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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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B. L'intolérance sociale

L'administration belge tentait d'utiliser les autorités traditionnelles comme des avant-postes pour la mise en oeuvre de ses règles coercitives. Les tribus étaient définies et les chefs nommés en fonction des besoins belges, c'est-à-dire pour exercer un certain contrôle administratif, mais les chefs servaient surtout de base locale pour la mobilisation du travail forcé et la récolte des tributs. Les populations locales étaient, par exemple, recrutées pour construire les routes et livrer le caoutchouc, ce qui constituait des tentatives d'imposition très simples291(*).

Certaines autorités traditionnelles se voyaient garantir le statut d'autorité autochtone et étaient censées gérer la vie quotidienne des communautés locales, tandis que d'autres se voyaient refuser ce statut292(*).

Cette situation avait des conséquences importantes pour l'accès à la terre. Les autochtones n'avaient pas le droit à une terre sur une base individuelle, l'accès à la terre ne pouvant se faire que par l'intermédiaire d'une autorité traditionnelle qui s'appuyait sur des droits hérités des ancêtres pour allouer la terre. Cette terre n'était accessible qu'aux membres du groupe.

Les Congolais qui ne bénéficiaient pas d'une autorité traditionnelle n'avaient donc pas accès à la terre et étaient à peine tolérés sur les terres des autres groupes. Dans le Congo de l'après indépendance, cette situation a non seulement conduit à des conflits pour la terre, mais a également suscité un problème de citoyenneté, comme dérivé de la propriété terrienne, pour certaines communautés.

Les droits liés à la propriété privée étaient exclusivement réservés aux propriétaires terriens blancs. Les mêmes règles s'appliquaient aux droits afférents à d'autres sortes d'actifs.

Dans une sorte d'asphyxie totale, les indigènes de l'époque n'avaient à portée de main aucun moyen de revendication disponible.

2. Les conséquences de l'intolérance

L'histoire du Congo notera l'année 1959 comme une année ouverte par la violence des événements du 4 janvier et la répression aveugle qui s'en est suivi. Evénement aux conséquences politiques de grande ampleur, parce que suivi des engagements politiques de grande taille, notamment par le roi des belges293(*), il s'inscrivait dans la ligne d'autres événements revendicatifs, particulièrement ceux de Stanley ville.

A. Les événements du 4 janvier 1959

Il convient d'exposer les faits ayant caractérisés cet événement inédit (a) avant de revenir sur ses retombées politiques (b).

1. Que s'est-il réellement passé au Congo ?

À la veille de l'indépendance, les événements du 04 janvier 1959 à Léopoldville auront fortement marqué les esprits et l'histoire même du Congo, à cause de la répression du meeting politique de l'ABAKO pourtant programmé et autorisé.

La section de l'ABAKO de la Commune de Kalamu avait projeté pour le dimanche 4 janvier une réunion. Il semble, par ailleurs, qu'il y a eu ordre et contrordre concernant l'autorisation de la réunion. Selon M. Van Hemelrijck, ministre du Congo belge et du Ruanda-Urundi, la réunion de l'ABAKO se tenait « dans des conditions irrégulières, tant au point de vue de l'occupation des locaux de l'YMCA qu'au point de vue de l'assistance du public294(*) ».

Le public n'ayant pas été informé de l'annulation de l'événement, « un concours de circonstances provoque un effet boule de neige. Un match de football vient de se terminer au stade Kalamu (aujourd'hui stade Tata Raphael). Mécontents à cause de leur équipe favorite, excités par la présence policière et des rumeurs « Les blancs tirent sur les noirs », les spectateurs sortants du stade se transforment en manifestants. La foule se regroupa devant l'entrée du local de la Réunion. L'assistance était sous tension et de légers incidents firent empirer la situation, qui tourna à l'émeute.

Cette situation avait entrainé trois jours d'incendie et de pillage ; l'emploi de la force avait causé désolation, plusieurs morts et blessés. A l'origine, un usage excessif de la force.

La répression était d'une violence disproportionnée, de sorte que la journée du 04 janvier est depuis lors commémorée, en République Démocratique du Congo, comme la journée des martyrs de l'indépendance.

2. Analyse juridique de la situation

L'évènement se déroule avant l'Ordonnance loi n° 25-505 du 5 octobre 1959 portant la réglementation des manifestations, réunions ou rassemblements en plein air. On décèle au moins dans le récit qu'il existait une règlementation sur la liberté de réunions. L'organisation des réunions publiques était subordonnée à une autorisation préalable, ce qui révèle le caractère autocratique du pouvoir politique colonial dans un contexte politique tendu.

Les moyens de répression usités par les autorités publiques renforcent cette affirmation. Ces manifestations du 4 janvier 1959 ont été réprimées avec une extrême véhémence dans un mépris total de la vie humaine.

3. Impacts sur le plan politique

Le 13 janvier 1959, dans une allocution télévisée, le roi Baudouin s'adresse à ses « compatriotes de Belgique et du Congo ». Rappelant le but de la présence belge sur le continent tel qu'il avait été défini par Léopold II, le souverain affirme que la Belgique est décidée à « conduire, sans atermoiements funestes, mais sans précipitation inconsidérée, les populations congolaises à l'indépendance dans la prospérité et la paix ».

Suivra la déclaration du gouvernement belge aux termes de laquelle « la Belgique entend organiser au Congo une démocratie, capable d'exercer les prérogatives de la souveraineté et de décider de son indépendance ».

Les milieux politiques congolais n'ont pas manqué de saisir la balle au bond. Le MNC de Patrice-Emery Lumumba et l'ABAKO, les deux principaux mouvements réagissent diversement à ces déclarations : pour le premier, c'est la satisfaction, les congolais ont besoin d'être préparés et l'indépendance doit être totale ; pour la seconde, il n'y a pas question d'attendre, l'indépendance doit être immédiate.

La réunion publique du 4 janvier a causé un impact significatif sur l'indépendance du Congo.

* 291HESSELBEIN (G.), Op. cit., p. 24.

* 292HESSELBEIN (G.), Op. cit., p. 24.

* 293 VERHAEGEN (B.), L'ABAKO et l'indépendance du Congo belge. 10 ans de nationalisme kongo (1950 à 1960), Kinshasa, Éditions Zaïre, 1973,p. 315.

* 294 Lire à cet effet, la déclaration du Ministre du Congo-belge et du Ruanda-Urundi au sujet des incidents de Léopoldville (à la Chambre des représentants le jeudi 8 janvier) », Chambre des Représentants, Annales parlementaires, Séance du jeudi 8 janvier 1959, p. 2.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery