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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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1. La constitutionnalité comme indice de fondamentalité 

La constitutionnalité n'est pas une condition de la fondamentalité mais elle est plus qu'un indice. Elle n'est pas nécessaire, dans la mesure où des normes non constitutionnelles peuvent se voir reconnaître un caractère fondamental. Toutefois, elle est plus qu'un indice puisqu'elle suffit, à elle seule, à qualifier une norme de fondamentale. Il s'agit d'un critère et même du critère qui est, de loin, le plus important, car il est à lui seul suffisant pour caractériser la fondamentalité d'une norme.

Il est le critère par excellence de fondamentalité. Les normes constitutionnelles bénéficient d'une présomption de fondamentalité. Elles correspondent aux deux acceptions du terme « fondamental » ? D'une part, elles présentent un caractère essentiel, ce qui justifie leur consécration dans un texte placé hors des majorités parlementaires. D'autre part, elles sont au fondement de notre ordre juridique et politique. Par-là, la constitutionnalité est par essence révélatrice de fondamentalité.

Les normes constitutionnelles sont formellement fondamentales ; elles sont même les seules normes formellement fondamentales. Comme l'a indiqué Robert Alexy, « Les normes de droits constitutionnels sont formellement fondamentales comme résultat de leur place au sommet de la hiérarchie du système juridique (...) »175(*), « la base indispensable des normes juridiques qui règlent la vie de la collectivité »176(*). » L'unité et la cohérence d'un ordre juridique se forment autour de sa loi fondamentale. Celle-ci, en raison notamment de la stabilité particulière qui la caractérise, représente le fondement et la fondation d'un ordre juridique »177(*) ; elle en établit les assises. Elle représente le fondement de validité de toutes les autres normes178(*).

A mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie des normes, la procédure d'adoption et de modification des actes normatifs devient plus lourde, c'est-à-dire requiert des formalités plus contraignantes et des consentements plus difficiles à obtenir : la stabilité des règles et principes constitutionnels bénéficient d'une stabilité remarquable. « Les règles de droit contenues dans le bloc de constitutionnalité sont beaucoup plus assurées d'une performance ou d'une pérennité que celles contenues dans les lois ordinaires. Le droit donc a un coefficient de sécurité beaucoup plus grand lorsqu'il est de rang constitutionnel que lorsqu'il est de rang législatif ordinaire (...) »179(*).

L'ordre juridique étant conçu comme une pyramide de normes hiérarchiques180(*), les normes infraconstitutionnelles doivent respecter les prévisions de la Constitution. Dans les conditions fixées par les textes et la jurisprudence, une disposition conventionnelle, législative ou administrative pourra voir sa validité contestée devant le juge constitutionnel ou le juge ordinaire181(*). En cas de contrariété avec la loi fondamentale, la norme infraconstitutionnelle se trouvera, selon les cas, annulée ou privée d'effet. En tant qu'ils figurent parmi les normes de valeur constitutionnelle, autrement dit qu'ils représentent la base du système juridique, les droits et libertés constitutionnels sont ipso facto fondamentaux.

Les normes constitutionnelles sont aussi matériellement fondamentales. Norme du consensus182(*), la Constitution représente en effet, le siège des valeurs et des libertés essentielles.183(*)« le moment constitutionnel » est par définition le moment de la coopération générale : « Dans les moments constituants, les volontés politiques des sujets politiques s'accordent dans un but commun : établir les principes qui dominent les intérêts particuliers de chacun pour permettre la vie en commun de tous184(*) » Dès lors, c'est dans la Constitution que l'on est censé trouver les libertés les plus importantes.

Les droits qui y sont énoncés sont en effet, jugés suffisamment primordiaux ou essentiels pour devoir être mis hors de portée des majorités parlementaires. Ils correspondent à « des positions auxquelles on attribue une telle importance que la décision concernant leur acceptation ou non-acceptation ne peut être confiée à la simple majorité parlementaire »185(*). Et de fait, un lien étroit unit depuis longtemps Constitutions et libertés186(*). En France, le principe d'une définition constitutionnelle des droits et libertés s'est imposé dès la Révolution187(*). Les constitutions qui se succèdent depuis 1791 comportent en principe une liste de droits et libertés. « Même les constitutions les plus autoritaires contiennent au moins une garantie explicite des principales libertés »188(*).

La constitutionnalité emporte de plein droit la fondamentalité. Les normes constitutionnelles sont toutes fondamentales du fait de la conjonction, en ce qui les concerne, des deux acceptions du terme fondamental. Rien ne peut affecter la fondamentalité d'un droit. Notamment, les restrictions législatives apportées à l'exercice de droit constitutionnel n'en suppriment nullement le caractère fondamental. Cela étant, le juge administratif considère qu'une norme peut également être fondamentale d'un point de vue strictement substantiel. Si la Constitution épuise la fondamentalité formelle, elle n'épuise nullement la fondamentalité matérielle.

En ce qui concerne la liberté de manifestation, sa fondamentalité est hors de toute contestation tant en fonction de son essentialité que de sa prise en charge par la constitution du 18 février 2006. Si le débat n4est plus permis sur la fondamentalité de la liberté de manifestation au regard de précédents développements, il est admis que certaines libertés consacrées par des normes infra-constitutionnelles sont aussi fondamentales.

* 175 ALEXY (R.), A theory of constitutional rights (traduit de l'allemand par RIVERS (J.), Oxford University, Press, 2003, p.349.

* 176 VEDEL (G.), « Les bases constitutionnelles du droit administratif », EDCE, 1954, p. 21.

* 177 GENEVOIS (B.), La jurisprudence du Conseil constitutionnel. Principes directeurs, STH, 1988, p. 189.

* 178FAVOREU (L.), Droit et loi. Brèves réflexions d'un constitutionnaliste, in La philosophie à l'épreuve du phénomène juridique. Droit et loi, Colloque du 22 au 23 mai 1995, PUAM, 1987, p.13).

* 179FAVOREU (L.), Op. cit., p.13.

* 180 KELSEN (H.), Théorie pure du droit, Op. cit., p.99.

* 181Idem, p.224.

* 182 STARCK (C.), La constitution cadre et mesure du droit, Paris, Economica, 1994, p. 104.

* 183ZEGREBELSKY (M.), Le droit en douceur (traduit de l'italien par LEROY (M.), PUAM, 2000, p.111). En cela, La constitution est le consensus de base d'un peuple sur sa façon de vivre, (KARPEN (U.), L'État de droit, in La Constitution de la République Fédérale d'Allemagne. Essai sur les droits fondamentaux et les principes de la loi fondamentale avec une traduction de la fondamentale (KARPEN (U.), Nomos Verslagsgesellschaft, 1996.

* 184Idem

* 185MATHIEU (B.) et VERPEAUX (M.), Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2002, p.19). Comme le relève DE BECHILLON (M.), L'expression constitutionnelle d'une règle, quelle qu'en soit la nature, exprime, par ceci même qu'elle se veut constitutionnelle, une valeur fondatrice pour la société toute entière, (DE BECHILLON (M.), Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l'Etat, Economica PUAM, Coll. DPP, 1996, p.241.). Dans tous les pays, « La norme fondamentale a pour rôle primordial d'établir et de fonder un consensus politique général, singulièrement dans le domaine des droits fondamentaux et des libertés publiques » (BON (P.), Les droits et libertés en Espagne. Eléments pour une théorie générale, in Dix ans de démocratie constitutionnelle en Espagne, éditions du CNRS, 1991, p.40). Elle est la « charte de l'organisation de l'Etat et des valeurs fondamentales ».

* 186 GUASTINI (R.), « Réflexion sur les garanties des droits constitutionnels et la théorie de l'interprétation », RDP, 1991, p.1080.

* 187 ALEXY (R.), Idée et structure d'un système de droit rationnel, APD, tome 33, La philosophie du droit aujourd'hui, 1988, p.32.

* 188 HEGEL, déjà, affirmait que « Par Constitution, on doit entendre les libertés, en général et l'organisation et la réalisation de ces libertés » (HEGEL (G.W.F.), Encyclopédie des sciences philosophiques, §540, cité par SERIAUX (A.) et alii, Droits et libertés fondamentaux, Paris, Ellipses, 1998, p.7). Comme l'a observé ARDANT (M.), Les premiers textes à valeur constitutionnelle de l'époque moderne, les textes anglais du XIIIème au XVIIIème siècle : Grande Charte de 1215, Pétition des droits de 1628, HABEAS Corpus de 1679, Bill of Rights de 1689, se préoccupent moins des institutions que de la liberté sous différentes formes et des procédures destinées à la protéger. Quand, à la fin XVIIIème, les Américains et les Français décident de mettre par écrit un ensemble de règles concernant l'organisation et le fonctionnement du pouvoir, ils inscrivent tout naturellement en tête de ces constitutions des Déclarations des droits, plaçant par là en quelque sorte l'ensemble du texte sous le signe des libertés. » ARDANT (P.), « Les constitutions et les libertés », Pouvoirs, n° 84, 1998, p. 61).

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