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Les bals de lycée dans l'Utah: Etude anthropologique d'un rite de liminalité : famille, adolescence et sexualité


par Christelle Lardeux
Université Aix-Marseille - Master 1 : anthropologie sociale et culturelle parcours 1 2018
  

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Université d'Aix-Marseille

Faculté des arts, des lettres, des langues et des sciences humaines Domaine : sciences humaines et sociales

1

Les bals de lycée dans l'Utah

Etude anthropologique d'un rite de liminalité : famille,
adolescence et sexualité

(Début du XXIème siècle)

Mémoire de master 1

Christelle Lardeux

Sous la direction de Valérie Feschet

Département Anthropologie sociale et culturelle

2018-2019

2

Remerciements

Je remercie vivement Valérie Feschet pour m'avoir accompagnée durant ce parcours de master particulier. Ses conseils ont été précieux et son regard une grande chance pour moi.

Un grand merci à mes lecteurs : Carine, Bérangère et Alexandra.

A mon époux : Serge qui m'a encouragée à faire ce master et fut mon premier lecteur

A mes trois enfants : Bruyère, Simon et Maïa. Et particulièrement Bruyère, mon adolescente jamais en rupture avec ses parents, ma lumière sur le monde de l'adolescence, mon enquêtrice qui a récupéré toutes les informations que je lui demandais.

Une reconnaissance infinie pour tout ce que l'Utah nous a apporté. L'expérience fut profonde et bouleversante. Elle aura touché toutes les dimensions de nos êtres : notre côté humain, psychologique, affectif, sociologique. Elle aura été une expérience professionnelle et personnelle au-delà ce que j'aurais pu envisager. J'y ai appris l'humilité, la bienveillance, la diversité, la tolérance, la motivation positive, l'action dans le présent.

Je suis profondément reconnaissante à l'Université d'avoir accepté que je fasse ce master d'anthropologie. Ce fut un régal personnel et intellectuel de renouer avec cette discipline. J'ai été étonnée de retrouver en moi et de pouvoir remobiliser tant d'éléments de ma formation initiale qui a eu lieu il y a si longtemps.

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Sommaire

SOMMAIRE 3

INTRODUCTION : ETHNOGRAPHIE ET EXPÉRIENCE DE VIE AMÉRICAINE 5

PARTIE I - APPROCHE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE 9

I. MÉTHODOLOGIE : CONSTRUCTION D'UN OBJET EMPIRIQUE 9

A Le terrain 9

B Mon immersion 12

II. PRÉSENTATION DU MÉMOIRE 13

III. UNE APPROCHE PLURIDISCIPLINAIRE 14

A Regard sur les Rallyes français 14

B Regard ethnologique sur les Fest-Noz 15

C La liminalité 16

D L'adolescence et la sexualité 18

PARTIE II - ETUDE DE CAS : L'INDIVIDU DANS LA SOCIÉTÉ UTAHNE 20

I. LES FAMILLES EN UTAH, MORMONES ET NON-MORMONES 21

A La structure familiale 22

B Le scoutisme 22

II. L'ADOLESCENCE À BOUNTIFUL, UTAH, UNE APPROCHE ETHNOLOGIQUE 24

A Le temps des responsabilités engagées 25

B L'âge des sorties 26

C L'alcool et la drogue 27

D L'adolescent parmi ses pairs 28

E La différence entre les sexes 29

III. LA SEXUALITÉ 30

A La question de l'homosexualité et de la bi-sexualité 31

B Quelques règles au lycée 32

PARTIE III - LES BALS AU LYCÉE EN UTAH 33

I. L'ORGANISATION PAR LE LYCÉE 33

II. LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DU RITE 34

A Le choix de « la Date » 35

B Les groupes 36

C Les vêtements et accessoires 37

D Les lieux 40

E Le rôle des parents 40

III. LE DÉROULEMENT 41

A Les préliminaires 41

B Le jour J 43

C L'après bal 45

4

PARTIE IV - ANALYSES COMPLEMENTAIRES 45

A Eclairage d'après la théorie d'Emmanuel Todd 47

B Le rite comme éducation à la perte de l'objet pour assurer la stabilité du couple 49

C La notion de créativité rituelle 49

CONCLUSION 51

BIBLIOGRAPHIE 54

ANNEXES I : DONNEES STATISTIQUES : 57

ANNEXES II : TEXTES DE REFERENCE MORMON 60

ANNEXES III : TEXTES DE REFERENCE MORMON 61

ANNEXES IV : TEXTES DE REFERENCE MORMON 62

ANNEXES V : LES MODELES PARENTAUX 63

ANNEXES VI : LES MODES DE SANCTIONS PARENTALES 64

5

Introduction : Ethnographie et expérience de vie américaine

En 2016, je participe à un programme proposé par l'éducation nationale. Je pars vivre deux années dans l'Utah, à Woods Cross pour exercer mon métier d'enseignante dans une classe d'immersion du programme UDLI : Utah Dual Language Immersion1. Woods Cross tout comme North Salt Lake où nous vivrons durant notre séjour sont des villes nouvelles. Elles se situent à 10 km de Salt Lake City, la capitale de l'Utah et à 4 km de Bountiful, le lieu d'étude proprement dit.

J'emmène mes trois enfants : Bruyère, 15 ans, Simon, 12 ans et Maïa, 9 ans. Bruyère ira au lycée High School de Bountiful, tandis que Simon et Maïa seront dans mon école à Woods Cross. Notre vie s'organise très rapidement. La bienveillance et la solidarité des gens qui nous entourent nous aident à nous intégrer.

En février, Bruyère décide de participer à un bal de lycée. Elle est française et la communication avec les locaux est encore compliquée. Pour ce bal, ce sont les filles qui invitent. Bruyère s'informe et ses premières amies lui trouvent un garçon qu'elle peut inviter. A partir de là je découvre toute une organisation qui se répétera à chaque bal. A chaque fois, le même rituel, les mêmes procédures mais à chaque fois avec sa touche de créativité, d'expressions. J'observe chaque bal s'organiser, je regarde cela d'un oeil ethnologique et analytique. Je souhaite faire de cette expérience mon sujet de master. L'organisation sociétale se prête à une étude anthropologique. A la fois très moderne, elle revendique des valeurs et des préceptes d'anciens textes religieux. La vie quotidienne est scandée par la modernité et le traditionnel. Elle balance entre initiative et adaptabilité, mouvement et tradition, conservatisme et inertie. A travers la famille est perpétué un système organisationnel conservateur se réalisant dans une société contemporaine et ouverte. Il peut y avoir confrontation entre les valeurs mais c'est toujours le religieux et le familial qui l'emportent. Les bals s'inscrivent dans cette continuité.

Afin de recueillir des données, j'accepte que les missionnaires viennent toutes les semaines chez moi pour nous faire des leçons d'anglais qui se finissent le plus souvent par un prosélytisme religieux. Dans la vie quotidienne, « l'ambiance » mormone se retrouve même chez les non-Mormons. Mes enfants et moi découvrons alors une société organisée selon des préceptes de réussites individuelles qui doivent impérativement rejoindre le groupe et le collectif. C'est une obligation, si l'on peut dire, de service et d'aide à autrui. Il ne s'agit pas de forme d'assistanat mais de soutien, l'individu aidé doit savoir se débrouiller par la suite.

1 Les mots anglais sont en italique.

Salt Lake City, Capitale de l'Utah

Notre immeuble à North Salt Lake.

North Salt Lake et Woods Cross sont des villes en pleine expansion. Des nouveaux quartiers résidentiels ne cessent d'émerger, avec des commodités valorisant le bien-être individuel et familial au service du quartier.2

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2 Woods Cross : recensement : 1990 : 5383 habitants ; 2010 : 9761 habitants North Salt Lake : recensement : 1990 : 6474 habitants ; 2010 : 16322 habitants Source : http://www.city-data.com/city/

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Légende : Bountiful, North Salt Lake/Woods Cross3

La ville de Bountiful et ses environs sont marqués par la religion mormone qui est omniprésente et bien plus représentative qu'à Salt Lake city. Chaque quartier est muni d'une église mormone. L'espace est sectorisé : deux immeubles mitoyens peuvent appartenir à deux Églises mormones différentes. Nous sommes dans un environnement très familial : les familles sont nombreuses et l'on compte entre 2 et 4 enfants en moyenne. Les jeunes se marient relativement tôt, entre 19 et 22 ans (annexe I : 58.8% sont mariés à partir de 15 ans)4 (TRIGEAUD, 2013,299). La

3 http://www.city-data.com/city/Bountiful-Utah.html

4 « pour le garçon, le mariage n'est pas envisageable avant la mission. Pour les filles, au contraire, un mariage précoce semble usuel : lors d'un cours de premier cycle à la BYU, lorsqu'un professeur demanda aux étudiantes mariées présentes de lever la main, les trois-quarts de l'assistance se déclarèrent et leur âge moyen ne dépassait pas 19-20 ans. »

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plupart du temps dès leur mission de 18 mois accomplie. L'enfant et la famille sont au coeur des préoccupations. Dans les représentations mormones, la réussite sociale n'est pas seulement professionnelle, elle est familiale. L'individu est valorisé dans sa concrétisation d'une union et de la procréation. L'éducation est importante. Les familles savent que l'adolescence est une période charnière et dangereuse. C'est justement sur cet aspect que j'ai souhaité porter mon attention.

The Bountiful High School est un lycée de secteur public qui appartient à Davis School district, localisé à Farmington. Il compte plus de 1550 élèves répartis entre le 10ème et 12ème grade ce qui correspond de la seconde à la terminale dans le système français. Malgré les effectifs importants, quand on se rend au lycée, notre première impression n'est pas l'immensité de la structure car l'espace extérieur est très aéré. C'est plutôt un lycée à dimension humaine qui émane du lieu.

Le symbole du lycée est les Braves : le nom de l'équipe de football américain du lycée.

Sur la colline surplombant Bountiful, nous pouvons apercevoir un B pour Braves s'élever. Plus loin une lettre différente qui représente l'équipe concurrente principale.5 Comme nombre de lycées : le sport et les équipes sportives sont très représentés : le football américain, le volley-ball et le basket (très adulé dans l'Utah avec les Jazz, leur équipe professionnelle). La musique aussi avec l'orchestre philharmonique et la chorale du lycée qui donnent lieu à quatre concerts par an et deux performances.

Le lycée de Bountiful organise six bals par an. Ce n'est pas le cas partout aux USA. Ces bals sont organisés ainsi : trois bals où ce sont les filles qui invitent, trois bals où ce sont les garçons. Les bals les plus importants sont ceux de la rentrée, de Noël et de fin d'année.

Le sujet des bals dans l'Utah est ambitieux car il se situe au croisement de plusieurs champs d'études (le religieux et le non-religieux, la famille, l'adolescence, et le rapport à la sexualité). Il est certain, comme l'explique Pascal Lardellier dans « Théorie du lien rituel »6 que le rite de passage n'a plus « bonne presse » scientifique mais je chercherai malgré tout à montrer en quoi ces bals peuvent être appréhendés comme des rites de passage et des lieux particulièrement opérant du contrôle social sur les adolescents.

Ces rencontres festives organisées, et institutionnalisées agissent comme des barrières dans

lesquelles l'adulte en devenir peut exercer (ou pas) son libre-arbitre. Comment se met en place ce contrôle social sur les relations matrimoniales en devenir ? Quel est le contexte culturel et créatif dans lequel s'insèrent ces moments partagés tout au long de l'année scolaire ? Quels sont les « tabous » respectés ou transgressés ? En quoi consistent la participation et l'investissement des parents dans cette activité ? Qu'est-ce que les parents cherchent à mettre en oeuvre en aidant les

5 https://www.facebook.com/BountifulHigh

https://high-schools.com/directory/ut/cities/bountiful/bountiful-high-school/490021000105/ 6Lardellier Pascal, Théorie du lien rituel, éd. L'Harmattan communication, 2003

enfants à se préparer pour le bal ? Le groupe passe par des activités ludiques pour transmettre des valeurs et des attentes communautaires.

Partie I - Approche théorique et méthodologique

I. Méthodologie : construction d'un objet empirique

A Le terrain

Le terme « tribu » plutôt que « communauté » que développe A. Hyman me parait juste en parlant des Utahns : ainsi il considère le terme de « communauté » comme « trompeur » dans son utilisation par les Américains. Il pense que le fonctionnement est tribal car on reconnait très vite un indien d'un évangéliste.... Il considère la capacité qu'ont les Américains à sortir de leur « milieu », la tribu est ouverte, la communauté non. Il établit que les Américains ont une origine duale, triple voire quadruple. Selon lui, c'est ce qui fait que la société américaine ne s'effondre pas car ce creuset finit par s'amalgamer dans une identité nationale (HYMAN, 2016, 14).

La société mormone a souvent cette connotation de communauté voire de secte. Or les mormons apparaissent plus ouverts sur le monde qu'il n'y parait, même si c'est sous couvert d'un prosélytisme religieux. Il y a une attitude d'accueil au lycée de ma fille. Les familles mormones particulièrement recoivent des adolescents d'ailleurs, Mormons ou non-Mormons. Là où nous habitions, ils viennent essentiellement de l'Amérique du sud mais Bruyère a eu aussi un camarade venant d'Allemagne.

1. Un peu d'histoire

L'Utah est un jeune état américain. Du fait de son histoire d'origine, liée à la persécution d'une dissidence religieuse menée par les frères Smith : les Mormons. L'Utah est « un état d'esprit » avant tout. Les autochtones sont des Indiens Pueblo essentiellement. Petit à petit, d'autres populations indiennes : les Utes notamment vont s'installer. Ils sont d'origine mexicaine et liés aux Navajos du sud-est des Etats-Unis. Le territoire va rester sous domination mexicaine jusqu'à l'arrivée de premiers colons Mormons en 1847. Le traité signé établissant l'Utah comme Etat est établi en 1850. Mais ce n'est qu'à l'aube du 20ème siècle qu'il devient état fédéré après s'être engagé à renoncer à la polygamie.

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2. Les Mormons et les premiers colons

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On ne peut pas parler de l'Utah sans aborder la religion mormone. Les analyses sur cette confession religieuse que j'ai trouvée dans « Devenir Mormon » de Sophie-Hélène Trigeaud confirment mes propres observations ethnologiques. La conclusion est qu'il s'agit probablement moins d'une religion que d'une culture (TRIGEAUD, 2013).

John Smith est investi à l'âge de 14 ans d'une vision où deux personnages se présentent à lui. Ces derniers vont lui indiquer où sont cachées les véritables écritures bibliques. Il est alors demandé à John Smith de remettre les hommes sur le véritable chemin suite à la perversion et l'éloignement des écrits sacrés d'origine (idib, 16). 7

Accompagné de son frère, John Smith se lance dans une quête prosélytique. L'église mormone est créée. Elle se consolide très vite socialement, politiquement et religieusement. La polygamie est pratiquée et revendiquée. La communauté s'agrandit. Les Mormons cherchent alors un lieu de vie. Mais si l'accueil se déroule parfois favorablement notamment dans l'Illinois, très vite l'organisation structurelle des Mormons pose problème (notamment la polygamie), entraînant des persécutions.

A ce moment de leur histoire, John Smith commence à être mis en difficulté par la légitimité des textes sacrés qu'il transmet (dont notamment qu'une terre promise les attend). Mais habité par ses convictions, il continue sa quête et attend d'être guidé. C'est son frère qui reçoit le premier une vision lui indiquant où se rendre. Lorsqu'ils arrivent dans ce désert que représente le territoire des Utes, les premiers colons n'ont que leur croyance et la force de leur bras pour construire leur pays. Le Tabernacle de Salt Lake City sera construit en premier. Depuis, L'Utah est avant tout un état d'esprit. L'empreinte des pionniers, l'individualisme pour construire sa vie de famille, et l'entretien de la vie communautaire sont encore fortement ancrés dans les mentalités.

La désaffection religieuse qui a touché particulièrement l'Europe et surtout les jeunes pendant plusieurs décennies fut moins accentuée dans le nord-américain. (KOSTECKI, 2016, 10) (TRIGEAUD, 2013, 153-155). On peut même parler d'après ces auteurs de « vitalité religieuse », plutôt « conventionnelle » (chez les adolescents). La religion mormone n'apparait donc plus comme un particularisme. De nos jours, c'est une religion en pleine expansion. Bien que le nombre des fidèles mormons ne soit pas significatif par rapport aux autres religions8, les chiffres montrent que la communauté double tous les vingt ans. Cet essor s'explique par une natalité importante mais pas seulement, on peut penser que l'organisation des missionnaires a aussi son impact. (TRIGEAUD,

John Smith explique qu'un ange lui aurait livré un texte sacré ancien...... Lors de la première vision, le Père et son fils J-C seraient apparus pour enjoindre de ne se lier à aucune communauté religieuse tombée dans l' « apostasie ». Puis Moroni aurait indiqué l'endroit où se trouvaient les plaques du Livre... » C'est aussi ce que nous avaient expliqué les missionnaires Mormons.

8 A nuancer si on compare avec d'autres chiffres : une amie me faisait remarquer que le nombre de Mormons était équivalent au nombre de juifs dans le monde. Je suis allée vérifier. En effet, il y a 14 millions de Juifs dans le monde et 16 millions de Mormons.

11

2013, p. 18)9. Les missionnaires sont des jeunes de 19 à 22 ans qui partent dans une autre région (USA ou le reste du monde) pendant 18 à 24 mois. Leur mission consiste à mettre en place des activités de services et d'aides à la personne et de diffusion de la Bible mormone, en proposant quelques lectures et prières. Ces services peuvent être : des cours de langue, trouver des vêtements à des familles défavorisés, apporter son soutien aux personnes âgées, organiser des activités pour des jeunes enfants : jeu, sport, activités ludiques.

Source : http://www.city-data.com/city/Bountiful-Utah.html

Dans ce mémoire, les lecteurs trouveront souvent le terme « l'Église ». Cela désigne à la fois le lieu et l'office du dimanche. On ne parle pas de « messe » mais de l'Église en ce qui concerne l'office.

A propos des pionniers, les informations que j'ai recueillies en visitant le musée de l'histoire de l'Utah, montrent que les premiers pionniers n'étaient pas tous Mormons. Ils y avaient aussi d'autres colons poussés par la ruée vers l'or, la conquête de l'ouest, chercheurs de terre où s'installer. Cet esprit pionnier est encore très actif dans les mentalités. Il s'exprime notamment dans l'attitude à toujours réaliser toute opportunité, à valoriser l'idée d'efforts, de courage. Les termes « opportunity » « you're brave » « you're champion » sont quotidiennement employés dans les familles comme à l'école. La vie quotidienne est rythmée par l'action et ce qu'il y a à faire. Les gens se plaignent très peu, ils agissent. Le système scolaire repose avant tout sur l'apprentissage de savoir-faire. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a pas de problème. La dépression et les suicides sont une réalité inquiétante. Même à l'école primaire, sont donnés les chiffres des dépressions et des suicides des enfants, adolescents et adultes.

9 « La reconduction de cette enquête en 2004 faisait encore état d'une progression numérique en plaçant les Mormons en tête...avec une croissance de 1.88%. En 2005, la communauté s'était alors hissée à la quatrième place nationale(USA). »

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3. Les référents institutionnels

L'Utah a plusieurs emblèmes :

· La ruche : on la trouve sur les panneaux de circulation

· L'aigle, plus exactement le pygargue, représentant les USA, et ayant pour symbole la protection.

Sur le drapeau : au centre se trouve la ruche, symbole de l'Utah. Au-dessus l'aigle américain, signifiant que l'Utah se rallie aux Etats-Unis et le soutiendra toujours. Les lances dans les serres montrent le courage des Utahns. Le calochortus représente la fleur symbole de paix. L'ensemble est entouré d'un cercle d'or, représentant la protection divine.

B Mon immersion

En ce qui concerne le terrain d'étude : j'ai été partie prenante de l'expérience en tant que témoin et observatrice. Ma principale interlocutrice est ma fille : Bruyère. Le lecteur peut penser que mon implication est trop personnelle. Si cette question émerge je peux opposer que Bruyère est une adolescente très « populaire ». Ses relations amicales sont très nombreuses et variées. Elle a su se faire plusieurs cercles : des adolescents Mormons, non-Mormons, hispaniques (grâce auxquels elle est trilingue aujourd'hui), Américains et étrangers. Même si les Mormons ont tendance à rester entre eux, ils se mélangent aussi avec les autres. Ainsi, le nombre de Mormons sera simplement dominant dans un groupe donné. A ce panel s'ajoutent mes propres connaissances : des relations de travail, de voisinage.

L'avantage indiscutable que j'ai eu fut mon immersion du fait de ma situation professionnelle et familiale. J'arrivais avec trois enfants et la population locale m'a immédiatement intégré un peu partout. Ainsi donc j'ai pu acquérir une légitimité immédiate.

Je mentionnerai de temps en temps mon binôme américain : Courtney Pirouznia. Je dois expliquer le contexte professionnel. J'enseignais le français à des classes de CP. En fait, j'avais

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deux classes de 26 à 28 élèves : soit entre 52 et 56 élèves répartis. Le matin, une classe avait anglais et l'autre français et l'après-midi nous échangions les groupes. Nous travaillions donc en binôme. Les enseignants français s'occupaient du français, des maths, des sciences et de l'art. Les enseignants Américains s'occupaient de l'anglais, de l'art aussi et de l'histoire. Courtney non-mormone, a 2 enfants adolescents.

J'utiliserai fréquemment le récit de vie pour illustrer mes propos. J'ai pu voir dans nombres de thèses actuelles que j'ai consultées ( theses.fr) ce choix méthodologique. Et donc je choisis de faire aussi cet exercice. Néanmoins, dans les thèses que j'ai consultées, le récit de vie est souvent une partie en elle-même alors que j'ai choisi d'incorporer des passages de récit de vie dans mes différents chapitres. J'espère que ce choix paraitra judicieux par rapport à mon sujet.

II. Présentation du mémoire

Pour préparer ce mémoire, j'ai utilisé des documents de la bibliothèque « Les Fenouillères » du site universitaire. Néanmoins, mes ressources principales furent internet. J'ai travaillé en grande majorité sur les liens de recherches préconisés par l'université. En plus, j'ai eu accès à un certain nombre de documents sur le site de l'Université de Laval, au Canada. Je me suis servie uniquement de documents numériques dans leur texte intégral. Et lorsque je le pouvais, je trouvais l'ouvrage papier. Je suis consciente de la facilité que nous offre l'outil informatique et notamment internet mais aussi de ses limites en tant que sources. Le site « theses.fr » m'a permis d'accéder à des thèses récentes proches de mon sujet. L'une de mes principales difficultés a été de trouver des documents récents en ligne sur le sujet. Le fait aussi que beaucoup d'études sur la famille, la sexualité ou l'adolescence concernaient des sujets en France. Or par exemple, la plupart des études indique un affaiblissement du mariage et des naissances. Ce n'est pas le cas en Utah où le nombre de mariage et la natalité sont importants (voir annexe).

Après une première partie sur les aspects théoriques et méthodologiques, ce mémoire de master 1 présentera un chapitre sur la famille en Utah, avec un éclairage sur les familles mormones et non-mormones. Ainsi qu'un chapitre sur l'adolescence à Bountiful, qui sera une approche ethnologique à partir de mes observations et des témoignages de Bruyère et de ses camarades. Le troisième chapitre portera sur la sexualité dans l'Utah. Une troisième partie sera consacrée aux bals et à leur organisation avec une analyse éclairée par mes lectures. Enfin, une dernière partie apportera des analyses complémentaires à mon sujet.

Il est important de noter que je vais conserver quelques termes anglais. J'en préciserai leur traduction et leur sens, dans le contexte de la tranche d'âge concernée : les adolescents. En effet, il

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est souvent difficile de trouver dans les traductions une sémantique équivalente.

A propos du terme « utahn » : on ne parle pas dans les publications françaises de société utahne, de famille utahne... C'est un terme qu'en revanche on trouve en Utah : « utahn society ». Je choisis donc de l'utiliser en français. Vous trouverez donc les termes : société utahne, famille utahne, adolescent utahn.

Enfin, je mets en italique les citations que j'utilise.

III. Une approche pluridisciplinaire A Regard sur les Rallyes français

Le terme « rallye » a plusieurs origines : il était employé dans la chasse à courre et c'est aussi un mot anglais « to rally » (réunir). Ce type d'événements a été créé au lendemain de la guerre dans le but de se reconnaitre entre pairs et d'affirmer l'appartenance à une classe sociale. La revendication toujours plus grande du choix personnel du partenaire a amené la création de ces soirées. Il existe plusieurs rallyes. Et il faut passer une sélection pour en faire partie. Un jeune peut appartenir à plusieurs rallyes. Il y a un engagement financier et personnel important. Les familles s'engagent à organiser une réception par an. Même si aujourd'hui, les soirées tendent à laisser place à plus de créativité, ce sont des organisations très protocolaires. Les rallyes sont organisés par les familles. Celles-ci restent présentes même si elles sont discrètes. Les éléments constitutifs vont être : les lieux de la fête, le protocole d'organisation (tenue vestimentaire en général très habillé voire sur-mesure ; l'annonce des personnes arrivant...), les invitations. Les acteurs de la soirée font partie d'une liste close. Les rallyes concernent toute la période de l'adolescence : vers 12-13 ans débutent des rallyes d'apprentissage : journées d'activités, goûters, de jeux de société type bridge, apprentissage des danses (rock, danse de salon) et des règles de bienséances. (LUCA, 2014-2015) (JOLY, 2009). Ici, on peut parler de ghettoïsation sociale et politique (COGET, 2018), car ils sont endogames alors que, comme nous le verrons dans ce mémoire, les bals de lycée sont exogames. Le but principal de ces soirées est de se constituer un carnet de connaissances dans lequel potentiellement on pourrait trouver un futur conjoint. L'objet de notre sujet comme nous le développerons ci-dessous est plus de se préparer à « l'idée du mariage » qu'à la recherche d'un partenaire. Il ne s'agit pas d'une quête de la reproduction sociale mais d'une réalisation de réussite personnelle et sociale dans le mariage et la famille. Les adolescents semblent peu enclins à la rébellion et/ou la remise en cause dans les rallyes comme dans les bals. Du point de vue du rite de passage, les rallyes rentrent dans un rituel d'agrégation alors que comme nous le verrons les bals relèvent de la liminalité.

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B Regard ethnologique sur les Fest-Noz

En 2005, Dominique Crozat et Sébastien Fournier notaient que la conceptualisation du champ des fêtes et du loisir était faible alors que ce sont des pratiques très actives, soumises à des statistiques et à des études diverses notamment touristiques. (FOURNIER D. C., 2005, 308). La fête s'est longtemps opposée aux cérémonies, commémorations... Elles étaient considérées comme profanes et s'opposaient ainsi à celles, sacrées, relevant souvent de la religion. La fête s'inscrivait dans une action purgatoire : « il faut que jeunesse se passe ».10 Le regard ethnologique sur les fêtes n'est plus orienté sur l'opposition sacré-profane mais sur la notion de patrimonialisation (FOURNIER L. S., 2003). Le Fest-Noz nous permet un éclairage sur les représentations, les pratiques et enjeux. Cette fête traditionnelle fait l'objet actuellement d'une déclaration au patrimoine mondial culturel (PCI). « C. Augé et Y. Paire (2006), le monde du bal est un monde en soi. Ces auteurs ont réalisé un travail sur l'engagement corporel dans les danses traditionnelles de France métropolitaine. Le fest-noz étant considéré comme un « bal de danse traditionnelle ». Un bal, selon les auteurs, peut succéder à l'autre et emmener les danseurs jusqu'au bout de la nuit ; une nuit aussi longue et diversifiée qu'une journée, avec des temps de danse, des temps de rencontre, des temps de restauration et de repos, un rythme propre qu'il faut longtemps pour comprendre et pénétrer». (AGUIAR, 2017, 351 ). Si le Fest-Noz est une forme d'enracinement territorial ce n'est pas le cas des bals de lycée. Dans le cas d'un enracinement, cela suppose une stabilité de la population qui s'inscrit alors dans une reconnaissance socio-historique et ethnoculturelle. On peut parler de « lieu-mémoire » (AGUIAR, 2017, 346 ). Si on peut attester qu'il y a une part de cela en Utah, notamment dans la revendication de leur histoire pionnière et religieuse, la mobilité géographique reste importante (voir annexe 1). Le patrimoine culturel immatériel qu'est le Fest-Noz crée ainsi un territoire : « espace d'identité, d'investissement affectif et culturel, et évoque des sentiments d'appartenance ». (AGUIAR, 2017, 354) Le parallèle avec ce type de fête est intéressant par rapport à la notion de « patrimoine culturel immatériel ». Les bals de lycée sont organisés sur tout le territoire américain mais leur nombre par an et leur organisation varient d'un état à l'autre voire même au sein d'un état. Des collègues expatriés me faisaient remarquer que dans leur district (Provo, Utah), seulement trois bals étaient organisés par le lycée de proximité. Cette pratique festive nationale relève donc bien d'un patrimoine commun à tous. Les travaux d'Yvon Lamy (1992, cité par AGUIAR, 2017) déterminent « plusieurs formes de patrimoine : le patrimoine comme politique publique, qui renvoie à la longue histoire des rapports entre l'État et la nation ; le patrimoine comme mobilisation sociale, en ce qu'il favorise l'appropriation par les acteurs sociaux de leur environnement ; et le patrimoine comme terrain de

10 Mircea Eliade « le sacré et le profane », 1987.

16

rencontre entre administrations et associations. D'après l'auteur (Y. Lamy, cité par AGUIAR, 2017), le patrimoine est une ressource pour la reproduction sociale car il se transmet de génération en génération, mais aussi une construction sociale opérant des classements entre les objets et les acteurs sociaux majeurs. En tout état de cause, le patrimoine est un objet construit, légitimé par une institution publique ou scientifique faisant autorité, de préférence l'État, et dont la valeur trouve ses racines dans l'histoire» (Ibid, 343). La performance culturelle (connaitre la technique de danse) du Fest-Noz a un rôle d'outil de communication voire d'action sociale.11 . « Les groupes sociaux communiquent et montrent aux autres leurs valeurs et la façon dont ils veulent être représentés au travers de leurs performances corporelles ». Dans les bals de lycée, la performance ne se situe pas dans la danse mais dans la construction de tous les éléments entourant l'événement. Ils apparaissent alors comme des outils qui ont la même action que la danse des Fest-Noz. De la même façon ils canalisent divers sentiments comme la joie, la détente, l'anxiété, la colère et la tension, voire comme l'a développé V. Turner et que je développe dans la partie suivante, une effervescence, une excitation.

C La liminalité

Le rite contemporain est fréquemment un rite désacralisé car c'est un rite volontaire, personnalisé laissant la place à la créativité avec une fragmentation des passages et une réitération des seuils symboliques. Le rite a une fonction de transformation irréversible. Il a aussi une fonction de reliance. Isabelle Kostecki et Raymond Lemieux ont montré à travers les rites religieux qu'il y a

.

reliance verticale et horizontale. (KOSTECKI, 2016, 63) 12

La reliance verticale concerne tout ce qui va être plus grand que soi (l'institution par exemple), il y a l'idée de transcendance, et la reliance horizontale concerne la communauté des

11 G. Bateson (1972), V. Turner et R. Schechner (1988) et R. Bauman (1992). S. Tambiah (1985)

12 (KOSTECKI, 2016), elle reprend les travaux de R. Lemieux de 2002

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pairs : la reliance sociale.

David Harvengt13 montre dans sa thèse de 2005 sur les bals de fin d'année au Québec, que les adolescents peuvent aller jusqu'à se créer de nouveaux rites totalement personnalisés (CHERBLANC, 2011,60) mais qu'il n'en demeure pas moins que ce sont des rites collectifs. Ainsi les bals pourraient être qualifiés de rites individuels. Cependant la constitution de groupe prévalant sur l'individu dans notre sujet montre qu'il s'agit de rite collectif. Se pose alors la problématique de l'intégration dans le groupe. D. Harvengt établit deux critères : la non-obligation du rite et l'individu dans le groupe. Le bal est pour lui un rite d'initiation et l'initiation à l'université est un rite d'intégration. Les témoignages parlent de « cheminement », une prise de conscience que c'est la fin de quelque chose mais que d'autres choses aussi important se préparent. Il est évoqué comme une « fin collective ». Il note que même s'il n'y a pas de caractère obligatoire ou de pression, la participation est importante car « les jeunes ont un besoin et une demande de rituels, de créer un temps intense hors du quotidien. Pour lui, les jeunes cherchent ainsi des « balises » individuelles et collectives qui expriment une reconnaissance personnelle et sociale de leur accomplissement et de leur appartenance à leur communauté. » (Ibid, 61). Il reprend aussi les travaux de Michel Maffesoli qui parle de « tribalisme postmoderne » mélangeant distinction et fusion dans des groupes où prévaut « la conviction d'une destinée commune ».

Victor Turner (1990) va proposer le concept de liminalité (seuil). Il étend les travaux de Van Gennep, (VAN GENNEP, 2011, ) à toutes les situations de transition. Cela concerne des lieux, des moments, des étapes de la vie. La liminalité indique une période ou un lieu temporaire14 sauf dans le cas de « personne liminale »15 où il y a un caractère permanent (comme chez la personne handicapée) (BLANC, 2008). « Si elle traduit une transformation des identités, il ne s'agit pas d'un passage entre identités normées, mais plutôt du processus social d'interactions par lequel se retravaillent des identifications. La liminalité est ainsi posée comme un mode de construction de soi, qui passe par l'hybridation, le métissage et le refus de formes imposées. Le «ni l'Un ni l'Autre» des travaux antérieurs devient l'«articulation d'éléments contradictoires» (Bhabha, 1994). L'incertitude et le danger de la situation demeurent, puisqu'elle conduit à la contestation de la norme. » (FOURNY, 2013). C'est un processus complexe de différenciation de nouvelles catégories. Les travaux d'Homi Bhabba (FOURNY, 2013) montrent que la liminalité ne construit pas l'individu par le conflit autour d'une hiérarchie de valeurs mais par un processus de construction et même de production de références institutionnelles. A l'opposé, Théodoro Patera,

13 Harvengt, David, 2005, Le faste et la farce. Les rituels contemporains en milieu scolaire. Université Laval, thèse de doctorat en ethnologie. In (CHERBLANC, 2011, 56-72).

14 Marie-Christine Fourny, « La frontière comme espace liminal », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 101-2 | 2013, mis en ligne le 07 avril 2014, consulté le 04 juin 2019. URL : http://journals.openedition.org/rga/2115 ; DOI : 10.4000/rga.2115

15 SCARPA Marie, « Le personnage liminaire », Romantisme, 2009/3 (n° 145), p. 25-35. DOI : 10.3917/rom.145.0025. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2009-3-page-25.htm

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montre dans son article « liminalité et performance »16 que cette marge rituelle comporte des similarités avec la dramaturgie et qu'elle est de ce fait forte de créativité. Le drame social qui se joue dans cette phase permet des ajustements et réajustements au sein d'espaces liminaires. Il (le drame social) « ... relève d'un caractère performatif, puisque dans la mise en question des règles ordinaires sur lesquelles se fonde le groupe social, les parties en conflit donnent vie à une sorte d'expérimentation de rôles, comportements, structures visant à créer une structure alternative à celle qui a échoué. » (PATERA, 2014, 9)

Martine Segalen montre que le temps « liminaire » (TURNER) est souvent une période de ségrégation qui entraîne un isolement. Cet isolement est sociologique (séparation avec le groupe) et géographique (tente de sudation...). Les futurs initiés sont exclus de la communauté, donc sans protection et ainsi se confrontent aux forces du mal. (SEGALEN, 1998, 35-36). Si je considère les bals de lycée comme un seuil de passage. Le processus est inverse : il n'y a pas d'isolement entrainant une mort symbolique. La chrysalide se déploie dans un temps continu. Il y a dans ce rite contemporain une fluidité des étapes de vie. C'est la « communitas existentielle » de Victor Turner. C'est-à-dire « du vivre et du sentir communautaire » qui se manifeste au travers du « nous effervescent ». « Le vouloir vivre et sentir communautaire ne se manifeste-t-il pas, dans le moment du rituel, qu'au travers de sa forme inachevée que constitue « l'être ensemble », le « nous effervescent », toujours contingent et provisoire» (DARTIGUENAVE, 2012). Les membres du rite liminal se trouvent dans une dynamique de coprésence, « Elle (la coprésence) autorise

l'indifférence réciproque entre semblables, mais non celle de chacun envers l'unité de lieu et de

temps qui les rassemble tous. Ici, le tout agit comme tel, réunissant des parties sans que celles-ci

disposent de l'autonomie susceptible de redéfinir le tout. ». (DARTIGUENAVE, 2012, 23) La « communitas existentielle » s'inscrit dans une « atmosphère communielle » laissant une large part au ludique et à la recherche esthétique. C'est «entre des moments de forts désirs fusionnels et

d'autres où l'individu réflexif prend distance par rapport au scénario qui rarement l'engage

totalement... » (C. Rivière, cité par DARTIGUENAVE, 2012, 20). La seule fin en soi est

l'accomplissement du rituel qui remplit sa fonction de promesse de rencontre de l'autre, de

« renouvellement permanent ». ( DARTIGUENAVE, 2012)17. Tout au long de ce travail, nous

verrons que les différents aspects évoqués ici concernent les bals au lycée. Les mots clés de

« communitas existentielle », « coprésence », « provisoire », « forme inachevée », « effervescent »,

« renouvellement permanent » sont propres à qualifier les bals de lycée.

D L'adolescence et la sexualité

16 Teodoro Patera, « Liminalité et performance : de l'anthropologie de Victor Turner aux Folies Tristan », Perspectives médiévales [En ligne], 35 | 2014, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 04 juin 2019. URL : http://journals.openedition.org/peme/5025 ;

In (DARTIGUENAVE, 2012)

17 M. Maffesoli, La conquête du présent, Paris, PUF, 1979, p. 127.

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L'adolescence est caractérisée par des transformations mentales et corporelles. Il s'y mélange des pulsions (vie-mort), des désirs sexuels sur des développements narcissiques, d'une approche du relationnel idéalisé (les mots : amis à la place de copain, le meilleur ami, la meilleure amie). Le rapport à la sexualité est plus explicite : l'élaboration de la sexualité va de « l'amour courtois) à l'érotisme. Alain Braconnier dans son article du dernier Sciences Humaines : « Qu'est-ce que l'adolescence ? » fait le lien avec la psychanalyse et le complexe d'Oedipe marquant ainsi le passage à l'acte sexuel autorisé. Il parle de « consolidation des fonctions et intérêts du moi » à la fin de l'adolescence. Cette période de vie marque trois changements d'état : l'acquisition progressive de l'autonomie vis-à-vis des parents (voire financière : les nombre d'adolescents utahns qui occupent des petits emplois est important), l'acceptation du corps (Lacan : le stade du miroir) et de la sexualité, et pour finir la projection des choix de vie. L'adolescent va s'individualiser, apprendre à poser ses limites (de la tolérance à ce qu'il juge intrusif) et essayer d'installer son idéal. Il va répondre ou pas aux attentes sociales (A. BRACONNIER : « les adieux à l'enfance » cité par BEDIN, 2019, 43-44).

Martine Fournier (BEDIN, 2019) reprend les travaux de Dominique Pasquier « Lycéens, la culture des pairs » pour montrer qu'en France, le clivage de classe est moins accentué chez les adolescents. On parlerait ainsi plus de « culture des jeunes » qui serait une mixité sociale : le banlieusard peut écouter du jazz ou de la musique « qui craint » tout comme le jeune des quartiers favorisés. Ainsi « la transmission culturelle verticale serait confrontée à la culture des pairs » que l'on peut qualifier d'horizontale (BEDIN, 2019, 135) Par contre les recherches tendraient à démontrer qu'il y aurait une fragmentation sexuée : les garçons choisiraient une expression dans l'extériorité qui les ferait rechercher une homogénéisation de groupe, alors que les filles nourriraient une culture plus intimiste où se révèlerait une individualité plus personnelle.

1. Les dangers de l'adolescence et le rapport à l'autorité

Véronique Bedin et Nicole Catheline mentionnent que le regard du parent est passé du rejet de l'adolescent à une forte attente à son égard. Le parent est omniprésent afin de s'assurer que son enfant ne va pas être en difficulté et entraîne ainsi la création de « Tanguy ». (BEDIN, 2019, 50). L'adolescence est fréquemment étudiée sous l'aspect conflictuel avec les représentants de l'autorité. Daniel Marcelli, pédopsychiatre rappelle que deux composantes interviennent dans la notion d'autorité : l'une concerne le relationnel (institutionnel ou non) et l'autre, l'individu et ses représentations (D. Marcelli : « Adolescence et autorité » cité par BEDIN, 2019, 72-80). Pour lui, l'adolescent se trouve dans une phase pulsionnelle et donc son principal souci serait la satisfaction plus ou moins immédiate de ses désirs avec son corollaire le surmoi dans une position de dictat.

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L'adolescent rentre alors dans une période de risque où il peut chercher la maitrise excessive (anorexie-boulimie, addiction...) expression d'une « toute-puissance ». L'adolescent va devoir faire un travail de déconstruction du surmoi infantile vers un travail de personnification de son « idéal du moi » en choisissant des valeurs personnelles et subjectives et en cherchant à échapper à celles de leurs parents, figures d'autorité. Cette construction, pour se faire, se confronte à la réalité sociale, familiale et culturelle. Jadis, il s'agissait d'un travail de refoulement face à la norme. Aujourd'hui « le besoin narcissique d'affirmation de soi prend le pas ». L'adolescent n'est plus dans une confrontation à l'autre pour se construire mais dans une confrontation à soi. Pour l'auteur, c'est là que réside le danger (Ibid, 79). Quant au prétendu mal-être des adolescents, le sociologue Michel Fize débat sur la croyance médiatique qui, ramenée aux statistiques, ne rendrait pas compte de la réalité (cité par BEDIN, 2019, 60). Il postule ainsi que les adolescents dans leur grande majorité sont épanouis. Il rappelle que « problèmes relationnels » ne veulent pas forcément dire « crise d'adolescence ».

2. L'adolescent et le rapport à l'argent

Les adolescents auraient une meilleure connaissance de l'argent qui, selon une enquête Sofres de 2015 aurait été transmise par leurs parents. Les jeunes seraient des consommateurs de plus en plus tôt. Ils passeraient par la voie de l'insistance auprès de leur mère pour obtenir ce qu'ils veulent (BEDIN, 2019, 158). Dans notre sujet d'étude, dès le 4ème grade (CM1), des activités sont organisées pour apprendre à gérer son argent : cela peut-être des jeux de rôles dans une rue reconstituée où banquier, médecin, secrétaire, personnel des travaux publics se côtoient et dépensent leur salaire, des activités comptables sur des logiciels. Au lycée, des cours spécifiques de gestion sont organisés et obligatoires, y compris un cours de gestion des finances du gouvernement. Comme je le dis plus loin, la plupart des jeunes lycéens occupent un petit emploi.

Partie II - Etude de cas : l'individu dans la société utahne

La construction de l'individu se concrétise dans l' « american way of life », le chemin de vie américain. Une partie est véhiculée par des croyances, des images, c'est le cas du « self made made » et des « success stories » et d'autre part par des actes philanthropiques et altruistes essentiels. L'ensemble se matérialise dans la pratique sportive ou musicale. Les enfants sont élevés et encouragés à montrer leur talent. Ce n'est pas une culture de l'élitisme, même si à un moment il y a une sélection. L'adage « on a toujours besoin d'un plus petit que soi » est applicable à cette société. L'effort et l'engagement sont très valorisés. (HYMAN, 2016, 24-27) . Dans la société

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française, l'individu évitera de dire que son entreprise a fait faillite. Cette expérience portera les stigmates du résultat. Aux États-Unis, et encore plus dans l'Utah, dans la même situation, ce qui sera considéré c'est l'engagement, la façon dont l'individu a su rebondir et la vision positive qu'il en a retirée. L'individu apprend très jeune à ne pas considérer les choses personnellement. Il ne s'agit pas d'une notion philosophique comme l'impermanence chez les asiatiques mais d'une approche factuel : les faits sont là à un moment donné, mais ce qui est vrai présentement ne le sera peut-être pas plus tard que ce soit la réussite ou l'échec. Les adultes seront confrontés à une insécurité permanente de l'emploi que ce soit en matière de recrutement et d'emploi occupé. Un projet peut être extrêmement bien noté et finalement il ne sera pas retenu. Les raisons sont variables et rarement liées à la personne qui l'a construit. De même, le licenciement est immédiat. L'individu doit être prêt à rebondir. C'est donc une société que l'on peut qualifier de violente psychologiquement.

Le sport est particulièrement important car il allie l'engagement, l'altruisme, l'individualisme et l'éthos collectif.

Le chemin de vie américain passe aussi par le mot très usité d' « opportunity », les opportunités. Les Américains font une différence entre l'arriviste et l'opportuniste. Dans les opportunités, il y a l'idée d'accepter l'aide proposée (sinon l'obligation philanthropique ne pourrait pas s'exercer) et de se lancer. L'image qui illustre ce propos est la navette spatiale qui pour décoller à besoin de kérosène en grande quantité, puis une fois autour de la terre, elle est autonome. Saisir les opportunités est presque une obligation sociale. Il est important aussi de préciser la relation qu'entretiennent les Américains avec l'assistanat. Donner est de l'ordre de l'obligation sociale (d'ailleurs chez les Mormons, cela fait partie de leur chemin de vie et des témoignages qu'ils doivent apporter). Néanmoins, ce don ne doit pas devenir de l'assistanat. La personne ou l'organisme qui reçoit doit être en mesure de montrer qu'il va devenir autonome ou bien que cette aide est provisoire ou/et efficace.

I. Les familles en Utah, mormones et non-mormones

L'idée du rêve américain ou « american dream » est toujours présent et ancré dans la culture. Il revêt d'autres formes : celle de la photo de famille nombreuse mais aussi du lieu où l'on vit. Si un endroit ne convient pas, les familles n'hésitent pas à déménager. Nous avons assisté à cela : nous habitions dans la partie immeuble de notre quartier résidentiel. Au bout de deux ans, nous étions les plus vieux locataires. Les familles arrivaient dans un pickup avec juste une remorque derrière. Ils s'installaient entre deux et douze mois et repartaient. Souvent aucun signe ne présageait de leur départ. Un matin, nous découvrions une « yard sale » en bas de l'immeuble, c'est-à-dire une

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vente des effets personnels. Leur efficacité est remarquable. Ils n'hésitent pas à se séparer de leur bien en ne gardant que l'essentiel. Ils vendent ou donnent. Il existe des entrepôts de vente d'occasion : les Deserts Industries où tout s'achète à moindre prix. La mobilité des familles logeant en maisons individuelles était moins importante car il s'agit plus de propriétaires.

A La structure familiale

Les observations que j'ai pu faire de la structure familiale dans notre secteur sont :

- Les familles sont composées des parents avec deux à cinq enfants. Les familles non-mormones ont souvent deux enfants. De même dans les familles mormones, les fratries sont rapprochées et fonctionnent souvent en binôme. Alors que l'écart d'âge est variable dans les autres familles.

- La femme mormone ne travaille pas ou à mi-temps pendant toute la période de la petite enfance et de l'enfance. Par contre, elle s'investit dans les activités de l'Église, de l'école et d'association caritative. La femme non-mormone travaille en général.

L'école est très investie et peu remise en cause. Les parents participent beaucoup aux différents temps scolaires (les assemblées, les activités festives...). Si on reprend la nomenclature de Claes : les parents utahns sont de style authoritative18 (CLAES, 2003, 23 ).

Le réseau familial est très important et beaucoup pratiqué par des rencontres régulières dans l'année. Rappelons-le, la mobilité géographique est importante. Les membres peuvent être éloignés les uns des autres. A titre d'illustration, je vais parler des campings. La première fois que j'ai été dans un camping, j'ai été surprise de voir un nombre incalculable d'emplacement de groupes. Connaissant l'importance de la pratique du scoutisme en Utah, j'ai d'abord pensé que c'était pour les groupes de scout. J'ai fini par interroger mon amie Courtney. Elle m'expliqua qu'en fait c'était pour les familles qui partaient fréquemment en week-end toutes ensemble. A de nombreuses occasions, en effet, nous avons pu voir des familles de dix à quinze personnes d'une même famille occuper des emplacements. L'enfant et donc particulièrement l'adolescent vit dans un réseau intergénérationnel. Il n'est pas ou très peu dans une configuration où les relations familiales se liquéfient.

B Le scoutisme

18 Le style authoritative (exigence/affection). Les parents ont de grandes exigences en matière d'éducation et ils entretiennent des projets pour leurs enfants. Ils imposent des règles et fixent des limites tout en répondant aux besoins des adolescents. Ils font preuve de fermeté et de chaleur, mais ils assument la responsabilité ultime de leurs décisions. Ces parents expriment leur proximité affective et ils dialoguent avec leurs enfants afin de leur faire comprendre leurs décisions. Annexe V Le terme « authoritative » a été conservé car il n'a pas d'équivalent en français.

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Les activités de scoutisme sont extrêmement valorisées dans l'Utah. Le scoutisme peut être laïque « Girl scout » ou religieux.

Mes trois enfants ont participé à ces activités. Probablement que leur intégration en fut facilitée. Il convient que je fasse état de mon expérience en tant que parent. Bruyère et Simon : 15 et 12 ans au début de notre séjour ont été intégrés dans des groupes de scoutisme mormon. Maïa qui avait 9 ans est allée dans un groupe laïque « The girl scout »19. Sur la question des choix des groupes, ce n'était pas un choix conscientisé, simplement une question de circonstances et d'opportunité. Pour mes deux ainés ce sont les missionnaires et les groupes qui sont venus nous demander si j'acceptais qu'ils participent à des activités de jeunes. J'ai inscrit Maïa dans le groupe dont s'occupait Courtney, mon binôme anglais à l'école. On parle indifféremment de scoutisme ou d'activités (« scout » « activities »). Les groupes sont organisés par genre : groupes filles et groupes garçons. Et les activités ne sont pas pratiquées le même soir sauf 2 à 3 fois par an où ils sont tous réunis.

Quelques précisions : Bruyère a souhaité participer aux activités de la religion mormone. Elle n'a pas choisi pour autant de se faire baptiser. Mais elle fait partie des « Young Women » de son Église. Et elle assiste à l'Église tous les dimanches depuis 3 ans. Les « Young Women » ne sont pas des scouts, c'est un groupe de jeunes filles amenées à prendre des responsabilités au sein de l'Église. Mon sujet ne portant pas sur le religieux, je laisse le lecteur lire « Devenir mormon » s'il souhaite des renseignements supplémentaires sur le sujet (TRIGEAUD, 2013, 200-202). N'étant pas de confession religieuse, j'ai laissé à mes enfants le choix d'adhérer ou pas selon leur besoin et leur opinion (ce fut le cas pour Bruyère). Simon ne souhaitait pas aller à l'Église. Je pensais qu'il ne pourrait pas continuer les activités de scoutisme, d'autant plus qu'il ne lisait pas les textes de la bible des Mormons demandés chaque semaine. Mais il n'a jamais été exclu, bien au contraire. Quelque soit le type de scoutisme, il y a une tenue vestimentaire particulière dont l'élément le plus important est la chemise. Un système de récompense et d'encouragement est organisé chaque année. Ce sont des « merit badge » (des badges de mérite). En général ce sont des écussons à coudre sur la chemise. L'adolescent se fixe des objectifs liés à des notions de courage, ou d'éducation civique (apprendre les gestes de secourisme, tir à l'arc, dormir dehors à la belle étoile, réussir à allumer un feu de camp, entretien du matériel et du camp...). Ils sont évalués par leurs pairs et les adultes référents. Selon leur degré d'engagement, ils peuvent changer de statut et prendre des responsabilités plus importantes. Ils deviennent alors des référents pour les autres ou des leaders de groupes. Pour les garçons, les enjeux et l'évaluation sont plus individuels que chez les filles : les garçons ont une feuille de route personnelle alors que les filles sont évaluées au sein du groupe.

19 http://www.gsutah.org/

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Chacun de mes enfants a vécu cette expérience avec sa personnalité : Bruyère toujours très engagée a été très heureuse quand on lui a proposé une responsabilité que normalement elle ne pouvait pas avoir puisqu'elle n'était pas baptisée mormone. Simon n'étant pas d'une grande ambition compétitive était ravi des écussons qu'il obtenait. Maïa a très mal vécu le fait qu'elle n'ait pas eu de récompense pour une activité car elle s'y était investie mais tout reposait sur le réseau social et familial, or toute notre famille était en France, elle n'avait pas pu rivaliser avec les autres.

Comme nous le développerons plus loin, l'éducation américaine et mormone repose sur une éducation horizontale par le groupe de pairs. Le scoutisme fait partie de cette éducation horizontale. L'adolescent adopte une attitude « d'ouverture d'esprit » avec son groupe de pairs qui lui permet de faire l'expérience de l'adhésion et de l'altérité des références socioculturelles. Ces références qui font l'objet des attentes parentales. On peut parler de « transmission horizontale » (BEDIN, 2019). Ce n'est pas le conflit qui construit le nouvel adulte mais l'interrelationnel par un jeu de miroir réciproque.20.

II. L'adolescence à Bountiful, Utah, une approche ethnologique

Pour développer cette partie, j'utiliserai les travaux de Michel Claes comme référence. Il parle de « mythe de l'inévitable confrontation entre parents et adolescents ». Pendant longtemps, les recherches ont fait apparaître que l'adolescence était une période de perturbations inévitables, de confrontation et d'opposition à l'autorité. « Les conflits sont considérés comme l'expression normale du mouvement de détachement qui libère l'individu des liens infantiles et lui permettent d'accéder à la maturité. C'est l'absence de conflits qui est perçue comme un symptôme d'immaturité. » (CLAES, 2003, 28-35 ). A partir des années 70, les recherches tendent à montrer que s'il y a conflit, ils sont mineurs et qu'ils n'entrainent pas de ruptures. Ainsi les adolescents déclarent plutôt bien s'entendre avec leurs parents (Steinberg, 1990, cité par CLAES, 2003). D'autres travaux montrent que les conflits récurrents entre parents et adolescents sont en fait les signes de dysfonctionnements familiaux (Barrera et Li, 1996, cités par CLAES, 2003) où règnent tensions, agressivité et négligence. « Une chose est claire, et les praticiens le savaient : sur fond solide d'affects positifs, l'entente parents-adolescent résiste, sauf accidents, aux soubresauts venus des revendications et des affirmations de soi de l'adolescent, et donne, jusqu'à la fin de l'adolescence et au-delà, un socle essentiel et des réassurances pour la construction de soi » (DUMORA, 2004). Pour comprendre l'adolescent à Bountiful, il faut regarder du côté des deux fonctions parentales que sont l'attachement et le contrôle parental. Les liens d'affection, la

20 Qui induit une réciprocité entre pairs.

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propension à couvrir les besoins affectifs et émotionnels montrent le niveau d'attachement de la part des parents. Les enquêtes établissent que plus il est élevé moins souvent l'enfant développe des états dépressifs. Pour certains c'est le fondement de la construction morale. Les observations que j'ai faites du fait de mon métier d'enseignante révèlent des comportements familiaux où l'affect, l'écoute et la démonstration sont très importants. Néanmoins, j'ai pu aussi constater de nombreux enfants avec un état dépressif. Pour certains, temporaire, pour d'autres, nécessitant une médication. 21. Le contrôle parental est soit coercitif, soit inductif. (CLAES, 2003 ). Ici, c'est un contrôle inductif fait de négociations, d'échanges qui visent à l'adaptation de l'adolescent. Barber (cité par CLAES, 2003) distingue « contrôle psychologique et comportemental ». « La première forme désigne une présence parentale intrusive qui ne respecte pas la vie privée de l'adolescent, lui dicte les conduites à suivre et lui impose des modes de pensée. Le contrôle comportemental est d'un autre ordre : il vise à encadrer la vie familiale et scolaire des adolescents, en fixant des règles et des limites qui ne pourront être franchies. » (CLAES, 2003). Les parents comme je le développe dans une autre partie, poussent l'adolescent à sortir (à partir de 16 ans pour les Mormons) avec des amis. Il l'encourage à avoir sa vie de « jeunesse » personnelle. La mère et le père de famille qui s'occupent de Bruyère aux USA, sont venus un soir dans sa chambre pour lui parler. Bruyère est une jeune fille très travailleuse qui a pris des classes très difficiles dont certaines ont un niveau universitaire (c'est possible au USA). Elle avait donc beaucoup de travail. Sa famille, lui a expliqué que ce n'était pas possible, qu'elle devait absolument sortir avec ses amis et développer une vie sociale enrichissante.

Le contrôle parental implique un mode de sanctions. Les modes inductif et punitif sont ceux que j'ai le plus observés (Annexe VI)22. « Les adolescents qui vivent dans un tel environnement familial acquièrent une meilleure compétence personnelle, ils s'affirment et réussissent mieux sur le plan scolaire et

professionnel »(Ibid) et manifestent moins d'actes délinquants.

A Le temps des responsabilités engagées

Lorsque l'enfant atteint l'adolescence, il entre dans un âge de responsabilité active : les petits emplois dans les supermarchés, les actions caritatives auprès des personnes âgées ou en difficulté, les ventes diverses de gâteaux... vont être encouragés. Les parents qui accompagnent beaucoup au départ, vont laisser progressivement le jeune se débrouiller seul. Cela va souvent de pair avec le permis de conduire. C'est aussi une préparation soit au monde du travail au sortir du

21 L'enfant est habitué à exprimer ses « états d'âme », l'ensemble des structures veillent à ce qu'il soit peu confronté aux manques, aux frustrations. Et parallèlement, il est encouragé à faire preuve d'initiative, de courage et de persévérance.

22 Mode inductif. Les parents expriment clairement leur désapprobation et leur volonté de voir changer les choses ; ils tentent toutefois de résoudre les problèmes en discutant avec l'adolescent et en l'associant à la recherche d'une solution. Mode punitif. Les parents expriment clairement leur désapprobation et imposent des sanctions (privations de sortie, interdiction de recevoir des amis à la maison, travaux supplémentaires, etc.).

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lycée soit à l'édification des projets de « scolarship » 23. L'adolescent va être aussi beaucoup plus sollicité pour l'entretien des maisons que ce soit le jardin, la cuisine, le ménage. Au lycée, il peut postuler pour faire partie des SBO : ce sont des représentants d'élèves. Ils sont organisés en groupe de fonction : certains s'occupent des messages par haut-parleurs le matin, d'autres d'organiser des collectes, d'autres d'organiser les assemblées (« assembly » qui est souvent une mini-performance : pièces de théâtre, « talent show ») et l'organisation des bals. Le lycée organise chaque année, en général en milieu d'année, des élections pour élire les représentants de l'année suivante. Lié d'abord aux activités de scoutisme lorsqu'il était plus jeune, en grandissant, l'adolescent est sollicité pour s'engager. L'engagement a un rôle éducatif complémentaire du système familial et scolaire. Il est à la fois un espace d'expérimentation et de construction de soi. Sans doute, comme s'interroge C. THOURY dans sa thèse a-t-il un rôle « d'émancipateur » (THOURY, 2017, 11). Pour elle, il est probablement l'élément actif de rite de passage. (THOURY, 2017, 9). L'adolescent engagé rentrerait dans un processus de reconnaissance24. « Axel Honneth identifie trois types de reconnaissance : la reconnaissance amoureuse et affective où la relation à autrui se caractérise par un lien affectif, cette reconnaissance primaire est essentielle selon l'auteur car elle permet à l'individu d'entrer en société ; la reconnaissance légale qui renvoie au fait d'être reconnu en tant qu'individu responsable de ses actes, c'est l'égalité de droit au sein d'une même sphère ; la reconnaissance socioculturelle est la reconnaissance liée au fait de contribuer à un groupe ou de faire certaines activités, ce mode de reconnaissance passe essentiellement par le travail et nécessite que les individus soient reconnus à leur juste valeur. François de Singly renomme ces trois types de reconnaissance de la façon suivante : amour et sollicitude ; droit et considération cognitive ; estime sociale, qui signifie la reconnaissance des compétences personnelles. » (THOURY, 2017, 92). Les lycéens qui font partie des groupes SBO sont dits : « popular » (populaire : « ils sont très populaires... je suis sortie avec quelqu'un de très populaire »)

B L'âge des sorties

Avant 16 ans, les sorties sont assez rares voire interdites chez les Mormons. Les jeunes adolescents contrôlent beaucoup leur rapport à l'autre sexe. Il y a comme une indifférenciation des genres pour privilégier les amitiés. Par contre, à partir de 16 ans, les relations avec l'autre sexe sont

23 Les « scolarship » sont des bourses d'étude souvent d'ordre privé obtenues après avoir proposé un projet : tous les projets sont possibles : monter une exposition dans un musée, aider des personnes âgées, donner des cours gratuitement, aider des familles défavorisées... Souvent un futur étudiant présente plusieurs scolarship ce qui lui permet de payer ses études.

24 « la reconnaissance renvoie quant à elle à la confirmation par le regard d'autrui de l'existence d'un individu ou d'un groupe par l'attestation de sa valeur et de ses capacités » Riffaut, HADRIEN, « S'aider soi-même en aidant les autres. Le bénévolat : un espace de construction de soi et de réalisation personnelle », Thèse de doctorat de l'Université Paris Descartes, réalisée sous la direction de François de Singly et soutenue le 23 novembre 2012, p.66 cité par THOURY, 2017

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fortement encouragées et deviennent une « quasi-obligation sociale » (TRIGEAUD, 2013, 299). « Elles sont organisées... en sorties de groupe de deux couples au minimum, pour des activités de détente. L'enjeu de ces sorties est, explicitement, de mieux connaitre les membres du sexe opposé pour, finalement, choisir un conjoint. »25 Les soirées finissent avant minuit en général. Les soirées des adolescents se prolongent plus tardivement que celles des adultes où les rencontres entre amis commencent entre 17h et 18h. Une table est dressée sur laquelle chacun dépose le plat qu'il a apporté. Les convives commencent par diner. Puis ensuite, il y a un moment de jeu, de karaoké. La soirée finit vers 21h30-22h30 maximum. Ce type d'organisation est possible car le travail finit tôt.

L'autre aspect est en rapport avec le permis : les adolescents peuvent conduire dès l'âge de 16 ans. Les six premiers mois, ils doivent être accompagnés d'un adulte, puis ils peuvent conduire seuls avant minuit. En général, ils passent leur permis au lycée qui est un cours du cursus qu'ils peuvent choisir. Ils ne peuvent pas conduire après minuit avant l'âge de 21 ans. C'est aussi ce qui explique que les soirées ne s'éternisent pas.

C L'alcool et la drogue

Dans l'Utah, seuls les magasins d'Etat sont habilités à vendre de l'alcool et uniquement aux adultes de plus de 21 ans. Le permis de conduire ou le passeport doivent être présentés. Les supermarchés vendent de la bière qui est relativement chère par rapport à la France car très taxée.

A cela s'ajoute la religion mormone qui proscrit toute sorte de substances pouvant amener une dépendance. L'éducation scolaire intervient aussi par des moments (dans les assemblées26 ou dans certaines classes) de projections de films choquants sur le sujet.

Les jeunes ne boivent pas dans les soirées. L'alcool ne fait pas partie des soirées comme en France. 27 Cela ne signifie pas pour autant qu'ils ne recherchent pas des moments d'ivresse pour « essayer ». Bruyère était souvent décontenancée par ses nombreux amis français qui lui disaient que l'alcool est nécessaire dans une soirée pour se « détendre » et « ne plus penser ». Elle constatait de son côté, qu'elle et ses amis Américains s'amusaient beaucoup, riaient, et se détendaient sans avoir besoin de boire. Il en est de même pour la drogue, le cannabis. Ce n'est pas une composante des soirées mais cela ne signifie pas pour autant que les adolescents ne vont pas essayer. Pour le

25 Ceci est vrai pour les Mormons comme les non-Mormons.

26 Assemblées « assembly » en anglais. Les lycéens sont réunis dans une grande salle pour assister à différentes temps : spectacles, pièces de théâtre, flash mob, éducation civique avec intervention de personnes de loi...

27 En France : 57% des jeunes de 17 ans déclarent avoir été déjà ivres au cours de leur vie.

- 49% l'ont été au cours des 12 derniers mois.

- Un jeune de 17 ans sur dix, a été ivre au moins une fois au cours des douze derniers mois. Ivresses répétées moins

importantes que chez nos voisins européens.

- Ivresses masculines. Les garçons sont presque trois fois plus nombreux que les filles à avoir connu au moins 10

ivresses dans l'année.

https://www.alcoolassistance.net/les-jeunes-alcool

28

parent, il y a donc un côté sécurisé et sécurisant. La probabilité d'une conduite en état d'ivresse est très mince.

Si l'adolescent de l'Utah remet très peu en cause sa famille, son environnement, les observations que j'ai pu faire montrent des fragilités existentielles. La scarification, notamment est pratiquée. Les adolescents en parlent entre eux. Il en est de même pour les euphorisants : drogues ou alcool sont essayés. Ce n'est pas « institutionnalisé » comme dans les soirées lycéennes françaises mais c'est plutôt quelque chose qui est de l'ordre expérimental.

D L'adolescent parmi ses pairs

L'adolescent n'a pas de groupe déterminé, il a des groupes. Cela tient à la structure scolaire. A partir du collège qui commence en 5ème par rapport à notre système scolaire, l'élève choisit les « class » (classe de niveau) qu'il veut faire. Certaines sont obligatoires comme l'anglais et les mathématiques. Néanmoins même dans ces disciplines, plusieurs niveaux sont possibles. Donc, il n'y a pas de classe proprement dites mais des niveaux. Et l'étudiant peut changer d'un semestre à l'autre. Il peut monter ou redescendre de niveau de difficultés. Comme les challenges sont encouragés : il peut essayer un niveau plus difficile et finalement revenir à un plus facile. De même certains cours ont lieu seulement pour un semestre. Le semestre suivant, l'étudiant changera d'option. L'adolescent se trouve donc toujours dans un « brassage » d'individus. Ces interactions s'en trouvent variées. Il y a donc aussi une dimension éphémère dans les relations. Cela pourrait être problématique dans une période comme l'adolescent, ou à la fois le jeune recherche la cohésion du groupe et l'isolement. C'est encore l'école, qui ajuste : l'organisation didactique des cours est basée essentiellement sur l'oral, le jeu en interaction avec l'autre et le travail de groupe sous forme d'exposé. J'ajouterai mon expérience en tant qu'expatriée avec enfants. Les familles d'enseignants participant au programme Jules Verne, étaient dispatchées dans tout l'Utah. Les formations organisées par le programme DLI, nous permettaient de nous retrouver une à deux fois par an. Quelques familles ont dû repartir au bout d'un an malgré leur volonté de rester deux ans car leur(s) adolescent(s) n'avai(en)t pu s'adapter et trouver des amis(es).

Cette organisation amène à connaitre les uns et les autres, au moins de vue (rappelons que le lycée de Bountiful compte plus de 1500 étudiants). Et il est fréquent que lorsque la question de trouver le partenaire du bal va se poser, « untel soit l'ami de l'ami de la personne visée ».

Les adolescents se retrouvent souvent après les cours. Ils s'organisent en covoiturage pour se rendre chez les uns et les autres. C'est l'occasion de discuter autour des questions existentielles, des problèmes relationnels, de vêtements, de maquillage mais aussi de regarder des films ou bien

29

simplement de faire son travail. Ils n'ont pas forcément les mêmes classes mais peuvent se faire réviser réciproquement. On y parle aussi de sexualité. Il y a une similitude avec les « veillées de Anne Monjaret .28

La structure religieuse est analogue à l'éducation dans l'Utah : l'organisation mormone repose sur des groupes d'âges d'abord, groupes de genre (les groupes des hommes et des femmes sont différents). La pratique religieuse repose en partie sur des témoignages de foi. L'éducation ne se fait pas verticale de génération en génération mais horizontale avec son groupe de pair (D. Gayet « la pédagogie et l'éducation familiale » 2006, éd. L'Harmattan cité TRIGEAUD, 2013, 214). Le fonctionnement est similaire entre les deux structures. Les classes sont par niveau et non pas par tranche d'âge. Et le travail est organisé sous forme de nombreux exposés qui rappellent le principe du témoignage (« testimony »). Quant est-il alors du contrôle social pour que l'individu s'inscrive dans « le rang attendu » ? Cette forme de structuration entraîne un autocontrôle par le groupe de pairs vers ses membres et des membres vers le groupe de pairs. Le contrôle parental se trouve en partie levé puisque le groupe va assurer la coercition de façon implicite. Et les conflits vont s'en trouver amoindris.

E La différence entre les sexes

Je souhaite donner un éclairage supplémentaire sur le sujet qui est développé par Michel Claes, dans « L'univers social des adolescents » (CLAES, 2003, 111-121)29 .Quand l'adolescent se retrouve dans une relation amoureuse, la demande de chaque partenaire n'est pas forcément la même. Le garçon souhaite continuer à fréquenter son groupe alors que la fille est prête à réduire la fréquence des contacts avec le sien. Elle souhaite entrer dans des relations engagées et plus intimes percevant le groupe comme une entrave. Alors que pour le garçon, la relation amoureuse revêt un caractère de prise de responsabilité (cela le renvoie à une prise de conscience de sa vie future qu'il préfère mettre en attente). En ce qui concerne, les adolescents de mon sujet, ces attitudes sont aussi observables mais elles sont minimisées. Les relations amoureuses sont encouragées, mais les sorties en couple isolées des autres non. C'est évidemment, d'autant plus vrai pour les adolescents Mormons. Les couples vont sortir entre couples, ou demander à un ami ou une amie de les accompagner. Le groupe devient plus restreint mais il continue d'être. C'est un moyen de contrôler la sexualité. L'adolescent qui est seul et accompagne peut se retrouver dans une situation ambigüe :

28 Les veillées dont le cycle s'amorce vers la fin de l'automne en sont d'autres, non seulement parce qu'il s'y raconte des histoires et des contes, mais aussi parce que les femmes s'y retrouvent pour filer la quenouille et qu'il s'y déroule des rituels de courtoisie qui incitent les jeunes gens à faire l'apprentissage des relations amoureuses sous l'oeil attentif de la collectivité (Belmont 1978b; Monjaret 1997: 26-28). (MONJARET, 2005)

29 Voir : CLAES, Michel. « Les relations amoureuses : intimité et sexualité » In : L'univers social des adolescents [en ligne]. Montréal : Presses de l'Université de Montréal, 2003 (généré le 05 juin 2019). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/pum/13742. DOI : 10.4000/books.pum.13742.

30

à la fois de mise à l'écart, de témoin (notamment de préliminaires simples), de confident.

III. La sexualité

Comme le précise David Berliner et Cathy Herbrand dans leur article « Pragmatique et médiations sexuelles » (HERBRAND D. B., 2010) « la sexualité ne se réduit pas au sexuel mais fait intervenir des notions sociales et culturelles du genre, financière et identitaire ». Aborder la sexualité est compliqué en anthropologie puisque l'ethnologue ne peut être dans l'observation. Le langage est alors l'intermédiaire. Le rôle du scientifique en sciences sociales et culturelles sera alors d'être en mesure de décrypter les croyances, les interdits, les pudeurs et les transgressions.

Les rapports sexuels sont interdits avant le mariage chez les Mormons. Cela fait partie des dix commandements. Les adolescents arrivent à échanger entre eux sur la sexualité. Et d'après les témoignages que m'a rapportés Bruyère, cet interdit entraine beaucoup de frustrations et complique les rapports avec le sexe opposé.30 Notamment, parce que les garçons sembleraient plus facilement prêts à déroger à la règle que les filles. Ainsi, il n'est pas rare qu'on découvre qu'un garçon mormon a fait des tentatives de séduction auprès d'une adolescente amie non-mormone. C'est une cause de rupture dans un jeune couple mormon. Dans les pratiques qu'ils s'autorisent, ils peuvent aller jusqu'aux « préliminaires »31 et la jeune fille mormone est souvent inquiète de ce qu'elle peut accepter ou pas dans ces préliminaires. S'ils allaient trop loin, ils devraient se rendre individuellement chez le « Bichop » sorte de « diacre » qui accueillerait leur confession et leur repentir. Le fait que Bruyère soit une française, certains garçons lui parlaient franchement qu'ils ne sentaient pas en accord avec l'interdiction des rapports avant le mariage.

Deux des amies de Bruyère sont venues pendant un an dans une famille américaine. L'une était dans l'État de New-York, l'autre dans le Missouri. Les deux ont expliqué à Bruyère que les rapports sexuels commençaient dès l'âge de 14 ans, ce qu'explique aussi (HYMAN, 2016, 24), « le paradoxe américain se retrouve aussi dans le mélange plaisir sexuel et pudibonderie. » « L'activité sexuelle est très valorisée par la partie non-religieuse de la société américaine ». Même chez les non-Mormons, l'âge de la sexualité est plus tardif dans l'Utah que dans le reste des Etats-Unis. Des préservatifs et moyens de contraception sont offerts directement dans les lycées de d'autres états.

30 Ibid, « Garçons et filles diffèrent également dans leurs attitudes à l'égard des activités sexuelles : les garçons ont des attentes sexuelles plus précoces et ils perçoivent les rencontres amoureuses comme le lieu de réalisation des pulsions sexuelles. Les filles estiment que la sexualité, l'amour et l'engagement émotionnel ne peuvent être séparés. Le fait de subir des pressions indues pour s'adonner à des relations sexuelles est souvent cité par les filles comme source de tension dans le couple (Knox et Wilson, 1983) ».

31 « Préliminaires » : pour les adolescents, c'est à peu près tout sauf la pénétration : pour certains c'est juste s'embrasser et se toucher, pour d'autres cela peut être un peu plus. Ce qu'ils désignent comme l'acte sexuel est la pénétration. J'ai mis un exemple de site où des jeunes s'expriment à ce sujet. http://forum.psychologies.com/psychologiescom/Ados/premiere-fois-sujet_2338_1.htm

31

Ce qui est inimaginable dans l'Utah. Pour aborder le corps sexué en classe de science, j'ai eu à remplir trois feuilles d'autorisations. Même chose pour le moindre film projeté au lycée dans lequel il pouvait seulement avoir une scène qui évoque la sexualité.

Nous avons évoqué aussi avec les missionnaires et les personnes référentes de l'Église de notre quartier la place de la sexualité. La sexualité et parler du sexe sont relégués au privé chez les croyants, alors que les non-croyants n'hésitent pas à exprimer, « que faire l'amour est bon pour la santé physique et mentale » (HYMAN, 2016, 24).

Les Utahns et les Américains ne s'embrassent pas sur la joue pour se saluer comme en France. Mais la pratique de « câlin » est très répandue chez les adolescents et chez les adultes dans l'Utah comme un peu partout aux USA. D'après des études américaines dont celle de C. J. Pascoe : Il montre brillamment combien, pour un adolescent, apprendre à être un homme passe notamment par l'inculcation et la pratique de manières, particulièrement homophobes, de parler de sexualité, mais aussi par des rituels d'interactions entre garçons et filles (comme « se toucher », depuis le flirt au simulacre de combat), qui font partie d'un long « processus d'hétérosexualisation »32.

A La question de l'homosexualité et de la bi-sexualité

Les données indiquent que 5% des hommes et 3% des femmes adultes se disent homosexuels (Denney et Quadagno, 1988, cité par CLAES, 2003) et c'est autour de 21 ans qu'ils l'affirmeraient. Les enquêtes rapportent que peu d'adolescents reconnaissent avoir eu des activités ou des désirs homosexuels ; certains évoquent « avoir tenté l'expérience ». Ce cheminement de reconnaissance de son homosexualité est long et douloureux pour l'adolescent car il se sait fondamentalement différent de ses pairs. La médiatisation importante des communautés gays aux USA a sans doute permis une tolérance et une acceptation plus importantes.

Tous les commentaires qui vont suivre proviennent des conversations entre adolescents rapportés par ma fille ou occasionnellement, lorsque je discutais avec certains d'entre eux. Les adolescents parlent entre eux de la question de la sexualité, qu'ils soient hétérosexuels ou LGB33. Dans leur discours, ils reconnaissent avoir l'idéal de l'hétérosexualité. C'est renforcé chez les jeunes Mormons. Beaucoup reconnaissent être soulagés de ne pas être dans l'ambivalence sexuelle qui reste compliqué dans la religion même si un certain nombre d'Église accepte aujourd'hui les familles homosexuelles. Il est important d'apporter une précision sur : « être homosexuel chez les Mormons ». Il peut y avoir une différence entre ce qui est véhiculé par les médias ou les instances officielles et la réalité du terrain, c'est d'ailleurs en ça que repose souvent le travail de

32 PASCOE, C. J., 2007. « Dude, You are a Fag ». Masculinity and Sexuality in High School. Berkeley/Los Angeles/London : University of California Press.

33 Lesbiennes, gays, bisexuels

32

l'ethnologue : quelles sont les pratiques effectives. Ainsi contrairement à ce que disent la presse et le conseil des 12 (apôtres)34, les LGB sont accueillis et cela ne veut pas dire acceptés. 35 Car aux USA, la plupart des états autorisent les LGB à adopter ou avoir des enfants par insémination. Donc comme la famille est l'élément de base, ils peuvent faire partie de la communauté. Cela implique tout de même une contrepartie qui peut varier d'une Église à l'autre. Le LGB doit se rendre régulièrement chez le Bishop (rappel : sorte de diacre) pour parler avec lui, et surtout il doit garantir qu'il prie pour l'aider dans sa quête de perfection (la famille hétéro étant la perfection). Leur qualité sexuelle n'est pas remise en cause mais il leur est demandé fréquemment l'abstinence pour rester dans la communauté. La notion de liberté étant respectée, on laisse l'individu faire ses choix (grâce à la prière) et je n'ai jamais vu de cas d'excommunication pendant mon séjour. Cette pression est plus simple à gérer pour l'adulte qui est déjà dans une phase d'agrégation et qui a souvent confirmé ses choix de vie. C'est plus compliqué pour l'adolescent qui est dans une phase de marge. Et c'est encore plus problématique à la fin du lycée quant l'heure de choisir de partir en mission approche. C'est beaucoup plus simple pour l'adolescent non-mormon même si en Utah, il doit rester discret. Ce n'est pas rare que les adolescents parlent aussi de leur relation à l'érotisme, et partagent leur expérience avec les autres. Ils pratiquent les sites de rencontres sur internet dans ce but. L'éducation sexuelle se fait là aussi par une transmission horizontale du groupe de pair. L'adolescent ne va pas forcément jusqu'à l'expérimentation lui-même de ce qu'un(e) ami(e) lui a raconté mais il sait que potentiellement, il peut. Le fait de ces confidences permet de lever aussi des jugements de valeur, des condamnations. « L'ami(e) est quelqu'un de bien » son attitude même si on ne l'approuve pas pour soi n'est pas condamnable puisqu'elle lui convient.

B Quelques règles au lycée

34 Annexe II : « Pureté sexuelle : Lorsque vous sortez avec une personne de l'autre sexe, traitez-la avec respect, et attendez d'elle le même respect. Abstenez-vous de toute relation sexuelle avant le mariage, de pelotage, de perversions sexuelles (homosexualité, viol, inceste), de masturbation ou d'obsession pour le sexe dans vos pensées, dans vos paroles et dans vos actions. N'ayez de relations sexuelles que dans le cadre du mariage. N'ayez pas d comportement homosexuels et lesbiens. Demandez de l'aide et des conseils si vous avez été victime de viol, d'inceste ou d'autres sévices sexuels. »

Annexe IV : « Le comportement homosexuel et lesbien est un sérieux péché. Si vous vous trouvez vous-même en lutte du fait d'une attirance pour le même sexe et que vous êtes persuadé que c'est un comportement inadéquate, demandé conseil à vos parents et à votre Bishop. Ils peuvent vous aider. » livret pour les jeunes : The Church of Jesus Christ of latter day Saints, Salt Lake City, Utah, 2001 ; 2011

« Si vous êtes tenté de commettre une forme de transgression sexuelle. Faites-vous aider de vos parents et de votre Bishop. Prier le père qui peut vous aider à résister à la tentation, aux pensées et sentiments inappropriés. Parler avec votre Bishop et commencer un processus de repentance et ainsi vous pourrez trouver la paix et vous remplir de Saint-Esprit. Vous devez vous engager personnellement dans une sexualité pure et encourager les autres à faire de même . « Genesis 39 :1-12, doctrine et gouvernances 38 :42 »

35 https://tetu.com/2016/03/18/les-Mormons-divises-sur-la-question-lgbt/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Point_de_vue_mormon_sur_l%27homosexualit%C3%A9 https://www.lesinrocks.com/2012/12/12/actualite/actualite/Mormonsandgays-org-les-Mormons-ont-ils-change-davis-sur-les-homosexuels/ : Gay et mormon, c'est possible? 12/12/12 15h39 par Carole Boinet

33

L'étudiant n'a pas le droit de venir au lycée en débardeur ou caraco, les épaules doivent être couvertes mais paradoxalement : les jeans déchirés ainsi que les tee-shirts courts où le ventre apparait sont autorisés.

Les couples n'ont pas le droit de manifester leur relation en public : pas de baiser, il est interdit de se tenir la main... Par contre il existe un endroit connu de tous où ils peuvent se retrouver pour échanger un baiser. Les couples sont donc très discrets et cela passe beaucoup par le regard et les expressions.

Les lycées sont publics et pourtant le règlement rappelle celui préconisé par l'Église mormone.36

Partie III - Les bals au lycée en Utah

I. L'organisation par le lycée

Les dates des bals sont données en début d'année. Il y a 3 bals où ce sont les filles qui

invitent et 3 bals où ce sont les garçons. Ce sont les garçons qui invitent aux bals les plus

importants.

Ainsi voici la succession des bals :

Homecoming : garçons

Halloween : filles

Christmas : filles

Sweetheart : garçons

Senate : filles

Prom : garçons

L'année scolaire débute par le bal « Homecoming ». Il s'organise autour de l'ouverture des

entrainements et des premiers matchs de football 37. C'est un bal important. Sweetheart qui correspond à « Valentine Day » (St Valentin) est le 4ème bal essentiel. Enfin le bal primordial est le « Prom ». C'est le bal où il faut être invité. Il y a une attente importante teintée de stress, de déception et de rebondissements. Pour ces trois « Dances »38 (bals en français), ce sont les garçons qui invitent. Je choisis de parler de « bals majeurs » dans ce cas de figure et de « bals mineurs » pour les autres.39

36 Voir annexe

37 J'entends par « football » : le football américain car le football de type européen s'appelle le « soccer ». Il est aussi beaucoup pratiqué en Utah et notamment là où je vivais. Mais il est essentiellement féminin. Les petites filles y jouent dès l'âge de 6 ans.

38 terme américain

39 Je prends conscience en écrivant cette phrase que je désigne par « majeur » les bals où ce sont les garçons qui invitent

34

Le « Senate » est un bal à thème qui change chaque année.

A propos de la culture consommiste américaine.40.

Les représentations données dans les films Américains se rapportant aux décorations d'Halloween et de Noël ne sont ni un mythe ni exagérés. Et il en va de même pour la St Valentin (Valentine Day). Les maisons sont surchargées de décorations et d'animations et les jardins investis par toutes sortes de figurines selon l'événement. Sur les murs des habitations sont projetés des fantômes au moment d'Halloween, et des coeurs quand il s'agit de la St Valentin. Le 14 février est considéré comme la fête de l'amour mais dans un sens beaucoup plus étendu que celui des amoureux. Avec Thanksgiving, c'est un moment de rappel des liens d'amour et de fraternité. Elle se fête aussi à l'école dès le plus jeune âge41. En tant que Française, c'est assez inimaginable car la St Valentin est une fête à connotation « commerciale ». Ce qualificatif pourrait aussi s'employer dans ce cas de figure, mais l'aspect culturel est plus important ici.

La consommation de « gadgets » en tous genres touche tous les lieux de vie et ce, à la moindre occasion se présentant : les familles achètent des fidget spinner sortes de triskels qui tournent sur un axe, des ballons à l'hélium, beaucoup de bonbons aux formes originales, toutes sortes de petits jeux très bon marché. Dans le monde professionnel, régulièrement, les managers organisent un moment particulier avec un panier surprise. La directrice de l'école où j'exerçais nous préparait une table avec gâteaux, boissons chaque vendredi lors de notre réunion et organisait régulièrement un temps spécial (flash mob, déguisement, ice-cream soda...) avec un petit cadeau à la fin (pins, serviette de plage,...). Et enfin à l'école, l'enjeu de l'engagement scolaire ou comportemental des élèves est récompensé par des bonbons ou des gadgets divers.

Les bals occasionnent donc aussi un certain nombre de frais. Les frais sont payés par celui qui invite : sont compris l'activité qui précède quelques jours avant le bal avec le repas ou la collation ; le restaurant le jour du bal ; les entrées au bal. Il faut compter entre 150 et 250 dollars pour un bal.

II. Les principaux éléments du rite

et « mineur » les bals où ce sont les filles

40 J'utilise ce terme que j'ai trouvé dans plusieurs revues ethnographiques et que je trouve juste dans ce cadre : pour exemple : Fournier, Laurent Sébastien. « Le jeu de « soule » en France aujourd'hui : un revivalisme sans patrimonialisation », Ethnologie française, vol. vol. 39, no. 3, 2009, pp. 471-481.

41 Le jour de la St Valentin, les parents organisent toute sorte d'ateliers : loto avec des bonbons en forme de coeurs, préparation de cookies en forme de coeur, décoration de sachets... chaque enfant arrive avec des friandises qu'il a apportées pour tous ceux de sa classe. Chaque enfant repart avec son sac de st Valentin.

35

On trouve trois éléments principaux qui forment le substrat du rite : la constitution des groupes, les vêtements choisis par le groupe (couleur et tenue vestimentaire), et les lieux choisis pour avant, le jour du bal et après celui-ci.

A Le choix de « la Date »

D'abord, l'adolescent va se mettre à la recherche d'une «Date ». Normalement, la traduction est « rendez-vous amoureux ». Mais comme nous allons le voir avec ce sujet d'étude, ce n'est pas juste « le rendez-vous ». En France, le rendez-vous correspond à un événement, un lieu : « mon rendez-vous ».

Le Larousse 42 le définit comme : Rencontre prévue entre deux ou plusieurs personnes à une même heure dans un même lieu : Prendre rendez-vous chez le médecin. Lieu où l'on doit se rencontrer : Être le premier à un rendez-vous. Lieu qui sert de point de rencontre, de réunion habituelle : Ce café est le rendez-vous des artistes. Rencontre aménagée entre partenaires sociaux pour discuter des problèmes en suspens.

La « date » représente en anglais autant le meeting que la personne comme le précise « The Cambridge dictionary »43 : « a social meeting planned before it happens, especially one between two people who have or might have a romantic relationship : He asked her out on a date. She has a hot date (= an exciting meeting) tonight.

MAINLY US a person you have a romantic meeting with : Who's your date for the prom?»

Je choisis de faire quelques commentaires à ce propos. D'abord, certains comme Alexandre Cormont, coach, explique ce qu'est le « dating » aux USA et sa surprise la première fois qu'il a rencontré « sa date »44. Nous sommes très loin de la notion de romantisme. L'aspect matériel, financier et les perspectives maritales sont très vite explorés. Les questions sur la vie et les pratiques de vie. Pourtant comme le souligne le coach, c'est aux USA que le regard miroir, les yeux dans les yeux ont été inventés en Amérique. Une anecdote maintenant : nous avions invité Kaye Murdock à diner. En 2016, Kaye était la responsable du programme DLI45 sur tout l'Utah. Lorsqu'elle a demandé à mon compagnon pourquoi il quittait son emploi et sa situation en France ; il lui a répondu « par amour ». Elle a souri et déclaré « c'est très français ». Bruyère, ma fille a expérimenté cette croyance du français romantique. Et surtout du baiser français. Elle me raconta que ses amis lui avaient expliqué qu'on embrassait qu'exceptionnellement avec la langue et que ce baiser s'appelait le « french kiss ». Les Utahns sont très friands de « romantic love ». Néanmoins,

42 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/rendez-vous/68143

43 https://dictionary.cambridge.org/fr/dictionnaire/anglais/date

44 https://www.alexandrecormont.com/comment-seduire/dating/

45 RAPPEL : DLI : Dual Language Immersion

36

les bals aux lycées montrent que, c'est plus la mise en scène qui est recherchée que l'histoire romantique.

Pour le « first date », il s'agira souvent d'un ami(e) ou d'une connaissance d'un ami(e). Le choix du partenaire ne se fait pas forcément avec une intention de poursuivre la relation, ni même sur des critères esthétiques. C'est avant tout le côté amical qui prime. L'adolescent se sent certainement en sécurité en choisissant un ami, une amie pour cette « première fois ». L'exigence de la performance est atténuée dans l'expérience d'inviter, de partager, s'essayer aux éventuels écueils. D'autre part, s'il fallait faire face à un imprévu, l'ami est sécurisant, on peut compter sur lui. La « date » peut être quelqu'un du lycée, un camarade d'une des classes, un ami d'un ami, celui peut-être le fils ou la fille d'amis des parents aussi. C'est une recherche à la fois individuelle et collective : le jeune réfléchit individuellement et en discute avec son groupe d'ami(e)s proche. Souvent c'est une copine ou un copain qui propose quelqu'un. Cette communication est particulièrement importante chez les filles.

Mes observations m'ont montré que le couple des bals est éphémère, il existe le temps de l'événement. C'est très rare lorsqu'il débouche sur une relation plus sérieuse. La plupart du temps, les « dates » de ma fille étaient des camarades de classes avec qui elle s'entendait bien. Une seule fois, elle a décidé par défi, d'inviter quelqu'un de « populaire » : Sam, joueur de football américain au lycée et qui fait aussi parti du SBO (les élèves qui organisent des manifestations). Autre point, nous avons souvent été surpris de voir des couples disharmonieux d'un point de vue esthétique : l'un des deux partenaires était particulièrement beau (critère subjectif et culturel) et l'autre ingrat. L'aspect esthétique semble moins important que la personnalité. Pourtant, la recherche du paraître est très importante notamment dans l'élaboration vestimentaire. La recherche ethnologique chez certains chercheurs (D'ERRICO & VANHAEREN, 2011 et MONJARET, 2005) tendent à montrer que l'aspect esthétique intervient comme outil pour signifier un changement de statut. C'est ce que je développe dans les parties suivantes.

B Les groupes

Souvent le groupe se dessine avant d'avoir trouvé la « date ». Parfois, l'adolescent devra changer de groupe et finalement aller avec son partenaire. Cela se fait par consensus. Les groupes changent à chaque bal. Souvent un ou plusieurs membres se retrouvent. C'est donc informel. Parfois, des amis ont la surprise de se retrouver dans le même groupe sans le savoir. Ils se découvrent lors de la première sortie. Les membres choisissent d'abord les vêtements : robe de soirée, costumes, jeans, chemise/pantalon... Et déterminent les lieux de sortie avant et après le bal. En général, le groupe ne doit pas être trop important, c'est le choix de beaucoup d'adolescents. Le

37

but étant la communication. Tout le monde doit pouvoir se parler au moins une fois dans la soirée. Cet aspect se rapproche des rallyes français qui sont organisés pour augmenter ses connaissances. Ce type d'organisations permet d'étendre son réseau social et de faire l'exercice de construire ses critères de sélection matrimoniale.

C Les vêtements et accessoires

Les bals majeurs occasionnent plus de frais vestimentaires. Lorsqu'il s'agit d'un bal mineur, en général l'adolescent puise dans sa garde-robe. Il peut aussi emprunter à un autre adolescent. Pour les bals majeurs, les garçons Mormons ont leur costume qu'ils utilisent tous les dimanches pour l'Église. Le costume des Mormons est un complet : veste et pantalon de couleur sombre ou gris, chemise blanche et cravate. Néanmoins les non-Mormons ont souvent aussi un costume de même type ou à cette occasion, ils en achètent un. Courtney Pirouznia, que j'ai interviewée me disait qu'Isaac, son fils n'avait pas de costume lors de son premier bal. Elle a mis presque 100 dollars et elle sait qu'elle devra lui en acheter un pour chaque bal.

les Lowe (famille mormone) Isaac Pirouznia non-mormon

Pour les bals majeurs, les filles sont en robe de soirée. Elles en changent à chaque fois. Les deux premières années, nous allions en acheter dans des magasins de solderie. Cette année, Bruyère a récupéré celle d'une amie qui est partie en mission. En général, elles portent des talons hauts jusqu'à la prise des photos puis elles prévoient une autre paire de chaussures pour la danse.

Pour les bals mineurs, cela dépend du thème du groupe ou de la soirée. Cela peut-être déguisement et maquillage particuliers pour Halloween ; les années 70 ; le jeans ; une couleur.... Chaque partenaire pourvoit à son habit.

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Thème : les années 70 et bal d'Halloween

L'habit est mis en valeur. Il occupe de fonction de séduction à la fois du partenaire mais aussi du groupe dans lequel l'adolescent est.

L'accessoire principal est la fleur. Pour les filles, il s'agit d'une fleur montée en bracelet et pour les garçons c'est une boutonnière. Les fleurs peuvent être réelles ou artificielles. Le jeune garçon et la jeune fille s'offrent mutuellement l'accessoire, le soir du bal. C'est souvent l'adolescente qui met la boutonnière à la veste du garçon. Les fleurs sont choisies en fonction de la couleur que le groupe aura décidé. Il faut compter entre 9 et 12 dollars (soit 8 à 10 euros).

Pose de la boutonnière sur la veste La fleur toujours très chargée autour du poignet

Le plus souvent la fleur est une rose mais pas toujours les lys, les magnolias s'utilisent. Le thème de la rose dans les contes traditionnels (la Belle au Bois Dormant) lié à celui de la jeune fille est fréquent. L'expression « qui s'y frotte, s'y pique » renvoie aux rosiers mais aussi à ce que les jeunes appellent aujourd'hui « le risque de se prendre un vent ». (MONJARET, 2005)46

46« Les plantes et les fleurs associées aux jeunes filles ne renvoient pas à n'importe quelles variétés, elles doivent, semble-t-il, piquer comme l'épingle. C'est sans doute cela qui a fait qualifier les menstrues de «tante Rose» et baptiser la princesse de La Belle au bois dormant, selon les versions, «Rose Épineuse», «Fleur-d'Épine» (Von Franz: 1979: 38,

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Dans « L'émergence du corps paré », Marian Vanhaeren et Francesco d'Errico 47 étudient le support de l'accessoire. L'idée, concernant notre sujet d'étude, peut être de penser que la fleur se met autour du poignet; comme plus tard, l'alliance se mettra autour de l'annulaire. Le support révèle alors le statut de la jeune fille à ce moment là.

On peut parler de « parure »48 (MONJARET, 2005) :« Ce changement d'état se concrétise encore dans d'autres usages, et en particulier par l'obtention de nouvelles pièces de vêtement: la coiffe en dentelle et le soulier (le chapeau et les chaussures vers le début du XXe siècle) (Verdier 1979). Les mères accompagnent leur fille en ville pour l'achat de parures d'hiver et d'été. »

L'achat de la robe et des accessoires avec la mère.

Comme mentionné plus haut, les filles portent des talons hauts qu'elles retireront plus tard pour danser. Cet accessoire ne semble pas avoir le statut qu'il peut avoir dans d'autres rituels tels que décrit dans « de l'épingle à l'aiguille » (MONJARET, 2005)

Rappelons que les artefacts sont autant des marqueurs d'appartenance qu'ils servent à construire la personne : ici l'accessoire marque l'adolescent passant à l'âge nubile, et, en même temps, il signifie à l'adolescent lui-même qu'il est prêt à franchir une étape de sa vie49 (D'ERRICO

41) ou encore «Rose d'Épine», «Rose Dormante» (Saintyves 1987: 86). Madeleine Blondel note d'ailleurs que dans le mâconnais l'expression «epenessi sa foeye» ou «épinasser sa fille» désigne le fait «de l'entourer, au figuré, d'épines, objets piquants qui remplacent l'épingle, pour la protéger de prétendants trop nombreux car... «qui s'y frotte s'y pique»!» (1995).

47 « L'ethnographie nous apprend aussi que dans la confection de la parure, les sociétés traditionnelles utilisent une grande diversité de supports dépassant souvent celle utilisée dans les activités de subsistance (Paulme & Brosse 1956). Ces supports ne sont pas choisis au hasard : chacun implique un jugement de valeur et est chargé de connotations symboliques connues, au moins à un certain niveau, de tous les membres de la société. » 23 ; Civilisations, 59-2 | 2011, 59-86.

48 MONJARET, Anne, 2005 « De l'épingle à l'aiguille », L'Homme 173 |, mis en ligne le 01 janvier 2007, URL : http://journals.openedition.org.lama.univ-amu.fr/lhomme/25033 ; DOI : 10.4000/lhomme.25033 et (D'ERRICO & VANHAEREN, 2011)

49 « Selon les sociétés, les groupes sociaux sont déterminés par le sexe de l'individu (O'Hear 1998, Meisch 1998), par son âge (enfance, adolescence, maturité, vieillesse) et/ou par le franchissement, au cours de sa vie, de certaines étapes

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& VANHAEREN, 2011) 50. Il est à noter que le statut de l'objet comme le font remarquer les auteurs peut être un prêt et restitué après le cérémonial, ou conservé par l'utilisateur. Ici la fleur est symbolique le temps du bal. L'adolescent la conserve quelques jours seulement.

« L'ethnographie nous enseigne que la parure répond rarement à un seul ... impératif. » (D'ERRICO & VANHAEREN, 2011). On peut aussi conclure que le message véhiculé est moins vers le partenaire que vers la communauté et les autres potentiels de trouver un partenaire.

Le vêtement de la jeune fille particulièrement serait sans doute une trace au même titre que le journal intime. Il est un élément biographique marquant un changement d'état visible. « Nous sommes là au coeur de la problématique passage / identité, puisque ces états successifs que sont les états de jeune fille, de fiancée, de mère, puis de grand-mère, à défaut d'être encore aussi marqués que jadis par des rituels de « prise d'âge » (Maisonneuve, 1988, p. 41). C'est « une trace, non pas géographique cette fois, mais scripturaire. Journal intime, correspondance amoureuse, « Journal de Bébé », « Album de grand-mère », etc. : dans leur diversité, ces façons d'écrire s'enracinent dans la perdurance de certains modèles identitaires féminins, en même temps qu'elles accompagnent des situations toute nouvelles. » (SOUDIèRE, 2000)

D Les lieux

Des « activités » (« activities » en anglais) sont organisées quelques jours avant le bal, et le soir après le bal. En général, celle qui précède le bal est une sortie autour de jeux : bowling, paint ball, laser game, ... Le but étant que les participants qui ne se sont jamais rencontrés puissent apprendre à se connaitre. En effet, chacun amène sa « date » qui n'a pas forcément été trouvée dans le lycée ou qui n'est pas forcément connue des autres. L'activité est précédée d'un repas (pizza, hamburger) ou d'une collation (glaces).

E Le rôle des parents

Il est d'abord financier. Chaque bal demande un investissement financier important surtout pour les filles. Il y a la robe ou le vêtement choisis, la fleur et les sorties. Mais là aussi tout est possible, et la plupart du temps, les adolescents s'organisent pour trouver des activités ou des vêtements sans dépenser de façon dispendieuse. La dépense principale en matière de vêtement sera

biologiques (puberté, ménopause) et relationnelles (célibat, mariage, veuvage). Les adolescentes Turkana du Kenya ont longtemps porté des tabliers triangulaires, bordés de perles en oeuf d'autruche, qui deviennent de plus en plus longs quand l'âge de se marier approche (Dubin 1987). Les enfants de cette même population ne portent, traditionnellement, que de simples brins de perles. » D'ERRICO, F., & VANHAEREN, M., 2011, « L'émergence du corps paré ». Civilisations ( 59-2 ), pp. 56-89.

50 L'article cité est une étude archéologique sur la parure au paléolithique. Les auteurs se sont inspirés des travaux ethnologiques pour établir les fonctions de la parure dans le passé.

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la robe de la jeune fille et les chaussures. Puis la fleur pour les filles et la boutonnière pour les garçons. Les autres dépenses sont les activités et l'entrée du bal.

La plupart des adolescents ont déjà un petit emploi. C'est très valorisé même si les parents ont des revenus financiers corrects, voire importants. Ainsi le « teenager » assure lui-même les dépenses. Il arrive que les parents s'occupent entièrement de la soirée avant le bal, ainsi ils décorent la pièce et préparent le repas des adolescents. Bruyère m'a dit « on se serait cru au restaurant ».

Au 10ème grade (seconde) dans notre cursus, les adolescents ne peuvent pas encore conduire seuls (voir le chapitre sur les adolescents dans l'Utah), les parents s'organisent pour véhiculer tout le monde aux différents lieux. Les années suivantes, les adolescents s'organisent entre eux.

Les soirées se terminent souvent chez l'un des adolescents. Les parents ont alors prévu snacks et boissons.

Location d'un bus pour transporter les « teenagers » et le repas et les préparatifs assurés par les parents

III. Le déroulement

A Les préliminaires 1. Phase 1

Un fois la « date »51 choisie, l'adolescent prépare son invitation. Elle se décline par un mot, une carte avec une ou plusieurs phrases le plus atypique possible. Souvent, les jeux de mots sont employés. L'adolescent se renseigne sur les goûts de l'autre, il essaye de prendre des éléments des instants où il a été avec lui/elle en classe (le type d'inscription sur son tee-shirt peut indiquer quel sport, quelle équipe il affectionne particulièrement...). Cette partie est accompagnée d'un présent qui peut être une boite de chocolat, des boissons, des ballons, des gâteaux... C'est la partie qui requiert créativité et originalité.

51 Je conserve le terme anglais

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Invitation du garçon pour Prom et la réponse

Il faut aussi obtenir l'adresse du futur invité et le numéro de téléphone. En général, d'autres adolescents se chargent par connaissances interposées de récupérer les coordonnées. Le partenaire apprend donc par personnes intermédiaires que quelqu'un souhaite l'invité. Cela ne signifie pas forcément qu'il sera invité. Il y a une certaine attente et l'apprentissage du lâcher-prise.

J'utilise mon témoignage comme support dans cette partie. Le protocole est toujours le même. L'adolescent a passé un moment à préparer son invitation : colle et ciseaux à la main. Ensuite ma fille et moi, nous rendons à l'adresse du jeune homme. En général, les adolescents s'assurent par SMS ou autre, qu'au moment où ils porteront leur message, l'autre sera présent chez lui. D'abord, nous « repérons » l'endroit, nous faisons donc un tour du quartier. Puis je gare la voiture le plus près possible (en général au pied de la maison, imaginez la discrétion avec une voiture 4*4 de 8 places) mais prête à repartir le plus vite possible. Ma fille souffle un grand coup, ouvre la porte qu'elle laisse ouverte et court jusqu'à la porte d'entrée. Elle dépose l'invitation sur le perron, et sonne. Elle repart en courant, claque la porte (bruyamment), évidemment, j'ai laissé le moteur tourner, et nous repartons immédiatement. Ma fille, le regard rivé sur la porte d'entrée pour voir si c'est bien le garçon en question qui récupèrera l'invitation. Il arrivera qu'elle verra qui a récupéré le paquet mais pas toujours. Cette année, elle fait cette même procédure mais avec ses amies, et elles restent cachées dans la voiture. Je le dis avec humour car c'est un moment de jeu, d'excitation, de complicité et de rires. L'invitation postée. C'est un temps d'attente qui commence. Plusieurs demandes peuvent avoir été données. Souvent, le premier qui a invité sera retenu même si le protagoniste aurait voulu aller avec quelqu'un d'autre. Il y a un respect du courage entrepris. L'autre aspect peut être économique : le coût du bal peut occasionner un refus même si, les bals où l'adolescent est invité occasionnent moins de frais pour lui. Ensuite, la même procédure s'applique pour la réponse : un présent élaboré par le jeune avec un mot de réponse et un cadeau qui l'accompagne, tout cela déposé à l'entrée du lieu d'habitation. Cette phase a lieu deux semaines environ avant la date.

2. 43

Phase 2 L'activité pré-bal

Les adolescents communiquent entre eux régulièrement durant l'intermédiaire qui sépare les différentes phases. L'objet essentiel des concertations est maintenant de trouver l'activité qui permettra que tout le groupe de se rencontrer avant la soirée. En général, cette activité est ludique : bowling, paintball, laser game, snow en piscine.... Suivi d'un repas type tacos, fast food ou tout simplement : une glace. Certains lieux ne vendent que des glaces ou des yaourts (Cold Stone, Yogurtland).

3. Phase 3 Préparation à la soirée

Les adolescents s'organisent alors pour la soirée en elle-même : qui vient chercher qui ? Où se retrouve-t-on ? Quel restaurant ? Qui ramènera qui ? Quand fait-on les photos et où ? Et pour les filles : qui maquillera qui ? Qui coiffe ? Où se prépare-t-on ?...

L'entretien des cheveux et les coiffures sont très importants. Les femmes mettent beaucoup en valeur leurs cheveux et elles sont souvent très maquillées. Les tutoriels de coiffures sont très nombreux. Et quotidiennement, les jeunes filles se font une coiffure qui peut être très compliquée pour se rendre au lycée. Cet apprentissage commence très tôt. Dans ma classe de CP, j'étais tous les jours impressionnée par la complexité des coiffures de mes élèves. Toutes les filles étaient coiffées impeccablement. Le budget dépensé est assez important. Ainsi la coiffure est l'élément le plus important après la robe. Le maquillage est comme l'apanage du plumage chez certaines espèces d'oiseaux, pour séduire le partenaire.

B Le jour J

Le garçon quelque soit le bal passe prendre la jeune fille. Au fur et à mesure des bals, Bruyère perfectionnait son entrée afin que sa « date » la découvre. A chaque fois, c'est un moment d'émotions : le jeune homme adopte des attitudes « de gentleman » ce qui lui occasionne un stress visible, on peut parler d'émoi, et parallèlement, il découvre la jeune fille qui en général est rayonnante, ce qui lui apporte une immense fierté. A ce moment, il n'y a pas de gestes de contact avec l'autre : ni embrassade, ni accolade (ce que les Américains adorent). C'est plutôt une certaine timidité, une réserve qui est de mise. Les deux protagonistes s'offrent ensuite leur fleur. La jeune fille, souvent aidée de la mère met la boutonnière au garçon.

1. Les photos :

Le choix du lieu est important : cela peut-être un parc, le Capitol de Salt Lake City, près

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d'une rivière ou d'un lac. Les photos sont prises avant le restaurant, en début de soirée. Il y a toujours une photo du groupe des filles, une du groupe des garçons, une pour chaque couple, une du groupe entier ensemble, une humoristique ou avec des positions particulières. C'est souvent un parent ou un adulte plus âgé (une tante, un oncle) qui prend les photos.

Source : Album personnel : photos des différents bals

On peut se rapprocher de l'analyse d'Anne Monjaret en parlant des veillées « Les veillées dont le cycle s'amorce vers la fin de l'automne en sont d'autres, non seulement parce qu'il s'y raconte des histoires et des contes, mais aussi parce que les femmes s'y retrouvent pour filer la quenouille et qu'il s'y déroule des rituels de courtoisie qui incitent les jeunes gens à faire l'apprentissage des relations amoureuses sous l'oeil attentif de la collectivité (Belmont 1978b; Monjaret 1997: 26-28). Ainsi, la fileuse laissera tomber son fuseau pour que son galant le ramasse et le lui rende en échange d'un baiser » (MONJARET, 2005). Ce n'est plus le temps des contes qui occupent la soirée mais la danse et surtout ce qui précède et s'en suit. Et ce n'est pas le fuseau qui amènera peut-être le baiser mais le slow. Le bal en lui-même dure en général entre deux et trois heures. Il commence vers 21h et finit à 23h. Les occasions de danser à deux sont rares. Une à deux séries de slow est proposée. De même peut-on constater, que si l'adulte responsable : parent ou institutionnel comme le lycée ne sont pas omniprésents, ils chaperonnent toujours. Dishion et MacMahon (cité par CLAES, 2003 ) développent la notion de « supervision parentale » : « ce qui

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renvoie à la quantité et à la justesse de l'information que les parents détiennent sur ce qui se passe dans la vie quotidienne des adolescents, particulièrement en dehors de la sphère familiale, à l'école ou avec les amis ».

Après le bal, la soirée se poursuit en général chez un des protagonistes du groupe de référence. Là, les adolescents se retrouvent pour jouer à des jeux de société en général, quelques fois pour regarder un film. Une collation : type glace, pancakes, avec soda est offert par la famille qui accueille. Puis les conducteurs (parents ou jeunes selon les circonstances et l'âge) ramènent chacun. L'après-bal se vit comme un dernier moment entre soi. L'adolescent expérimente un dernier temps ce monde idéal où tout le monde est beau et tout le monde est gentil. (CHERBLANC, 2011, 69).

C L'après bal

Ainsi, j'ai pu observer que très peu de couples restent ensemble et se forment vraiment. Il s'agit avant tout d'une expérimentation des protocoles amoureux..... On peut penser aussi que le projet de partir en mission un an ou deux après, empêchent les adolescents de vraiment s'engager. Il y a des missionnaires qui ont une relation amoureuse avant de partir. Certains resteront ensemble malgré cette période (rappelons-le : les communications sont réglementées, une à deux fois pendant la mission et les familles sont privilégiées. Une petite amie ou un petit ami n'a pas de statut légal). Néanmoins la plupart se sépareront. Est-ce par peur de cette épreuve de la fidélité ? Y-a-t-il la question de la sexualité : oser l'interdit avant de partir en mission ? Ce qu'a pu me rapporter Bruyère sur les relations des adolescents Mormons entre eux me permet d'émettre l'hypothèse que la sexualité est l'objet principal des questionnements.

Si les Utahns et particulièrement les Mormons se marient jeunes (voir l'annexe), ils le font juste après leur mission. En deux ans, trois des missionnaires se sont mariées dans l'année qui a suivi. Et dans les familles mormones que nous fréquentions, nous avons souvent été surpris de constater que les jeunes que nous avions rencontrés au sortir de leur mission, se retrouvaient quelques mois plus tard mariés et avec un enfant qui allait naitre alors que souvent ils n'avaient pas de relation suivie connue auparavant.

Partie IV - Analyses complémentaires

Isabelle KOSTECKI note dans son mémoire qu'aujourd'hui dans l'expression « religion à la carte », il y a une proportion à donner la liberté à l'individu de prendre certains éléments et d'en rejeter d'autres ainsi qu'à aller puiser d'autres éléments religieux exogènes (dans le boudhisme,...)

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« afin d'élaborer de façon volontariste un ensemble hybride de croyances représentatives de leur monde intérieur ». L'adolescent mormon a été élevé dans la référence des textes bibliques, et dans l'attachement familial. Son libre-arbitre s'exerce pour beaucoup dans la communication au sein même de ses références et non pas dans la remise en cause en adhérant à des éléments qu'il aurait puisés ailleurs par sens critique. Et tout le système qu'il soit éducatif, religieux et familial est fondé sur ce fonctionnement. L'adolescent mormon quitte l'ensemble ou adhère à l'ensemble. (KOSTECKI, 2016)

Le réseau familial étant très solidarisant, le jeune adulte mormon ou non-mormon exercera son libre-arbitre dans le cercle proche des références sociales et culturelles qu'il a reçues. Ce qui fait la force de perpétuation d'un tel système qui pourrait apparaitre sclérosé, c'est certainement la mise en pratique et la réitération de rite comme le bal, ou même le système scolaire de classe. Le jeune adulte en devenir a pu exercer ses critères dans un cadre semi-institutionnalisé.

Cependant, l'auteur note plus loin « Toutefois, les acteurs restent soumis à des influences présentes dans la culture ambiante et ne peuvent puiser que dans un répertoire symbolique qui leur est accessible. De plus, la capacité de choix de l'individu n'est pas libérée des contraintes sociales et culturelles (Roy, 2008 : 276), particulièrement manifeste dans la pratique des rites de passage, essentiellement collectifs. » (KOSTECKI, 2016, 11). Je peux conclure comme elle l'avait proposé dans son modèle qu'il s'agit d'une dynamique de reliance verticale et horizontale partant de l'individu et permettant ainsi l'agrégation par l'intégration du Soi dans le Tout (ce qu'elle appelle l'Autre avec une majuscule). 52

Comme je l'ai mentionné j'ai choisi de parler de bals majeurs et mineurs, et j'ai pris conscience du lien avec le genre que cela impliquait. Or ce sont aussi les bals demandant plus d'investissement financier notamment au niveau des « activités » qui incombent au garçon. Je vais faire un lien avec la notion de responsabilité demandée aux hommes dans la société utahne. Tout d'abord, la loi53 est très stricte au niveau des besoins financiers d'une famille. Il existe aux Etats-Unis plusieurs procédures pour que les pensions alimentaires soient honorées. C'est encore plus vrai dans l'Utah et surtout pour l'homme (RENAUDAT, 1985).

Ceci est renforcé par la religion mormone. Mes enfants et moi avons été invités à assister à « l'Église »54 au début de mon séjour. Ce temps dure trois heures et se découpent en trois moments : le premier est commun à tous et dure en moyenne 45 mn, il se passe dans la salle principale, le second est sectorisé dans des lieux différents et par tranche de vie (enfants, adolescents, adultes) :

52 Dans mon mémoire : p.11

53 https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_1985_num_0_1_1172

RENAUDAT Evelyne. Le dispositif américain de recouvrement des pensions alimentaires. In: Recherches et Prévisions, n°0-1, février 1985. pp. 5-9.

54 Cela ne désigne pas seulement le lieu mais aussi la cérémonie hebdomadaire que l'on appelle « messe » en France chez les catholiques

les plus jeunes enfants sont pris en charge dans une salle et des activités ludiques leur sont proposées. Les adolescents se rendent dans une autre salle où les préceptes religieux sont travaillés sous forme de jeux et de lecture. Les couples se retrouvent ensemble, c'est un temps de premières lectures de textes et de témoignages. Ce temps dure environ une heure. La dernière heure, seuls les adultes sont de nouveau dispatchés : les hommes partent dans un autre lieu, les femmes restent dans la salle. Ce sont les hommes qui se déplacent du fait des enfants en bas-âge qui restent le plus souvent avec la mère mais pas toujours, parfois c'est le père qui part avec le bébé.

De mon point de vue, ces temps sont très chaleureux et très positifs. L'accent est mis sur les témoignages après lecture de textes et l'émotion qui s'en dégage (les pleurs et les rires sont nombreux). Il est important de noter qu'il n'y a pas de sens critique, c'est un partage. Je sais donc ce qui se passe du côté des femmes mais pas des hommes... Je recherche donc des renseignements. Ma kiné, une jeune femme de 28 ans qui a été en mission en France, m'explique que le temps des hommes est beaucoup plus moralisateur, on leur rappelle leurs devoirs conjugaux et familiaux. En effet, un soir nous sommes invités par les missionnaires et des voisins Mormons (un jeune couple que nous apprécions beaucoup). Les missionnaires nous montrent une vidéo qui explique le rôle de l'homme dans la famille : rôle financier d'abord et ensuite rôle de prendre le relai de sa femme après sa journée de travail. Notre voisin nous explique que c'est ce dont ils ont parlé plusieurs fois à l'église le dimanche. Ainsi donc je peux penser que les bals ont un objectif similaire : apprendre à l'adolescent masculin ses futures responsabilités. Il faut dire que l'autorité du père est encore un gage de protection.

On peut remarquer sur les photos que les jeunes filles sont toujours découvertes, comme si dans l'Utah, il faisait très chaud toute l'année ou qu'il n'y avait pas de bal l'hiver. Alors qu'il faut savoir que l'hiver, il fait entre 0 et -8 degré. En fait, elles se découvrent le temps des photos, les tenues sont ainsi mises en valeur : la robe pour la fille, le costume pour le garçon. De même qu'elles n'hésitent pas à porter des talons hauts de type escarpin ouvert pour les mêmes raisons. Si j'ajoute le symbole de la fleur, je peux dire en reprenant l'analyse d'Anne Monjaret (MONJARET, 2005) qu'il y a un « caractère saisonnier » à ces rites. L'attente du printemps comme celui de l'attente du mariage. Ainsi donc en reprenant les caractéristiques de Van Gennep et réinvesties par Martine Segalen (VAN GENNEP, 2011 et SEGALEN, 1998), le bal correspond à un temps de « marge » symbolique où l'individu signifie qu'il rentre dans l'âge nubile. Nous ne sommes plus tout à fait dans le temps de la séparation. L'adolescent se trouve à la liminarité de sa famille et de son groupe de pairs dont il cherche l'agrégation.

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A Eclairage d'après la théorie d'Emmanuel Todd

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Emmanuel Todd, anthropologue controversé, qui a popularisé les travaux de Frédéric Le Play55 (TRIPIER-CONSTANTIN, 2016) selon lesquels la cellule familiale est l'unité fondamentale d'une société. Sa théorie est complexe, mais elle a le mérite de lancer une réflexion intellectuelle et scientifique sur le devenir d'une société. La société ne serait que l'institutionnalisation des principes structuraux de la famille (MENDRAS, 1984). Les axes sont l'autorité et la liberté dans le relationnel parent-enfant, l'égalité ou l'inégalité dans la fratrie (relié à l'héritage), l'endogamie et l'exogamie, la place du genre (importance du rôle de la femme). Il effectue un parallèle entre la baisse de la natalité et le recul religieux. Pour Todd, l'archéologie montre qu'en fait la société aurait pour origine la famille nucléaire56 et qu'ensuite la structure familiale se serait transformée en famille souche pour assurer la cohésion patrimoniale (notamment l'indivision des terres). Le type de famille qui nous intéresse est la famille nucléaire absolue. C'est le modèle le plus répandu dans les sociétés anglo-saxonnes. Ainsi le contrôle social s'effectue par un système libéral bi-égalitaire (l'héritage patrimonial est transmis de façon égalitaire ou inégalitaire). Le religieux est plutôt de type protestant : à la fois messianique et isolationniste marqué par une tendance à l'anticléricalisme. C'est un type exogame. C'est-à-dire que le partenaire est recherché à l'extérieur du clan proche. Le droit à la différence est reconnu. Et donc la vision de l'immigration oscille entre acceptation et ghettoïsation. Le religieux est fragile mais sans être remis en cause. Du point de vue historique le système productif était du type fermage peu modernisé et non domaniale, l'accès à la culture par l'alphabétisation fut tardif et l'enracinement géopolitique faible et instable, plutôt de nature ouvrière. La centralisation étatique est faible. La famille dans l'Utah a les caractéristiques de la structure nucléaire absolue avec quelques nuances : historiquement ce sont des pionniers constitués de famille nucléaire : parents et enfants. Malgré un territoire hostile plutôt de type désertique, la structure familiale est restée nucléaire. Cela tient sans doute au type de productivité : L'Utah est un état industrialisé et de services (notamment bancaires)57. La réussite individuelle et financière est valorisée et concrétisée dans une nouvelle famille nucléaire qui doit rester en lien avec la famille étendue. La mobilité géographique est importante. Du fait de la religion mormone, l'exogamie et le messianisme sont très répandus avec paradoxalement une endogamie religieuse (un mormon épouse un mormon majoritairement). Le cléricalisme est faible en bas de la pyramide religieuse : l'office et le référent des groupes d'âges sont tenus par un laïque58 pourtant en haut de la pyramide mormone, les « apôtres » au nombre de 12 constituent une oligarchie dont l'autorité est souveraine. L'anthropologue mentionne une concomitance entre la baisse de la natalité et la désaffection reli-

55 LECUYER, B.-P. (1992). Frédéric Le Play, fondateur de la « science sociale ». (5. L.-5. Communications, Ed.) Retrieved mai 2019, from https://doi.org/10.3406/comm.1992.1812: https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1992_num_54_1_1812

56 alors qu'il a été pensé pendant longtemps que c'était la famille souche.

57 http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amnord/utah.htm

58 Le « bishop »

gieuse. La forte natalité et la pratique religieuse mormone en Utah et particulièrement dans le district de Davis confirme cette théorie. Toute l'architecture sociétale utahne repose sur la cellule familiale comme perpétuation et solidification institutionnelles. Les textes de référence Mormons illustrent cela (Annexe III) : « Nous faisons également cette mise en garde : la désagrégation de la famille attirera sur les gens, les collectivités et la nation, les calamités prédites par les prophètes d'autrefois et d'aujourd'hui. Nous appelons les citoyens responsables et les dirigeants des gouvernements de partout à promouvoir des mesures destinées à sauvegarder et à fortifier la famille dans son rôle de cellule de base de la société. »

B Le rite comme éducation à la perte de l'objet pour assurer la stabilité du couple

L'hypothèse que je vais soumettre vient d'un article que j'ai lu : « Les rites et la condition sexuelle » de Jean-Thierry Maertens. Le rituel est vu comme une forme de pouvoir exercée par l'homme sur la femme et notamment à travers le marquage sur le corps (scarification, excision ...). La partie consacrée à la perte de l'Objet m'a amenée à un questionnement par rapport à mon sujet : « Le rite-signifiant est donc, tout compte fait, insignifiant puisqu'il est barré et qu'ainsi il manifeste la perte de l'Objet et la constante et répétitive substitution d'objets métonymisant l'Objet perdu (la perte d'Objet). Mais si insignifiant qu'il soit, le rite est pourtant bien significatif : alors qu'un pénis suffirait à mettre des corps en rapport, le rite tend à en faire un phallus qui triangule le rapport de l'un à l'autre d'un rapport commun à l'autre désiré au point que le corps-autre n'est plus jamais, une fois le rite passé par là, saisi pour lui-même, mais simultanément pour ce qu'il dit ou est censé dire de l'autre à quelqu'un qui, lui-même se prend pour l'autre. » (MAERTENS, 1978). Le bal n'entraine pas de modification perpétuelle sur le corps par contre la réitération du rite et notamment le renoncement à chaque fois du couple (c'est un couple non réalisé, virtuel rappelons-le) a un rapport direct avec la perte de l'objet principal du bal : le couple. L'adolescent s'entraine à la perte du partenaire dans la sécurité du rite. Cela signifie qu'il n'y a pas de processus de deuil, donc de souffrance. Et pour aller plus loin, le jeune apprend à faire des choix conscients et ainsi s'assure de construire le moment venu un couple réalisé stable.

Cette dernière analyse me permet de conclure que le bal américain est plus une préparation au mariage et par extension à la constitution d'une famille (base d'une société étatique selon Emmanuel Todd) que la recherche d'un partenaire.

C La notion de créativité rituelle

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Trois types de représentant : le bricoleur, l'ingénieur et l'artiste qui ont été établis par les

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travaux de Lévi-Strauss (1962) (KOSTECKI, 2016 , 30)

« Pour Lévi-Strauss, l'activité du bricoleur se situe dans le spectre opposé à celle de l'ingénieur. Le répertoire culturel disponible dans lequel puise le bricoleur est limité ; son activité est donc contrainte à l'avance. Le matériau recyclé provient de stocks circonscrits et reste marqué par ses significations et ses usages antérieurs. La figure du bricoleur, décrite comme une « personne qui se livre à un travail intermittent et sans connaissances techniques » (Thuderoz et Odin, 2010 : 7) est empreinte d'amateurisme. Toutefois, McGuire (2008 : 195) affirme que bien des éléments assemblés par un bricoleur peuvent paraître disparates pour l'observateur extérieur, l'ensemble peut revêtir du sens pour le principal concerné et être efficace dans son expérience du monde. L'ingénieur, quant à lui, fait recours à des contenus et des outils « conçus et procurés à la mesure de son projet» (Lévi-Strauss, 1967). La démarche rationnelle et méthodique de l'ingénieur s'oriente vers une finalité extérieure qui n'est pas axée sur la transformation personnelle (Thuderoz et Odin, 2010). Il conçoit puis fait exécuter, contrairement au bricoleur qui fait et met en oeuvre. Ceci implique qu'il jouit d'une position plus puissante que celle du bricoleur, dont l'influence se réduit à soi ou à un groupe de proximité. Dans son projet, le bricoleur met « quelque chose de soi » (Lévi-Strauss). Si les aboutissements du bricolage peuvent être « brillants et imprévus » (Lévi-Strauss, 1962), l'innovation culturelle (et rituelle) la plus accomplie est réservée à l'ingénieur, selon Lévi-Strauss. La troisième figure que propose Lévi-Strauss est celle de l'artiste. Elle se situe à mi-chemin entre celle du bricoleur et de l'ingénieur. Elle réunirait « une connaissance interne et externe, un être et un devenir » et saurait créer une « synthèse exactement équilibrée de plusieurs structures artificielles et naturelles » (Lévi-Strauss, 1962). Ce processus de créativité conduit sur la base d'un travail imaginatif résulterait en une forme cohérente. L'artiste ne disposerait pas pour autant des moyens de diffusion verticale associés à l'ingénieur. Il est doté de critères intuitifs, mais pas nécessairement des orientations objectives de l'ingénieur (Thuderoz et Odin, 2010). Son engagement découlerait du désir et de la vocation plus que de la froide nécessité. »

La créativité ritualisée dans notre sujet se trouve dans l'invitation, les lieux d'activités, la tenue surtout pour la jeune fille (pas les accessoires comme la fleur qui est normative). L'invitation est le plus marquant. C'est un travail imaginatif de performances personnelles et de recherche des centres d'intérêt de l'autre. L'acte créatif rituel est un processus d'emprunts, d'appropriation, de combinaisons, et de synthèse souvent associés à la culture. Dans cet espace liminal qu'est le bal de lycée, l'adolescent est encore dans l'expérimentation oscillant entre le bricoleur et l'artiste comme décrit dessus. Il met en place par la créativité ritualisée l'affirmation de son identité dans la considération de l'identité de l'autre.

51

Isaac passionné de films d'horreur

Ce qui se joue ici est que cette festivité canalise la sexualité. Je rejoins alors René Roussillon qui pense que la création est en lien directe avec le sexuel. Il s'agit moins d'un désir que d'un besoin qui conduira à la sexualité. C'est un processus sublimatoire qui permet la gestion des pulsions voire un contrôle.59 (JOULAIN, 2012)

Conclusion

Il était très compliqué de travailler à partir d'études récentes françaises sur le sujet car la plupart des observations et conclusions ne sont pas applicables aux modèles utahns. Pour donner quelques éclairages, quand Maud Navarre dans un article de la revue Sciences humaines60écrit : « Jusqu'au années 1970, le mariage constituait un « rite de passage » à part entière.... Il faisait entrer les jeunes dans l'âge adulte : la sexualité devenait légitime et souvent dans la foulée, l'enfantement.... ce passage.... est devenu une option. » Cet état des lieux est peut-être valable pour la France et certainement pour l'Europe mais pas pour l'Utah. Le mariage est important en Utah. D'autre part, dans ce rite, la dimension économique rentre moins en ligne de compte que la dimension sociale : les jeunes font preuve de créativité en amont dans les préparatifs, tout doit être dans la cohésion : couleur, lieu de rencontre..... L'observation minutieuse des échanges entre danseurs et spectateurs fait d'avantage apparaître une revendication de sa personnalité que de stratégies d'alliance, le tout dans un rituel établi.

Le bal au lycée est un événement réitéré pendant les trois années. Il s'agit d'une forme de consolidation de l'être sociétale. Tout cela marqué par la dernière soirée : celle de la Graduation qui

59« L'activité sublimatoire qui débouche sur la production de créations artistiques ou culturellement investies est prise au sein d'un ensemble d'enjeux, qui concernent aussi bien la place du processus sublimatoire dans l'ensemble de l'économie de la personnalité, que le jeu des relations sociales dans lesquelles elle s'inscrit. »P.30

« Le processus sublimatoire s'offre comme l'un des processus de gestion de l'économie pulsionnelle, mais il n'est qu'une partie d'un tout et il est tributaire d'une économie psychique d'ensemble. C'est l'un des destins de la pulsion sexuelle, un processus de « transformation » (René Roussillon) de la pulsion, comme nous allons le voir, qui peut se combiner (Jean-Louis Baldacci ) à des mécanismes de défense comme l'idéalisation, la projection, le refoulement, le clivage... »P.31 (JOULAIN, 2012)

60Navarre Maud, revue « Sciences Humaines », décembre 2015, N°276

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marque la fin de la liminalité. Après l'été, l'adolescent rentrera dans la postadolescence et/ou l'âge adulte selon son engagement professionnel. La société individualiste est passée à une société singu-lariste c'est-à-dire avec des parcours personnalisés où chacun est unique. Le processus d'individuation61 produit par l'expérience personnelle permet de donner du sens à l'être social et politique en soi. Et ainsi « L'individu devient l'horizon liminaire de la perception sociale » (LITS, 2010, 28). L'idée est que les « épreuves » forment l'individu mais aussi la société. On ne parle pas de n'importe quelles épreuves mais celles qui vont entrainer une transformation structurel, historique de l'individu et ainsi vont avoir un impact sur l'état de la société. L'ensemble des expériences personnelles constitue une « longue série des diverses socialisations secondaires auxquelles chaque individu est soumis tout au long de la vie, la socialisation cesse d'être conçue comme un processus unique ayant sa fin à l'âge adulte et devient une réalité ouverte, multiple et sans terme » (THOURY, 2017, 93). Je pense alors que la société singulariste62explique que l'adolescent ne va pas chercher la rupture mais l'expression de soi qui l'amènera vers l'agrégation de son nouveau statut (MARTUCCELI, 2010). Par la réitération de l'expérience du bal et sa spécificité de thème, le jeune devient expert ou tout au moins expérimenté et ainsi il peut asseoir un savoir-faire qui lui apportera une légitimité dans son nouveau statut. Les danses des bals de lycée ne demandent pas un apprentissage spécifique comme le Fest Noz ou les Rallyes que nous avons développés plus haut. La performance individuelle n'est pas dans une « spécialisation » : le rock pour les Rallyes, la danse folklorique pour les Fest Noz. La performance se situe dans la capacité d'adaptation et de créativité de l'individu. Au final, il y a une forme de singularité dans l'individuation.

Les Rallyes et les bals de lycée montrent que l'adolescent fait l'objet de rites organisationnels pour répondre aux attentes sociales. Dans les deux cas, l'adolescent adhère et participe activement. L'étude des Fest-Noz a éclairé notre propos sur la notion de patrimoine culturel immatériel. Le concept de liminalité s'applique au bal américain ainsi que la notion de « communitas existentielle » et mettent en lumière comment la reliance développée par Isabelle Kostecki agit. Enfin, l'éducation horizontale qui repose sur le groupe de pairs montre comment le contrôle social et parental opère de façon sous-jacente et atténue le conflit avec l'adolescent.

61 L'individuation est le processus de « distinction d'un individu des autres de la même espèce ou du groupe, de la société dont il fait partie.

62 « la singularité qui remplace l'individualisation. Elle n'abolit pas le principe fondateur de l'individualisme - le primat de l'individu - mais elle le colore d'une toute autre manière, et en fait apparaître de nouvelles facettes. C'est cette inflexion qui nous fait glisser vers le singularisme. 11 le but du singularisme n'est pas tellement d'articuler le singulier et l'universel (comme c'est le cas justement avec l'exemplarité), ni de se désolidariser de toute affiliation collective afin d'affirmer une originalité personnelle (Ferrara, 1999, notamment chapitre 4 et 2008 ; Heinich, 2000, p. 147), mais de parvenir à mettre en oeuvre une dynamique nouvelle entre le singulier et le commun » Danilo Martuccelli, « Grand résumé de La Société singulariste, Paris, Éditions Armand Colin, coll. individu et société, 2010 », SociologieS [En ligne], Grands résumés, La Société singulariste, mis en ligne le 27 décembre 2010, consulté le 08 juin 2019. URL : http://journals.openedition.org/sociologies/3344

Pour conclure, l'étude des bals est un objet ethnologique des plus intéressants pour approfondir le processus d'individuation. L'expérience personnelle et sa réitération jusqu'à ce qu'un pro-cess63 soit réalisé, produit le sociétal. Les process sont un ensemble d'étapes permettant d'aboutir à un certain résultat. La question que se pose Julia De Funès, à propos du monde de l'entreprise : c'est comment innover lorsqu'on vous demande d'être créatif mais que l'individu est enfermé dans des protocoles.

53

63 (FUNES, 2019)

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Annexes I : Données statistiques :

Source : http://www.city-data.com/city/Bountiful-Utah.html

2. Population Bountiful

3. Histogramme et pourcentage des secteurs d'activités

57

4. Répartition des populations ethniques Bountiful

58

5. Statistiques des différentes religions à Bountiful

6. 59

Histogrammes du niveau d'éducation

7. Statistiques du niveau d'études et de l'âge au mariage

Statistiques des élections présidentielles

60

Annexes II : Textes de référence mormon

8. « Jeunes soyez forts »

« Résumé des principes : sorties en couple : préparez-vous pour le mariage au temple. Ne sortez pas en couple avant d'avoir 16 ans. Quand vous commencez à sortir en couple, allez par groupe ou avec un autre couple. Ne sortez qu'avec des personnes qui ont des principes élevés. Evitez la tentation. Tenue vestimentaire et présentation : habillez-vous pudiquement afin de témoigner du respect envers Dieu et vous-mêmes. Evitez les vêtements extravagants ainsi qu'une présentation extravagante. Habillez-vous de manière convenable pour toutes les réunions et les activités de l'Église. Amitié : Choisissez de bons amis avec qui vous avez des principes élevés en commun. Faites des efforts pour aider vos amis timides. Traitez chacun avec gentillesse et dignité. Invitez vos amis non-membres aux activités de l'Église. Honnêteté : soyez honnête avec vous-même. Soyez honnête avec les autres. Soyez honnête avec le seigneur. Médias : ne lisez que de bons magazines, ne regardez que de bons programmes qui vous édifieront et vous inspireront, vous et les autres. Evitez la pornographie sous toutes ses formes. Ne regardez pas de films qui soient vulgaires. Fuyez ou changez toute situation immorale ou suggestive. Santé mentale ou physique : Veillez à votre santé physique, mentale et spirituelle. Ne faites pas usage de drogues, d'alcool, de café, de thé ni de tabac. Rappelez-vous que votre corps est le temple de Dieu où le Saint-Esprit peut demeurer. Musique et danse : Ecoutez de la bonne musique qui vous aidera à vous rapprocher de votre Père Céleste. N'écoutez pas de musique qui encourage à l'immoralité, qui emploie un langage grossier ou qui chasse l'Esprit. Evitez de danser corps contre corps ou d'avoir des posttures indécentes avec votre cavalier ou votre cavalière. Organisez et fréquentez des bals ou l'esprit du Seigneur peut être présent. Pureté sexuelle : Lorsque vous sortez avec une personne de l'autre sexe, traitez-la avec respect, et attendez d'elle le même respect. Abstenez-vous de toute relation sexuelle avant le mariage, de pelotage, de perversions sexuelles (homosexualité, viol, inceste), de masturbation ou d'obsession pour le sexe dans vos pensées, dans vos paroles et dans vos actions. N'ayez de relations sexuelles que dans le cadre du mariage. N'ayez pas d comportement homosexuels et lesbiens. Demandez de l'aide et des conseils si vous avez été victime de viol, d'inceste ou d'autres sévices sexuels. Comportement le dimanche : le jour sur sabbat, adorez le seigneur, affermissez vos relations familiales, aidez les autres et rapprochez-vous du Seigneur. Evitez de rechercher le divertissement ou de dépenser de l'argent pendant le jour du sabbat. Si possible évitez toute activité professionnelle le dimanche. Repentir : si vous avez commis des erreurs, vous pouvez être purifiés en vous repentant convenablement. Aide spirituelle : vous n'êtes jamais seul. Faites confiance au Saint-Esprit. IL est toujours possible de savoir ce qui est juste et ce

61

qui est injuste. » 64

Annexes III : Textes de référence mormon

9. « La famille : déclaration au monde »

« Nous, première présidence et conseil des douze apôtres de l'Église ...déclarons solennellement que le mariage de l'homme et la femme est ordonné de Dieu et que la famille est essentielle au plan du créateur pour la destinée éternelle de ses enfants. TOUS LES ÊTRES HUMAINS, hommes et femmes, sont créés à l'image de Dieu. Chacun est un fils ou une fille d'esprit aimé de parents célestes, et à ce titre, chacun a une nature et une destinée divines. Le genre masculin ou féminin est une caractéristique essentielle de l'identité et de la raison d'être individuelle prémortelle, mortelle et éternelle. Dans la condition prémortelle, les fils et les filles d'esprit connaissaient et adoraient Dieu, leur Père éternel. Ils acceptèrent son plan selon lequel ses enfants pourraient obtenir un corps physique et acquérir de l'expérience sur la terre de manière à progresser vers la perfection, et réaliser en fin de compte leur destinée divine en héritant de la vie éternelle. Le plan divin du bonheur permet aux relations familiales de perdurer au-delà de la mort. Les ordonnances et les alliances sacrées que l'on peut accomplir dans les saints temples permettent aux personnes de retourner dans la présence de Dieu, et aux familles d'être unies éternellement. Le premier des commandements que Dieu a donné à Adam et Eve concernait leur potentiel de parents, en tant que mari et femme. Nous déclarons que le commandement que Dieu a donné à ses enfants de multiplier et de remplir la terre reste en vigueur. Nous déclarons également que Dieu a ordonné que les pouvoirs sacrés de procréation ne doivent être employés qu'entre l'homme et la femme, légitimement mariés. Nous déclarons que la manière dont la vie dans la condition mortelle est créée a été ordonnée par Dieu. Nous affirmons le caractère sacré de la vie et son importance dans le plan éternel de Dieu. Le mari et la femme ont la responsabilité solennelle de s'aimer et de se chérir et d'aimer et de chérir leurs enfants. « Les enfants sont un héritage de l'Eternel ». Les parents ont le devoir sacré d'élever leurs enfants dans l'amour et la droiture, de subvenir à leurs besoins physiques et spirituels, de leur apprendre à s'aimer et à se servir les uns des autres, à observer les commandements de Dieu et à être des citoyens respectueux des lois, où qu'ils vivent. Les maris et les femmes (les mères et les pères) seront responsables devant Dieu de la manière dont ils se seront acquittés de ces obligations. La famille est ordonnée de Dieu. Le mariage entre l'homme et la femme est essentiel à son plan éternel. Les enfants ont le droit de naître dans les liens du mariage et d'être élevés par un père et une mère qui honorent leurs voeux de mariage dans la fidélité totale. On a le plus de chances d'atteindre le bonheur en famille lorsque celle-ci est fondée sur les enseignements du Seigneur Jésus-Christ. La réussite conjugale et familiale repose, dès le départ et

64 « La Perle du Grand Prix » 3ème livre des Mormons. P.73-74

62

constamment, sur la foi, la prière, le repentir, le pardon, le respect, l'amour, la compassion, le travail et les divertissements sains. Par décret divin, le père doit présider sa famille dans l'amour et la droiture, et a la responsabilité de pourvoir aux besoins vitaux et à la protection de sa famille. La mère a pour première responsabilité d'élever ses enfants. Dans ces responsabilités sacrées, le père et la mère ont l'obligation de s'aider en qualité de partenaires égaux. Un handicap, la mort ou d'autres circonstances peuvent nécessiter une adaptation particulière. La famille élargie doit apporter son soutien quand cela est nécessaire. Nous lançons une mise en garde : les personnes qui enfreignent les alliances de la chasteté, qui font subir des sévies à leur conjoint ou à leurs enfants, ou qui ne s'acquittent pas de leurs responsabilités familiales devront un jour en répondre devant Dieu. Nous faisons également cette mise en garde : la désagrégation de la famille attirera sur les gens, les collectivités et la nation, les calamités prédites par les prophètes d'autrefois et d'aujourd'hui. Nous appelons les citoyens responsables et les dirigeants des gouvernements de partout à promouvoir des mesures destinées à sauvegarder et à fortifier la famille dans son rôle de cellule de base de la société. »65

Annexes IV : Textes de référence mormon

« Le comportement homosexuel et lesbien est un sérieux péché. Si vous vous trouvez vous-même en lutte du fait d'une attirance pour le même sexe et que vous êtes persuadé que c'est un comportement inadéquate, demandé conseil à vos parents et à votre Bishop. Ils peuvent vous aider. » livret pour les jeunes : The Church of Jesus Christ of latter day Saints, Salt Lake City, Utah, 2001 ; 2011

« Si vous êtes tenté de commettre une forme de transgression sexuelle. Faites-vous aider de vos parents et de votre Bishop. Prier le père qui peut vous aider à résister à la tentation, aux pensées et sentiments inappropriés. Parler avec votre Bishop et commencer un processus de repentance et ainsi vous pourrez trouver la paix et vous remplir de Saint-Esprit. Vous devez vous engager personnellement dans une sexualité pure et encourager les autres à faire de même . « Genesis 39 :112, doctrine et gouvernances 38 :42 »

65 Op.cit.

Annexes V : Les modèles parentaux

63

FIGURE 6. Les modèles parentaux

LES STYLES PARENTAUX (Baumrind, 1971)

Le style authoritative (exigence/affection). Les parents ont de grandes exigences en matière d'éducation et ils entretiennent des projets pour leurs enfants. Ils imposent des règles et fixent des limites tout en répondant aux besoins des adolescents. Ils font preuve de fermeté et de chaleur, mais ils assument la responsabilité ultime de leurs décisions. Ces parents expriment leur proximité affective et ils dialoguent avec leurs enfants afin de leur faire comprendre leurs décisions.

Le style autoritaire. Les parents préconisent l'obéissance et le respect des règles familiales, mais ils accordent peu de place aux dimensions affectives et relationnelles. Ils considèrent que les enfants et les adolescents doivent se plier aux règles qu'on leur impose et adoptent des mesures disciplinaires punitives en cas de transgression. On recourt peu au dialogue, car ces parents sont d'avis que l'enfant doit se conformer aux exigences parentales, sans discuter.

Le style permissif ou indulgent. Les parents n'utilisent guère la discipline et ils accordent à leurs enfants une grande liberté d'action. Les dimensions émotionnelles de proximité et d'harmonie sont particulièrement valorisées. Les parents se considèrent comme une présence affective à laquelle l'adolescent peut faire appel selon ses besoins. Ils font preuve de compréhension, se montrent tolérants face aux situations problématiques, car ils pensent que l'exercice de l'autorité entrave le développement.

Le style indifférent ou négligent. Ce style se caractérise par l'absence d'attachement émotionnel et l'absence de contrôle et de sanctions. Il s'agit de parents qui, pour des raisons diverses, ont délaissé leurs fonctions parentales ; ils sont peu concernés affectivement par ce qui se passe dans la vie de leurs enfants et ne posent guère d'exigences envers eux.

CLAES, Michel. « 5. Les relations avec les parents : attachement et contrôle » In : L'univers

64

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Annexes VI : Les modes de sanctions parentales

Mode permissif. Les parents, même s'ils sont ennuyés par la conduite de leur enfant, n'expriment pas ouvertement leur désapprobation ; ils ne recourent pas non plus à des sanctions. Mode inductif. Les parents expriment clairement leur désapprobation et leur volonté de voir changer les choses ; ils tentent toutefois de résoudre les problèmes en discutant avec l'adolescent et

en l'associant à la recherche d'une solution.
Mode réactif. Les parents expriment fortement leur désapprobation et leur colère par des réprimandes, des reproches, des cris ou des commentaires désobligeants, sans toutefois punir l'adolescent.

Mode punitif. Les parents expriment clairement leur désapprobation et imposent des sanctions (privations de sortie, interdiction de recevoir des amis à la maison, travaux supplémentaires, etc.). Mode coercitif. Le comportement donne lieu à des sanctions corporelles (gifles ou autres), des insultes ou des menaces sévères.

CLAES, Michel. 5. Les relations avec les parents : attachement et contrôle In :L'univers social des adolescents [en ligne]. Montréal : Presses de l'Université de Montréal, 2003 (généré le 05 juin 2019). Disponible sur Internet : < http://books.openedition.org/pum/13740>. ISBN : 9791036504365. DOI : 10.4000/books.pum.13740.






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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery