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Quels sont les impacts de la Révolution Informatique sur le Contrôle de Gestion ?


par Benjamin SIMEON
IES Normandie - Master II - Pilotage et Contrôle de Gestion 2019
  

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Introduction

Dans ce mémoire, nous avons souhaité nous interroger sur les impacts de la Révolution Informatique sur le Contrôle de Gestion.

Le Contrôle de Gestion est une discipline récente dont la formalisation théorique n'intervient qu'après la seconde guerre mondiale. Mais sa pratique est antérieure à sa définition scientifique. Elle découle de l'apparition de l'organisation scientifique du travail dans la deuxième moitié du XIXème siècle.

L'Information est le matériau essentiel du Contrôle de Gestion et sa collecte est la première étape de son processus. Nous adopterons une approche scientifique de la modélisation de l'Information afin de la définir et comprendre les propriétés intrinsèques qu'elle doit posséder pour être utilisable.

Nous nous inscrirons dans un cheminement historique pour analyser les différentes Révolutions qu'ont connues les process organisationnels de production afin de déboucher sur celle qui retiendra toute notre attention, à savoir la « Révolution Informatique ». Nous la contextualiserons et étudierons le cheminement de son avènement. Nous appuierons notre analyse sur l'ampleur du phénomène par des exemples concrets.

Nous analyserons les impacts de cette automatisation de l'Information sur les entreprises en général et sur le Contrôle de Gestion en particulier. Ce nouveau paradigme technologique a créé des opportunités inédites, permis des avancées majeures et engendré des gains substantiels pour la profession.

Mais cette Révolution s'est également accompagnée de l'approche de risques nouveaux et de menaces jusqu'alors inconnues. Le bouleversement organisationnel a touché de nombreux métiers et celui du Contrôleur de Gestion ne fut pas exempt. Nous détaillerons les risques nombreux et divers que cette Révolution a engendrés et les changements qu'elle a provoqués.

Enfin, la Révolution Informatique parait à peine digérée que semble s'ouvrir une nouvelle ère, celle de l' « Intelligence Artificielle ». Nous essaierons d'ouvrir les perspectives de ce nouvel environnement qui s'augure.

Partie I : Contrôle de Gestion, Information et Révolution Informatique

« Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement » 1

Dans cette première partie et dans un premier temps nous nous concentrerons sur l'Histoire du Contrôle de Gestion et son apparition au fil du temps car bien que non formalisée, sa présence est induite par la notion même d'objectifs à atteindre, de planification et de suivi. Nous étudierons sa théorisation et surtout ses définitions en insistant sur l'écart de perception qui existe entre la vision anglosaxonne et la vision française. Nous observerons également le rôle aujourd'hui dévolu au Contrôleur de Gestion dans le monde de l'entreprise. Enfin nous mettrons à jour la relation fondamentale et surtout constitutive de l'Information au Contrôle de Gestion.

Commenté [D1]:

Dans un second temps, nous essaierons de comprendre ce qu'est l'Information dans son acceptation la plus théorique avant une modélisation plus générale et pratique. Nous verrons toute l'ambivalence qu'elle peut inclure dans sa nature même et surtout l'importance qu'elle revêt pour le Contrôleur de Gestion dans la réalisation de ses missions. Puis nous détaillerons le processus de l'Information depuis sa source jusqu'aux médias qu'elle emprunte.

Dans un troisième et dernier temps, nous aborderons la Révolution Informatique de la deuxième moitié du XXème siècle. Nous la recontextualiserons par rapport à la Révolution Agricole et la Révolution Industrielle, puis nous adopterons une vision historique dans le cadre de l'entreprise pour comprendre son apparition, son développement et ses potentielles futures évolutions.

1 BOILEAU N. (1674), Art poétique, Gallimard

A : Contrôle de Gestion

« La confiance n'exclut pas le Contrôle » 2

Afin de répondre à la question des impacts de la Révolution Informatique sur le Contrôle de Gestion, il semble indispensable de définir et délimiter ce qu'est le Contrôle de Gestion mais aussi de répondre à plusieurs questions. Existe-t-il ou non une perception commune du métier ? Y a-t-il un biais de compréhension lié à la traduction du « Management Control » ?

A partir de la définition du Contrôle de Gestion, nous essaierons de repérer l'apparition du Contrôle de Gestion au fil de l'Histoire Économique. Le Contrôle de Gestion est-il en premier lieu une construction théorique qui s'est ensuite appliquée au besoin des agents ou inversement une pratique répandue qui s'est ensuite dotée d'un cadre théorique ?

Quelles missions sont aujourd'hui dévolues au Contrôleur de Gestion, quelles sont les limites de son périmètre d'action et ces limites sont-elles clairement normées ? Pour y répondre, nous nous appuierons sur des exemples simples, concrets et surtout vécus dans le cadre de l'alternance pour une meilleure compréhension globale.

Enfin, nous établirons le besoin intrinsèque et existentiel d'Information pour la réalisation du Contrôle de Gestion afin d'introduire le prochain chapitre dédié à l'Information.

2 LENINE VI. (1870-1924), Homme politique russe

1 / Définition du Contrôle de Gestion

Puisque l'origine du Contrôle de Gestion est une traduction de l'anglais, il est préférable de repartir du concept non traduit, « Management Control » pour en faire une analyse sémantique.

La définition du Management par le Cambridge Dictionary

1/ The control and organization of something, esp. a business and its employees

Traduisible par « la maîtrise et l'organisation de quelque chose (principalement une
entreprise et ses salariés) »

2/ Management is also the people in charge of a business organization

Traduisible par « Le Management représente également les responsables d'une

entreprise ».

Ces deux aspects sont identiques en français, le management représente à la fois, la maîtrise et l'organisation d'une activité mais aussi les personnes qui en assument la responsabilité. Ce terme pose peu de difficultés dans la compréhension française car son origine est continentale et latine. « Maneggiare », de l'italien, contrôler, manier, avoir en main (Manus = la main). On le retrouve aussi en vieux français « Ménager » conduire avec raison, avec ménagement (« ménager sa monture »).

La Gestion, l'Organisation et le Management ne sont pas la même chose. Quand on parle de Contrôle de Gestion, personne en France n'imagine un contrôle des managers. La traduction de Management par Gestion pose une réelle difficulté de compréhension. En traduisant le Management par la Gestion, le Contrôle de Gestion en français est réduit dans son champ d'intervention. La notion anglosaxonne évoque tout à la fois, les managers, l'organisation et la gestion quand la notion française tend à se limiter à la gestion uniquement.

La définition du Control par le Cambridge Dictionary

To order, limit, or rule something, or someone's actions or behaviour

Traduisible par « Ordonner, limiter ou régler quelque chose ou les actions /
comportements de quelqu'un ».

Bien que de prime abord on puisse penser que les deux termes aient la même signification en anglais et en français, ce n'est pas tout à fait le cas. Il existe une nuance de perception entre les deux langues qui sera à l'origine de nombreuses méprises. En français, le terme de Contrôle à une connotation autoritaire et/ou hiérarchique. Un Contrôle (de la contraction du vieux français contre-rôle = copie du jugement) est une vérification, un examen. Ainsi le contrôle d'un véhicule fait d'abord penser à un contrôle de la police sur le véhicule et non à la maîtrise du véhicule par le pilote. Or en anglais la notion de « Control » est plus proche de la notion de « Maîtrise » en français.

La définition du Management Control par le Cambridge Dictionary

1/ the systems that managers use to make sure that a company or an organization is run in an effective way

Traduisible par « Le système que les managers utilisent pour s'assurer qu'une
entreprise ou une organisation est gérée de manière effective ».

2/ the fact of a person or group being in charge of a company, etc. because they own it or have more shares than anybody else

Traduisible par « Le fait que des personnes ou un groupe soient en charge d'une
entreprise parce qu'ils la possèdent intégralement ou en majorité ».

La traduction de « Management Control » ne permet pas d'appréhender de manière correcte le principe initial et anglosaxon de la discipline.

BOUQUIN H. (1946 - 2012), Professeur de Gestion, a tenté de synthétiser les différents types de Contrôle de Gestion qui peuvent être mis en place en fonction de l'interprétation qui peut être faite des différents termes :

 

3

La première définition donnée par le Cambridge Dictionary correspond à la définition historique retenue le plus régulièrement donnée par ANTHONY R. (1916 - 2006) en 1965 :

« The process by which Managers assure the resources are obtained and used
effectively and efficiently in the accomplishment of the organization's objectives »
4.

Traduisible par : « Le processus par lequel les managers obtiennent l'assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour la réalisation des objectifs de l'organisation »

La deuxième définition du Cambridge Dictionary correspond davantage au contrôle actionnarial. Le français dans ce cas souffre moins d'ambiguïté de traduction et cette notion n'entre pas dans notre sujet de mémoire.

Depuis, d'autres définitions ont été données au Contrôle de Gestion par d'autres auteurs, ANTHONY R. fera évoluer sa définition en 1988 ainsi : « Le Contrôle de Gestion est le processus par lequel les managers influencent d'autres membres de l'organisation pour appliquer les stratégies »5

3 BOUQIN.H (2011), Herméneutiques du Contrôle, Gallimard, p.14

4 ANTHONY R. (1965), Planning and Control Systems: A Framework for Analysis. Boston, MA: Division of Research, Graduate School of Business Administration, Harvard University.

5 ANTHONY R. (1988), The Management Control Function Boston, Harvard Business School

En 1984, KHEMAKHEM A. écrit :

« Le Contrôle de Gestion est le processus mis en oeuvre au sein d'une entité économique pour s'assurer d'une mobilisation efficace et permanente des énergies et des ressources en vue d'atteindre l'objectif que vise cette entité ».6

En 1994, BOUQUIN H. rédige :

« On conviendra d'appeler Contrôle de Gestion les dispositifs et processus qui garantissent la cohérence entre la stratégie et les actions concrètes et quotidiennes ».7

On peut également essayer de définir le contrôle de gestion par la temporalité dans laquelle il s'inscrit comme le fait le « DCG 11 : Contrôle de Gestion » (Édition DUNOD).

Le long terme y est décrit comme le domaine de la stratégie et son contrôle en est le Contrôle Stratégique.

Le court terme y est décrit comme la gestion quotidienne et son contrôle en est le Contrôle Opérationnel.

Donc le moyen terme représente l'interface entre le long terme et le court terme, l'interface entre la stratégie et l'exécution. C'est ici que se situe le Contrôle de Gestion selon le DCG.

Enfin, il paraît pertinent de relever la vision de l'État français sur le Contrôle de Gestion. Le Contrôle de Gestion est défini comme « un système de pilotage mis en oeuvre par un responsable dans son champ d'attribution en vue d'améliorer le rapport entre les moyens engagés - y compris les ressources humaines - et soit l'activité développée, soit les résultats obtenus dans le cadre déterminé par une démarche stratégique préalable ayant fixé des orientations » ... « Il permet d'assurer, tout à la fois, le pilotage des services sur la base d'objectifs et d'engagements de service et la connaissance des coûts, des activités et des résultats. ».8

6 KHEMAKEM A. (1984), La Dynamique du Contrôle de Gestion, Dunod

7 BOUQUIN H. (1994), Les fondements du contrôle de gestion, Presse universitaire de France « Que sais-je ? » ; N°2892

8 Circulaire Interministérielle du 21 juin 2001 : Développement du Contrôle de Gestion dans les administrations

Le Contrôle de Gestion est complexe à définir et délimiter dans son champ d'intervention car à la différence de la comptabilité, il n'est pas une discipline normée. Il n'existe pas de lois, de règlements, ou de jugements pour en forcer une acceptation et surtout une utilisation commune.

Chaque entité est libre de définir « son » Contrôle de Gestion, d'en délimiter « son » périmètre, de choisir les outils et moyens mis à sa disposition et de le placer dans sa hiérarchie où cela lui sied. Ainsi le Contrôle de Gestion n'est pas structuré de la même manière entre les différentes entreprises. Certaines lui accordent une forte autonomie et d'importants moyens d'investigation, quand d'autres le limiteront aux contrôles des budgets et des écarts.

Le Contrôleur aura donc pour limite d'action les contraintes fixées par l'organisation mais également les siennes.

2 / Histoire du Contrôle de Gestion

Au quatrième millénaire avant notre ère, les échanges inter cités génèrent un besoin croissant d'enregistrements des transactions agricoles (bétails, céréales, ...). Les calculis (petits cailloux) servant à compter la taille des troupeaux devenant insuffisants, l'écriture apparait. On mesure à ce moment-là des quantités échangées.

Le Contrôle de Gestion en entreprise n'a pas de raison d'être car il n'y a pas d'entreprise si l'on retient la définition suivante pour cette dernière « le regroupement durable et la mise en oeuvre organisée de moyens en capitaux, en hommes, en techniques, pour produire des biens et des services ». 9

Un forgeron n'a de compte à rendre qu'à son commanditaire et uniquement sur le résultat final. Il n'a pas à se justifier sur son efficience (nous préciserons un peu plus loin la différence fondamentale entre l'efficacité et l'efficience dans la prochaine

9 DRANCOURT M. (1988), Leçon d'histoire sur l'entreprise de l'Antiquité à nos jours, Presses Universitaires de France

section). Il est probable qu'il se fixe des objectifs personnels (temps, consommation de matériaux, ...) mais il n'a pas de raison de les formaliser.

En revanche dans le domaine public, les administrations (Cités, États, Fiefs, ...) suivent leurs comptes. L'utilisation des moyens mis à disposition est contrôlée. La France voit la création des Missi Dominici dans le Haut Moyen-Âge par Charlemagne. Parmi les différentes tâches qui leurs sont attribuées, ils sont en charge du contrôle des comptes. On retrouve dans le même rôle, les Sendgraf en Allemagne, les Podestat en Italie, ... On ne peut pas parler de contrôle de gestion car ces personnes avaient une multiplicité de responsabilités, à la fois religieuses, légales, judiciaires et militaires.

On peut remarquer que le mot « budget » vient d'ailleurs de cette époque. La « bougette » est la bourse (le « bagage ») dans laquelle le voyageur met l'ensemble des écus ou des effets dont il aura besoin pour son voyage. La notion d'anticipation est bien présente comme pour un budget.

Les entreprises dans le sens retenu précédemment, ne se développent qu'à partir du bas Moyen Âge. Le plus vieil exemple tracé en France date de 1250, « La Société des Moulins du Bazacle ». Il s'agit de la première société par actions10. Bien que les échanges commerciaux aient toujours existé, ce n'est que vers la fin du Moyen Âge que le commerce européen va prendre un nouvel essor (Commerce triangulaire avec les Amériques, Compagnie des Indes, Route de la Soie, ...). Les découvertes scientifiques et les avancées techniques européennes de cette époque portent en elles les prémices du développement vers la société préindustrielle.

A la fin du XVème siècle, les échanges commerciaux internationaux se complexifient. D'un système d'aller/retour entre deux villes (les foires), on passe à des systèmes multi escales, les marchands deviennent les mandataires de personnes fortunées (Grimaldi, Gresham, ...) Les besoins financiers s'accroissent, le système bancaire devient un enjeu majeur et certaines familles s'imposent : Médicis en Italie, Fugger en Allemagne, Coeur en France, ...

Des marchandises chargées en Afrique sont vendues en Indes sans que l'affréteur du navire ne voie cette marchandise depuis Gênes. La « Méthode

10 Les Moulins du Bazacle : aux sources de la première société par actions, Les Echos, 27 juillet 2016

Comptable Vénitienne » apparue vers la fin du XIIIème siècle est généralisée grâce à PACIOLI L. (1445 - 1517) dans son traité « Tractatus XI particularis de computibus et scripturis » publié à Venise en 1494 et plus communément connue sous le nom de « Comptabilité en partie double ». Cette méthode présente de nombreux avantages, elle consacre l'aspect primordial des flux par rapport aux stocks et limite le risque de fraudes. La comptabilité est officiellement née mais pas le Contrôle de Gestion.

Le XVIIIème siècle est assurément un tournant majeur pour l'Histoire des Sciences Économiques. La Révolution Agricole en Angleterre est un cas typique de la transformation que va connaître l'ensemble de l'Europe. Les Lords anglais qui possèdent des terres, s'intéressent davantage aux profits et cherchent à maximiser leurs gains. Ainsi le poids moyen du boeuf passe de 370 livres en 1700 à 800 livres en 1800 et la jachère est délaissée au profit de l'assolement Norfolk qui augmente la production fourragère. 11

La Révolution Industrielle est rendue possible par la Révolution Agricole. La relation de cause à effet est quasi directe. Le besoin en main d'oeuvre dans les champs diminuant grâce aux différentes innovations et la population augmentant, les villes vont bénéficier d'un apport massif de main d'oeuvre. De nombreuses avancées scientifiques et technologiques (machine à vapeur en 1710, métier à tisser mécanique en 1764, ...) permettent des gains de productivité jusqu'alors inconnus.

L'idée de « maximiser » ces gains est introduite dans la littérature de l'époque avec SMITH A. (1723 - 1790) dans son ouvrage « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations » édité en 1776. Il s'agit d'un ouvrage majeur qui pose les bases de la théorisation de l'Économie moderne en dissertant sur de nombreux sujets : division du travail, profits, accumulation du capital, économie politique, ...

Dans sa théorie des « avantages absolus », complétée en 1817 par les « avantages comparatifs » de RICARDO D. (1772 - 1823), SMITH A. écrit « la maxime de tout chef de famille prudent est de ne jamais essayer de faire chez soi la chose qui lui coûtera moins à acheter qu'à faire. »12. Faire ou faire-faire est une décision majeure

11 BAIROCH P. (1989), Les Trois Révolutions Agricoles du monde développé : Rendements et Productivité, Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, volume 44

12 SMITH A. (1776), Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Strahan & Cadell

en économie et les sociétés actuelles s'appuient sur leur service de contrôle de gestion pour obtenir les éléments nécessaires à la prise de cette décision. Nous pourrions y voir la base d'une idée de Contrôle de Gestion.

Lors du XIXème siècle, la taille des entreprises croît. Le capitalisme industriel supplante le capitalisme marchand. Mais le Contrôle de Gestion, avec les définitions que nous avons vues précédemment, n'apparaît pas. Plusieurs pistes d'explication à cela. Le manque de concurrence n'incite pas à une meilleure performance des agents ? Les écarts de revenus et de patrimoines sont-ils si significatifs entre les propriétaires d'entreprises et le reste de la population qu'ils n'encouragent pas à gagner plus d'argent ? Afin d'aider à se représenter cet écart le premier décile perçoit 55% des revenus en 1780 en France13 contre 24 % en 200714. Ou bien s'agit-il d'un ordre plus naturel des choses ?

On peut constater que la théorie du management n'apparait pas alors que tout comme le Contrôle de Gestion, tous les éléments sont en place. Au XIXème siècle, la pensée économique voit des oeuvres majeures apparaître : Le Capital de MARX K. (1818 - 1883), Principes d'Économie politique de MILL J.S. (1806 - 1873), ... Les grands théoriciens se penchent sur des domaines plus philosophiques ou politiques que sur les sujets plus pragmatiques et s'inscrivent ainsi dans une lignée prestigieuse (HOBBES T., ROUSSEAU JJ., ...)

Le passage au XXème siècle et surtout l'organisation scientifique du travail, introduite par TAYLOR FW. (1856 - 1915), promeuvent une productivité maximale grâce à une division extrême du travail, on parle du « Taylorisme ». Pour la première fois et à grande échelle, on cherche à maximiser une production en fonction d'une ressource disponible : la main d'oeuvre. La philosophie du Contrôle de Gestion est présente.

FAYOL H. (1841-1925), est un ingénieur français devenu Directeur Général de mines. En homme de terrain, il constate, prend des notes et porte un regard rationaliste, naturaliste et scientifique sur les organisations des entreprises. Il définit plusieurs fonctions dans l'entreprise dont celle de l' « Administration » qu'il décrit en

13MORRISON C. (2000), Les inégalités de revenus en France du début du XVIIIe siècle à 1985, Revue économique volume 51

14 PIKETTY T. (2004), L'économie des inégalités, La Découverte

charge de : Prévoir, Organiser, Commander, Coordonner et Contrôler.15 Le « Fayolisme » donne la définition suivante pour le dernier élément:

« Contrôler » : vérifier que tout se passe conformément au programme [d'actions] adopté, aux ordres donnés, et aux principes admis [dans le] but de signaler les fautes et les erreurs afin qu'on puisse les réparer et en éviter le retour. »

Le terme de Contrôle est présent mais dans une vision positiviste. Les idées de FAYOL H. seront très positivement accueillies au milieu de la première guerre mondiale, car selon son oeuvre les échecs incombent à la hiérarchie et non aux exécutants. Le lien entre l'entreprise et l'armée bien que non formalisé par FAYOL H. le sera par ses lecteurs. Bien que cela ne soit pas dans le cadre de ce mémoire, il est à souligner qu'il a également fait de très nombreux apports théoriques sur la science du Management. Son oeuvre a été très souvent reprises par les anglosaxons16. Parmi ses nombreuses notes, celle sur « la suppression du poste de nuit dans le remblayage des grandes couches »17 peut faire date, car il y explique comment sa décision est prise en fonction du coût de revient.

La pratique du Contrôle de Gestion dans les entreprises précède sa théorisation mais la fonction est très souvent mélangée à celle des comptables pendant la première moitié du XXème siècle. Le Contrôle de Gestion souffre encore aujourd'hui de sa porosité avec la comptabilité analytique. Tout Contrôleur de Gestion ayant exercé en entreprise a eu à expliquer en quoi son métier n'était pas celui d'un comptable.

Il faut attendre le début de la deuxième moitié du XXème siècle et la fin de la seconde guerre mondiale pour voir les premiers ouvrages poser un cadre théorique. ANTHONY R. est souvent considéré comme le précurseur avec « Planning and Control Systems : a Framework for Analysis » paru en 1965. Il définit dans son ouvrage le contrôle de gestion comme :

« Le processus par lequel les managers obtiennent l'assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour réaliser les objectifs de l'organisation ».

15 FAYOL H. (1917), Administration Industrielle et Générale, DUNOD et PINAT

16 GULICK L & URWICK L. (1937), Papers on the Science of Administration, Institute of Public Administration,

17 FAYOL H (1882), Comptes rendus mensuels de la Société de l'Industrie Minérale

Différents auteurs apporteront des définitions complémentaires, mais le Contrôle de Gestion est né. Comme nous venons de le voir, il est plus facile d'en dater la conception scientifique que l'apparition de son usage pratique.

Dans les années 1970, les entreprises françaises s'inspirent des méthodes organisationnelles venues des États-Unis et implantent des process de planification de gestion budgétaire. Un système de pilotage via le tandem Objectif/Moyen devient la norme. Ce système perdure encore aujourd'hui. A titre d'exemple, les Agences Régionales de Santé contractualisent des CPOM (Contrats Pluriannuels d'Objectifs et de Moyens) avec les partenaires privés18.

Les années 1970 ont marqué un tournant dans le rapport de force entre l'offre et la demande et donc dans l'organisation de la production. Globalement avant cette période la demande était supérieure à l'offre. Il était donc moins important de se soucier des débouchés de la production. FOURASTIER J. (1907-1990) appelle cette période (1945 - 1975), les « Trente Glorieuses »19. Il suffit de produire pour vendre et donc pour gagner de l'argent. Les risques économiques sont faibles, il ne semble pas pertinent de dépenser de l'argent dans un nouveau service pour limiter ce risque.

La fin des années 1970 voit plusieurs éléments concomitants faire leur apparition. Les économies européennes ont terminé leur reconstruction et achevé une partie de leur rattrapage économique et technologique sur les États Unis, les prix des matières premières augmentent (crise pétrolière, ...), les empires coloniaux se disloquent. L'ensemble de ces éléments amène l'offre à progressivement dépasser la demande. La concurrence s'intensifie et devient plus prégnante, les entreprises, si elles souhaitent survivre, doivent devenir « meilleures » que leurs concurrentes. La compétition se fait alors sur le prix, la qualité, la réactivité, ...

Tous ces éléments seront autant de chance pour le métier de Contrôleur de Gestion. La course à l'efficience s'enclenche et est portée à son paroxysme par le « Toyotisme »20. Apparu dans les années 1960 au Japon, il est un précurseur à ce

18 Circulaire du 25 juillet 2013 relative à la mise en oeuvre du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens prévu à l'article L. 313-11 du code de l'action sociale et des familles.

19 FOURASTIER J. (1979), Les Trente Glorieuses ou la Révolution Invisible, FAYARD

20 SHIMIZU K. (1999), Toyotisme (Repères), La Découverte

phénomène. C'est avec ce nouveau paradigme économique et l'augmentation des risques de disparition pour les entreprises que le besoin de Contrôle de Gestion devient croissant dans les entreprises.

3 / Les fonctions du Contrôleur de Gestion dans l'entreprise

Le Contrôle de Gestion est un processus permettant de mesurer et expliquer les écarts entre l'utilisation réelle et l'utilisation optimale des ressources pour l'atteinte des objectifs fixés.

La plupart des études sur la fonction du Contrôle de Gestion se font d'amont en aval, des ressources vers l'objectif. Afin d'essayer d'adopter un regard nouveau sur le flux du métier du Contrôleur de Gestion, le process sera descendu de l'objectif vers les ressources.

Le Contrôleur de Gestion ne définit pas les objectifs

Cette tâche revient au management. Il faut adopter une vision élargie des objectifs. Ceux-ci sont le plus souvent financiers (rentabilité, chiffre d'affaires, marges, ...) mais pas seulement. Le management peut définir des objectifs commerciaux (parts de marché, taux de notoriété, part à l'export, ...), sociaux (turn-over, absentéisme, accidents du travail, ...) environnementaux (taxe carbone, émission de CO2, label qualité, ...), technologiques (brevets, monopole temporaire, ...), organisationnels (respect des process, communication interne, ...), ...

La majorité des missions actuellement confiées aux Contrôleurs de Gestion dans les entreprises sont axées sur des aspects économiques et financiers, le suivi des autres objectifs est parfois (souvent ?) confié à d'autres services (Qualité, Ressources Humaines, ...).

Le Contrôleur de Gestion mesure l'atteinte des écarts

Via différents outils et différentes sources, le Contrôleur de Gestion mesure les écarts entre les objectifs fixés au départ et les résultats atteints. Il s'agit de l'une des

premières tâches du Contrôle de Gestion, s'assurer de l'atteinte de l'objectif (efficacité).

Le Contrôleur de Gestion pondère ses mesures

Un écart de 1800 litres constaté, a peu de sens en fonction du résultat attendu et de la criticité de l'écart. Ces 1800 litres d'écart peuvent représenter un écart de 1% de la consommation d'eau et un surcoût de 123€ ce qui sera insignifiant. Mais si ce sont 1800 litres d'eau radioactive qui manquent lors d'un contrôle de retraitement d'une centrale nucléaire, on comprend aisément la différence de risque. Ainsi la non-atteinte d'un objectif doit être relativisée.

Le Contrôleur de Gestion crée des processus et des outils de mesure

Afin d'acquérir ses mesures, le Contrôleur de Gestion doit disposer d'outils adéquats. Il s'appuie le plus souvent sur le Système d'Information informatisé de l'entreprise (ERP, Gestion de Production Assistée par Ordinateur, ...), principalement pour les données comptables ou de production. Mais dans certains cas, il doit construire ses outils de mesure. Si la mesure doit être faite par un autre utilisateur, le Contrôleur doit s'assurer de la coopération de l'autre. Dans l'industrie pharmaceutique, les calculs de rebuts ne peuvent être réalisés que par les opérateurs de lignes, alors leur coopération est indispensable.

Le Contrôleur de Gestion identifie et quantifie les ressources

Les ressources ou facteurs de production sont divers et multiples mais il est possible de les regrouper en quatre grandes familles : Financières, Humaines, Matérielles et Immatérielles. En fonction de la nature de l'activité, de la taille de l'entreprise et du Contrôleur, le niveau de détail varie. Le contrôleur doit aussi quantifier ces ressources. Cette tâche semble anodine mais peut s'avérer périlleuse. Quantifier des mètres carrés d'aluminium est plus aisé dans l'industrie pharmaceutique que quantifier le départ du Directeur de production. Pour filer cet exemple cette perte est-elle de même valeur si le Directeur part à la retraite ou s'il part à la concurrence ?

Le Contrôleur de Gestion identifie les causes de l'écart

Arrive sans nul doute la partie la plus intéressante du métier de Contrôle de Gestion : l'explication de l'écart entre l'utilisation des ressources, le résultat final et le

résultat attendu. L'activité prévoyait un budget de 300k€ pour la production de 1 million de boîtes de paracétamol, or les dépenses ont été de 305k€ pour 975 000 boîtes. La mesure de la ressource et la mesure de l'objectif ne pose pas de difficulté. Mais les sources de l'écarts peuvent être multiples : hausse du prix du principe actif, taux de perte à la fabrication, évènement exceptionnel extérieur, non-respect des recettes, ...

Le Contrôleur de Gestion met en relation le résultat avec les ressources

engagées pour l'obtenir

L'efficacité est souvent confondue avec l'efficience (effectiveness et efficiency en anglais). L'efficacité, c'est le fait d'atteindre l'objectif (Marcher sur la lune, développer une voiture électrique qui peut parcourir 600km sans recharge). L'utilisateur final ne perçoit que cette notion, nous retrouvons ici le cas du forgeron évoqué dans la partie historique. L'efficience, c'est la capacité à atteindre l'objectif avec le minimum de ressources. Nous sommes bien du côté de la production dans cette mesure car elle impactera directement la rentabilité et donc la survie de l'entreprise.

Le Contrôleur de Gestion propose des corrections pour faire disparaître

les écarts

Grâce aux outils déployés, le Contrôleur de Gestion identifie les causes des écarts et propose des solutions. Il doit pour cela se rapprocher des différents acteurs de la production. GERRARD A. a écrit en 1969 dans la revue The Accoutant, « le contrôleur ne peut plus rester dans sa tour d'ivoire et jeter, selon son bon plaisir, des bribes d'informations à ses collègues de la fabrication, de la vente, de l'ingénierie »21. En fonction de la source de l'écart identifié, le Contrôleur de Gestion proposera des solutions : formation, changement de fournisseur, remplacement d'une machine, ...

Le Contrôleur de Gestion anticipe les résultats intermédiaires pour

permettre une identification des écarts le plus rapidement possible

Afin d'anticiper au mieux le risque d'écart, le Contrôleur de Gestion est amené à prévoir un plan (un budget pour la partie comptable et financière) et poser des jalons intermédiaires avec les opérateurs pour repérer le plus tôt possible tout

21LAMBERT C. et SPONEM, S. (2009). La fonction contrôle de gestion : proposition d'une typologie, Comptabilité - Contrôle - Audit, tome 15

risque d'écart et permettre sa correction le plus rapidement possible. Ainsi les process se raccourcissent, le temps devient une denrée rare. La méthode des coûts préétablis en est le meilleur exemple.

Le Contrôleur de Gestion identifie les opportunités

Enfin dans une vision élargie, le Contrôleur de Gestion ne se contente pas d'observer l'existant. Il est capable de repérer les opportunités. Une nouvelle matière première que l'entreprise n'utilisait pas, un nouveau marché, ... Le Contrôleur de Gestion ne sélectionne pas les opportunités à retenir, il analyse les gains et synergies potentiels ainsi que les risques associés.

Cette approche volontairement à rebours du flux est un choix pratique pour la suite de notre sujet. Il existe de nombreuses autres approches qui sont tout aussi valides.

BOLLECKER M, professeur des Universités en Sciences de Gestion, met en avant deux fonctions pour le Contrôleur de Gestion : la vérification et l'aide à la décision22. La première fonction est la plus communément acceptée, la seconde en revanche peine à s'imposer. WHITE L., Président de l' « Institut of Management Accountant » a déclaré en 2004 : « Nous vivons une crise du Contrôle de Gestion, mais personne ne s'en est rendu compte pour le moment. Je veux aider les Contrôleurs à gagner leur juste place dans la profession comptable, c'est-à-dire celle de véritables business partners qui agissent à l'interface des opérations et de la prise de décision économique à un niveau qui change les opérations des entreprises ».

Une conception par phase du métier de Contrôleur de Gestion est également assez commune :

- Phase de prévision : Budgets, Moyens, Objectifs, ...

- Phase d'exécution : Mise en oeuvre des moyens, suivi par le système

d'information, mesure des actions, ...

- Phase d'évaluation : Comparaison des résultats et des objectifs, mesure
de la performance et des écarts, ...

22 BOLLECKER M. (2004), Les Contrôleurs de Gestion : L'Histoire et les conditions d'exercice de la profession, L'Harmattan

- Phase d'analyse (ou d'apprentissage) : Corrections des causes d'écarts,

Modifications des process, ...

DRUCKER P. (1909-2005), Professeur en Management à l'Université de New York, a déclaré « ce qui n'est pas mesuré, ne peut être géré », on dit également souvent en Contrôle de Gestion que « ce qui est mesuré s'améliore ». Le Contrôle de Gestion ne mesure pas que des chiffres, il mesure une organisation dont il fait partie. Cela peut d'ailleurs paraître incongru car cela signifie qu'il doit se contrôler (vérifier) lui-même.

L'observateur influence donc directement le système observé. Nous pouvons faire ici un petit clin d'oeil aux amateurs de physique quantique : « l'influence de l'observateur sur l'objet observé » (Expériences des fentes de Young).

4/ Le besoin d'Information

Si l'on devait trouver la variable la plus indispensable, la plus essentielle, la plus existentielle au Contrôle de Gestion, il s'agirait sûrement de l'Information. Toute analyse, toute mesure est une Information. Sans information, pas de Contrôle de Gestion.

La Science Économique énonce une « Information Parfaite »23 (ou « Transparence de l'Information ») comme un axiome à son modèle de « Concurrence Pure et Parfaite ». Cela signifie qu'à tout moment, tous les acteurs bénéficient de la totalité des informations à titre gratuit.

Cette hypothèse est évidement facilement critiquable. Dans l'entreprise l'Information n'est pas parfaite, il y a une « asymétrie de l'information » entre ceux qui savent, ceux qui ignorent et ceux qui engagent des dépenses pour savoir24 (ces

23 HENRY GM. (2009), Histoire de la pensée économique : Chapitre 9 Jevons et l'économie mathématique, Armand COLLIN

24 EBER N. (2006), Le Dilemme du prisonnier et ses variantes, La Découverte

catégories ne sont pas exclusives). De plus toutes les Informations ne se valent pas. Un manager sera plus intéressé par la marge sur coût direct de ses produits que par le poids moyen de ses salariés.

L'information n'est pas gratuite, elle a un coût. Collecter, traiter puis transmettre une information génère des frais. Permettons-nous une petite mise en abîme pour souligner qu'en Économie, un prix est une Information (le plus souvent sur la rareté d'un bien). Ainsi le prix élevé d'une Information est une Information.

Le Contrôleur de Gestion, conscient de la rareté et du coût de l'Information est amené à prendre des décisions a priori. Quelles Informations sont pertinentes et rentables pour l'exercice de sa mission ? L'ensemble de ses analyses, de ses conclusions et de ses préconisations découleront des choix initiaux opérés pour sa collecte de l'Information.

Ainsi il est indispensable de comprendre ce qu'est l'Information pour réussir son Contrôle de Gestion.

B L'Information

« La connaissance s'acquiert par l'expérience, tout le reste n'est que de
l'Information »25

Avant de s'interroger à propos des impacts de la Révolution de l'Informatique sur les métiers du Contrôle de Gestion, il est important de comprendre la notion même d'Information. Nous essaierons de répondre à de nombreuses questions. Quelle est son origine sémantique ? Quelles sont ses définitions ? Existe-t-il un cadre théorique ?

Quelle est l'importance de l'Information pour le Contrôle de Gestion ? Estelle relative et quelles sont les conditions intrinsèques à son utilisation ou pas par le Contrôleur de Gestion ?

En repartant des modèles théoriques, nous verrons ce que sont les sources d'Information, ce qui les différencie les unes des autres et ce qui les caractérise. Nous fournirons plusieurs exemples tangibles afin d'en faciliter la compréhension.

Quelle est la distinction entre la source d'Information et le média d'Information ? Quels sont les nouveaux moyens d'Information que sont les progiciels intégrés ? Comment sont-ils apparus, quel est leur évolution et leur utilité ?

Comment en quelques décennies ces progiciels intégrés ont démultiplié de manière exponentielle la quantité d'Information disponible et traitable pour le Contrôle de Gestion en entreprise ?

25 Citation populaire souvent attribué à tort à EINSTEIN A. (1879-1955)

1 / La définition de l'Information

Du latin « informare », qui signifie « façonner, donner une forme à l'esprit »26, l'Information revêt aujourd'hui une définition plus commune :

La définition selon le Larousse

« Fait ou jugement que l'on porte à la connaissance d'une personne, d'un public »

La définition selon l'Académie Française

« Renseignement qu'on donne ou qu'on obtient »

Mais il existe également une définition plus scientifique :

La définition selon le Bulletin Officiel de l'Éducation Nationale du 26/02/1981 :

« Élément de connaissance susceptible d'être représenté à l'aide de conventions
pour être conservé, traité ou communiqué ».

Le Larousse donne également une définition plus scientifique :

« Élément de connaissance traduit par un ensemble de signaux selon un code
déterminé, en vue d'être conservé, traité ou communiqué »

Les travaux de SHANNON C. (1916-2001), ingénieur et mathématicien étatsunien, dès le début de la deuxième moitié du XXème siècle sur la « Théorie de l'Information » ont permis une appréhension différente de l'Information ainsi qu'une approche plus scientifique et théorique27. Il débute son ouvrage par un schéma devenu célèbre. Cette représentation initialement prévue pour décrire la communication entre deux machines a été élargie à la communication entre deux humains, mais peut très bien s'entendre pour toute information.

26 FLOBERT P. et GAFFIOT F. (2001), Le Gaffiot de poche - Dictionnaire Latin - Français, Hachette

27 SHANNON C. (1949), A Mathematical Theory of Communication, BELL System Technical Journal

 

28

Ce modèle est iconoclaste car l'Information n'est plus la connaissance en soi, mais le support de cette connaissance. Le journal Le Monde écrit le 16 mars 1974, « C'est précisément l'un des grands progrès dus à l'informatique d'avoir distingué l'information comme support des connaissances, et les connaissances elles-mêmes ».

Bien que cette théorisation poussée de l'Information puisse paraître au premier abord, éloignée du Contrôle de Gestion, elle est pourtant la base de toute l'évolution du métier de contrôleur de gestion entre 1950 et nos jours.

SHANNON C. restreint la définition de l'Information en précisant qu'elle est une « connaissance pouvant avoir un effet ». Ainsi le poids moyen des salariés ne revêt plus le caractère d'Information car elle ne génère pas d'effet. Le Contrôleur de Gestion ne mettra pas en place un système de mesure sur cette variable car elle n'a pas d'effet sur son entreprise (sous réserve qu'il ne travaille pas pour une équipe de sportifs de haut niveau).

Si l'on comprend ce qu'est l'Information, il faut aussi comprendre ce qui ne l'est pas. La science de la Communication a démontré que l'Information n'est pas la Communication. Elle n'en est qu'une partie. Le contexte, la source, ... sont autant de

28 SHANNON C. (1949), A Mathematical Theory of Communication, BELL System Technical Journal

critères d'appréciation d'une Information. Ainsi l'information : « J'ai soif », n'aura pas la même signification au milieu du désert ou au milieu d'un festival de musique. L'information est la même mais les effets consécutifs seront très différents.

La théorie de l'Information est beaucoup plus technique et nous l'avons simplifiée au niveau qui nous intéresse pour ce mémoire. Citons juste par souci d'exhaustivité (et un peu par plaisir) que l'Information est quantifiable selon les chercheurs et que cette quantité correspond à une réduction de l'entropie (ou de l'incertitude pour vulgariser). Ainsi dire « Le soleil s'est levé ce matin » possède une quantité quasi nulle d'information car la probabilité que cet évènement arrive est de presque 100%. La quantité d'information peut même être négative. Si nous prenons cet incipit célèbre : « Aujourd'hui, maman est morte ... »29, il y a baisse de l'entropie, la quantité d'Information est positive. Mais la phrase de CAMUS A. (1913-1960) se poursuit ainsi « ... ou peut être hier, je ne sais pas » 23, l'incertitude croît, la quantité d'Information est négative.

2 / L'importance de l'Information pour le Contrôle de Gestion et sa relativité

La page Wikipédia consacrée au Contrôle de Gestion précise : « Le Contrôle de Gestion n'est pas un organe opérationnel, mais un organe d'échange d'information »30. Sans vouloir juger de la source de cette affirmation, elle démontre le lien reconnu traditionnellement entre l'Information et le Contrôle de Gestion. Le rôle du Contrôle de Gestion ne se limite pas à la transmission d'une Information brute, sans quoi il serait facilement automatisable et remplaçable. La valeur d'une Information reste relative en fonction de sa source, de son récipiendaire et de son contexte.

L'Information brute est indispensable, sans elle rien n'est possible. « Sans données fiables, pas d'analyse pertinente »31. Mais l'Information brute ne suffit

29 CAMUS A. (1942), L'Étranger, Gallimard

30 https://fr.wikipedia.org/wiki/Contr%C3%B4le_de_gestion

31 VINCENOT P (2016), La dataviz : aide à la décision et la compréhension, I2D

pas. Nous allons dans cette section donner plus d'exemples concrets pour saisir toute l'importance de la mise en perspective de cette dernière.

Un stock de matière première de 1 million d'euros ne signifie pas la même chose pour l'entreprise A et pour l'entreprise B. En fonction qu'elles réalisent 1 ou 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. Une même information présente des risques qui peuvent s'opposer (pénurie versus surabondance).

Les valeurs peuvent aussi s'inscrire dans un flux temporel. À données équivalentes, l'information d'un stock de 1 million d'euros dans l'entreprise A, n'a pas la même signification si l'entreprise disposait d'un stock de 2 millions d'euros l'année précédente ou si elle disposait d'un stock de 500 000 euros.

Ainsi la hausse de la quantité d'Information permet une meilleure compréhension de la situation, donc une meilleure analyse, donc de meilleures préconisations et in fine un meilleur pilotage de l'entreprise. La tentation du Contrôleur de Gestion est donc d'obtenir le maximum d'information et si possible sans discontinuité. Avant la deuxième moitié du XXème siècle, ce souhait est une utopie.

Mais toutes les Informations ne sont pas exploitables. Nous ne nous référons pas ici à l'intérêt de l'Information mais aux critères essentiels qu'elle doit posséder pour que le Contrôleur de Gestion ait le droit de l'utiliser.

Les trois critères sont :

- Fiabilité : L'Information doit être vérifiable. Si le module Warehouse

Management indique un stock de 1 million alors que la comptabilité indique un stock de 500 000 euros, aucune de ses deux informations ne peut être considérée comme fiable tant qu'elle n'aura pas été vérifiée et confrontée. Si l'on ne peut ni accéder à l'entrepôt, ni avoir accès aux opérations comptables enregistrées alors l'information n'est pas fiable et ne peut être utilisée. L'Information doit pouvoir être constatée sans contestation.

- Accessibilité : Si l'information n'est plus accessible alors on ne peut pas

l'exploiter. Le responsable du magasin avait montré les documents qui prouvaient que

le stock était de 1 million d'euros au comptable mais a perdu ces documents. Une Information non accessible ne doit pas ou plus être exploitée.

- Signature : Une Information doit être tracée, on doit connaître son

émetteur. Une Information dont on ne peut garantir la source n'est pas une donnée exploitable.

Attention, la réunification de ces trois critères permet l'exploitation

d'une Information mais elle ne garantit pas sa véracité.

Afin de respecter ces trois critères, le Contrôleur de Gestion doit mettre en place une organisation que l'on nomme un Système d'Information. Bien qu'aujourd'hui quasi exclusivement compris dans son acceptation informatique, un Système d'Information peut être d'autres natures. Nous pouvons citer le plus grand marché aux fleurs à Aalsmeer aux Pays-Bas32 (990 000m2, le deuxième plus grand bâtiment au monde pour sa surface au sol), les adjudications se font via un système d'enchères dites « hollandaises », il s'agit d'enchères inversées, où le prix annoncé au départ est très élevé puis diminue très rapidement, jusqu'à ce qu'un acheteur se manifeste33. Ce système d'Information sur le prix existe depuis plus d'un siècle et à ses débuts, il n'était pas informatisé. Ce système permettait la transmission d'une Information fiable, accessible et tracée.

3 / Les sources d'Information

Les sources d'information sont multiples et diverses mais nous pouvons les scinder en deux grandes catégories selon un critère simple : interne ou externe.

32 https://www.francetvinfo.fr/decouverte/au-plus-grand-marche-aux-fleurs-du-monde_872481.html

33 CESSOU S. (31 décembre 2007), Journal Libération

Interne

- La Comptabilité permet l'enregistrement des flux financiers de

l'entreprise. Dans la majorité des entreprises, il s'agit de la source principale du Contrôle de Gestion.

- Les Ressources Humaines doivent garantir un capital humain suffisant,

qualifié et motivé dans le respect du code du travail. Elles sont une source d'Information quantitative mais aussi qualitative. Le Contrôle de Gestion Social se développe dans les grandes structures. Celui-ci se concentre sur la performance du personnel de l'entreprise et non sur les autres aspects (matières premières, machines, ...)34.

- L'Administration des Ventes, ce service regroupe le plus souvent les

services commerciaux, l'approvisionnement, la distribution et parfois la facturation. Il est l'intermédiaire entre l'entreprise et le client. Il dispose de nombreuses données parfois non formalisées (arrangement verbal avec un client, ...).

- La Production, particulièrement dans le milieu industriel, les apports de

la Production Assistée par Ordinateur (PAO) ont permis une collecte d'information toujours croissante. Déjà auparavant, c'est auprès de la Production que le Contrôleur de Gestion devait s'informer puisque son objectif initial était une recherche de productivité industrielle.

- La Maintenance est le service le mieux placé pour connaître l'état réel

d'obsolescence des machines et estimer au mieux les risques de pertes de performance liées.

- La Direction est la partie prenante ayant les informations relatives aux

choix stratégiques ou tactiques qui ont été réalisés ou qui sont projetés.

Bien que cela semble une évidence, il est obligatoire de rappeler que le Contrôleur de Gestion doit être en relation avec tous les services de l'entreprise.

34 MARTORY B. (1999), Contrôle de gestion Sociale, Vuibert

L'Information est partout et le Contrôleur de Gestion doit s'assurer de bénéficier du maximum d'Information pertinentes.

Externe

- Les partenaires de l'entreprise : les clients, les fournisseurs, les sous-

traitants, les partenaires financiers, ... Toutes ces parties prenantes bénéficient d'Information sur l'entreprise et bien que cela demande plus d'énergie, la mise en place d'une remontée d'information depuis ces partenaires est une source précieuse : questionnaire de satisfaction, réunion annuelle de point d'étape, etc. Les commissaires aux comptes y ont recours pour leurs circularisations35.

- Les institutions publiques et privées : chambres de commerce,

préfectures, syndicats, organisations non gouvernementales, associations, ... Ces institutions sont en recherche permanente de partenariats. Elles mènent des études dont elles sont prêtes à partager les résultats36.

- Les professionnels de l'information : consultants, bases de données

payantes, médias, ... Les entreprises de taille importante ont souvent recours à ces professionnels mais rarement dans le cadre de leur Contrôle de Gestion.

4 / Les Moyens d'Information

Nous essaierons ici d'avoir une vision plus pragmatique que celle de SHANNON C. en évoquant les moyens d'Information avec une notion plus large que celles de canaux d'information.

Au XXIème siècle, l'Entreprise Ressource Planning (ERP) est devenu le moyen d'Information majeur (et malheureusement parfois exclusif) du Contrôleur de

35 Arrêté du 22 décembre 2006 publié au Journal Officiel n°302 du 30 décembre 2006, Normes d'exercice professionnel N°505

36 https://www.cci.fr/web/nos-metiers-nos-missions/nos-services-aux-entreprises/-/article/La+formation

Gestion. Mais avant de nous attarder sur ce média, je souhaite faire un bref récapitulatif non exhaustif des autres moyens existants.

La fiche de relevés de mesure à remplir : le Contrôleur de Gestion ayant identifié une information qui lui manque et souhaitant disposer de plus d'éléments peut créer des fiches de relevés sur lesquelles les opérateurs en charge de l'action viendront noter les valeurs. Par exemple, le nombre de rebut par jour pour un conducteur de ligne, le nombre de salariés absents par jour pour maladie pour la responsable paie, le nombre d'heures d'arrêt machine pour le technicien de maintenance. Cet outil est parfois mal perçu par les opérateurs car il vient se rajouter au travail habituel. De plus l'opérateur ne perçoit pas toujours la finalité de la mesure et prend cela comme une opération de surveillance et (parfois à raison) comme une mesure de sa performance.

Les échanges oraux : trop souvent négligés, les échanges permettent au Contrôleur de Gestion de comprendre le travail de son interlocuteur, de mieux apprécier la complexité de certaines interactions. Mais surtout, cela lui offre l'occasion d'expliquer son action et son intérêt pour l'entreprise et ainsi espérer une meilleure implication et coopération de ses collègues. OLIVARES F., ancien Directeur du Contrôle de Gestion chez LAFARGE, déclarait « Inutile de passer des journées dans son bureau à s'imaginer des tas de choses. Pour comprendre, il n'y a que deux choses à faire : voir sur le terrain ce qui s'y passe véritablement et en parler avec les opérationnels »37.

Ainsi on arrive au troisième point qui est le constat : Le Contrôleur de Gestion doit aussi se déplacer sur le terrain et observer, vérifier que les Informations qui lui parviennent sont cohérentes avec ses observations. Si l'opérateur déclare 0% de rebut mais que les stocks indiquent une surconsommation de matières premières alors le Contrôleur de Gestion devra réaliser des observations in situ.

L'objectif n'est pas de dresser une liste à la Prévert mais uniquement de pointer qu'avant l'informatisation de tous les process, le Contrôleur de Gestion disposait déjà de nombreux outils pour collecter de l'Information.

37 MARTIN.F (2021), Étude Contrôleur de Gestion, Hudson

Pour conclure sur ce chapitre des moyens d'Information, les progiciels intégrés ont toute leur place. La Révolution Informatique des dernières décennies a permis une hausse exponentielle des capacités de calculs et de stockage pour un coût décroissant. L'enregistrement toujours plus précis de chaque tâche, de chaque élément a ouvert des possibilités vertigineuses pour le Contrôle de Gestion. Une Information toujours plus fiable car recroisée à plusieurs éléments et une source garantie (puisque toute saisie dans le système enregistre le moment exact et l'identité de l'opérateur) et une accessibilité parfaitement encadrée et continue, l'ensemble de ces éléments ont radicalement modifié la transmission de l'Information auprès du Contrôle de Gestion.

Le métier de Contrôleur de Gestion dans les années 1970, reposait sur la capacité du contrôleur à produire des analyses et recommandations utiles et pertinentes à partir d'une Information initiale limitée. Aujourd'hui il s'agit de faire le tri entre l'utile et le superflu dans ce brouillard informationnel38.

5 / Information numérique : de la rareté à l'abondance

MOORE G., un des trois fondateurs d'INTEL édicte une conjecture en 1965, vulgarisée depuis sous le nom de « Loi de Moore »39, le doublement tous les deux ans de la complexité des semi-conducteurs. Pour simplifier, cela équivaut au doublement des capacités de calculs des processeurs. Cette loi s'est parfaitement vérifiée entre 1970 et le début des années 2010.

38 SHENK D. (1997), Data SMOG Surviving the Information Glut, Harper Collins

39 MOORE G. (1965), Cramming More Components Onto Integrated Circuits, Electronics, vol. 38,

40

Le doublement des capacités de calculs tous les deux ans, se traduit par une explosion du nombre d'Information disponible pour le Contrôleur de Gestion. Ainsi augmentent en parallèle les données produites et conservées et les capacités de calculs pour les traiter.

Une étude publiée en 2014 indiquait que le volume annuel mondial de données produites doublait tous les 2 ans41. L'estimation d'IBM donnait des résultats plus vertigineux en estimant en 2013 que 90% des datas mondiales avaient été créées au cours des deux dernières années42. Cette hausse exponentielle, à la fois de la quantité d'information disponible et des capacités de traitement de cette dernière se retrouve souvent sous le terme de Révolution Informatique.

Le rêve d'automatisation de l'Information est né avec l'Informatique, un néologisme crée en 1962 par DREYFUS P. (1925 - 2018), Directeur chez BULL, lors de la création de son entreprise « Société d'Informatique Appliquée ». L'Informatique a pour origine la contraction de deux mots : Information et Automatique, mais nous verrons plus loin que ce néologisme a probablement été emprunté au voisin germanique.

40 PAPON P. (2017), La Loi de Moore anticipe l'avenir électronique, FUTURIBLES N°417

41 Cabinet Mc KINSEY (2014): Accélérer la mutation numérique des entreprises : un gisement de croissance et de compétitivité pour la France

42 JACOBSON R. (2013) : 2,5 quintillion bytes of data created every day, IBM Industry Insight

C / La Révolution Informatique

« Ce ne sont point les hommes qui mènent la Révolution, c'est la
Révolution qui emploie les hommes »43

Dans ce chapitre, nous verrons dans un premier temps la définition et surtout la contextualisation historique de la Révolution Informatique. Nous y détaillerons les différentes Révolutions des systèmes de production au cours des derniers siècles en expliquant pourquoi la Révolution Informatique peut être vue comme la troisième en raison des bouleversements profonds qu'elle a engendré dans l'organisation des cycles de production.

Qu'est ce qui a précédé l'informatique dans les entreprises ? Nous étudierons ce qu'est la mécanographie et ce qui l'a précédée. Quelles sont les inventions décisives de l'avènement de l'automatisation. Comment la seconde guerre mondiale a joué un rôle décisif dans la recherche et les innovations.

Quel est ce lien, quasi filial entre la mécanographie et l'Informatique ? Comment l'Informatique s'est-elle répandue au sein des entreprises puis dans tous les domaines de la vie courante ? À partir d'exemples concrets nous essaierons de visualiser les progrès de l'Informatique au cours de cette période.

43 De MAISTRE J. (1753-1821)

1 / Définition et contextualisation

L'Histoire a nommé « Révolution Agricole » la modification profonde des systèmes de production agraire (bien que certains spécialistes la divise en six phases distinctes et une septième à venir44). La Révolution Agricole du XVIIIème siècle est la plus marquante car c'est celle qui permet l'avènement de la « Révolution Industrielle » et fait basculer les fondements de l'économie de l'agriculture vers l'industrie.

La concomitance de plusieurs découvertes majeures (machine à vapeur, métier à tisser, progrès en métallurgie, engrais ...) engendre le début de l'exode rural et draine une main d'oeuvre abondante dans les centres urbains. Les manières de produire évoluent si radicalement en une cinquantaine d'année, que ce phénomène sera nommé en 1937 par BLANQUI A. (1798-1854), économiste français, la « Révolution Industrielle »45. L'artisanat et l'agricole s'effacent au profit de l'industrie et du commercial.

La Révolution Industrielle initiée au XVIIIème siècle en Angleterre, connait une seconde phase à partir de 1870. Selon SCHUMPETER J. (1883-1950), économiste étatsunien, on voit apparaitre des « grappes d'innovations »46. Des découvertes en entraînent d'autres et ainsi de suite. Chaque domaine bénéficie des progrès des autres. À cette période les énergies disponibles et maitrisées croissent (gaz, électricité, pétrole, charbon, ...), les progrès en chimie sont conséquents, l'automobile fait son apparition, les grandes usines sur le modèle tayloriste se développent.

La Révolution Agricole a été beaucoup étudiée, analysée et documentée et il en va de même de la Révolution Industrielle dans les deux phases distinctes qu'elle a connues. Dans les deux cas le terme de Révolution fut employé pour décrire le changement profond et radical de production. Le déversement intersectoriel des

44 GRIFFON M. (2013), Vers une septième révolution agricole, Revue Projet, no 332

45 BLANQUI A. (1937), Histoire d'économie politique en Europe, depuis les anciens jusqu'à nos jours, Guillaumin

46 SCHUMPETER J. (1911), Théorie de l'évolution économique : recherches sur le profit, le crédit, l'intérêt et le cycle de la conjoncture, Dalloz

travailleurs y est clairement établi. En revanche, le passage d'un modèle de production basé sur l'Industrie aux modèles économiques actuels basés sur les activités de services fait moins consensus. Pourtant personne ne remet en question la véracité des bouleversements des méthodes de production depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de même que le basculement d'économies basées sur l'industrie vers des économies de services. Cette période est pourtant assimilable à une « Révolution Informatique », comme le précise CARON F. (1931-2014), Historien économique, lorsqu'il écrit « Depuis le XVIIIe siècle, l'Occident vit au rythme des avancées technologiques : mécanisation, industrialisation et révolution informatique » 47

Si nous devions identifier une troisième révolution dans les systèmes de production, ce serait celle qui a vu l'Informatique se rependre à toutes les strates de la production. Nous pouvons situer son apparition vers les années 1960 - 1970. L'électronique via les transistors et microprocesseurs mais surtout leurs miniaturisations offrent de nouvelles potentialités. L'automatisation du processus de fabrication s'accroît. Les tâches les plus répétitives sont robotisées.

Il ne serait pas équitable de ne pas souligner que certains penseurs ne considèrent pas le développement de l'Informatique comme une révolution économique. En 1987, le prix Nobel d'économie SOLOW R. déclarait : « Nous voyons des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques liées à la productivité »48.

De nombreux ouvrages parlent d'une « Quatrième révolution Industrielle »49 qui serait une révolution numérique. Bien qu'elle ne soit pas notre sujet d'étude, elle ouvre de très nombreuses questions sur les futures méthodes de production mais elle confirme surtout l'existence de cette troisième révolution qu'est l'Informatique.

Si nous devions retenir un fait générateur de la « Révolution Informatique » ce serait la création par Intel en 1971 du microprocesseur. Les progrès des télécommunications ont permis une nouvelle organisation moins verticale de la production. La sous-traitance et la délocalisation prennent leur essor dans ce contexte. Ainsi elle a accompagné le phénomène de mondialisation dans un premier temps puis de globalisation à terme. CUILLERAI M., philosophe et directrice du laboratoire de

47 CARON F. (1997), Les deux révolutions industrielles du XXème siècle, Albin Michel

48 MICHEL D. (2003), Le Paradoxe de Solow, journal L'EXPRESS L'ENTRPRISE

49 SCHWAB K. (2017), La quatrième révolution Industrielle, Dunod

changement social et politique écrit : « La révolution de l'informatique est au coeur d'un processus que le terme américain de «globalisation», (...) rend plus explicite, et par là même plus réducteur que la traduction et l'usage faits en français du terme mondialisation »50

Cette informatisation ne s'est pas limitée aux acteurs de la production des biens et services, elle s'est généralisée chez les particuliers également. IBM lance en 1980 le premier ordinateur individuel. Les ordinateurs d'aujourd'hui fonctionnent sur le même modèle que les ordinateurs des années 1980. Les principaux changements sont une diminution de leur taille, une hausse extraordinaire de leur puissance de calcul, une augmentation de leur capacité de stockage et une réduction de leur coût. Nous sommes donc aujourd'hui toujours dans cette même phase.

2 / Histoire pré mécanographique

En 1957, STEINBUCH K. (1917 - 2005), ingénieur allemand, est le premier à utiliser le terme « Informatik » lors des cours qu'il donne51. Le terme est repris en français par Philippe DREYFUS en 1962 lors de la fondation de la « Société d'Informatique Appliquée »et la paternité lui sera conservée en France.

Mais bien que le terme soit apparu au début de la seconde moitié du XXème siècle, son apparition historique réelle peut être considérée comme plus ancienne. En recherche fondamentale, le développement informatique est lié aux algorithmes mathématiques. Le mathématicien AL-KHWARIZMI (env 780 - env 850) (dont la latinisation du nom donnera le mot « algorithme »), en pose les bases et définitions52. Un algorithme est une suite finie et ordonnée d'opérations ou d'instructions non ambiguës permettant de résoudre un type de problème. Par exemple le Rubik's Cube est solutionnable par un algorithme. Il suffit de suivre une suite d'opérations préétablies

50 CUILLERAI M. (2001), Mondialisation, Le Télémaque N°19

51 STEINBUCH K (1957) : Informatik: Automatische Informationsverarbeitung Berlin: SEG-Nachrichten

52 ALLARD A. (1992) : Muhammad ibn Mûsâ al-Khwârizmî, Le calcul indien (algorismus). Histoire des textes, édition critique, traduction et commentaire, Blanchard

et cela sans tenir compte de la position de départ du cube. Les résultats affichés par Google lors d'une recherche sont le résultat d'un algorithme appelé PageRank53.

Les ordinateurs ne sont en réalité que de gigantesques machines à calculer qui réalisent des opérations préprogrammées par des algorithmes. L'histoire de l'Informatique s'apparente donc à l'histoire du calcul. Nous ne remonterons pas jusqu'aux cailloux grecs mais certaines inventions ont toute leur place ici.

La réalisation d'automates ou de systèmes artificiels autonomes qui s'animent n'est pas récent. Dès le XVIème siècle, DE VINCI L. (1452 -1519) s'y essaie avec un chevalier et un lion5455. Mais l'invention qui est le plus souvent citée est la Pascaline. En 1645, PASCAL B (1623 - 1662), mathématicien et philosophe, alors âgé de 22 ans seulement, présente sa « Machine d'Arithmétique » qui réalise mécaniquement des additions, des soustractions et des multiplications.

Autre réalisation majeure, le ruban perforé (ancêtre de la carte perforée) mis au point par BOUCHON B. (inconnue - inconnue) en 1725 pour le métier à tisser. Ce ruban perforé permet de donner des instructions à l'appareil qui adapte son processus en fonction des informations contenues sur le ruban. L'usage encore actuel le plus connu du grand public de cette invention sont les orgues de barbaries. La carte perforée fait jouer une note à l'appareil. Les cartes perforées permettent la reconstitution des mélodies. Nous avons ici les bases de la programmation. L'humain n'apportant dans ce cas que l'énergie avec ses mouvements de bras et le rythme de la mélodie en fonction de sa vitesse d'exécution.

L'invention majeure qui en découlera est le « Métier à tisser » de JACQUARD JM. (1752 - 1834), inventeur français, en 1801. La machine utilise des cartes perforées dont les trous renseignent sur le motif de tissage à réaliser (fleur, feuille, ...). Il s'agit de la première machine programmable car les possibilités de la machine changent lorsque l'on modifie son programme (la carte perforée dans ce cas).

Dès le XVIIIème siècle, entre les besoins en tables trigonométriques et logarithmiques qui ne cessent de croître (Cadastre, Artillerie, Astronomie, Navigation,

53 BRIN S. et PAGE L. (1998) : The anatomy of a large-scale hypertextual Web search engine, Stanford University

54 DE VINCI L. (1503 - 1505), Codex Madrid

55 DE VINCI L. (1478 - 1518), Codex Atlanticus

...) et l'essor des mathématiques savantes (calculs d'intégrales, calculs différentiels, ...), des problèmes de ressources pour la réalisation des nombreux calculs se posent. Les multiplications et les divisions sont rendues extrêmement difficiles par les systèmes non décimaux utilisés à travers l'Europe (pieds, pintes, coudées, ...).

BABBAGE C. (1791-1871), est un mathématicien anglais souvent considéré comme le père de l'Informatique. En 1819 il rend visite au Baron de Prony à Paris et est surpris par l'ampleur des opérations répétitives nécessaires à la réalisation des tables et surtout les erreurs qu'elles comprennent56. Il a alors l'idée de créer une « Machine à calculer » qui effectuerait automatiquement ces calculs. En 1820, il conçoit sa « Machine à différence » qui est une machine à calculer en fonctions des différences finies. Son idée géniale est d'avoir associer la « Pascaline » et les cartes perforées des machines à tisser (Jacquard)57. Cette machine permettait de calculer et imprimer des tables nautiques, mathématiques et astronomiques précises et fiables.

3 / Mécanographie

Le Larousse définit la mécanographie comme une « Méthode de dépouillement, de tri ou d'établissement de documents administratifs, comptables ou commerciaux, fondée sur l'utilisation de machines traitant mécaniquement des cartes perforées ». La mécanographie à cartes perforées s'est développée de 1890 à 1960, elle peut être considérée comme l'ancêtre direct de l'Informatique58. L'élément de différenciation majeur tient au fait que la mécanographie est basée sur la mécanique ou l'électromécanique, c'est le déplacement de pièces (comme les pistons dans un moteur de voiture) qui permet d'obtenir un résultat (une poussée ou une traction). L'informatique se base sur l'électronique.

56 DURAND-RICHARD MJ. (2010), Le regard français de Charles Babbage (1791-1871) sur le « déclin de la science en Angleterre », Document pour l'Histoire des Techniques

57 LIGONNIÈRE R (1987), Préhistoire et histoire des ordinateurs - Laffont

58 POULAIN P. (1968), Éléments fondamentaux de l'Informatique - Équipements mécanographique à cartes perforées, Dunod

L'année 1890 est souvent retenue comme début de la mécanographie à carte perforée car elle fut utilisée pour la première fois à grande échelle pour le recensement des étatsuniens59. HOLLERITH H. (1860 - 1929) créa un système de traitement de cartes perforées qui permettait d'accélérer de manière très significative le dépouillement des résultats. Ces premières machines furent appelées des « Machines à statistiques », puis des « Tabulatrices ».

Au début du XXème siècle, ces machines se développent et connaissent de nouvelles applications. Facturations, payes, gestions de stocks, comptabilité, tenue de comptes bancaires, ... A partir des années 1920 ces machines sont reliées à des imprimantes, il n'est plus nécessaire de noter les résultats à la main.

La perforation des cartes auparavant manuelle, s'automatise également avec un système qui relie des claviers à des perforatrices automatiques. Il ne faut pas sous-estimer la pénibilité de l'utilisation de ces machines (bruit, poids, pannes, ...). Leur usage est long et pénible.

La mécanographie arrive au même moment que l'organisation scientifique du travail et ce n'est pas un hasard. La machine a rencontré un réel succès dans un premier temps dans les sociétés d'assurances (car elles sont des grandes consommatrices de calcul pour l'actuariat) puis progressivement, par l'ensemble des industries. Les entreprises grossissent et les besoins en calculs pour le suivi des stocks, des maintenances augmentent. La mécanographie répond à ce besoin.

En plus des limites de la mécanographie évoquées plus haut, l'un des principaux défauts de ce système est dans la nature même de son fonctionnement, à savoir le traitement par cartes perforées. La machine ne peut pas « mémoriser » le résultat de la précédente carte, pour l'utiliser sur la suivante. L'apparition des bandes magnétiques palliera partiellement ce défaut.

La filiation entre la mécanographie et l'informatique est confirmée par l'évolution des plus grosses sociétés de mécanographie. Aux États-Unis, la société HOLLERITH leader des mécanographes devient en 1924 IBM. Le premier constructeur européen est norvégien et s'appelle BULL.60

59 POUGET A. (2013), Le Grand Livre des Pourquoi, Cherche Midi

60 ROCHAIN S. (2016), De la mécanographie à l'informatique, 50 ans d'évolution, Istes

Les pièces mécaniques en mouvement nécessitent des entretiens et réparations fréquentes, les mécanographes sont volumineux. Des progrès sont réalisés sur leur miniaturisation mais elle touche vite sa limite. Une brève a parte, pour souligner que les nanotechnologies relancent la mécanographie au point que certains évoquent une « Révolution Nanotechnologique »61

TURING A. (1912 - 1954), mathématicien et cryptologue britannique, célèbre pour avoir permis de casser le code d'ENIGMA, publie en 1936 un article majeur dans l'histoire de la science informatique. Il jette les bases de l'ordinateur programmable et de la programmation, sa « Machine de Turing » a le potentiel pour être le premier calculateur universel programmable62.

4 / L'informatique comme post mécanographie.

En 1946, ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer) est le premier ordinateur au monde car il ne contient pas de pièces mécaniques. Il est installé sur 160 mètres carrés à l'université de Pennsylvanie, pèse 30 tonnes et est capable de calculer 5 000 additions par secondes63. La recherche sur les ordinateurs a fait de grand progrès lors de la seconde guerre mondiale en raison de la course à l'armement et des besoins en calculs. Ceux-ci se poursuivront avec la guerre froide car la course à l'armement est une course à la technologie et ces domaines nécessitent toujours plus de calculs (trajectoires de missiles balistiques, etc)64.

En 1958, KILBY J. (1923 - 2005), employé chez Texas Instrument, crée le premier circuit intégré (composant qui permet d'effectuer plusieurs opérations complexes à partir d'un petit support de silicium). Cette invention lui vaudra un prix Nobel de Physique en 200065. L'invention du Modem est plus ardue à dater car son usage fut d'abord militaire et tenu secret dans les années 1950 par la US ARMY. Un

61 JUPILLE J. et KHALATBARI A. (2018), La Nanorévolution, QUAE

62 TURING A. (1937), On Computable Numbers, with an Application to the Entscheidungsproblem, London Mathematical Society

63 Mc CARTNEY S. (2001), ENIAC: The Triumphs and Tragedies of the World's First Computer, Berkley Publishing Group

64 http://www.feb-patrimoine.com/histoire/english/information_technology/information_technology_2.htm

65 https://www.nouvelobs.com/monde/20001010.OBS8065/les-prix-nobel-de-physique-et-chimie-2000.html

Modem transforme un signal numérique binaire (donc d'ordinateur) en un signal analogique (et inversement), d'où son nom de modulateur - démodulateur. Le logo de VAIO, la marque d'ordinateurs portables est d'ailleurs un merveilleux hommage à ce passage de l'analogique au numérique. Ce sont les inventions du modem et du circuit intégré qui permettront l'apparition d'Internet quelques décennies après.

En 1959, IBM met sur le marché un « electronic computer » qui assure les fonctions de tabulatrice, trieuse, interclasseuse, ... Alors qu'auparavant il fallait autant de mécanographes que de tâches.

Dans les années 1960, la miniaturisation et le développement des langages de programmation permettent de nouvelles applications et surtout la réduction des coûts. L'ordinateur devient plus accessible, les entreprises vont donc en acheter toujours plus et son usage va se diversifier.

Dans les années 1970 apparaît le vidéo ludisme. Pour la seconde fois, l'Informatique n'est pas uniquement considérée comme un outil de production, elle est vue comme une source de distraction. La première fois, ce fut dans le domaine de l'art avec Vera MOLNAR qui réalise les premières oeuvres à partir d'ordinateurs. Le jeu PONG est commercialisé en 1972 par Alan ALCORN

Les années 1980 voient l'apparition de la bureautique. Des employés non informaticiens commencent à utiliser des ordinateurs pour effectuer les mêmes tâches qu'auparavant. La machine à écrire tend à disparaître, remplacée par des logiciels de traitement de texte qui bouleversent le secrétariat et permettent des gains de temps conséquents. Il est désormais possible pour un devis de ne modifier que quelques éléments de la trame de base. Le tableur fait gagner en temps et en fiabilité dans les cabinets comptables. Les gains et apports sur cette période sont trop nombreux pour pouvoir être tous détaillés : l'impression, la souris, l'interconnexion, les sauvegardes de données, ...

Ces bouleversements en quelques décennies accompagnent parfaitement le passage d'économies industrielles basées sur la production de biens à des économies de services basées sur la production de services.

En un demi-siècle, les entreprises ont toutes eu l'obligation d'embrasser la Révolution Informatique pour survivre. Cela leur a permis d'optimiser leurs processus,

de rationaliser leurs organisations, de fiabiliser leurs données et leur traitement. L'Information est devenue moins coûteuse à collecter, à stocker, à analyser et plus facilement traçable. Des postes de Direction des Services Informatiques se sont créés.

Afin de mieux appréhender cette évolution, voici quelques chiffres que j'ai souhaité retenir afin de comprendre le bouleversement profond induit par l'Informatique :

- Il faut environ 5 minutes à un étudiant pour faire à la main une multiplication de deux termes à 10 chiffres. Il faut un milliardième de seconde à un ordinateur.

- Une recherche informatique sur Google prend en moyenne un demi seconde et nécessite autant de calculs que l'ensemble des opérations nécessaires aux missions Apollo sur les 11 années du programme.

- Le transistor inventé dans les laboratoires de BELL en 1947 faisait la taille d'une ampoule (et leur valut un prix Nobel de physique en 1956). Aujourd'hui, les transistors les plus petits au monde font 7 nanomètres (7x10-9 mètres).

- En 1890, on pouvait stocker 80 bits (unités d'informations) sur une carte perforée, en 1928 la bande magnétique permettait le stockage de 400 bits, en 1970 800 bits sur un disque souple de la taille d'une pizza, en 1980 sur les grandes disquettes 9600 bits, en 1990 le compact disc 4 800 000 bits, en 2000 une clé USB permet le stockage de 256 millions de bits, en 2017 les disques durs externes permettent de stocker 8 000 milliards de bits.

Parler d'ordinateurs n'a presque plus de sens aujourd'hui sachant qu'un téléphone portable à plus de puissance de calculs et de capacité de stockage qu'un ordinateur d'il y a 10 ans. Dans l'entreprise, les salariés se connectent via des interfaces mais les calculs et le stockage sont réalisés sur des serveurs qui peuvent être à des milliers de kilomètres de l'utilisateur.

Mais la Révolution Informatique semble marquer le pas. La loi de Moore n'est plus respectée depuis le début des années 2010, les investissements pour

augmenter les capacités de calculs sont trop importants pour le gain espéré. Les entreprises ont suivi cette Révolution en adaptant toutes leurs chaînes de fonctionnement. Les ERP ont pris une place centrale. On peut néanmoins s'interroger sur les futures évolutions informatiques à venir.

5 / Quel avenir pour l'Informatique ?

La Révolution Numérique et celle des moyens de communication est en cours mais la prochaine révolution ne serait-elle pas celle de l'Intelligence Artificielle comme le pense certains auteurs66 ?

Le Larousse définit l'Intelligence Artificielle par « l'ensemble de théories et de techniques mises en oeuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine ».

Son aboutissement peut paraître illusoire mais force est de constater les progrès réalisés. L'idée de cette section n'est pas de débattre des idées de TURING A. sur les possibilités de conscience de la machine mais de se concentrer sur la possibilité pour un système d'apprendre par lui-même et donc de pouvoir à terme mener un raisonnement non programmé. Ainsi dans son rapport de 2019 intitulé Intelligence Artificielle - État de l'Art et perspectives pour la France, le PIPAME67 écrit que l'Intelligence Artificielle a trois catégories de tâches cognitives à reproduire pour être considérée comme telle :

1 Perception de l'environnement

2 Compréhension de la situation

3 Prise de décision par l'Intelligence Artificielle.

Des faits marquants de l'actualité plus ou moins récente viennent forcément à l'esprit : Deep Blue bat Kasparov aux échecs en 1997 (bien que nous ne soyons pas

66 SELLE G. (2019), Intelligence Artificielle : L'ultime Révolution vers la prospérité ou l'extinction, Indépendant

67 Pôle Interministériel de Prospective et d'Anticipation des Mutations Économiques

dans un cas d'intelligence artificielle), la victoire d'Alpha go sur Ke Jie au jeu de Go en 2017 et le succès de Libratus au Poker.68 En janvier 2018 un logiciel développé par Alibaba et Microsoft a réussi la performance de battre des humains dans une compréhension de texte69.

Sans vouloir rentrer dans les débats liés à la faisabilité, le Contrôle de Gestion ne pourra pas faire l'impasse de la réflexion sur cet apport pour l'entreprise et la manière d'intégrer ces nouvelles technologies dans son organisation.

Après cette phase descriptive du Contrôle de Gestion, de l'Information et de la Révolution Informatique, concentrons-nous sur les impacts de la Révolution Informatique sur le Contrôle de Gestion.

68 PLASSE F. (2019), Après deep Blue et Alpha Go, Google repousse les frontières de l'Intelligence Artificielle, HBR France

69 FENNER R (2018), Alibaba's AI outguns Humans in reading test, Bloomberg

Partie II : Les impacts de la Révolution
Informatique sur le Contrôle de gestion

« Les ordinateurs sont inutiles.

Ils ne savent que donner des réponses »70

La Révolution Informatique de la seconde moitié du XXème siècle a profondément impacté les entreprises dans leur organisation et leur processus de fabrication. Le métier de Contrôleur de Gestion nouvellement apparu n'a eu d'autres choix que de s'adapter.

Nous essaierons d'éclairer plusieurs interrogations. Quel fut l'impact général de la Révolution Informatique sur les entreprises et leurs organisations ? Quels furent les emplois les plus impactés ?

Dans un deuxième chapitre, nous listerons les impacts positifs de cette Révolution Informatique sur les métiers du Contrôle de Gestion en distinguant les impacts sur l'Information, sa collecte et son traitement.

Ensuite, nous nous attarderons sur le revers de la médaille et analyserons les impacts négatifs de la Révolution Informatique sur le Contrôle de Gestion. Quels sont les risques et les menaces liés à l'Informatique ? Sont-ils tous maîtrisables ?

Enfin dans un dernier chapitre, nous envisagerons l'avenir du métier face aux autres Révolutions à venir. Nous nous interrogerons sur la place du Contrôleur de Gestion dans les nouvelles organisations de travail, sur sa fonction, son rôle et son devenir.

70 PICASSO P (1881 - 1973)

A / Les Impacts de la Révolution Informatique

sur les entreprises

« Les gagnants seront ceux qui restructurent la manière dont
l'information circule dans leur entreprise »71

La seconde moitié du XXème siècle voit la Révolution Information naître en même temps que les besoins de reconstruction de l'Europe génèrent une demande mondiale largement supérieure à l'offre.

La vision schumpetérienne de la « destruction créatrice » peut être vue par le prisme des métiers qui ont disparu et de ceux qui sont apparus. Bien que de tout temps des métiers aient disparu, cette tendance s'est accentuée pendant cette période. Plusieurs données chiffrées appuient cette transformation et c'est à ce moment que le métier de Contrôleur de Gestion se développe et se répand.

Les entreprises se réorganisent grâce à l'Informatique, elles adaptent leur process organisationnel. Nous insisterons sur le MRP (Management Ressource Planning) et son essor grâce aux progiciels de gestion intégrés.

Dans un troisième temps nous nous s'attarderons sur l'accélération des apparitions d'innovations disruptives et la difficulté pour les entreprises de s'adapter à ce perpétuel changement.

Enfin nous verrons en quoi l'essor de l'informatique a permis la mise en place de nouveaux types d'organisations comme le Toyotisme, le Kanban, ...

71 HENRY W., dit GATES B. (1955 - )

1 / Disparition d'anciens métiers et apparition de nouveaux

SCHUMPETER J. (1883 - 1950), économiste autrichien naturalisé étatsunien, popularise la définition des processus économiques comme une « destruction créatrice »72 pour définir la croissance. Dans cette vision, l'innovation permet à de nouveaux acteurs de s'imposer au détriment d'anciens qui disparaissent. Ainsi l'innovation va entraîner la disparation de certains acteurs et l'apparition de nouveaux et une analogie est possible avec les métiers.

NINTENDO développe dans les années 1990 en partenariat avec SONY des consoles avec un support sur CD pour remplacer ses habituelles cartouches de jeu. Après quelques années de recherche et développement, NINTENDO décide de se retirer du projet. SONY continue seul et sort la Playstation. SONY devient le numéro 1 mondial des jeux-vidéos. KODAK a fait faillite en 2012 car elle n'a pas voulu voir venir la fin de l'argentique alors qu'elle possédait la majorité des brevets sur le numérique à la fin du XXème siècle. BLACKBERRY et les claviers physiques, NOKIA et son système d'exploitation « Symbian », ... La liste des entreprises ayant disparu ou raté la marche du progrès est sans fin.

Il en va de même pour les métiers. Les télégraphistes, les réveilleurs, les allumeurs de réverbères, les poinçonneurs, les livreurs de lait, les gardiens de phare, les cochers, ... sont autant d'exemples de ce phénomène. Ces cas prêtent souvent à sourire mais des métiers plus contemporains sont en train de disparaitre ou de se transformer. Il y a 40 ans tous les médecins avaient leur secrétaire médicale. Aujourd'hui, les cabinets sous-traitent la prise de rendez-vous. Les cochers ont été remplacés par les taxis, les taxis sont peut-être en train de disparaître au profit des VTC (véhicule de tourisme avec Chauffeur), qui seront eux-mêmes substitués par des véhicules autonomes.

La disparition de chacun de ces métiers est liée à une innovation : électrification, automobile, distribution et consommation de masse, ... Si la liste des

72 SCHUMPETER J., (1942), « Capitalisme, Socialisme et Démocratie », Harper Perrenial

métiers qui ont disparu ou sont menacés de disparition est aisée à établir et ne souffre que de peu de contestation73, la liste des métiers qui demeureront et surtout ceux qui se développeront ou apparaîtront est plus difficile à énoncer.

Selon le classement de juin 2019 établi par PIPLER YATEDO74, les trois métiers les plus en tensions (offres d'emploi très supérieures au nombre de candidats) sont :

1 Data Analyste

2 Ingénieur en cybersécurité

3 Développeur Web

Il est mal aisé à la suite de ce résultat de remettre en cause la profonde mutation dans le marché de l'emploi des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).

LA DARES (Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) chiffre à 150 000 le nombre de départs à la retraite qui seront remplacés entre 2012 et 2022 pour les cadres administratifs, comptables et financiers et 110 000 la création nette supplémentaire dans ce secteur75.

Le Contrôle de Gestion s'inscrira dans la même évolution. Les exigences en maitrise de l'Informatique vont croissantes. Il se peut aussi que les entreprises privilégient les fonctions d'encadrement à l'avenir dans leur service de Contrôle de Gestion, le Contrôleur pouvant être amené à manager les data analystes.

La concurrence toujours plus exacerbée et les environnements changeants poussent progressivement les entreprises à recruter des profils plus diplômés, mieux formés pour s'adapter. L'utilisation des nouveaux outils de l'Information n'est plus perçue comme un avantage concurrentiel mais comme un impératif, un « must have ».

73GRANIER R. (2000), Les Métiers disparus, Sud Ouest

74 https://www.hr-voice.com/communiques-presse/barometre-pipler-yatedo-les-profils-penuriques-en-france/2019/06/05/

75 ARGOUARC'H J (2015), Les métiers en 2022, Synthèse.Stats, DARES N°11

2 / De nouvelles manières de produire - MRP

À l'issue de la seconde guerre mondiale, les besoins de reconstruction de l'Europe financés par le plan MARSHAL permettent aux entreprises de se baser sur un modèle simple : Demande > Offre76. Ainsi il suffit de produire toujours plus pour croître. La concurrence ne se fait pas sur les prix mais sur la quantité. Ce modèle bénéficie pleinement de l'organisation Tayloriste.

L'apparition de l'Informatique couplée à cette demande mondiale en biens supérieure à l'offre, amène à l'avènement du MRP. Au milieu des années 1960 aux États-Unis, le « Materials Ressources Planning » que l'on peut traduire par « Planification des Ressources de Production » permet d'optimiser la planification de la production en fonction des ressources disponibles (main d'oeuvre, matières premières, temps machine, ...). Le MRP est considéré comme le précurseur des ERP (« Entreprise Ressource Planning ») traduit en français par Progiciel de Gestion Intégré. Si nous devions simplifier, le MRP serait un module de l'ERP, le module Production.

L'Informatique a permis l'essor du MRP en raison de la taille toujours grandissante des usines et des groupes. La demande mondiale augmentant, les entreprises nord-américaines exportent plus et grossissent. Leur gestion et la planification de leur production nécessitent toujours plus de moyens. L'informatique a apporté une solution nouvelle et efficace. Prenons l'exemple d'une entreprise qui fabrique 100 produits différents à base d'acier à travers 23 usines dans 12 états différents des États-Unis. Cette entreprise achète son acier. Pour connaître ses besoins, il fallait avant l'arrivée de l'informatique compiler manuellement dans chaque usine, puis transmettre au siège les quantités d'acier consommées afin que le siège puisse passer les commandes et réapprovisionner. Le nombre d'interventions humaines sur le processus de réapprovisionnement étant important, le risque d'erreur

76 (1993), Le Plan MARSHALL et le relèvement économique de l'Europe, Comité pour l'histoire économique

augmentait. Au début des années 70, grâce à l'informatique et au MRP, les calculs de besoin s'automatisent. Les gains de productivité et d'efficacité augmentent.

La concomitance de cette optimisation de la production avec le développement du métier de Contrôleur de Gestion n'est pas fortuite. Comme nous l'avons vu dans la partie I, c'est la base du métier de Contrôleur de Gestion de s'assurer de cette optimisation. Pendant cette période, c'est l'output (la production) qui est optimisé en fonction des ressources disponibles.

3 / Accélération des innovations

La conjecture de Moore s'est avérée exacte durant toute la deuxième moitié du XXème siècle. Les capacités de calcul des ordinateurs augmentent et leurs coûts diminuent. Les programmes informatiques se diversifient et les innovations associées s'accélèrent. Un des cas les plus représentatifs du paradigme technologique mouvant et changeant dans lequel se retrouvent les entreprises aujourd'hui est celui de DOW CHEMICAL COMPANY.

DOW CHEMICAL COMPANY est un acteur mondial majeur de la chimie avec 65 milliards de dollars de chiffre d'affaires. En 2007 il commence l'implémentation de SAP comme progiciel intégré. SAP est un progiciel majeur connu et reconnu. L'implémentation a pris 8 ans, couté 500 millions de dollars et finalement a été abandonné en 2015 car ne correspondait plus aux nouveaux besoins de l'entreprise qui venait de fusionner.

Les entreprises ont réussi à s'adapter aux évolutions informatiques du XXème siècle par obligation de survie. Le temps semble s'être accéléré. Les avantages acquis autrefois pouvaient se révéler durables et défendables77. Cela semble de moins en moins vrai. En 2004, le GPS (Global Positionning System) est commercialisé pour la première fois au grand public par la société TomTom GO. Il s'en vend 300 000 exemplaires aux États-Unis en 2004, 3 millions en 2006. Début 2010, la fonction GPS est intégrée dans les voitures et dans les smartphones. Les ventes de

77 PORTER M. (1985), L'Avantage Concurrentiel, Dunod

GPS indépendant (non intégré à un autre dispositif) s'effondrent, les acteurs sont obligés de se diversifier : Garmin vend plus de montres aujourd'hui que de GPS. Le cycle de vie du GPS autonome fut de moins de 10 ans.

Les exemples sont nombreux, baladeur MP3, achat de musique en ligne, abonnement télévisuel, ... Cette accélération du temps représente un risque de survie pour les entreprises et rendent plus aléatoires les gains liés à la recherche et développement et aux investissements. Elles se sont donc adaptées à ces changements jusque dans leur process de production

4 / Toyotisme et Kanban

L'inspiration nippone dans l'organisation du travail remonte au milieu des années 1960. La volonté permanente d'optimisation pousse les entreprises à créer des systèmes limitant au maximum les gâchis78. Nous pouvons citer en vrac :

- Le 5S : Seiri, Seiton, Seiso, Seiketsu et Shitsuke traduisible en français par Débarrasser, Ranger, Nettoyer, Standardiser et Progresser.

- Le Toyotisme (diminution au minimum des stocks, amélioration continue, réduction des gaspillages, ...).

- Le Juste à temps (flux tendus, zéro délai, ...).

- Le Kaizen (amélioration continue, ...).

- Le Kanban (limitation de la production du poste amont par la demande du poste aval) : système de flux tiré.

Toutes ces organisations de travail d'origine nippone se déploient à travers le monde. L'adoption de ce modèle s'explique par le basculement d'une situation économique où la demande était supérieure à l'offre à une situation où la demande devient inférieure à l'offre. Les entreprises doivent désormais produire au plus juste pour être efficientes. Produire ne signifie plus vendre. C'est désormais l'input qui est optimisé pour un output fixé initialement.

78 NEUVILLE JP. (1997), Le modèle japonais à l'épreuve des faits, Economica

Deux éléments majeurs se sont rencontrés après la seconde guerre mondiale. Le développement de l'Informatique et le basculement du rapport entre l'offre et la demande. Cela a conduit les entreprises à entamer une course à l'efficience pour survivre à une compétition qui s'internationalisait.

Les métiers du Contrôle de Gestion sont exactement à leur place dans ce système. Ils doivent permettre la transmission rapide d'une Information pertinente et utile pour permettre la prise de décision adéquate à la compétitivité de l'entreprise. Les ERP sont devenus l'outil indispensable au Contrôle de Gestion et à la compétitivité des entreprises.

B / Les effets positifs

« La Révolution Informatique fait gagner un temps fou aux hommes,
mais ils le passent avec leur ordinateur »79

Nous pouvons cataloguer les impacts positifs de la Révolution Informatique sur le Contrôle de Gestion spécifiquement, en deux catégories : les impacts sur l'Information et ceux sur l'aide à la décision.

Les impacts sur l'Information sont nombreux et divers, nous leur consacrerons donc exceptionnellement des sous-sections. Pourquoi les entreprises ont-elles favorisé une telle hausse de la quantité d'informations ? Quelles furent les impacts de cette nouvelle immédiateté de la disponibilité de l'Information pour le Contrôleur de Gestion ? L'exhaustivité de l'automatisation de l'Information représente-t-elle un atout ? Quelle fiabilité le Contrôleur de Gestion peut-il accorder à cette automatisation de la production d'Information.

Les impacts sur l'aide à la décision seront étudiés en deux sous-sections. La première essaiera d'expliquer comment le traitement de l'Information est devenu plus aisé grâce à l'Informatique et a permis un traitement informationnel plus simple. La seconde tentera de comprendre comment les meilleures analyses permises par la Révolution Informatique permettent de prendre de meilleures décisions pour les managers.

79 ASSALA K. (2011), Les influences culturelles de l'entrepreneuriat, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion

1 / Les impacts positifs sur la production d'Information

A / Une production toujours plus abondante

Les logiciels informatiques se sont d'abord développés autour de l'aide à la production et à la gestion des matières premières (stocks, réapprovisionnement, ...)80. Mais rapidement des logiciels spécifiques sont venus compléter le dispositif. Ainsi des logiciels de paie, de comptabilité, de suivi de la maintenance, d'administration des ventes, de relation clients, de gestion de la qualité, ... sont apparus.

Les entreprises ont vite été confrontées à une limite majeure des programmes informatiques, leur difficulté à communiquer ensemble. En fonction du langage de codage et des spécificités de programmation, l'Information présente dans un logiciel ne basculent pas automatiquement dans un autre logiciel. Ainsi l'entreprise disposant d'un logiciel spécifique pour le pointage des horaires de travail, ne peut pas forcément transmettre ces informations dans son logiciel de paie. Les choix de logiciels s'étant étalés dans le temps, les entreprises se sont souvent retrouvées avec plusieurs logiciels non compatibles à différents endroits.

Les ERP sont des logiciels organisés sous forme de modules et qui regroupent toutes les applications nécessaires pour l'entreprise dans un seul logiciel. Leur coût et la longueur de leur déploiement ont été un frein majeur à leur expansion.

Etonnamment, c'est la peur du bug de l'an 2000 qui va marquer l'avènement des ERP81. Beaucoup de logiciels développés dans les années 1970 et 1980, devaient optimiser au maximum les ressources et le moindre bit d'information avait un coût réel. Ainsi la variable année était souvent codée sur 2 chiffres : 78 pour 1978. Il était difficile à l'époque, à la fin des années 1990 d'estimer les conséquences du passage à l'an 2000 sur les logiciels présents dans les entreprises. Comment savoir si le logiciel en charge des réapprovisionnements considérerait le passage du 31/12/99 au 01/01/00 ? Interpréterait-il ce passage comme un J + 1 ou d'un J - 36 525 ?

80 LAZARD E. (2016), Histoire illustrée de l'Informatique, EDP Sciences

81 BOURNE KC. (1999), Le Bug de l'an 2000, Sybex

Beaucoup d'entreprises ont profité de cette crainte pour investir dans de nouveaux logiciels informatiques plus récents et sauter le pas en passant sur des ERP82. Ainsi SAP et Oracle ont vu le déploiement de leurs solutions informatiques sensiblement augmenter pour devenir les plus gros acteurs de leur marché.

Cela a révolutionné la quantité d'Information mobilisable pour le Contrôle de Gestion. La quantité de données disponibles et surtout interconnectées est devenue gigantesque. À tout moment, le Contrôleur de Gestion peut consulter une facture, remonter jusqu'au devis qui lui est lié, vérifier les ressources utilisées pour cet ordre de fabrication spécifique, le coût de la ressource utilisée à ce moment précis, sa provenance, etc.

La quantité d'Information interne produite par l'entreprise est devenue exponentielle. Toute action est tracée, enregistrée, conservée et consultable. Le Contrôleur de Gestion est devenu un utilisateur expert en informatique. L'Information quantitative accessible n'a jamais été aussi abondante.

B / Une production accélérée

Mais l'Information n'est pas seulement devenue plus nombreuse. L'instantanéité des ERP a profondément bouleversé la temporalité du métier de Contrôleur de Gestion. Il est très fréquent qu'un Contrôleur de Gestion reçoive une demande à traiter dans des délais extrêmement courts voire même dans l'immédiateté.

82 RAFAL O. (1998), An 2000, KODAK choisit le tout SAP, Le Monde Informatique

Lors de mon alternance, à de nombreuses reprises, le manager appelait le Contrôle de Gestion depuis la salle de réunion où se tenait le Comité de Direction pour demander des calculs de marge sur coût direct pour une famille de produits et souhaitait une réponse immédiate pour décider de l'ordre de mise en production.

Si la technologie a réduit l'espace (la traversé atlantique est passée de plusieurs semaines à 6 heures en 150 ans), elle a aussi réduit le temps. Nous constatons également ce phénomène dans les services de Contrôle de Gestion. Les centaines de classeurs de données et d'archives ont quasiment disparu et se retrouvent compactés dans le Système Informatique. Le temps de consultation d'une donnée s'est considérablement réduit. Rechercher le chiffre d'affaire à N-2 d'une famille de produits pour le Brésil aurait pris plusieurs heures il y a 20 ans. Aujourd'hui, il ne faut pas plus de 3 minutes pour un utilisateur averti.

Le gain de temps se traduit par un gain de productivité. Grâce à un accès plus rapide à l'Information, le Contrôleur peut produire plus d'analyses. Cette instantanéité permet également un suivi direct des activités de l'entreprise. Le moindre écart est aussitôt repéré et l'alerte donnée. Les anticipations du Contrôle de Gestion sont confrontées en temps réel à la production effective.

La tentation est forte de ne s'appuyer désormais que sur l'ERP en raison de sa réactivité. Les constations de visu et in situ étant plus chronophages et les résultats incertains.

Bien que ce ne soit pas le centre de notre sujet, les développements des moyens de communication ont accompagné celui du traitement de l'information. Le mail, les visioconférences, ... ont également profondément changer le rapport du Contrôleur de Gestion au facteur temps.

La capacité du Contrôleur de Gestion à obtenir à tout moment, n'importe quelle information présente dans l'ERP a considérablement modifié l'organisation du travail. L'apparition des postes de Data Manager le prouve. Il n'est pas rare de trouver ce poste rattaché hiérarchiquement au Contrôleur de Gestion.

Si la rapidité ou l'instantanéité de l'accès à l'information par le Contrôleur de Gestion est difficilement réfutable, qu'en est-il de l'exhaustivité ?

C / Une production plus complète

Le développement des ERP et la hausse des capacités des moyens de traitements liés, ont permis un accès plus rapide mais surtout une collecte d'Information toujours plus importante et volumineuse.

Afin de ne rien « rater », ne rien oublier, les entreprises se sont mises à collecter toute l'Information sans la hiérarchiser. Le moindre mouvement est tracé et archivé. Dans le cadre de mon alternance, j'ai pu consulter les horaires de travail du 23 mai 2014 de M.X, conducteur de ligne mais également l'ensemble des tâches qu'il a saisi dans l'ERP (fabrication, conditionnement, arrêt de ligne, ...). On retrouve l'évolution du stock des joints 8 mm qui sont des pièces de rechange, ainsi que l'évolution de leur prix d'achat depuis la mise en place du système. L'entreprise n'oublie plus.

La hausse des capacités de stockage et la baisse des tarifs n'incitent pas à faire le tri, ainsi dans le doute, tout est archivé, stocké et donc consultable. Cette quantité d'Information toujours disponible est une opportunité pour le Contrôleur de Gestion. Les possibilités d'analyse et surtout d'évolution de situations ont cru au cours de la dernière décennie comme jamais, permettant une mise en perspective des analyses dans des délais plus longs.

Les exigences managériales ont suivi cette évolution. Les responsables veulent tout savoir, tout connaître, tout comprendre avant de prendre une décision83. L'exhaustivité de l'information a pour objectif de réduire le risque d'erreur à son niveau le plus faible.

Il faut noter que cette exhaustivité de l'Information est principalement interne. En effet si l'Information est aussi abondante et tracée en interne, elle ne l'est pas de la même manière pour les sources extérieures. Il est donc probable et rassurant que les Contrôleurs de Gestion se concentrent désormais davantage sur l'Information interne, puisqu'abondante et délaisse l'Information en provenance de l'extérieur car plus difficilement mobilisable.

83 PIGET P. (2019), Décision d'Investissement, Economica

D / Une production plus fiable

La fiabilité d'une Information diffère de la fiabilité du système d'Information et les utilisateurs font trop souvent l'amalgame. Si le système d'Information n'est pas fiable, l'Information ne peut pas l'être (même si l'Information peut s'avérer vraie). La fiabilité du Système d'Information est donc un préalable. Une Information est considérée comme fiable, dès lors qu'elle est vérifiable. Un Système d'Information est considéré comme fiable dès lors qu'il permet un accès continu à l'Information stockée. Cela signifie qu'il n'y a aucune garantie que l'Information présente dans le Système d'Information soit fiable. Ainsi une Information non fiable (vraie ou pas) peut être présente dans un Système d'Information fiable84.

Afin de limiter le risque de la présence d'une Information non fiable, le système mis en place aura recours à des redondances. Le système (sous réserve qu'il soit bien paramétré) recroisera une même Information via plusieurs sources distinctes afin de les comparer et donc de s'assurer de la véracité de l'Information présente dans le système.

De même des valeurs d'alertes seront définies afin de prévenir l'utilisateur, l'administrateur ou le data manager pour que ce dernier effectue des contrôles. Les systèmes d'informations numériques permettent une plus grande fiabilité de l'Information et une détection plus rapide et plus aisée des valeurs suspectes.

84 SIMONNOT B. (2007), Évaluer l'Information, Documentaliste - Sciences de l'Information

2 / Les impacts positifs sur l'aide à la décision

A / Un traitement et une analyse simplifiés

Les premiers logiciels permettaient la collecte, le stockage et la transmission d'Information mais il ne la traitait pas. Les analyses étaient encore réalisées « à la main » à partir des données extraites des logiciels.

Les éditeurs de progiciels, se rapprochant des besoins de leurs clients, ont alors commencé à développer des outils d'analyses. Les calculs des soldes intermédiaires de gestion se sont automatisés, puis les calculs de marges, puis les calculs de coûts indirects, ...

Les ERP, type SAP, Oracle, Business Object ne sont plus uniquement des logiciels collecteurs et stockeurs de données. Chacun de ces logiciels possède une version standard qui contient des modules dédiés à la vente, aux entrepôts, à la logistique, à la comptabilité ... Mais aussi un module de Contrôle de Gestion. Ainsi le logiciel est déjà paramétré pour suivre des indicateurs : contrôle des coûts, comparatif aux budgets, profitabilité par produits, ...

Le module est le plus souvent alimenté par le module comptabilité via les comptes comptables en transitant par des sections analytiques (on parle de comptabilité analytique). La force du logiciel est la capacité d'extraire l'Information au niveau souhaité. Ainsi chez DELPHARM, il existe une pyramide de section analytique :

Source : Delpharm (sections anonymisées)

Il est possible à tout moment de faire une requête pour connaitre une information (résultat, charges, consommation, frais de personnel, ...) sur une section spécifique (la 3ème division en province en France) ou sur un noeud supérieur (la totalité de l'Afrique).

L'obstacle n'est pas l'accès à l'Information mais la pertinence du niveau d'analyse. Nous n'avons abordé que la partie standard qui s'adapte via le paramétrage classique. Mais chaque ERP peut s'adapter spécifiquement aux besoins de l'entreprise via les « spécifiques ». Ces développements sont souvent réalisés par des consultants expérimentés et permettent de « coller » l'ERP aux besoins et souvent aux habitudes de fonctionnement de l'entreprise.

Le Contrôleur de Gestion ne réalise plus de calculs. Le taux de rentabilité, la marge, les résultats, ... sont calculés par le logiciel. Le Contrôleur n'étant plus en charge de collecter et produire l'Information, son rôle évolue. Il doit vérifier la cohérence des résultats obtenus avec l'ERP. Il doit sélectionner l'Information pertinente et les acteurs qui seront destinataires de cette Information.

B / La prise de meilleures décisions

Dans la théorie de la décision, KNIGHT F. (1885 - 1972), économiste étatsunien, a écrit en 1921 que « l'environnement est incertain si les données de cet environnement nous sont inconnues »85.

Il est plus simple de s'orienter avec une boussole, cela devient encore plus facile avec une carte et parfaitement rudimentaire avec un GPS. Il en va de même dans l'entreprise avec les ERP. Le calcul immédiat et permanent des marges permet de sélectionner les produits dont les tarifs devront être revus en priorité. Les suivis des coûts permettront une rationalisation des décisions sur le choix entre la sous-traitance ou la production interne. De même les choix de priorisation de production seront faits à la lumière des résultats donnés par l'ERP. La Révolution Informatique a rendu les décisions moins incertaines.

Par ses analyses et son suivi des décisions, le Contrôleur de Gestion permet un meilleur éclairage des décisions du manager. Nous pouvons comparer l'apport de la Révolution Informatique dans l'entreprise à l'évolution des équipements électroniques dans l'automobile. Tous les véhicules bénéficient d'une jauge d'essence (système de mécanographie), mais certains véhicules sont équipés d'un détecteur de pression pour les pneus, d'un GPS intégré, ... La mission initiale du conducteur (le manager décisionnaire) est la même quel que soit l'équipement du véhicule (Système d'Information) : se déplacer d'un point A à un point B. Bien que rien ne garantisse que le véhicule le plus équipé y arrivera mieux et plus rapidement que le véhicule le moins équipé, les risques sont diminués avec le véhicule le mieux équipé. Il en va de même avec l'Information pour l'entreprise.

Le manager veut bénéficier du maximum d'Information en provenance du Contrôle de Gestion pour s'assurer qu'il puisse remplir sa mission avec le plus de chance de succès. Mais cette collecte d'information plus nombreuse, plus rapide, plus complète et plus fiable ainsi que son traitement facilité ne peut pas comporter que des aspects positifs. Il faut s'intéresser aux risques et menaces que cette Révolution Informatique fait peser sur le Contrôle de Gestion.

85 KNIGHT F. (1921), Risk, Uncertainty, and Profit, Signalman Publishing

C / Les effets négatifs

« La civilisation des machines est la civilisation
de la quantité opposée à celle de la qualité »86

Si la quantité n'est pas un gage de qualité, force est de constater que la Révolution Informatique a privilégié ce premier aspect sur le second. Ainsi dans ce chapitre nous essaierons de détailler l'ensemble des aspects négatifs de la Révolution Informatique sur le Contrôle de Gestion.

Dans une première section, nous verrons le pendant de la section précédente avec les risques de la surinformation. Nous verrons que celle-ci a fait l'objet de nombreuses études et recherches. Nous essaierons de repérer le risque de choix biaisé dans l'Information retenue.

Parmi les risques identifiables, le risque d'excès de confiance placé dans le Système d'Information par le Contrôle de Gestion en particulier et par les utilisateurs en général occupe une place majeure. Nous essaierons de le prouver par des exemples tangibles.

Ne trouver que ce que l'on cherche est un point difficile à saisir. Nous définirons son opposé, la sérendipité. L'industrie pharmaceutique est un formidable secteur d'activité pour illustrer ce phénomène.

Dans un quatrième temps, nous aborderons les limites de ressources en temps du Contrôle de Gestion pour gérer l'ensemble de l'Information produite. Il s'agit là d'un écueil physique et moral. Il est difficile d'appréhender sa mission quand on sait dès le départ que nous ne bénéficierons pas du temps nécessaire pour la traiter intégralement.

Enfin nous analyserons la dépendance nouvelle qui s'est créée entre le Contrôleur de Gestion et son Système d'Information. Nous sommes passés d'une situation où le Contrôleur définissait son Système d'Information à l'inverse.

86 BERNANOS G. (1946), La France contre les Robots, PLON

1 / La surinformation

La hausse croissante d'Information disponible ne revêt pas que des aspects positifs. SAUVAJOL-RIALLAND C., auteure et chercheuse spécialisée, a popularisé le terme d' « Infobésité »87. Ce terme d'origine québécoise est un concept utilisé pour définir l'excès d'Information reçu par un agent au point qu'il n'est plus capable de la traiter ou l'assimiler sans nuire à son activité. On parle également de surcharge informationnelle ou surinformation. MORIN E. lui substitue le terme de « Brouillard Informationnel », dont l'origine se retrouve dans le livre de SCHENK D88.

La quantité toujours croissante d'Information disponible a profondément modifié le métier de Contrôleur de Gestion. Nous sommes passés en quelques décennies d'une expertise basée sur l'analyse, les calculs et la compréhension à un métier de recherche et de tri. Un bon Contrôleur de Gestion est une personne capable d'aller chercher la bonne Information dans le système, même s'il reste important de savoir articuler les informations entre elles pour leur donner du sens.

Cette surcharge d'information peut poser de nombreuses difficultés. La capacité de traitement de cette surcharge d'information est gérée par l'ERP donc nous ne sommes pas confrontés à une surcharge cognitive. En revanche le temps disponible du Contrôleur de Gestion est limité. L'ensemble des informations ne peut être retenu. Il faut prioriser, faire des choix, hiérarchiser. Cette tâche peut s'avérer plus difficile qu'il n'y paraît car les managers ont des attentes.

Ainsi il est souvent demandé au Contrôle de Gestion de mettre en place un nouveau tableau de suivi, une nouvelle scorecard, un nouvel indicateur de performance mais il lui est rarement (voire jamais) demandé d'arrêter le suivi d'un indicateur. C'est ainsi qu'après plusieurs années, on se retrouve avec toujours plus d'indicateurs à suivre et à actualiser sans que cela soit toujours pertinent et utile.

87 SAUVAJOL-RIALLAND C. (2013), Infobésité : Comprendre et maîtriser la déferlante d'informations, Vuibert

88 SCHENK D. (1997), Data Smog, Harper Collins

Certains Contrôleurs de Gestion se plaignent de ne plus faire d'analyses mais uniquement de la collecte, du retraitement et de la transmission d'Information.

L'absence de recul empêche d'avoir la vision globale qui était le coeur de métier du Contrôle de Gestion. A vouloir tout savoir, on ne dispose plus du temps et du recul pour comprendre. Cette boulimie d'Information est présente dans d'autres parties de l'entreprise. L'explosion de la quantité de mails à traiter en est un exemple connu. L'objectif initial est louable, vouloir informer le maximum de personne mais le résultat est à l'opposé. Ne pouvant tout lire, tout savoir et n'ayant pas le recul pour savoir quel mail est important et lequel ne l'est pas, l'Information ne passe plus89. La Révolution Informatique se révèle être une arme à double tranchant.

Le brouillard informationnel noie l'Information pertinente et utile dans une multitude d'informations non pertinentes. Un nouveau risque apparaît, celui de ne se concentrer que sur la partie quantifiable du métier de Contrôleur de Gestion. La quantité d'information est telle et si facilement accessible grâce à l'ERP que la partie du métier qui consiste à s'intéresser à l'organisation, au fonctionnement est délaissée. Le risque est de tomber dans la facilité et délaisser les tâches à fortes valeurs ajoutées mais chronophages.

Un autre écueil qui guette est l'absence de décision. Il existera toujours une Information venant présenter un risque associé à une prise de décision. Prenons un exemple simple, un manager reçoit comme objectif d'augmenter ses ventes et de maintenir ses marges. Il demande au contrôle de gestion de faire des simulations sur la conquête de nouveaux marchés via les données des précédents exercices. Le Contrôle de Gestion trouvera toujours des cas où les marges ont diminué. Dans la multitude d'Information, on trouve forcément des données contradictoires et le risque est l'immobilisme.

Parmi les risques de choix de l'Information se situe aussi le biais de l'Information qui confirme à tort la décision espérée a priori. En effet en choisissant une période donnée, un niveau donné (pays, secteur, etc, ...), si l'on est capable de trouver des informations qui vont à l'encontre du résultat espéré, il est tout aussi

89 LAGARDE O., Un cadre passe 30% de son temps à gérer ses mails, France Info le 3 février 2015

possible de trouver des données qui confirment abusivement le choix. Il suffira alors de ne retenir que ces dernières données pour biaiser les décisions prises.

Nous pourrions faire un parallèle avec le Système d'Information de la population et les critiques récentes. Les pro Trump regarderont FOX NEWS car les informations iront dans le sens qui leur plaît, les anti TRUMP regarderont CNN. L'excellent film « BREXIT : The Uncivil War » (2018) démontre comment en ne proposant que des Informations qui abondent dans la croyance initiale, on peut persuader des personnes de la validité de leur choix initial. De nombreuses études démontre la validité et les risques du biais de confirmation d'hypothèse90.

Ce risque dépendra beaucoup du rattachement hiérarchique du Contrôleur de Gestion. S'il est rattaché au manager alors il aura tendance à se conformer à la demande, s'il est rattaché à un service extérieur, il se sentira plus libre d'émettre des réserves sincères.

2 / La crédulité aveugle

La complétude de l'ERP et la complexité apparente de l'architecture du Système d'Information amènent un risque de crédibilité exagérée. Ainsi les données contenues dans le système ne sont plus remises en question. Des erreurs peuvent subsister ou l'utilisation nouvelle d'une fonctionnalité peut entrainer l'apparition d'anomalies. De même les données du système sont parfois issues de saisies manuelles erronées d'opérateurs. L'Information peut également être mal codée ou mal comprise.

Nous avons évoqué dans le chapitre précédent les valeurs d'alertes. L'effet pervers est que si une valeur exceptionnelle devait être renseignée dans le système, l'utilisateur qui la remplacerait par une valeur « normale » (dans la norme) n'aurait qu'un faible risque de se faire détecter. Ainsi un taux de rebut à 0% ou 10% provoque une alerte, alors qu'un taux à 1% est jugé dans la marge d'acceptation et n'éveille

90 DE LARA M. (2019), Les Biais de l'esprit, Odile Jacob

aucune alerte. L'opérateur est tenté d'adapter ses relevés pour ne pas provoquer de détection d'alerte dans le système.

Si le système est plus fiable, il ne garantit pas une fiabilité à 100%. Il est également limité par la programmation humaine réalisée au départ. Il arrive souvent que l'utilisateur ne comprenne que sa partie mais ne dispose plus de la vision d'ensemble, ni ne comprenne la manière dont a été paramétré le Système d'Information.

Ainsi lorsque le système donne un stock moyen des encours à 100k euros, le Contrôleur de Gestion doit comprendre la manière dont les encours ont été valorisés par le système. Cet exemple a été retenu car j'ai pu constater une erreur de ce type. Le stock des en-cours était valorisé uniquement si la quantité produite était inférieure à 80% de la quantité totale à produire. Or personne n'était capable d'expliquer pourquoi le système avait été ainsi paramétré. Après vérification avec différents services, il s'est avéré qu'il s'agissait d'une méthode choisie arbitrairement par le Contrôleur de Gestion en poste il y a 6 ans et qui ne faisait plus partie des effectifs depuis 2 ans.

S'il est vrai que les machines ne font pas d'erreur, les programmateurs le peuvent. Il ne faut jamais perdre de vue que le Système d'Information a été construit par des informaticiens qui ne sont pas infaillibles. Le 23 septembre 1999, la sonde Mars Orbiter doit se mettre en orbite à 140 kilomètres d'altitude autour de la planète Mars après un voyage de plus de 600 millions de kilomètres. L'équipe en charge de la motorisation / propulsion était anglaise et faisait l'ensemble de ses calculs en miles. L'équipe de navigation étatsunienne utilisait le système métrique. Chaque équipe travaillant de son côté avait réussi ses simulations. Lors de la mise en orbite, les logiciels se sont emmêlés dans les systèmes de mesure et la sonde s'est écrasée sur le sol martien91. Ce type de « bourdes » au conséquences désastreuses n'est pas une exclusivité des étatsuniens. Les Russes firent de même en 1971 avec Kosmos 419. L'étage supérieur dont le rôle était d'éjecter la sonde après la mise sur orbite, devait réaliser l'opération au bout d'1h30. Le programmeur s'est trompé et a codé 1,5 an 92 !

91 http://www.nirgal.net/mco_end.html

92 https://www.nirgal.net/explora_1971_2.html#kosmos419

Ceci est un cas typique d'erreur d'origine humaine de programmation d'un Système d'Information. Mais la croyance aveugle en la fiabilité des informations présentes dans le système a empêché la détection de la faille.

Le Contrôleur de Gestion doit s'appuyer sur ses outils de mesures mais ne doit pas leur accorder une confiance démesurée. À titre d'exemple, un niveau de stock absolument équivalent (à l'euro près) d'une période sur l'autre doit alerter. Une marge sur coût variable qui augmente significativement alors qu'aucun changement n'a été opéré, doit également alerter et permettre le lancement de procédures de contrôle supplémentaire.

3 / Ne trouver que ce que l'on cherche

Il s'agit d'un risque trop souvent oublié ou sous-estimé : ne trouver que ce que l'on cherche. La quantité d'Information est tellement vaste et l'optimisation du temps de travail est telle, que le Contrôleur de Gestion dispose de peu de temps (voire pas du tout) pour un travail de recherche aléatoire. Comme évoqué dans les parties précédentes, les meilleurs Contrôleurs sont aujourd'hui ceux qui savent où chercher mais le risque est donc de ne trouver que ce que l'on cherche ou ce qui est déjà présent dans le système.

La Sérendipité est le fait de réaliser une découverte de façon imprévue. L'exemple historique le plus célèbre est sûrement la découverte des Amériques par COLLOMB C. (1451-1506) qui pensait rejoindre les Indes. Mais pour rendre hommage à l'industrie pharmaceutique qui m'a accueilli pour mon alternance, on peut citer : la pénicilline, l'aspirine, le viagra, ... 93.

Les requêtes des Systèmes d'Information amènent directement les réponses demandées. Le Contrôleur ne conçoit plus les chemins empruntés par le

93 BOHUON C. et MONNERET C. (2009), Fabuleux hasard : Histoire de la découverte des médicaments, EDP Sciences

Système. Finalement le Contrôleur ne s'égare plus et la probabilité de tomber fortuitement sur une Information importante a fortement décrue.

4 / La limite du temps humain disponible

La quantité d'Information disponible et l'immédiateté des réponses détournent le Contrôleur de Gestion de l'étude des données qualitatives. En effet ces données sont beaucoup plus difficiles à collecter et cela prend plus de temps de les traiter et synthétiser pour en tirer une analyse pertinente.

Si les puissances de calcul informatique et les capacités de stockage peuvent donner le sentiment de devenir sans limite, ce n'est pas le cas des capacités cognitives et du temps disponible des Contrôleurs de Gestion. La quantité d'Information disponible via les ERP est toujours croissante. Les systèmes archivent toutes les données ainsi les analyses à réaliser peuvent porter sur toujours plus d'exercices comptables mais cela est chronophage.

Le Contrôleur de Gestion est passé en un demi-siècle d'une situation de rareté de l'Information à celle de sa surabondance. Il doit désormais faire des choix car il ne peut pas tout traiter. Mais ces choix auront des influences sur les résultats qu'il produira. Et ce résultat servant d'outil d'aide à la décision, aura donc une influence sur la décision finale.

Les critères de choix dans le traitement des informations sont nombreux et différent d'un Contrôleur à l'autre et d'une entreprise à l'autre. Étant donné leurs sensibilités personnelles ou leurs parcours professionnels, certains Contrôleurs se concentreront sur les stocks, d'autres sur les prix de revient industriels ou sur le suivi des coûts préétablis, ...

L'entreprise, son histoire et son organigramme sont également des facteurs d'influence sur la priorisation du traitement de l'Information. Certaines entreprises voudront un suivi spécifique de leurs projets par le Contrôle de Gestion, quand d'autres souhaiteront qu'ils se concentrent sur le service maintenance.

Si la multiplicité des cas empêche toute exhaustivité, il est certain qu'aujourd'hui il n'est pas possible d'analyser la totalité des informations que fournissent les ERP.

5 / La dépendance

Pour finir ce chapitre, la dernière section sera consacrée à la dépendance qui guette les Contrôleurs de Gestion par rapport à leur Système d'Information. Dans de nombreuses entreprises, il existe des cas d'utilisation d'analyses produites par l'ERP sans comprendre l'origine des informations et le traitement qu'elles ont subi. À trop s'appuyer sur l'ERP, le Contrôleur perd l'essence même de son métier et risque de se voir cantonné à un rôle de Data Manager. La compréhension des flux et process de l'entreprise est modélisé par l'ERP mais l'ERP n'est pas le flux de production.

La complexité des interconnections entre les modules provoque des risques systémiques. Ainsi une demande de modification par un service (logistique par exemple) peut avoir des répercussions en chaînes sur les autres services. L'ERP est un outil au service du Contrôle de Gestion et le Contrôle de Gestion ne doit pas se limiter à la transmission de l'information émise par l'ERP.

A vouloir tout automatiser, on oublie de s'interroger sur le gain de performance de l'automatisation94.

Le Contrôleur de Gestion doit repenser son ERP comme un moyen et non comme une fin.

94 COERCHON D. (2019), Performance des processus : attention à l'excès de vitesse, ERP-Infos.com

D / Une prospective de la discipline

« On n'apprend pas l'informatique avec une calculatrice de poche,
mais on peut oublier l'arithmétique »95

La Révolution Informatique a eu lieu, elle a bouleversé la manière de faire du Contrôle de Gestion. Mais le nouvel état actuel des forces et faiblesses en présences détaillées dans les chapitres précédents, n'augure-t-il pas un avenir mouvant ?

L'Information toujours plus nombreuse et les logiciels d'aide à la décision ne font-ils pas converger les performances ? D'autres domaines n'ont-ils pas connus cette convergence des performances par le passé ? Les performances de l'entreprise peuvent-elles suivre le même chemin ?

Dans un deuxième temps, nous nous interrogerons sur la proximité et le mélange des rôles qui peuvent survenir aujourd'hui entre le Contrôleur de Gestion et le Manager.

Nous soulignerons le besoin quasi vital de différenciation dans la réussite d'une décision. Nous appuierons cette section par des exemples concrets historiques mais également des échecs retentissants et parfois mortifères.

Une analogie entre la modification des process de production et leur passage de flux poussés (MRP) en flux tirés (Kanban) et la manière de faire du Contrôle de Gestion avec l'Information est-elle envisageable ?

Le métier de Contrôleur de Gestion doit-il être repensé ? Une meilleure adaptation aux besoins à venir des entreprises est-elle possible ?

95 PERLIS Ai. (1982), Epigrams on Programming, SIGPLAN

1 / Des décisions identiques et un rapprochement des performances

La « prédiction ou prophétie autoréalisatrice » est un phénomène scientifique connu. Les agents disposent tous de la même information (même si celle-ci est fausse au départ), adaptent leur comportement en fonction de cette information et la somme des comportements permet à l'Information de devenir vraie ou à la prédiction de se réaliser96.

L'exemple le plus régulier que nous connaissions est la pénurie d'essence dans les stations-services. Si l'objectif est de provoquer cette pénurie, il est plus efficace d'informer les gens qu'il va y avoir pénurie que de bloquer les stations d'approvisionnement. Les agents économiques, inquiets du risque de ne pas pouvoir obtenir de l'essence dans quelques jours, vont anticiper leur réapprovisionnement et se rendre le plus rapidement possible dans une station essence. Le réseau de distribution n'est pas calibré pour approvisionner tous les agents en une journée et se retrouve donc en pénurie. La pénurie se réalise par le simple fait qu'elle a été annoncée. Ainsi une Information même fausse au départ, si elle est suivie par suffisamment de personnes, devient vraie.

Ce phénomène nous intéresse car nous le retrouvons en partie dans le Contrôle de Gestion et les décisions qui en découlent. Si les données sont toujours plus complètes et exhaustives, si les capacités de traitements sont en constante progression, si l'apprentissage des erreurs l'est également, alors un risque nouveau apparaît. Celui de décisions identiques par les entreprises. Cela sera d'autant plus vrai que la décision humaine sera limitée et remplacée par des décisions automatisées.

Prenons l'exemple d'un domaine dans lequel les décisions prises par l'informatique sont plus nombreuses que les décisions humaines : la Bourse. En 2012, le trading haute fréquence, réalisé par des ordinateurs préprogrammés via des

96 SAINT-MARTIN A., (2013), La Sociologie De Robert K. Merton, La Découverte

algorithmes, représentait 60% des échanges mondiaux. En 2017, on l'estime à 90% des échanges sur le New York Stock Exchange. Or ces algorithmes sont souvent identiques ou proches et les mouvements sont donc artificiellement amplifiés à la hausse ou à la baisse car l'ensemble des agents (informatiques cette fois) disposent de la même information et adoptent le même comportement (achat ou vente)97.

Le Contrôleur de Gestion peut (et doit) avoir ce recul que n'aura pas l'informatique (du moins pour le moment et les quelques années à venir) sur un emballement collectif et provisoire. Ainsi des prévisions de retombées commerciales estimées pour un nouveau marché doivent prendre en compte que les concurrents feront la même analyse et voudront aussi probablement rejoindre ce marché. Les modèles d'anticipation informatique peuvent se baser sur le passé et sur le présent mais ne peuvent pas encore faire de projection sur l'avenir.

Le risque pour les années à venir est le rapprochement des performances. Si l'on étudie l'histoire de la performance dans le sport on s'aperçoit que les niveaux de performance se sont considérablement rapprochés. Entre 1936 et 2016, l'écart de temps entre le premier et le sixième pour la finale du 100 mètres homme est passé de 0,6 secondes à 0,15 secondes. Entre 1980 et 2018, l'écart entre le 1er et le 6ème pour la course en F1 à Monaco est passé de 2 minutes 50 secondes à 23 secondes. Entre 1970 et 2019, l'écart entre le 1er et le 6ème pour le Tour de France est passé de 20 minutes à 4 minutes. Le rapprochement des performances en sport est un phénomène généralisé. Tout indique que les entreprises suivront le même chemin (taux de marge pour les entreprises d'un même secteur, prix de revient industriel, etc).

2 / La séparation des rôles avec le Management

Le Contrôle de Gestion devra aussi prendre garde à ne pas se confondre avec le management. Si l'Information à disposition et l'analyse indiquent que la meilleure solution est de choisir l'option A, alors le Manager sera tenté de privilégier

97 FAUTH A. (2013), Trading Haute Fréquence : Modèle et arbitrage, Panthéon Sorbonne

l'option A car c'est celle qui minimise les risques. Mais comme nous l'avons vu précédemment, le Contrôleur de Gestion en raison de son obligation de tri dans l'Information et de choix dans la manière de traitement peut influencer le résultat de l'analyse. « Les Chiffres sont comme les gens, si on les torture assez, on peut leur faire dire n'importe quoi »98. Le Contrôle de Gestion ne doit pas se mélanger ou se substituer au management. Son rôle n'est pas de choisir. Il doit présenter la situation de la manière la plus neutre et la plus impartiale possible. Le Contrôleur de Gestion ne doit pas avoir d'a priori puisque son travail sera l'analyse de la performance a posteriori. Pour le faire de manière impartiale, il est important qu'il ne soit pas celui qui a dicté le choix pris par le management.

3 / Se différencier

On pose souvent un regard sur le passé en qualifiant certains dirigeants de visionnaires. Ces personnes ont pris des décisions majeures qui ont permis à leurs entreprises de devenir ce qu'elles sont aujourd'hui. Les exemples sont nombreux :

- BEZOS J. a décidé en 1996 de vendre d'autres produits que des livres sur son site internet AMAZON.

- HASTINGS R. décide en 2010 d'arrêter la location de DVD pour produire ses propres contenus pour son site internet NETFLIX.

Mais les contre-exemples sont au moins aussi nombreux :

- En 1985, COCA-COLA décide de remplacer toutes ses bouteilles par le New Coke. Les ventes s'effondrent en quelques semaines. La production des anciens modèles est relancée en catastrophe.

- En 1978, Kodak dépose le premier brevet pour les photos numériques mais ne se développera jamais sur ce secteur.

- Entre 2000 et 2002, l'action Vivendi voit son cours divisé par 4 sous la Présidence de MESSIER JM. qui a multiplié les achats hasardeux.

98 HALLEPEE D. (2013), Nombres en Folie - les divagations du mathématicien fou, Les écrivains de Fondcombe

On en revient à une définition très primaire de l'entreprise qui est la prise de risque. Aucune réussite n'est possible sans prise de risque et l'absence de prise de risque empêche d'évoluer (KODAK). Les leaders sont ceux qui ont pris une décision risquée, ceux qui se sont démarqués de la concurrence. Mais la prise de risque peut aussi entraîner des échecs (AREVA). Le Contrôleur de Gestion doit donc accompagner cette prise de risque. Son métier ne se cantonne pas à identifier la solution la moins risquée, mais à quantifier le niveau de risque de chaque solution et les gains potentiels associés. La différenciation est une stratégie indispensable aujourd'hui pour obtenir ce fameux avantage concurrentiel durable et défendable évoqué précédemment. Et puisque ces avantages sont de plus en plus difficiles à défendre, les différenciations s'enchaineront plus rapidement qu'auparavant. Le Contrôleur de Gestion devra s'adapter à ces nouveaux rythmes.

4 / Une analogie avec le MRP et le Kanban

Les processus de production ont évolué au XXème siècle en raison du basculement de la supériorité de la demande à celle de l'offre. Il s'agit d'un phénomène que nous avons décrit précédemment. À l'époque pour la production, les ressources (Main d'oeuvre, Capital, ...) était rares et donc intégralement consommées pour obtenir la production la plus importante possible. Avec le changement de paradigme opéré dans les années 1970, l'offre devenant supérieure à la demande, les entreprises se sont adaptées en partant de la production prévue pour optimiser l'utilisation de leurs ressources.

Il est tentant de faire le parallèle entre ce changement historique dans l'économie mondiale et le Contrôle de Gestion. Si l'Information est la ressource du Contrôle de Gestion, on constate que nous sommes passés d'une ressource rare à une ressource abondante. Si la production est le traitement de l'Information, on constate également qu'auparavant le Contrôleur de Gestion devait produire le maximum d'Information à partir d'une ressource limitée. Alors qu'aujourd'hui il doit produire l'Information nécessaire ou celle qui lui est demandée et pour cela choisir l'Information la plus efficiente pour y parvenir.

Ainsi le Contrôle de Gestion vit avec quelques décennies de décalage les mêmes transformations qu'ont connues les process de fabrication. Aujourd'hui c'est la demande d'Information par le management ou les autres services qui déterminent ce que le Contrôle de Gestion doit produire. Pour cela il dispose de ressources largement abondantes, sa problématique étant le tri dans cette dernière.

Nous sommes donc passés pour le Contrôle de Gestion comme pour la production en usine, d'une logique de flux poussés à une logique de flux tirés. Cette méthode à l'avantage de mieux répondre aux besoins des managers. Si l'on devait filer cette métaphore, on serait tenté de penser que le Contrôle de Gestion (tout comme la production en usine) s'oriente désormais vers une automatisation croissante. Tout semble indiquer que cela sera le cas., les ERP sont plus malléables et peuvent produire les tableaux de bords que souhaite le management en place.

Si la Révolution Informatique a fait évoluer le métier de Contrôleur de Gestion, rien ne semble indiquer que nous soyons arrivés à un point d'équilibre. Les changements vont se poursuivre tout comme pour les process de production qui n'ont pas cessé de se développer. Ainsi le rôle du Contrôleur de Gestion devra s'adapter aux prochaines évolutions.

5 / Repenser le métier de Contrôleur de Gestion

Nous avons vu que la Révolution Informatique a profondément changé les possibilités de collecte et d'analyse de l'Information en l'automatisant. On peut donc légitimement se demander si le métier de Contrôleur de Gestion va disparaître comme d'autres métiers avant lui. Si l'aspect collecte et une partie du traitement de l'Information ont été retirés au Contrôleur de Gestion, rien n'indique que la partie pondération, retraitement et transmission ne le soit pas à terme également.

A trop se concentrer sur l'aspect informatique du poste, le Contrôle de Gestion perd de son utilité pour l'organisation. Il ne prend plus le recul nécessaire pour l'atteinte de son objectif à savoir la maximisation de la performance. Le « calcul mathématique » de cette performance sera toujours mieux réalisé par le Système

d'Information que par le Contrôleur. La valeur ajoutée du Contrôleur est donc sa capacité à « définir » l'équation du calcul. Le Contrôle de Gestion doit se reconcentrer sur les aspect plus humains qu'une machine ne peut pas encore schématiser. Nous pouvons citer en exemple l'acceptation par les équipes d'une nouvelle méthode de travail, l'opportunité de formations, la relation avec un fournisseur, ...

La concomitance entre le développement du métier et le développement de l'Informatique interroge. Ce mémoire a montré que le métier n'existait quasiment pas en France avant la seconde guerre mondiale et commençait à peine à se développer aux États-Unis. Le métier a donc suivi le développement de l'Informatique depuis ses débuts. Les impacts de la Révolution Informatique sur le Contrôle de Gestion sont indéniables mais finalement le Contrôle de Gestion sans outils informatiques n'a presque pas existé.

Nous avons vu précédemment que les métiers les plus en tension était des métiers de l'Informatique. Et pourtant de nouveaux métiers apparus au cours des 10 dernières années sont très éloignés de la Révolution Informatique. Du pragmatique Responsable Hygiène, Sécurité et Environnement (HSE) au plus étonnant Happiness Manager, ces nouveaux métiers devront aussi faire l'objet d'un suivi de leur performance.

De manière générale, le Contrôleur de Gestion devra se concentrer sur l'aspect qualitatif des analyses et laisser l'Informatique traiter le quantitatif.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo