on pas admettre que la consécration constitutionnelle de ces droits de tous ces droits emporte par elle-même pour l'État, et spécialement le législateur, le devoir de mettre en oeuvre des actions positives et concrètes en faveur de leur protection effective ? C'est l'idée que l'État, et surtout le législateur, doit agir pour promouvoir les droits fondamentaux, tous les droits fondamentaux et pas seulement les droits économiques, sociaux et culturels. C'est l'idée que chaque droit fondamental est par lui-même l'expression d'une valeur qui, parce qu'elle est reconnue par la Constitution, ne peut rester platonique et, par conséquent, ne peut laisser les pouvoirs publics indifférents. Cette valeur doit être concrétisée. Elle doit « irradier l'ordre juridique », selon l'expression de la Cour constitutionnelle fédérale allemande. C'est d'ailleurs en Allemagne que cette tendance à l'objectivisation des droits fondamentaux a donné lieu aux développements les plus pénétrants. 

Les obligations imposées par la Constitution aux autorités étatiques impliquent généralement que celles-ci procurent à tout ou partie des droits fondamentaux un effet horizontal, en les étendant aux rapports entre individus. Par-là, elles renvoient à une vision des droits fondamentaux conçus « non seulement comme une protection de l'individu contre l'arbitraire public, mais aussi comme une protection contre l'arbitraire privé qui n'en est pas moins redoutable »672(*). Il arrive que le Constituant y consacre une disposition spécifique. C'est ainsi que l'article 35, §3, de la Constitution suisse dispose que « les autorités veillent à ce que les droits fondamentaux, dans la mesure où ils s'y prêtent, soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux »673(*).

2. La situation en droit congolais

Depuis l'entrée en vigueur de la Constitution le 18 février 2006, l'attitude du législateur congolais mérite un examen particulier sur le plan juridique. L'alinéa 4 de l'article 26 de la Constitution rappelle le principe de la réserve de compétence législative en matière des droits fondamentaux674(*) en général et de la liberté de manifestation en particulier, parce que, en l'occurrence, il affirme que la détermination des mesures d'application de la liberté de manifestation relève du pouvoir législatif.

L'expression « mesures d'application » nous semble, non seulement imprécise, mais aussi inappropriée. Cette imprécision a été mise en exergue par le professeur Ngondankoy qui voit dans l'expression toutes sortes de mesures à caractère général et impersonnel, prises par le législateur [pour] rendre effectifs la jouissance et l'exercice de la liberté affirmée par la constitution675(*). Il s'agit manifestement de mesures positives permettant à la liberté de manifestation de se concrétiser dans la vie démocratique. Inappropriée, cette expression l'est en ce qu'elle tend à entretenir un imbroglio sémantique quant au concept « application ». Il nous semble impropre d'affirmer que la loi fixe les mesures d'application de la liberté de manifestation. En effet, dans les dispositions précédentes, le constituant parle des modalités d'exercice, expression appropriée pour les droits fondamentaux676(*). Il en aurait été autrement si le constituant avait fait allusion à la disposition elle-même, plutôt qu'à la liberté de manifestation, en relevant que « la loi fixe les mesures d'application de cette disposition ou de cet article », plutôt que de parler des « mesures d'application de la liberté de manifestation ».

C'est plutôt l'inaction du législateur qui préoccupe le chercheur. Il nous semble que le législateur congolais n'a pas tiré toutes les conséquences de la Constitution du 18 février 2006, qui l'habilite à fixer les règles concernant [entre autres] les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques677(*). En plus de cette recommandation que nous qualifions de compétence générale du législateur dans la règlementation des droits fondamentaux, le constituant commet de manière particulière le législateur à réglementer certaines libertés spécifiques, dont la liberté de manifestation.

La bonne jouissance et l'exercice effectif de cette liberté impliquent nécessairement l'intervention du législateur, celle-ci étant le résultat d'une injonction constitutionnelle. L'expression « La loi en fixe les mesures d'application », bien que formulée à l'indicatif, vaut impératif à l'égard du législateur678(*). Cette omission du législateur n'est pas satisfaisante. Le rôle du juge est très limité à cause d'un régime de limitations imprécis favorisant l'arbitraire ou le recours à un texte obsolète parce qu'inconstitutionnel.

Ce silence coupable du législateur a été qualifié par Constantin Yatala Nsomwe Ntambwe679(*) de déni de législation, expression sans doute inspirée du déni de justice qu'il sied d'explorer brièvement.

En France, la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 sur la simplification du Droit a caractérisé le déni de Justice par la circonstance que les juges ont refusé de répondre aux requêtes ou ont négligé de juger les affaires en état et en tour d'être jugées. Ce même texte précis que l'État est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison des faits de déni de justice sauf son recours contre les juges qui s'en sont rendu coupables680(*). Le déni de justice constitue donc un vide juridictionnel intentionnel681(*) et fautif. Il trouve son fondement dans la violation d'un droit fondamental, consacré tant dans les instruments internationaux des droits de l'homme682(*) que dans la Constitution du 18 février 2006683(*), le droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par un juge compétent.

C'est le fruit d'une sorte d'analogie ou d'une transposition qui justifie l'expression « déni de législation » ou plus loin, « déni d'administration », lorsque le législateur ou le pouvoir règlementaire, tenu d'adopter des normes de mise en oeuvre, d'exécution ou d'application de la Constitution, s'abstient de le faire.

Le déni de législation entraine une carence fautive et, par ricochet une obstruction à l'exercice d'une liberté fondamentale, en même temps qu'il viole l'un des droits fondamentaux de la Constitution, celui d'être appliquée ; en l'espèce, la jouissance ou l'exercice de certaines libertés garanties dans la Constitution ne requièrent aucune action positive des pouvoirs publics684(*), lesquels interviennent a posteriori pour en sanctionner les violations. D'autres, en revanche, nécessitent une action de l'autorité publique dont le défaut entraîne une paralysie de la jouissance ou de l'exercice de la liberté concernée. L'indice de ces libertés c'est l'habilitation constitutionnelle à fixer les règles organisant les modalités de leur exercice ; la liberté de manifestation est de cette catégorie.

Comme le déni de justice, le déni de législation est constitutif de faute. Cependant, la création d'un recours en responsabilité du législateur pour carence fautive semble prématurée au regard de l'évolution des idées constitutionnelles d'une part et de l'âge de notre démocratie et de notre Cour constitutionnelle de l'autre. L'idée d'une pareille responsabilité va se heurter à des écueils quasi insurmontables liés à la difficulté d'imaginer la teneur et le degré de gravité de la faute sur laquelle fonder cette responsabilité, mais aussi la complexité des mécanismes de sanction à infliger au Parlement pour omission coupable. Les réformes seraient d'une ampleur insoupçonnée.

Ce qui pourrait être envisagé en droit congolais, c'est la consécration par le législateur organique de l'inconstitutionnalité par omission, un contrôle négatif visant le respect de l'obligation constitutionnelle de légiférer685(*). Pour Brigitte Henry-Menguy, « lorsque la norme fondamentale contient des objectifs, c'est au législateur que revient la lourde tâche de les réaliser par l'adoption de lois »686(*). Florence Galletti687(*) déduit de l'incompétence négative du législateur un fondement de l'obligation de légiférer qui pèse sur le législateur. Elle reconnait au départ que « nulle part n'est explicitement mentionnée l'existence d'une obligation générale de légiférer à la charge du Législateur »688(*) ; elle renchérit que « celle-ci naît indirectement, de certaines dispositions constitutionnelles, d'une part, de la politique jurisprudentielle du Conseil, d'autre part »689(*). Faute de constitutionnaliser une obligation positive, le Conseil constitutionnel français, au gré de déclarations d'inconstitutionnalité des dispositions attaquées, fournit une sanction tout à fait effective à cette obligation encore en filigrane qu'est, pour le Législateur, l'obligation de compétence législative-obligation de législation.

Aujourd'hui la sanction constitutionnelle qui empêche un futur texte législatif est le meilleur argument en faveur de l'existence d'une obligation de légiférer. Comprise différemment suivant les auteurs, comme un veto690(*), ou comme une technique permettant à la majorité gouvernementale et parfois à une minorité parlementaire de mieux exprimer la volonté générale en l'expurgeant d'une inconstitutionnalité691(*), elle est, en tout cas, la sanction effective d'une obligation de légiférer en filigrane. Ceci devient de plus évident lorsque, à la suite d'un contrôle de constitutionnalité d'une loi à promulguer, celle-ci est retournée au parlement pour un nouveau vote. Le parlement est ainsi placé devant l'obligation de légiférer ou, pour être plus précis, « l'obligation de bien légiférer ».

Une question s'impose à ce niveau : l'obligation de légiférer, parce qu'elle existe, est-elle assortie d'une exigence temporelle ? En clair, le législateur est-il tenu d'adopter la loi dans un timing précis ? A contrario, peut-il attendre une éternité pour adopter une loi de mise en oeuvre d'un droit fondamental ? Ce questionnement interdit toute réponse hâtive dans la mesure de l'effet immédiat des droits fondamentaux d'une part, et de la complexité des procédures parlementaires ainsi que du volume de travail de l'autre.

En tout état de cause, les droits fondamentaux comportent un effet immédiat et les titulaires ne sont pas tenus d'attendre la loi pour exercer leur droit garanti dans la constitution ou dans un traité international. A ce sujet, le PIDESC accordait aux États un délai de deux ans à dater de la ratification pour appliquer la gratuité et l'obligatoriété de l'enseignement primaire consacré par ladite convention. Cette position du Pacte est compréhensible au regard des impératifs budgétaires inhérents à la mise en oeuvre de certains droits économiques, sociaux et culturels. Quant aux droits civils et politiques dont la mise en oeuvre n'impose pas de charge budgétaire particulière à l'État, aucun délai n'est nécessaire. Ceci n'empêche cependant pas de prendre en compte l'immensité de la charge législative. Les organes de l'État, en l'occurrence le législateur, ne seront pas en mesure de tout embrasser à la fois. L'adoption des lois de mise en oeuvre des droits fondamentaux devrait ainsi s'opérer dans un délai court et raisonnable.

En ce sens, le législateur qui ne légifère pas commet une faute, celle-ci étant comprise comme le manquement à une obligation juridique préexistante. Ce manquement porte atteinte à l'exercice des droits fondamentaux constitutionnellement garantis et constitue nettement une inconstitutionnalité dont le juge constitutionnel pourrait être saisi.

Le droit de l'union européenne organise le recours en manquement contre l'absence de transposition d'une directive de l'Union européenne dans le droit national des États membres. Mais le droit comparé offre des exemples intéressants en matière de l'inconstitutionnalité par omission.

Tout d'abord, la Constitution portugaise692(*) organise un recours spécifique qui a directement pour objet la mise en oeuvre de la Constitution. Ainsi, au terme de son article 283 est ainsi libellé : « La Cour constitutionnelle contrôle et constate l'inconstitutionnalité par omission des mesures législatives nécessaires à l'application des normes constitutionnelles, sur la saisine du Président de la République, du Médiateur de la République ou, lorsque les droits des régions autonomes sont remis en cause, des présidents des assemblées législatives des régions autonomes. Quand la Cour constitutionnelle constate d'une inconstitutionnalité par omission, elle en informe l'organe législatif compétent ».

Comme on peut le constater, sur le plan des conséquences de l'inconstitutionnalité par omission, la Cour constitutionnelle se limite « à vérifier et déclarer que l'omission existe, ne pouvant ni se prononcer sur le mode de suppression du défaut, ni se substituer aux organes législatifs compétents693(*).

Ensuite, la Hongrie a connu un recours en inconstitutionnalité pour manquement. Il est moins directement focalisé sur la « mise en oeuvre » de la Constitution. Pour autant, « la Cour constitutionnelle peut constater qu'une situation inconstitutionnelle est créée du fait du manquement du législateur à légiférer. (...) En cas de constatation de manquement, l'organe législatif est tenu de satisfaire à l'invitation de la Cour constitutionnelle à légiférer »694(*).

Enfin, le paragraphe 2 de l'article 103 de la constitution brésilienne695(*) édicte le principe ci-après :

« Lorsque l'inconstitutionnalité est déclarée par défaut de mesures devant rendre effective une norme constitutionnelle, il en est donné connaissance au Pouvoir compétent pour qu'il prenne les mesures nécessaires ; lorsqu'il s'agit d'un organe administratif, il est tenu de le faire dans un délai de trente jours ».

Il en découle que le Brésil connaît une action directe en « inconstitutionnalité par omission »696(*) et cette dernière est aussi examinée par le juge constitutionnel espagnol, sans qu'il y ait de recours spécifique prévu à cet effet697(*).

Néanmoins, tout comme il n'existe pas en droit de régime de responsabilité du fait des lois contraires à la Constitution698(*), il n'existe pas encore non plus de régime de responsabilité du fait de l'absence de mise en oeuvre législative des dispositions constitutionnelles.699(*) Dans ce cadre, l'exemple qu'offre la Colombie me semble satisfaisant. En Colombie, la constitution ordonne le vote d'une loi statutaire sur la liberté de manifestation pour pouvoir la limiter. Pour sa part, la Cour constitutionnelle colombienne a depuis l'arrêt T-456/92 fait injonction au législateur d'adopter ladite loi, mais celui-ci ne l'a pas fait.700(*) Une compétence toujours affirmée par les constitutions et la jurisprudence, mais dont la sanction de la carence ou de l'incompétence législative n'a pas été organisée.

Le droit congolais peut tirer profit de ces droits étrangers pour organiser, dans le cadre des réformes à intervenir, le recours en inconstitutionnalité par omission. La situation que connait la proposition de loi portant mesures d'application de la liberté de manifestation mériterait de trouver une solution plus affirmée pour la mise en application effective d'une loi censée obtenir une promulgation de droit.

De notre point de vue, la situation de l'incohérence du système juridique dans laquelle se trouve plongée la protection du droit de manifester ne vise qu'entretenir son ineffectivité. Dans une forme de conjuration institutionnelle, le régime et ses dignitaires redoutent qu'une action subversive les emporte. Déjà, le doute émis depuis 1908 lors de l'élaboration de la Charte coloniale en raison du caractère subversif du droit de manifester, inspirent les régimes des pays à forte culture autocratique ou dictatoriaux.

§3. Entre autorégulation du système juridique et opposabilité de la proposition de loi

Comme l'indique Paul-Gaspard Ngondankoy, la disposition du décret-loi de 1999 qui institue un régime d'autorisation préalable facultative est manifestement contraire à l'article 26 de la Constitution du 18 février 2006701(*), et, conformément au prescrit de l'article 221 de la même Constitution, ne peut trouver application sous aucun prétexte en République Démocratique du Congo.

Cependant, cette option n'est pas automatique. Par quel mécanisme une disposition peut-elle être privée d'effet pour contrariété avec la constitution ? Qui doit constater cette contrariété ?

Cette charge revient à tous les pouvoirs de l'État, lesquels sont astreints au respect de la constitution. Il existe des mécanismes permettant d'extraire un acte juridique de l'ordonnancement juridique, en vertu du principe de la mutabilité. Lorsque le contexte social ou juridique connait une évolution, le dynamisme s'impose à la règle de droit qui ne peut demeurer statique. L'entrée en vigueur d'une nouvelle constitution exige que l'ordonnancement juridique tout entier connaisse un réaménagement tendant à se conformer au nouvel ordre constitutionnel en vigueur. Une oeuvre utile peut être réalisée par les mécanismes de l'abrogation et du retrait.

Lorsque ni l'abrogation expresse, ni le retrait n'ont été appliqués à l'égard d'un texte contraire à la constitution, l'interrogation demeure de savoir comment la purge peut s'opérer. L'article 168 in fine de la Constitution dispose que « tout acte déclaré non conforme à la constitution est nul de plein droit ». Cette nullité de plein droit doit être précédée d'une déclaration de non-conformité à la constitution. Et pourtant, en matière de constitutionnalité, le monopole de la Cour constitutionnelle n'est pas sujet à discussion. La conclusion la plus plausible en l'espèce, c'est que le texte ne sera privé d'application que si la Cour constitutionnelle, saisie par un recours en inconstitutionnalité, le déclare non conforme à la Constitution.

Plus de dix ans après l'entrée en vigueur de la Constitution du 18 février 2006, le système juridique continue à accuser des incohérences notables qui répugnent à l'idéal de l'État de droit constitutionnel. Quelle attitude adopter en face d'une telle situation ?

Il y a lieu de relever que, depuis 2006, les organisateurs des manifestations n'ont jamais songé à actionner les mécanismes juridiques dans le but de faire extraire de l'ordonnancement juridique congolais le décret-loi de 1999 dont la contrariété à la constitution n'a pas cessé d'être clamée. C'est l'occasion de constater la nonchalance du congolais face à la violation de ses droits fondamentaux. La défense des droits et libertés fondamentaux requiert pourtant un engagement citoyen multidimensionnel, privilégiant l'exercice de son droit au juge dans la conquête des libertés.

Le contrôle de constitutionnalité et l'exception d'inconstitutionnalité constituent des pistes privilégiées de solution. La conception pyramidale de l'ordre juridique implique une dimension horizontale, qui complémente cette hiérarchie. L'existence même des normes présuppose la possibilité de leur violation, conçue en tant que comportement anti-normatif. C'est la raison pour laquelle un contrôle est établi par le biais de sanctions ayant un effet réparateur702(*). En fait, l'exception d'inconstitutionnalité n'est qu'une des modalités du contrôle de constitutionnalité, par voie d'exception. Elle permet, en droit constitutionnel général, d'écarter l'application d'une disposition de la loi ou du règlement à une affaire déterminée. En tout cas, si on s'en tient à l'alinéa 4 de l'article 26 de la Constitution, c'est au législateur que l'on imputerait la lourde responsabilité en ce qui concerne ce vide législatif. Ce qui peut faire croire que l'on est en présence d'une forme d'incompétence négative, comme relevé plus haut. Laquelle donne lieu à une inconstitutionnalité par omission.

Section 3. La liberté de manifestation : la nécessité de la cohérence du système juridique de protection

Nous référant à l'article 221 de la constitution comme principe et au fonctionnement du système juridique, nous en déduirons l'application en droit congolais du principe selon lequel la règle inferieure dépend de la conformité à la norme supérieure qui lui confère légitimité, le système tout entier reposant sur la constitution. Celle-ci comporte, elle aussi, des valeurs universelles auxquelles aucune nation ne devrait déroger, lesquelles valeurs conditionnent la validité de toute constitution.

§1. La conformité des normes à la Constitution et aux conventions internationales des droits de l'homme : principal indice de la cohérence du système juridique

La suprématie de la Constitution dans l'ordre juridique interne est devenue aujourd'hui un truisme si bien qu'on ne peut se donner la peine de le démontrer ; celle-ci véhicule les valeurs fondamentales, lesquelles se sont universalisées. La Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 l'affirme avec vigueur lorsqu'en son article 16 il est déclaré que « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution » ; la légitimité de la constitution, produit du pacte social, est subordonnée à la garantie des droits. La garantie englobe deux actions, celle de reconnaître et celle de protéger703(*). Mais la constitution n'a pas le monopole de garantie des droits fondamentaux. Ceux-ci sont aussi consacrés par les traités internationaux.

1. Les traités internationaux dans l'ordre juridique de la RDC

En droit international des droits de l'homme, la ratification par un État du Pacte international relatif aux droits de l'homme fait naître, à charge dudit État, une triple obligation : de respecter, de protéger et de mettre en oeuvre les droits contenus dans le Pacte ; par obligation de respecter, l'État partie s'engage à ne pas troubler, par son fait, la pleine jouissance des droits garantis ; l'obligation de protéger s'analyse en termes d'un engagement de l'État partie à empêcher que les faits de tous autres acteurs ne puissent entraver la pleine jouissance des droits consacrés dans le Pacte ; enfin, l'obligation de mettre en oeuvre impose à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine jouissance desdits droits.

Il y a lieu de se poser la question sur la place du traité dans l'ordonnancement juridique congolais, notamment en rapport avec la Constitution. Cette question a soulevé des débats passionnants entre les camps des publicistes qui tirent chacun la couverture de son côté.

Le système juridique congolais de la 3e République est qualifié de moniste, au sens où les traités sont intégrés à l'ordre juridique existant. Dans un système dualiste au contraire, on distingue le droit interne du droit international, les traités et accords internationaux ne concernent alors que les rapports entre les personnes de droit international (État ou organisation) et ne pénètrent dans la sphère du droit interne que moyennant l'adoption d'une loi704(*).

La Constitution du 18 février 2006 prévoit en son article 215 que « les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l'autre partie ». Elle prévoit, en outre, en son article 216 que « si la Cour constitutionnelle (...) déclare qu'un traité ou accord international comporte une clause contraire à la Constitution, la ratification ou l'approbation ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ».

Le rang des normes internationales au sein de la hiérarchie est donc clairement défini par la Constitution du 18 février 2006 : elles sont subordonnées à la Constitution, puisqu'elles ne peuvent produire d'effet juridique si elles lui sont contraires, mais elles ont une valeur supérieure à la loi, dès lors qu'elles ont été ratifiées ou approuvées par l'exécutif et qu'elles sont appliquées par les autres États signataires (clause de réciprocité).

Certes, le droit international interdit à un État de se prévaloir de sa Constitution pour échapper aux obligations qu'il aurait contractées suite à un traité ou à un accord. Mais dans l'ordre juridique interne du droit congolais, la Constitution reste supérieure aux traités. En France, La jurisprudence confirme cette caractéristique :

- CE, 1998, Sarran et Levacher et C. Cass., 2000, Pauline Fraisse constatent en termes identiques la primauté de la Constitution sur les traités dans l'ordre interne ;

- CC, 2004, Traité établissant une Constitution pour l'Europe : dans cette décision relative au traité établissant une Constitution pour l'Europe, le Conseil constitutionnel place la Constitution « au sommet de l'ordre juridique interne ».

Les partisans du droit international public tirent de la possibilité de ratifier la constitution pour intégrer un traité l'argument de la supériorité du traité sur la constitution. Selon cette thèse, c'est la règle inférieure qui est tenue de se conformer à la règle supérieure et, en l'espèce, la Constitution au traité. Les faiblesses de cet argument ne sont pas difficiles à percevoir : d'abord on ne saurait comparer la vigueur de la constitution à un traité non encore ratifié et donc ne faisant pas encore partie de l'ordonnancement juridique, la comparaison pèche par sa prématurité ; aussi faudrait-il ici souligner que l'article 43 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle soumet un traité ratifié au contrôle de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle. Etant soumis au contrôle de la constitutionnalité, le traité est indubitablement inférieur à la constitution, il se place en dessous d'elle dans la hiérarchie des normes. En second lieu, il faut retenir que le droit international résulte, non d'un transfert intégral de la souveraineté, mais d'un abandon partiel705(*) de celle-ci. La majestueuse constitution, expression de la souveraineté nationale intégrale, ne peut aucunement courber l'échine devant un traité international, quel qu'il soit.

D'ailleurs, dans sa décision du 22 août 2019, la Cour constitutionnelle béninoise venait opérer une grande révolution, affirmant la supériorité conditionnée du règlement communautaire sur la loi nationale. Elle considère ainsi que le droit communautaire dérivé doit plier devant la loi nationale lorsque celle-ci crée des droits acquis au bénéfice des citoyens706(*). Reste à présent à examiner la place de la liberté de manifestation en droit des droits de l'homme.

2. La liberté de manifestation en droit international des droits de l'homme

Longtemps négligée par la doctrine707(*) et tardivement reconnue par les gouvernants708(*), la liberté de manifestation est revenue sur le devant de la scène essentiellement du fait de ses manifestations empiriques. Les mouvements sociaux et politiques induits par les printemps arabes comme la circulation massive des images et des idées par le biais des réseaux sociaux ont permis de révéler à la fois la puissance et les enjeux de l'exercice d'une telle liberté publique. Dans le même temps, ils ont mis au jour les difficultés de conceptualisation et de mise en oeuvre de ce droit, sa singularité par rapport aux autres droits et libertés et son enracinement profond dans les fondements mêmes des sociétés modernes.

L'appréhension del'encadrement des libertés publiques à l'échelle du droit international concerne principalement le droit international des droits de l'Homme.La liberté de manifestation fait l'objet d'une reconnaissance ferme et généralisée en droit international des droits de l'Homme, principalement à travers la liberté de réunion qui l'englobe. Cette affirmation se manifeste sans équivoque dans les grands instruments internationaux qui la consacrent, qu'il s'agisse de conventions générales ou spéciales. Mais la liberté de manifestation fait encore l'objet d'une attention particulière de la part de certains organes, qui s'attachent à en détailler les modalités de mise en oeuvre et d'articulation avec les autres droits protégés. Partant, pour mesurer l'ampleur de la consécration de la liberté de manifestation en droit international seront successivement envisagées ses proclamations conventionnelles (A), son affirmation juridictionnelle ou quasi-juridictionnelle (B).

§2. La protection conventionnelle de la liberté de manifestation

La liberté de manifester est principalement protégée au niveau international à partir de la liberté de réunion. Elle fait à ce titre l'objet d'une consécration particulièrement généralisée qui démontre son universalité parmi les libertés publiques. Ce droit figure au sein de la totalité des instruments internationaux de protection des droits de l'Homme, qu'il s'agisse des conventions « générales », au sens des grands textes protecteurs des droits civils et politiques, ou des conventions « spécialisées », axées autour de la protection d'une catégorie de personne ou de garanties. L'établissement d'un état des lieux de ces consécrations conventionnelles s'impose par conséquent pour confirmer l'étendue de la protection internationale de la liberté de manifestation.

Au chapitre des conventions générales tout d'abord, la Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH) protège elle-même en son article 20 le droit de toute personne « à la liberté de réunion et d'association pacifiques709(*) ». Ce texte, adopté le 10 décembre 1948 par l'Assemblée Générale des Nations Unies n'a pas per se de valeur contraignante, mais il est à l'origine de bon nombre de conventions ultérieures et a inspiré le développement du droit international des droits de l'homme. Dans la lignée de cette première proclamation internationale, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques710(*), adopté en 1966 sous l'égide, là encore, des Nations Unies, fait figure de première consécration contraignante à l'échelle universelle des droits de l'homme dits de première génération711(*). Parmi les droits et libertés classiques, il énonce en son article 21 que :

Le droit de réunion pacifique est reconnu. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui.

La consécration de la liberté de manifestation, à travers la liberté de réunion, se retrouve quasiment à l'identique dans les conventions régionales. La convention américaine relative aux droits de l'homme712(*) énonce dans son article 15 que :

Le droit de réunion pacifique et sans armes est reconnu. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions qui, prévues par la loi, sont nécessaires dans une société démocratique dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté et de l'ordre publics ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits ou les libertés d'autrui.

L'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales la protège en des termes légèrement différents. Il proclame en effet le droit de toute personne à la liberté de réunion et d'association, mais y adjoint le droit de fonder et de s'affilier à des syndicats. C'est toutefois au stade des restrictions de ladite liberté que le texte européen se distingue davantage des autres instruments de protection puisqu'il prévoit que :

L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'État.

Le continent européen bénéficie même d'une double proclamation puisque la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre également en son article 12.1 le droit de toute personne à la liberté de réunion pacifique et aÌ la liberté d'association « aÌ tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts713(*) ».

La Charte africaine des droits de l'Homme714(*) et des peuples n'est pas en reste et protège en son article 11 le droit de toute personne à « se réunir librement avec d'autres », tout en rappelant que « [c]e droit s'exerce sous la seule réserve des restrictions nécessaires édictées par les lois et règlements, notamment dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté d'autrui, de la santeì, de la morale ou des droits et libertés des personnes ».

Certaines conventions spécialisées assurent également la protection de la liberté de manifestation à partir de la proclamation de la liberté de réunion. C'est le cas notamment de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en son article 5, qui prohibe la discrimination dans l'exercice de la liberté de réunion et d'association pacifique715(*). C'est encore le cas de l'article 15 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant716(*), qui reconnaît à ce sujet spécifique la jouissance des libertés d'association et de réunion pacifique. On peut encore citer, au titre des conventions spécialisées, l'exemple de la Déclaration sur le droit et la responsabilitéì des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus717(*). Son article 5 énonce en effet qu'« [a]fin de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres, aux niveaux national et international [...] de se réunir et de se rassembler pacifiquement ».

La reconnaissance de la liberté de manifestation en droit international, dans la mesure où elle découle de la liberté de réunion pacifique, ne fait par conséquent aucun doute. Elle figure au sein du catalogue des droits civils et politiques garantis depuis la fin de la seconde guerre mondiale, tant dans des instruments à vocation générale (régionaux comme universels) que dans des textes dédiés à une problématique spécifique. En ce sens, l'ancrage de la liberté de manifestation dans le droit international des droits de l'Homme est profond et ancien, confirmant, du moins d'un point de vue théorique, la reconnaissance de son caractère fondamental pour l'établissement d'une démocratie véritable. Cette affirmation est par ailleurs renforcée par la pratique des organes de contrôle juridictionnels et quasi juridictionnels chargés de l'application de certaines de ces conventions, dont les activités ont participé à asseoir cette consécration unanime.

Dès son accession à l'indépendance, la RDC s'est ouvert aux préoccupations internationales relatives à la protection des Droits de l'Homme, elle a adhéré sans réserve à la Déclaration universelle des droits de l'Homme et de la même manière ratifiée le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le Protocole facultatif s'y rapportant718(*). De même aussi, elle est membre de l'Union Africaine et partie à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples.

CHAPITRE SIXIEME :
PROSPECTIVES POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE ET PLUS EFFECTIVE DU DROIT DE MANIFESTER EN RDC

Le silence du législateur congolais sur la liberté de manifestation n'a pas rendu service à la démocratie. Les élans autoritaires des pouvoirs publics congolais n'ont été que confortés par cet imbroglio favorisant le recours à un régime contraire à la Constitution du 18 février 2006 durant plus d'une décennie. Jusqu'à ce jour où la loi Sesanga devrait être considérée comme déjà promulguée, le recours continu aux procédés du décret-loi de 1999 est déploré à longueur des journées. Certes, l'adoption de la loi Sesanga a fait franchir à la République un grand pas en la matière, mais l'impérieuse nécessité de réformer le système congolais de la liberté de manifestation demeure une actualité (section I). En outre, parce que la légitimité d'une norme en est une caractéristique essentielle qui lui permet d'assurer sa fonction de direction (section II), le processus de naissance de la norme comporte un impact réel sur son effectivité.

C'est l'absence de contradiction entre les normes qui permet d'assurer leur effectivité. Suivant cette vision, l'ordre juridique n'est pas un système de normes composite, c'est-à-dire un système où les normes seraient toutes placées au même rang719(*).Il importe cependant de relever que tant la structure du système juridique que l'ensemble des droits qu'il protège sont garantis pas le juge qui en constitue une digue de protection. Ainsi, la protection de la liberté de manifestation ne peut prospérer en RDC qu'en présence d'un service public de la justice de qualité (section III) capable de subjuguer l'Administration et de mettre en mouvement tous les recours garantis aux citoyens par la Constitution et les lois de la République.

Il sied aussi que les débiteurs des devoirs constitutionnels soient interpellés si le non accomplissement de ces devoirs obstrue à la jouissance de la liberté de manifestation par ses titulaires (section IV).

Section 1. La nécessité de reformer le système juridique congolais de protection de la liberté de manifestation

La cohérence et la sanction de la norme sont intimement liées en ce sens que celle-là conditionne celle-ci.

§1. La recherche de la cohérence du système juridique

L'État de droit constitutionnel repose sur le postulat selon lequel l'ensemble de l'ordre juridique de l'État est subordonné à la constitution qui exerce une sorte d'hégémonie sur toutes les autres règles. De cette norme fondamentale découle, théoriquement, la validité de l'ensemble des normes d'un ordre juridique, formant ainsi une hiérarchie. Ainsi, l'ordre normatif n'est pas « un complexe de normes en vigueur les unes à côté des autres, mais une pyramide ou hiérarchie des normes qui sont superposées, ou subordonnées les unes aux autres, supérieures ou inférieures »720(*). Dans ce même sens, Jacques Chevalier considère qu'« en tant que système721(*) l'ordre juridique se caractérise par les deux principes essentiels de cohésion et de hiérarchie : unies par des liens : unies par des liens d'interdépendance, les normes juridiques se voient assigner en son sein une place différenciée et inégalitaire.

1. Position du problème

Appliqué à l'ordre juridique, le principe de cohésion se traduit par les exigences de compatibilité, de non-contradiction et de complétude : il implique que les normes qui composent l'ordre juridique ne s'excluent pas mutuellement, que leurs énoncés ne soient pas antinomiques et qu'elles ne comportent pas des lacunes flagrantes, des blancs interstitiels, de nature à paralyser leur efficacité722(*).

L'absence de contradiction entre les normes constitue une condition juridique de l'effectivité de la norme. Celle-ci peut en effet être menacée par une contradiction entre cette norme et une norme inférieure car, le cas échéant, les effets de l'une contreviendront à ceux de l'autre, au risque d'une neutralisation réciproque de leurs effets respectifs, voire d'une domination de la norme inférieure sur la norme supérieure. « En principe, les critères de validité retenus dans le cadre de l'ordre juridique doivent permettre d'assurer sa cohérence, et ainsi de préserver l'effectivité de la norme. En organisant l'absence de contradictions entre les normes, la cohérence de l'ordre juridique contribue à préserver l'effectivité de la norme, elle en est donc l'une des conditions juridiques »723(*).

Il faut pourtant aller plus loin. Un système ne se réduit pas à un simple jeu d'interactions entre des éléments unis par des rapports d'interférence et de complémentarité : le propre d'un système est au contraire de former une unité complexe, une totalité, dotée de propriétés nouvelles et gouvernée par une logique d'ensemble. Cette « totalité » est à la fois plus et moins que la somme des parties : si le système possède des « qualités émergentes », inconnues des composantes, il pèse en retour sur elles comme contrainte, en limitant le champ de leurs possibilités, en bridant certaines de leurs potentialités724(*). Du fait de leur agencement en système, les normes juridiques ne peuvent plus être considérées isolément, sans référence à l'unité du tout leur sens est surdéterminé par la logique d'ensemble qui gouverne l'ordre juridique dans lequel elles se trouvent insérées.

C'est en cela que l'ordre juridique constitue, au sens propre du terme, un ensemble « rationnel » : il existe en effet à la base de l'ordre juridique, comme de tout système organisé, un principe d'ordre, une logique même si elle n'est pas de type formel, qui lui donne ses caractères propres et garantit sa cohésion. Cette logique contribue à la fois à cristalliser l'identité spécifique de l'ordre juridique vis-à-vis de l'extérieur et à réaliser son unité positive sur le plan intérieur. Elle constitue la clé qui détermine l'appartenance à l'ordre juridique et le ciment qui lie entre eux les éléments constitutifs, en assurant la cohérence de leur articulation et la transparence de leur signification ; intégrées au même ordre, les normes juridiques se trouvent du même coup placées sous l'empire d'une logique commune, exclusive et totalisante, ne tolérant pas la contradiction, qui les imprègne et modèle leurs rapports725(*).

Le modèle d'organisation de l'ordre juridique proposé par Hans Kelsen, fondé sur une hiérarchie entre les normes de cet ordre, semble en principe en mesure d'assurer sa cohérence.

Il repose sur une « norme fondamentale » supposée429, distincte de la Constitution, qui unifie l'ensemble des normes de l'ordre juridique. Le principe suivi par Kelsen, déduit de la loi Hume, est que « la validité d'une norme ne peut avoir d'autre fondement que la validité d'une autre norme »726(*).

L'absence de contradiction entre les normes constitue une condition juridique de l'effectivité de la norme. Celle-ci peut en effet être menacée par une contradiction entre cette norme et une norme inférieure car, le cas échéant, les effets de l'une contreviendront à ceux de l'autre, au risque d'une neutralisation réciproque de leurs effets respectifs, voire d'une domination de la norme inférieure sur la norme supérieure. En principe, les critères de validité retenus dans le cadre de l'ordre juridique doivent permettre d'assurer sa cohérence, et ainsi de préserver l'effectivité de la norme. En organisant l'absence de contradictions entre les normes, la cohérence de l'ordre juridique contribue à préserver l'effectivité de la norme, elle en est donc l'une des conditions juridiques727(*).

2. Nos propositions

Si l'incohérence du système juridique demeure un vice congénital qui affecte la bonne jouissance de la liberté de manifestation, il faut admettre qu'une thérapie adaptée peut bien y remédier. Nous avons ainsi suggéré que, de lege ferenda, pour éviter que le silence du législateur n'attente constamment à la jouissance d'autres droits comme il a été le cas avec la liberté de manifestation, d'une part les réformes puissent compléter le mécanisme de l'article 140 de la Constitution en reconnaissant à la Cour constitutionnelle la possibilité de constater la promulgation de droit d'une loi ayant réalisé un parcours législatif régulier en l'occurrence la loi Sesanga et d'enjoindre au Journal officiel de la publier en vue de son opposabilité ; d'autre part, au regard du caractère immédiat et contraignant des droits fondamentaux, la Cour constitutionnelle, saisie par le Procureur général ou par toute personne, devrait déclarer l'inconstitutionnalité par omission du législateur dans un domaine donné relatif aux droits fondamentaux ; cette déclaration devant avoir pour effet l'inscription prioritaire de la question à l'ordre du jour de la session en cours ou de la prochaine session de l'Assemblée nationale.

§2. Le renforcement des sanctions comme condition d'effectivité

« Une règle n'est pas juridique parce qu'elle est sanctionnée ; elle est sanctionnée parce qu'elle est juridique »728(*). Ainsi, la sanction n'est pas le critère qui permet d'identifier une obligation juridique729(*) mais elle est une norme dont la fonction est d'assurer le respect d'une autre norme. En assurant le respect de cette autre norme, elle contribue aussi à son effectivité.

1. Position du problème

S'appuyant sur la distinction opérée par H.L.A. Hart entre les normes primaires et les normes secondaires730(*), Norberto Bobbio a montré que l'apparition des sanctions, en tant que normes secondaires, était la manifestation du passage d'un système juridique simple à un système juridique complexe. Ainsi, l'établissement de sanctions juridiques est rendu nécessaire par l'insuffisance des sanctions sociales dans les systèmes juridiques « simples » et marque ainsi le passage à un système « complexe »731(*). Il s'en suit que la fonction de la sanction est bien d'assurer le respect des normes primaires. On admet ainsi traditionnellement que la menace de la sanction « constitue un des moyens les meilleurs et les plus simples d'assurer le respect effectif des obligations »732(*), ou encore que la sanction « a pour fonction d'assurer la réalisation de la règle juridique »733(*). Dès lors que le respect de la norme contribue en principe à son effectivité, il est possible de retenir, comme Denys de Bechillon que « la promesse d'une punition, quelle qu'en soit la teneur, vise bien à assurer l'effectivité de la norme »734(*).

Néanmoins, la contribution de la sanction à l'effectivité de la norme dépend de la façon dont elle assure sa propre fonction. Ainsi, une sanction relative a nécessairement une influence relative sur l'effectivité. Pour tenter d'évaluer la contribution des sanctions à l'effectivité de la norme, il convient d'abord d'identifier les différentes catégories de normes secondaires qui assurent un rôle de sanction dans l'ordre juridique. Dès lors que l'on retient une approche fonctionnelle de la sanction, celle-ci peut être définie comme une norme juridique secondaire dont la fonction est d'assurer le respect d'une norme juridique primaire735(*). Sur la base de cette définition, trois catégories de sanction peuvent être identifiées.

La première est constituée par le droit répressif, c'est-à-dire les normes secondaires ayant pour fonction de « punir » le non-respect d'une norme primaire736(*). Selon Jacques Mourgeon, la punition permet ainsi d'éviter la violation d'une norme, « soit a priori, par l'effet intimidant qu'elle produit, soit a posteriori, en réduisant les possibilités de la renouveler »737(*). Néanmoins, si l'on en adopte une définition large, la sanction ne se limite pas à la répression.

La seconde catégorie est constituée par le droit de la responsabilité, c'est-à-dire les normes secondaires traduisant l'« obligation de répondre d'un dommage devant la justice et d'en assumer les conséquences »738(*). Si la responsabilité a pour fonction principale la réparation, elle contribue au respect de la norme. Les normes établissant un système de responsabilité s'attachent, au-delà de la réparation, « à établir les conséquences de la violation des normes primaires »739(*). Néanmoins, cela n'est en principe le cas que des mécanismes de responsabilité fondés sur la violation d'une norme primaire, ce qui implique d'exclure ceux qui ne le sont pas, notamment les régimes de responsabilité sans faute740(*).

La troisième catégorie regroupe un ensemble de procédés dont la fonction est d'invalider des normes contraires à celles qui leurs sont supérieures. Ainsi, la nullité « sanctionne l'irrégularité originelle d'un acte juridique par une décision juridictionnelle »741(*). En droit public interne, c'est par exemple l'annulation qui remplit en principe cette fonction.

Le droit public connaît chacune de ces trois catégories mais l'obligation juridique y présente certaines spécificités. L'État est à la fois la source et sujet de l'obligation juridique. Cela impose de distinguer, pour l'étude de la sanction en droit public, deux situations : celle où l'État sanctionne et celle où il est lui-même sanctionné.

En premier lieu, un des attributs essentiels de la puissance publique est d'imposer des obligations et, par conséquent, d'infliger des sanctions en cas de conduite contraire. Cela est essentiellement l'objet du droit répressif742(*). Selon Beccaria, l'idée de la répression est inhérente à la nature humaine743(*).

En second lieu, la puissance publique peut elle-même être sanctionnée si elle ne satisfait pas à ses obligations. L'ordre juridique est en effet « source de contrainte, d'obligation, pour les organes de l'État »744(*). Néanmoins, « la sanction du droit public est plus difficile à organiser, car ici l'État est en cause et il ne sera pas enclin à se condamner lui-même »745(*). En effet, l'État étant l'administrateur du droit répressif, il ne saurait s'auto-sanctionner, comme en témoigne l'irresponsabilité pénale des personnes morales soutenue en droit congolais746(*). Pour autant, si la « répression » envers l'État reste exclue, sa personnification permet de lui infliger certains types de sanctions. Les normes qu'il adopte peuvent être invalidées et il peut voir sa responsabilité engagée.

Sur le plan théorique, la sanction de la norme contribue en principe à son respect et, par ce biais, à son effectivité. En tant que norme secondaire, sa fonction est d'inciter au respect d'une norme primaire747(*). En droit public, cette fonction est occupée, directement ou indirectement, par la répression, l'invalidation et la responsabilité748(*). Or, le respect de la norme lui permet en principe de produire des effets sur la société. La sanction constitue donc une condition juridique de l'effectivité de la norme.

Néanmoins, « loin de nous offrir l'image d'un système parfaitement ordonné, l'ensemble des sanctions consacrées par le droit se présente sous la forme d'un réseau diversifié aux articulations multiples et complexes »749(*) et la place de l'État au centre du droit public complexifie ce schéma. D'un côté, la répression du non-respect des normes de droit public à l'égard des personnes privées n'est pas toujours dissuasive. De l'autre, aucune « répression » n'est appliquée à l'État. Seuls des moyens indirects de sanction permettent d'assurer le respect des normes de droit public par la puissance publique.

La fonction de sanction de l'invalidation de la norme et de la responsabilité de la puissance publique n'est que secondaire, leurs fonctions primaires étant respectivement le contrôle de la « légalité » au sens large et la réparation des préjudices. Les conséquences de l'absence de validité d'une norme sont parfois faibles et les conditions d'engagement de la responsabilité en limite logiquement la fonction de sanction.

Cette dimension du problème mérite aussi d'être examinée à l'aune, non seulement du droit congolais, mais aussi des réalités quotidiennes dans les plusieurs secteurs de la vie publique. La Constitution congolaise du 18 février 2006 a pris une position non équivoque en faveur du respect dû aux décisions de justice. Cependant, la force de la sanction de la norme s'en trouve fragilisée lorsque l'exécution des décisions judiciaires est souvent entravée par le pouvoir exécutif.

A plusieurs reprises, les décisions de la Cour constitutionnelle réhabilitant les gouverneurs de province déchus par des motions de censure irrégulières et celles du Conseil d'État infirmant des décisions des Cours d'appel ont manqué de recevoir exécution parle vice-premier ministre et ministre de l'intérieur et par la Commission électorale nationale indépendante, pour des raisons inavouées.

Par conséquent, la « rareté » et le « caractère souvent non dissuasif de la sanction » font que « le couple prescription-sanction n'a rien de constant (...). Dans la réalité les non-applications ou les violations du droit ne sont pas toutes sanctionnées »750(*). La contribution de la sanction de la norme à son effectivité est donc relative. Le lien entre sanction et effectivité n'est pas un rapport d'implication strict mais il est au contraire souple. Ainsi, si la sanction « constitue un moyen irremplaçable de réalisation du droit »751(*), elle « n'est pas une condition suffisante d'effectivité »752(*). L'effectivité de la norme est aussi fonction de sa légitimité.

2. Notre proposition

La loi Sessanga prévoit plus d'incriminations contre les manifestants que contre les autorités publiques reconnues pour leurs attitudes hostiles à la liberté. Des recherches précédentes sur le contentieux administratif ont déjà suggéré la pénalisation du refus d'exécuter la décision de la juridiction administrative753(*). Au regard des attitudes souvent réfractaires des autorités administratives face aux libertés fondamentales, pareille suggestion ne ferait que vivifier l'État de droit en RDC.

Cependant, la spécificité de la liberté de manifestation et les contraintes temporelles de son exercice exigent une mise en oeuvre systématique des poursuites pénales contre les autorités administratives pour rébellion et pour refus d'obtempérer. Ce recours systématique aux mécanismes pénaux devrait être facilité par une activité intense des organisateurs des manifestations et des parquets civils qui seraient tenus de réagir, sous peine de sanction, devant toute dénonciation par voie de presse. En outre, nous pensons qu'il faille décourager les interdictions intempestives des manifestations publiques par la déchéance de l'autorité administrative récidiviste.

En clair, la mesure viserait toute autorité administrative dont au moins trois décisions consécutives d'interdiction seront annulées par le juge administratif à l'occasion du contrôle de la légalité, de la nécessité, de l`opportunité ou de la proportionnalité. Ce renforcement de sanctions pourra permettre aux libertés publiques de connaitre leur âge d'or et ainsi parvenir à leur effectivité.

§3. La mise en place de voies de recours juridictionnels adaptées à la protection des droits fondamentaux

A côté des garanties juridictionnelles ordinaires visant la protection de la liberté de manifestation, il existe en droit français, espagnol comme en droit béninois, des recours spéciaux en la matière (1). Le droit congolais comporte lui aussi des pareils recours, perfectibles toutefois à l'aune du droit comparé (2).

1. Analyse comparée des recours juridictionnels spéciaux en matière de protection de la liberté de manifestation

La Cour constitutionnelle est comme toute autre juridiction de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif considérée comme première protectrice des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens, parmi lesquels on peut citer le très célèbre droit de manifester754(*). Cependant, elle est juge de tout acte administratif, règlementaire ou non, susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ou aux libertés publiques.755(*) Ce sont celles qui résultent du contrôle juridictionnel des lois que les juridictions constitutionnelles peuvent exercer, à la différence des juridictions ordinaires et cela sous les différentes formes possibles : contrôle abstrait (a priori et a posteriori), contrôle concret sur renvoi du juge ordinaire.

La pauvreté de la jurisprudence constitutionnelle en matière de protection de la liberté de manifestation en République Démocratique du Congo incite à une référence au droit comparé pour comprendre l'impact du juge en l'occurrence constitutionnel dans l'affirmation du droit de manifester.

L'importance attachée aux droits fondamentaux au sein des démocraties libérales contemporaines a conduit la France, l'Espagne, Bénin et la République Démocratique du Congo à mettre en place des voies de recours spécialement aménagées pour en assurer l'effectivité. Ces recours témoignent de la place privilégiée du juge en matière de défense des droits et libertés, existent non seulement devant le juge ordinaire, c'est-à-dire judiciaire et administratif (A) mais aussi devant le juge constitutionnel (B).

A. Les procédures d'urgence spécialisées dans la protection des droits fondamentaux devant le juge ordinaire

Définies par Maria Fernanda Maçãs comme « des procès principaux, autonomes et indépendants [...] dont le dénominateur commun réside dans le besoin urgent d'obtenir une décision »756(*), les procédures d'urgence ne se limitent pas exclusivement au domaine des droits fondamentaux. Au contraire, la plupart de ces procédures existent en dehors de toute finalité de protection des droits et libertés, même si elles peuvent faire bénéficier à ces derniers de leurs avantages757(*). Les systèmes juridiques contemporains ont toutefois tendance à consacrer des voies de recours reposant sur des principes de célérité et de simplicité dont la fonction exclusive est la protection des droits de la personne humaine contre l'action de l'administration. C'est par exemple le cas de l'Espagne où la Constitution758(*)« consacre le droit, pour toute personne détenue, à comparaître dans les plus brefs délais devant la justice et à bénéficier de l'appréciation impartiale d'un juge quant à la légalité de sa privation de liberté ».

En revanche, il existe, en France et sur la péninsule ibérique, des procédures d'urgence présentant un champ d'application beaucoup plus étendu puisque susceptibles de protéger, sinon l'ensemble des droits fondamentaux, au moins une grande majorité d'entre eux. Ces procédures permettent à tout justiciable estimant que l'un de ses droits fondamentaux a été violé de saisir le juge ordinaire afin que celui-ci adopte, le plus rapidement possible et lorsque l'urgence le justifie, les mesures nécessaires en vue de faire cesser l'atteinte constatée.

De tels dispositifs se révèlent être de précieux instruments de protection des droits fondamentaux car, si les mécanismes de garantie ordinaires permettent de sanctionner les atteintes portées aux droits et libertés, ces derniers se distinguent généralement par une procédure complexe et relativement lente, si bien que la protection est souvent octroyée avec un certain retard759(*). Or, en matière de droits fondamentaux, les conséquences d'un retard excessif sont souvent désastreuses, ne serait-ce qu'en raison du fait que le rétablissement de la liberté à laquelle il a été porté atteinte est parfois impossible. En Espagne notamment, cette voie de droit spécifique prend le nom de procédure sommaire et prioritaire, en France elle répond à l'appellation de référé-liberté fondamentale qui a été copié en RDC.

A.1. La procédure sommaire et prioritaire espagnole

En Espagne, « lorsque l'on a, à affaire à un droit de premier rang et seulement dans ce cas, l'article 53-2 de la Constitution dispose que le plaignant a le droit de demander protection au juge ordinaire en utilisant une procédure spéciale fondée sur les principes de priorité et d'urgence »760(*). Spécialement aménagée pour protéger les droits et libertés consacrés par les articles 14 à 29 de la Constitution761(*), cette procédure d'urgence, également dénommée recours d'amparo ordinaire, a longtemps fonctionné sur la base d'un système « transitoire »762(*)organisé par la loi du 26 décembre 1978 relative à la protection juridictionnelle des droits fondamentaux de la personne763(*). Actuellement, ce sont les lois régulatrices de chaque ordre juridictionnel qui en règlementent l'exercice. De sorte qu'il n'existe pas une procédure sommaire et prioritaire commune à l'ensemble des contentieux mais une procédure spécifique pour chaque ordre juridictionnel envisagé. Pour s'en tenir à la matière administrative, le recours juridictionnel spécialisé est organisé par les articles 114 à 122 de la loi de régulation de l'ordre juridictionnel contentieux-administratif764(*). Caractérisée par l'urgence, la procédure mise en place déroge largement aux principes directeurs du droit administratif. La règle du recours administratif préalable obligatoire est écartée, les délais de procédure sont pour la plupart écourtés et, une fois l'instruction terminée, le tribunal dispose de cinq jours pour rendre sa décision. Sa finalité est de permettre à toute personne, estimant qu'une action ou une inaction de l'administration porte atteinte à l'un de ses droits fondamentaux, de saisir le juge afin que celui-ci, dans les délais les plus brefs, constate l'illégalité et adopte toutes les mesures nécessaires au rétablissement ou à la préservation de la permission altérée765(*).

Au Portugal, la création d'une procédure d'urgence spécialisée dans la protection des droits fondamentaux a été rendue possible grâce à la révision constitutionnelle du 20 septembre 1997766(*). Cette dernière ajoute un cinquième alinéa à l'article 20 de la Constitution ainsi libellé : « Afin de défendre les droits, libertés et garanties personnelles, la loi assure aux citoyens des procédures judiciaires caractérisées par leur rapidité et leur priorité, en vue d'obtenir la tutelle effective et en temps utile des tribunaux contre des menaces ou violations de ces droits ». Cette célérité dans les procédures les rapproche au référé-liberté français.

A.2. Le référé-liberté commun à la France et à la RDC

Consacré à l'article L. 521-2 du Code de justice administrativefrançaispar la loi du 30 juin 2000767(*), le référé-liberté fondamentale768(*)est à l'origine d'un bouleversement de taille car, pour la première fois au sein de l'ordre juridique français, apparaît une procédure juridictionnelle dont la fonction principale et permanente est la protection des droits et libertés qui relèvent de la catégorie des libertés fondamentales. Certes, la voie de fait, théorie jurisprudentielle dégagée en 1935 par le Tribunal des conflits769(*), constitue également une voie de recours spécifique destinée à protéger les droits et libertés770(*). Toutefois, apparue sous l'ère de l'État légal, « les libertés visées [par cette théorie] étaient celles protégées par le législateur et les atteintes censurées celles de l'administration. Le contexte de la voie de fait est donc celui de la défense des libertés publiques et non celui des droits fondamentaux »771(*).

En revanche, avec l'introduction du référé-liberté fondamentale, c'est un mécanisme de garantie spécialement aménagé pour la protection des droits de la personne humaine qui est mis en place. Ce dernier prévoit la possibilité pour toute personne physique ou morale, française ou étrangère, de droit privé ou de droit public d'obtenir, dans un délai record de quarante-huit heures, la sanction d'une atteinte grave et manifestement illégale portée par l'administration à l'une de ses libertés fondamentales. Pour ce faire, il suffit de faire état d'une situation d'urgence. Sachant que, sur ce point, le juge administratif des référés fait preuve d'une grande souplesse puisque, le plus souvent, la reconnaissance d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale vaut reconnaissance de l'urgence772(*). Susceptible d'ordonner « toutes mesures » nécessaires à la sauvegarde de la liberté, le juge dispose de pouvoirs particulièrement étendus. Il peut se limiter à la suspension de la décision contestée, mais également prononcer des injonctions, au demeurant assorties d'astreintes773(*). Ce faisant, le référé-liberté fondamental, à l'identique des procédures d'urgence ibériques, favorise un renforcement sensible de la protection des droits fondamentaux offerte par le juge. Renforcement intensifié en Espagne et en France par l'existence d'un recours constitutionnel spécialisé dans la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis.

En RDC, le référé-liberté est consacré pour la première fois dans la loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions administratives. En son article 283, le législateur organique indique que « Lorsqu'une décision administrative porte gravement atteinte et de manière manifestement illégale à une liberté publique et/ou fondamentale, le juge des référés saisi par une demande en référé-liberté peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la liberté. Le juge des référés se prononce dans les quarante-huit heures lorsqu'il statue sur une demande en référé-liberté ». Jusqu'au moment de la rédaction de ces lignes, le référé-liberté n'est pas encore actionné dans le domaine de la liberté de manifestation, ce qui limite notre analyse en la matière.

B. Les recours constitutionnels spécialisés dans la protection des droits fondamentaux

L'existence d'une procédure spécialement aménagée pour assurer la protection des droits fondamentaux n'est pas une caractéristique commune à l'ensemble des cours constitutionnelles. Formellement, le Tribunal constitutionnel portugais est dépourvu de toute attribution en la matière774(*). En revanche, une telle voie de droit existe en Espagne et en France. En Espagne, elle prend le nom de recours constitutionnel d'amparo. En France, elle s'intitule question prioritaire de constitutionnalité. Avec pour fonction permanente et principale la protection des droits et libertés constitutionnellement protégés, ces garanties spécifiques contribuent, à leur tour, à un renforcement sensible de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux.

B.1. Le recours constitutionnel d'amparo espagnol

A l'origine d'une littérature on ne peut plus abondante775(*), le recours d'amparo ne saurait faire ici l'objet d'une étude détaillée. Néanmoins, une présentation sommaire de cette voie de droit se révèle indispensable dans la mesure où sa mise en place par le constituant espagnol de 1978 traduit, une fois de plus, la place privilégiée du juge dans la protection des droits fondamentaux.

Puisant ses sources dans le droit foral du Royaume d'Aragon776(*), l'amparo constitutionnel, prévu par l'article 53-2 de la Constitution espagnole3(*)88, peut être défini comme un recours subsidiaire spécialement aménagé pour permettre aux individus de saisir directement le Tribunal constitutionnel en vue d'obtenir la protection de leurs droits fondamentaux. Sa finalité essentielle, pour ne pas dire exclusive777(*), étant, selon les termes même du Tribunal constitutionnel espagnol, « la protection, à l'échelle constitutionnelle, des droits et des libertés [...] lorsque les voies ordinaires de protection se sont avérées insuffisantes »778(*).

La recevabilité du recours, dont l'examen incombe au Tribunal constitutionnel, repose sur la réunion de quatre conditions traditionnelles, auxquelles s'ajoute une cinquième condition depuis la révision de la loi organique portant sur le Tribunal constitutionnel (L.O.T.C.), en date du 24 mai 2007779(*).

En premier lieu, l'article 53-2 de la norme suprême précise que la protection offerte par le recours d'amparo est limitée aux droits et libertés reconnus par l'article 14 et la section 1 du chapitre II de la Constitution, ainsi qu'à l'objection de conscience780(*).

En d'autres termes, il ne peut y avoir de recours d'amparo qu'au cas de violation des droits et libertés prévus par les articles 14 à 30 de la Constitution781(*). C'est-à-dire, pour l'essentiel, les droits-libertés individuels et collectifs, à l'exception notable du droit de propriété consacré par l'article 33 de la Constitution.

En deuxième lieu, seuls les actes des assemblées législatives ou de leurs organes propres dépourvus de valeur de loi782(*), les actes des organes administratifs783(*)et les actes judiciaires784(*)sont susceptibles d'être mis en cause dans le cadre d'un recours d'amparo.

Ce faisant, sont non seulement exclus du champ d'application de cette voie de droit les comportements des particuliers attentatoires aux droits et libertés785(*), mais également les actes de valeur législative786(*).

En outre, l'admission du recours est conditionnée, en vertu de l'article 162-1, b de la Constitution, par l'existence d'un intérêt à agir. Le recours est ainsi ouvert à toute personne physique, nationale ou étrangère787(*), et juridique, de droit privé ou de droit public, en mesure de faire valoir un intérêt né, actuel et personnel788(*).

En plus, le caractère subsidiaire du recours d'amparo conduit le Tribunal constitutionnel à vérifier que le requérant a épuisé l'ensemble des voies de recours devant le juge ordinaire789(*), gardien « naturel » des droits et libertés790(*).

Enfin, la demande d'amparo, depuis la révision de la L.O.T.C. de 2007, n'est recevable qu'à la condition que « le contenu du recours justifie une décision sur le fond de la part du Tribunal constitutionnel en raison de son importance constitutionnelle spéciale »791(*).

Cette nouvelle condition, qui ne va pas sans « objectiver » le recours d'amparo792(*), est directement liée à la nécessité de faire face à l'afflux croissant de recours, source d'encombrement particulièrement alarmant du prétoire du Tribunal constitutionnel.

Lorsque l'ensemble de ces conditions sont remplies, le Tribunal statue sur le fond par la voied'une sentence qui peut soit accorder la protection, soit au contraire la refuser793(*). Si la protection est accordée, l'acte ayant porté atteinte aux droits fondamentaux est annulé. Reste que la seule annulation peut ne pas suffire pour rétablir le requérant dans ses droits. C'est pourquoi l'article 55-1, c, de la L.O.T.C. prévoit la possibilité pour le juge d'adopter des mesures propres à maintenir le rétablissement du droit ou de la liberté violée. En somme, « le Tribunal constitutionnel, par sa sentence, doit mettre tout en oeuvre pour faire cesser l'atteinte qu'il constate [...] »794(*).

B.2. La question prioritaire de constitutionnalité française

Véritable serpent de mer du droit constitutionnel français795(*), le débat quant à la nécessité de mettre en place ce qui est « faussement appelé ''exception d'inconstitutionnalité'' »796(*)a pris fin le 23 juillet 2008797(*), date de la dernière révision constitutionnelle intervenue sous la Ve République et de l'introduction du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité au sein de notre système juridique. Faisant suite au Rapport officiellement remis le 29 octobre 2007 au chef de l'État, par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, cette vingt-quatrième révision constitutionnelle consacre effectivement un article 61-1 nouveau. Aux termes desquels : « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé [...]». Il en résulte que, désormais, tout justiciable peut contester la constitutionnalité d'une disposition législative devant le juge administratif ou le juge judiciaire au motif que cette dernière porte atteinte à l'un de ses droits ou libertés constitutionnellement garanti, à charge pour le juge ordinaire de déterminer si la question doit être transmise au Conseil constitutionnel afin qu'elle soit examinée au fond.

L'avancée du point de vue de l'État de droit est indéniable. S'inscrivant en réaction aux lacunes traditionnelles du système français de justice constitutionnelle, en particulier à l'absence de contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois, la mise en place de cette nouvelle voie de droit permet non seulement aux justiciables de faire valoir les libertés qu'ils tirent de la Constitution, mais également de purger l'ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles798(*). Certes, n'ouvrant droit qu'à un accès indirect au prétoire du Conseil constitutionnel, puisque conditionné par le filtre préalable des juridictions ordinaires, la question prioritaire peut apparaître, notamment pour l'observateur étranger, largement en deçà des mécanismes allemand et espagnol de recours constitutionnel direct.

Pour autant, sa consécration met un terme à une « éternelle exception française »799(*)dans le concert européen de la justice constitutionnelle. En conséquence de quoi la question prioritaire de constitutionnalité, en même temps qu'elle offre un nouveau droit au justiciable, se veut une illustration particulièrement éclatante du perfectionnement constant des mécanismes juridictionnels de garantie des droits et libertés.

Précisée quant à ses modalités d'application par la loi organique du 10 décembre 2009800(*), promulguée après examen préalable du Conseil constitutionnel801(*), la question essentielle entre toutes de constitutionnalité se distingue par son caractère prioritaire802(*).

A savoir que le juge ordinaire doit, lorsqu'il est saisi d'une question de constitutionnalité et d'une question de conventionalité portant sur la même disposition, privilégier la première à la seconde. L'objectif étant d'assurer une revalorisation de la norme constitutionnelle par rapport à la place croissante occupée par le droit européen au sein de l'ordonnancement juridique interne803(*). Si le Conseil constitutionnel est saisi c'est lui qui se prononce dans un délai de trois mois, à la suite d'un débat contradictoire, sur la constitutionnalité de la disposition contestée. Dans l'hypothèse où cette dernière est déclarée inconstitutionnelle, elle « est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision »804(*).

Sur le plan pratique, il est évidemment un peu tôt pour dresser un bilan critique sur cette nouvelle voie de droit. Toutefois, les premiers enseignements s'avèrent globalement positifs805(*).

En dépit d'une certaine résistance de la Cour de cassation806(*), les juridictions ordinaires, notamment administratives807(*), jouent leur rôle de filtre et de transmission des questions sans faire part d'une rétention excessive. Et, auprès du justiciable, la question prioritaire se trouve à l'origine d'un succès, certes mesuré en comparaison du mécanisme de recours direct offert par l'amparo espagnol, mais évident808(*). Ce faisant, l'attribution de cette nouvelle compétence au Conseil constitutionnel contribue, sans nul doute, au renforcement de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux et confirme, par là-même, le statut privilégié du juge au sein du système institutionnel de garantie des droits de la personne humaine.

2. Perspectives pour la République Démocratique du Congo

Thème de prédilection des manuels de droit des libertés fondamentales, voire de droit constitutionnel général, la question des recours juridictionnels de garantie des droits fondamentaux est d'un grand classicisme. Son étude se révèle néanmoins indispensable car les voies de recours actuellement existantes en République Démocratique du Congo et ailleurs semblent, nonobstant des petites tares, on ne peut plus adaptées aux exigences des droits fondamentaux et, de ce fait, conduisent à douter de l'insuffisance du juge pour assurer l'effectivité des droits de la personne humaine. La République Démocratique du Congo s'est efforcée de tirer les enseignements des critiques régulièrement adressées par la doctrine à l'égard des lacunes affectant son système de justice administrative et, surtout, constitutionnelle, et, à l'issu de l'entrée en vigueur de la Constitution du 18 février 2006, a opéré des réformes de grande envergure dans le domaine judiciaire809(*). De sorte que, aujourd'hui, la RDC peut se prévaloir, à l'image d'autres pays, d'un système juridictionnel de garantie des droits et libertés relativement complet.

En effet, il sied de noter que les procédures classiques de contrôle de la constitutionnalité des normes concourent de manière déterminante à la protection des droits fondamentaux. Ce contrôle constitue, à n'en point douter, un facteur de subordination de la loi au respect des droits constitutionnellement garantis. Le contrôle de constitutionnalité des lois, en tant qu'il permet de censurer toute disposition législative liberticide, se présente comme un instrument particulièrement adapté à la protection des droits fondamentaux810(*). Toute déclaration d'inconstitutionnalité prononcée dans le cadre d'un contrôle a priori ou a posteriori est normalement revêtue de l'autorité de chose jugée et conduit à l'annulation erga omnes de la disposition législative censurée.

Ce faisant, on comprend aisément que les procédures de contrôle de la constitutionnalité des lois soient susceptibles de contribuer à la protection des droits constitutionnellement garantis contre l'action du législateur. Toutefois, « la pleine effectivité des droits et libertés ne se satisfait pas du contrôle de conformité de la loi à la Constitution »811(*). Encore faut-il que les autres autorités normatives soient soumises au respect des droits fondamentaux. Or, les procédures de contrôle de la constitutionnalité des normes instaurées RDC permettent également de satisfaire à une telle exigence.

Le législateur n'est pas la seule autorité susceptible de méconnaître les droits fondamentaux, loin s'en faut. Les particuliers, le juge et, surtout, l'administration, de par ses prérogatives de puissance publique et son intervention quotidienne dans la vie des administrés, constituent autant de sources d'atteintes potentielles aux droits et libertés des individus. Par conséquent, la mise en place de mécanismes juridictionnels propres à sanctionner les violations de la Constitution par ces autorités normatives est tout aussi essentielle que l'institution d'un contrôle de la constitutionnalité des lois.

C'est dans cette idée que le constituant congolais de 2006 érige le pouvoir judiciaire en général en garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens et que les lois de la République organisent des voies de recours à même de subordonner les actes de valeur infralégislative au respect des droits et libertés constitutionnellement garantis.

Aux termes de l'article 162, alinéa 2 de la constitution, même les actes règlementaires sont soumis à la censure du juge constitutionnel. Le juge administratif est compétent pour censurer les actes de l'administration violant la loi.

Quant au contrôle de la conformité des actes juridictionnels à la Constitution, la compétence n'en a pas été expressément reconnue à la Cour constitutionnelle dans la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant son organisation et son fonctionnement. Néanmoins, les articles 76 in fine et 83 alinéa 2 de la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire812(*) prévoient que les recours pour violation des dispositions constitutionnelles par les juridictions militaires (y compris par la Haute Cour Militaire) sont portés devant la Cour Suprême de Justice agissant comme Cour Constitutionnelle. Ces dispositions, prises avant l'avènement du nouvel ordre constitutionnel en vigueur en RDC, risque de connaitre des difficultés d'application dans la mesure où la Cour constitutionnelle instituée par la Constitution du 18 février 2006 n'a pas été reconnue compétente, ni par la Constitution ni par la loi organique, pour connaitre la constitutionnalité des actes juridictionnels.

Cette prise de position du constituant s'explique par le fait que la Cour de cassation, instituée aux termes de l'article 153 de la Constitution, connait de la cassation des actes juridictionnels qui violent les traités internationaux dûment ratifiés et les lois de la République. Il faut noter que dans la pratique judiciaire en matière de cassation, l'expression loi est utilisée à son sens large incluant aussi la Constitution.

Cependant, les abus de plus en plus nombreux par les juridictions plaident en faveur d'un contrôle de constitutionnalité des décisions judiciaires, comme dans certains systèmes ou son exercice incombe, du moins en dernier ressort, à la Cour suprême de l'organisation judiciaire ou de l'ordre juridictionnel au sein duquel la décision de justice a été adoptée.

Section 2. La légitimité de la norme de protection de la liberté de manifestation et la nécessité de sa mise en oeuvre

L'institution des normes aux fins de régenter les rapports sociaux demeure une tâche ardue et complexe. Non seulement la norme qui régit le groupe social doit refléter un certain idéal et bénéficier d'une adhésion quasi-automatique de ses destinataires c'est qui fonde sa légitimité (§1), mais aussi les autorités publiques à différents niveaux doivent en faciliter la mise en oeuvre, éventuellement par l'adoption des mesures d'application nécessaires à son effectivité (§2).

§1. La bonne réception de la norme par ses destinataires

La théorie du droit aborde généralement la question de la légitimité de la norme sous l'angle de la validité813(*). Nous partageons la position du positivisme juridique selon laquelle elle n'est pas une condition de la validité814(*). En revanche, la légitimité de la norme favorise son effectivité, pareillement « la légitimité du pouvoir est le fondement (du) devoir d'obéissance »815(*) des sujets de droit. Or, la légitimité du pouvoir passe largement par celle des normes juridiques. Au-delà, comme l'exprime Michel Troper, « dire d'une institution qu'elle est "légitime", c'est dire qu'il est juste qu'elle existe et qu'on doit lui obéir »816(*). Par le vecteur de l'obéissance et de l'adhésion à la norme, sa légitimité constitue une condition de son effectivité.

1. Aperçu du problème

Alors que le positivisme kelsénien a mis de côté l'étude de la légitimité817(*), « il faut insister sur le fait que ce concept est nécessaire à l'explication du fonctionnement des règles de droit car la légitimité est un facteur important de l'effectivité »818(*). Surtout, le droit positif a lui-même cherché à promouvoir la légitimité. En effet, certaines normes secondaires positives ont pour finalité de renforcer la légitimité des normes primaires. Il est donc non seulement possible, mais aussi nécessaire, d'étudier l'apport de ces normes secondaires tournées vers la légitimité sur le plan de l'effectivité de la norme.

Dans cette perspective, il convient de repartir de la pensée de Max Weber sur la légitimité. Celui-ci en a identifié les fondements. Parmi eux, il y a selon lui « l'autorité qui s'impose en vertu de la « légalité », en vertu de la croyance en la validité d'un statut légal et d'une « compétence » positive, fondée sur des règles établies rationnellement, en d'autres termes l'autorité fondée sur l'obéissance qui s'acquitte des obligations conformes au statut établi »819(*). Ainsi, la légitimité peut notamment revêtir un « caractère rationnel, reposant sur la croyance en la légalité des règlements arrêtés et du droit de donner des directives qu'ont ceux qui sont appelés à exercer la domination par ces moyens (domination légale) »820(*). C'est la légitimité légale-rationnelle821(*). Selon cette approche, l'ordre juridique a « pour effet de contribuer à produire une forme de légitimité indépendante des systèmes moraux et politiques »822(*). Pour autant, cela implique simplement que « la domination s'exerce à l'aide de ce principe de légitimité »823(*). Cela ne signifie pas que la légalité, la validité d'une norme est suffisante pour qu'elle soit légitime. Il convient par conséquent de dépasser la légitimité légale-rationnelle pour identifier d'autres facteurs de légitimité. Il ne s'agit pas de contester les conclusions de Max Weber, mais simplement d'admettre que « la légalité ne peut résumer à elle seule l'exercice du pouvoir et faire de la conformité au droit l'unique source de légitimité»824(*).

On doit paraphraser Beccaria « lorsqu'il affirme que toute loi qui ne sera pas établie sur la base des sentiments ineffaçables du coeur de l'homme, rencontrera toujours une résistance à laquelle elle sera contrainte de céder »825(*).

Si la mobilisation de la norme par ses destinataires est indispensable pour que celle-ci puisse déployer ses effets, elle n'est pas suffisante. L'essentiel se joue une fois que l'action en justice a été admise. La réception de la norme par le juge revêt alors une grande importance.

L'interprétation n'est certes pas le monopole du juge. Celle qui en est faite par les autorités en charge de l'application de la norme et par ses destinataires est en effet importante. Ainsi la norme peut-elle produire des effets en dehors de toute saisine du juge et par conséquent en dehors de toute interprétation du juge. Cependant, l'interprétation qui est délivrée par le juge s'impose en principe sur celle qui est effectuée aussi bien par l'auteur de la norme que par les autorités en charge de son application ou par ses destinataires.

Au stade de la réception de la norme, trois rapports d'implication entre un élément du système juridique et l'effectivité de la norme peuvent être mis en évidence. Tout d'abord, l'accès à la justice qui est conféré aux destinataires de la norme leur permet de jouer un rôle actif sur le plan de la primauté du droit sur le fait et in fine de l'effectivité. En mobilisant la norme devant le juge, ils permettent à ce dernier de lui donner effet. L'accès à la justice constitue donc indirectement une condition de l'effectivité. Ensuite, une fois soumise au juge, la norme fait l'objet d'une interprétation qui influence directement son effectivité. Par cette interprétation, le juge est en mesure de déplacer le curseur des effets de la norme, du moins dans le cadre de son application contentieuse. L'interprétation constitue ainsi également une condition de l'effectivité. Elle est d'ailleurs d'autant plus remarquable qu'elle agit directement sur le degré d'effectivité. Enfin, l'effectivité est aussi conditionnée par les pouvoirs dont dispose le juge pour assurer la portée pratique de son interprétation.

Néanmoins, ces trois rapports d'implication ne sont pas stricts. En effet, les trois conditions ici mises en évidence sont imbriquées, si bien que les limites de l'une affectent la portée des autres. La capacité de l'interprétation à influencer le degré d'effectivité est doublement conditionné, d'un côté par l'accès à la justice, de l'autre par les pouvoirs du juge. Le juge ne peut pas interpréter une norme s'il n'est pas préalablement saisi et son interprétation peut demeurer purement théorique s'il ne dispose pas des pouvoirs nécessaires pour en assurer la portée concrète sur la réalité. Les limites qui affectent l'accès à la justice et les pouvoirs du juge tendent ainsi à conférer une souplesse certaine aux trois rapports d'implication mis en évidence. L'accès à la justice, l'interprétation et les pouvoirs du juge sont ainsi des conditions relatives de l'effectivité.

Ainsi convient-il d'élargir l'assise démocratique de la norme et, une fois celle-ci appliquée, d'en évaluer l'impact social c'est-à-dire mettre en évidence des résultats, escomptés ou constatés, de la norme.

La légitimité démocratique des normes composant un ordre juridique résulte traditionnellement, dans un régime démocratique, de la participation de tous à la définition de la volonté générale. En effet, « le pouvoir politique, les règles qu'il édicte ne peuvent avoir d'autre fondement légitime que la volonté des individus »826(*). L'article 5 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 tente une combinaison des deux principales conceptions de la souveraineté populaire et nationale en précisant que « la souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce directement par voie de référendum ou d'élections et indirectement par ses représentants ».

Ce régime de démocratie semi-directe laisse cependant une large part aux mécanismes de représentation. En dehors des rares cas dans lesquelles les normes résultent du référendum, leur légitimité repose sur des mécanismes de représentation. Ces derniers présentent cependant d'importantes limites qui conduisent à relativiser leur capacité à fonder la légitimité des normes. Outre la marginalisation des autres mécanismes démocratiques827(*), ils présentent un risque de confiscation du pouvoir par les représentants. Les limites des mécanismes représentatifs sont cependant suffisamment connues sans qu'il soit besoin de s'y étendre davantage.

L'élargissement de l'assise démocratique de la norme ne passe pas par l'abandon des mécanismes représentatifs, mais par un double mouvement : leur renforcement d'une part, et leur dépassement d'autre part.

L'évaluation des normes vise à mesurer leurs résultats. Il s'agit ainsi de savoir si les objectifs fixés sont susceptibles d'être atteints c'est l'évaluation a priori ou s'ils ont été atteints - c'est l'évaluation a posteriori. L'évaluation normative se rapproche ainsi de la mesure de l'efficacité des normes sur la société. Elle peut être définie comme « l'ensemble des analyses basées sur l'emploi de méthodes scientifiques et portant sur la mise en oeuvre et les effets d'actes législatifs »828(*). Il en va de même pour les autres variétés de normes.

En principe, l'évaluation porte en premier lieu sur les effets juridiques de la norme. Son entrée en vigueur, l'adoption de ses actes d'application, son contenu déontique, la jurisprudence y afférant, sa cohérence globale, sa pratique, sont passés au crible. La doctrine a insisté sur l'importance de ce type d'appréhension. Ainsi, « une évaluation de l'application pratique de règles juridiques passe d'abord par un travail de description et d'analyse de leur contenu, de leurs articulations internes et avec les autres composantes de l'ordre juridique d'appartenance, des opérations ou situations qu'elles tendent à ou peuvent autoriser, favoriser, dissuader »829(*). Dans ce contexte, une évaluation de l'article 26 de la constitution du 18 février 2006 s'impose. Il y a plus d'une décennie que la liberté de manifestation a été consacrée, sans que la loi portant mesures d'application ne soit formellement promulguée. Cette carence favorise une imprécision persistante sur la portée de l'information écrite préalable à toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air instituée par le constituant de 2006, avec comme conséquence une faiblesse de production jurisprudentielle ; la cohérence globale s'en sort affectée notamment par les difficultés d'interprétation de la règle de l'article 26 tant par le juge, par l'administration que par les citoyens, le tout débouchant par une confusion dans la pratique des manifestations publiques en RDC.

En second lieu, sont évalués les effets de la norme sur la société dans son ensemble, pas seulement ses effets à l'intérieur de l'ordre juridique. C'est la partie la plus délicate. Il s'agit d'évaluer les effets budgétaires, économiques, sociaux ou encore environnementaux d'une norme. En l'espèce, il s'agit des réparations civiles incombant à l'État à l'issu de l'exercice par les citoyens de leur liberté de manifester.

Après l'élargissement de l'assise démocratique de la norme, l'évaluation constitue donc un second gisement de légitimité. En effet, « on ne peut plus désormais ignorer que le pouvoir trouve aussi sa justification dans ses réalisations »830(*), au point « de faire de l'efficacité un critère de légitimité (...). On n'obéit pas seulement pour ce que sont les règles qui conditionnent l'action, mais aussi pour ce qu'on pense que sont les résultats de cette même action »831(*). Certains auteurs affirment même que « désormais, ce n'est plus la comparaison avec les termes de la loi qui légitime l'action de l'État, mais c'est le différentiel mesuré entre le but visé par une politique publique et les effets observés dans la réalité du terrain »832(*).

Ainsi, la légitimité « ne réside plus dans la seule légalité de la norme ni dans les valeurs qu'elle incarne, mais bien dans l'efficacité de ses effets »833(*). C'est une des conditions pour « remporter l'adhésion »834(*). La mesure de l'efficacité de la norme, de ses résultats, influence sa légitimité et in fine son effectivité.

La France a connu une « institutionnalisation tardive et inachevée »835(*) de l'évaluation des décisions publiques. En République Démocratique du Congo, pareil mécanisme n'a pas encore vu le jour. A notre connaissance, aucun dispositif général de l'évaluation normative n'existe dans notre système juridique, ce qui constitue un vide que des réformes futures pourraient bien combler.

2. Prospectives congolaises : une éducation au droit de l'homme et au constitutionnalisme populaire

Les lois sociales ont leurs consommateurs ; ce sont tant les citoyens dont elles régissent les rapports sociaux que les pouvoirs publics qui sont chargées d'appliquer lesdites lois au quotidien ; pour une population constituée d'environ 80 % d'analphabètes alors que les lois sont rédigées et publiées en français, l'accès au contenu des lois par la majeure partie des citoyens demeure encore sujet à caution. Cette inadéquation entre les pouvoirs publics, les lois et l'un de principaux acteurs qu'est le peuple, est de nature à semer un terrible imbroglio et l'ineffectivité des normes de l'État.

Nous considérons que la démocratie en RDC suppose un peuple ayant reçu une éducation constitutionnelle et qui saura se détourner d'un déposte. Certes, la Constitution de la RDC impose aux pouvoirs publics le devoir de promouvoir et d'assurer, par l'enseignement, l'éducation et la diffusion, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales du citoyen qu'elle énonce. Elle impose pareillement aux mêmes pouvoirs publics le devoir d'assurer la diffusion et l'enseignement de la Constitution et des autres instruments des droits de l'homme836(*).

Mais, cette éducation faite par l'État ne sera pas utile à la cause de la liberté tant l'État aura la tentation de l'instrumentaliser au service de sa propre autorité. Dans le contexte de la RDC, l'ignorance des droits fondamentaux est plutôt de nature à profiter aux pouvoirs publics qui, non seulement seront réticents à déférer à cette injonction constitutionnelle, mais aussi seront portés à orienter ladite éducation au mépris de la liberté.

Ainsi, la vraie éducation constitutionnelle doit être l'oeuvre des partis politiques et des organisations de la société civile. Les premiers sont chargés de par la constitution de contribuer au renforcement de la conscience nationale et à l'éducation civique et peuvent de ce fait, procurer l'éducation constitutionnelle à ses membres ; les secondes, en tant que destinataires des droits fondamentaux, ont tout intérêt à mettre en place une stratégie d'auto-défense contre les atteintes à leurs droits fondamentaux, par l'application des garanties constitutionnelles et des lois de leur mise en oeuvre.

§2. Les mesures d'application de la norme

La mise en oeuvre est définie en science politique comme « toutes les étapes post-parlementaires d'une politique publique prise en charge par l'administration »837(*). Mais envisager la mise en oeuvre dans un contexte strictement juridique implique d'ajuster cette définition838(*). Il faut ainsi restreindre la définition à ses seuls aspects juridiques. Ainsi, en droit, la mise en oeuvre représente « tout ce qui contribue à la concrétisation de la règle de droit »839(*). Dans le contexte du droit public interne, la mise en oeuvre renvoie principalement aux moyens juridiques par lesquels les normes constitutionnelles, législatives et réglementaires sont concrétisées.

La mise en oeuvre de la norme implique d'une part l'adoption des dispositions inférieures nécessaires à son application et d'autre part, la pertinence de la mise en oeuvre, et ainsi la réalisation des effets de la norme, est conditionnée par le choix des instruments utilisés.

Pour Kelsen, « l'application d'une norme juridique consiste soit à créer une autre norme, soit à exécuter l'acte de contrainte prévu par une norme »840(*). La première branche de cette alternative implique l'adoption des normes visant à l'application de normes supérieures correspond à ce que la doctrine anglo-saxonne dénomme l'« implémentation ». Ainsi, « relève de l'implémentation toute mesure utile à la mise en oeuvre de la règle juridique »841(*). Si l'on s'en tient à l'ordre juridique interne, la situation est contrastée selon que l'on s'intéresse à la mise en oeuvre de la Constitution ou des lois et règlements. La mise en oeuvre des lois et règlements constitue la mission classique du pouvoir exécutif et le droit administratif en a fait depuis longtemps une obligation juridique. En revanche, alors que celle-ci peut sembler aller de soi, la mise en oeuvre de la Constitution ne fait pas l'objet d'une obligation juridique explicite.

Plusieurs constitutions ne consacrent pas clairement l'obligation de mettre en oeuvre la Constitution à travers des normes d'application. Si l'adoption des lois organiques permet de préciser le fonctionnement des institutions, les droits fondamentaux constitutionnels demeurent parfois dépourvus de mesures d'application. Le juge comme la doctrine congolaise demeurent encore silencieux sur cette question pourtant de grande importance en droit constitutionnel. Une problématique pareille mérite d'être soulevée en droit administratif concernant la mise en oeuvre des dispositions législatives par l'administration.

La question est celle de savoir s'il existe formellement une obligation pesant sur le législateur de mettre en oeuvre une disposition constitutionnelle. La réponse peut être tirée de l'analyse des articles 122, point 1 de la constitution du 18 février 2006 ainsi d'autres dispositions dont l'article 26. Il ressort de ces dispositions que le constituant habilite expressément le législateur à fixer les règles permettant aux citoyens la jouissance et l'exercice de leurs droits fondamentaux consacrés par la constitution.

L'obligation de légiférer peut ainsi être inférée d'un double argument : d'abord, il est admis tant par la doctrine que par la jurisprudence que l'emploi de l'indicatif correspond à l'impératif. L'emploi de l'indicatif à l'alinéa 4 de l'article 26 doit être appréhendé comme une injonction faite par le constituant au législateur d'adopter la loi portant « mesures d'application » de la liberté de manifestation. Cet impératif est de nature à générer une obligation842(*) dans le chef du législateur ; ensuite, le conseil constitutionnel français a, par plusieurs décisions, été amené à examiner le texte de loi, et à apprécier s'il y a eu incompétence négative du Législateur. Ce faisant, il trace les contours d'une obligation pour le Législateur, celle d'exercer sa compétence, donc de légiférer. C'est un développement jurisprudentiel un peu singulier car cette obligation ne ressortait pas complètement du texte constitutionnel français. Cette percée jurisprudentielle du juge français jette les bases d'une réflexion sur une possible obligation pesant sur les épaules du législateur de mettre en oeuvre la Constitution.

Section 3. L'exigence d'un service public de la justice de qualité

Pierre angulaire de l'État de droit, le juge, eu égard à son indépendance, son impartialité et, surtout, sa capacité à prononcer l'annulation des actes portant atteinte aux droits fondamentaux, est classiquement appréhendé comme « le mode de contrôle le plus abouti et le plus efficace »843(*). Parce que, sans sa présence, les droits et libertés sont menacés de rester platoniques, le juge est ainsi érigé au rang de pièce maîtresse du système institutionnel de garantie. Loin de demeurer purement théorique, cette conception du juge gardien privilégié des libertés fondamentales est largement corroborée par le droit positif congolais, du moins en théorie.

La réalité se dessine autrement en RDC. Victimes des exactions de toutes sortes de la part tant des détenteurs du pouvoir politique que du pouvoir économique pour ne citer que ceux-ci, la plupart des congolais ne peuvent malheureusement pas compter sur la justice officielle pour être rétablis dans leurs droits. Le nombre insuffisant des institutions judiciaires, leur mauvaise répartition sur le territoire national et le dysfonctionnement des audiences foraines, ... font de cette justice un luxe réservé à quelques citadins. Encore faut-il que ceux-ci non seulement aient une bonne connaissance du droit, qu'ils disposent des moyens conséquents pour satisfaire les appétits insatiables du personnel judiciaire et qu'ils n'aient pas à faire à des procédures complexes ou qui trainent indéfiniment en longueur. Tout cela ne garantit pas cependant l'exécution des décisions judiciaires qui pourraient être prononcées en leur faveur. Il y a là autant de raisons à la base de la persistance des juridictions de droit coutumier et de l'exploration des modes alternatifs des règlements des conflits.

Pourtant, dans un système administratif comme celui de la RDC où l'exigence de la démocratie à la base requiert également le recours constant aux pratiques démocratiques, l'exercice de la liberté de manifestation devrait être regardée comme l'affaire de tous et à tous les niveaux.

Si la justice est rendue en RDC au nom du peuple par des organes étatiques institués à cet effet, la qualité du service qu'ils rendent en cette matière n'est pas à l'abri des critiques les plus virulentes (§2) ; et pourtant, c'est par le droit fondamental au juge que se mesure l'effectivité d'un droit ou d'une norme qui la consacre (§1), ainsi que le démontrent les sursauts réalisés dans les droits positifs des autres pays. Cette modalité de protection a fait l'objet de développements constants, traduction d'une recherche d'effectivité toujours plus grande des droits de la personne humaine, par la mise en oeuvre des recours spéciaux devant le juge (§3) ; nous allons explorer tant les recours spéciaux prévus dans les pays de la comparaison que celui consacré récemment en droit positif congolais. En outre, le juge, à travers son oeuvre, est appelé à intervenir efficacement dans l'exercice de la liberté de manifestation (§4).

§1. La recherche d'effectivité de la garantie juridictionnelle par le prisme du droit fondamental au juge

Classiquement appréhendé comme le « Corollaire indispensable de l'État de droit »844(*), le « droit des droits »845(*) ou, encore, le « bouclier des autres droits fondamentaux »846(*), le droit au juge847(*) constitue la pierre angulaire de l'édifice des droits fondamentaux848(*). Parce que sans son affirmation les droits et libertés courent le risque de se retrouver orphelins de toute protection, celui-ci « devient le premier des droits fondamentaux dont l'effectivité doit être à son tour assurée »849(*).

Certes, le droit au juge, de par sa vocation à structurer l'ensemble de l'ordonnancement juridique850(*), ne se limite pas au seul domaine des droits de la personne humaine851(*). Il demeure néanmoins incontestable que son apport en la matière se veut particulièrement prononcé dans la mesure où l'existence des droits fondamentaux est conditionnée par la présence d'un juge susceptible de sanctionner les atteintes qui leur sont portées. C'est pourquoi la consécration du droit à un recours juridictionnel effectif, en même temps qu'elle confirme le rôle décisif du juge au sein du système institutionnel de protection des droits et libertés, constitue un élément à part entière du processus de développement de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux.

Cette thèse n'entend pas épuiser la problématique du droit au juge. Il s'agit seulement de démontrer que ce droit, de par sa reconnaissance unanime (a) et son contenu particulièrement extensif (b), traduit une volonté évidente d'effectivité de la protection juridictionnelle des droits fondamentaux.

1. Une reconnaissance unanime

Explicitement consacré par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, le droit fondamental au juge fait également l'objet d'une reconnaissance sans équivoque à l'échelle régionale et nationale852(*). A cet endroit, il importe toutefois de préciser que la situation française étonne considérablement par rapport à celle de l'Espagne et du Bénin. Ces pays consacrent explicitement le droit à une protection juridictionnelle effective tant au sein de leur texte constitutionnel que par la progression de la jurisprudence. En RDC, l'article 19 de la constitution du 18 février 2006 consacre, sans équivoque, le droit au juge. Or, cette reconnaissance unanime de ce droit participe sans nul doute d'une recherche d'effectivité de la protection juridictionnelle des droits de la personne humaine.

En effet, ainsi consacré au rang de norme supralégislative, le droit à un recours juridictionnel se voit placé hors de portée des majorités politiques et, ce faisant, jouit du même régime de protection que les autres droits fondamentaux853(*). Les différentes déclinaisons du droit au juge, précisées par les jurisprudences nationales, offrent à ce droit fondamental un champ d'application particulièrement large, source de confirmation de la recherche d'effectivité de la protection juridictionnelle.

2. Un champ d'application large

Postulant « la possibilité d'avoir accès à un juge de qualité, c'est-à-dire le droit à une protection juridictionnelle effective à tous les stades du procès »854(*), le droit au juge repose sur un triptyque selon lequel tout individu doit pouvoir librement accéder à un tribunal répondant à certains standards de bonne justice et dont les décisions sont effectivement exécutées855(*). De cette acception particulièrement étendue du droit au juge découle une volonté de consolidation de la garantie juridictionnelle et, par là-même, de l'ensemble des droits et libertés. Puisque, dès l'instant où la protection juridictionnelle se trouve renforcée, les droits fondamentaux, dont la concrétisation est largement conditionnée par la capacité du juge à en sanctionner les atteintes, ne peuvent que gagner en effectivité856(*).

Le droit d'accès à un juge et le droit à une bonne justice tombant sous le coup des sens, ne feront pas l'objet d'amples développements. Notre attention va se focaliser sur l'impérieuse nécessité de l'exécution des décisions de justice comme composante indispensable du droit au juge.

3. Le droit à l'exécution des décisions de justice

Conscient que « le droit d'accès à un tribunal serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un État contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie [...] »857(*), le juge européen considère, depuis son arrêt Hornsby c. Grèce du 19 mars 1997, « [...] que la notion de procès équitable couvre non seulement l'accès au juge et le déroulement de l'instance, mais également la mise en oeuvre des décisions judiciaires »858(*). Autrement dit, il découle de l'article 6§1 de la Convention européenne une obligation pour les autorités étatiques d'exécuter les décisions de justice rendues contre elles.

Cette position de principe, loin d'être spécifique à la Cour de Strasbourg, se trouve au contraire relayée par les juridictions nationales. Le Tribunal constitutionnel espagnol considère par exemple que le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif implique, au-delà du droit à une décision, soit-elle favorable ou défavorable859(*), le droit à son exécution et à son intangibilité860(*). Dans un sens similaire, le juge constitutionnel portugais précise qu'à partir du moment où la décision du tribunal est prononcée, le justiciable est en droit de revendiquer son exécution et son effectivité861(*). Et si la jurisprudence française semble moins aboutie sur ce point, le Conseil constitutionnel a tout de même donné une force particulière au droit à l'exécution des décisions de justice lors de l'examen de la loi relative à la lutte contre les exclusions. Il a effectivement affirmé que seules « des circonstances exceptionnelles tenant à la sauvegarde de l'ordre public » sont susceptibles de permettre une dérogation à la règle selon laquelle tout jugement peut donner lieu à une exécution forcée862(*).

La Constitution congolaise du 18 février 2006 n'est pas restée en marge de cette évolution. Les alinéas 1 et 2 de l'article 151 tendent à donner un contenu au principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire en ces termes :

« Le pouvoir exécutif ne peut donner d'injonction au juge dans l'exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s'opposer à l'exécution d'une décision de justice. Le pouvoir législatif ne peut ni statuer sur des différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s'opposer à son exécution ».

De l'analyse de cette disposition on peut inférer que le droit à l'exécution des décisions de justice est consacré au bénéfice des citoyens en République Démocratique du Congo. On relève cependant dans les faits des obstructions récurrentes - ouvertes ou voilées - à l'exécution des décisions justices dont se rendent coupables les autorités relevant tant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif que du pouvoir judiciaire lui-même.

Quoi qu'il en soit, cette extension du droit fondamental au juge s'inscrit, une fois de plus, dans une perspective de renforcement de la protection juridictionnelle des droits fondamentaux étant donné qu'elle tend à s'assurer que les décisions de justice, dont celles touchant au domaine des droits et libertés, ne demeurent pas purement déclaratoires et théoriques. L'objectif ici poursuivi est on ne peut plus clair : permettre au justiciable de jouir effectivement de la protection des droits fondamentaux offerte par le juge. Car, à quoi bon affirmer le droit à recours juridictionnel, aussi respectueux soit-il des exigences que sont celles d'une justice de qualité, si les décisions rendues par le juge ne sont pas respectées.

Animé par le souci d'assurer l'effectivité de la protection juridictionnelle des droits et libertés, le droit au juge, de par ses différentes déclinaisons que sont la possibilité d'accéder à tribunal, le droit à un « bon » juge et l'obligation d'exécution des décisions de justice, favorise non seulement le libre accès des individus à un tribunal, mais également le développement d'une justice de qualité. En cela, l'accession de la garantie juridictionnelle au rang de droit fondamental contribue à asseoir un peu plus encore le statut privilégié du juge au sein du système institutionnel de protection des droits fondamentaux.

Avec un ton sévère, Omeonga Tongomo clame la gravité de la non-exécution des décisions de justice. Cet auteur suggère que soit engagée la responsabilité pénale de l'agent public réfractaire à l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative. Il s'inscrit dans un schéma de criminalisation de tout refus d'une autorité administrative d'exécuter la décision rendue par le juge administratif863(*). Dans le contexte de la liberté de manifestation en RDC, cette suggestion reste d'une redoutable validité. En effet, l'expérience récente du contentieux des élections des gouverneurs et vice-gouverneurs du Sankuru et du Sud-Ubangi démontre à suffisance la réticence des agents publics à déférer aux injonctions du juge administratif. Certes, cette attitude des autorités de la CENI a été quelque peu sous-tendu par l'inoffensivité de la décision administrative à l'égard de l'auteur d'un acte litigieux. Des poursuites pénales à l'encontre des auteurs de pareils actes sont de nature à dissuader avec efficacité.

§2. Les défis d'une bonne administration de la justice en RDC

« La justice reste infectée par plusieurs maux », déclarait le ministre de la justice Alexis Thambwe Mwamba devant le Conseil supérieur de la magistrature au cours d'une cérémonie officielle864(*). L'un d'eux c'est la lenteur des procédures. Une étude menée par AFRIMAP et Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA)865(*) va nous servir de référence pour mettre en exergue les principaux d'entre eux.

1. Les défis liés aux structures de la justice

Un des principaux obstacles à l'accès à la justice est l'insuffisance des tribunaux. En plus de leur nombre réduit, les tribunaux sont mal repartis sur le territoire national. L'organisation des audiences foraines permettant aux tribunaux de siéger dans les localités situées en dehors du lieu habituel de leur audience était censée répondre au problème d'éloignement et de la mauvaise répartition géographique des tribunaux. Les audiences foraines font cependant face à d'énormes difficultés d'organisation et de respect des principes de procès équitable.

A. Insuffisance des juridictions

Véritable sous-continent de 2.345.000 kilomètres carré et plus de 60.000.000 d'habitants, la RDC ne compte guère que 230 juridictions et offices de parquet, soit une juridiction et office de parquet pour environ 10.196 kilomètres carré et 285.714 habitants448. Le nombre d'institutions judiciaires disponibles dans ce pays est très bas au regard des besoins et des standards internationaux en la matière estimés, selon le Ministre de la justice et des droits humains, à une institution judiciaire pour 3000 kilomètre carré449. Dans la pratique, l'insuffisance des institutions judiciaires en RDC se traduit dans la vie de la majeure partie de la population par une sorte de vide judiciaire. Pour ne citer que cet exemple, selon Marc Dubois, ancien coordonnateur du projet relatif à la Restauration de la Justice au Congo (Rejusco), il a fallu que ce programme financé par notamment par la Commission européenne organise des audiences foraines pour que « certaines populations qui n'avaient plus vu un juge depuis l'époque coloniale » puissent porter leurs affaires devant la justice866(*).

B. Mauvaise répartition des juridictions

Un des paramètres qui devra être pris en compte au moment de l'élaboration du plan d'installation de nouvelles juridictions est la répartition de ces juridictions sur l'étendue du territoire national. A ce jour, en effet, la répartition des juridictions sur le territoire national n'est pas de nature à favoriser l'accès à la justice pour tous. A titre d'exemple, du fait que les sièges de la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation et du Conseil d'État sont situés à Kinshasa, au nord-ouest du pays constitue un obstacle non négligeable à l'accès à la justice constitutionnelle pour la plupart des populations du Sud et de l'Est du pays situées parfois à plus de 2000 kilomètres de cette ville.

De manière générale, les sièges de toutes les juridictions sont situés aux chefs-lieux des circonscriptions administratives. Il s'en suit beaucoup de difficultés d'accès auxdites juridictions par les populations habitant loin de ces chefs-lieux. Dans la province du Nord Kivu, par exemple, tant le siège de la Cour d'appel que celui du Tribunal de grande instance de Goma sont situés à Goma.

C. Dysfonctionnement des audiences foraines

L'organisation régulière des audiences foraines aurait pu atténuer les effets négatifs de l'éloignement des juridictions. Ces audiences sont malheureusement confrontées à plusieurs défis. Selon le professeur Bayona ba Meya : « il a été constaté qu'à l'intérieur du pays, là où ont été installés les tribunaux de paix, les activités juridictionnelles de ces tribunaux se limitent aux seuls chefs-lieux de communes, laissant l'arrière-pays sans justice de paix, l'itinérance ne pouvant s'effectuer dans l'ensemble du ressort de ces tribunaux, faute de moyens de transport que le pouvoir exécutif ne met pas à leur disposition867(*) ».

A ce jour, grâce au concours des partenaires en développement, quelques audiences foraines peuvent être recensées, particulièrement dans les provinces de l'Est du pays. Sans vouloir mettre en doute la contribution apportée par lesdites audiences à l'accès effectif à la justice par les congolais, nous ne pouvons-nous empêcher de déplorer un certain nombre de faiblesses qui les caractérisent. En premier lieu, ces audiences ne sont organisées que dans certaines provinces, essentiellement de l'Est au détriment d'autres, notamment au Kasaï Occidental, Bandundu ou Equateur. Il y a donc là une espèce de discrimination géographique. En deuxième lieu, il est arrivé que la tenue des audiences foraines se réalise au prix de la paralysie des sièges des juridictions qui les organisent et ce au mépris de l'article 47 de la loi organique portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l'ordre judiciaire qui dispose, que « l'itinérance ne peut empêcher le fonctionnement de la juridiction au siège ordinaire ». Au Maniema, par exemple, il a été signalé qu'un prévenu bénéficiaire d'une décision d'acquittement est resté en détention pendant près de trois mois avant d'en être notifié au retour à Kindu, localité de détention, des juges du tribunal de grande instance de Kindu partis en audience foraine. Troisièmement, il nous semble que des dispositions ne sont pas prises pour que la République Démocratique du Congo assume progressivement ses obligations en matière judiciaire en se dotant d'un plan d'organisation des audiences disciplinaires tenant dûment compte des besoins en présence et en mobilisant, dans son budget annuel, les ressources financières nécessaires à la mise en oeuvre dudit plan. A défaut, il suffira que les partenaires en développement mettent fin à leur aide pour que les justiciables tombent dans une situation plus grave que celle qui prévalait avant l'organisation des audiences foraines. Tel nous semble le cas, du moins de manière relative étant donné que quelques partenaires essaient quand même tant bien que mal d'assumer la relève, dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu ainsi que dans l'Ituri aux lendemains de la fermeture de REJUSCO et en attendant son remplacement par Uhaki Safi. Il ne sert à rien, en effet, de susciter des besoins auxquels l'on n'est pas en mesure de satisfaire.

Ce qui risque d'être le cas des audiences foraines qui peuvent contribuer, lorsqu'elles sont bien menées, à faciliter l'accès à la justice.

2. Les défis liés au fonctionnement de la justice

L'un de grands défis liés au fonctionnement de la justice en RDC demeure la lenteur de l'appareil judiciaire congolais. Pour autant, la seule existence des organes juridictionnels ne saurait suffire à assurer l'exercice des droits et libertés. Ce qui importe également c'est l'existence de voies de recours susceptibles de satisfaire aux besoins des droits fondamentaux et aux attentes de leurs bénéficiaires. Les systèmes juridictionnels congolais et ceux des pays ciblés par cette recherche semblent répondre à cette exigence dans une large mesure.

§3. L'instauration d'un contrôle rigoureux de la limitation des droits fondamentaux

Il est classiquement admis que les droits fondamentaux ne sont pas des droits absolus mais des droits limitables868(*), « soit que ces limites résultent expressément de la Constitution, soit qu'elles n'en résultent que de façon médiate et indirecte dès lors qu'elles se justifient par la nécessité de protéger, non seulement d'autres droits constitutionnels, mais aussi d'autres biens constitutionnellement protégés »869(*). Pour autant, la limitation des droits fondamentaux ne saurait être, elle-même, illimitée parce que, si tel était le cas, elle conduirait à leur disparition. C'est pourquoi, s'agissant de la liberté de manifestation, le juge est appelé à contrôler les actions préventives (1) et répressives (2) de l'autorité publique ; généralement, les limitations par le législateur doivent être interprétées de façon restrictive. Cette problématique classique de « la limitation des limites »870(*) conduit le juge à vérifier que l'intervention du législateur ou de toute autorité normative est nécessaire et proportionnelle et, surtout, ne dénature pas les droits constitutionnellement garantis.

1. Le contrôle des actions étatiques préventives

Dans l'exercice de la police administrative, l'action de l'autorité administrative est susceptible de porter atteinte au droit de manifester. Il s'avère dans ce cadre, une nécessité de contrôler son comportement pour une meilleure protection.

A. Le contrôle de la déclaration préalable

Certains États - dont la République Démocratique du Congo - ont mis en place un régime de déclaration préalable, qui se traduit classiquement par l'obligation d'avertir la police avant la manifestation, selon un délai fixé par la loi. Le contrôle des restrictions à la liberté de manifester suppose une appréciation rigoureuse de leur « nécessité ». Cette restriction est nécessaire si elle permet aux autorités de s'assurer du caractère « pacifique » du rassemblement871(*).

Aujourd'hui, il est bien établi que « subordonner la tenue d'une réunion sur la voie publique à une procédure d'autorisation préalable ne porte pas atteinte en principe à la substance du droit de réunion pacifique »872(*). Le droit de manifester de manière spontanée ne peut primer l'obligation de notifier au préalable la tenue d'un rassemblement que dans des circonstances spéciales, notamment s'il est indispensable de réagir immédiatement à un événement par une manifestation873(*).

B. Le contrôle des interdictions

Pour la Cour européenne des droits de l'homme874(*), les menaces pour la sécurité ou l'ordre public doivent être suffisamment caractérisées pour justifier une interdiction. La « nécessité » de l'interdiction s'apprécie au regard d'un « besoin social impérieux », qui rend impossible l'exercice de la liberté de manifester. Le caractère légal ou illégal de la manifestation dans le droit interne de l'État concerné n'entre pas en considération. La Cour refuse de se laisser enfermer par la qualification par le droit interne. C'est ainsi que le fait, pour les autorités turques, de requalifier une conférence de presse tenue par des militants kurdes en manifestation interdite n'a pas pour effet de faire sortir ce rassemblement du champ d'application de l'article 11 de la Convention875(*). Au contraire, des mesures radicales d'interdiction, en l'absence de violence, desservent la démocratie, voire la mettent en danger876(*).

Si les risques de troubles à l'ordre public ne sont pas établis, dès lors que la manifestation s'annonce pacifique, l'interdiction sera jugée non conventionnelle, parce que sa nécessité ne sera pas prouvée.

La Cour européenne a considéré que la décision du Maire de Varsovie d'interdire un défilé visant à protester contre les discriminations à l'égard des minorités homosexuelles ne reposait pas sur une nécessité. La mairie justifiait cette interdiction par le fait que les organisateurs du rassemblement n'avaient pas fourni de « plan d'organisation de la circulation », et que les manifestants risquaient de se heurter à d'autres militants défendant des idées opposées.

La Cour rejette chacun de ces arguments et observe qu'aucun « plan d'organisation de la circulation » n'était exigé des organisateurs de rassemblement. Il appartenait aux autorités de police de garantir l'ordre public lors d'une manifestation dont rien ne laissait supposer le caractère non pacifique877(*). En outre, elle a appliqué de manière combinée les articles 11 et 14 de la Convention, pour juger qu'est discriminatoire ce refus opposé par le maire à une association militant en faveur des homosexuels, d'organiser un défilé et des rassemblements, en vue de protester contre les discriminations878(*).

Dans le même sens, la Russie a été condamnée pour avoir interdit des manifestations au soutien de la cause homosexuelle. Le Maire de Moscou avait régulièrement interdit l'organisation de « gay pride » au motif que l'homosexualité serait contre-nature, invoquant des risques de troubles entre les manifestants et leurs opposants c'est-à-dire le contre manifestants. La Cour a rappelé que la liberté de réunion s'exerce même si elle risque de « gêner ou offenser des personnes opposées aux idées ou revendications », exprimées lors de la manifestation. S'agissant des troubles, le risque de violence était réduit et donc insuffisant pour justifier une interdiction879(*).

En ce sens, les autorités excèdent leur marge d'appréciation, lorsque l'opposition à une réunion pacifique ne repose pas sur « un véritable risque prévisible d'action violente, d'incitation à la violence ou de toute autre forme de rejet des principes démocratiques »880(*). Le placement en détention de deux hommes, durant plus de cinq jours pour les empêcher de manifester contre la tenue d'un sommet G8, alors qu'ils n'encouraient aucune poursuite pénale, constituait une violation, tant de leur droit à la sûreté, qu'à leur liberté de réunion pacifique881(*).

La Hongrie a également été condamnée sur le fondement de la violation de l'article 11 au sujet de l'interdiction d'une manifestation projetée par un groupe de 20 personnes en vue d'afficher leur mécontentement face au non-paiement de leurs créances par une société privée, devenue insolvable882(*). Les vingt participants projetaient de rester alignés en silence sur le trottoir devant la maison du Premier ministre, lieu suffisamment vaste pour laisser passer les autres piétons pendant la manifestation.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas certain que les manifestants aient effectivement gêné le trafic routier ou la circulation des bus et rien ne permet de dire qu'ils auraient été violents ou présentaient un danger pour l'ordre public. La Cour rappelle que l'interdiction des manifestations peut poursuivre le but légitime de prévenir le désordre et de protéger les droits d'autrui, mais ici l'interdiction était disproportionnée et n'était pas nécessaire.

Les positions de la Cour démontrent à suffisance combien les troubles à l'ordre public constituent le seul motif valable d'interdiction d'une manifestation. Le contrôle des interdictions ne trouve sa vraie substance que lorsqu'il consiste en un contrôle des motifs de l'interdiction. Le juge constitutionnel béninois est très actif en cette matière, de même que le tribunal constitutionnel espagnol et le juge administratif français. Le juge administratif et constitutionnel congolais devraient suivre l'exemple de leurs homologues d'autres pays pour jouer véritablement leur rôle de vivier de la démocratie et du constitutionnalisme en RDC.

2. Le contrôle des actions répressives

Si les autorités nationales jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour estimer les risques d'atteinte à l'ordre public, il n'en demeure pas moins que les actions répressives, comme les actions préventives, soient examinées à l'aune de leur nécessité, de leur proportionnalité et de leur caractère raisonnable.

A. Le contrôle des poursuites engagées

Les menaces pour la sécurité ou l'ordre public doivent être suffisamment caractérisées pour justifier les poursuites pénales et judiciaires engagées contre les participants et les sanctions qui leur sont infligées. Dans l'arrêt Ezelin883(*), la sanction disciplinaire infligée à un avocat qui avait participé à une manifestation a été jugée contraire à l'article 11, une telle restriction au droit de manifester ne présentant aucun caractère de « nécessité ». Pour apprécier la proportionnalité de la mesure, la Cour européenne des droits de l'homme prend en considération la nature des manifestations. Elle met en balance les impératifs de l'ordre public et « ceux d'une libre expression par la parole, le geste ou même le silence, des opinions de personnes réunies dans la rue ou d'autres lieux publics ». Elle se livre à un contrôle approfondi des mesures d'interdiction, estimant que les idées politiques qui contestent l'ordre établi par des moyens pacifiques doivent pouvoir s'exprimer, tant par la liberté de réunion que par d'autres moyens légaux.

En revanche, il est possible d'interpeller un chauffeur routier qui bloque la circulation dans le cadre d'une opération « escargot ». Dans l'arrêt du 5 mars 2009 Barraco contre France", il a été jugé que la condamnation du requérant constitue « une ingérence des autorités publiques dans son droit à la liberté de réunion pacifique, qui englobe la liberté de manifestation ». Pour autant, l'ingérence a une base légale (art. L. 412-1 du Code de la route) et est ainsi « prévue par la loi » au sens de l'article 11, §2, de la Convention. Cette ingérence poursuivait l'un des buts énoncés à l'article 11 : à savoir la protection de l'ordre et la protection des droits et libertés d'autrui. La condamnation pénale du requérant n'apparaît pas disproportionnée au regard des buts poursuivis. Pour la Cour, « l'obstruction complète du trafic va au-delà de la simple gêne occasionnée par toute manifestation sur la voie publique ».

Une même solution sera apportée, quelques années plus tard, dans l'arrêt de Grande chambre du 15 octobre 2015, Kudrevicius et a. contre Lituanie884(*). Cinq agriculteurs avaient été condamnés pour émeute à une peine privative de liberté de 60 jours avec sursis pour avoir organisé le blocage des trois autoroutes pendant quarante-huit heures. Soulignant que la liberté de réunion est « un droit fondamental dans une société démocratique » et rappelant son lien étroit avec la liberté d'expression, la Cour, classiquement, examine les griefs sous l'angle de l'article 11, qui est la lex specialis. Elle estime que les requérants, qui ont été condamnés pour atteintes à l'ordre public causées par les barrages routiers et non pour des actes de violence, peuvent se prévaloir de la protection de l'article 11. Elle observe que leur condamnation constitue bien une ingérence dans leur droit à la liberté de réunion, qui poursuivait le but légitime de « la protection des droits et des libertés d'autrui », spécialement du droit de circuler sans contrainte sur les voies publiques, mais elle va considérer que cette ingérence est proportionnée au but poursuivi.

Dans le prolongement de l'arrêt Barraco, cet arrêt marque la frontière entre la gêne occasionnée par toute manifestation pacifique sur la voie publique, notamment par la perturbation de la circulation, que les autorités nationales doivent tolérer pour ne pas vider de son contenu la liberté de manifestation, et son débordement constitué par un blocage complet de la circulation, que les autorités peuvent réprimer885(*). En l'espèce, la Cour relève que les agriculteurs avaient été autorisés à manifester dans des lieux déterminés et que le déplacement des manifestations vers les autoroutes a constitué une violation flagrante des autorisations données.

Lorsque les perturbations intentionnelles dépassent par leur ampleur celles qu'implique l'exercice normal de la liberté de réunion pacifique, elles peuvent être considérées comme des « actes répréhensibles », justifiant des sanctions, y compris pénales. Ainsi, « le blocage quasi total de trois autoroutes importantes, au mépris flagrant des ordres de la police et des intérêts et droits des usagers de la route, s'analyse en un comportement qui, tout en étant moins grave que le recours à la violence physique, peut être qualifié de répréhensible. Les sanctions prises étaient justifiées par des motifs pertinents et suffisants. La condamnation des requérants pour émeute a donc ménagé un juste équilibre entre les buts légitimes de la défense de l'ordre et la protection des droits et libertés d'autrui d'une part, et les impératifs de la liberté de réunion d'autre part, et n'a pas méconnu l'article 11.

La Cour européenne des droits de l'homme fournit ainsi beaucoup de recettes au droit congolais relativement à la liberté de manifestation. Les poursuites et sanctions disciplinaires engagées contre les fonctionnaires pour avoir pris part à une manifestation publique sont récurrentes en RDC. Pareilles décisions doivent connaitre la censure du juge administratif, pourvu que les victimes de ces traitements en saisissent le juge compétent.

B. Le contrôle de la dispersion d'une manifestation

La dispersion d'une manifestation peut concerner les manifestations autorisées, comme celles non autorisées. D'ailleurs ces dernières ne doivent pas nécessairement être dispersées. Dans le cas, par exemple, où une réponse immédiate à un événement peut justifier une manifestation spontanée, les mesures prises pour disperser cette manifestation, au seul motif qu'il n'y a pas eu de notification préalable, alors que les participants n'ont commis aucune infraction, constituent une restriction disproportionnée à l'article 11886(*). La Cour d'Appel de Paris a considéré « que si les arrêtés litigieux étaient également motivés par le fait que la manifestation envisagée était "susceptible de donner lieu à des actes et propos de nature à porter le discrédit sur la fonction policière", un tel motif tiré de la méconnaissance éventuelle par les fonctionnaires des services de police de leurs obligations statutaires ne pouvait fonder légalement les arrêtés pris par l'autorité administrative investie des pouvoirs de police en vue d'assurer la protection de l'ordre public »887(*).

3. Les troubles de l'ordre public : seul motif valable d'interdiction

La limitation de la liberté de manifestation ne doit se justifier que par l'existence avérée d'une menace sérieuse et inéluctable à l'ordre public. Le caractère sérieux de la menace se traduit dans le fait que les troubles de l'ordre public ne se présument pas, l'autorité administrative doit asseoir la décision d'interdiction sur les éléments de fait, objectivement attestés. La menace doit être inéluctable. Ce critère, qui doit être cumulatif avec le premier, prescrit que, même en cas de menace sérieuse de troubles de l'ordre public, l'interdiction ne peut se justifier que si le dispositif d'encadrement dont dispose l'administration ne suffit pas pour contenir la menace.

La Cour constitutionnelle béninoise a jugé non seulement que « la nature des revendications ne peut être une cause de limitation de ce droit », mais aussi que « l'effectif suffisant d'agents de Force de sécurité publique disponible » ne justifiait pas une décision d'interdiction888(*). Ainsi, le motif évoqué par le gouverneur de la ville de Kinshasa - évoquant la sacralité de la date du 30 juin - pour interdire la manifestation projetée par la coalition Lamuka pour le 30 juin 2019 constitue une illustration patente des atteintes au principe de la liberté de manifestation. Triste est de constater que devant pareille bavure juridique de l'autorité provinciale, les organisateurs ont choisi la résignation et sombré dans un mutisme déconcertant au lieu de saisir le juge en référé-liberté pour paralyser cette décision. Nous pensons que la responsabilité de la faillite des droits fondamentaux en général et de la liberté de manifestation en particulier est à partager entre les débiteurs et les créanciers des droits fondamentaux. La nonchalance des congolais face à l'arbitraire des pouvoirs publics ne peut qu'aggraver les violations. Nous pensons que la mise en oeuvre systématique de l'éducation constitutionnelle et la propagation par tous moyens de la culture démocratique contribueront à la promotion de la liberté de manifestation en RDC. Dans cette entreprise, le rôle des partis politiques et des acteurs de la société civile devrait être renforcé.

Le juge déclare illégales les interdictions lorsque les risques générés par la manifestation auraient pu être contenus par des effectifs de police.

À propos d'une manifestation d'opposition à la visite en France du président Chinois, le Conseil d'État affirme « que s'il appartenait au préfet de police de prendre toutes mesures appropriées, notamment aux abords de l'ambassade de Chine, pour prévenir les risques de désordres susceptibles d'être occasionnés par les manifestations envisagées (...), il ne pouvait prendre un arrêté d'interdiction générale qui excédait, dans les circonstances de l'espèce, les mesures qui auraient été justifiées par les nécessités du maintien de l'ordre public à l'occasion de cette visite »889(*). La décision préfectorale d'interdire la manifestation est illégale dans la mesure où l'ordre public aurait pu être maintenu par la mobilisation de forces de police aux abords de l'ambassade.

De même, s'agissant d'une manifestation d'inspecteurs de police à Paris (de la place Joffre au ministère de l'Intérieur), le juge administratif affirme « qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que, eu égard à son caractère limité (...), ladite manifestation ait été de nature à menacer l'ordre public dans des conditions telles qu'il ne pouvait être paré à tout danger dans le quartier considéré par des mesures de police appropriées »890(*).

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

La recherche d'effectivité maximale des droits fondamentaux, a conduit les états à la création des mécanismes de protection des droits fondamentaux. Parmi lesquels, nous avons d'une part, les mécanismes non juridictionnels ou persuasifs et des mécanismes juridictionnels qualifiés de dissuasifs en raison de leur force coercitive d'autre part. Le primat des droits fondamentaux au sein des démocraties contemporaines conduit le juge à adopter un discours contribuant à leur développement constant. Soucieux d'assurer une protection maximale des individus, le juge, par l'intermédiaire de sa jurisprudence, s'érige, en effet, en promoteur des droits fondamentaux, avec en ligne de mire une recherche d'effectivité toujours plus grande de ces derniers.

Pour ce faire, il importe, en premier lieu, de souligner que le juge confronté à la problématique de la force juridique contraignante des droits fondamentaux, s'efforce de préciser que les droits dont l'effectivité est conditionnée par l'intervention du législateur sont revêtus d'un caractère obligatoire et immédiat.

Sans négliger l'apport combien louable apporté par les mécanismes non juridictionnels à la protection de la liberté de manifester, le juge s'est affirmé dans bien des cas, comme le meilleur protecteur de la liberté de manifestation publique.

Il est donc important que le juge congolais puisse s'inspirer du discours de ses homologues béninois, français et espagnole pour rendre cohérent notre système juridique de protection du droit de manifester. La responsabilité de la carence jurisprudentielle mérite d'être partagée entre les citoyens et le juge. D'où la nécessité d'instaurer une éducation constitutionnelle.


CONCLUSION GÉNÉRALE

Descendre dans la rue pour exprimer une revendication, un refus, une émotion, c'est exercer un droit qui, dans une démocratie, va de soi. S'exprimant dans le contexte du Royaume-Uni, Céline Roynier rappelle que l'élaboration d'un droit positif de la manifestation a été perçue comme la simple consécration d'une liberté qui, dans l'opinion publique, était acquise de longue date : le « constitutionalisme populaire »conçoit le droit de manifester comme inhérent à la qualité de citoyen. De ce fait, il est aujourd'hui largement admis que la manifestation est nécessaire au fonctionnement des régimes démocratiques. C'est ainsi que Jürgen Habermas estime qu'il n'est guère plus possible d'obtenir ou de maintenir l'État de droit sans la démocratie radicale.891(*)

La question de la protection du droit de manifester est au coeur d'un paradoxe qui devrait nécessairement conduire les juristes à s'interroger sur le rôle des pouvoirs publics en tant que premiers débiteurs des droits fondamentaux. Dans le même ordre d'idées, cette question doit les conduire à réfléchir, de même, sur la fonction que remplirait la norme juridique en tant qu'instrument de conduites humaines. Si cette liberté connaît aujourd'hui une forte actualité, et ce partout dans le monde, ellesubit cependant, en même temps, de fortes limitations etde grands revers aussi bien dans les pays en transition démocratique que dans les pays occidentaux, pourtant toujours considérés comme les vieilles démocraties.

D'un système juridique à l'autre, si la définition de la manifestation et le statut de la liberté de manifester connaissent d'importantes variations, il est frappant de constater que les valeurs ou les raisons mobilisées au soutien de cette liberté sont partout du même ordre. Tous les juges [...] admettent que les manifestations sont des formes éminentes d'expression, de participation et de gouvernement démocratique892(*). D'où, peut-être, la difficulté liminaire à laquelle nous nous sommes heurté, au cours de nos recherches, sur l'examen comparé des droits positifs français, espagnol, béninois et congolais. Car il ne suffit pas d'affirmer qu'une liberté est en quelque sorte immanente à l'ordre juridique démocratique pour apprécier la conformité à la Constitution des règles qui, hic et nunc, en organisent l'exercice. Si les manifestants exercent collectivement un droit, il faut pouvoir en identifier les fondements, le contenu et les limites.

Dans les pays de notre comparaison, cette liberté s'analyse beaucoup plus sous l'angle du droit pénal ou sous le signe de l'ordre public. En République Démocratique du Congo, le système de garantie et de protection de la liberté de manifestation a longtemps souffert d'une incohérence caractérisée. Ce vice affecte également d'autres droits fondamentaux dont l'immédiateté n'est devenue qu'une simple incantation. En effet, pour donner corps à leur immédiateté, la jouissance des droits fondamentaux conviendrait avec une obligation de légiférer qui incomberait au législateur pour leur effectivité. La situation de la liberté de manifestation durant cette dernière décennie en est une parfaite illustration.

Si l'on considère comme promulguée à ce jour la « loi Sessanga », on ne peut cependant pas s'empêcher de reconnaitre l'imperfection du mécanisme constitutionnel de promulgation de plein droit prévu à l'article 140 de la Constitution. Nous pensons qu'il faille parfaire ce mécanisme en reconnaissant à la Cour constitutionnelle le pouvoir de constater la promulgation de plein droit d'une loi déjà adoptée au Parlement et d'ordonner au Journal officiel d'en assurer la publication dans un délai précis.

La carence de la jurisprudence face aux ambiguïtés et contradictions caractérisant le système de protection de la liberté de manifester ne permet pas d'avoir des précisions juridiques claires sur cette liberté. La doctrine a ainsi la charge de se saisir de ce débat en vue d'apporter l'éclairage nécessaire sur les contours de cette liberté aux fondements multiples.

Aucun des systèmes juridiques étudiés ne réduit la manifestation à un défilé sur la voie publique. Si le cortège qui traverse la ville avec banderoles, chants et slogans, occupe une place de choix dans la culture politique de certains pays, d'autres privilégient des formes plus statiques. La manifestation n'est pas nécessairement un cortège, même si son caractère mobile ou statique, posé comme un indicateur du degré de perturbation qu'elle risque d'entraîner, justifie, dans certains pays, des variations dans le régime juridique des rassemblements.

Ce qui définit la manifestation n'est pas sa forme, mais son but. Pour qu'un rassemblement relève de la catégorie « manifestation », il faut qu'il ait une visée expressive. Les manifestants se réunissent pour rendre publique l'opinion ou la cause qui leur est commune. Ils exercent donc à la fois leur liberté de réunion (parfois renforcée par la liberté d'association) et leur liberté d'expression (parfois spécifiée en liberté d'expression religieuse, syndicale ou « des minorités »).

La liberté de manifestation ne se laisse pas si aisément appréhender comme une déclinaison de la liberté d'expression, pour deux raisons majeures. La première tient à ce que toute manifestation porte en elle la négation même du discours, qui est la violence. Violence des manifestants, guettés par l'ivresse de l'action collective ; violence des forces de l'ordre, que les démocraties les plus avancées ne parviennent pas toujours à contenir. La manifestation est, par nature, perturbatrice puisqu'elle subvertit la fonction des lieux publics dans lesquels elle se déploie893(*).

Dans tous les pays étudiés, la liberté de manifestation s'est révélée, sans surprise, largement dominée par des considérations de maintien de l'ordre. Celles-ci conduisent partout à imposer un régime de déclaration, ou même d'autorisation préalable, parfaitement dérogatoire au droit commun de la liberté d'expression. Elles orientent le contrôle juridictionnel qui pèse sur l'encadrement administratif des rassemblements sur la voie publique, partout organisé autour de la question de la capacité de l'autorité de police à conserver à la manifestation son caractère pacifique.Elles expliquent, peut-être, les variations du contenu de la catégoriede la manifestation d'un ordre juridique à l'autre: le régime de la manifestation ne s'applique pas ouplus libéralement.

Une seconde raison interdit de rabattre purement et simplement la liberté de manifestation sur la liberté d'expression, combinée à la liberté de réunion. Il est de notoriété publique que celui qui descend dans la rue ne le fait pas pour exposer ses idées, ni pour en débattre avec d'autres. Il n'entend pas discourir, mais agir. Il ne cherche pas à convaincre, mais à s'imposer. On manifeste pour obtenir la démission d'un gouvernement, le retrait d'un projet de loi, la prise en compte de valeurs ou d'intérêts négligés, c'est-à-dire pour amener les représentants du peuple (ou d'autres types de dirigeants) à changer le cours de leur action. La manifestation étant moins l'expression d'une opinion que celle d'une volonté, ce qui compte n'est pas ce que disent les manifestants, mais ce que dit leur simple présence dans la rue : notre présence collective prouve que nous avons la faculté de nous exprimer, même si tout ce que nous disons, c'est que nous existons894(*).

Manifestent ainsi ceux qui sont ou se sentent exclus des mécanismes de représentation politique, mais aussi ceux qui entendent rappeler à leurs représentants que la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ainsi que l'affirment A. Peters et I. Ley, « les manifestants s'expriment en rendant le corps politique présent (par opposition à la représentation) ».895(*)

La concrétisation législative de l'ordre public sur l'exercice et la portée des droits fondamentaux constitutionnels invitent à réfléchir sur l'encadrement normatif de la limitation des droits et libertés en général et de la liberté de manifestation en particulier. En effet, ordre public et libertés sont souvent perçus par le pouvoir politique comme étant antinomiques, en ce sens que la poursuite du premier ne pourrait se concrétiser que par des restrictions apportées à l'exercice des secondes. Or, l'étude du processus de limitation, mais aussi les menaces qui pèsent sur l'exercice du droit de manifester, incitent à dépasser cette dichotomie. Deux voies principales peuvent être envisagées.

Comme nous l'avons dit plus haut, une manifestation ne peut être interdite que si elle constitue une menace pour l'ordre public. Ce motif d'interdiction est le seul admissible, une manifestation ne pouvant pas être interdite pour un motif autre que le risque d'atteinte à l'ordre public. Le juge administratif doit contrôler l'existence de la menace à l'ordre public et, si celle-ci n'est pas avérée, censurer la mesure d'interdiction. Plusieurs critères doivent être pris en compte par le Juge pour apprécier la réalité de la menace qui ne peut être supposée. Parmi ces critères, on peut retenir les circonstances du moment, l'itinéraire ou le lieu de la manifestation, notamment si elle rend difficile l'emploi des forces de police, l'appel des organisateurs à commettre les infractions, le précédent historique d'une organisation896(*).

Comme dans plusieurs pays, l'espace public de la manifestation en RDC est quadrillé par un réseau assez dense d'interdictions, d'autorisations et de contrôles.La pratique est sévère et généralement en contradiction avec les garanties juridiques en vigueur - la manifestation, feu follet du droit des libertés, incarnation sporadique du peuple souverain, échappe toujours peu ou prou à cet encadrement. Tous les pays de notre comparaison l'ont démontré : dans cette matière, la règle est dure, mais la pratique est molle. Prenant acte de cet écart structurel entre le droit et le fait, qui exprime, mieux que de longs discours, « la fonction de soupape assurée par la manifestation, la Cour européenne des droits de l'homme s'oppose même à ce que soient réprimées des manifestations non déclarées, voire interdites, sauf si elles risquent de tourner à l'émeute ».897(*) Car on n'interrompt pas les battements d'un coeur au motif qu'il lui arrive, parfois, de s'emballer898(*).

Pour préserver le libre exercice d'une citoyenneté active et l'intégrité physique de ceux qui la défendent, il est nécessaire d'assurer un contrôle ferme et démocratique de l'action du pouvoir policier qui semble souvent donner libre cours à son interprétation, quelque peu originale, de la législation en vigueur, avec pour effet de museler le droit sous les signes du droit pénal.Ce contrôle multidimensionnel des actions étatiques préventives et répressives est un vivier de la démocratie.

Traditionnellement, dans les systèmes étudiés, le juge administratif était incapable d'assurer une quelconque protection de la liberté de manifestation. Faute d'être doté de procédures d'urgence efficace, il intervenait des mois, voire des années après une mesure d'interdiction prise par l'autorité de police. Si l'interdiction était illégale, l'annulation intervenait après coup, ne produisant ainsi qu'un effet purement platonique. La manifestation aurait dû se tenir ; elle n'avait pu se dérouler faute d'intervention du juge en temps utile.

La situation a radicalement changé avec les réformes ayant introduit les procédures d'urgence. La liberté de manifestation ayant la nature d'une « liberté fondamentale tant du point de vue formel que matériel, le juge des référés peut intervenir dans un délai très rapide, de quelques jours, voire, de quelques heures, pour prononcer une mesure de sauvegarde. Il est ainsi en mesure d'intervenir en temps utile pour, le cas échéant, suspendre une interdiction illégale et permettre, ce faisant, la tenue de la manifestation. Dans certains cas, la seule saisine du juge et la crainte qu'une mesure de sauvegarde soit prononcée, suffit à ce que l'Administration lève d'elle-même l'interdiction899(*) ou s'empêche d'interdire. Si le litige conserve un objet au jour où il statue, le juge apprécie la légalité de la mesure prise en procédant à un double contrôle de nécessité et de proportionnalité.

Cependant, en République Démocratique du Congo, la réforme intervenue en 2016 à l'occasion de l'adoption de la loi organique portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l'ordre administratif n'a pas apporté d'effet positif sur l'amélioration des conditions d'exercice de la liberté de manifestation. Car aucune juridiction administrative ne s'est prononcée sur une affaire relative au droit de manifester. Ce vide jurisprudentiel ne facilite pas la maîtrise de l'application de ces procédures d'urgence en matière de liberté de manifestation. Ainsi, nous souhaitons que la liberté de manifestation soit affranchie de son exil doctrinal et jurisprudentiel permettant ainsi aux tribunaux d'y accorder un poids aussi important qu'aux impératifs de sécurité de la société.

Pour ce faire, un double contrôle sur la nécessité de l'interdiction et la proportionnalité de la restriction devrait être organisé afin d'imposer l'exigence de modération.Il est ainsi évident qu'une obligation d'encadrement et de protection des manifestants et de la liberté de manifestation pèse sur l'autorité publique. Toutefois, il ne pèse pas sur elle une obligation de résultat, mais seulement une obligation de moyens900(*). Concrètement, car c'est sur ce point que semble se jouer l'appréciation, l'autorité de police va être tenue de mettre à disposition un nombre raisonnable de forces de police. Si le danger est trop élevé et nécessite de mettre un policier derrière chaque manifestant pour le prévenir, alors l'interdiction pure et simple n'apparaît pas disproportionnée.

L'effectivité de l'institution du référé-liberté devrait bien permettre de soumettre les restrictions dont cette liberté peut faire l'objet à un contrôle rapide et efficace du juge administratif. En clair, le référé-liberté, en cas de liberté de manifestation, ne comporterait pas l'exigence de l'article 287, point 1 de la loi organique sur les juridictions administratives est ainsi libellé : « Outre les mentions prévues à l'article 135 de la présente loi organique, la requête aux fins des mesures en référé contient la justification de l'urgence des mesures sollicitées ». De lege ferenda, le législateur est censé reconnaitre l'urgence à toute requête en référé-liberté de manifestation au regard de la nature même de la manifestation qui lui confère le caractère urgent, son organisation ne s'étendant que sur une durée relativement courte.

En dehors des hypothèses tout à fait exceptionnelles, l'autorité de police ne peut interdire de façon générale l'organisation des manifestations publiques sur une durée indéterminée. Ainsi, était illégal l'Arrêté du Gouverneur de la ville de Kinshasa différant l'organisation des manifestations publiques sur toute l'étendue de la ville de Kinshasa à un délai indéterminé. De même, l'autorité de police ne peut pas s'opposer, de façon générale, absolue et systématique, à toutes les manifestations publiques projetées par une association.Dans ce cas, le juge administratif doit censurer l'existence d'une disproportion entre l'intensité de la menace et l'étendue de la restriction901(*).

En présence d'une manifestation présentant un risque pour l'ordre public, l'autorité administrative ne dispose pas moins de moyens alternatifs, moins attentatoires aux libertésque l'interdiction. Elle peut procéder, d'une part, par l'interdiction ciblée (limitée à telle ou telle rue) et, d'autre part, par la mobilisation des forces de police pour assurer la sécurité de l'évènement et contenir d'éventuels débordements.

Dans le cas où l'utilisation de la force est considérée comme nécessaire, le droit international exige que celle-ci soit utilisée de manière proportionnelle à la gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à atteindre, de manière à causer le minimum de dommages à l'intégrité physique des personnes. Face à un rassemblement au cours duquel certains individus se livrent à des actes de violence, l'utilisation de la force peut être considérée comme nécessaire lorsqu'elle est inévitable pour assurer la sécurité des personnes et des biens ou à rétablir l'ordre public. Mais, cette utilisation devrait intervenir seulement en dernier recours. Dans de telles situations, le principe de la proportionnalité exige que les dommages pouvant découler de l'utilisation de la force soient justifiables par rapport à l'objectif légitime poursuivi. Par ailleurs, l'usage d'armes à feu pour disperser les rassemblements ponctués d'actes de violence n'est permis que si le recours à des moyens moins dangereux est impossible, dans les limites du minimum nécessaire et dans des cas où leur usage est nécessaire en cas de légitime défense ou pour la défense des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessures graves.902(*)

La violence dans le chef de certains manifestants ne fait pas d'une manifestation toute entière un rassemblement non pacifique. Dès lors, les agents responsables de l'application des lois ne doivent cibler que les individus violents, en les distinguant des manifestants exerçant légitimement leur droit des réunions pacifiques903(*). Les tirs indiscriminés sur la foule ou les manifestants sont contraires à l'interdiction absolue de privation arbitraire du droit à la vie et ne peuvent être justifiés904(*). Le recours aux armes à feu doit uniquement être autorisé face à une menace imminente de mort ou de blessure grave pour soi-même ou pour autrui. Par ailleurs, le matériel ne permettant pas un recours différencié à la force, tel que les gaz lacrymogènes, ne doit être utilisé quede manière exceptionnelle, dans des situations de violence généralisée et uniquement lorsque le niveau de violence a atteint un seuil tel que les menaces ne peuvent être traitées en ciblant uniquement les personnes violentes905(*).

Au regard des atteintes portées contre la liberté de manifestation, certains chercheurs comme Aurélie Duffit et Jacques Djoli estiment que les droits fondamentaux en général et le droit de manifester en particulier sont en train de connaître leur éclipse. Cette affirmation mérite bien d'être tempérée ou de ne pas être généralisée dans la mesure où l'action du juge par les procédures dites d'urgence permet de rêver d'un âge d'orde ces libertés.

C'est ici que trouve toute son utilité la thèse que nous soutenons. En effet, la protection de la liberté de manifestation passe nécessairement par le renforcement des sanctions des entraves à cette liberté. La dérision, l'obsolescence et le caractère non dissuasif des sanctions prévues par la loi Sessanga donnent l'impression d'un droit sans peine.Ceci nous a conduit à imaginer une sanction supplémentaire dont la teneur touche directement à la personne de l'autorité de police et non à l'organe.Ainsi, nous proposons l'institution de la déchéance de l'autorité administrative dans deux situations : la rébellion à la décision du juge et la récidive. Cette dernière renvoie à la situation d'une autorité administrative dont la décision serait annulée deux fois par le juge.

BIBLIOGRAPHIE

I. TEXTES OFFICIELS

A. TEXTES CONGOLAIS

1. Les textes constitutionnels

1. Constitution de la République Démocratique du Congo de 18 février 2006, telle que modifiée le 20 janvier 2011, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 52ème année, numéro spécial, 5 février 2011.

2. Constitution de la transition du 4 avril 2003, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, n° spécial, 5 avril 2003.

3. Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 portant organisation et exercice du pouvoir en République démocratiques du Congo, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial mai 1997.

4. Acte constitutionnel de la Transition du 09 avril 1994, in Journal Officiel de République du Zaïre, numéro spécial du 09 avril 1994.

5. Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de Transition du 2 avril 1993, in Journal Officiel de République du Zaïre, numéro spécial du 2 avril 1993.

6. Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de Transition du 4 aout 1992 dir, Mukendi (E.) et alli., in constitution. les constitutions de la République Démocratique du Congo de 1908 à 2011, collection juridoc, Kinshasa, 2010.

7. Loi n° 88-004 du 27 janvier 1988 portant révision de certaines dispositions de la Constitution, in Journal Officiel de la République du Zaïre, n° spécial, 31 janvier 1988.

8. Loi n° 80-012 du 15 novembre 1980 modifiant et complétant quelques dispositions de la Constitution, in Journal Officiel de la République du Zaïre, n°1 du 1er janvier 1980.

9. Loi n° 80-007 du 19 février 1980 portant révision de la Constitution, in Journal Officiel de la République du Zaïre, n° 5 bis du 1er mars 1980.

10. Constitution du 24 juin 1967, in Moniteur congolais, 15 juillet 1967, n° 14.

11. Constitution de la République Démocratique du Congo du 1er août 1964, in Moniteur congolais, n° spécial, 5 octobre 1965.

12. Loi Fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, in Moniteur Congolais, 27-28 mai, 1960.

13. Loi du 18 octobre 1908 sur le Gouvernement du Congo-Belge (« Charte Coloniale »), B.O. 1908, p.65.

14. Constitution belge de 1831 (annexe in Res Publica, 1968, numéro spécial).

2. Les textes légaux

1. Loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l'ordre administratif, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 57ème année,Numéro spécial,....

2. Loi organique n°13/011 du 21 mars 2013 sur la Commission Nationale des droits de l'homme, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 54ème année, Numéro spécial 7 du 1er avril 2013.

3. Loi organique du 11 août 2011, portant organisation et fonctionnement de la Police Nationale Congolaise, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 52ème année, Numéro spécial du 23 aout 2011.

4. Décret-Loi du 11 janvier 2003 portant création et organisation de l'Agence Nationale de Renseignements. Le texte n'a pas été publié au regard de la nature sécuritaire du Service.

5. Décret-loi n° 196 du 29 janvier 1999 portant règlement des manifestations et des réunions publiques, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 40ème année, Numéro spécial, février 1999.

6. Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 45ème année, Numéro spécial 57 du 30 novembre 2004.

3. Les actes administratifs

1. Ordonnance n°17/050 du 17 juillet 2017 portant nomination dans la catégorie de commissaire divisionnaire de la Police Nationale Congolaise, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 58ème année, Numéro 14 du 15 juillet 2017.

2. Ordonnance n°17/052 du 17 juillet 2017 portant nomination d'un Commissaire général et des Commissaires généraux adjoints de la Police Nationale Congolaise, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 58ème année, Numéro14 du 15 juillet 2017.

3. Ordonnance n°86/268 du 31 octobre 1986 portant création du département des droits et libertés du citoyen, in Journal Officiel du Zaïre, 27ème année, Numéro 2 du 1ernovembre1986.

4. Décret n° 05/026 du 6 mai 2005 portant plan opérationnel de sécurisation du processus électoral, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 58ème année, Numéro 10 du 15 mai 2005.

5. Arrêté urbain n°3073/04/2017 portant mesures d'interdiction de manifestations publiques dans la ville de Kananga (23 novembre 2017).

B. TEXTES DE DROIT COMPARÉ ET DU DROIT INTERNATIONAL

1. Constitution française du 05 octobre 1958 telle que modifiée et complétée par la loi n°2008-724 du 23 juillet 2008, in Journal Officiel du 24 juillet 2008.

2. Loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions des institutions (M1) de la Vème République française, in Journal Officiel du 24 juillet 2008.

3. Loi n°90-23 du 11 décembre 1990 portant Constitution de République du Benin.

4. Décret 2005-377 du 23 juin 2005 portant réglementation du maintien de l'ordre au Bénin.

5. Décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public, in Journal Officiel français.

6. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, New York, 16 décembre 1966,in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 40ème année, Numéro, Avril 1999.

7. Pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et culturels, New York, 16 décembre 1966, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 40ème année, Numéro, Avril 1999.

8. Déclaration universelle des Droits de l'Homme, New York, 10 décembre 1945, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 40ème année, Numéro, Avril 1999.

9. Charte africaine des Droits de l'Homme et des peuples, Nairobi, 21 octobre 1986, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 40ème année, Numéro, Avril 1999.

10. La Déclaration française des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

11. Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne », in Journal officiel des Communautés européennes, 30 mars 2010.

II. JURISPRUDENCE

1. C.S.J., Section judiciaire, jugement avant dire droit du 22 mars 1995, dit Arrêt BAVELA.

2. CC, 18 janv.1995, n° 94-352 DC, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. n° 16.

3. CC, 18 janvier 1995, déc. n° 94-352 DC, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, Rec., cons. n° 24.

4. CC, déc. n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. 16.

5. CC., décision 98-403 DC du 29 juillet 1998, Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, Rec. p. 276, J.O. du 31 juillet 1998.

6. CC, Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995.

7. CC, décision 79-105 DC du 25 juillet 1979, Droit de grève à la radio et à la télévision, Rec. ;

8. DCC 03-134 du 21 Août 2003 et décision DCC 06-045 du 05 avril 2006 de la Cour constitutionnelle du Bénin sur la liberté de manifestation.

9. DCC 01-097 du 07 novembre 2001 où le juge constitutionnel déclare conforme à la Constitution l'arrêté préfectoral interdisant toute manifestation.

10. DCC 02-058 du 04 juin 2002, FAVI Adèle, Recueil, 2002, p. 243 ;

11. DCC 05-015 / 2005-02-17.

12. Arrêt 115/1985 du 11 octobre 1985, Tribunal Constitutionnel espagnol.

13. Arrêt de la section du C.E. (France), Affaire Société « Les films Lutétia » du 18 décembre 1959.

14. CAA Nantes, 03.05.1995, Ministère de l'Intérieur ;

15. CE, 06.12.1999, M. Ouizille.

16. CE, 15 mai 2002, Baudouin, n°239487.

17. CE, 1er févr. 1939, Asso. « La Lyre mascaréenne », Lebon.

18. CE, ord. 10 juillet 2002, Boulenia, n°248422.

19. CE, ord. 12 janvier 2001, Hyacinthe, Lebon.

20. CE, ord. 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay, Lebon.

21. CE, ord. 16 février 2004, Benaissa, Lebon T.

22. CE, ord. 16 juillet 2001, Feuillatey, Lebon.

23. CE, ord. 16 juillet 2002, Feuillatey, Lebon.

24. CE, ord. 19 août 2002, Front National et Institut de formation des élus locaux (IFOREL), Lebon.

25. CE, ord. 19 janvier 2005, M. Laurent X, Lebon.

26. CE, ord. 2 avril 2001, Ministre de l'Intérieur c/Consorts Marcel, Lebon.

27. CE, ord. 2 mai 2001, Ministre de l'intérieur cl Dziri, Lebon.

28. CE, ord. 23 mars 2001, Société Lidl, Lebon.

29. CE, ord. 25 novembre 2003, Ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/Nikoghosyan, Lebon T.

30. CE, Ord. 26 juillet 2014, Pojolat, n°383091, inédit ; RFDA 2015.

31. CE, ord. 27 mars 2001, Ministre de l'Intérieur c/Djalout, Lebon.

32. CE, ord. 29 septembre 2004, Ministre de l'Intérieur de la sécurité intérieure et des libertés locales c/Aubame, n°271584.

33. CE, ord. 3 avril 2002, Ministre de l'Intérieur à Kutarici, Lebon T.

34. CE, ord. 31 oct. 2013, Association Droit au logement Paris et environs, req. n° 1315396/9.

35. CE, ord. 5 mars 2002, Fikry, Lebon.

36. CE, ord. 8 septembre 2005, Ministre de la Justice c/Bunel, Lebon.

37. CE, Sect. 18 janvier 2001, Morbelli, maire de la Commune de Venells, Lebon.

38. CE, Sect. 30 octobre 2001, Ministre de l'Intérieur c/Tliba, Lebon.

39. CE., ord. 5 janvier 2007, min. de l'intérieur c/Assoc. « Solidarité des Français », n°300311.

40. Tribunal administratif de Lille, ord. 5 févr. 2016, n° 1601013, inédit.

41. Tribunal des conflits, 07.06.1982, Préfet du Pas-de-Calais c/TGI de Boulogne-sur-Mer et 13.02.1984,

42. Tribunal des conflits, 15 janvier 1990, Chamboulive et autre c/Commune de Vallecalle, n° 02607, Rev. Fr. Droit adm. 7 (4), juillet-août 1991.

43. Tribunal suprême, 3ème Chambre, 26 juin 1991.

44. CEDH, 15 nov. 2007.Galstyan c. Arménie, req. n° 26986/03, § 95. - Ou, au sujet de la liberté d'association.

45. CEDH, 15 nov. 2012, Celik c. Turquie, req. no 34487/07.

46. CEDH, 19 novembre 2012, Berladir contre Russie, n° 34202, §45.

47. CEDH, 1er décembre 2011, Schwabe et M.G. c. Allemagne, req. no 8080/08 et 8277/08.

48. CEDH, 2 oct. 2001, Stankov c. Bulgarie, req. no 29225/95.

49. CEDH, 21 juin 1988, Plattform « Ärztefürdas Leben » c. Autriche, req. n° 10126/82, série A n° 139, § 32.

50. CEDH, 21 oct. 2010, Alekseyev c. Russie, req. no 4916/07 ;

51. CEDH, 25 mai 2016, Suleyman Çelebi et autres c. Turquie, req. n° 37273/10

52. CEDH, 27 nov. 2012, Disk et Kesk c. Turquie, req. n° 38676/08.

53. CEDH, 25 sept. 2012, Trade Union of the Police in the Slovak Republic c. Slovaquie, req. n°11828/08, préc.

54. CEDH, 26 avril 2016, Novikova and others v. Russia, req. n°25501/07, 80153/12 et 25015/13

55. CEDH, 27 juin 2006, Cetinkaya c. Turquie, req. n° 61353/00.

56. CEDH, 3 mai 2007, Baczkowski et a. c. Pologne, req. no 1543/06.

57. CEDH, 31 janv. 2012, Asici c. Turquie, req. no 22656/04.

58. CEDH, 31 juil. 2014, Nemtsov c. Russie, req. n°1774/11.

59. CEDH, 5 mars 2009, Barraco c/ France, n° 31684/05, §. 39.

60. CEDH, 6 nov. 2012, Redfearn c. Royaume-Uni, req. n°47335/06, § 32. V. aussi CEDH, 19 nov. 2012, Berladir c. Russie, req. n°34202/06, § 36.

61. CEDH, 7 juillet 2009, Skiba c. Pologne, req. n°10659/03.

62. CEDH, 7 oct. 2008, Eva Molnar c. Hongrie, req. n° 10346/05, § 35.

63. CEDH, 7 oct. 2008, Patyi et a. c. Hongrie, req. n° 5529/05.

64. CEDH, Ezelin c. France, Req. n° 11800/85, 26 avril 1991, § 35.

65. CEDH, Gr. ch., 15 oct. 2015, Kudrevicius et a. c. Lituanie, req. n° 37553/05 ; F. Sudre, « Droit de la Convention européenne des droits de l'homme », JCP G, n°3, 18 janv. 2016.

66. CEDH, Gr. Ch., 20 oct. 2015, Pentikainen c. Finlande, req. n° 11882/10.

67. CEDH, Stankov e. a. c. Bulgarie, op. cit., § 85.

68. CEDH, CEDH, Faber c. Hongrie, Req. n° 40721/08, 24 juillet 2012, § 41 ;

69. CEDH, Barraco c. France, Req. n° 31684/05, 5 mars 2009, § 27 ;

70. CEDH, Vogt c. Allemagne, Req. n° 17851/91, 26 septembre 1995, § 64.

71. CEDH, Stankov e. a. c. Bulgarie, Req. no 29221/95 et 29225/95, 2 octobre 2001, § 97.

72. C.E.D.H., 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce, req. n° 18357/91.

73. CEDH, Kivenmaa c. Finlande, Com. no 412/1990, 31 mars 1994, § 7.4.

74. CEDH, Mecheslav Gryb v. Belarus, Com. no 1316/2004, 8 décembre 2011, § 13.3.

III. OUVRAGES SPÉCIAUX

1. BERTRAND (P.) et LATOUR (X), Libertés publiques et droits fondamentaux, 5ème édition, Studurama, Mesnil-sur-l'Estrées, 2014.

2. DELPIERRE (F.) et RENDERS (D.), Code constitutionnel, 4ème édition, Bruxelles, Bruylant, 2003, 1056.

3. BIOY (X.), Droit fondamentaux et libertés publiques, Paris, Montchrestien, 2011.

4. DUFFY-MEUNIER (A.) et PERROUD (Th.), La liberté de manifestation dans l'espace public en droit comparé, «  La liberté de manifester et ses limites : perspective de droit comparé », Revue des Droits de l'Homme, Vol. 7, 2017, https : // rvdh. Revues.org/295 ?file 1.

5. FAVOREU (L.) et al., Droits des libertés fondamentales, 4ème édition, Paris, Dalloz, 2007.

6. LE BOT (O.), La protection des libertés fondamentales par la procédure du référé-liberté, Paris, LGDJ, 2007.

7. LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l'Homme, 7ème éd., Paris, Dalloz, 2005.

8. MATHIEU (B.) et VERPEAUX (M.), Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, Paris, L.G.D.J., 2002.

9. MORANGE (J.), Droits de l'homme et libertés publiques, 5ème édition, PUF, France, 2000.

10. PAUVERT (B.) et LATOUR (X.), Libertés publiques et droits fondamentaux, 5ème édition, Paris, Studyrama, Collection Panorama du Droit, 2018.

11. RIVERO (J.) et MOUTOUH (H.), Libertés publiques, Tome 1, Paris, PUF, Collection Thémis, 9ème éd., 2003.

12. SAIN SAULIEU (G.), Les trottoirs de liberté. Les rues, espace de la République, Paris, Harmattan, 2012.

13. SERIAUX (A.) et alii, Droits et libertés fondamentaux, Paris, Ellipses, 1998.

14. STIRN (B.), Les libertés en question, 6ème édition, Paris, Montchrestien, 2006.

15. SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l'homme, 9édition, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 2002.

16. SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l'homme, 11ème édition, Paris, P.U.F, 2012.

17. TURPIN (D.), Libertés publiques et droit fondamentaux, Paris, Edition du seuil, 2004.

IV. OUVRAGES GÉNÉRAUX, MANUELS, DICTIONNAIRES

A. OUVRAGES GÉNÉRAUX

1. ANDRIEUX (T.) et FENET (P.-A.), Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, Paris, Éditions Saint-André-des-Arcs, 1827.

2. ARENDT (H.), Condition de l'homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, « Agora », 1983.

3. ARNAUD (A.-J.), Critique de la raison juridique I. Où va la sociologie du droit?, Paris, L.G.D.J., 1981.

4. BARTHELEMY (J.), Précis de droit public, Paris, éditions Dalloz, 1937.

5. BATAILLER (F.), Le Conseil d'État juge constitutionnel, Paris, LGDJ, 1966.

6. BECCARIA (C.), Des délits et des peines, Paris, Éditions du Boucher, 2002.

7. BECCARIA, Des délits et des peines, Paris, Éditions du Boucher, 2010.

8. BERNARD (P.), La notion d'ordre public en droit administratif, Paris, LGDJ, 1962.

9. BLACHER (Ph.), Contrôle de constitutionnalité et volonté générale, Paris, PUF, 2001.

10. BOBBIO (N.), Nouvelles réflexions sur les normes primaires et secondaires, Bruxelles, Paris, Bruylant- LGDJ, 1998.

11. BOSHAB MABUDJ (E.), Entre la révision de la constitution et l'inanition de la nation, Bruxelles, Larcier, 2013.

12. BOSHAB MABUDJ (E.), La République Démocratique du Congo, entre les colombes et les faucons. Où vont les partis politiques ?, Kinshasa, PUK, 2001.

13. BRUNSCHWIG (H.), L'Avènement de l'Afrique noire, Paris, Armand Colin, 1963.

14. BURDEAU (G.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 1999.

15. CAPITANT (D.), Les effets juridiques des droits fondamentaux en Allemagne, LGDJ, Collection BSCP, Tome 87, 2001.

16. CHEVALLIER (J.), L'État de droit, 3e édition, Paris, Montchrestien, 1999.

17. COMBACAU (J.) et alii, Droit international public, 1ère édition, Paris, PUF, 1998.

18. CUBERTAFOND (B.), La création du droit, Paris, Ellipses, 1999.

19. DE LA BOETIE (É.), Discours de la servitude volontaire, Paris, Mille et une nuit, 1995.

20. DE BECHILLON (M.), Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l'État,Paris, Economica PUAM, 1996.

21. DE ESTEBAN (J.), Las Constituciones de España, Madrid, Textos y Documentos, 2000.

22. DE PAGE (H.), Traité élémentaire du droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 1964.

23. DE TOCQUEVILLE (A.), L'Ancien Régime et la Révolution, Paris, Gallimard, 1967.

24. DELMAS-MARTY (M.) et TEITGEN-COLLY (C.), Punir sans juger ? de la répression administrative au droit administratif pénal, Paris, Economica, 1992.

25. DELPEREE, (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 2000.

26. DJOLI ESENG'EKELI (J.), Droit constitutionnel. Principes fondamentaux, Kinshasa, Collection Mateya, 2017.

27. DREYER (E.), Droit pénal général, 2ème édition Paris, Lexis Nexis, 2012.

28. DURAN (P.), Légitimité, droit et action publique, L'année sociologique, Vol. 59, 2009/2.

29. DURIEUX (A.), La notion de l'ordre public en droit privé colonial belge.

30. DURKHEIM (É.), Les règles de la méthode sociologique, 9ème édition, Paris, PUF, 1997.

31. ELST ER (J.) (dir.), Deliberative Democracy, New York, Cambridge University Press, 1998.

32. ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), Introduction générale au droit, 3ème éd., Flammarion, Paris, 2011.

33. ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, Bruxelles, Academia-Bruylant, 2010.

34. FAVOREU (L.), Droit constitutionnel, 17ème édition, Paris, Dalloz, 2014.

35. FRIER (P.-L.) et PETIT (J.), Droit administratif, Montchrestien, Domat droit public, 7ème édition,Paris, 2012.

36. FROMONT (M.) et RIEG (A.), Introduction au droit allemand, Tome I, Les fondements, Cujas, 1977.

37. GUINCHARD (S.)(Dir.) et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, 5ème édition, Paris, Dalloz, 2009.

38. H.L.A. HART, Le concept de droit,Bruxelles, Publications des Facultés Universitaires, Saint Louis, 1976.

39. HABERMAS (J.), L'Espace public, Paris, Payot, 1988.

40. HALEWYCK (M.), La Charte coloniale .Commentaire de la loi du 18 octobre 1908 sur le Gouvernement du Congo-belge, WEISSENBRUCH, Imprimerie du roi, Bruxelles, 1910.

41. HALEWYCK DE HEUSCH (M.), Les institutions politiques et administratives des pays africains soumis à l'autorité de la Belgique, Bruxelles, Office de publicité, 1938.

75. HASSENTEUFEL (P.), Sociologie politique : l'action publique, Paris, Armand Colin, 2008.

76. HAURIOU (M.), Précis de droit administratif et de droit public, 12ème éd., Paris, 2002.

77. JESTAZ (Ph.), La sanction ou l'inconnue du droit, Paris, Dalloz, 1986.

78. KAMUKUNY MUKINAY (A.), Droit constitutionnel congolais, Kinshasa, EUA, 2011.

79. KELSEN (H.), La démocratie : sa nature, sa valeur, Paris, Sirey, 1932.

80. KELSEN (H.), Théorie pure du droit, 2ème édition, Paris, Bruxelles, LGDJ, Bruylant, 1999.

81. LAUPIES (F.), La liberté, Paris, PUF coll. Que sais-je ?, 2004.

82. LESCUYER (G.), Histoire des idées politiques, Paris, Dalloz, coll. Précis, 14ème éd., 2001.

83. LOCKE (J.), Traité du gouvernement civil, traduction MAZEL (D.), présentation GOYARD-FABRE (S.), Paris, GF-Flammarion, 1992.

84. LOMBART (M.) et DUMONT (G.), Droit administratif, 5e édition, Paris, Dalloz, 2003.

85. LUSSAULT (M.), L'homme spatial. La construction de l'espace humain, Paris, Le seuil, 2007.

86. MADER (L.), L'évaluation législative - Pour une analyse empirique des effets de la législation, Payot, Lausanne, 1985.

87. MAILLOT (J.-M.), La théorie administrative des principes généraux du droit, Continuité et modernité, Paris, Dalloz, coll. NBT, 2003.

88. MALAURIE (P.), Les contrats contraires à l'ordre public. Etude de droit civil comparé : France, Angleterre, URSS, Éditions,Reims, Matot-Braine, 1953.

89. MAMPUYA KANUNK a-TSHIOPO (A.), Les sanctions ciblées américaines violent le droit international. Les mesures contre les responsables congolais, Kinshasa, PUC, 2016.

90. MANIN (B.), Volonté générale ou délibération ? Esquisse d'une théorie de la délibération politique, Le Débat, 1985

91. MANIN (B.), Principes du gouvernement représentatif,Paris, Flammarion, 1996.

92. MARTY (G.) et RAYNAUD (P.), Introduction à l'étude du droit, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1972, n° 34.

93. MBATA BETUKUMESU MANGU (A.),  Constitutions sans Constitutionnalisme, Démocraties autoritaires et responsabilité sociale des intellectuels en Afrique centrale : quelle voie vers la renaissance africaine ?, Communication à l'occasion du 30ème anniversaire du CODESRIA, Douala, octobre 2003.

94. MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pedone, 1992.

95. MORIN (J.-Y.), Libertés et droits fondamentaux dans les constitutions des États ayant le Français en partage, Paris, Bruylant/AUF., 1999.

96. MOURGEON (J.), Les droits de l'homme, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 8ème éd., 2004.

97. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Tome I, Théorie générale des institutions politiques de l'État, Kinshasa, EUA, 2001.

98. MUKADI BONYI et alii, Cinquante ans de législation post-coloniale au Congo-Zaïre : Quel bilan ?, Kinshasa, éditions CRDS, 2010.

99. NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Droit congolais des droits de l'homme, Bruxelles, Academia Bruylant, 2004.

100. NYABIRUNGU mwene SONGA (R.), Traité de droit pénal général congolais, 2ème éd, Kinshasa, EUA, 2007.

101. ODIMULA LOFUNGUSO (L.), La justice constitutionnelle et la juridicisation de la vie politique en République Démocratique du Congo, Kinshasa - Paris, l'Harmattan RDC, 2016.

102. OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel de droit des libertés fondamentales, Kinshasa, L'Eduque, 2018.

103. PAMATCHIN SORO (S.-Gh.), L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone (Bénin-Côte d'Ivoire-Sénégal) à la lumière des grandes démocraties contemporaines (Allemagne-France), Droit, Université de Bordeaux, 2016.

104. PECES-BARBAMARTINEZ (G.), Théorie générale des droits fondamentaux, traduction PELE (L.-A.), présentation NAÏR (S.), préface ARNAUD (A.-J.), coll. Droit et Société, n° 38, Paris, L.G.D.J, 2004.

105. POIROT-MAZERES (I.), Toute entreprise d'immortalité est contraire à l'ordre public ou comment le juge administratif appréhende la cryogénisation, Droit administratif, juillet 2006.

106. REDOR (M.-J.) (dir.), L'ordre public : ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, coll. Droit et justice, Bruxelles, Bruylant, 2013.

107. RENOUX (T-S.),La constitutionnalisation du droit au juge en France, éd. Lestrade, France, 2013.

108. REVET (T.) (dir.), L'ordre public à la fin du XXème siècle, Paris, Dalloz, 1996.

109. RIVERO (J.), Droit administratif, coll. Précis, Paris, Dalloz, 1960.

110. ROUSSEAU (J.-J.), Du contrat social, présentation B. BERNARDI, Paris, GF-Flammarion, 2001 (1ère édition en 1762).

111. SAINT-JAMES (V.), La conciliation des droits de l'homme et des libertés en droit public français, coll. Publications de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de l'Université de Limoges, Paris - Limoges, PUF, 1995.

112. SERMET (L.), Une anthropologie juridique des Droits de l'homme. Les chemins de l'Océan Indien, préface d'Abdou DIOUF, postface de David ANNOUSSAMY, Paris, Éditions des archives contemporaines - Agence universitaire de la Francophonie, 2009.

113. SHOMBA KINYAMBA (S.), Méthodologie et épistémologie de la recherche scientifique, Nouvelle édition revue et enrichie, Kinshasa, PUK, 2013.

114. STARCK (C.), La constitution cadre et mesure du droit, Paris, Economica, 1994.

115. TERRE (F), Introduction générale au droit, coll. Précis, 9e éd., Paris, Dalloz, 2012.

116. TROPER (M.), La pyramide est toujours debout ! Réponse à Paul Amselek, RDP, 1978.

117. TROPER (M.), Le droit et la nécessité, coll. Léviathan, Paris, PUF, 2011.

118. TRUCHET (D.), Les fonctions de la notion d'intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d'État, Paris, L.G.D.J., 1977.

119. TRUCHET (D.), Le droit public, coll. Que sais-je ?, Paris, PUF, 2003.

120. TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997.

121. VEDEL (G.), Les bases constitutionnelles du droit administratif, EDCE, France, 2017.

122. VERDUSSEN (M.), Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal, Bruxelles, Bruylant, 1995.

123. VERHAEGEN (B.), L'ABAKO et l'indépendance du Congo-belge. 10 ans de nationalisme kongo (1950 à 1960), Anvers, Éditions Zaïre, 1973.

124. VERSTRAETE (M.), Aperçu de droit civil du Congo-Belge, Anvers, Éditions Zaïre, 1947.

125. VIRALLY (M.), La pensée juridique, 1960, Paris, Éd. Panthéon Assas - LGDJ, 1998.

126. WASCHSMANN (P.), Libertés publiques, 4ème édition, Paris, Dalloz, 2002.

127. WEBER (M.), Le savant et le politique, 1919, Paris, Plon, 1959.

128. YATALA NSOMWE NTAMBWE (C.), L'inconstitutionnalité du « déni de législation en droit congolais, Information disponible sur https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/deni-de-justice.php, consulté le 13 avril 2019 à 10heures 57'.

129. ZEGREBELSKY (M.), Le droit en douceur (traduit de l'italien par LEROY) (M.), PUAM, 2000.

B. DICTIONNAIRES

1. ANDRIANTSIMBAZOVINA, H. GAUDIN, J.- MARGUENAUD (P.), RIALS (S.), SUDRE (F.), (dir.), Dictionnaire des Droits de l'Homme, coll. «Quadrige », 1ère éd., Paris, PUF, 2008.

2. CASILLO (I.), « Espace public », in CASILLO (I.) avec BARBIER (R.), BLONDIAUX (L.), CHATEAURAYNAUD (F.), FOURNIAU (J.-M.), LEFEBVRE (R.), NEVEU (C.) et SALLES (D.) (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013. URL : http://www.dicopart.fr/it/dico/espace-public.

3. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 12ème édition, Paris, PUF, 2018.

4. Dictionnaire Larousse Maxipoche, Paris, Éditions Larouse, 2011.

5. Dictionnaires. Le Robert - SEJER, 2009.

6. ALLAND (D.) et RIALS (S.) (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, 2000.

7. GUINCHARD (S.) et DEBARD (T.) (Dir), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2019-2020.

8. NAY (O.) et Al., Lexique de science politique, vie et institutions politiques, Paris, Dalloz, 2008.

9. WACHSMANN (P.), Enseignement des libertés et des droits de l'homme, in ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.) et alii, (dir.), Dictionnaire des Droits de l'Homme.

C. OUVRAGES COLLECTIFS

1. BERNARD (N.) et alii, Guide des citations, références et abréviations juridiques, 6ème édition, Bruxelles, Wolters Kluwer, 2017.

2. BIRBOSIA (E.) et HENNEBEL (L.), (dir.), Classer les droits de l'Homme, Bruxelles, Bruylant, 2004.

3. BOUIFFROR (S.) et NANOPOULOS (D.-K.) (Dir), Droit constitutionnel. Méthodologie, Paris, Ed. Vuibert, 2006.

4. FAVOUREU (L.) et alii, Droit constitutionnel, 15e édition, Paris, Dalloz, 2013.

5. JEAMMAUD (A.) et SERVERIN (E.), Evaluer le droit, Paris, Dalloz, 1992.

6. OST (Fr.) et VAN DE KERCHOVE (M.), De la pyramide au réseau - pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires de Saint Louis, 2002.

7. RACINE (P.-F.) et alii, Les grands principes spécifiques au procès administratif, Droit des libertés fondamentales, 9ème éd., Paris, Dalloz, 2003.

8. RIVERO (J.), MOUTOUH (H.), Libertés publiques, Tome 1, Collection Thémis, Paris, PUF, 2003.

9. ROUVILLOIS (F.), Les déclarations des droits de l'homme, choix de textes et présentation par Frédéric ROUVILLOIS, Collection « Les livres qui ont changé le monde », n° 9, Paris, Le Monde - Flammarion, 2009.

10. SERIAUX (A.), SERMET (L.), VIRIOT-BARRIAL (D.), Droits et libertés fondamentaux, Paris, Ellipses, 1998.

11. TSHISUNGU (U.-D.) et KIBAL (P.), Le gouvernement par le peuple : Solution à toute crise dans un État. Recueil des exposés du Séminaire de Formation de Janvier 2012, Vade-Mecum du Révolutionnaire. Tome 1, Kinshasa, Médias-Paul, 2012.

12. VELLUT (J.-L.) (dir), La mémoire du Congo. Le temps colonial, Bruxelles, Musée royal de l'Afrique centrale, 2005.

13. VONHUMBOLDT (W.), Essai sur les limites de l'action de l'État, traduction CHRETIEN (H.), HORN (K.), préface de LAURENT (A.) et HORN (K.), coll. Bibliothèque classique de la liberté, Paris, Les Belles Lettres, 2004.

IV. THESES, MÉMOIRES, COURS

A. THESES

1. BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, illustration en droit de l'urbanisme et de l'environnement, Thèse, Faculté de Droit et des Sciences Economiques, Université de Limoges, 2012.

2. BUTERI (K.), L'application de la Constitution par le juge administratif, Thèse de droit, Aix-en-Provence, 2000.

3. DE BECHILLON (D.), Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l'État, Thèse de droit, Paris, Economica, 1999.

4. DUCOULOMBIER (P.), Les conflits de droits fondamentaux devant la Cour européenne des droits de l'homme, Thèse de doctorat en droit, Université Robert Schuman - Strasbourg III, 2008.

5. DURIEUX (A.), La notion de l'ordre public en droit privé colonial belge, Institut royal colonial belge, Section des Sciences Morales et Politiques, Mémoires, T. XXXI, fasc. 1953.

6. ETOA (S.), Le passage des « libertés publiques » aux « droits fondamentaux » : Analyse des discours juridiques français, Doctorat de droit, Université de Caen Basse-Normandie, imprimé, 2010.

7. HENRY-MENGUY (Br.), L'obligation de légiférer en France - La sanction de l'omission législative par le Conseil constitutionnel, Thèse de doctorat, Droit, Toulouse-Paris, 2008.

8. JACQUINOT (N.), Ordre public et constitution, Thèse dactylographiée, Université d'Aix-Marseille III, 2000.

9. KALUBA DIBWA (D.), Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle, Thèse, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2010.

10. KAMUKUNY MUKINAY (A.), Contribution à l'étude de la fraude en droit constitutionnel congolais, Thèse, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2009.

11. LACHAUME (J.-Fr.), La hiérarchie des actes administratifs exécutoires en droit public français, Thèse de doctorat, droit, Paris, LGDJ, 1966.

12. LE BOT (O.), La protection des libertés fondamentales par la procédure du référé-liberté, Thèse de doctorat, Université Paul Cézanne-Aix Marseille III, Paris, 2006.

13. LINOTTE (D.), Recherches sur la notion d'intérêt général en droit administratif français, Thèse dactylographiée, Université de Bordeaux I, 1975.

14. MORANGES (G.), Contribution à la théorie générale des libertés publiques, Thèse de doctorat, Nancy, 1940.

15. MOURGEON (J.), La répression administrative, Thèse de doctorat, Droit, Paris, LGDJ, 1967.

16. NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Le contrôle de constitutionnalité en République Démocratique du Congo. Étude critique d'un système de justice constitutionnelle dans un État à forte traditionautocratique, Thèse de doctorat, Université catholique de Louvain, 2007-2008.

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B. MEMOIRES

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4. NGOY WALUPAKAH, La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique ; Mémoire de licence, Faculté de Droit, U.C.B. 2007-2008.

5. CHAPDELAINE (M.), La fonction démocratique du mouvement zapatiste, du soulèvement armé à l'autre, Mémoire de Master 2 en Sociologie, Université du Québec, Montréal, 2010.

V. ARTICLES DE REVUES, CONTRIBUTIONS ET RAPPORTS

A. ARTICLES DE REVUES

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VI. CONTRIBUTIONS

A. RAPPORTS & DOCUMENTS DIVERS

130. Accord global et inclusif sur la transition en République Démocratique du Congo, Journal Officiel, n° spécial du 5avril 2003.

131. Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994 dispose que « Le Président de la République le promulgue dans les délais définis ci-dessus : A défaut, la loi est promulguée par le Président du Haut Conseil de la République-Parlement de Transition ».

132. Allocution de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République française, prononcée à l'Université de Dakar.

133. Amnesty International (AI), Démantèlement de a dissidence, 17/09/2016, in OFPRA, Les manifestations de l'opposition, DIDR, Mars 2017.

134. AMNESTY International, Ils sont traités comme des criminels. La RDC fait taire des voix discordantes pendant la période préélectorale, novembre 2016.

135. Amnesty International, Lignes directrices pour la mise en oeuvre des principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois (2015).

136. BCNUDH, Rapport sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales en période préélectorale en République Démocratique du Congo, entre le 1er janvier et le 30 septembre 2015, publié le 8 décembre 2015. Disponible sur : http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/UNJHRODecember2015_fr.pdf.

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139. BENDOUROU (O.), Les publiques libertés entre Constitution et législation, Exposé lors d'une conférence à la Faculté de Droit de Souissi-Rabat.

140. CASSIN (R.), « Droits de l'homme et méthode comparative », R.I.D.C., 1968, p. 453. Dans un sens similaire, MARTY (G.), « Droits de l'homme et droit comparé », in René Cassin Amicorum Discipulorumque liber, tome IV, Pédone, Paris, 1972.

141. Communiqué de presse publié le 15 novembre 2017, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a qualifié ces commentaires d'extrêmement alarmants et a appelé les autorités congolaises à « oeuvrer pour désamorcer les tensions au lieu de créer les conditions favorisant la répression, la confrontation et la violence ».

142. Communiqué n° 090/BIS/CAB.GOUV/KC/002/2017 (1er avril 2017).

143. Conseil de sécurité des Nations Unies, Dix-huitième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, 2 août 2005.

144. Déclaration du 8 septembre 2000 des Chefs d'État et de gouvernement adoptée par une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, 13 septembre 2000, résolution n° A/RES/55/2, texte disponible sur le site de l'ONU, http://www.un.org, p. 2, I-§ 6.

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146. Déclaration universelle des droits de l'Homme, Paris, 10 décembre 1948, Res. AG 217A (III), U.N. Doc A/810 à 71 (1948).

147. Les rapports de la MONUSCO et du BCNDH et autres Organisations internationales.

148. Ley Orgánica 9/1983, de 15 de julio, reguladora del derecho de reunión (BOE núm. 170, de 18 de julio), modificada por la Ley Orgánica 4/1997, de 4 de agosto; por la Ley Orgánica 9/1999, de 21 de abril, por la Ley Orgánica 9/2011, de 27 de julio y por la Ley Orgánica 8/2014, de 4 de diciembre, information disponible sur http://seguridadmotociclistas.org/wp-content/uploads/2016/05/El-derecho-de-manifestaci%C3%B3n-y-reuni%C3%B3n.pdf, consulté le 23 juillet 2019 à 08 heures 26'.

149. Loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale, in DUVERGIER (J.-B.), Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du Conseil d'État à partir de 1788, tome 84, Éditions Guyot et Scribe, Paris, 1884.

150. N.S.S.C., Rapport pré-observation électorale. La liberté d'expression et le processus électoral menacés par l'intolérance politique, Kinshasa, février 2017.

151. National Democratic Institute for International Affairs, Les leçons à tirer de la Conférence Nationale Souveraine et ses implications pour le dialogue intercongolais, NDI.

152. Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à la liberté de réunion et d'association pacifique, A/HRC/23/39 (24 avril 2013), para. 63.

153. HUMAN RIGHTS WATCH, 2016, Rapport mondial 2016 : République Démocratique du Congo, (octobre 2016).

VIII. SITE INTERNET

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- URL: http://journals.openedition.org/revus/2755. DOI : 10.4000/revus.2755.

TABLE DES MATIERES

ÉPIGRAPHIE I

DÉDICACE II

REMERCIEMENTS III

PLAN SOMMAIRE V

PRINCIPAUX SIGLES, ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES UTILISÉS VII

INTRODUCTIONGÉNÉRALE 1

1. CONTEXTE DE L'ÉTUDE 4

2. ÉTAT DE LA QUESTION ET REVUE DE LA LITTÉRATURE 7

3. PROBLÉMATIQUE 13

4. HYPOTHESES DE TRAVAIL 14

5. JUSTIFICATION DE L'ÉTUDE 14

5.1. Une question d'actualité délaissée par la doctrine 15

5.2. L'indispensable besoin de protection de la liberté de manifester 16

5.3. Choix des États, objet de la comparaison 17

6. INDICATIONS MÉTHODOLOGIQUES 18

7. DÉLIMITATION DU CHAMP DE LA RECHERCHE 22

PREMIERE PARTIE :

Introduction 25

CHAPITRE PREMIER : LA FONDAMENTALITÉ DU DROIT DE MANIFESTER DANS UN ÉTAT DÉMOCRATIQUE 27

Section 1. Le principe de liberté, fondement substantiel de la liberté de manifestation 28

§1. Les fondements de la liberté de manifestation 28

1. Liberté comme prérogative 29

2. Un concept à controverses 30

A. Leconflitentrela libertédu sujet et la liberté de tous 34

B. La collision des libertés antagonistes 35

§2. La liberté de manifestation sur la voie publique en question 38

1. Le sens de la liberté de manifestation 39

A. La diversité des formes de manifestation 41

B. Ce que une manifestation publique n'est pas 43

B.1. L'attroupement et le soulèvement populaire 43

B.2. La contre-manifestation 44

2. La liberté de manifestation : composantes et corollaires 45

§3. Le lien entre la liberté de manifestation et les autres droits et libertés 46

1. Une liberté articulée avec la liberté d'expression 46

2. Une liberté découlant de la liberté des réunions pacifiques 46

3. Une liberté se rapprochant de la liberté d'association 48

Section 2. La recherche de la fondamentalité du droit de manifester 48

§1. La fondamentalité est-elle liée à une source ? 49

§2. La fondamentalité est une propriété 49

1. La constitutionnalité comme indice de fondamentalité 51

2. La fondamentalité des libertés infra-constitutionnelles 54

Section 3. La proximité sémantique impliquant une précaution de langage dans l'usage de certains concepts 54

§1. La distinction entre la promotion et la protection 54

1. Définition des concepts promotion et protection 55

A. Promotion 55

B. Protection 55

2. Intérêt de la distinction 56

A. Une exigence doctrinale 56

B. Une précision terminologique 56

§2. L'ordre public matériel et immatériel 57

1. La conception retenue de l'ordre public 57

A. La double acception de la notion d'ordre public 59

B. La conception matérielle de l'ordre public 60

2. Les fonctions précises de l'ordre public 61

3. La conception immatérielle de l'ordre public 63

CHAPITRE DEUXIEME : L'ÉVOLUTION DES CADRES CONTEXTUEL ET JURIDIQUE DE L'EXERCICE DE LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION 64

Section 1. Le Congo-Belge : l'exercice de la liberté de manifestation dans un contexte colonial 67

§1. Le régime applicable à l'exercice de la liberté des manifestations 69

1. La résignation au paternalisme 69

A. Une consécration excluant les indigènes 70

B. La portée libérale de cette consécration 71

2. Un régime discriminatoire basé sur la race 73

A. La stratification sociale 75

B. Une réglementation discriminatoire 75

B.1. L'égalité des Belges (de la Belgique et du Congo) devant la loi 76

3. Analyse de l'Ordonnance n° 025/555 et l'Ordonnance n° 25-55 du 05 octobre 1959 78

§2 La manifestation et la colonisation 79

1. L'intolérance politique et sociale 79

A. L'intolérance politique 80

B. L'intolérance sociale 81

2. Les conséquences de l'intolérance 82

A. Les événements du 4 janvier 1959 82

1. Que s'est-il réellement passé au Congo ? 82

2. Analyse juridique de la situation 83

3. Impacts sur le plan politique 83

B. Les contestations de Stanleyville 84

Section 2. Le Congo-Zaïre : l'exercice de la liberté de manifestation dans un contexte dictatorial 85

§1. Un cadre juridique illustrant un contexte dictatorial 86

1. La liberté de manifestation sous la constitution de 1964 86

2. La liberté de manifestation avant 1967 87

3. Traits fondamentaux de la Constitution du 24 juin 1967 88

A.1. La situation des droits et libertés des citoyens 89

A.2. Le cas particulier de la protection de la liberté de manifestation 89

B. Les révisions de la Constitution de 1967 91

B.1. La Loi n° 70/001 du 23 décembre 1970 91

B.2. La Loi n° 74/020 du 15 août 1974 91

B.3. La Loi n° 78-010 du 15 février 1978 92

§2. Les tendances de démocratisation : le régime juridique proposé à l'issue des négociations politiques au Zaïre 93

1. Multipartisme intégral et l'ouverture effective de l'espace politique 94

A. La liberté de manifestation au lendemain du discours du 24 avril 1990 94

B. La liberté de manifestation dans le contexte de l'ouverture effective de l'espace politique 95

2. Les résolutions de la conférence nationale souveraine 97

3. Le droit de manifester sous la constitution de la transition du 04 avril 2003 98

4. Le bilan des atteintes portées sur la liberté de manifestation 100

§3. La gestion des manifestations et les vagues de démocratisation au Zaïre 100

1. La gestion des manifestations au plus fort de la dictature 101

A. L'influence de la culture autocratique sur le droit de manifester 101

2. Le processus de démocratisation 103

3. L'entrée de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération 104

3. L'entrée en vigueur du décret-loi du 29 janvier 1999 106

A. L'économie du décret-loi 106

B. Lecture critique du décret-loi 107

C. Facteur de la fragilité de la liberté de manifestation 107

Section 3. Les principales atteintes portées au droit de manifester 109

§2. La période de 2006-2011 : entre les deux cycles électoraux 110

A. Les manifestations pré- et post-électorales de 2006 110

§2. La période entre 2011 et 2016 111

A. La période 2011 111

B. Les manifestations de janvier 2015 contre la loi électorale 114

C. Les manifestations de septembre 2016 dénommées « carte jaune » 114

§3. La période allant de décembre 2017 et janvier 2018 : Comité Laïc Catholique de coordination « CLC » 118

CHAPITRE TROISIEME : 120

LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION EN DROIT COMPARÉ 120

Section 1. Le cadre juridique de protection de la liberté de manifestation en France 123

§1. Le droit de manifester en France : une liberté sous les signes de méfiance 123

1. La protection inachevée 123

2. Un régime placé sous le signe de l'ordre public et méfiance 125

§2. Le régime juridique de la liberté de manifestation en France 127

Section 2. La positivité de la liberté de manifester en droit espagnol 129

§1. Le parcours historique du droit de manifester en Espagne 129

§2. Les acquis consolidés en droit positif 133

§3. La conception espagnole de la liberté de manifestation 136

Section 3. L'exercice de la liberté de manifestation au Bénin 142

§1. La reconnaissance de la liberté de manifester au Bénin 143

1. Le cadre juridique de la reconnaissance de la liberté de manifester 143

2. L'exercice de la compétence législative au Bénin 144

§2. Un encadrement déformé 146

1. Le régime de la liberté de manifestation au Bénin 146

A. L'ambiguïté du régime juridique béninois de protection 147

B. Une instrumentalisation politique pour museler l'opposition 148

2. Une protection vicieuse 149

A. La manifestation au service de la diffusion d'une politique gouvernementale 149

B. Le musèlement de l'opposition 150

CONCLUSION PARTIELLE 153

DEUXIÈME PARTIE : LA PROTECTION DU DROIT DE MANIFESTER DANS L'ESPACE PUBLIC : PROSPECTIVES CONGOLAISES 155

INTRODUCTION 156

CHAPITRE QUATRIEME : UNE ARCHITECTURE VIRTUELLE DE PROTECTION DU DROIT DE MANIFESTER APPAREMMENT COHÉRENTE 158

Section 1. Les mécanismes non-juridictionnels de protection de la liberté de manifester 159

§1. La protection politico-parlementaire de la liberté de manifestation 160

1. La protection par la sanction des atteintes portées aux droits fondamentaux 160

A. La protection par la sanction des politiques gouvernementales liberticides 161

B. La mise en échec des lois liberticides 162

2. La protection par voie de pétition 163

§2. Autres organismes nationaux de protection des droits fondamentaux 165

1. Le pouvoir exécutif 165

A. Le Département des droits et libertés du citoyen 165

B. Ministère des droits humains 166

2. La Commission Nationale des Droits de l'Homme 168

A. La composition 169

B. Les compétences 169

C. La CNDH, un ombudsman à la congolaise ? 171

D. Les pesanteurs fonctionnelles 173

1. La police nationale congolaise 175

A. L'action de la police avant les manifestations 176

B. L'action de la police pendant les manifestations 177

C. Les quatre principes du maintien de l'ordre public 177

C.1. La conformité légale 177

C.2. L'interdiction de l'excès : le principe de la proportionnalité 177

C.3. L'adéquation entre la mesure à prendre et le degré de la menace à craindre 178

C.4. Hiérarchies de valeurs entre la liberté et les risques éventuels 178

2. La protection par les forces armées congolaises 178

3. L'Agence nationale des renseignements 179

§4. Les acteurs paraétatiques et interétatiques 180

1. Les Organisations Non Gouvernementales de protection des droits de l'homme 181

2. La protection internationale du droit de manifester 181

A. L'action internationale en faveur de la protection de la liberté de manifestation 182

A.1. Les garanties mondiales 182

A.2. La contribution de l'Organisation Internationale de la Francophonie à la protection d'un État de droit 183

B. La protection par les sanctions ciblées de l'UE et les USA 184

B.1. La portée des mesures dites sanctions ciblées 184

B.2. L'effectivité des sanctions dites ciblées prises au travers les mesures américaines et européennes 186

3. La protection onusienne (MONUSCO, BCNUDH) 188

4. Les garanties assurées par les instances africaines 189

A. La protection par voie diplomatique : Déclaration des gouvernements africains 189

B. La protection devant Cour africaine des droits de l'homme et des peuples 189

Section 2. Les mécanismes juridictionnels de protection de la liberté de manifester 190

§1. La protection de la liberté de manifestation : quelles garanties par le juge ? 193

1. Le juge judiciaire, protecteur de la liberté de manifestation 193

A. Le juge pénal congolais et la protection de la liberté de manifestation 193

B. La protection par le juge civil 195

2. La protection de la liberté de manifestation par le juge administratif 195

A. La recherche de la conformité légale 195

B. La réparation du préjudice causé par l'administration 196

3. L'action de la Cour constitutionnelle dans la protection de la liberté de manifestation 196

§2. La dynamique jurisprudentielle de protection de la liberté de manifestation 198

Section 3. Le régime de responsabilité découlant de la liberté de manifestation en droit comparé 203

§1. Mise en oeuvre de la responsabilité pénale 203

1. Les infractions visant les manifestants 204

2. L'entrave à la liberté de manifestation 208

3. S'agissant des organisateurs et des manifestants 209

§2. La responsabilité civile découlant des manifestations publiques 210

1. La responsabilité civile de l'État des dommages causés par les manifestants 210

2. Justification de la responsabilité civile de l'État 210

3. Les conditions de la responsabilité civile de l'État 211

4. La responsabilité civile pour les dommages causés par les tiers à la manifestation 214

§3. Responsabilité disciplinaire et politique 216

1. La responsabilité disciplinaire résultant des manifestations publiques 216

2. La responsabilité politique 217

CHAPITRE CINQUIEME : CONTRADICTIONS, AMBIGUÏTÉS ET INADAPTATIONS PRATIQUES DU SYSTÈME JURIDIQUE CONGOLAIS DE PROTECTION DE LA LIBERTE DE MANIFESTATION 221

Section 1. La hiérarchie des normes : une exigence de l'effectivité de la liberté de manifestation 222

Section 2. La liberté de manifestation : un droit constitutionnel dont les modalités d'exercice postulent l'intervention du législateur 226

§1. La consécration législative : un vide à combler par une loi portant mesures d'application de la liberté de manifestation 227

1. La consécration constitutionnelle de la liberté de manifestation 227

2. La proposition de loi portant modalités d'exercice de la liberté de manifestation 228

§2. Le déni de législation en matière de liberté de manifestation : une carence fautive dépourvue de sanction 230

1. La nécessaire intervention du législateur 231

2. La situation en droit congolais 232

§3. Entre autorégulation du système juridique et opposabilité de la proposition de loi 238

Section 3. La liberté de manifestation : la nécessité de la cohérence du système juridique de protection 240

§1. La conformité des normes à la Constitution et aux conventions internationales des droits de l'homme : principal indice de la cohérence du système juridique 240

1. Les traités internationaux dans l'ordre juridique de la RDC 240

2. La liberté de manifestation en droit international des droits de l'homme 242

§2. La protection conventionnelle de la liberté de manifestation 243

CHAPITRE SIXIEME : PROSPECTIVES POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE ET PLUS EFFECTIVE DU DROIT DE MANIFESTER EN RDC 247

Section 1. La nécessité de reformer le système juridique congolais de protection de la liberté de manifestation 248

§1. La recherche de la cohérence du système juridique 248

1. Position du problème 249

2. Nos propositions 251

§2. Le renforcement des sanctions comme condition d'effectivité 251

1. Position du problème 252

2. Notre proposition 256

§3. La mise en place de voies de recours juridictionnels adaptées à la protection des droits fondamentaux 256

1. Analyse comparée des recours juridictionnels spéciaux en matière de protection de la liberté de manifestation 256

A.1. La procédure sommaire et prioritaire espagnole 258

A.2. Le référé-liberté commun à la France et à la RDC 259

B. Les recours constitutionnels spécialisés dans la protection des droits fondamentaux 261

B.1. Le recours constitutionnel d'amparo espagnol 261

B.2. La question prioritaire de constitutionnalité française 265

2. Perspectives pour la République Démocratique du Congo 269

Section 2. La légitimité de la norme de protection de la liberté de manifestation et la nécessité de sa mise en oeuvre 271

§1. La bonne réception de la norme par ses destinataires 271

1. Aperçu du problème 272

2. Prospectives congolaises : une éducation au droit de l'homme et au constitutionnalisme populaire 276

§2. Les mesures d'application de la norme 277

Section 3. L'exigence d'un service public de la justice de qualité 279

§1. La recherche d'effectivité de la garantie juridictionnelle par le prisme du droit fondamental au juge 280

1. Une reconnaissance unanime 281

2. Un champ d'application large 281

3. Le droit à l'exécution des décisions de justice 282

§2. Les défis d'une bonne administration de la justice en RDC 284

1. Les défis liés aux structures de la justice 284

A. Insuffisance des juridictions 284

B. Mauvaise répartition des juridictions 285

C. Dysfonctionnement des audiences foraines 285

2. Les défis liés au fonctionnement de la justice 286

§3. L'instauration d'un contrôle rigoureux de la limitation des droits fondamentaux 287

1. Le contrôle des actions étatiques préventives 287

A. Le contrôle de la déclaration préalable 287

B. Le contrôle des interdictions 288

2. Le contrôle des actions répressives 290

A. Le contrôle des poursuites engagées 290

B. Le contrôle de la dispersion d'une manifestation 292

3. Les troubles de l'ordre public : seul motif valable d'interdiction 293

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 295

CONCLUSION GÉNÉRALE 296

BIBLIOGRAPHIE 304

TABLE DES MATIERES 338

* 1MORIN (J.-Y.), Libertés et droits fondamentaux dans les constitutions des États ayant le Français en partage, Paris, Bruylant/AUF., 1999, p. 1.

* 2Idem, p. 13.

* 3 Différemment des textes constitutionnels précédents qui rattachaient la liberté de manifestation à la liberté d'expression et de réunion, la Constitution congolaise du 18 février 2006 autonomise la liberté de manifestation en lui consacrant une disposition entière, l'article 26 lequel est réparti en 4 alinéas. Cfr. art. 26, Constitution de la République démocratique du Congo, telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo, in J.O.RDC., n° spécial, 20 janvier 2011.

* 4 DUFFY (A.) et PERROUD (Th.) (dir) et alii, « La liberté de manifester et ses limites: perspective de droit comparé », France, 11, 2017, in Revue des Droits de l'Homme, https://revdh.revues.org/2956. , p. 1.

* 5Arrêt 115/1985 du 11 octobre 1985, Tribunal Constitutionnel espagnol, cité par ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.),« La liberté de manifestation dans l'espace public en Espagne », in DUFFY (A.) et PERROUD (Th.) (dir), et alii, Op. cit, p. 8.

* 6DENIZEAU (Ch.), La liberté de manifestation en droit européen, in DUFFY (A.) et PERROUD (Th.) (dir) et alii, Op. cit, p. 20.

* 7NGONDAKOY NKOY-ea-LOONGYA (P-G), Cours de libertés publiques (polycopié), Université de Kinshasa, D.E.S en Droit de l'Homme, 2018-2019, p. 39.

* 8ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 7.

* 9 FRAISSE (R.), « Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle conditionné, diversifié et modulé de la proportionnalité », in Les figures du contrôle de proportionnalité en droit français, Actes du colloque de la Faculté de Droit et d'Économie de la Réunion, du 4 au 5 juin 2007, LPA n° spécial du 5 mars 2009, pp. 74-85, spéc. p. 98.

* 10Idem.

* 11SAIN SAULIEU (G.), Op. cit, pp. 50.

* 12BERTRAND (P.) et LATOUR (X), Libertés publiques et droits fondamentaux, 5eme éd., Mesnil-sur-l'Estrées, Studurama, 2014, p. 1.

* 13 NGONDANKOY KOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Introduction générale au droit, partie II : Droit public, Op. cit., p. 1.

* 14 Ici c'est l'essentialité, l'importance ou l'attachement que lui vouent les citoyens au-delà de l'intervention des pouvoirs.

* 15 LÖHRER (D.), La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux en droit constitutionnel comparé. L'exemple de l'ombudsman spécialisé portugais, espagnol et français, Thèse de doctorat en droit public, Faculté de Droit, d'Economie et de Gestion École Doctorale, de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2013, p. 41.

* 16RIVERO (J.), Libertés publiques, tome I, Paris, 9e édition mise à jour, PUF, 2003, p. 5.

* 17Article 64 de la Constitution de la République Démocratique du Congo de 18 février 2006, telle que modifiée le 20 janvier 2011, J.O.R.D.C., 52e année, numéro spécial, 5 février 2011, pour faire échec à un régime soupçonné d'exercer le pouvoir en violation de la Constitution.

* 18 SAIN SAULIEU (G.), Op. cit, pp. 16-17.

* 19 L'incise « sous réserve du respect de l'ordre public » est généralement détournée de sa vraie portée et s'utilise comme prétexte dans les pays de tendance autoritaire pour interdire les manifestations publiques. La précision contenue dans le Décret-loi français sur la liberté de manifestation manque en République Démocratique du Congo, à savoir que «  la menace à l'ordre public doit être grave et précise » et que les troubles ne doivent être supposés.

* 20 Depuis l'approche de la fin du mandat du Président Kabila, initialement prévue en décembre 2016, les seules manifestations de l'opposition accordées sont celles organisées dans la périphérie de Kinshasa, dans la Commune de N'djili, à l'espace Saint Thérèse. Certaines analyses démontrent que ce comportement visait essentiellement à éloigner le risque du renversement du régime par les effets spontanés que peut provoquer un rassemblement à proximité de son siège.

* 21 Selon SAIN SAULIEU (G.), Op. cit. p. 18.

* 22 Expression employée par Paul-Gaspard NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA dans l'étude menée sur Le contrôle de constitutionnalité en République Démocratique du Congo. Etude critique d'un système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte tradition autocratique, Thèse de doctorat, Université catholique de Louvain, 2007-2008, p. 35.

* 23 Lire le rapport conjoint de la MONUSCO et du BCNDH respectivement pp. 18-25. Informations disponibles sur https://www.radiookapi.net, consulté le 12 avril 2018 à 19h 36'.

* 24 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Le contrôle de constitutionnalité en République Démocratique du Congo. Etude critique d'un système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte tradition autocratique, Op. cit. p. 45.

* 25 Une lecture minutieuse des textes constitutionnels antérieurs permettra d'avoir une idée juste.

* 26 DUFFY-MEUNIER (A.) et PERROUD (Th.), Op. cit, p. 1.

* 27 Article 26 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, Op. cit.

* 28NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), La liberté de manifestation à l'épreuve des faits, op. cit, p. 66.

* 29 Dans l'affaire Hubbard c. Pitt, le Tribunal Suprême espagnol, 3ème Chambre, 26 juin 1991. Citée par Hubert Alcaraz, Op. cit.,p. 2.

* 30 Décret-loi n° 196 du 29 janvier 1999 portant règlement des manifestations et des réunions publiques, in JORDC, 40e année, numéro spécial, février 1999.

* 31 Article 221 de la Constitution du 18 février 2006 de la République Démocratique du Congo, Op. cit.

* 32 ODIMULA LOFUNGUSO (L.), La justice constitutionnelle et la juridicisation de la vie politique en République Démocratique du Congo, Kinshasa-Paris, l'Harmattan RDC, 2016, p. 76.

* 33 WASCHSMAN (P.), Libertés publiques, 4ème éd., Paris, Dalloz, 2002, p. 66.

* 34 Jus Politicum Vol. III, Revue de droit politique, « Mutation ou crépuscule des libertés publiques ? », Paris, Dalloz, 2001, p. 25.

* 35 WASCHSMAN (P.), Op. cit., p. 66.

* 36BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, illustration en droit de l'urbanisme et de l'environnement, Thèse, Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Limoges, 2012, p. 191.

* 37 ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), Introduction générale au droit, 3ème éd., Paris, Flammarion, 2011, p. 217.

* 38 L'article 140 de la Constitution du 18 février 2006 est ainsi libellé : « Le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours de sa transmission après l'expiration des délais prévus par les articles 136 et 137 de la constitution.

* 39 NGONDANKOY NKOY (P.-G), La liberté de manifestation à l'épreuve des faits, Annales de la Faculté de Droit, Actes de journées scientifiques sur le Thème Droit et Société « ubi societas, ibi jus : ubi jus, ibi societas », du 06 au 07 février 2017, Kinshasa, Ed. DES, octbre 2017, p. 1.

* 40 BABINEAU (G.)« La manifestation : une forme d'expression collective », Les Cahiers de droit, 53(4) pp. 761-792.

* 41 L'accès au juge et la certitude de son issu sont le gage de l'effectivité du droit de manifester. Dans ce cadre, la nécessité d'une citoyenneté active s'impose.

* 42 BENDOUROU (O.), Les publiques libertés entre Constitution et législation, exposé lors d'une conférence à la Faculté de Droit de Souissi-Rabat, 2016.

* 43 L'approche top down ou descendante consiste, comme son nom l'indique, en un processus d'analyse évoluant de haut en bas ; en l'espèce l'approche va consister, dans l'analyse de certaines notions, à partir du droit international vers le droit interne.

* 44 DENIZEAU (Ch.), Op. cit., p. 25.

* 45 L'embrasement de la situation à travers toutes les régions du monde exige un regard global et postule à une étude comparative pour une meilleure explication du phénomène.

* 46 In concreto, il s'agissait de démontrer l'incohérence du système juridique de protection du droit de manifester au regard de l'esprit libéral imprimé par la nouvelle Constitution promulguée le 18 février 2006.

* 47 YATALA SOMWE, La liberté de manifestation et le régime d'information dans la constitution congolaise, Consulté sur www.droitcongolais.info, Cité par ODIKO LOKANGAKA (C.), Mémoire de DES, Faculté de droit, Université de Kinshasa, 2014, p. 6.

* 48 LUNGUNGU KIDIMBA (Tr.), L'exercice de la liberté de manifestation en République Démocratique du Congo, Mémoire de spécialisation en droits de l'Homme, CRIDHAC-UNIKIN, 2012, p. 25.

* 49 La pénalisation ici doit être comprise comme étant un mécanisme de renforcement des sanctions, consistant, à l'adoption de sanctions plus fortes et dissuasives comme la révocation ou la déchéance d'une autorité pour entrave à la liberté de manifestation.

* 50 DENQUIN (J.-M.), Des droits fondamentaux à l'obsession sécuritaire...remarques conclusives, inJus Politicum, Mutation ou crépuscule des libertés publiques ? Revue de droit politique, Volume III, Paris, Dalloz, pp. 95-100.

* 51 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), La liberté de manifestation à l'épreuve des faits, Op. cit., p. 1.

* 52 FAVRE (P.), Op. cit., p. 195.

* 53DUFFY-MEUNIER et PERROUD (Th.), Op. cit., p. 1.

* 54 IZORCHE (M.-L.), « Propositions méthodologiques pour la comparaison », R.I.D.C., 2001, pp. 291-292. Dans un sens similaire, Marie-Claire Ponthoreau précise que « ce sont les objectifs qui déterminent ''l'espace de pertinence'' de la comparaison » (op. cit., p. 19).

* 55DUFFY-MEUNIER et PERROUD (Th.), Op. cit., p. 1.

* 56idem

* 57 Lire l'article 21 de la Constitution espagnole 1978. En ligne sur : https:/www.congreso.es.cons.

* 58 PAMATCHIN SORO (S.-Gh.), L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone (Bénin-Côte d'Ivoire-Sénégal) à la lumière des grandes démocraties contemporaines (Allemagne-France), Droit, Université de Bordeaux, 2016, p. 44.

* 59RIVERO (J.) et MOUTOUH (H.), Libertés publiques, tome I, 9e édition mise à jour, PUF, 2003, p. 21.

* 60Idem.

* 61 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Droit congolais des droits de l'homme, Bruxelles, Academia Bruylant, 2004, p. 97.

* 62 COMBACAU (J.) et Alii, Droit international public. Thèmes/Exercices corrigés, 1ère édition, Paris, PUF, 1998, p. 374.

* 63KAMUKUNY MUKINAY (A.), Contribution à l'étude de la fraude en droit constitutionnel congolais, Thèse de doctorat en Droit Public, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2009, p. 34.

* 64 BURDEAU (G.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 1999, p. 6.

* 65 ODIMULA LOFUNGUSO (L.), La justice constitutionnelle à l'épreuve de la juridicisation de la vie politique en droit positif congolais, Op. cit., p. 24.

* 66 CASSIN (R.), « Droits de l'homme et méthode comparative », R.I.D.C., 1968, p. 453. Dans un sens similaire, MARTY (G.), Droits de l'homme et droit comparé, in René Cassin Amicorum Discipulorumque liber, tome IV, Pédone, Paris, 1972, p. 270.

* 67 DELPEREE, (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 2000, p. 40.

* 68 CASSIN (R.), « Droits de l'homme et méthode comparative », Op. cit., p. 453. Dans un sens similaire, Étienne Picard écrit : « le droit comparé permet de mieux comprendre non pas seulement les autres droits, mais bien son propre droit, et même le droit en général », « L'état du droit comparé en France, en 1999 », in BLANC-JOUVAN (X.) et alii, L'avenir du droit comparé. Un défi pour les juristes du nouveau millénaire, Société de législation comparée, Paris, 2000, p. 161.

* 69SAIN SAULIEU (G.), Op. cit., p. 50.

* 70 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), « La liberté de manifestation en droit positif congolais, Communication faite lors de la Journée de sensibilisation des acteurs politiques (Majorité - opposition », Organisée par la Commission Nationale des Droits de l'Homme, Kinshasa, décembre 2016, p. 4.

* 71 TERCINET (M.-R.), « La liberté de manifestation en France »,in RDP, 1979, p. 1009.

* 72 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit constitutionnel, , Théorie générale des institutions politiques de l'Etat, Tome I, Kinshasa, EUA, 2001, p. 23.

* 73CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 12ème édition, Paris, PUF, 2018.

* 74 FAVOUREU (L.) et alii, Droit constitutionnel, 15e édition, Paris, Dalloz, 2013, p. 5.

* 75 Article 4 de la Déclaration française des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, disponible sur https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789, consulté le 26 mars 2019 à 12 heures 04'.

* 76 OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel de droit des libertés fondamentales, Kinshasa, L'Eduque, 2018, p. 6.

* 77 NIRMAL NIVERT, Intérêt général et droits fondamentaux, Thèse, Faculté de Droit, Université de la Réunion, 2012, p. 10, Inédit.

* 78 Voir la Déclaration du 8 septembre 2000 des Chefs d'État et de gouvernement adoptée par une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, 13 septembre 2000, résolution n° A/RES/55/2, texte disponible sur le site de l'ONU, http://www.un.org, p. 2, I-§ 6.

* 79 Voir POIROT-MAZERES (I.), Toute entreprise d'immortalité est contraire à l'ordre public ou comment le juge administratif appréhende... la cryogénisation, Droit administratif, juillet 2006, pp. 6-12, spéc. p. 8.

* 80 AGULHON (M.), La conquête de la liberté, Pouvoirs, 1998/1, n° 84, p. 5-13, spéc. p. 6.

* 81 Préambule de la Constitution du 18 février 2006 de la République Démocratique du Congo telle que révisée par la loi du 20 janvier 2011, in JORDC, numéro spécial, 18 février 2006.

* 82 WASCHSMANN (P.), Op. cit., p. 2.

* 83Idem, p. 1.

* 84WASCHSMANN (P.), Op. cit., p. 5.

* 85Ibidem.

* 86 MORIN (J.-Y.), Libertés et Droits fondamentaux dans les constitutions des États ayant le Français en partage, Bruxelles, Bruylant /AUF., 1999, p. 11.

* 87En ce sens, lireLe nouveau Petit Robert de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert - SEJER, 2009, p. 1452.

* 88 RICOEUR (P.), Liberté, préc., pp. 979-980. ;. Le nouveau Petit Robert de la langue française, Op. cit., p. 1452).

* 89 SAINT-JAMES (V.), La conciliation des droits de l'homme et des libertés en droit public français, Paris - Limoges, PUF, Coll. Publications de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de l'Université de Limoges, 1995, p. 5.

* 90Lire le nouveau Petit Robert de la langue française, op. cit., p. 1452.

* 91Lire le nouveau Petit Robert de la langue française, op. cit., p. 1452.

* 92Idem

* 93 En ce sens, cet éclairage de RICOEUR (P.), Liberté, Op. cit, p. 980 « moins contraint » ».

* 94 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), La liberté de manifestation en droit positif congolais, Op. cit., p. 3.

* 95 LAUPIES (F.), La liberté, Paris, PUF Coll. Que sais-je ?, 2004, p. 5.

* 96 Idem, p. 6.

* 97 SEGUR (P.), La dimension historique des libertés et droits fondamentaux, in CABRILLAC (R.), FRISON-ROCHE (M.-A.), REVET (T.), (dir.), Libertés et droits fondamentaux, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2005, pp. 7-26, spéc. p. 7. Quant à l'émergence des droits de l'homme dans l'espace social, MOURGEON (J.), Les droits de l'homme, Op. cit., pp. 21-29.

* 98Idem.

* 99 LE GUYADER (A.), La question philosophique d'un noyau dur des droits de l'Homme, in MAUGENEST (D.), POUGOUE (P.-G.), (dir.), Droits de l'Homme en Afrique centrale, Op. cit., pp. 249-265, spéc. p. 259.

* 100 RIVERO (J.), MOUTOUH (H.), Libertés publiques, t. 1, Paris, PUF, Coll. Thémis, 9ème éd., 2003, pp. 5-6.

* 101 RICOEUR (P.), Liberté, Op. cit., p. 979.

* 102 ROUSSEAU (J.-J.), Du contrat social,Op. cit., p. 69.

* 103 ZOLLER (É.), Introduction au droit public, Op. cit., p. 2.

* 104 TRUCHET (D.), Les fonctions de la notion d'intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d'État, Paris, L.G.D.J., 1977, p. 176.

* 105 ZOLLER (É.), Op. cit., p. 11.

* 106Idem.

* 107ZOLLER (É.), Op. cit., p. 11.

* 108. LESCUYER (G.), Histoire des idées politiques, Coll. Précis, 14ème éd.,Paris, Dalloz, 2001, p. 121.

* 109 TRUCHET (D.), Le droit public, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, 2003, p. 72.

* 110 KANT (E), Doctrine du droit, Op. cit., in Métaphysique des moeurs, t. II, RENAUT (A.), Paris, GF-Flammarion, 1994, p. 25-27.

* 111KANT (E.), Op. cit., pp. 25-26.

* 112Idem, p. 26.

* 113 Ibidem, pp. 26-27.

* 114BLIBARD, Une philosophie des droits du citoyen est-elle possible ? Réflexions sur l'Égaliberté, RUDH 2004, p. 2-6, évoqué par SERMET (L.), Une anthropologie juridique des Droits de l'homme. Les chemins de l'océan Indien, Op. cit., p. 198. Voir également, KELSEN (H.), La démocratie : sa nature, sa valeur, traduction EISENMANN (Ch.), Paris, Sirey, 1932, p. 2.

* 115 LOCKE (J.), Traité du gouvernement civil, traduction MAZEL (D.), présentation GOYARD-FABRE (S.), Paris, GF-Flammarion, 1992, p. 154 § 15 (paru pour la première fois en 1690).

* 116 LOCKE (J.), Traité du gouvernement civil, Op. cit., p. 143. SUDRE (F.), Droit européen et international des Droits de l'Homme, Paris, PUF, Coll. Droit fondamental, 9ème éd., 2008, p. 269.

* 117 VONHUMBOLDT (W.), Essai sur les limites de l'action de l'État, Traduction CHRETIEN (H.), HORN (K.), préface de LAURENT (A.) et HORN (K.), Paris, Les Belles Lettres, Coll. Bibliothèque classique de la liberté, 2004, p. 165.

* 118 FRAISSE (R.), Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle conditionné, diversifié et modulé de la proportionnalité, in Les figures du contrôle de proportionnalité en droit français, Actes du Colloque de la Faculté de Droit et d'Économie de la Réunion, 4 et 5 juin 2007, LPA n° spécial du 5 mars 2009, pp. 74-85, spéc. p. 75.

* 119 FRAISSE (R.), Op. cit, p. 75.

* 120 SABETE (W.), Limitations aux droits, in ANDRIANT SIMBA ZOVINA (J.) et alii, (dir.), Dictionnaire des Droits de l'Homme,op. cit., pp. 656-662, spéc. p. 656. Dans le même ordre d'idées, RAWLS (J.), Théorie de la justice, op. cit., p. 251. C. BECCARIA, Des délits et des peines, traduction CHEVALLIER (M.), présentation ROCHEFORT (D.), Paris, Le Monde- Flammarion, coll. « Les livres qui ont changé le monde », n° 22, 2010, p. 54.

* 121 Articles 2 al.1 Décret n° 196 du 29 janvier 1999 portant règlement des manifestations et des réunions publiques, in JORDC, 40e année, numéro spécial, février 1999.

* 122 Lire l'article 2 al. 2 du Décret n° 196 du 29 janvier 1999 portant règlement des manifestations et des réunions publiques, in JORDC, 40e année, numéro spécial, février 1999.

* 123 YATALA, La liberté de manifestation et le régime d'information dans la constitution congolaise, cité par ODIKO (C.), Op. cit., 56.

* 124Cour Constitutionnelle de la République du Congo, 18 janv.1995, no 94-352 DC, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. n° 16.

* 125 TERCINET (M.-R.), La liberté de manifestation en France,in RDP, 1979, p. 1009.

* 126 La faillite des états et le décalage de plus en plus criant entre la volonté du peuple et la conduite des élus ne peuvent que mettre en cause la démocratie directe et faire réfléchir pour un retour à la démocratie directe. Si hier c'était l'Agora aujourd'hui c'est dans la rue.

* 127 FORGET (P.), Analyse des limites juridiques à la liberté de manifester pacifiquement au Canada, thèse de doctorat, Université McGill, Montréal, 2003.

* 128 Acteurs sociaux et politiques parmi lesquels on compte les manifestants, l'élite politique et économique visée par la manifestation et les observateurs (les journalistes et les sociologues)

* 129 FRAISSE (R.), Op. cit., p. 142.

* 130FORGET (P.), Op. cit., p. 67.

* 131Idem.

* 132 FRAISSE (R.), Op. cit., p. 146.

* 133 Le teach in est plus ou moins synonyme d'éducation populaire. Il s'accomplit souvent de manière informelle durant la manifestation. Par exemple, lorsqu'une personnalité de la manifestation, prend un micro ou un haut-parleur et informe les gens sur l'enjeu et la cause de la manifestation.

* 134 FRAISSE (R.), Op. cit., p. 90.

* 135Idem,p. 142.

* 136 Aces propos,lire la proposition de loi en instance de promulgation à la présidence de la République de la RDC depuis plus d'une année en violation flagrante de la Constitution.

* 137Aces propos,lire la proposition de loi en instance de promulgation à la présidence de la République de la RDC depuis plus d'une année en violation flagrante de la Constitution.

* 138 BABINEAU (G.), La manifestation une forme d'expression collective », in Les cahiers de droit, volume 53, numéro 4, décembre 2012, pp. 761-792.

* 139BABINEAU (G.), Op. cit, pp. 761-792.

* 140 TERCINET (M.-R.), La liberté de manifestation en France, in RDP, 1979, p. 1009; STIRN (B.), Les libertés en question, Paris, Montchrestien, 6ème édition, 2006, p. 37.

* 141 Cités par BABINEAU (G.), La manifestation : une forme d'expression collective, Op. cit., p. 82.

* 142 En tout cas le sens qu'accordent bon nombre d'auteurs sur la question. Le sens renforcé par l'article 26 de la Constitution congolaise et l'article 12, alinéa 1 et 2 de la proposition de loi fixant les mesures d'application de la liberté de manifestation.

* 143 FAVRE (P.), La manifestation entre droit et politique, cité par ODIKO LOKANGAKA (C.), Op. cit. p. 254.

* 144Idem.

* 145 Lire également BIOY (X.), Droit fondamentaux et libertés publiques, Paris, Montchrestien, 2011, p. 695.

* 146 Article 142 code pénal congolais de 1940.

* 147148PAUVERT (B.), Libertés publiques et droits fondamentaux, 5ème édition, Paris, Studyrama, p. 312.

* 149 PAUVERT (B.), Op. cit., p. 312.

* 150En France, lorsqu'il s'agit une manifestation réalisée sans être déclarée ou en dépit d'une interdiction. Les dispositions de l'article 431-9 et s. du Code pénal s'appliquent alors, organisateurs et participants pouvant faire l'objet de sévères sanctions.

* 151 Article L.211-10 du Code français de Sécurité intérieure.

* 152 Lire à ce titre, le Dictionnaire français, www.cnrtl.fr.

* 153 MORANGE (J.), Droits de l'homme et libertés publiques, 5ème édition, Paris, PUF, 2000, n° 165, p. 244.

* 154 OBERDORFF (H.), Les libertés de réunion, de manifestation et d'association, in La protection de libertés et droits fondamentaux, Notre Librairie, Paris, 2011, pp. 339-349.

* 155Idem.

* 156CEDH, 26 avril 2016, Novikova and others v. Russia, req. n°25501/07, 80153/12 et 25015/13 ; M-T. VIEL, «La délicate frontière entre manifestation collective et libre expression individuelle», Journal d'actualité du droit européen, juin 2016.

* 157 OBERDORFF (H.), Op. cit, p. 234.

* 158 Lire YATALA, Op. cit. 78.

* 159 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Op. cit., pp. 235-236.

* 160SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l'homme, Paris, PUF, 2015, p. 808.

* 161Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, 31e session du Conseil des droits de l'Homme, 2 février 2016, A/HCR/31/66, § 10.

* 162Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, 31e session du Conseil des droits de l'Homme, 2 février 2016, A/HCR/31/66,Op. cit. § 5.

* 163 Souvent cette communauté prend la forme de l'association civile appelée syndicat.

* 164Idem, pp. 171-182.

* 165Souvent cette communauté prend la forme de l'association civile appelée syndicat.

* 166KAMUKUNY MUKINAY (A.), Droit constitutionnel congolais, Kinshasa, EUA, 2010, NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Libertés publiques. Notes de cours à l'intention des apprenants en D.E.S., Année académique 2017-2019, p. 30.

* 167 CAPITANT (D.), Les effets juridiques des droits fondamentaux en Allemagne, LGDJ, Coll. BSCP, Tome 87, 2001, p.3.

* 168LE BOT (O.), La protection des libertés fondamentales par la procédure du référé-liberté, Op. cit., p. 171.

* 169 Lire l'article 2 de la Loi portant principes fondamentaux relatifs à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

* 170LE BOT (O.), La protection des libertés fondamentales par la procédure du référé-liberté, Op. cit., p. 176.

* 171 BACHELIER (G.), Le référé-liberté, RFDA, 2002, p. 263.

* 172Idem

* 173Ibidem

* 174 DE SILVA (I.), concl. sur CE, Sect., 30 octobre 2001, Ministre de l'Intérieur c/Tliba, RFDA, 2002, p. 329.

* 175 ALEXY (R.), A theory of constitutional rights (traduit de l'allemand par RIVERS (J.), Oxford University, Press, 2003, p.349.

* 176 VEDEL (G.), « Les bases constitutionnelles du droit administratif », EDCE, 1954, p. 21.

* 177 GENEVOIS (B.), La jurisprudence du Conseil constitutionnel. Principes directeurs, STH, 1988, p. 189.

* 178FAVOREU (L.), Droit et loi. Brèves réflexions d'un constitutionnaliste, in La philosophie à l'épreuve du phénomène juridique. Droit et loi, Colloque du 22 au 23 mai 1995, PUAM, 1987, p.13).

* 179FAVOREU (L.), Op. cit., p.13.

* 180 KELSEN (H.), Théorie pure du droit, Op. cit., p.99.

* 181Idem, p.224.

* 182 STARCK (C.), La constitution cadre et mesure du droit, Paris, Economica, 1994, p. 104.

* 183ZEGREBELSKY (M.), Le droit en douceur (traduit de l'italien par LEROY (M.), PUAM, 2000, p.111). En cela, La constitution est le consensus de base d'un peuple sur sa façon de vivre, (KARPEN (U.), L'État de droit, in La Constitution de la République Fédérale d'Allemagne. Essai sur les droits fondamentaux et les principes de la loi fondamentale avec une traduction de la fondamentale (KARPEN (U.), Nomos Verslagsgesellschaft, 1996.

* 184Idem

* 185MATHIEU (B.) et VERPEAUX (M.), Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2002, p.19). Comme le relève DE BECHILLON (M.), L'expression constitutionnelle d'une règle, quelle qu'en soit la nature, exprime, par ceci même qu'elle se veut constitutionnelle, une valeur fondatrice pour la société toute entière, (DE BECHILLON (M.), Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l'Etat, Economica PUAM, Coll. DPP, 1996, p.241.). Dans tous les pays, « La norme fondamentale a pour rôle primordial d'établir et de fonder un consensus politique général, singulièrement dans le domaine des droits fondamentaux et des libertés publiques » (BON (P.), Les droits et libertés en Espagne. Eléments pour une théorie générale, in Dix ans de démocratie constitutionnelle en Espagne, éditions du CNRS, 1991, p.40). Elle est la « charte de l'organisation de l'Etat et des valeurs fondamentales ».

* 186 GUASTINI (R.), « Réflexion sur les garanties des droits constitutionnels et la théorie de l'interprétation », RDP, 1991, p.1080.

* 187 ALEXY (R.), Idée et structure d'un système de droit rationnel, APD, tome 33, La philosophie du droit aujourd'hui, 1988, p.32.

* 188 HEGEL, déjà, affirmait que « Par Constitution, on doit entendre les libertés, en général et l'organisation et la réalisation de ces libertés » (HEGEL (G.W.F.), Encyclopédie des sciences philosophiques, §540, cité par SERIAUX (A.) et alii, Droits et libertés fondamentaux, Paris, Ellipses, 1998, p.7). Comme l'a observé ARDANT (M.), Les premiers textes à valeur constitutionnelle de l'époque moderne, les textes anglais du XIIIème au XVIIIème siècle : Grande Charte de 1215, Pétition des droits de 1628, HABEAS Corpus de 1679, Bill of Rights de 1689, se préoccupent moins des institutions que de la liberté sous différentes formes et des procédures destinées à la protéger. Quand, à la fin XVIIIème, les Américains et les Français décident de mettre par écrit un ensemble de règles concernant l'organisation et le fonctionnement du pouvoir, ils inscrivent tout naturellement en tête de ces constitutions des Déclarations des droits, plaçant par là en quelque sorte l'ensemble du texte sous le signe des libertés. » ARDANT (P.), « Les constitutions et les libertés », Pouvoirs, n° 84, 1998, p. 61).

* 189 Dictionnaire Larousse Maxipoche, France, Éditions Larouse, 2011.

* 190 Dictionnaire Maxipoche 2011, Edition Larousse, 2011, p. 1123.

* 191MALAURIE (P.), Les contrats contraires à l'ordre public. Etude de droit civil comparé : France, Angleterre, URSS, Reims, Éditions Matot-Braine, 1953, p.19.

* 192 GUINCHARD (S.) et DEBARD (T.) (Dir), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2019-2020,p. 843.

* 193Idem, p. 507.

* 194 DEUMIER (P.) et REVET (T.), L'ordre public, in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (dir), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy-PUF, Quadrige, 2003, pp.1119-1112, spéc. p.1119.

* 195Idem.

* 196 PLANTEY (A.), Définition et principes de l'ordre public, Op. cit., spéc. p.27.

* 197 LECOMTE (C.), L'intendant : sentinelle de l'ordre public (XVIIe -XVIIIe, in DUBREUIL (C.A.) (dir)., L'ordre public, Éditions Cujas, Coll. Actes et études, Paris, 2013, pp.33-40, spéc, p.34.

* 198 DE TOCQUEVILLE (A.), L'Ancien Régime et la Révolution, 1856, Paris, rééd. Gallimard, 1967, pp.85 et s.

* 199 EWALD (F.) (dir), Naissance du Code civil. La raison du législateur. Travaux préparatoires du Code civil rassemblés par FENET (P.-A.), Paris, Flammarion, 1989, p.9.

* 200 En vertu de l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, il est precisé que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ».

* 201 L'article 6 du Code civil français dispose qu' « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs ».

* 202 PICARD (E.), Introduction générale : La fonction de l'ordre public dans l'ordre juridique, in REDOR (M.-J.) (dir.), L'ordre public : ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, Bruylant, Coll. Droit et justice, Bruxelles, 2001, pp. 17-61, spéc. p.32.

* 203 Le droit positif témoigne de la présence de la notion d'ordre public dans l'ordre juridique dans l'ensemble des disciplines juridiques. Voir : REVET (T.) (dir.), L'ordre public à la fin du XXème siècle, Dalloz, Paris, 1996.

* 204 REDOR (M.-J.) (dir.), L'ordre public : ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, Coll. Droit et justice, 2013.

* 205 PICARD (E.), Introduction générale : La fonction de l'ordre public dans l'ordre juridique, Op. cit., p.36.

* 206 WACHSMANN (P.), Libertés publiques, 4e édition, Paris, Dalloz, p. 56.

* 207Idem.

* 208 Ibidem.

* 209Arrêt de la section du C.E. (France), Affaire Société « Les films Lutétia » du 18 décembre 1959.

* 210C.E. (France), Assemblée, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, requête n° 136727.

* 211 MENY (Y.) et DUHAMEL (O.), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p.683.

* 212 LEBRETON (G.), « Ordre public », in SUDRE (F.) et alii (dir), Dictionnaire des Droits de l'Homme, PUF, Paris,Quadrige, 2008, pp.717-719.

* 213 MALAURIE (P.), L'ordre public est un dans sa définition ; il est multiple dans ses applications, these de doctorat, Ecole doctorale Droit de la Sorbonne, Paris, 2015, p.189.

* 214 BERNARD (P.), La notion d'ordre public en droit administratif, Op. cit., spéc., p.281.

* 215 RIVERO (J.), Droit administratif, Paris, Dalloz, Coll. Précis, 1960, p. 78.

* 216 MENY (Y.) et DUHAMEL (O.), Dictionnaire constitutionnel,Op. cit., spéc. p.683.

* 217 COMBACAU (J.), Conclusions générales, Op. cit., spéc., p.422.

* 218 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France, 2020, p.714.

* 219 COMBACAU (J.), Op. cit. p. 423.

* 220 BERNARD (P.), La notion d'ordre public en droit administratif, op. cit., p. 76.

* 221Idem.

* 222 PETIT (J.), La police administrative, in GONOD (P.) et alii, Traité de droit administratif, Paris Dalloz, 2011, tome 2, pp. 5-44, spéc. pp.9-10.

* 223 Article 97 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale, in DUVERGIER (J.-B.), Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du Conseil d'Etat à partir de 788.

* 224 Article 97 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale, in DUVERGIER (J.-B.), Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du Conseil d'Etat à partir de 1788, tome 84, Éditions Guyot et Scribe, Paris, 1884, pp.99-148.

* 225 BERNARD (P.), La notion d'ordre public en droit administratif, op. cit., pp. 146-147.

* 226 Ainsi, Conseil d'Etat dénie la qualité de mesures de police à des décisions prises dans l'intérêt général et non pas en vue du maintien de l'ordre public.

* 227 LINOTTE (D.), Recherches sur la notion d'intérêt général en droit administratif français, thèse dactylographiée, Université de Bordeaux I, 1975, spéc. pp.164-165.

* 228 ROLAND (S.), L'ordre public et l'Etat. Brèves réflexions sur la nature duale de l'ordre public, in C.-A., DUBREUIL (dir), « L'ordre public », Paris, Éditions Cujas, Coll. Actes et études, , 2013, pp. 9-20.

* 229 COMBACAU (J.), op. cit., p. 430.

* 230 DARSONVILLE (A.), Ordre public et droit pénal, in C.-A. DUBREUIL (dir), L'ordre public, Éditions Cujas, Coll. Actes et études, Paris, 2013, pp. 287-296.

* 231 DREYER (E.), Droit pénal général, Paris, Lexis Nexis, Coll. Manuel, 2ème Edition, 2012, p.1.

* 232 PICARD (E.), Introduction générale : La fonction de l'ordre public dans l'ordre juridique, Op. cit., p.48.

* 233 DEUMIER (P.) et REVET (T.), L'ordre public, Op. cit., pp.1119-1120.

* 234 PICARD (E.), Op. cit., p.1165.

* 235 FRIER (P.-L.) et PETIT (J.), Droit administratif, Paris,Montchrestien, Domat droit public, 7ème édition, 2012, p.285.

* 236 PETIT (J.), La police administrative, Op. cit., p.10.

* 237 PICARD (E.), Introduction générale : La fonction de l'ordre public dans l'ordre juridique, Op. cit., pp. 641-656.

* 238 RIVERO (J.) et MOUTOUH (H.), Libertés publiques, Op. cit., p.164.

* 239 Selon le Commissaire du gouvernement Corneille, « La liberté est la règle et la restriction de police l'exception ». Voir : Concl. Corneille sur CE, 10 août 1917.

* 240 SUDRE (E.), Droit européen et international des droits de l'homme, Paris, PUF, Coll. Droit fondamental, Paris, 11ème ; 2002, pp.218-241.

* 241 HAQUET (A.), Droit pénal constitutionnel ou droit constitutionnel pénal ?, in Constitution et pouvoirs. Mélanges en l'honneur de Jean Gicquel, Paris, Montchrestien, Lextenson éditions, 2008, pp.237-243.

* 242 PICARD (E.), La notion de police administrative, Op. cit., p.543.

* 243 Voir notamment : Décision n°85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, Rec. p. 43.

* 244 PICARD (E.), Introduction générale : La fonction de l'ordre public dans l'ordre juridique, Op. cit., p.60.

* 245 MALAURIE (P.), Rapport de synthèse, in REVET (T.), L'ordre public à la fin du XXème siècle, Paris,Dalloz, 1996, pp.105-111.

* 246 JACQUINOT (N.), Ordre public et constitution, thèse dactylographie, Université d'Aix-Marseille III, 2000, p.68.

* 247BERNARD (P.), La notion d'ordre public en droit administratif, Op. cit., p. 76

* 248HAURIOU (M.), Précis de droit administratif et de droit public, 9e éd., Paris, Sirey, pp. 549 et 550.

* 249Idem, p. 556.

* 250 VELLUT (J.-L.) (dir), La mémoire du Congo. Le temps colonial, Musée royal de l'Afrique centrale, 2005, p. 6.

* 251Idem, p. 8.

* 252 VELLUT (J.-L.) (dir), Op. cit, p. 98.

* 253 Certains auteurs indiquent qu'il s'agit en l'espèce de l'éclipse de l'Etat congolais, qui réapparaîtra en 1960, lors de l'accession du pays à la souveraineté internationale. Il en est ainsi du professeur VUNDUAWE TE PEMAKO.

* 254Allocution de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République française, prononcée à l'Université de Dakar le 27 juillet 2007, p. 8.

* 255 Idem, p. 8.

* 256 BRUNSCHWIG (H.), L'Avènement de l'Afrique noire, Paris, Armand Colin, 1963.

* 257 Idem, pp. 212 et 177

* 258 LISMOND-MERTES (A.), La Belgique face à son passé colonial, in Ensemble ! Pour la solidarité, contre l'exclusion, Trimestriel - n° 91 juin - juillet - août 2016, pp. 6-8.

* 259La Déclaration universelle des Droits de l'Homme, adoptée par les États en 1948 en plein coeur de la colonisation, prend le contrepied de ce phénomène aux pratiques liberticides atroces.

* 260 Art. 5 de la Constitution belge de 1831.

* 261 Art. 7 de la Constitution belge de 1831.

* 262 Art. 8 de la Constitution belge de 1831.

* 263 Art. 9 de la Constitution belge de 1831.

* 264 Art. 10 de la Constitution belge de 1831.

* 265 Art. 11 de la Constitution belge de 1831.

* 266 Art. 12 de la Constitution belge de 1831.

* 267 Art. 13 de la Constitution belge de 1831.

* 268 Art. 14 de la Constitution belge de 1831.

* 269 Art. 5, alinéas 2 et 3 de la Charte coloniale belge du 18 octobre 1908.

* 270 RAYMOND BETTS (F.), Op. cit, p. 355.

* 271Idem.

* 272 HALEWYCK (M.), La Charte coloniale .Commentaire de la loi du 18 octobre 1908 sur le Gouvernement du Congo belge, Tome 1, M.WEISSENBRUCH, Imprimerie du Roi, Bruxelles, 1910, p. 66.

* 273 HALEWYCK (M.), La Charte coloniale .Commentaire de la loi du 18 octobre 1908 sur le Gouvernement du Congo belge, Tome 1, M.WEISSENBRUCH, Imprimerie du Roi, Bruxelles, 1910, p. 67.

* 274 Art. 2, alinéa 3 de la Charte colonial Op. cit.

* 275 Gérald Attali, dans son Enseignement de fait colonial, l'affirme sans ambages : « Que celle-ci [la colonisation] ait été la domination d'un peuple par un autre, avec une pratique marquée par le racisme, l'arbitraire, la violence nue, personne ne saurait le nier ».

* 276 CURTIN (P.) et alii, Africanhistory, Londres, Longman, 1978, p. 484.

* 277 BLANCHARD (P.), Discours, politique et propagande. L'AOF et les Africains au temps de la Révolution nationale (1940-1944), in BECKER (Ch.), SALIOU MBAYE et IBRAHIMA THIOUB (dir), AOF : réalités et héritages. Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 - 1960, Dakar, Presses de la sénégalaise, 1997, p. 329.

* 278 Gérald Attali, dans son Enseignement de fait colonial, l'affirme sans ambages : « Que celle-ci [la colonisation] ait été la domination d'un peuple par un autre, avec une pratique marquée par le racisme, l'arbitraire, la violence nue, personne ne saurait le nier ».

* 279 LISMOND-MERTES (A.), Op. cit, p. 15.

* 280 VELLUT (J.-L.), Op. cit, p. 34.

* 281 Le droit naturel veut que l'homme soit propriétaire. Mais, pour John Locke, il ne s'agit pas, ou pas seulement, de la propriété mobilière ou immobilière. Il s'agit de tout ce que l'homme a en propre, biens matériels ou immatériels acquis ou valorisé par lui-même en tant que propriétaire de son corps et de son esprit. WEIL (E.), Le droit naturel aristotélicien et les droits de l'homme, Laval théologique et philosophique, 43(1), 49-65, considère de son côté que les droits de l'homme sont ainsi l'expression de la nature de l'homme, être de besoins, mais aussi de la nature de l'homme, être libre, d'une liberté en situation, d'une liberté qui se rend visible dans l'histoire.

* 282 HALEWYCK DE HEUSCH (M.), Les institutions politiques et administratives des pays africains soumis à l'autorité de la Belgique, Bruxelles, Office de publicité, 1938, p. 15, n° 29 ; VERSTRAETE (M.), Aperçu de droit civil du Congo belge, Anvers, Éditions Zaïre, 1947, p. 45.

* 283 MUKADI BONYI et alii, Cinquante ans de législation post coloniale au Congo-Zaïre : Quel bilan ?, Kinshasa, Éd. CRDS, 2010, p. 189.

* 284 L'Ordonnance loi n° 25-505 du 5 octobre 1959 portant la réglementation des manifestations, réunions ou rassemblements en plein air, p. 189.

* 285 Ordonnance loi n° 25-505 du 5 octobre 1959 portant la réglementation des manifestations, réunions ou rassemblements en plein air, Op. cit.

* 286Idem.

* 287 VELLUT (J.-L.), La mémoire du Congo. Le temps colonial, Op. cit., p. 11.

* 288Lire à ce sujet l'article 14 de la Constitution belge de 1831.

* 289 HESSELBEIN (G.), Essor et déclin de l'État congolais. Un récit analytique de la construction de l'État, London, Crisis States Research Centre, 2007, p. 19.

* 290 Idem.

* 291HESSELBEIN (G.), Op. cit., p. 24.

* 292HESSELBEIN (G.), Op. cit., p. 24.

* 293 VERHAEGEN (B.), L'ABAKO et l'indépendance du Congo belge. 10 ans de nationalisme kongo (1950 à 1960), Kinshasa, Éditions Zaïre, 1973,p. 315.

* 294 Lire à cet effet, la déclaration du Ministre du Congo-belge et du Ruanda-Urundi au sujet des incidents de Léopoldville (à la Chambre des représentants le jeudi 8 janvier) », Chambre des Représentants, Annales parlementaires, Séance du jeudi 8 janvier 1959, p. 2.

* 295Moniteur congolais, 5e année, numéro spécial du 1er août 1964.

* 296Lire l'article 25 et 28 de la Constitution congolaise du 1er août 1964.

* 297 En ce sens, OMEONGA TONGOMO (B.), Droit constitutionnel congolais, Op. cit, p. 26 ; KAMUKUNY MUKINAY (A.), Droit constitutionnel congolais, Op. cit, p. 87.

* 298Se référer à cet effet, à l'article 1er de la Loi fondamentale du 17 juin 1960 relative aux libertés publiques.

* 299 Ayant été prise dans le but de réprimer l'engagement des congolais à manifester en faveur de l'indépendance en instituant le régime d'autorisation préalable de l'autorité administrative, cette ordonnance-législative est restée en vigueur beaucoup d'années plus tard après l'indépendance au service des régimes autoritaires de l'époque. Même la Cour suprême de justice, gardienne de l'État de droit et de l'ordre juridique ainsi que protectrice des droits du citoyen, saisie d'une exception d'inconstitutionnalité de cette ordonnance-législative, avait préféré, dans sa stratégie d'éviter tout contrôle, rejeter l'exception arguant le risque de vide juridique préjudiciable et inadmissible dans un État de droit, résultant de l'abrogation tacite des actes juridiques, en l'occurrence l'ordonnance- législative entreprise. Cfr., C.S.J., Section judiciaire, jugement avant dire droit du 22 mars 1995, dit Arrêt BAVELA.

* 300 En ce sens lire, OMEONGA TONGOMO (B.), Droit constitutionnel congolais, cours destiné aux étudiants de 2e année de Graduat des universités congolaises, 2015, p. 25.

* 301 BOSHAB MABUDJ (E.), « Chronique de la destruction d'un Etat (24 avril 1990-24 avril 1995) », Le Potentiel, n° 613, pp. 6-7. Egalement BOSHAB, (E.), La République Démocratique du Congo, entre les colombes et les faucons. Où vont les partis politiques ?, Kinshasa, PUK, 2001, p. 9.

* 302 Dans un contexte de mystification du Guide, l'affluence à ces manifestations du régime et l'engouement qu'elles provoquaient pouvaient trouver d'autres des explications tantôt le charisme du Président plutôt que dans l'enracinement d'une idéologie politique.

* 303 De VILLERS (G.) et OMASOMBO (J.), Quand le peuple kinois envahit les Rues..., in TREFON (Th.) (dir,), « Ordre et désordre à Kinshasa, Réponses populaires à la faillite de l'Etat », Cahiers africains, n° 61-62, 2004, pp. 213-233.

* 304 Parmi les grands mots du mobutisme, retenons : « Retroussons les manches ! » Un seul pays ! Un seul peuple ! Un seul chef. Ce slogan traduit le caractère personnel du pouvoir instauré par Mobutu.

* 305 C'est lui qui produit la masse et la maintient en vie par un ordre supérieur. Pourvu qu'il ait réussi cela, ce qu'il lui demandera ensuite réellement n'a guère d'importance.

* 228 Le néo-constitutionnalisme se présente comme une théorie du droit qui prendrait acte qui prendrait acte de ce que l'ordre contemporain a connu de profonds bouleversements du fait de l'introduction te de la généralisation de catalogues de droits dans les constitutions des États modernes.

* 229 La présence de ces catalogues, qui font implicitement ou explicitement référence à des valeurs, conduit à penser le droit constitutionnel dans le prolongement de ces valeurs.

* 306 SEBALD (W.-G.), Système et critique systémique chez Elais Canetti, in La description du malheur, Actes du sud, 2014, article disponible sur blogs.mediapart.fr, consulté le 24 mars 2019 à 13 heures 56'.

* 230 MENDOZA (C.), La Bolivie : les indiens et « l'Etat plurinational », in Centre tricontinental, 2012, disponible sur www.cetri.be, consulté le 28 juin 2018.

* 231 Lire à ce sujet LERNOUX (P.), « Cry of people. The Struggle for human rights in Latin America - the Catholic Church in conflict with US policy, Harmondsworth », Penguin Books, 1982 et LÖWY (M.), « Marxisme et théorie de la libération », in Cahiers d'étude et de recherche, Institut international de recherché et de formation d'Amsterdam, 1988.

* 307 CHAPDELAINE (M.), La fonction démocratique du mouvement zapatiste, du soulèvement armé à l'autre, Mémoire de Master 2 en sociologie, Université du Québec à Montréal, 2010, p. 47.

* 308National democratic Institute for International Affairs, Les leçons à tirer de la Conférence nationale souveraine et ses implications pour le dialogue intercongolais, NDI, p. 37.

* 309Laquelle est consacrée sous le couvert de la liberté d'expression.

* 310Cela tient au fait que la Constitution du 18 février 2006 par exemple, dans la consécration des droits fondamentaux des citoyens, les consacre par générations tout en conférant de l'autonomie à certains qui, au départ étaient engloutis par d'autres.

* 311Journal officiel de la République du Zaïre, 34e année, n° spécial, avril 1994.

* 312Journal officiel de la République du Zaïre, 35e année, n° spécial, avril 1994.

* 313 Accord global et inclusif sur la transition en république Démocratique du Congo, Journal Officiel, n° spécial du 5avril 2003, pp. 51-69.

* 314Information disponible sur https://www.radiookapi.net/sans-categorie/2004/06/02/manifestation-d%25e2%2580%2599etudiants-au-quartier-general-de-la-monuc-4, consulté le 06 avril 2019 à 15 heures 33'.

* 315 Conseil de Sécurité des Nations Unies, Dix-huitième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, 2 août 2005, p. 2.

* 232 OMEONGA TONGOMO (B.), Droit constitutionnel congolais, Op. cit., p. 64.

* 233 MBATA BETUKUMESU MANGU (A.), « Constitutions sans Constitutionnalisme, Démocraties autoritaires et responsabilité sociale des intellectuels en Afrique centrale : quelle voie vers la renaissance africaine », Communication à l'occasion du 30e anniversaire du CODESRIA, Douala, octobre 2003, p. 3.

* 234 MONSENGWO PASIGNA (L.), La Transition politique en République Démocratique du Congo : un casse-tête, in Renaître,bimensuel chrétien d'informations et d'opinion, Ve Année, n° 22 du 30 novembre 2005, pp. 20-23.

* 235 BOSHAB MABUDJ (E.), République Démocratique du Congo : Entre les faucons et les colombes où vont les partis politiques ?,Op. cit. pp. 23-44.

* 236Lire le décret du 17 août 1959 et l'Ordonnance n° 25/505 du 05 octobre 1959.

* 237 Cour Constitutionnelle, 18 janvier 1995, n° 94-352 DC, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. n° 16.

* 238 Arrêt Conseil d'État français no163/2006 du 22 mai 2006.

* 239 DUFFY-MEUNER (A.) et PERROUD (Th.), Op. cit, p. 97.

* 240JORDC, 40e année, numéro spécial du Décret-loi n° 196 du 29 janvier de1999.

* 316Lire les rapports d'Amnesty International (AI), Démantèlement de a dissidence, 17/09/2016, in OFPRA, Les manifestations de l'opposition, DIDR, Mars 2017; AMNESTY International, Ils sont traités comme des criminels. La RDC fait taire des voix discordantes pendant la période préélectorale, novembre 2016 ; Amnesty International, Lignes directrices pour la mise en oeuvre des principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois (2015) ; HUMAN RIGHTS WATCH, 2016, Rapport mondial 2016 : République Démocratique du Congo, (octobre 2016).

* 317Amnesty International (AI), Démantèlement de a dissidence, 17/09/2016, in OFPRA, Les manifestations de l'opposition, DIDR, Mars 2017, p. 48.

* 318HUMAN RIGHTS WATCH, RD Congo: Des manifestationsont fait l'objet d'une répressionsanglante. Il faut mettre fin auxtirs illégaux et aux arrestationsarbitraires, 24 janvier 2015, p. 5.

* 319Rappelons que près de 400 partis politiques avaient été enregistrés et que 18 864 candidats étaient en compétition pour 500 sièges de députés à l'Assemblée nationale, soit une augmentation de 94 % par rapport à 2006.

* 320La Zambie où l'opposant Michael Sata a succédé à Rupiah Banda en septembre 2011 est le seul exemple contraire dans la région.

* 321« Avec un Chef sûr à 100 % ».

* 322 BCNUDH, Recours illégal, injustifié et disproportionne à la force lors de la gestion des manifestations publiques en République Démocratique du Congo de janvier 2017 à janvier 2018, version originale, 2018, p. 20.

* 323 AMNESTY INTERNATIONAL, Ils sont traités comme des criminels. La RDC fait taire des voix discordantes pendant la période préélectorale, novembre 2016, p. 38.

* 324Idem, p. 40.

* 325 Informations disponible sur www.rfi.fr>afrique>, consulté le 12 avril 2018.

* 326BCNUDH, Recours illégal, injustifié et disproportionne à la force lors de la gestion des manifestations publiques en République Démocratique du Congo de janvier 2017 à janvier 2018, Op. cit, p. 20.

* 327 Informations disponible sur https://www.radiookapi.net, consulté le 12 avril 2018.

* 328 HUMAN RIGHTS WATCH, 2016, Rapport mondial 2016 : République Démocratique du Congo, https://www.hrw.org/fr/worldreport/2016/country-chapters/285142, (octobre 2016).

* 329BCNUDH, Rapport sur les violations des droits de l'homme en République Démocratique du Congo dans le contexte des évènements du 19 décembre 2016, Op. cit, p. 16.

* 330 HUMAN RIGHTS WATCH, « La République Démocratique du Congo au bord du précipice, 28/09/2016 », OFPRA, « Les manifestations de l'opposition », DIDR, Mars 2017, p. 9.

* 331Le nombre total de personne détenues pourrait être plus important étant donné que le personnel du BCNUDH s'est vu refusé l'accès à plusieurs lieux de détention militaires.

* 332Ces cas sont détaillés dans les qui suivent.

* 33312 membres du Rassemblement et un de la LUCHA restaient en détention.

* 334 Ceci est devenu depuis un certain laps de temps la marque de gestion autant dans les pays occidentaux que dans les pays en transition démocratique.

* 335 Cette pratique devient généralisée

* 336Message n° 25/CAB/VPM/MININTERSEC/ERS/067/2017 du Vice-Premier Ministre, Ministre de l'Intérieur et sécurité (31 mars 2017).

* 337Communiqué n° 090/BIS/CAB.GOUV/KC/002/2017 (1er avril 2017).

* 338Arrêté urbain n°3073/04/2017 portant mesures d'interdiction de manifestations publiques dans la ville de Kananga (23 novembre 2017).

* 339Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à la liberté de réunion et d'association pacifique, A/HRC/23/39 (24 avril 2013), para. 63.

* 340A/HRC/31/66, par. 23, même lorsqu'un régime d'autorisation préalable est en place, le fait d'omettre de notifier une réunion aux autorités ne rend pas cette réunion illicite et ne devrait donc pas être un motif de dispersion du rassemblement.

* 341Voir notamment, l'article 88 de la loi n°024-2002 portant Code pénal militaire du 18 novembre 2002.

* 342ALCARAZ (H.) & LECUCQ (O.), Op. cit, p. 18-19.

* 343 STEINBEIS (M.), Freedom of Assembly in Poland: Next in Line?, Verfassungsblog, 10 décembre 2016.

* 344 L'Algérie et le Soudan en Afrique sont actuellement les théâtres des manifestations aux effets tout aussi remarquables.

* 345 Le lien entre transition démocratique et liberté de manifestation a été exploré de façon très approfondie par HAMILTON (M.), We, the People's Freedom of Assembly, the Rights of Others, and Inclusive Constitutionalism, in SAJOì (A.) (dir.), Free to Protest: Constituent Power and Street Demonstration, Utrecht, Eleven International Publishing, 2009 et id., « Freedom of Assembly, Consequential Harms and the Rule of Law: Liberty-limiting Principles in the Context of Transition », Oxford Journal of Legal Studies, 27, 1, 2007.

* 346 MORIN (J.-Y.), Op. cit, p. 1.

* 347Idem, p. 3.

* 348 Il s'agit de l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de la Transition du 4 août 1992 ; la loi n° 93-001 du 2 avril Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de la transition et de l'Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994.

* 349TURPIN (D.), Libertés publiques et droit fondamentaux, Paris, Edition du Seuil, 2004, p. 562.

* 350Idem.

* 351Le BOT (O.), La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ?, Op. cit., p. 33.

* 352Idem.

* 353 Article 16 Constitution du 19 avril 1946 de l'EIC, reconnaissant « le droit de défiler librement sur la voie publique ».

* 354Cour Constitutionnelle, décembre n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. 16.

* 355Le BOT (O.), La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ?, Op. cit., p. 36.

* 356PICARD (E.), Op. cit., p. 155.

* 357Article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyende 1789.

* 358 Lire article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, in Journal officiel des Communautés européennes, 30 mars 2010.

* 359 Les formules utilisées servent néanmoins de fondement à sa reconnaissance jurisprudentielle. V. CEDH, 5 mars 2009, Barraco c/ France, n° 31684/05, §. 39, indiquant que ce droit de réunion pacifique « englobe la liberté de manifestation ».

* 360 Art. L. 211-1 et s du Code de sécurité intérieure, disponible sur http://codes.droit.org/CodV3/securite_interieure.pdf, consulté le 23 juillet 2018 à 15 h 47'.

* 361Décret-loi du 23 octobre 1935, codifié en 2012 dans le Code de la sécurité intérieure au Benin.

* 362 Ce qui faisait dire à Barthélémy que « La rue est le domaine de l'ordre, plus que de la liberté » (BARTHELEMY (J.), Précis de droit public, 1937, rééd. 2007, Paris, Dalloz, p. 115).

* 363 Une proposition avait toutefois été faite en ce sens en 1907. V. La proposition de loi d'A. Lefas visant « à introduire dans les moeurs le droit de manifestation, en s'inspirant des mesures et des précautions législatives qui ont introduit dans nos moeurs la liberté de réunion » (Documents parlementaires, Chambre des députés, J.O., 1907, annexe n° 695, p. 81).

* 364 Ainsi que cela résulte de l'exposé des motifs de la loi habilitant le gouvernement à édicter le décret-loi, « l'ordre dans la rue est nécessaire à la vie sociale, à la paix intérieure et au fonctionnement normal des services publics ». L'adoption du texte doit permettre à l'État « d'être au courant des manifestations projetées et de prendre toutes mesures commandées par les circonstances » (Documents parlementaires, Chambre des députés, JO, 1935, annexe n° 4142, p. 127).

* 365 Le BOT (O.), La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ?, Op. cit, p. 35.

* 366L'article L. 211-1 du CSI soumet les manifestations « à l'obligation d'une déclaration préalable ». En vertu de l'article L. 211-2, « La déclaration est faite à la mairie de la commune ou aux mairies des différentes communes sur le territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation. À Paris, la déclaration est faite à la préfecture de police. Elle est faite au représentant de l'État dans le département en ce qui concerne les communes où est instituée la police d'État. / La déclaration fait connaître les noms, prénoms et domiciles des organisateurs et est signée par trois d'entre eux faisant élection de domicile dans le département ; elle indique le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement des groupements invités à y prendre part et, s'il y a lieu, l'itinéraire projeté. / L'autorité qui reçoit la déclaration en délivre immédiatement un récépissé ».

Ce régime va au-delà du standard européen, qui admet un régime d'autorisation préalable (Com. EDH, 10 oct. 1979, Rassemblement jurassien c/ Suisse, n° 8191/78, § 3).

* 367CE, Sect., 4 févr. 1938, Nicolet, Lebon, p. 128.

* 368 L'étude la plus complète et la plus récente est celle de HUBRECHT (H.-G.), « Le droit français de la manifestation », in La manifestation, Presses de la F.N.S.P., 1990, pp. 181-206.

* 369 L'article L. 211-1 du CSI dispense de l'obligation de déclaration préalable « les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux ». Il s'agit en pratique des « sorties » suivantes : processions religieuses, défilés à caractère corporatiste ou associatif (sapeurs-pompiers, fanfare, carnaval), manifestations mémorielles (armistice, fête nationale).

* 370 Voir ce constat dressé tout au long de son fascicule par Didier Perroudon, contrôleur général de la Police nationale, in Précis de droit pénal et de procédure pénale, v° « Manifestations », 2010, not. n° 32 et 54, 81.

* 371 L'article 431-9 du Code pénal incrimine « le fait : 1° D'avoir organisé une manifestation sur la voie publique n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable dans les conditions fixées par la loi ; 2° D'avoir organisé une manifestation sur la voie publique ayant été interdite dans les conditions fixées par la loi ; 3° D'avoir établi une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l'objet ou les conditions de la manifestation projetée ».

* 372 V. PERROUDON (D.), Op. cit, souligne « que les organisateurs sont très rarement poursuivis de ce fait.

* 373 Le BOT (O.) ; La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ?, Op. cit, p. 36.

* 374 L'article 1er du Décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006071320&dateTexte=20080410, consulté le 23 juillet 2019 à 07 heures 04'.

* 375L'article 2 du Décret-loi du 23 octobre 1935, Op. cit.

* 376Cette position converge avec le principe du libre accès à l'espace public développé ci-haut.

* 377Lire les articles 104 à 108 du Décret-loi de 1935, Op. cit.

* 378 Disponible sur http://mjp.univ-perp.fr/constit/es1978.htm, consulté le 15 juillet 2019, à 17 heures 47'.

* 379ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 2.

* 380ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 3.

* 381ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 4.

* 382Ibidem.

* 383 DE ESTEBAN (J.), Las Constituciones de España, Boletín Oficial del Estado, Centro de Estudios políticos y constitucionales, Textos y Documentos, Madrid, 2000, p. 222.

* 384 Sont considérées comme non pacifiques les réunions suivantes : celles qui contreviennent aux règlements de police, les réunions ou manifestations qui ont lieu à l'air libre ou de nuit, les réunions où les participants portent des armes.

* 385ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 6.

* 386Ibidem.

* 387ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 6.

* 388Idem, p. 4.

* 389Ibidem.

* 390ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 6.

* 391Ibidem.

* 392ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 6.

* 393Le franquisme traduit en politique, le système politique et économique instauré par le général Franco en Espagne, proche du fascisme italien. Il apparaît tout à la fois comme une dictature militaire et comme le plus civil des régimes que l'Espagne ait connus.

* 394ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 8.

* 395 Après avoir énoncé qu' « Est reconnu le droit de se réunir pacifiquement et sans arme », l'article 38 de la Constitution précisait en effet que : « Une loi spéciale régira le droit de réunion à l'air libre et le droit de manifester ».

* 396 Ley Orgánica 9/1983, de 15 de julio, reguladora del derecho de reunión (BOE núm. 170, de 18 de julio), modificada por la Ley Orgánica 4/1997, de 4 de agosto; por la Ley Orgánica 9/1999, de 21 de abril, por la Ley Orgánica 9/2011, de 27 de julio y por la Ley Orgánica 8/2014, de 4 de diciembre, information disponible sur http://seguridadmotociclistas.org/wp-content/uploads/2016/05/El-derecho-de-manifestaci%C3%B3n-y-reuni%C3%B3n.pdf, consulté le 23 juillet 2019 à 08 heures 26'.

* 397 Tribunal Suprême, Op. cit.

* 398ALACRAZ (H.) et LECUCQ, Op. cit, p. 5.

* 399Ibidem.

* 400ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 5.

* 401 Tribunal suprême, 3ème Chambre, 26 juin 1991, cité par Arribas, p. 26.

* 402 SORIANO DÍAZ (R.), In Comentarios a la Constitución española, tomo II, Madrid, Edersa, 1997, op. cit.

* 403 La langue espagnole utilise le terme « derecho » là où le français lui préfère l'expression « liberté de réunion ». Sans ignorer cette nuance, ni les distinctions théoriques qu'elle peut recouvrir, par commodité nous utilisons indifféremment les deux vocables.

* 404 Décision déjà citée, Arrêt 115/1985 du 11 octobre 1985.

* 405 Décision déjà citée, Arrêt 85/1988 du 28 avril 1988.

* 406Article 1-2 du Décret, Op. cit.

* 407ALACRAZ (H.) et LECUCQ, Op. cit, p. 5.

* 408 MASSIO GARROTE (M. F.), in Los derechos fundamentales. La vida, la igualdad y los derechos de libertad, Tirant lo BIanch, Valence, 2013, pp. 299 et s.

* 409ALACRAZ (H.) et LECUCQ, Op. cit, p. 8.

* 410Idem.

* 411 SAJÓ (A.), « Constitutional Sentiments », New Haven, Yale University Press, 2011, p. 262.

* 412ALACRAZ (H.) et LECUCQ, Op. cit, p. 8.

* 413 MASSIÓ GARROTE (M.-F.), Los derechos fundamentales. La vida, la igualdad y los derechos de libertad, Op. cit, p. 302.

* 414ALACRAZ (H.) et LECUCQ, op. cit, p. 9.

* 415ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), Op. cit, p. 6.

* 416Idem., p. 10.

* 417 S'il s'agit de personnes morales, la communication se fait par leur représentant.

* 418 S'agissant des données à transmettre dans la déclaration, l'article 9 indique que doivent y figurer : le nom et le domicile de l'organisateur (accompagné d'un document officiel d'identité) ; le lieu, la date, l'heure et la durée.

* 419 Arrêt 124/2005 du 23 mai 2005, Op. cit.

* 420Idem.

* 421L'autorité administrative doit fonder la décision d'interdiction sur des motivations de fait et de droit.

* 422 Arrêt 66/1995 du 8 mai 1995.

* 423Arrêt 66/1995 du 8 mai 1995, Op. cit.

* 424ALCARZ (H.) et LECUCQ (O.),Op.cit, p. 13.

* 425Idem.

* 426ALCARZ (H.) et LECUCQ (O.), Op.cit, p. 13.

* 427Arrêt 195/2003 du 27 octobre 2003.

* 428Arrêt 55/1996 du 28 mars 1996.

* 429Arrêt 163/2006 du 22 mai 2006.

* 430Arrêt 236/2007 du 7 novembre 2007.

* 431Arrêt 66/1995 du 8 mai 1995.

* 432HONVOU K. (S.), « Le droit de manifester au Bénin », Konrand Adenauer Stiftung, RLPSSA, LEJA, Vol. 17, p. 34.

* 433Idem.

* 434Information disponible sur http://www.unesco.org/education/edurights/media/docs/cd9ad07158c52d423f4fb125ea5a53999323b886.pdf, consulté le 31 juillet 2019 à 15 heures 31'.

* 435 Voir entre autres les décisions de la Cour, celles-ci : DCC 02-058 du 04 juin 2002, FAVI Adèle, Recueil, 2002, p. 243 ; DCC 05-015 / 2005-02-17.

* 436 Décision de la Cour Constitutionnelle béninoise no 18/117 du 22 mai 2018, p. 15.

* 437 Disponible sur http://conafil.org/attachments/article/8/pdf_loi_97-029.pdf, consulté le 31 juillet 2019 à 16 heures 31'.

* 438HONVOUK. (S.), Op. cit., p. 26.

* 439 V. les décisions DCC 01-097 du 7 novembre 2001; DCC 03-134 du 21 Août 2003 et décision DCC 06-045 du 05 avril 2006 de la COUT constitutionnelle du Bénin qui portent toutes sur les libertés de manifestation.

* 440 Décret 2005-377 du 23 juin 2005 portant réglementation du maintien de l'ordre au Bénin.

* 441L'article 72 de la loi no97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin.

* 442 Pour une certaine doctrine, les libertés organisées sous le régime répressif sont les seules « libertés parfaites ». MORANGES (G.), Contribution à la théorie générale des libertés publiques, thèse, Nancy, 1940, p. 73.

* 443Lire le décret-loi de 1935 en République du Benin.

* 444Idem, article 1er.

* 445 V. notamment DCC 01-097 du 07 novembre 2001 où le juge constitutionnel déclare conforme à la Constitution l'arrêté préfectorale interdisant toute manifestation.

* 446 Dans sa décision DCC 06-0-17 du 05 avril 2006, la Cour constitutionnelle a décidé qu' « il résulte des dispositions de 1'article 25 de la Constitution que la jouissance des libertés par les citoyens doit se faire dans le respect de l'ordre public établi par la loi et les règlements. De telles dispositions visent à éviter les abus tant dans la jouissance desdites libertés par les citoyens que dans leur restriction par les autorités chargées de l'administration territoriale. En l'espèce, en n'autorisant pas la marche projetée, le Maire n'a pas violé la Constitution.

* 447 CHAPUS (R.), Droit administratif général, tome l, Hé éd., 2000, p. 1033.

* 448 MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pedone, 1992, p. 180.

* 449 D'ALMEIDA (E.), Op. cit, p. 51. L'auteur fait remarquer que « dans ces conditions, aucune manifestation de la mouvance ne pourra être interdite. Quand c'est l'opposition, c'est l'interdiction ».

* 450Information disponible sur https://www.voaafrique.com/a/l%C3%A9gislatives-b%C3%A9nin-manifestation-de-l-opposition-dispers%C3%A9e-%C3%A0-cotonou/4861848.html, consulté le 07 juillet 2019 à 10h41'.

* 451Idem.

* 452Information disponible sur https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2019/04/benin-crackdown-on-protests-and-wave-of-arrests-fuel-tense-election-period/, consulté le 07 juillet 2019 à 10h49'.

* 453 Décision DCC 03-134 du 21 Août 2003. V. L'appréciation que fait le juge constitutionnel de l'avertissement qu'a donné M. AZANNAI Candide dans sa correspondance au Maire.

* 454 TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, p. 153.

* 455CABRILLAC (R.), FRISON-ROCHE (M.-A.), REVET (T.), (dir.), Libertés et droits fondamentaux, Op. cit., p. 98 ; PAUVERT (B.) et LATOUR (O.), Libertés publiques et droits fondamentaux, Op. cit., p. 198.

* 456 Pour cette terminologie, SERIAUX (A.), SERMET (L.), VIRIOT-BARRIAL (D.), Droits et libertés fondamentaux, Paris, Ellipses, 1998, p. 232.

* 457 FAVOREU (L.) et alii, Droit des libertés fondamentales, Op. cit., p. 2 ; OMEONGA TONGOMO (B.), Manuelde droit des libertés fondamentales, op. cit.

* 458 La Constitution congolaise du 18 février 2006 précitée ne confond pas ces notions, lorsqu'elle consacre par exemple le droit à la liberté de pensée ou encore le droit à la liberté d'expression.

* 459 Voir SERIAUX (A.), SERMET (L.), VIRIOT-BARRIAL (D.), Op. cit., p. 7 et s ; ainsi que ETOA (S.), Le passage des « libertés publiques » aux « droits fondamentaux » : Analyse des discours juridiques français,op. cit., p. 47-48.

* 460 SERIAUX (A.), SERMET (L.) et VIRIOT-BARRIAL (D.), Op. cit., p. 10.

* 461Voire supra, p. 253.

* 462 Article, Op. cit., p. 42.

* 463Idem.

* 464Ibidem.

* 465 Sur cette affirmation, v. entre autres : OMEONGA TO NGOMO (B), Manuel de droit des libertés fondamentales, Op. cit, p. 143 ; BURDEAU (G.), Les libertés publiques, Paris, L.G.D.J., 1972, p. 35; DRAN (M.), Le contrôle juridictionnel et la garantie des libertés publiques, Paris, L.G.D.J., Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, tome 32, Paris, 1968, pp. 3, 6 et 8 ; LEVINET (M.), Théorie générale des droits et libertés, 2e éd., Paris, Bruylant, 2008, p. 410 ; FERNÁNDEZ-WEBER (A.), Lesmécanismes de contrôle non contentieux du respect des droits de l'homme, Strasbourg, thèse dactylographiée, Université Robert Schuman, 2006, p. 17.

* 466LOHRER (D.), Op. cit. p. 57.

* 467Cité par LOHRER (D.), Op. cit. p. 57.

* 468Idem.

* 469Ibidem.

* 470 En janvier 2015, l'opposition politique parlementaire a essayé sans succès de barrer la route à la révision de la loi électorale dans l'hémicycle, avant d'appeler la rue à sa rescousse et finalement d'obtenir - avec l'aide de cette rue - l'extirpation de la disposition contestée.

* 471 STUART MILL (J.), Le gouvernement représentatif, trad. M. Dupont-White, 3ème éd, Paris, Guillaumin, 1877, p. 135.

* 472 Cette fonction est prévue par l'article 100 de la constitution congolaise, article 24 de la Constitution française, l'article 66-2 de Constitution espagnole et l'article 79 de la Constitution béninoise.

* 473 XAVIER (J.), Le renforcement du Parlement. Du Comité Balladur au projet Sarkozy, Mémoire de Master 2 droit public fondamental, Pau, 2008, p. 100.

* 474 Ce mécanisme est prévu aux articles 117 de la Constitution congolaise, 49 de la Constitution française et 112 de la constitution espagnole.

* 475 ARAGÓN REYES (M.), « Información parlamentaria y función de control, in Instrumentos de información de las cámaras Parlamentarias », Centro de estudios constitucionales, Cuadernos y Debates, n° 52, Madrid, 1994, p. 24.

* 476 SANTAOLALLA LÓPEZ (F.), Derecho constitucional, Madrid, Dykinson, S.L., 2004, p. 337.

* 477 LÖHRER (D.), Op. cit, p. 119.

* 478 Exception faite de l'hypothèse où l'exception d'irrecevabilité est adoptée par le Sénat. Dans ce cas de figure, le Gouvernement a effectivement la possibilité de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale en vertu de l'article 45 de la Constitution.

* 479 Art. 162 a) de la Constitution espagnole, Op. cit.

* 480 Art. 61 de la Constitution française, Op. cit.

* 481Article 160, alinéa 3 de la constitution du 18 février 2006, Op. cit.

* 482 Article 121, alinéa 1er de la constitution béninoise, Op. cit.

* 483 LÖHRER (D.), Op. cit, p. 121.

* 484 Les articles 27 de la constitution congolaise, Op. cit, 69, alinéa 3 et 72-1 de la constitution française, Op. cit., 77 de la constitution espagnole, Op. cit.

* 485 À tel point que l'article 77 de la Constitution espagnole est expressément consacré aux pétitions adressées par les citoyens au Parlement.

* 486 C'est en effet le prescrit de l'article 190 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale de la République Démocratique du Congo.

* 487 BARBÉ (V.), Le rôle du Parlement dans la protection des droits fondamentaux. Etude comparative : Allemagne, France, Royaume-Uni, op. cit., p. 353.

* 488 LÖHRER (D.), Op. cit, p. 124.

* 489Ibidem.

* 490Ibidem.

* 491 Article 69, alinéa 2 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op. cit.

* 492Idem, article 74.

* 493 OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel de droit des libertés fondamentales, Op. cit., p. 211.

* 494 Lire l'article 3 de l'ordonnance n°86/268 du 31 octobre 1986 portant création du Département des Droits et Libertés du citoyen.

* 495 OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel de droit des libertés fondamentales, Op. cit., p. 211.

* 496 NTUMBA MUSUKA (Z.-R.), Rôle du juge administratif dans l'émergence de l'État de droit, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2007-2009, p. 548.

* 497 OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel de droit des libertés fondamentales, Op. cit., p. 213.

* 498 Cité par MWILANYA (N.), Mécanismes nationaux de promotion et de protection des droits de l'homme, in Mandats, Rôle et Fonctions des pouvoirs constitués dans le nouveau système politique de la République Démocratique du Congo. Journées d'information et de formation organisées à l'intention des parlementaires, des députés provinciaux et de hauts cadres de l'administration (février-juin 2007), PNUD Kinshasa, 2007, p. 287.

* 499 GÉLARD (P.), Les autorités administratives indépendantes, Rapport d'information n° 404 fait au nom de l'office parlementaire d'évaluation de la législation, tome I, 2006-2007, p. 22.

* 500 GUÉDON (M.-J.), Les autorités administratives indépendantes, Paris, L.G.D.J, 1991, p. 24.

* 501 AMSELEK (P.), « L'évolution générale de la technique juridique dans les sociétés occidentales », R.D.P., 1982, p. 275.

* 502 Disponible sur https://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20Public/DH/L.13.011.21.03.2013.htm, consulté le 23 septembre 2018 à 19 heures 35'.

* 503Au terme de l'article 4 de la Loi-Organique, la CNDH est chargée de : Enquêter sur tous les cas de violations des droits de l'homme.  D'orienter les victimes et les aider à ester en justice sur toutes les violations avérées des droits de l'homme. Procéder à des visites périodiques des centres pénitentiaires et de détention sur toute l'étendue de la RDC. Veiller au respect des droits de la femme et de l'enfant. Veiller au respect des droits des personnes avec handicap. Veiller au respect des droits des personnes de troisième âge, des personnes vivant avec VIH/SIDA, des prisonniers, des refugiés, des déplacés de guerre, des personnes victimes de calamité de tout genre et d'autres groupes vulnérables.

* 504Au terme de l'article 4 de la Loi-Organique, Op. cit.

* 505Idem.

* 506Ibidem.

* 507 Ibidem.

* 508 Ibidem.

* 509Lire en ce sens les articles 4 et 5 de la loi organique n° 13/011 du 21 mars 2013 sur la Commission Nationale des Droits de l'Homme.

* 510Lire l'article 4 de la loi organique précitée.

* 511 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Libertés publiques. Notes de cours à l'intention des apprenants en Diplôme d'Etudes Approfondies, Année académique 2017-2019, MIVA UNIVERS, p. 105.

* 512SABOURIN (P.), « Recherches sur la notion de maladministration dans le système français »,A.J.D.A., 1974, p. 397.

* 513 LÖHRER (D.), Op. cit, p. 238.

* 514 LÖHRER (D.), Op. cit, p. 241.

* 515BOUSTA (R.), Essai sur la notion de bonne administration en droit public, Paris, L'Harmattan, 2010, p. 133.

* 516 Selon l'ancien Médiateur de la République Paul LEGATTE, le bon fonctionnement s'apprécie « en termes d'efficacité, c'est-à-dire en fonction des résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés au service public et en terme d'efficience, c'est-à-dire en tenant compte de la meilleure utilisation possible des moyens dont dispose le service » (« Le Médiateur de la République. Situation actuelle », R.A., 1986, p. 434).

* 517Idem.

* 518Ibidem.

* 519MALIGNIER (B.), Les fonctions du Médiateur, P.U.F., Paris, 1ère édition, 1979, p. 86.

* 520Antonio la PÉRGOLA, « Ombudsman y Defensor del Pueblo : apuntes para une investigación comparada », R.E.P., 1979, n° 7, p. 75.

* 521 Pour une approche approfondie des débats constituants relatifs à la fonction du Défenseur du Peuple espagnol, le lecteur pourra utilement se référer à : ARADILLAS (A.), Todo sobre el Defensor del Pueblo, Plaza & Janes Editores, S.A., Barcelona, 1985, pp. 40 et ss. ; GIL-ROBLES (Á.), El Defensor del Pueblo, Cuadernos Civitas, Madrid, 1979, pp. 28 et ss. ; CAVA DE LLANO Y CARRIÓ (M.-L), « Artículo 1 », inROVIRA VIÑAS (A.)(Dir.), Comentarios a la ley orgánica del Defensor del Pueblo, Aranzadi, Thomson, 2002, pp. 67-69 ; PELLON RIVERO (R.), El Defensor del Pueblo. Legislación española y derecho comparado, Servicio Central de Publicaciones de la Presidencia del Gobierno, Madrid, 1ère éd., 1981, pp. 42 et ss.

* 522 DE GENNES (P.G.), La persuasion vaut mieux que toutes les procédures, L'Expansion management review, Groupe expansion, Paris, décembre 1996, p.102.

* 523 DELAUNY (B.), « Les protections non juridictionnelles des droits publics subjectifs des administrés », in Les droits publics subjectifs des administrés. Actes du colloque organisé les 10 et 11 juin 2010 par l'Association française pour la recherche de droit administratif au Pôle universitaire de gestion de l'Université de Bordeaux, 2011; Litec, Paris, p. 211.

* 524Lire à cet effet, l'Exposé des motifs de la Loi organique du 10 aout 2011, portant organisation et fonctionnement de la police nationale congolaise.

* 525Idem, Article 75.

* 526Loi organique n° 11/012 portant organisation et fonctionnement des Forces armées de la République Démocratique du Congo, promulguée le 11 août 2011.

* 527Article 124 de la loi organique n° 11/012 portant organisation et fonctionnement des Forces armées de la République Démocratique du Congo, promulguée le 11 août 2011.

* 528Article 28 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, Op. cit.

* 529Article 3 du Décret-Loi du 11 janvier 2003 portant création et organisation de l'Agence Nationale de Renseignements en République Démocratique du Congo.

* 530Article 4 du Décret-Loi du 11 janvier 2003 portant création et organisation de l'Agence nationale de renseignements, Op. cit.

* 531Article 2 de la Déclaration française des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

* 532 Article 27 de la Constitution du 18 février 2006, Op. cit.

* 533 Elles exercent une fonction de vigilance qui a un effet dissuasif sur les pouvoirs publics.

* 534 Lire en ce sens le Communiqué conjoint des ambassadeurs des États-Unis, du Canada et de la France, publié le 14 novembre 2017.

* 535MAMPUYA KANUNK a-TSHIOPO (A.), Les sanctions ciblées américaines violent le droit international. Les mesures contre les responsables congolais, Kinshasa, PUC, 2016, p. 92.

* 536 Information disponible sur http://www.rfi.fr/afrique/20170529-repression-rdc-neuf-hauts-responsables-sanctionnes-ue, consulté le 26 mai 2019 à 07 heures 58'.

* 537Idem.

* 538Ibidem.

* 539Ibidem.

* 540 Information disponible sur http://www.rfi.fr/afrique/20170529-repression-rdc-neuf-hauts-responsables-sanctionnes-ue, consulté le 26 mai 2019 à 07 heures 58'.

* 541Idem.

* 542MAMPUYA (K.), Op. cit. pp. 6-7.

* 543A ce sujet, la Déclarations du Général Olenga peut sembler prouver le contraire.

* 544 http://www.rfi.fr/afrique/20170529-repression-rdc-neuf-hauts-responsables-sanctionnes-ue, consulté le 18 septembre 2019 à 20 heures 00'.

* 545 https://www.radiookapi.net/2017/06/30/actualite/economie/sanctions-des-usa-et-eu-contre-des, consulté le 18 septembre 2019 à 20 heures 03'.

* 546 Information disponible sur http://www.rfi.fr/afrique/20170529-repression-rdc-neuf-hauts-responsables-sanctionnes-ue, consulté le 26 mai 2019 à 08 heures 15'.

* 547 Information disponible sur http://www.rfi.fr/afrique/20170529-repression-rdc-neuf-hauts-responsables-sanctionnes-ue, consulté le 26 mai 2019 à 08 heures 15'.

* 548Une délégation emmenée par l'Union africaine était d'ailleurs en ce moment-là Kinshasa.

* 549Il faut à ce sujet reconnaitre la capacité dissuasive et persuasive de la démarche de la MONUSCO. Sans un pouvoir de contrainte sur les parties, l'action de cet organisme de Nations Unies mérite d'être saluée dans la démarche tendant à rendre effectif le droit de manifester.

* 550Il faut à ce sujet reconnaitre la capacité dissuasive et persuasive de la démarche de la MONUSCO. Sans un pouvoir de contrainte sur les parties, l'action de cet organisme de Nations Unies mérite d'être saluée dans la démarche tendant à rendre effectif le droit de manifester.

* 551 Dans ce contexte de transition politique, il est important que toutes les voix puissent s'exprimer dans le calme et de façon pacifique a souligné Maman Sidikou, le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, tout en promettant que conformément à son mandat, la MONUSCO se réserve le droit d'observer les événements et de rapporter d'éventuelles violations des droits de l'homme .

* 552ATANGANA AMOUGOU (J.L.), Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : la naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, in Revue Droits fondamentaux, www.Droits-fondamentaux.org, 2004, cité par Présidence Ngoy Walupakah, La cour africaine des droits de l'homme et des peuples : le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique ; Mémoire de licence, Faculté de Droit, U.C.B. 2007-2008, inédit.

* 553 CHAMPEIL-DESPLATS (V.), Effectivité des droits de l'homme : approche théorique, in CHAMPEIL-ESPLATS (V.) et LOCHAK (D.), (Dir.), A la recherche de l'effectivité des droits de l'homme, Presses universitaires de Paris X, 2008, p. 25, cité par LÖHRER (D.), La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux en droit constitutionnel compare. L'exemple de l'ombudsman spécialisé portugais, espagnol et français, Thèse de doctorat en droit public, Faculté de Droit, d'économie et de gestion École Doctorale, de l'Université de Pau et des pays de l'Adour, 2013, p. 62.

* 554 DE BÉCHILLON (D.), Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, Paris, Editions Odile Jacob, 1997, p. 174. Dans le même sens, v. MILLARD (E.), Qu'est-ce qu'une norme juridique ?, Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Etudes et doctrines, 2006, n° 21, p. 59.

* 555 Sur la notion de système, OST (F.) et VAN de KERCHOVE (M.), in, De BÉCHILLON (D.), Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, Paris, Editions Odile Jacob, 1997, pp. 261-262. Sur celle de système juridique, v. VIRALLY (M.), Le phénomène juridique, R.D.P., 1966, pp. 13 et ss.

* 556 MVIOKI BABUTANA (J.), « Quelles stratégies pour garantir l'effectivité des droits économiques, sociaux et culturels ? », Annales de la Faculté de droit, Actes des journées scientifiques sur le thème  Droit et société « ubi societas, ibi jus : ubi jus, ibi societas », Kinshasa, Éditions Droit et Société, 2017, p. 161.

* 557Idem.

* 558 PFERSMANN (O.), Esquisse d'une théorie des droits fondamentaux, in FAVOREU (L.)(Dir.) et alii, Droit des libertés fondamentales, Précis Dalloz, Paris, 6e éd., 2012, pp. 63 et ss.

* 559 OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel dedroit des libertés fondamentales, Op.cit, p. 25 ; REDOR (M.-J.), Garantie juridictionnelle et droits fondamentaux, in La garantie juridictionnelle des droits fondamentaux, C.R.D.F., 2002, n° 1, p. 93.

* 560 Les auteurs tant congolais qu'étrangers sont quasiment unanimes pour affirmer que le juge constitue un corollaire indispensable des droits fondamentaux. En ce sens, v. notamment : BON (P.), La protection constitutionnelle des droits fondamentaux : aspects de droit comparé européen, in MAUS (D.) et BON (P.)(Dir.), La nouvelle république brésilienne, Economica, Paris,P.U.A.M., 1991, p. 223 ; CHEVALLIER (J.), L'État de droit, Paris, Montchrestien, 3e éd., 1999, p. 134 ; MIRANDA (J.), Manual de direito constitucional, tomo IV, direitos fundamentais, Coimbra Editora, 5ème éd., 2012, p. 355 ; OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel dedroit des libertés fondamentales, Op. cit, p. 25; NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Droit congolais des droits de l'homme,Op. cit, p. 364.

* 561 Article 150, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006, Op. cit.

* 562 MATHIEU (B.) et VERPEAUX (M.), Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, Paris, L.G.D.J., 2002, p. 12.

* 563 WEBER (A.), Les mécanismes de contrôle non contentieux du respect des droits de l'homme, Op. cit., p. 18.

* 564 SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l'homme, Paris, P.U.F., 11ème éd., 2012, p. 53.

* 565 LOHRER (D.), Op. cit, p. 137.

* 566WACHSMAN (P.), Libertés publiques, Op. cit., p. 114.

* 567Idem.

* 568Article 150, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 569Article 149 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 570Article 25 de la proposition de loi portant modalités d'exercice de la liberté de manifestation en République Démocratique du Congo, dite la loi SESANGA.

* 571OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel de droit des libertés fondamentales, Op. cit, p. 152.

* 572Article 154 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 573 Article 155 de la Constitution de la RDC, Op. cit.

* 574 En guise d'exemple les décisions de la Cour constitutionnelle béninoise prononcée contre l'arrêté n° 8/0056/DEP-LIT/SG/SCAD/SA du 13 mars 2018 portant suspension de toutes activités relatives à la sortie des «égoun-goun?? dans le Département du Littoral (DCC 18-117 du 22 mai 2018, DCC 18-227 du 15 novembre 2018).

* 575Ibidem.

* 576 Article 165 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 577POIRMEUR (Y.), Le Conseil constitutionnel protège-t-il véritablement les droits de l'homme ?, Op. cit. p. 308.

* 578VILANOVA (P.), Espagne, trente ans de démocratie : notes pour un bilan, Pouvoirs, 2008, n° 124, p. 13.

* 579Pour de telles études « micro-juridiques », v. par ex. : FAVOREU (L.) (Dir.) et alii, Droit des libertés fondamentales, Op. cit., pp. 167-438 ; B. GENEVOIS, La jurisprudence du Conseil constitutionnel. Principes directeurs, Les éditions S.T.H., Paris, 1988, pp. 207 et ss. ; F. LUCHAIRE, La protection constitutionnelle des droits et libertés, Economica, Paris, 1988, pp. 75 et ss. ; J. MIRANDA, Manual de direito constitucional, tomo IV, direitos fundamentais, Coimbra Editora, 3ème éd., 2000, pp. 405-542 ; F.J. Enériz OLAECHEA, La protección de los derechos fundamentales y las libertades públicas en la Constitución Española, Op. cit., pp. 191-389 ; L.M. DIEZ-PICAZO, Sistema de derechos fundamentales, Thomson Civitas, serie derechos fundamentales y libertades públicas, Madrid, 3ème ed., 2008, pp. 193-542.

* 580 ECHEVERRÍA (J.), Criminalización de la protesta social, Commission internationale de juristes (CIJ), 2012, p.3; cité par Protection International, La Criminalisation des défenseurs des droits de l'Homme, Catégorisation du phénomène et mesures pour l'affronter, 2015, p. 4.

* 581 Détails disponible sur https://www.protectioninternational.org/sites/default/files/2018-criminalisation-series-DRC-La-Lucha-web.pdf, consulté le 01 novembre 2018.

* 582 Disponible sur http://www.cour-constitutionnelle-benin.org/doss_decisions/0308134.pdf, consulté le 01 novembre 2018 à 14 heures 19'.

* 583 Arrêt 66/1995 du 8 mai 1995.

* 584Arrêt 66/1995 du 8 mai 1995, Op. cit.

* 585 CE, 12 nov. 1997, Communauté tibétaine en France, n° 169295, Lebon p. 417 (arrêt concernant l'interdiction d'une manifestation d'opposition à la visite en France du président Chinois) : le Conseil d'État affirme « que si l'arrêté litigieux était également motivé par le fait que les manifestations envisagées pouvaient "porter atteinte aux relations internationales de la République", un tel motif, qui ne fait pas référence à des risques de troubles à l'ordre public, n'était pas, en lui-même, de nature à justifier l'arrêté litigieux ».

* 586 CAA Paris, 7 mars 2000, Syndicat national des officiers de police, n° 97PA00133, inédit (arrêt concernant l'interdiction d'une manifestation d'agents de police).

* 587 L'exercice des droits et libertés fondamentaux dont le droit de manifester comporte une réglementation et des restrictions dont le non-respect est pénalement sanctionné.

* 588 La punition est la « sanction destinée non pas à indemniser la victime, mais à faire subir au coupable une souffrance dans sa personne ou ses biens » (CORNU (G.), entrée punition, in Vocabulaire juridique, op. cit., p. 745). V. DEGOFFE (M.), La sanction à caractère punitif selon le Conseil constitutionnel, in MALLET-BRICOUT (Bl.) (dir.), La sanction, Logiques juridiques, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 47.

* 589 MOURGEON (J.), La répression administrative, Thèse, Droit, LGDJ, Paris, 1967, p. 21.

* 590L'objectif de la répression est indéniablement l'exécution d'une obligation. MOURGEON (J.), La répression administrative, thèse, droit, LGDJ, Paris, 1967, p. 201.

* 591En droit interne, le système répressif s'adresse uniquement aux personnes privées, exception faite de la responsabilité pénale de certaines collectivités territoriales prévue à l'article L. 121-2 du code pénal.

* 592Cette expression a été utilisée par Pierre LASCOUMES, « De la sanction à l'injonction - le droit pénal administratif, comme expression du pluralisme des formes juridiques sanctionnatrices », RSC, 1988, p. 46). L'expression droit administratif pénal renvoie quant à elle à la répression administrative (DELMAS-MARTY (M.) et TEITGEN-COLLY (C.), Punir sans juger ? de la répression administrative au droit administratif pénal, Economica, Paris, 1992, p. 7.

* 593 Information disponible sur http://codes.droit.org/CodV3/penal.pdf, consulté le 12 juillet 2019 à 11 heures 56'.

* 594Ibidem.

* 595Cette disposition énumère des droits variés susceptibles de faire l'objet de d'interdiction, comme le droit de vote, l'éligibilité, le droit d'exercer une fonction juridictionnelle ou d'être expert devant une juridiction, etc.

* 596 Cette disposition fixe un régime particulier de certaines interdictions.

* 597 Information disponible sur http://codes.droit.org/CodV3/penal.pdf, consulté le 12 juillet 2019 à 12 heures 11'.

* 598Voire article 431-3 et 4, disponible sur http://codes.droit.org/CodV3/penal.pdf, consulté le 12 juillet 2019 à 12 heures 50'.

* 599Le Code de sécurité intérieure français.

* 600 PONCELA (P.), « La pénalisation des comportements dans l'espace public », Archives de politique criminelle, 2010/1 numéro 32.

* 601 PONCELA (P.), Op. cit.p 32.

* 602 FABRE (P), Op. cit., p. 289.

* 603 PONCELA (P.), Op. cit p. 33.

* 604Article 60 de la Constitution du 18 février 2006 en RDC, Op. cit.

* 605 TURPIN (D), Op. cit, p. 562.

* 606Ibidem, p. 28.

* 607Article 25 de la loi SESSANGA, Op.cit.

* 608Article 30 de la loi SESSANGA, Op. cit.

* 609 MFUAMBA LOBO MUENGA (J.-C.-F.), « De l'aléa du régime juridique de la liberté de manifestation face aux impératifs du maintien de l'ordre public en droit public congolais, Cahiers africains des droits de l'homme et de la démocratie », 23e année, numéro 062, Volume I, Janvier - Mars 2019, p. 33.

* 610 Cour de Cassation, 5 novembre 1920, Pas., I, 193. Les arrêts de cette Cour étaient de principe pour les Cours et Tribunaux du Congo Belge et continuent d'ailleurs à inspirer la jurisprudence congolaise d'après l'indépendance.

* 611 DE PAGE (H.), Traité élémentaire du droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 1964, pp.1112 et s., spéc. n°1059 et 1060 ; - KALONGO MBIKAYI, Resp.civ. et socialisation..., op. cit., pp. 159 et s., spéc., pp. 167 et s.

* 612 Art. 21 de la loi SESSANGA, Op. cit.

* 613 Lire la loi du 24 décembre 2015 portant mesures d'application de la liberté de manifestation, Inédite.

* 614 La jurisprudence a contribué à éclairer ce cadre légal en jugeant, de manière constante, qu'un acte perpétré « dans le cadre d'une action concertée et avec le concours de plusieurs personnes », ne pouvait pas être considéré comme ayant été commis par un attroupement ou un rassemblement (TC, 15 janvier 1990, Chamboulive et autre c/Commune de Vallecalle, n° 02607).

* 615 Art. 22 de la loi SESSANGA, Op. cit.

* 616 Ainsi, un tel régime de responsabilité sans faute pour attroupement ne peut s'appliquer que si le dommage trouve sa source dans « des agissements plus ou moins spontanés et inorganisés issus de mouvements de foule. Il ne concerne aucunement des actions comme celle de la présente espèce, froidement préméditées et soigneusement mises au point par un petit groupe de personnes, qui constituent en réalité des opérations de « commando », de même nature que ces actions criminelles de droit commun couramment désignées sous le nom de « hold up » (Concl. L. Charbonnier, sur TC, 15 janvier 1990, Chamboulive et autre c/Commune de Vallecalle, n° 02607, Rev. Fr. Droit adm. 7 (4), juillet-août 1991 p. 551).

* 617Aux termes de l'alinéa 3 de l'article 91 de la Constitution, « le Gouvernement dispose de l'administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de sécurité ».

* 618 Élis., 14 août 1964, R.J.C., 1965, p. 178, cité par KANGULUMBA MBAMBI (V.), « Réparation des dommages causés par les troubles en droit positif congolais. Responsabilité civile des pouvoirs publics et assurance des risques sociaux (Emeutes, pillages, grèves et attroupements) », Bruxelles, RDJA, 2000, p. 71.

* 619 Plus récemment encore, dans l'affaire de la commune de Saint-Lô, la Haute juridiction a constaté que les dégradations sur la voie publique commises à l'occasion d'une manifestation présentaient un caractère organisé et prémédité mais qu'elles avaient été commises dans le cadre d'une manifestation sur la voie publique convoquée par plusieurs organisations syndicales à laquelle avaient participé plusieurs centaines d'agriculteurs. Elle a jugé que dans la mesure où les dégradations n'ont pas été commises « par un groupe qui se serait constitué et organisé à seule fin de commettre des délits », la responsabilité de l'État pour attroupement était engagée (Conseil d'État, 7 décembre 2017, Commune de Saint-Lô, n° 400801; Conseil d'État, 3 octobre 2018, Commune de Saint-Lô, n° 416352).

* 620 Comme par exemple l'interception d'un camion transportant de la viande par un groupe d'une soixantaine de personnes, et le déversement du chargement du camion sur un parking, arrosé de carburant et rendu impropre à la consommation, « eu égard notamment au caractère prémédité de ces actions » (Conseil d'État, 26 mars 2004, Sté BV Exportslachterij Apeldoorn ESA, n° 248623).

* 621 Toutefois, récemment, le Conseil d'État a infléchi sa jurisprudence, en appliquant ce régime de responsabilité à des dégradations dont les auteurs avaient utilisé des moyens de communication ainsi que des cocktails Molotov et des battes de base-ball et avaient formé des groupes mobiles, conférant ainsi à leur action un caractère organisé, « dès lors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que cet incendie avait été provoqué par des personnes qui étaient au nombre de celles qui s'étaient spontanément rassemblées, peu de temps auparavant, pour manifester leur émotion après le décès des deux adolescents » (C.E., 30 décembre 2016, Société Covea risks, n° 386536, mentionné dans les tables du recueil Lebon).

* 622 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), La liberté de manifestation à l'épreuve des faits,Op. cit., p. 45.

* 623TURPIN (D.), Libertés publiques et droits fondamentaux, Op. cit., p. 565.

* 624 C.E, sect., 09.04.1943, Sieur Lafitte.

* 625 C.E, 16 mars 1956, Epoux Domenech ; sect. 08 juillet 1960, Sieur Petit ; 05 octobre 1960, et al., renvoyant au juge judiciaire le contentieux des évènements survenus au métro Charonne en 1962 ; cité par TURPIN (D.), Libertés publiques et droits fondamentaux, Op. cit., p. 565.

* 626 Cour Administrative d'Appel de Nantes, 03.05.1995, Ministère de l'Intérieur ; CE, avis, 20 février 1998, SEtudes et construction de sièges pour l'automobile ; CE, 06.12.1999, M. Ouizille.

* 627 Et contrairement à TC, 07.06.1982, Préfet du Pas-de-Calais c/TGI de Boulogne-sur-Mer et 13.02.1984, Haut-Commissaire de la République c/CA Nouméa, niant l'existence d'un lien de causalité assez direct.

* 628 Article 4, alinéa 2 de la loi SESSANGA, Op. cit..

* 629Article 7Article de la loi SESSANGA, Op. cit.

* 630Article 10, Idem.

* 631En effet, l'article 8 de la loi organique sous examen prévoit que la Police Nationale peut recourir à la force en cas de nécessité absolue et uniquement pour atteindre un objectif légitime. Il revient ainsi aux agents de la police d'apprécier la nécessité et la légitimité de l'objectif à atteindre par l'emploi de la force, notamment des armes à feu. Nous trouvons dangereux et même imprudent de laisser ce pouvoir d'appréciation à la police dans un Etat où la culture démocratique peine à connaître un ancrage réel.

* 632 LÖHRER (D.), Op. cit.p. 114.

* 633 Art. 111 de la Constitution espagnole, Op. cit.

* 634 ALONSO de ANTONIO (J.-A.) et. ALONSO de ANTONIO (Á.-L), Introducción al derecho parlamentario, Madrid, Dykinson, 2002, p. 206.

* 635 Sur ce point, v. AVRIL (P.) et GICQUEL (J.), Droit parlementaire, Montchrestien, Domat droit public, Paris, 4ème éd., 2010, p. 286.

* 636 En France, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ce droit est expressément consacré par l'article 51-2 de la Constitution. En Espagne, il est prévu par l'article 76-1 de la Constitution.

* 637 ALONSO de ANTONIO (J.-A.) et. ALONSO d'ANTONIO (Á.-L), Op. cit, p. 208.

* 638 KELSEN (H.), Théorie pure du droit, 2e éd., (1960), trad. EISENMANN (Ch.), Paris, LGDJ, - Bruylant, 1999, p. 195.

* 639 LEBEN (Ch.), Entrée « ordre juridique » in ALLAND (D.) et RIALS (St.), (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, 2003, p. 1113.

* 640 LEBEN (Ch), Op. cit., p. 1114.

* 641 BETAILLE (J.), Op. cit, p. 69.

* 642 BETAILLE (J.), Op. cit, p. 69.

* 643Idem p. 78.

* 644 Pour Kelsen, « la norme qui constitue le fondement de la validité d'une autre norme est par rapport à celle-ci une norme supérieure. Mais il est impossible que la quête du fondement de la validité d'une norme se poursuive à l'infini (...). Elle doit nécessairement prendre fin avec une norme que l'on supposera dernière et suprême » (KELSEN (H.), Théorie pure du droit, 2e éd., (1960), trad. EISENMANN (Ch.), Paris, Bruxelles, LGDJ, Bruylant, 1999, p. 194). La norme fondamentale n'est pas posée, mais supposée. « En tant que norme suprême, il est impossible que cette norme soit posée, elle ne pourrait être posée que par une autorité, qui devrait tirer sa compétence d'une norme encore supérieure, elle cesserait donc d'apparaître comme suprême. La norme suprême ne peut donc être que supposée. Sa validité ne peut plus être déduite d'une norme supérieure » (KELSEN (H.), ibidem, p. 194). La « supposition » de la norme fondamentale a été critiquée. Paul Amselek explique que « si l'on remonte ainsi les degrés de la hiérarchie de l'ordre juridique, à un certain moment on arrive à un échelon dernier au bord du vide » (AMSELEK (P.), Une fausse idée claire : la hiérarchie des normes juridiques, in Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Renouveau du droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 2007, p. 986). Pour Jacques Chevallier, « il est en effet paradoxal de prétendre fonder la validité de l'ordre juridique positif, c'est-à-dire son caractère obligatoire, sur une norme qui n'est qu'"hypothétique" » (CHEVALLIER (J.), L'ordre juridique, in CHEVALLIER (J.) et al., Le droit en procès, PUF, Paris, 1983, p. 18). D'une logique implacable, le raisonnement de Kelsen trouve ainsi ses limites une fois arrivé au sommet de la pyramide. En revanche, pour Michel Troper, « il n'y a (...) rien de surprenant à ce que le théoricien du droit formule lui-même cette hypothèse » (TROPER (M.), La pyramide est toujours debout ! Réponse à Paul Amselek, RDP, 1978, p. 1533).

* 645 KELSEN (H.), Théorie pure du droit, Op. cit., p. 193.

* 646Idem, p. 200.

* 647 AMSELEK (P.) et TROPER (M.), (RDP, 1978, p. 5 et 1523) ; AMSELEK (P.s), « Une fausse idée claire...», Op. cit., p. 983 ; « Kelsen et les contradictions du positivisme juridique », APD, t. 28, 1983, p. 271.

* 648 CHEVALLIER (J.), L'ordre juridique, Op. cit., p. 17.

* 649 AMSELEK (P.), « Réflexions critiques autour de la conception Kelsénienne de l'ordre juridique », RDP, 1978, p. 13.

* 650 ALBERTON (Gh.), « De l'indispensable intégration du bloc de conventionalité au bloc de constitutionnalité », RFDA, 2005, p. 258. Dans le même sens, SIMON (D.), « De la pyramide Kelsénienne à un pluralisme juridique ordonné ? », Europe, mai 2008, p. 2.

* 651 Sur la hiérarchie des normes, v. QUERMONNE (J.-L.), L'évolution de la hiérarchie des actes juridiques en droit public français, thèse, droit, Caen, 1952 ; LACHAUME (J.-Fr.), La hiérarchie des actes administratifs exécutoires en droit public français, thèse, droit, LGDJ, 1966 ; DE BECHILLON (D.), Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l'Etat, thèse de droit, Economica, 1999.

* 652 PAOUR (P.), Les contraintes juridiques de la hiérarchie des normes, Revus [Online], 21 | 2013, Online since 25 February 2014, connection on 11 october 2018. URL : http://journals.openedition.org/revus/2755 ; DOI : 10.4000/revus.2755.

* 653ODIMULA LOFUNGUSO (L.), La justice constitutionnelle et la juridicisation de la vie politique en droit positif congolais, Paris, L'Harmattan, RDC, 2016, pp. 73-74.

* 654 ODIKO LOKANGAKA (Ch.), La systématisation du droit de manifester dans l'espace public en République Démocratique du Congo, in Cahiers africains des Droits de l'Homme et de la démocratie, 23e année, numéro 062, Volume I, Janvier - Mars 2019, p. 44.

* 655ODIMULA LOFUNGUSO (L.), La justice constitutionnelle et la juridicisation de la vie politique en droit positif congolais, Op. cit, p. 74

* 656Articles 6 et 11 à 61 de Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 657 Article 122 point 1 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 658 Il en est par exemple de l'autonomisation de certaines libertés dont la liberté de manifestation, de l'élimination des limitations constitutionnelles relativement à cette liberté, etc.

* 659 MBATA MANGU (A.), Perspectives du Constitutionnalisme et de la démocratie en République Démocratique du Congo sous l'empire de la Constitution du 18 février 2006, in Mélanges à l'honneur de Marcel Antoine LIHAU, Bruxelles-Kinshasa, Bruylant - P.U.K., 2006, p. 203.

* 660Idem, p. 204.

* 661 En septembre 2016, deux réunions étaient organisées en termes de préparatifs aux manifestations convoquées par l'opposition. La première a eu lieu à l'Hôtel de Ville et la deuxième au siège des FONUS, un parti d'opposition.

* 662 SIERRA CADENA, La liberté de manifestation dans l'espace public latino-américain : la dimension historico-constitutionnelle, Op. cit., p. 2.

* 663NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), La liberté de manifestation à l'épreuve des faits, Op. cit, p. 72.

* 664 Aux termes de cette disposition, « Le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours de sa transmission après l'expiration des délais prévus par les articles 136 et 137 de la Constitution. Ces articles prévoient les délais de 6 jours à dater de l'adoption pour la transmission au Président de la République d'une loi adoptée, et de 15 jours pour la promulgation ou, éventuellement, pour le renvoi du texte à promulguer aux fins d'une seconde délibération. En l'espèce, le texte sera renvoyé à l'Assemblée nationale par Président de la République plus d'une année après que le lui ait transmis pour promulgation.

* 665NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), La liberté de manifestation à l'épreuve des faits, Op. cit, p. 72.

* 666 ANDRIEUX (T.), cité in FENET (P.-A.), Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, T. 6, Paris, éditions au Dépôt Rue Saint-André-des-Arcs, 1827, p. 232.

* 667L'alinéa 4 de l'article 40 de l'Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994 dispose que « Le Président de la République le promulgue dans les délais définis ci-dessus. A défaut, la loi est promulguée par le Président du Haut Conseil de la République-Parlement de Transition ».

* 668 DUCROCQ (Th.), De la formule actuelle de promulgation des lois, Revue générale du droit, 1877, p. 6 ; THORIN (E.), Cours de droit administratif, T. 1, Paris, 1881, p. 18, n° 21.

* 669 BOTTINI (F.), La promulgation des lois parlementaires, in Revue française de droit constitutionnel, 2008/4 (n° 76), pp. 761-784.

* 670VERDUSSEN (M.) et alii, Les droits fondamentaux en droit constitutionnel comparé, in (dir) DUMONT (H.) et alii, La responsabilité, face cachée des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 270-271. Pour autant que de besoin, l'art. 14 de la Constitution estonienne dispose que « le respect des droits et des libertés est un devoir des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, ainsi que des autorités locales.

* 671 Texte disponible sur https://www.dekamer.be/kvvcr/pdf_sections/publications/constitution/grondwetFR.pdf, consulté le 19 septembre 2018 à 10 heures 17'.

* 672 RIVERO (J.), Rapport de synthèse », in Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, Actes du IIe Colloque d'Aix-en-Provence (19-21 février 1981), Paris - Aix-en-Provence, Economica - P.U.A.M., 1982, p. 523.

* 673 Disponible sur https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/201801010000/101.pdf, consulté le 19 septembre 2018 à 11 heures 34'.

* 674NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), « La liberté de manifestation à l'épreuve des faits », op. cit, p. 72.

* 675Idem,p. 73.

* 676 À l'article 21, le constituant indique que le droit de former recours est exercé dans les conditions fixées par la loi. Le dernier alinéa de l'article 22 est libellé « La loi fixe les modalités d'exercice de ces libertés ». Il en est de même à l'alinéa 3 de l'article 24.

* 677Article 122, point 1 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDCOp. cit.

* 678 Dans sa Décision du 17 janvier 2008, 2007-561 DC, cons. n° 17, le Conseil constitutionnel français a considéré que, l'emploi du présent de l'indicatif ayant valeur impérative, la substitution du présent de l'indicatif à une rédaction formulée en termes d'obligation ne retire pas aux dispositions du nouveau code du travail leur caractère impératif ».

* 679 YATALA NSOMWE NTAMBWE (C.), L'inconstitutionnalité du « déni de législation » en droit congolais, in https://www.droitcongolais.info/files/DENI-LEGISLATION-_3_.pdf, consulté le 19 septembre 2018 à 11 heures 54'.

* 680 Information disponible sur https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/deni-de-justice.php, consulté le 13 avril 2019 à 10heures 57.

* 681Ce qui est de nature à exclure les cas où la juridiction se serait déclarée incompétente sur base de la loi, avant que le conflit de compétence ne soit arbitré.

* 682 L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme  et 7 de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

* 683Article 19, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 684Il en est par exemple de la liberté de circulation ou du droit à la vie.

* 685 HENRY-MENGUY (Br.), L'obligation de légiférer en France - La sanction de l'omission législative par le Conseil constitutionnel, thèse, droit, Toulouse, 2008, p. 242.

* 686Idem, p. 246.

* 687 GALLETTI (Fl.), « Existe-t-il une obligation de bien légiférer ? Propos sur « l'incompétence négative du législateur » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel Propos sur « L'incompétence négative du législateur, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel, Presses Universitaires de France, 2004/2, n° 58, pages 387 à 417.

* 688Idem.

* 689Ibidem.

* 690 EMERI (Cl.), Gouvernement des juges ou veto des sages, RDP, 1990, p. 335.

* 691 BLACHER (Ph.), Contrôle de constitutionnalité et volonté générale, Paris, PUF, 2001, p. 168, rappelant la position de ROUSSEAU (D.), « De la démocratie continue », in La démocratie continue, Bruxelles, Paris, Bruylant-LGDJ, 1995, p. 22 ; BIDEGARAY (Ch.), EMERI (Cl.), Du pouvoir d'empêcher : veto ou contre-pouvoir, RDP., 1994, pp. 325-352.

* 692 Disponible sur https://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/fr/pt/pt045fr.pdf, consulté le 19 septembre 2018 à 12 heures 59'.

* 693MOREIRA (V.), « Le Tribunal constitutionnel portugais : le « contrôle concret » dans le cadre d'un système mixte de justice constitutionnelle », CCC, n° 10, 2001.

* 694TAMÁS BAN, Présentation de la Cour constitutionnelle de Hongrie, CCC, n° 13, 2003. En outre, « la Cour constitutionnelle a interprété dans plusieurs décisions la constatation de l'inconstitutionnalité en manquement. Ainsi, l'inconstitutionnalité en manquement peut-elle être constatée par la Cour constitutionnelle non seulement au cas où malgré l'invitation expresse de la Constitution, une certaine loi n'est pas adoptée, mais même en l'absence d'une telle obligation si toutes les garanties ne sont pas données pour le respect des droits fondamentaux ».

* 695 Disponible sur https://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/fr/br/br117fr.pdf, consulté le 19 septembre 2018 à 13 heures 01'.

* 696 FERREIRA MENDES (G.), Questions au président du Tribunal fédéral suprême de la République fédérale du Brésil, CCC, n° 26, 2009.

* 697 BON (P.), La question d'inconstitutionnalité en Espagne, Pouvoirs, n° 137, 2011, p. 132.

* 698 BETAILLE (J.), op. cit, p. 281.

* 699BETAILLE (J.), op. cit, p. 281.

* 700 De J SIERRA CADENA (Gr.), La liberté de manifestation dans l'espace public latino-américain (II) : la dimension juridico-constitutionnelle comparée (Argentine, Colombie, Venezueala et Cour interaméricaine des droits de l'Homme), in DUFFY-MEUNIER (A.) et PERROUD (Th.), (dir), Op. cit, p. 76.

* 701 NGONDANKOY KOY-ea-LOONGYA (P.-G.), La liberté de manifestation en droit positif congolais, Op. cit, p. 8.

* 702 OTTAVIO QUIRICO, Le contrôle de constitutionnalité français dans le contexte européen et international : Une question de priorités, in European journal of legal studies - vol 3 issue 1 (2010),p. 77.

* 703 WACHSMANN (P.), Op. cit, p. 98.

* 704Il est loisible de signaler en passant que la frontière entre le monisme et le dualisme s'avère quelque peu poreuse et la cloison n'est pas étanche : en effet, de plus en plus les systèmes dualistes connaissent l'applicabilité directe d'une certaines catégories des normes conventionnelles alors qu'à l'opposé certains traités internationaux et organisations internationales prévoient que les États partie - pourtant appliquant le monisme - intègrent les actes qu'ils édictent dans leur ordonnancement juridique moyennant l'adoption des lois de mise en oeuvre.

* 705Article 217 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit., Soutient que « La République Démocratique du Congo peut conclure des traités ou des accords d'association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l'unité africaine ».

* 706 Disponible sur https://leportail.info/2019/08/22/decision-dcc-19-27-la-cour-constitutionnelle-rehabilite-le-magistrat-gbenameto/, consulté le 20 septembre 2018 à 11 heures 25.

* 707 PETERS (A.) et LEY (I.), (dir.), The Freedom of Peaceful Assembly in Europe, Baden-Baden/Oxford, Nomos/Hart Publishing, 2016, p. 9.

* 708 ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.) et alii, Dictionnaire des Droits de l'Homme, Paris, PUF, 2008, p. 633.

* 709 Déclaration universelle des droits de l'Homme, Paris, 10 décembre 1948, Résolution de l'Assemblée Générale de l'ONU 217A (III), U.N. Doc A/810 à 71 (1948).

* 710 Pacte international relatif aux droits civils et politiques », RTNU, New York, 16 décembre 1966, vol. 999, p. 187.

* 711 Voir notamment, sur la question de la classification des Droits de l'Homme, BIRBOSIA (E.) et HENNEBEL (L.), (dir.), Classer les droits de l'Homme, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 398, cité par FERRERO (J.), Op. cit.

* 712Convention américaine relative aux droits de l'homme, RTAI, San José, 22 novembre 1969, vol. 1144, p. 123.

* 713Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne », Journal officiel des Communautés européennes, 30 mars 2010, C 83/239.

* 714Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples », RTNU, Nairobi, 26 juin 1981, vol. 1520, p. 217.

* 715 Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, RTNU, New York, 4 janvier 1969, vol. 660, p. 195.

* 716 Convention relative aux droits de l'enfant, RTNU, New York, 20 novembre 1989, vol. 1577, p. 3.

* 717 Déclaration sur le droit et la responsabilitéì des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, 8 mars 1999, A/RES/53/144.

* 718 KALONGO MBIKAYI, « Délits de presse et régimes de responsabilité », Revue de droit congolais, juillet-août septembre, Kinshasa, CRDJ, 1999, p. 39.

* 719 ODIMULA LOFUNGUSO (L.), La justice constitutionnelle et la juridicisation de la vie politique en droit positif congolais, Op. cit., p. 74.

* 720 KELSEN (H.), Théorie pure du droit, 2ème éd., (1960), trad. Ch. Eisenmann, Paris, Bruxelles, LGDJ Bruylant, 1999, p. 193.

* 721 Pour ARNAUD (A.-J.), Critique de la raison juridique I. Où va la sociologie du droit?, L.G.D.J., 1981, p.21), les concepts d'ordre et de système ne sont pas substituables et constituent deux niveaux différents d'approche du phénomène juridique : en parlant de « système », on met l'accent sur le principe de cohésion, la « raison juridique », alors que la notion d' « ordre » implique la « conception hiérarchique de la conformité à une même norme fondamentale ». Cette distinction n'apparaît pas convaincante dans la mesure où tout système quel qu'il soit est caractérisé par un élément d' « ordre » et par un principe d'agencement de ses éléments constitutifs.

* 722 CHEVALLIER (J.), L'ordre juridique, in Jacques CHEVALLIER et al., Le droit en procès, Paris, PUF, 1983, p. 18.

* 723BETAILLE (J.), Op. cit, p. 69.

* 724BETAILLE (J.), Op. cit., p. 22.

* 725 CHEVALIER (J.), Op. cit, p. 23.

* 726 KELSEN (H.), Théorie pure du droit, Op. cit., p. 193, cité par BETAILLE (J.), Op. cit., p. 70.

* 727 BETAILLE (J.), Op. cit, p. 69.

* 728 MARTY (G.) et RAYNAUD (P.), Introduction à l'étude du droit, 2e éd., Dalloz, 1972, n° 34.

* 729 Comme l'explique Denys de Béchillon, « Une norme juridique ne cesse pas d'être juridique lorsqu'elle n'est pas respectée. Le crime n'abroge pas le code pénal ». Dans le cas contraire, cela reviendrait à affirmer que « l'effectivité de ladite règle conditionne directement sa juridicité » (De BECHILLON (D.), Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, Odile Jacob, 1997, Paris, p. 61). Dans le même sens, v. VIRALLY (M.), La pensée juridique, 1960, Ed. Panthéon Assas, LGDJ, 1998, p. 68 ; MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO (A.), Kinshasa, MEDIASPAUL, 2016, p. 138. Un autre écueil consiste à définir la sanction par la contrainte. Or, la sanction est avant tout une obligation juridique et ne se concrétise pas nécessairement par la contrainte. Ainsi, « la sanction n'est pas l'usage de la force, mais une obligation juridique qui naît d'une obligation violée ou non exécutée » (LAQUIEZE (A.), entrée « sanction », in ALLAND (D.) et RIALS (S.)(dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, 2003, p. 1383). La contrainte ne saurait dès lors définir la sanction. (V. VIRALLY (M.), La pensée juridique, 1960,op. cit., p. 70 ; De BECHILLON (D.), Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, Op. cit., p. 68. Philippe Jestaz distingue quant à lui la contrainte du « tarif », entendu comme la sanction au sens large (JESTAZ (Ph.), La sanction ou l'inconnue du droit, Paris, Dalloz, 1986, p. 197).

* 730 Selon Hart, les normes primaires « prescrivent à des êtres humains d'accomplir ou de s'abstenir de certains comportements » (H.L.A. HART, Le concept de droit, Publications des Facultés Universitaires Saint Louis, Bruxelles, 1976, p. 105).

* 731 BOBBIO (N.), Nouvelles réflexions sur les normes primaires et secondaires, 1968, in Essais de théorie du droit, Bruylant LGDJ, Paris, 1998, p. 169. L'auteur décrit les sociétés primitives comme un système simple, établissant des normes primaires sans les assortir de sanctions juridiques.

* 732 VIRALLY (M.), La pensée juridique, Op. cit., p. 68.

* 733 BARRIERE (L.-A.), « Propos introductifs », in MALLET-BRICOUT (B.) (dir.), La sanction, L'Harmattan, Paris, 2007, p. 13.

* 734 De BECHILLON (D.), Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, Op. cit., p. 61.

* 735 Cette définition se rapproche d'autres définitions proposées en doctrine. Gérard Cornu considère qu'au sens large, la sanction est « toute mesure - même réparatrice - justifiée par la violation d'une obligation ». Dans un sens plus large encore, il s'agit de « tout moyen destiné à assurer le respect et l'exécution effective d'un droit ou d'une obligation », CORNU (G.), entrée « sanction », in Vocabulaire juridique, op. cit., p. 845).

* 736 La punition est la « sanction destinée non pas à indemniser la victime, mais à faire subir au coupable une souffrance dans sa personne ou ses biens », CORNU (G.), entrée « punition », in Vocabulaire juridique, op. cit., p. 745). V. Michel DEGOFFE, La sanction à caractère punitif selon le Conseil constitutionnel, in MALLET-BRICOUT (Bl.) (dir.), Lasanction, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 47.

* 737 MOURGEON (J.), La répression administrative, thèse, droit, Paris, LGDJ, 1967, p. 21.

* 738 CORNU (G.), Entrée « responsabilité, in Vocabulaire juridique, Op. cit., p. 821.

* 739 DUPUY (P.-M.), Entrée « responsabilité, in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 1342.

* 740 Un régime de responsabilité fondé sur la violation d'une norme, laquelle est en général considérée comme une faute, a pour conséquence d'alourdir les conséquences de cette violation et contribue ainsi à sanctionner l'auteur de la violation. En revanche, la responsabilité sans faute n'est pas, sur le plan juridique, lié à la violation d'une norme. La seule norme dont ce régime renforce l'effectivité est celle qui prescrit que tout dommage doit être réparé. Au-delà de cela, la responsabilité pour faute, du moins lorsque cette faute est constituée par la violation d'une norme, contribue, en alourdissant les conséquences de cette violation, à dissuader les destinataires de la norme de la violer. Ainsi, la responsabilité contribue au respect de la norme et donc, en principe, à son effectivité.

* 741 POUYAUD (D.), Entrée « nullité », in ALLAND (D.) et Stéphane RIALS (sous la dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Op. cit., p. 1088, cité par BETAILLE (J.), Op. cit, p. 169.

* 742 BETAILLE (J.), Op. cit, p. 169.

* 743BECCARIA (C.), Des délits et des peines, traduit de l'italien par COLLIN de PLANCY, Paris, Éditions du Boucher, 2002, p. 11. Pour cet auteur, les principes fondamentaux du droit de punir sont à retrouver dans le coeur humain.

* 744 CHEVALLIER (J.), L'obligation en droit public, APD, t. 44, 2000, p. 183.

* 745 TERRE (Fr.), Introduction générale au droit, 9e éd., Précis, Dalloz, 2012, p. 95, BETAILLE (J.), Op. cit, p. 169.

* 746 NYABIRUNGU mwene SONGA (R.), Traité de droit pénal général congolais, 2e éd, Kinshasa, EUA, 2007, p. 252.

* 747 BETAILLE (J.), Op. cit, p. 321.

* 748Ibidem.

* 749 OST (Fr.) et VAN DE KERCHOVE (M.), De la pyramide au réseau - pour une théorie dialectique du droit, Publ. Des Facultés universitaires de Saint Louis, 2002, p. 221.

* 750 CUBERTAFOND (B.), La création du droit, Paris, Ellipses, 1999, pp. 102-103.

* 751 BETAILLE (J.), Op. cit, p. 321.

* 752 BETAILLE (J.), Op. cit, p. 321.

* 753OMEONGA TONGOMO (B.), Le contrôle juridictionnel de l'administration et l'État de droit, Thèse,Op. cit., p. 370.

* 754Lire en ce sens l'article 150 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 755Ceci résulte de l'interprétation de l'article 49 in fine de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle et de l'article 168, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006, déjà citée.

* 756 FERNANDA MAÇS (M.), As formas de tutale urgente previstas no código de processo nos tribunais administrativos, in A reforma da justiça administrativa, Coimbra editora, Boletim da Faculdade de direito, Universidade de Coimbra, 2005, p. 211.

* 757 C'est par exemple le cas de la procédure de sursis à exécution. Cette voie de recours permet de protéger les droits fondamentaux dès lors que l'acte administratif dont l'exécution est suspendue porte atteinte à un droit ou une liberté de valeur supralégislative. Mais ceci demeure une fonction secondaire. Pour une approche concrète de cette problématique, le lecteur pourra se référer à la thèse de Pierre Cambot à travers laquelle l'auteur démontre dans quelle mesure le mécanisme du sursis à exécution participe à la protection d'un droit fondamental déterminé : la liberté individuelle (La protection constitutionnelle de la liberté individuelle en France et en Espagne, Economica, P.U.A.M., coll. droit public positif, Paris, 1998, pp. 437 et ss).

* 758 En Espagne, elle est consacrée par l'article 17-4 du texte constitutionnel.

* 759 GARCÍA MORILLO (J.), La protección de los derechos fundamentales, Op. cit., p. 44.

* 760 BON (P.), Les droits et libertés en Espagne. Eléments pour une théorie générale, Op. cit., p. 66.

* 761 En somme, les libertés protégés dans le cadre de la procédure sommaire et prioritaire sont les mêmes que celles couvertes par le recours d'amparo constitutionnel, exception faite de l'objection de conscience qui peut seulement être invoquée en matière d'amparo constitutionnel.

* 762 Régime transitoire lié à l'absence de loi organique développant la procédure spéciale prévue par l'article 53-2 de la Constitution et conduisant la loi organique du 3 octobre 1979 relative au Tribunal constitutionnel à affirmer que, tant que ne seront pas développées les dispositions de l'article 53-2, la procédure sommaire et prioritaire fonctionnera sur la base de la loi du 26 décembre 1978 relative à la protection des droits fondamentaux de la personne. BON (P.), « La protection constitutionnelle des droits fondamentaux : aspects de droit comparé européen », op. cit., p. 257).

* 763 Loi n° 62-1978 du 26 décembre 1978, B.O.E. du 3 janvier 1979, p. 76.

* 764 Loi n° 29-1998 du 13 juillet 1998, B.O.E. du 15 août 1979, p. 25.

* 765 ENÉRIZ OLAECHEA (F.-J.), La protección de los derechos fundamentales y las libertades públicas en la Constitución Española, Op. cit., pp. 421-422 ; MARTÍN REBOLLO (L.), Nueve puntos sobre el procedimiento de protección de los derechos fundamentales en la nueva Ley de la jurisdicción contencioso-administrativa, in MONTORO CHINER (M.-J.) (Coord.), La justicia administrativa. Libro homenaje al Prof. Dr. D. Rafael Entretena Cuesta, Atelier, Barcelona, 2003, pp. 279-289.

* 766 Loi constitutionnelle n° 1-97 du 20 septembre 1997, D.R. série I du 20 septembre 1997, p. 5130.

* 767 Art. 6 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, J.O. du 1 juillet 2000, p. 9948.

* 768 Pour une approche approfondie du mécanisme de référé liberté fondamentale, le lecteur pourra utilement se référer à : « Rapport du groupe de travail du Conseil d'Etat sur les procédures d'urgence », R.F.D.A., 2000, p. 941 ; BACHELIER (G.), Le référé-liberté, R.F.D.A., 2002, p. 261.

* 769 T.C., 8 avril 1935, Action française, Rec. p. 1226.

* 770La voie de fait est « constituée en cas d'atteinte grave à une liberté ou à la propriété privée, soit lorsqu'une décision administrative est manifestement insusceptible de se rattacher au pouvoir de l'administration, soit en cas d'exécution forcée d'une décision, même légale, lorsque l'administration n'a manifestement pas le pouvoir d'y procéder » (CANIVET (G.), « Protection juridictionnelle des libertés et droits fondamentaux par le juge judiciaire », in RENOUX (T.-S.), Protection des libertés et droits fondamentaux, La Doc. fr., Les notices, Paris, 2007, pp. 52-53).

* 771 REDOR (M.-J.), Garantie juridictionnelle et droits fondamentaux, Op. cit, p. 95.

* 772 V. par ex. : C.E., 15 février 2002, Hadda, Rec. p. 45.

* 773 Sur ces questions, v. BROYELLE (C.), Les mesures ordonnées en référé, R.F.D.A., 2007, p. 73.

* 774 Formellement car, comme le soulignent bon nombre d'auteurs, le système de contrôle concret de la constitutionnalité des lois mis en place au Portugal permet d'atteindre une protection semblable à celle obtenue dans le cadre du recours d'amparo, dans la mesure où les individus peuvent former un recours devant le Tribunal constitutionnel contre les décisions juridictionnelles appliquant une loi inconstitutionnelle (v. par. ex. : CARDOSO DA COSTA (M.), « La Cour constitutionnelle portugaise face à une Constitution en changement », in Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Renouveau du droit constitutionnel, op. cit., p. 79 ; J. Casalta Nabais, Les droits fondamentaux dans la jurisprudence du Tribunal constitutionnel, in BON (P.) et alii, La justice constitutionnelle au Portugal, Op. cit., p. 215.

* 775 Sans prétendre à aucune exhaustivité, le lecteur pourra utilement se référer à : ALEGRE ÁVILA (J.M.), El amparo constitucional : un asunto de nunca acabar ?, in REBOLLO (L.-M.) (Dir.), Derechos fundamentales y otros estudios en homenaje al Prof. Dr. Lorenzo Martín-Retordillo, vol. II, op. cit., p. 343 ; ARAULO (J.-O.), El recurso de amparo en el ultimo proceso constituyente espanol, R.C.G., 1998, p. 165 ; BON (P.), Amparo (recours d'), in ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.) (Dir.) et alii, Dictionnaire des droits de l'homme, P.U.F., 2008, p. 31.

* 776 Catherine-Amélie Chassin précise à cet égard que « les fueros de l'Aragon, c'est-à-dire, en quelque sorte, le régime juridique qui était applicable dans ce pays, instituaient un recours que l'on peut rapprocher de l'amparo constitutionnel de l'Espagne contemporaine ». Pour une étude détaillée, v. FAIRÉN GUILLÉN (V), Antecedentes aragones de los juicios de amparo, Mexico, 1971. Il importe toutefois de préciser avec le professeur Pierre Bon que « c'est avant tout dans les pays ibéro-américains que l'institution va se développer, du moins dans les textes : c'est ainsi que le recours d'amparo apparaît au Mexique dès la Constitution fédérale de 1857 et est ensuite introduit en Argentine, en Bolivie, au Chili, au Costa Rica, au Panama et au Venezuela [...]. La Constitution espagnole de 1978 permet de boucler la boucle en ce sens qu'elle réintroduit en Espagne une institution qui y était née mais qui s'était surtout développée outre Atlantique ».

* 388« Tout citoyen pourra invoquer la protection des libertés et droits reconnus par l'article 14 et la section 1 du chapitre deuxième [...] à travers le recours d'amparo devant le Tribunal constitutionnel. Ce dernier recours sera applicable à l'objection de conscience ». Sachant que le recours d'amparo est précisé quant à ses modalités d'exercice, d'une part, par les articles 161-1, b et 162-1, b de la norme suprême, d'autre part, par les articles 41 à 58 de la loi organique portant sur le Tribunal constitutionnel.

* 777 L'article 41-3 de la L.O.T.C. précise en effet que « dans le cadre de l'amparo constitutionnel, on ne peut faire valoir d'autres prétentions que celles qui visent à rétablir ou à préserver les droits et les libertés pour lesquels ce recours a été intenté ».

* 778 STC 1/1981 du 26 janvier 1981, B.O.E. du 24 février 1981.

* 779 Loi organique n° 6/2007 du 24 mai 2007, B.O.E. du 25 mai 2007, p. 22541, Op. cit.

* 780 L'objection de conscience est prévue par l'article 30 de la Constitution espagnole, Op. cit.

* 781 Sachant que le Tribunal constitutionnel est régulièrement amené à déterminer si le droit dont la violation est alléguée constitue bien un droit fondamental au sens de l'article 53-2 de la Constitution (sur ce point, v. C.-A. Chassin, « La protection juridictionnelle des droits fondamentaux à travers le recours d'amparo constitutionnel en Espagne », op. cit., pp. 41-42). Par ailleurs, il est intéressant de noter que les deux principaux droits fondamentaux dont la méconnaissance est la plus souvent évoquée sont, d'une part, le principe d'égalité (16,11 %) des recours d'amparo pour l'année 2009, d'autre part, et surtout, le droit à un recours juridictionnel effectif (87,90 % des recours d'amparo introduits en 2009).

* 782 Art. 42 de la L.O.T.C, cité par ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), La liberté de manifestation dans l'espace public en Espagne, in PERROUD (Th.) et alii, La liberté de manifester et ses limites: perspective de droit comparé, France, 11, 2017, La Revue des Droits de l'Homme, https://revdh.revues.org/2956. ,p. 67.

* 783 Art. 43-1 de la L.O.T.C.

* 784 Art. 44-1 de la L.O.T.C.

* 785 L'exclusion des actes des personnes privées du champ d'application de l'amparo constitutionnel résulte de l'article 41-2 de la L.O.T.C., lequel prévoit que le recours d'amparo protège les droits et libertés contre les violations « [...] provenant de dispositions, actes juridiques, omissions ou simple voie de fait des pouvoirs publics, des Communautés Autonomes et des autres entités publiques de caractère territorial, corporatif ou institutionnel, ainsi que de leurs fonctionnaires ou agents ».

* 786 Il importe toutefois de préciser qu'il existe une nuance de taille pour chacune de ces deux hypothèses. Tout d'abord, il est possible de garantir les effets horizontaux des droits fondamentaux « par le biais de recours d'amparo contre les décisions de justice ne protégeant pas les droits fondamentaux des particuliers contre les menaces émanant d'autres particuliers » (BON (P.),Présentation du Tribunal constitutionnel espagnol, Cahiers du Conseil constitutionnel, 1996, n° 2, p. 49. Pour étayer ses propos, Pierre Bon propose l'exemple d'un employé licencié par le chef d'entreprise à raison de ses activités syndicales : « Si l'employé estime qu'il a été porté atteinte à son droit syndical, il saisira le juge ordinaire ; si ce dernier lui donne raison, il n'y a aucun problème ; si, à l'inverse, il le déboute, son jugement porte, à son tour, atteinte au droit syndical de l'employé ; on a alors affaire à un acte de la puissance publique qui lèse un droit fondamental et contre lequel il est possible d'intenter un recours d'amparo devant le juge constitutionnel ; si le juge constitutionnel considère qu'il y a eu effectivement violation du droit syndical, il annulera à la fois le jugement rendu par le juge ordinaire et ne donnant pas satisfaction au requérant et la mesure de licenciement prise à son encontre par l'employeur »). Ensuite, « si l'acte déféré par les citoyens à la juridiction constitutionnelle paraît à cette dernière inconstitutionnel parce que pris en application d'une loi inconstitutionnelle, il est possible à la juridiction constitutionnelle de se saisir elle-même de la loi aux fins d'un examen de sa constitutionnalité » (BON (P.), in BON (P.) et alii, La justice constitutionnelle au Portugal, Op. cit., p. 83). On se trouve alors en présence de ce que la doctrine a désormais coutume d'appeler une « auto-question d'inconstitutionnalité » (v. par. ex. : BON (P.), « Le Tribunal constitutionnel. Etude d'ensemble », op. cit., pp. 92 et 125.

* 787 Si l'article 41.2 de la L.O.T.C. semble exclure du champ d'application du recours les étrangers (« le recours d'amparo protège tous les citoyens »), la jurisprudence du Tribunal constitutionnel admet la recevabilité des recours déposés par les non-nationaux (STC 141/1998 du 29 juin 1998, B.O.E. du 30 juillet 1998, FJ 1).

* 788 CHASSIN (C.-A.), La protection juridictionnelle des droits fondamentaux à travers le recours d'amparo constitutionnel en Espagne, Op. cit., p. 39.

* 789L'article 43-1 de la L.O.T.C. prévoit en ce sens que les violations des droits fondamentaux ne peuvent donner lieu à un recours d'amparo qu' « une fois la voie judiciaire pertinente épuisée ». C'est pourquoi le Tribunal constitutionnel a logiquement jugé que l'exercice préalable des voies ordinaire « n'est pas une simple formalité, mais constitue un élément essentiel du système d'articulation des juridictions constitutionnelles et ordinaires » (STC 239/2001 du 18 décembre 2001, B.O.E. du 16 janvier 2002, FJ 2), dont le non-respect implique l'irrecevabilité du recours en raison de son caractère prématuré (v. en ce sens : STC 54/1999 du 12 avril 1999, B.O.E. du 18 mai 1999, FJ 2). Surtout, le Tribunal constitutionnel a précisé que l'amparo ne saurait être déclaré recevable s'il existe, au moment de la saisine du Tribunal constitutionnel, un recours pendant devant une juridiction ordinaire (STC 225/2000 du 2 octobre 2000, B.O.E. du 7 novembre 2000, FJ 3).

* 790 A ce titre, le professeur Isidre Molas précise que « le système juridique espagnol prévoit que la protection des droits fondamentaux relève de la juridiction ordinaire. L'activité spécifique des juges et des tribunaux consiste précisément à les favoriser. C'est la voie commune, la procédure ordinaire de leur garantie. Mais la préoccupation du constituant pour renforcer cette garantie l'a conduit à créer une voie particulière : le recours d'amparo » (MOLAS (I), Derecho constitucional, Tecnos, madrid, 1998, p. 348).

* 791 Art. 50-1, b, de la L.O.T.C.

* 792 V. en ce sens. P. Bon, « Tribunal constitutionnel espagnol. Importantes modifications de sa loi organique en 2007 », in Mélanges en l'honneur du Président Bruno Genevois, Le dialogue des juges, op. cit., p. 70.

* 793 Art. 53 de la L.O.T.C.

* 794 CHASSIN (C-A.), Op. cit., p. 44.

* 795Le professeur Thierry-Serge Renoux relève en ce sens que : « Dès le 8 juillet 1958, l'idée d'une saisine du Conseil constitutionnel par le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation avait été avancée par M. Aurillac lors d'une réunion du groupe de travail chargé d'élaborer un avant-projet de Constitution puis finalement abandonnée » (RENOUX (T.-S.), « Si le grain ne meurt... (à propos des droits et libertés) », R.F.D.C., 1993, n° 14, p. 285).

* 796 FAVOREU (L.), La question préjudicielle de constitutionnalité. Retour sur un débat récurrent, in M. Borgetto (Coord.), Mélanges Philippe Ardant, Droit et politique à la croisée des cultures, L.G.D.J., Paris, 1999, p. 265. L'appellation se révèle impropre en ce sens que, dès l'origine, l'objectif est de mettre en place un système de question préjudicielle. C'est-à-dire un mécanisme obligeant le juge ordinaire, en présence d'une loi susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux du justiciable, à surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel, saisi de la question, se prononce au fond. En aucune façon il s'est agi d'une procédure permettant au juge ordinaire de contrôler lui-même la constitutionnalité d'une loi à l'occasion d'un litige se présentant devant lui, comme c'est le cas en matière d'exception d'inconstitutionnalité.

* 797 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet de modernisation des institutions de la Ve République.

* 798 Car, comme le relève le Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, « les lois antérieures à 1958 et certains des textes adoptés depuis lors qui, pour des raisons diverses, accidentelles ou parfois plus politiques, n'ont pas fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel sont valides, sans qu'il soit loisible aux juges judiciaires ou administratifs qui ont à en faire application de les déclarer contraires à la Constitution. Sans doute cette anomalie ne vaut-elle que pour un nombre relativement limité de textes de forme législative. Il n'en reste pas moins qu'elle introduit dans notre système juridique un élément de trouble, et qu'elle peut priver les citoyens de la faculté de faire valoir la plénitude de leurs droits». A ceci s'ajoute l'existence de lois qui, bien qu'ayant été soumises à l'examen du Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle a priori, ont révélé leur inconstitutionnalité une fois entrées en vigueur. Car, il n'est pas inconnu que le contrôle a priori, par définition abstrait, oblige le Conseil constitutionnel à apprécier la constitutionnalité des lois de manière empirique, en essayant d'imaginer leur logique. Or, il arrive parfois que le Conseil n'anticipe pas convenablement les conséquences pratiques de l'application d'une loi. A première vue constitutionnelle, ladite loi se révèle à l'usage, en réalité, contraire à la Constitution. En somme, c'est lors de son application concrète qu'il est véritablement possible de dire si une loi est ou non contraire à la Constitution. En outre, et comme le souligne le professeur Yves Poirmeur, dans la mesure où « le droit constitutionnel, en devenant jurisprudentiel, est devenu évolutif, et par conséquent assez imprévisible, il est possible que la consécration constitutionnelle de droits nouveaux ou la redéfinition de la portée de droits anciens rendent incertaine la constitutionnalité de lois en vigueur » ( « Le Conseil constitutionnel protège-t-il véritablement les droits de l'homme ? », in DRAGO (G.), FRANÇOIS (B.), MOLFESSIS (N.) (Dir.), La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, coll. Etudes Juridiques, Paris, Economica, 1999, p. 335).

* 799 BERNAUD (V.) et FATIN-ROUGE STÉFANINI (M.), La réforme du contrôle de constitutionnalité une nouvelle fois en question ? Réflexions autour des articles 61-1 et 62 de la Constitution proposés par le comité Balladur, Op. cit., p. 169.

* 800 Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, J.O. du 11 décembre 2009, p. 21379. Pour un commentaire approfondi, v. entre autres. : BAGHESTANI (L.), « A propos de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution », Petites affiches, 2010, n° 32, p. 4 ; P. Bon, « La question prioritaire de constitutionnalité après la loi organique du 10 décembre 2009 », Op. cit., p. 1107 ; FERRAIUOLO (P.), La question prioritaire de constitutionnalité après la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : le point de vue du praticien, Petites affiches, 2010, n° 43, p. 3 ; B. Mathieu, La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit. A propos de la loi organique du 10 décembre 2009 et de la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 DC, Op. cit.

* 801 Cons. const., décision 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, Rec. p. 206, J.O. du 11 décembre 2009, p. 21381 (Sur cette décision, v. en part. : B. Genevois, « Le contrôle a priori de constitutionnalité au service du contrôle a posteriori. À propos de la décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 », R.F.D.A., 2010, p.1 ; P. Jan, « La question prioritaire de constitutionnalité », Petites affiches, 2009, n° 252, p. 6 ; D. Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité validée. La décision du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009, Gaz. Pal., 2009, n° 344, p. 4 ; J. Roux, « La question prioritaire de constitutionnalité à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009 », R.D.P., 2010, p. 233).

* 802 Pour une approche approfondie : P. Cassia, « Question sur le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité », A.J.D.A., 2009, n° 40, p. 2193.

* 803 Compte tenu de l'absence originelle de contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois en France, le contrôle de conventionalité a effectivement conduit les justiciables à accorder plus d'intérêt aux conventions internationales qu'à la norme constitutionnelle. D'où la volonté de revaloriser la norme constitutionnelle par l'affirmation du caractère prioritaire de la question de constitutionnalité. Il n'est toutefois pas certain que la question prioritaire soit suffisante pour assurer la prééminence de la Constitution au sein de l'ordre juridique interne. En effet, la question de constitutionnalité n'étant pas d'ordre public, elle ne peut être soulevée d'office par le juge ordinaire (article 23-1 de la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution). En d'autres termes, il faut impérativement que le justiciable invoque l'inconstitutionnalité de la loi dont on veut lui faire application. Or, il se peut très bien que ce dernier continue de privilégier la voie du contrôle de conventionalité plutôt que celle du contrôle de constitutionnalité. Car, comme le met en avant le professeur Denys de Béchillon, « [...] si les justiciables ont le choix entre la mise en jeu de la conventionalité internationale de la loi devant un juge apte à vider lui-même la querelle, et la mise en cause de sa constitutionnalité devant un juge qui, lui, ne tranchera pas et lancera - peut-être - un processus filtré, complexe, long et possiblement très aléatoire de saisine du Conseil constitutionnel, ils n'hésiteront pas : ils iront, dans

* 804 Art. 62 de la Constitution.

* 805 BON (P.), Premières questions, premières précisions, Op. cit.98.

* 806421 A travers son arrêt du 16 avril 2010, la Cour de cassation n'a pas hésité à saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la conformité du caractère prioritaire de la question de constitutionnalité au droit de l'Union européenne. La cour suprême estimant que « les juridictions du fond se voient privées, par l'effet de la loi organique du 10 décembre 2009, de la possibilité de poser une question préjudicielle à la CJUE avant de transmettre la question de constitutionnalité; que si le Conseil constitutionnel juge la disposition attaquée conforme au droit de l'Union européenne, elles ne pourront plus, postérieurement à cette décision, saisir la CJUE d'une question préjudicielle [...]. De même, [...] la Cour de cassation ne pourrait pas non plus, en pareille hypothèse, procéder à une telle saisine malgré les dispositions impératives de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni se prononcer sur la conformité du texte au droit de l'Union ». (Cass. civ. 1ère, 16 avril 2010, n° 10-40002). C'est à quoi la Cour de justice a répondu, à l'occasion de son arrêt A. Melki et S. Abdeli, en date du 22 juin 2010, que le caractère prioritaire d'une « procédure incidente de contrôle de constitutionalité » n'est contraire au droit de l'Union européenne que s'il empêche les juges nationaux « d'exercer leur faculté ou de satisfaire à leur obligation de saisir la Cour de questions préjudicielles » (§ 57).

* 807 LEVADE (A), QPC 1, 2 et 3 : le Conseil d'Etat joue le jeu du renvoi !, D., 2010, n° 17, p. 1061.

* 808 Au 28 février 2011, soit un an après l'entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel souligne qu'environ 2000 questions ont été posées devant les juges de première instance et d'appel. Sur ces 2000 questions, le Conseil constitutionnel a enregistré 527 décisions - 124 décisions de renvoi (59 du Conseil d'État et 65 de la Cour de cassation) et 403 décisions de non-renvoi (163 du Conseil d'État et 240 de la Cour de cassation) - et rendu 83 décisions portant sur 102 de ces 124 affaires. Parmi les 83 décisions rendues, 56% sont de conformité, 34% de non-conformité totale (14 décisions), partielle (7 décisions) ou avec réserve (9 décisions), 10% de non-lieux, [en ligne]. Disponible sur [www.conseil-constitutionnel.fr].

* 809L'éclatement de la cour suprême de justice en trois juridictions autonomes et partant, l'institution de deux ordres de juridictions à côté de la Cour constitutionnelle, a été privilégié pour plus de célérité dans le traitement des dossiers. L'ouverture de la saisine de la cour constitutionnelle à toute personne (article 162, alinéa 2 de de la constitution), l'institution de la procédure de référé-liberté dans la loi organique sur les juridictions administratives, etc. participent de cet élan d'amélioration du climat judiciaire en RDC.

* 810 TURPIN (D.), « La protection par le contrôle de constitutionnalité des lois », in Les droits de l'homme en question, La Doc. fr., Paris, 1989, p. 183.

* 811 MODERNE (F.), Le juge constitutionnel face aux pouvoirs publics, Anuário português de direito constitucional, Coimbra Editora, 2001, vol. I, p. 67.

* 812Journal Officiel - Numéro Spécial - 20 mars 2003.

* 813 TROPER (M.), Le droit et la nécessité, Paris, Léviathan, PUF, 2011, pp. 48 et s.

* 814Idem, p. 52.

* 815 BOBBIO (N.), Sur le principe de légitimité, 1967, réed., Droits, n° 32, 2000, p. 149, cité par BETAILLE (J.), op. cit, p. 379.

* 816 TROPER (M.), Le droit et la nécessité, Op. cit., p. 47. Au-delà des travaux de théorie du droit, la sociologie montre que « l'efficacité d'une norme est fortement corrélée avec sa légitimité », GAVINI (Chr.), L'efficacité des normes - Enquête en contrepoint, working paper, Fondation pour l'innovation politique, novembre 2006, p. 41).

* 817 « Pour réagir contre les jusnaturalistes qui accordaient une place centrale à la légitimité, critère de la validité des normes, Kelsen a exclu la légitimité (...) à la fois du droit comme ensemble de normes et de la science du droit » (COHENDET (M.-A.), Légitimité, effectivité et validité, in Mélanges Pierre Avril, La république, Paris, Montchrestien, 2001, p. 213).

* 818Idem, p. 212.

* 819 WEBER (M.), « Le savant et le politique », 1919, Plon, 1959, p. 114.

* 820 WEBER (M.), Économie et Société, 1921, Plon, 1971, Chap. 3, cité par BETAILLE (J.), Op. cit, p. 379.

* 821 Sur les différentes approches de la légitimité par Weber, V. NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Introduction à la science politique, Op. cit., p. 100.

* 822 TROPER (M.), Op. cit, p. 54.

* 823 DURAN (P.), Légitimité, droit et action publique, L'année sociologique, 2009, 59, p. 306, cité par BETAILLE (J), Op. cit, p. 379.

* 824Idem.

* 825 BECCARIA (C.), Op. cit, p. 11.

* 826 MANIN (B.), « Volonté générale ou délibération ? Esquisse d'une théorie de la délibération politique », Le Débat, 1985, n° 33, p. 74.

* 827 MANIN (B.), Principes du gouvernement représentatif, 1995, rééd., Paris, Flammarion, 1996.

* 828 MADER (L.), L'évaluation législative - Pour une analyse empirique des effets de la législation, Lausanne, Payot, 1985, p. 44.

* 829 JEAMMAUD (A.) et SERVERIN (E.), Evaluer le droit, Paris, Dalloz, 1992, p. 263.

* 830 DURAN (P.), Légitimité, droit et action publique, Op. cit., p. 304.

* 831Idem, p. 304.

* 832 FLÜCKIGER (A.), « L'évaluation législative ou comment mesurer l'efficacité des lois, Revue européenne des sciences sociales », 2007, n° 138, p. 84.

* 833 JOUANNET (E.), « A quoi sert le droit international ? Le droit international providence du XXIème siècle », RBDI, 2007, p. 37.

* 834Idem, p. 38.

* 835 DELAUNAY (B.), « Décision publique évaluée et performance », in ALBERT (N.) (dir.), « Performance et droit administratif », AFDA, Lexis Nexis, 2010, p. 120.

* 836 Article 45, alinéa 5 et 6 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 837 HASSENTEUFEL (P.), Sociologie politique : l'action publique, Paris, Armand Colin, 2008, p. 85, cité par BETAILLE (J.), op. cit, p. 425.

* 838 La science politique ne peut cependant pas ignorer le rôle du droit. Ainsi, une réflexion sur la capacité de pilotage de l'Etat ne peut ignorer délibérément les dimensions juridiques et institutionnelles, même si l'action publique n'est pas seulement structurée par le droit.

* 839 ROUYERE (A.), Recherche sur la dérogation en droit public, thèse, droit, Bordeaux, 1993, p. 73.

* 840 Hans KELSEN, Théorie pure du droit, Op. cit., p. 259.

* 841 TEORAN (M.), L'obligation pour l'administration d'assurer l'effectivité des normes juridiques, Op. cit., p. 99. Sur l'implémentation, BLANKENBURG (E.), « La recherche de l'efficacité de la loi. Réflexions sur l'étude de la mise en oeuvre (Le concept d' "implementation") », Droit et Société, n° 2, 1986, pp. 74 et s.

* 842 C'est une obligation singulière en ce sens que l'application de la sanction en cas de manquement ne se réalise pas comme d'ordinaire.

* 843 WEBER (A.), Les mécanismes de contrôle non contentieux du respect des droits de l'homme, These dactylographiée, Université Robert Schuman, Strasbourg, 2006, p. 37.

* 844 FAVOREU (L.) (Dir.) et alii, Droit des libertés fondamentales,Op. cit., p. 377.

* 845 MOLFESSIS (N.), Le Conseil constitutionnel et le droit privé, Paris, L.G.D.J., 1997, p. 238.

* 846 RENOUX (T.-S.), « Le droit au recours juridictionnel », J.C.P. G., 1993, I, 3675.

* 847 Si parmi les différentes expressions de nature à rendre compte de cette prérogative juridique celle de « droit au juge » se révèle probablement la plus opportune, car « [...] la plus extensive et donc la plus apte à réunir l'ensemble des aspects du sujet » (VANDERMEEREN (R.), « Permanence et actualité du droit au juge », A.J.D.A., 2005, p. 1102), seront indistinctement utilisées les expressions de « droit au juge » ou de « droit à un recours juridictionnel effectif ».

* 848 DOMÍNGUEZ MARTÍN (S.), Ejercicio racional de los derechos y garantías fundamentales », in Introducción a los derechos fundamentales, tome II, Ministerio de Justicia, 1998, p. 1498.

* 849 CORBION (L.), Devoir juridictionnel et droit à la protection juridictionnelle, jurisclasseur civil code, Publication, effets et application des lois, art. 4, à jour au 1er décembre 2007, p. 4.

* 850 LEGER (P.), Le droit à un recours juridictionnel effectif, in SUDRE (F.) et LABAYLE (H.), Réalité et perspectives du droit communautaire des droits fondamentaux, Bruylant-Nemesis, 2000, pp. 199-212 ; REDOR (M.-J.), Garantie juridictionnelle et droits fondamentaux, Op. cit., p. 100.

* 851 Le Tribunal constitutionnel portugais considère en ce sens que si le droit à un recours juridictionnel effectif est « inséré au sein du chapitre relatif aux droits fondamentaux et se réfère expressément à ces droits, il ne saurait pour autant se limiter à la défense des seuls droits fondamentaux. La protection juridictionnelle s'étend à tous les droits et intérêts légitimes, c'est-à-dire à toutes les situations juridiquement protégées » (Acórdão 24/1988 du 20 janvier 1988, D.R. série II du 13 avril 1988).

* 852La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples le consacre en son article et la Constitution du 18 février 2006 en son article 19, alinéa 2.

* 853 SERRANO ALBERCA (J.-M.), Las garantías jurisdiccionales como derechos fundamentales : un anális del artículo 24 de la Constitución española, Anuario de derechos humanos, n° 3, Ed. de la Universidad Complutense, Madrid, 1985, p. 439 p. 449.

* 854 POLLET-PANOUSSIS (D.), Les actes inattaquables devant le juge administratif, Thèse dactylographiée, Université de Lille II, 2006, p. 298.

* 855 Ce triptyque est celui proposé par le professeur Serge Guinchard à travers son ouvrage de droit processuel (GUINCHARD (S.)(Dir.) et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, Paris, Dalloz, Précis, 5ème éd., 2009, pp. 467-1037).

* 856 En ce sens, RENOUX (T-S.), « La constitutionnalisation du droit au juge en France », Op. cit., p. 115.

* 857 C.E.D.H., 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce, req. n° 18357/91.

* 858 SUDRE (Fr.), Droit européen et international des droits de l'homme, Op. cit., p. 344.

* 859 STC 37/1982 du 16 juin 1982, B.O.E. du 16 juillet 1982, FJ 1.

* 860 STC 207/2003 du 1er décembre 2003, B.O.E. du 8 janvier 2004, FJ 2.

* 861 Acórdão 24/1988 du 20 janvier 1988, D.R. série II du 13 avril 1988).

* 862 Cons. const., décision 98-403 DC du 29 juillet 1998, Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, Rec. p. 276, J.O. du 31 juillet 1998, p. 11710.

* 863 OMEONGA TONGOMO (B.), Le contrôle juridictionnel de l'administration, Op. cit., p. 370.

* 864 Information disponible sur https://www.google.fr/search?ei=zRXAXdaxKcPosAeRnq-gCA&q=les+maux+de+la+justice+congolaise&oq=les+maux+de+la+justice+congolaise&gs, consulté le 04 novembre 2019.

* 865 KIFWABALA TEKILAZAYA, FATAKI WA LUHINDI (D.) et WETSH'OKONDA KOSO (M.), « République Démocratique du Congo. Le secteur de la justice et l'État de droit. Une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa », Open society Foundation, 2013.

* 866 DUBOIS (M.) et REJUSCO, Recueil de jurisprudence en matière pénale. La justice restaurée, Kurudisha Upyi, Application des lois nationales à des cas judiciaires recensés à l'Est de la RDC, GOMA, 2010, p. 23.

* 867 BAYONA BA MEYA, « La justice de paix en République Démocratique du Congo », Lukuni Lwa Yuma, Revue interdisciplinaire,

Vol. II, n°4, juillet-décembre 1999, p. 70.

* 868Conseil Constitutionnel, décision 79-105 DC du 25 juillet 1979, Droit de grève à la radio et à la télévision, Rec. p. 33 ; STC 2/1982 du 29 janvier 1982, B.O.E. du 26 février 1982, FJ 5.

* 869 BON (P.), La protection constitutionnelle des droits fondamentaux : aspects de droit comparé européen », Op. cit., p. 251.

* 870Idem.

* 871Cour européenne des Droits de l'Homme du 10 octobre 1979 dans l'affaire Rassemblement jurassien c. Suisse, requête n° 8191/78.

* 872 Cour européenne des Droits de l'Homme, 7 octobre 2008 dans l'affaire Eva Molnar c. Hongrie,requete n° 10346/05, § 35.

* 873Idem, § 38 ; CEDH, 7 juillet 2009, Skiba c. Pologne, req. n°10659/03.

* 874Ibidem.

* 875Cour européenne des Droits de l'Homme, 27 juin 2006 dans l'affaire Cetinkaya c. Turquie, req. n° 61353/00.

* 876Cour européenne des Droits de l'Homme, 2 octobre2001dans l'affaire Stankov c. Bulgarie, Op. cit.

* 877Cour européenne des Droits de l'Homme, 3 mai 2007 dans l'affaire Baczkowski et a. c. Pologne, requête no 1543/06.

* 878Idem.

* 879 Cour européenne des Droits de l'Homme, 21 oct. 2010 dans l'affairev Alekseyev c. Russie, req. no 4916/07 ; L'Europe des libertés, janv. 2011, n° 34, obs. U. Kilinc, « A propos de l'interdiction du maire de Moscou à l'encontre de la Gaypride » ; C. Picheral, « Droit de revendiquer ouvertement son homosexualité et de promouvoir le respect envers les minorités sexuelles », JCP G, 8 nov. 2011, n°45, p. 2122.

* 880Cour européenne des Droits de l'Homme, 2 octobre 2001 dans l'affaire Stankov c. Bulgarie, req. no 29225/95.

* 881Cour européenne des Droits de l'Homme, 1er décembre 2011 dans l'affaire Schwabe et M.G. c. Allemagne, req. no 8080/08 et 8277/08.

* 882Cour européenne des Droits de l'Homme, 7 octobre 2008 dans l'affaire Patyi et a. c. Hongrie, req. n° 5529/05.

* 883Cour européenne des Droits de l'Homme, 26avril 1991 dans l'affaire Ezelin c. France, Op. cit.

* 884Cour européenne des Droits de l'Homme, 15 octobre 2015 dans l'affaire Kudrevicius et a. c. Lituanie, req. n° 37553/05 ; F. Sudre, « Droit de la Convention européenne des droits de l'homme », JCP G, n° 3, 18 janv. 2016.

* 885SUDRE (F.), Droit de la Convention européenne des droits de l'homme,Op. cit. p. 78.

* 886Cour européenne des Droits de l'Homme, 19 novembre 2012, dans l'affaire Berladir c. Russie, Op. cit., § 43.

* 887 CAA Paris, 7 mars 2000, Syndicat national des officiers de police, n° 97PA00133, inédit (arrêt concernant l'interdiction d'une manifestation d'agents de police).

* 888 Idem., p. 283.

* 889 CAA Paris, 7 mars 2000, Syndicat national des officiers de police, n° 97PA00133, inédit.

* 890 CAA Bordeaux, 19 juill. 1999, n° 97BX01724, Assoc. rétaise des amis d'Henri Béraud, inédit.

* 891 HABERMAS (J.), Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997, p. 13.

* 892 SALÁT, The Right to Freedom of Assembly: A Comparative Study, Oxford, Hart Publishing, 2015, p. 284.

* 893HABERMAS (J.), Op. cit., p. 13.

* 894 SAJÓ (A.), Constitutional Sentiments, New Haven, Yale University Press, 2011, p. 262.

* 895 PETERS (A.) et LEY (I.), Freedom of Assembly : The Politics of Presence, in PETERS (A.) et LEY (I.) (dir.), The Freedom of Peaceful Assembly in Europe, Baden-Baden/Oxford, Nomos/Hart Publishing, 2016, p. 12.

* 896 LE BOT (O.), La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ?Op.cit., p. 33.

* 897 GWÉNAËLE (C.), « La manifestation, coeur battant de la démocratie », article disponible sur http://juspoliticum.com/article/La-manifestation-coeur-battant-de-la-democratie-1140.html, consulté le 09 août 2019 à 08 heures 35'.

* 898Idem.

* 899 V. par ex. le T. A de Bordeaux, ordonnance du 28 mai 2013, Association L.214, n°1301861, inédit : production, au cours de l'audience, d'un arrêté retirant la mesure d'interdiction.

* 900 La jurisprudence européenne exprime clairement ces principes dans l'arrêt de principe du 21 juin 1988, Plattform « Ärzite fut das Leben », n°10126/82, § 32.

* 901 Cette orientation rejoint la jurisprudence européenne. Au regard de l'article 11 de la convention, une restriction apportée à la liberté de réunion pacifique doit être « nécessaire dans une société démocratique », cette exigence impliquant que l'ingérence corresponde à un besoin social pressant et soit proportionnée à l'objectif poursuivi (CEDH, 19 nov. 2012, Berlardir c/Russie, n°34202, §45).

* 902 Le BCNUDH a observé des actes de violence commis par des individus participant à certaines manifestations et justifiant un certain degré d'intervention par les forces de l'ordre pour rétablir l'ordre public ou assurer la protection des personnes et des biens. Cependant, les services de sécurité et les forces de défense congolaises ont souvent répondu à ces violences en utilisant la force de manière disproportionnée, y compris la force létale, quand d'autres mesures moins radicales auraient pu être envisagées.

* 903 Lire à ce sujet le Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extra-judiciaires, sommaires ou arbitraires, A/HRC/26/36 (le 1er avril 2014), para.75

* 904 COMITE DES DROITS DE L'HOMME, Projet révisé d'observation générale n°36 sur l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, CCPR/GC/R.36/Rev.7 (juillet 2017), paragraphe 18.

* 905 AMNISTIE INTERNATIONALE, Lignes directrices pour la mise en oeuvre des principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois (2015), p. 159.






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