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Impacts des conflits liés à  la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance dans la province du Mayo-Kebbi ouest (Tchad)


par Souleymane ALI SALEH
Université de Dschang - Master en Science Politique, spécialité Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement  2020
  

Disponible en mode multipage

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RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROUN

Paix-Travail-Patrie Peace-Word-Fatherland

*********** ***********

UNIVERSITÉ DE DSCHANG THE UNIVERSITY OF DSCHANG

FACULTÉ DES SCIENCES FACULTY OF LAW AND POLITICAL

JURIDIQUES ET POLITIQUES SCIENCES

DÉPARTEMENT DE SCIENCE DEPARTMENT OF POLITICAL

POLITIQUE SCIENCE

ÉCOLE DOCTORALE

POST GRADUATE SCHOOL

DSCHAND SCHOOL OF LAW AND POLITICAL SCIENCES

UNITÉ DE RECHERCHE EN ANALYSE POLITIQUE, STRATÉGIQUE

ET SOCIALE

 

IMPACTS DES CONFLITS LIÉS A LA MOBILITÉ
PASTORALE SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA
GOUVERNANCE DANS LA PROVINCE DU MAYO-KEBBI
OUEST (TCHAD)

Mémoire en vue de l'obtention

Locale,

Titulaire

du diplôme de Master professionnel Décentralisation et Développement

Présenté et soutenu publiquement par ALI SALEH SOULEYMANE (CM-UDS-20SJP0725)

d'une maîtrise en Science Politique Sous la direction de :

Dr DOUNKENG ZELE CHAMPLAIN Chargé de cours et HDR

:

en Gouvernance

Année académique 2020-2021

 
 

AVERTISSEMENT

La Faculté des Sciences Juridiques et Politiques n'entend donner aucune approbation aux
idées et opinions émises dans ce mémoire, celles-ci sont propres à leur auteur qui en assume
l'entière responsabilité.

i

DÉDICACE

À mes parents SALEH SOULEYMANE MAHAMAT et FATIMÉ MAHAMAT

HISSEINE

ii

REMERCIEMENTS

iii

Il m'est particulièrement agréable d'exprimer ma gratitude aux personnes ci-après pour leur concours à la réalisation de ce travail.

Dans un premier temps, qu'il plaise à mon Directeur de Mémoire, le Dr DOUNKENG ZELE CHAMPLAIN de bien vouloir accepter ici l'expression de toute ma reconnaissance pour le sens de dévouement à la tâche qu'il a su nous inculquer. Pour sa promptitude à nous fournir conseils et éclairages tout au long de ce travail malgré son calendrier chargé.

Je voudrais ensuite remercier tout le corps enseignant de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques et de l'Université de Dschang, et particulièrement ceux qui sont intervenus dans le cadre du Master en Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement sous la coordination du Pr KEUTCHE JOSEPH pour avoir bénéficié de leurs connaissances.

Merci aux membres du jury d'avoir accepté d'examiner notre travail.

Nos pensées vont également à l'endroit du Secrétaire Général de la province du Mayo-Kebbi Ouest M. SADICK KHATIR ABDRAHMAN, du Directeur de Cabinet du Gouverneur M. MAHAMAT ABDOULAYE, du Chef de Bureau du Secrétariat du Cabinet du Gouverneur M. HASSANE, du technicien KEMONG PALLOU, du Délégué des Droits de l'Homme de la province du Mayo-Kebbi Ouest M. TCHINDEBE TCHOUAFENE pour leur disponibilité et leur apport à notre travail et surtout pour la documentation.

Merci infiniment à mon père SALEH SOULEYMAN MAHAMAT et ma chère mère FATIME MAHAMAT HISSEIN pour leur soutien inconditionnel durant tout mon cursus scolaire et académique. Qu'Allah vous bénisse amplement et vous garde pour que vous puissiez bénéficier des fruits de ma réussite. Merci à mes petits-frères HISSEINE SALEH SOULEYMANE, ZAKARIA SALEH SOULEYMANE et TAHIR SALEH SOULEYMANE ; mes petites-soeurs ZARA SALEH SOULEYMANE, RADIÉ SALEH SOULEYMANE, CHERIFA SALEH SOULEYMANE ; mon neveu SALEH BRAHIM ABAKAR, ma nièce NADIFA BRAHIM ABAKAR et ma fiancée KHADIDJA ABDRAMANE ABAKAR pour leur amour inconditionnel.

Surtout merci à ALLAH SOUBHAANAHOU WATA ALLA de nous avoir gardé et guidé pour arriver à l'échéance de ce travail. ALLAMDOU-LILLAH.

iv

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

BAD : Banque Africaine de Développement

BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale

C. civ : Code Civil

CAD : Comité d'Aide au Développement

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

CITES : Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore

Sauvages Menacées d'Extinction

CNRS : Centre National pour la Recherche Scientifique

CRDSC : Centre de Règlements des Différends Sportifs du Canada

DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies

DIAT : Diplôme d'Ingénieur d'Agronomie Tropicale

ESSOR : Espaces, Société et Logiques Economiques

FAO : Organisations des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture

F CFA : Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale

Ha : Hectare

HCR : Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés

IDH : Indice de Développement Humain

Ibid. : Ibidem

IGAD : Autorité Intergouvernemental pour le Développement

IIED : Institut International pour l'Environnement et Développement

INS : Institut National de la Statistique

Interpol : Organisation Internationale de Police Criminelle

IRAD : Institut de Recherche Agricole pour le Développement

v

OCDE : Organisation de la Coopération et du Développement

ONG : Organisation Non Gouvernementale

MEC : Médiation entre Eleveurs et Cultivateurs au Tchad

ONDR : Office National de Développement Rural

ONU : Organisation des Nations Unies

Op cit. : Opere Citato

p. : page

PIB : Produit Intérieur Brut

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PRODALKA : Programme de Développement Rural Décentralisé du Mayo Dallah, Léré, de

la Kabia et du Mont Illi

PUF : Presses Universitaires de France

UNODC : Office des Nations Unies Contre les Drogues et le Crime

vi

RESUMÉ

Compte tenu de la sévérité des conditions climatiques qui ne font que s'aggraver chaque année et de la montée en puissance de la démographie humaine et animale, les éleveurs de la zone sahélienne et saharienne descendent avec les animaux dans la zone soudanienne en saison sèche. Ils sont à la recherche des conditions favorables aux animaux, et remontent dans leurs territoires d'origine en début de la saison des pluies. Ce déplacement dans la zone soudanienne ne passe pas sans poser des problèmes. La zone soudanienne est une zone à vocation agricole et les animaux peuvent détruire les champs, les filets de pêche, côtoyer les aires protégées lors de leur déplacement. Ce qui met les éleveurs en perpétuel conflit avec les agriculteurs, les pêcheurs et les agents de l'Etat. Les usagers des ressources naturelles ont développé des comportements de moins en moins tolérants les uns envers les autres. Ces conflits ont d'innombrables impacts sur le développement et la gouvernance des provinces dans lesquelles ils sont fréquents. Dès lors, quels les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur la gouvernance et le développement et quelles solutions préconiser pour limiter ces derniers ? Nous dégageons de cette question principale une hypothèse selon laquelle les conflits liés à la mobilité pastorale impactent de manière négative le développement et la gouvernance de la province, des mesures profondes sont nécessaires sont nécessaires pour limiter les impacts de ces conflits. Pour vérifier cette hypothèse, nous nous intéressons dans un premier temps aux impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance dans la province et dans un second temps nous proposons des mesures pour atténuer les impacts de ces conflits. Ces conflits occasionnent la destruction de l'environnement, des champs, créent des pertes en vie humaine, des pertes matérielles, désorganisent les groupes sociaux... Ces impacts sont maintenus et alimentés par la corruption, les fortes amendes lors des règlements des litiges, la pluralité des instruments juridiques dans le monde rural, l'incompétence des autorités administratives civiles et militaires... Pour atténuer ces conflits qui ont endeuillé et continuent d'endeuiller les familles, l'Etat et les Collectivités Autonomes doivent prendre des mesures qui doivent s'imposer à tous, telles que l'amélioration et harmonisation des textes régissant le monde rural, l'instauration une paix civile entre les différents groupes, encourager le vivre-ensemble etc.

Mots clés : impact, conflit, développement, gouvernance, code pastoral.

vii

ABSTRACT

Talking into account the severity of the climatic conditions which only worsen each year and the rise in human and animal demography, the herders of the Sahelian and Saharan zone descend with the animals to the Sudanian zone in dry season. They search of favourable conditions of animals and return to their territories of origin at start of the rainy season. This displacement in the Sudanian zone, for agricultural purposes, is not without causing problems. During this displacement the animals can destroy the fields, the fishing nets, rub shoulders with the protected areas. Which puts them in perpetual conflict with farmers, fishermen and State agents. The users of naturel resources have developed behaviors that are less and tolerant of one another. These conflicts have innumerable impacts on the development and the governance of the provinces in which these conflicts are frequent. Therefore, what are the impacts of conflicts linked to pastoral mobility on development and governance in the West Mayo-Kebbi province and what solutions can be recommended to limit their impacts? We derive from this main question a hypothesis according to which the conflicts related to pastoral mobility negatively impacts the development and governance off the province, deep measures are necessary the impacts of these conflicts. To verify this hypothesis, we first look at the impacts of conflicts linked to pastoral mobility on development and governance and secondly we propose measures to mitigate the impacts of conflicts. These conflicts cause

destruction of the environment, the fields, create loss of human life, material loss,
disorganize groups social...These impacts are maintained and fuelled by corruption, heavy fines for settling disputes, the plurality of legal instruments in the rural world, the incompetence of civil and military administrative authorities... That conflicts which have mourned and continue to mourn families. The State help the local and regional authorities must take measures which are essential to all, such as the improvement ant the harmonization of the texts governing the rural world, the establishment of civil peace between different groups, encourage living together...

Keywords: impact, conflict, development, governance, pastoral code.

SOMMAIRE

viii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : 34

LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE DANS LA PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST

34

CHAPITRE I : 36

LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE SUR LE

DÉVELOPPMENT DE LA PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST 36

Section 1 : Les impacts des conflits liés à la mobilité sur le développement économique de la province

37

Section 2 : Les impacts sociaux des conflits liés à la mobilité pastorale dans la province 47

CHAPITRE II : 57

LES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITE PASTORALE, EFFETS DE LA MAUVAISE

GOUVERNANCE 57

Section 1 : Politisation et mauvaise gestion des conflits 58

Section 2 : Pluralité des instruments juridiques dans la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale

64

SECONDE PARTIE : 72

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ

PASTORALE 72

CHAPITRE III : 74

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ

PASTORALE AU NIVEAU DE L'ÉTAT 74

Section 1 : Soutenir une gestion consensuelle et décentralisée de l'espace agropastoral et des conflits

75

Section 2 : Amélioration des mecanismes de gestion des conflits 81

CHAPITRE IV : 89

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ

PASTORALE DANS LA PERSPECTIVE DE LA DÉCENTRALISATION 89

Section 1 : Mise sur pied d'un système communautaire d'alerte précoce 90

Section 2 : Mise en place d'un plan de communication, de sensibilisation et d'éducation 93

CONCLUSION GÉNÉRALE 101

ANNEXES 105

LISTE DES ANNEXES 104

BIBLIOGRAPHIE 104

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1

2

I. CONTEXTE DU SUJET

Les fléaux qui sévissent au Tchad nous amène à nous interroger sur les conflits internes de ce pays. Ces conflits sont très nombreux et sont devenus la forme de violence la plus pernicieuse. De milliers de personnes ont été tuées dans ces conflits, parmi ces nombreux conflits on y trouve les enlèvements des personnes contre rançons, les oppositions foncières, les hostilités intercommunautaires, les tiraillements liés à la sorcellerie, les viols, les vols, les conflits liés à la mobilité pastorale etc. Ils s'inscrivent dans un cadre plus général d'insécurité au Tchad.

Le Tchad est un pays à vocation agricole, pastorale et halieutique, son environnement naturel, sa composition humaine et sa culture sont favorables à ces activités. Son économie repose essentiellement sur ces secteurs, qui participent à hauteur de 20% au PIB1. La dégradation des écosystèmes s'est fortement accentuée ces dernières années, sous les effets de plusieurs facteurs, dont les plus marquants sont la baisse de la pluviométrie et l'accroissement rapide de la démographie2. Cette crise pousse les éleveurs à se déplacer progressivement vers la zone méridionale du pays. Cette migration des personnes et du bétail vers le sud, zone à vocation agricole ne se fait pas sans poser des problèmes sociaux. Confrontés à l'hostilité du climat social, les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs ont développé au fil du temps un comportement de moins en moins pacifique. La cohabitation entre ces communautés est émaillée d'affrontements aux issues souvent sanglantes et meurtrières.

Ces conflits peuvent opposer les éleveurs aux agriculteurs, de même que les éleveurs aux pêcheurs et aux agents de l'État. Les conflits entre les éleveurs et les agriculteurs sont de loin les plus nombreux et plus violents que ceux qui opposent les éleveurs aux pêcheurs, ou aux agents de l'État. Ces conflits entre les agriculteurs et les éleveurs représentent près de trois quart des conflits liés à la mobilité pastorale, et ont pris des proportions inquiétantes depuis 2014. En plus des conflits entre les usagers (agriculteurs, éleveurs et pêcheurs), ces conflits ont également une autre dimension, celle qui oppose les éleveurs aux institutions

1 ONU, « Profil de pays (Tchad) », Commission Économique pour l'Afrique des Nations Unies, Addis-Abeba, ISBN : 978-99944-68-90-4, 2016, p. viii.

2 SOUGNABE (Pabamé), Le conflit agriculteurs/éleveurs dans la zone soudanienne : cas du Moyen-Chari au sud du Tchad, Mémoire de DEA en Espace, Société et Logiques Économique et du Diplôme d'Ingénieur Agronome Tropicale, Université de Toulouse le Mirail, septembre 2000, p. 47.

3

étatiques et non-étatiques. Parlant des conflits entre les éleveurs et l'Etat, dans le Mayo-Kebbi Ouest, l'espace où s'extériorisent ces conflits concerne souvent les aires protégées3.

De nos jours, les conflits liés à la mobilité pastorale demeurent une menace pour la sécurité d'innombrables personnes et affectent les efforts visant l'instauration de la stabilité et de la paix durable. Ces phénomènes existaient et continuent d'exister avec des conséquences de plus en plus drastiques. Les autorités administratives, militaires et politiques qui sont censées régler ces conflits, sont souvent à la base de la recrudescence.

Face à cette crise qui compromet la promotion de ces secteurs clés de l'économie du pays, le gouvernement a tenté en 2014 par une loi appelée « code pastoral » de déterminer les principes fondamentaux en matière de pastoralisme, ce projet de loi fut rejeté par le Conseil Constitutionnel la jugeant d'inconstitutionnel, mais le 11 novembre 2014 l'Assemblée Nationale adopte en seconde lecture le projet de loi portant code pastoral.

Les conflits liés à la mobilité pastorale ne datent pas d'aujourd'hui. Historiquement, ce type de conflit qui a fait plus de victimes (120 morts à l'arme blanche) a eu lieu au Nord entre les arabes Misseriés et les Ratanins à Oum-Hadjer au Batha en 19474. Dans la zone soudanienne du Tchad, zone à vocation agricole, il faut noter que jusqu'à des dates récentes, ces conflits étaient limités. Avec la nouvelle situation pluviométrique et l'augmentation de la population humaine et animale, les transhumants nordistes, qui s'arrêtaient autrefois au centre du pays, arrivent jusqu'au sud. Ces transhumants ne sont pas les bienvenues dans cette zone où l'agriculture est la principale activité. Le déplacement des transhumants pose alors des problèmes tout au long de leur trajet. Les agriculteurs qui voient leurs champs détruits, et les pêcheurs qui voient leurs filets détruits, développent des comportements de moins en moins pacifiques.

Les ressources étant par nature limitées dans un environnement donné, il faut les repartir entre les différentes personnes ou groupes de personnes qui peuvent y prétendre. Les personnes bénéficiaires ne sont pas toujours d'accord sur le bien-fondé de cette répartition. C'est pourquoi, elles décident souvent, lorsqu'elles ont épuisé divers moyens pacifiques, de faire reconnaitre leur droit par le moyen du conflit. Le conflit débute généralement par un acte compris par l'un des protagonistes comme une transgression des règles communément

3 MARTY (André), SOUGNABE (Pabamé), DJONATA (Djatto) et NABIA (Aché) (dir), Causes des conflits liés à la mobilité pastorale et mesures d'atténuation, Rapport d'étude, juin-septembre 2010, p. 41.

4 HUGOT, 1997, cité par SOUGNABE (Pabamé) op cit. p.18.

4

admises. Ils ne perçoivent pas leur relation de la même manière. L'un peut avoir l'impression de tendre vers la négociation, l'autre, au contraire, le situer dans le cadre d'un affrontement.

Les questions des conflits liés à la mobilité pastorale sont une question de gouvernance et freinent le développement et particulièrement le décollage économique de ladite province. Ils sont une question de gouvernance dans la mesure où c'est par la négligence du gouvernement que naissent et se maintiennent généralement ces conflits. La majorité des conflits naissent des problèmes de gouvernance, ces conflits montrent la faiblesse ou l'incapacité de l'Etat à donner des réponses urgentes aux questions de gouvernance. La majorité de ces conflits ont pour cause la gestion des ressources naturelles. « La bonne gouvernance est essentielle pour permettre à l'Afrique de repousser les conflits et réaliser son potentiel » estime le Secrétaire Général des Nations Unies.5

Dès lors, la lutte contre l'insécurité apparait comme une priorité pour le gouvernement tchadien. Ainsi, notre sujet ayant objet d'analyser les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance de la province du Mayo-Kebbi Ouest s'avère pertinent.

II. CLARIFICATION DES CONCEPTS DU SUJET

La définition des termes du sujet nous permet de bien appréhender la question afin d'apporter les éléments de développement plus pertinents. C'est en ce sens que, Jean-Louis BERGEL affirme : « le chercheur doit pour toute étude, définir au préalable les termes enfin que l'on sache bien de quoi il est question »6. Il convient dès lors de définir les notions suivantes : impact (1), conflit (2), mobilité pastorale (3), gouvernance (4) et développement (5).

1. Impact

À l'origine, le mot impact vient du latin impactum (heurter), qui signifiait uniquement l'endroit où venait frapper un projectile7. L'usage du mot impact a depuis été étendu à l'effet d'une action forte, brutale et par extension, jugée inappropriée, effet, influence d'une action8.

5 Déclaration faite au troisième Forum sur la gouvernance en Afrique, tenu à Bamako du 28 au 30 juin 1999.

6 BERGEL (Jean-Louis), « Théorie générale de droit », Paris, Dalloz, 1989, p. 193.

7 Grande encyclopédie Larousse, 1962 cité par KEUTCHEU (Joseph), Cours d'Etude d'impact, audit et bilan des projets et des actions de développement, Master II Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement, Université de Dschang, Novembre 2020, p. 10, inédit.

8 Petit Robert 1878 cité par KEUTCHEU (Joseph) ibid.

5

Et plus tard, l'influence décisive de quelque chose ou de quelqu'un sur le déroulement de l'histoire des événements (Petit Larousse 1988)9.

C'est cette évolution qui a conduit à utiliser le mot « impact » pour définir les changements produits par un phénomène sur l'environnement, l'économie, les populations... Il est évident qu'un écart significatif existe entre la définition initiale de la notion à son appréhension actuelle relative aux changements produits par un phénomène.

L'impact d'un phénomène est la situation issue de l'ensemble des changements significatifs et durables, positifs ou négatifs, prévus ou imprévus, dans la vie et l'environnement des personnes ou des groupes et pour lesquels un lien de causalité direct ou indirect peut être établi avec le phénomène10. C'est cette dernière définition qui sera retenue dans le cadre du développement de notre thème.

2. Conflit

Au sens commun, si on s'en tient à la définition donnée par le dictionnaire Le Robert, le conflit est la « rencontre d'éléments, de sentiments contraires, qui s'opposent » ; ou "Actions, idées, intérêts, ou personnes opposées ou en compétition"11

Au sens sociologique, pour la plupart des sociologues, la question des conflits n'était pas importante, les conflits ont été ignorés pendant quarante ou cinquante ans dans les études sociologiques. Le problème posé par Karl MARX au XIXe siècle, a subi, selon la formule de MILLS une "Elimination Magique" jusqu'aux années cinquante12. Les théories animant la scène des sciences sociales insistaient alors sur l'ordre, l'harmonie, les valeurs traditionnelles et l'intégration. De nombreux mouvements sociaux complexes tels que le "Black Power" en Amérique dans les années cinquante-soixante, la contestation anti-Vietnam révélèrent l'importance jouée par les conflits dans la dynamique sociale : la question des conflits devint un sujet fondamental d'étude pour expliquer les mouvements sociaux.

SIMMEL donne une définition du conflit qui va à l'encontre la plupart des auteurs que nous avons lus. Il considère le conflit comme une force fondamentale de la vie sociale, il se

9 Ibid.

10 Ibid.

11 Encyclopédie Britannica, cité dans Conflit : vers une définition générique par DEHAIS (Fréderic) et PASQUIER (Philippe), article présenté lors d'une conférence à Biarritz (France), janvier 2020, p. 2 ; [En ligne] PDF disponible sur http://oatao.univ-toulouse.fr ; consulté le 8 juin 2021.

12 Ibid.

6

place dans une tradition millénaire fondée par HERACLIDE qui voit dans la guerre le père de tout développement13.

Sandrine RUI, dans son ouvrage14, s'essaie à la définition du conflit. Pour elle, le conflit est un antagonisme entre individus ou groupes dans la société (ou entre sociétés). Il survient " quand une décision ne peut être prise par les procédures habituelles.15"

D'une manière générale, la notion de conflit apparait lorsque deux individus ou deux groupes d'individus ne perçoivent pas la même chose de la même manière. Le conflit est l'expression d'une crise, d'une rupture, d'un affrontement ou d'un enjeu qui s'est instaurée entre deux acteurs. Les enjeux peuvent évidemment être de différente nature : matérielle ou immatérielle. L'accès aux ressources est un enjeu matériel pour les éleveurs, les agriculteurs et les pêcheurs et l'honneur ou le prestige d'un chef est un exemple d'enjeu immatériel. Notons que les enjeux peuvent changer à mesure que le conflit se développe.

Le conflit survient souvent suite à un malentendu suivant le cadre où se situe chaque personne ou chaque groupe de personnes, deux personnes qui entrent en conflit vivent souvent un malentendu. Ceci nous amène à voir les types de conflit.

Un conflit peut être manifeste ou latent. Les conflits manifestes sont ceux qui opposent ouvertement deux individus antagonistes au sein d'une même communauté (éleveurs et éleveurs) ou deux communautés différentes (éleveurs et agriculteurs). Les conflits latents sont des types de conflits qui ne sont pas apparents mais sont souvent les causes profondes des conflits manifestes. L'exemple type de conflit latent dans ce cas, est le clivage Nord/Sud, musulman/chrétien, qui est la cause profonde des conflits liés à la mobilité pastorale.

Thomas KENNETH16 pour sa part, considère deux types de conflits : le conflit intra individuel qui correspond à la tendance d'un individu à fournir des réponses incompatibles entre elles, et le conflit "dyadique", entre deux entités (deux groupes, deux personnes...), qui selon l'auteur doit être vu comme un processus qui englobe la perception, les émotions, l'humeur des deux parties. Le conflit se déclenche lorsqu'une de deux entités perçoit un état

13 HAHN (Aloïs), La sociologie du conflit [note critique], Conflit du travail N° 3/90, 1990/32-2, Revue publiée avec le concours du CNRS, pp. 376-377.

14 RUI (Sandrine), « Les 100 mots de la sociologie » cité par YEBEGA NDANA (Nicolas), Cours de Sociologie des conflits, Master I-Stratégie, Défense, Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes au Centre de Recherche d'Etudes Politiques et Stratégiques, Université de Yaoundé II-SOA, 2019-2020, p. 5, inédit.

15 MARCH (James), Herbert Simon, « Organisations » ibid.

16 Thomas (Kenneth) cité par DEHAIS (Frédéric) et PASQUIER (Philippe), op cit. p. 3.

7

de frustration chez l'autre ou si elle se sent elle-même en état de frustration vis-à-vis de l'autre entité. Thomas KENNETH propose une modélisation des conflits qui, d'une part s'intéresse à la dynamique des événements qui créent le conflit, et d'autre part à un modèle statique qui concerne les conditions de déclenchement d'un conflit.

Dans le cadre de notre travail, nous retenons la définition de Sandrine RUI qui est la plus simple, la plus pratique et largement admise et comprise à nos yeux. Elle considère le conflit comme un antagonisme entre individus ou groupes dans la société (ou entre sociétés). Il survient " quand une décision ne peut être prise par les procédures habituelles. "

3. Mobilité pastorale

Ayant pour origine le mot latin « Mobilitas », la mobilité est un système de déplacement dont la structure dominante sur les mouvements cycliques et en fonction des conditions climatiques et écologiques.

Le pastoralisme est selon le code pastoral ce « mode d'élevage fondé sur la mobilité permanente ou saisonnière du cheptel »17 La mobilité pastorale est donc ce système de déplacement permanent ou saisonnier, et qui vise une occupation humaine et animale rationnelle afin de préserver les conditions de production des ressources naturelles, à savoir le tapis végétal, les pâturages aériens et les ressources minérales18. Même si cette définition demeure laconique, elle prend en compte la signification des termes qui le composent.

Cette mobilité au Tchad, se fait souvent sous la forme de la transhumance19. Elle est la caractéristique indispensable pour les systèmes pastoraux. La mobilité pastorale est reconnue par nombre d'observateurs comme un atout pour les systèmes pastoraux, en ce qu'elle engendre une valorisation des ressources et une amélioration de la productivité (viande, lait, fécondité etc.)20.

17 Article 4 du code pastoral de la République du Tchad.

18 BERNUS, cité par HIYA MAIDAWA (Moustapha) BOUBACAR (Yamba), LEBAILLY (Philippe) et LUDOVIC (André) (dir), Mobilité pastorale au Sahel et en Afrique de l'Ouest : essai de synthèse, Journée Scientifique de l'Université Abdou Moumouni de Niamey, janvier 2016, p. 3, [En ligne] PDF disponible sur http://hdl.handle.net/2268/194584 ; consulté le 6 avril 2021.

19 Selon l'article 4 code pastoral du Tchad, la transhumance est l'ensemble de déplacements cycliques des animaux et/ou des groupes sociaux à la recherche des ressources pastorales rythmés par les saisons. Elle peut être pratiquée au niveau national et transfrontalier.

20 MARTY (André) 2001, cité par HIYA MAIDAWA (Moustapha) et al. (dir) op cit. p. 3.

8

Au Tchad, l'Etat a garanti la mobilité des animaux et des personnes sur toute l'étendue du territoire national à travers le code pastoral (article 7)21. Les dispositions sont prises à cet effet ; les populations locales, les autorités administratives et coutumières sont tenues de faciliter ces déplacements et leur garantir l'accès aux services sociaux de base (article 41 du code pastoral)22. Le code reconnait la mobilité comme un mode rationnel et durable d'exploitation des ressources pastorales à travers son article 50 : (1) « Les éleveurs ont le droit d'accéder et d'exploiter librement les ressources pastorales pour l'alimentation de leurs animaux ». (2) « l'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisés assurent l'accès équitable aux points d'eaux aménagés ».

Pour nous, la définition la plus appropriée dans le cadre de notre travail est la suivante : la mobilité pastorale est ce système de déplacement permanent ou saisonnier, et qui vise une occupation humaine et animale rationnelle afin de préserver les conditions de production des ressources naturelles, à savoir le tapis végétal, les pâturages aériens et les ressources minérales. Nous avons retenu cette définition parce qu'elle prend en compte la signification des mots qui composent le terme.

4. Gouvernance

La gouvernance est un terme qui a beaucoup évolué depuis son émergence au XXe siècle dans le secteur privé. Dans le domaine public, c'est un mode particulier de gouvernement qui garantit l'instauration des normes et d'institutions assurant un cadre prévisible et transparent pour la conduite des affaires publiques23. La Banque Mondiale définit la gouvernance comme étant l'ensemble de traditions et institutions pour lesquelles le pouvoir s'exerce dans un pays avec pour objectif le bien de tous.24 La Commission Européenne quant à elle définit la gouvernance comme « les règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence »25.

21 La mobilité pastorale à l'intérieur du territoire national est une liberté reconnue à tout éleveur dans le respect de la réglementation nationale en vigueur et des us et coutumes de la zone d'accueil.

22 Il est fait obligation aux services publics d'accueil de garantir aux transhumants l'accès aux services sociaux de base notamment de santé humaine et animale et d'éducation.

23 KEUTCHEU (Joseph), Cours de Développement Local et Gestion de l'Interculturalité, Master II en Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement, Université de Dschang, Janvier 2021, p. 9, inédit.

24 Banque mondiale, « La gouvernance collaborative », site de la Banque Mondiale, [En ligne], http://www.worldbank.org/wbi/gouvernance/fra/about-f.htm#approach , consulté le 23 novembre 2020.

25 Union Européenne, « Gouvernance européenne : un livre blanc », site officiel de la Commission Européenne, [En ligne], http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2001_0428fr01.pdf, consulté le 23 novembre 2020.

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Cette définition est adaptée au contexte européen mais elle semble pour nous, plus claire et contient des éléments qui sont incontournables pour les acteurs du développement. Surtout cette définition met en relation la gouvernance et la responsabilité. Le mot responsabilité pourrait même à lui seul expliquer la gouvernance, car gouverner c'est avoir une certaine responsabilité. L'ONU par le biais du PNUD offre une définition de la gouvernance susceptible de rejoindre des réalités internationales en cours. Pour cet organe onusien, «governance can be seen as the exercise of economic, political and administrative authority to manage a country's affairs at all levels. It comprises the mechanisms, processes and institutions through which citizens and groups articulate their interests, exercise their legal rights, meet their obligations and mediates their differences».26 La gouvernance peut être considérée comme l'exercice d'un pouvoir économique, politique et administratif pour gérer les affaires d'un pays à tous les niveaux. Elle comprend les mécanismes, les processus et les institutions par lesquels les citoyens et les groupes expriment leurs intérêts, exercent leurs droits légaux, remplissent leurs obligations et arbitrent leurs différends. C'est une tentative de traduction de cette définition du PNUD.

À ces définitions des institutions, nous pouvons ajouter l'apport des auteurs à la définition de la gouvernance. Dans son ouvrage de référence pour les sciences économiques, Alain BEITOINE définit le concept de gouvernance en reprenant la définition d'un commissaire européen : « Selon P. Lamy, la gouvernance est l'ensemble de transactions par lesquelles des règles collectives sont élaborées, légitimées, mises en oeuvres et contrôlées. »27 Guy HERMET dans son ouvrage de référence pour la science politique, ajoute au concept de gouvernance les notions d'actions formelles et informelles, ces deux niveaux devant être considérés comme partie intégrante de la gouvernance. Elle désigne l' « ensemble de procédures institutionnelles, des rapports de pouvoir et des modes de gestion publics ou privés formels aussi bien qu'informels qui régissent notamment l'action politique réelle »28. Marie-Claude SMOUTS et al. offrent une définition plus étendue de la gouvernance. Pour ces auteurs, « la gouvernance est un mode d'action publique par interaction des acteurs privés et publics au-delà des appartenances territoriales ». Dans cette problématique, la gouvernance possède quatre propriétés : elle n'est pas un système des règles ni une activité mais un

26 United Nations, « Gouvernance for sustanaible human developement », sur le site du PNUD, [En ligne] http://mirror.undp.org/magnet/policy/chapter1.htm#b, consulté le 23 novembre 2020.

27 BEITINE (Alain), « Dictionnaires des sciences économiques », 2e édition, Paris : Armand Colin, 200, p. 252.

28 HERMET (Guy), « Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques », 3e édition, Paris, Armand Colin, 1998, p. 114.

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processus ; elle n'est pas formalisée mais repose sur les interactions continues ; elle n'est pas fondée sur la domination mais sur l'accommodement ; elle implique à la fois des acteurs publics et privés.29

Le cadre de notre travail, nous retenons la définition suivante de la gouvernance qui veut qu'elle soit l'ensemble d'institutions qui assurent la vie quotidienne des citoyens dans un territoire donné. Elle requiert pour les acteurs une responsabilité et pour les citoyens une participation. C'est une définition donnée par nous-même qui veut faire ressortir les acteurs en présence dans la gouvernance et leur relation.

5. Développement

Gilbert RIST définit le développement comme : « l'ensemble de pratiques parfois contradictoires qui, pour assurer la production sociale, obligent à transformer et à détruire, de façon généralisée, le milieu naturel et les rapports sociaux en vue d'une production croissante de marchandises (biens et services) destinées, à travers l'échange, à la demande sociale ».30 François PERROUX conceptualise le développement comme « la combinaison de changements mentaux et sociaux d'une population qui rendent apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global ».31 Pour Edgar MONTIEL32, « le développement, dit-on n'est plus conçu comme devant être une simple course de rattrapage, sur le plan économique, des nations plus favorisées, conception qui a prévalu jusqu'à un passé récent, mais bien comme une mise en oeuvre des potentialités propres des sociétés en développement en plus d'une exigence de réparation plus juste des richesses au niveau national et international. C'est par cette double action, en effet, que le développement intégré débouchera sur le droit à l'expression des valeurs de civilisations issues de l'histoire et des situations sociales spécifiques des sociétés émergentes. Sans que soient reniés les apports fécondants issus d'autres aires culturelles et certaines formes d'authenticité sont désormais revendiquées comme facteurs de développement33 ».

29 SMOUTS (Marie-Claude), BATISTA (Dario) et VENNESSOU (Pascal), « Dictionnaire des relations internationales : Approches, concepts, doctrines », Paris, Dalloz, 2003, p. 107.

30 RIST (Gilbert), « Le développement, histoire d'une croyance occidentale », Presse de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1996, p. 23.

31 Perroux (François), « L'économie du XXe siècle », Paris, PUF, 1961, p. 155.

32 Haut fonctionnaire de l'UNESCO, spécialiste de l'Amérique Latine.

33 MONTIEL (Edgar) cité par LATOUCHE (Serge), Faut-il refuser le développement ?, Paris, Presses Universitaires de France, 1986, p. 10.

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À ces définitions des auteurs, on y ajouter quelques définitions des institutions. La Commission du Sud, dans un rapport rédigé sous l'autorité de l'ancien président tanzanien Julius K. Nyerere définit le développement comme : « un processus qui permet aux êtres humains de développer leur personnalité, de pendre confiance en eux-mêmes et de mener une existence digne et épanouie. C'est un processus qui libère les populations de la peur du besoin et de l'exploitation et qui fait reculer l'oppression politique, économique et sociale. C'est par le développement que l'indépendance politique acquiert son sens véritable. Il se présente comme un processus de croissance, un mouvement qui trouve sa source première dans la société qui est elle-même en train d'évoluer. [...] Le développement d'une nation doit se fonder sur ses ressources propres, aussi bien humaines que matérielles, exploitées pleinement pour la satisfaction de ses propres besoins [...] Le développement doit donc être un effort du peuple, par le peuple et pour le peuple. Le vrai développement est centré sur les êtres humains.34 De son côté, l'OCDE/CAD définit le développement comme : « un processus intégré de stabilité politique et économique qui combine la bonne gestion des affaires publiques et par la participation des populations, l'investissement dans les ressources humaines, la confiance dans le jeu des forces du marché, le souci de l'environnement et l'existence d'un secteur privé dynamique ».35 Le développement mobilisé dans le cadre de notre travail est un développement sous-entendu local. Le développement local pour Bernard VACHON est une « stratégie qui vise par les mécanismes de partenariat à créer un environnement propice aux initiatives locales afin d'augmenter la capacité des collectivités en difficulté ; à s'adapter aux nouvelles règles du jeu de la croissance macro-économique ; ou à trouver d'autres formes de développement, qui part des modes d'organisation et de production inédits intégreront des préoccupations d'ordre social, culturel et environnemental parmi les considérations purement économiques».36 Le développement d'une région peut désigner plus simplement l'amélioration de la qualité de vie de ses habitants.

Pour notre travail, nous retenons la définition du développement donné par l'OCDE/CAD qui veut le développement soit : « un processus intégré de stabilité politique et économique qui combine la bonne gestion des affaires publiques ». C'est une définition qui cadre nettement avec l'orientation de notre thème.

34 Défis au Sud, Rapport de la Commission du Sud, Paris, Économica, 1990, pp. 10-11 cité par RIST (Gilbert) op cit. p. 329.

35 Rapport de l'OCDE/CAD, Paris, 1994.

36 VACHON (Bernard), « Le développement local. Théorie et pratique », Boucherville, Gaëtan Morin Éditeur, 1993, p. 104.

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III. CONSTRUCTION DE L'OBJET DE L'ÉTUDE

Pour explorer profondément un thème d'une telle ampleur, l'on est tenté de se demander : "de quoi il est question ? ". Tentative de réponse à cette question nous conduit à déterminer les contours (1), la justification (2) et l'intérêt du sujet (3).

1. Délimitation de l'étude

Pour explorer profondément ce sujet et mieux le comprendre, nous délimiterons ce dernier. A défaut de le délimiter, nous courons le risque de ne pas pouvoir stopper notre étude. Il y aura à voir plus loin et autant d'informations susceptibles de renseigner la recherche. Ainsi, la délimitation de notre travail se sera sur deux axes : la délimitation matérielle (a) d'une part et la délimitation temporelle (b) d'autre part.

a. La délimitation matérielle

Les conflits liés à la mobilité pastorale ne se limitent pas seulement avec les agriculteurs, ils peuvent également opposer les éleveurs à d'autres communautés telles que les pêcheurs. Les conflits avec les pêcheurs dégénèrent souvent quand, lors du passage des animaux, ceux-ci détruisent les filets de pêche. Ces conflits ont également une autre dimension. En plus des usagers (éleveurs, agriculteurs et pêcheurs), les éleveurs en déplacement sont en perpétuel conflit avec l'Etat, quand les animaux de ces derniers côtoient les aires protégées. Dans notre étude, nous mettons beaucoup plus l'accent sur les conflits entre les agriculteurs et les éleveurs car ceux-ci sont très fréquents et plus violents.

b. La délimitation temporelle

Notre étude commence à partir du début de l'année 2014 à nos jours. C'est la période dans laquelle les conflits liés à la mobilité pastorale ont fait plus de victimes, laissant des familles dans la désolation totale. Cette date est également historique dans la réglementation de ces conflits, car c'est en 2014 que le code pastoral est promulgué. Il faut aussi mentionner qu'avant 2014, ces conflits étaient régis par la loi n°4 du 31 octobre 1959, une loi promulguée avant que le Tchad n'accède à la souveraineté internationale. Toutefois, cette délimitation temporelle ne sera obstacle à l'analyse de certains textes encadrant la mobilité pastorale avant cette date.

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2. La justification du choix de l'étude

Aujourd'hui, la gestion de l'espace du monde rural est devenue une source de conflit entre les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs dans la zone méridionale du Tchad. Cette situation compromet gravement le développement de ces secteurs qui constituent les principales sources de revenu du pays après le pétrole. Le choix de ce sujet se justifie par le fait que le sujet nous paraît pertinent, intéressant, praticable, et utile. Il est pertinent parce qu'il pose un problème très important et d'actualité, qui fait des victimes en ce moment même. Les décideurs doivent être éclairés pour leur permettre de prendre des bonnes décisions. Il est intéressant dans la mesure où notre motivation de faire les recherches sur les conflits liés à la mobilité pastorale est durable. Nos origines de cette communauté (éleveurs) nous ont permis également de connaître les pratiques pastorales, base de compréhension de ces conflits. Notre sujet est pratique, car le terrain (le Mayo Kebbi-Ouest) nous est familier. Notre de travail de recherche est utile du fait qu'il a pour finalité de comprendre la difficile cohabitation entre les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs. Il s'agit d'une part d'identifier les impacts du conflit sur le développement et la gouvernance et d'autre part de proposer des mesures d'atténuation des impacts de ces conflits. L'objectif de ce travail n'est pas de s'engager en faveur d'un groupe ou de l'autre, ni de porter un jugement sur le contenu des idées et moins encore de faire un bilan des affrontements. Il est plutôt question d'observer, de comprendre et d'analyser une situation qui a évolué et qui est devenue un véritable conflit ouvert et d'en proposer éventuellement des solutions.

3. L'intérêt du sujet

Tout travail scientifique entamé cherche à apporter sa part de contribution, pour une meilleure compréhension du phénomène étudié. Ainsi, notre thème portant sur les « impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance dans la province du Mayo-Kebbi Ouest » revêt d'un double intérêt, un intérêt scientifique et un intérêt sociopolitique.

Sur le plan scientifique, nous voulons apporter des éclaircissements à la

compréhension du phénomène des conflits liés à la mobilité pastorale. Ces conflits sont un phénomène dont les acteurs sont divers, les impacts sont négatifs pour le développement et la gouvernance de la région, les causes sont plus profondes que nous le croyons, et les autorités administratives et traditionnelles qui sont censées être impartiales pour mieux prévenir et résoudre ces conflits sont même souvent à la recrudescence de ces derniers.

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Sur le plan sociopolitique, nous ambitionnons que notre travail constitue un outil d'aide à la décision pour les autorités administratives et traditionnelles et aux représentants des ONG qui sont les acteurs de prévention et de résolution des conflits liés à la mobilité pastorale.

IV. PRÉSENTATION DU LIEU DE STAGE : LE GOUVERNORAT DE LA

PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST

Avant de présenter la structure de notre stage, il nous paraît plus judicieux de présenter brièvement le Tchad (cadre général de notre étude) et la province du Mayo-Kebbi Ouest (point focal de l'étude).

Le Tchad est un pays situé sur la ligne de contact entre l'Afrique Nord et l'Afrique subsaharienne sans accès à la mer. Devenu République le 28 Novembre 1958, il accède à l'indépendance le 11 Août 1960. Il couvre une superficie de 1 284 000 km2, sur laquelle vivent environ 16 millions d'habitants dont 78% représentent la population rurale. Le Tchad se caractérise par une profonde diversité de sa population, on y retrouve les Arabes, les Kanembous, les Gourans, les Saras, les Toupouris, les Moundang, les Zimés, les Zaghawas, Ngambayes, les Hadjaraï, les Ouaddaï etc. repartis inégalement sur toute l'étendue du territoire, la moitié de celle-ci est concentrée au sud qui représente 10% du territoire national, le taux de croissance démographique est de 3,2% (2019).37

Le pays est divisé en trois zones climatiques : la zone saharienne, le plus vaste couvrant une superficie de 780 000 km2 38 au nord du pays, caractérisé par une pluviométrie de moins de 350 mm, l'élevage constitue l'activité dominante, l'agriculture reste localisée autour des oasis ; la zone saharienne occupant une superficie de 374 000 km2 39 au centre a une pluviométrie comprise entre 350-600 mm où coexistent l'agriculture et l'élevage et la zone soudanienne qui s'étend sur environ 130 000 km2 40 au sud, ayant une pluviométrie annuelle de 600-1200 mm est une zone d'agriculture par excellence.

37 Banque mondiale, « Tchad - Vue d'ensemble », site de la Banque Mondiale, [En ligne] disponible sur www.banquemondiale.org/fr/contry/chad/overview#1 ; consulté le 24 mai 2021.

38 DEMSOU (Themoi), KAGUEROU (Laoukoura) et BARA (Laobeul), L'évolution de la contribution de la pêche à l'économie du Tchad, FAO, Décembre 2005, p. 5.

39 Ibid.

40 Ibid.

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À ces trois grandes zones climatiques correspondent des types de végétation différents : le désert au nord, la steppe dans la zone saharienne et la savane qui se termine par une forêt claire dans la zone soudanienne.

Les données de la BEAC indiquent que la valeur ajoutée du secteur de l'élevage du Tchad s'est accrue de 382,2 milliards de F CFA en 2006 à 467,7 milliards en 2015. Selon une récente sortie du ministre de l'élevage et des productions animales le 16 décembre 2020, lors du lancement de la vaccination conjointe édition 2020-2021, l'élevage du Tchad représente un capital financier de 11250 milliards de F CFA. Cette amélioration est à mettre en relation avec l'accroissement de 30 % du cheptel sur la même période.

Le recensement du bétail effectué de janvier 2013 à décembre 2016 a relevé l'existence d'un cheptel considérable au Tchad. Il est constitué, en nombre de têtes, de 24,8 millions de bovins, 26,5 millions d'ovins, 30,8 millions de têtes de caprins, 6,4 millions de camelins, 1,1 million d'équins, 2,8 millions d'asiniens et 1,7 million de porcins et 36 millions de têtes de volaille41. Ces chiffres font du Tchad le troisième pays d'élevage en Afrique derrière la Somalie et le Soudan.

L'élevage qui constitue la deuxième source du pays après le pétrole est maintenu jusqu'ici par des pratiques basées sur l'exploitation des ressources naturelles. Il s'adapte mal aux aléas climatiques et aux restrictions dues à la pression foncière qui lui sont imposées ces dernières années. Il se caractérise par différents systèmes : le nomadisme, la transhumance et un système mixte (agro-pastoral) qu'on retrouve au centre et au sud du pays. Le système transhumant représente 80% du capital de bétail du pays42.

L'agriculture tchadienne se caractérise par la dualité entre culture vivrière et culture de rente. Les cultures vivrières sont essentiellement les céréales (mil, sorgho, riz, maïs...) cultivées traditionnellement pour couvrir les besoins alimentaires du pays. Les cultures de rente (coton et gomme arabique) sont cultivées pour l'exportation. L'arachide et le sésame s'imposent également ces dernières années comme des cultures de rente malgré la non-organisation de leur filière. L'agriculture constitue la troisième source de revenu après le pétrole et l'élevage.

41 Constitué de cinq types de volaille : poulets, pintades, oies, pignons et canards sans prendre en compte les autres animaux, comme les lapins.

42 SOUGNABE (Pabamé), op cit. p. 11.

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La pêche est la troisième activité du secteur primaire la plus pratiquée et constitue la quatrième source de revenu du pays. Le Tchad est l'un des pays sahéliens à disposer d'importantes pêcheries et un potentiel halieutique pouvant contribuer à la sécurité alimentaire et à l'accroissement de l'économie nationale. Les superficies totales des pêcheries varient de 24 000 à 70 000 km2 suivant les années hydrologiques.43

Comme cela apparaît dans le titre même de notre thème, notre étude ne s'étend pas à toutes les provinces du Tchad. Elle se limite à la province du Mayo-Kebbi Ouest. Cette province est créée par décret n° 419/PR/PM/MAT/2002 du 19 octobre 2002. Elle est l'une des vingt-trois provinces du Tchad dont le chef-lieu est Pala. Elle constitue une des plus grandes provinces économiques du pays avec une superficie de 15 052,5 km2 et une population de 788 580 habitants 44 qui représente environ 5% de la population totale du pays. Elle est limitée au Nord-Est par la Province de la Tandjilé, au Sud par la Province du Logone Occidental et au Sud-Ouest par la Région du Nord Cameroun. L'organisation administrative de cette province se présente comme suit : cinq (5) départements, quinze (15) sous-préfectures et quinze (15) communes45 et vingt (20) cantons, cinq cent trente-huit (538) villages et trente-six (36) ferriques46.

Ayant un climat de type soudanien arboré de savane et forêt, la province du Mayo-Kebbi Ouest permet le développement d'une agriculture pluviale et d'un élevage extensif mais aussi une pêche intensive dans le Lac Léré. Les conditions climatiques d'une telle zone sont bien connues. Une saison des pluies qui s'étale de mai à octobre, avec une concentration des pluies sur les mois de juillet à septembre. Succède à cette saison des pluies, une saison sèche où la température dépasse régulièrement les 40° C.

Les principaux groupes ethnolinguistiques qui occupent le Mayo-Kebbi Ouest sont les Zimés qui vivent majoritairement dans la zone de Pala, les Moundang qui vivent dans les

43 DEMSOU (THEMOI) et al. op cit. p. 5.

44 Rapport de Synthèse sur la Situation des Droits de l'Homme et de la Cohabitation Pacifique du Mayo-Kebbi Ouest, 2021, p. 3.

45 Ordonnance n°0038/PR/2018 portant création des Unités Administratives et Collectivités Autonomes. L'ordonnance ne fait pas mention des sous-préfectures par ces derniers ont été supprimés comme Unités Administratives par le premier Forum National Inclusif de 2018. Le second Forum National Inclusif vient réhabiliter la sous-préfecture comme Unité Administrative en 2020 avant même que les recommandations du premier forum se concrétisent. Le nombre de sous-préfectures de la province du Mayo-Kebbi Ouest mentionné dans notre travail est le nombre de sous-préfectures avant le premier le premier Forum National Inclusif. Il n'y a pas encore une ordonnance régissant les Unités Administratives et des Collectivités Autonomes qui prend en compte les recommandations du second forum.

46 Rapport de Synthèse sur la Situation des Droits de l'Homme et de la Cohabitation Pacifique du Mayo-Kebbi Ouest, 2021, p. 4.

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zones de Léré, Torrock et Lamé, les Nbambayes se trouvent dans la zone de Gagal et les peuls qui occupent en grande partie le Mayo Binder.

Le Mayo-Kebbi Ouest fait partie des zones les plus arrosées du Tchad (700-1200 mm)47. Il est le domaine de la savane arborée forestière qui pousse dans les sols rouges ferralitiques. La valeur agricole de ces sols est très profonde (5-10mm)48.

En dépit du renforcement du rôle de l'élevage avec les nouvelles fonctions : l'épargne et la mécanisation des cultures, son intégration au système est encore mal perçue dans le Mayo-Kebbi Ouest. À ces deux principales activités de la province s'ajoutent l'artisanat et le commerce.

Les populations Zimés, Ngambayes et Moundang pratiquent soit le christianisme, soit l'animisme. L'islam est pratiqué par la population peule et la population venue de la zone septentrionale du pays (commerçants et éleveurs).

Après cette brève présentation du Tchad et du Mayo-Kebbi Ouest, place à la présentation de la structure de notre stage.

Ayant à sa tête un Gouverneur, le Gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest est un service déconcentré de l'Etat. Le Gouvernorat de la province comprend le Bureau du Gouverneur, le Secrétariat Général de la Province et la Direction de Cabinet. En plus de ces services, on y trouve de nombreux démembrements ministériels au sein du Gouvernorat : la Délégation de la Jeunesse et des Sports, la Délégation de la Fonction Publique, des Marchés Publiques et aux Droits de l'Homme, la Délégation de l'Economie, de la Planification du Développement et de la Coopération Internationale et la Délégation de la Police. Pour son fonctionnement, le Gouvernorat dispose des ressources humaines (ensemble de personnes intervenant dans la vie du Gouvernorat, dirigé par le Gouverneur, il a environ deux cents personnes travaillant dans les différents services), les ressources matérielles (l'immeuble abritant le siège du Gouvernorat et d'autres immeubles gérés par lui) et en fin des ressources financières (il dispose d'un budget semestriel de 30 000 000 F CFA)49.

47 Rapport de Synthèse sur la Situation des Droits de l'Homme et de la Cohabitation Pacifique du Mayo-Kebbi Ouest.

48 Ibid.

49 Chiffre obtenu lors d'un entretien avec le Chef de Bureau du Secrétariat du Cabinet du Gouverneur.

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V. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

Dans le domaine des sciences politiques, le but de la méthodologie est de permettre d'utiliser des théories afin d'arriver à un résultat adéquat. Ainsi notre méthodologie prendra en compte la revue de la littérature(A), la problématique (B), le cadre théorique (C), la méthode de recherche (D), les techniques de recueil et d'analyse des données (E), et l'articulation du travail (F).

A. LA REVUE DE LA LITTÉRATURE

La revue de la littérature sert à faire le point sur les travaux abordés par d'autres auteurs sur le sujet directement ou en partie. Elle est fondamentale dans toute recherche scientifique. Pour Jean Pierre FRAGNIERE « on est rarement le premier à aborder une question. Plus précisément, le champ thématique que l'on entreprend est déjà balisé par les études voisines ou bien, il se réfère à des thèmes fondamentaux sur lesquels les bibliothèques entières ont été écrites ».50

Contrairement à ce qu'on croyait au début, il existe un nombre impressionnant de productions sur les conflits liés à la mobilité pastorale. La plupart des travaux consultés cherchent à faire ressortir les causes, les types, les acteurs, les mécanismes de préservation et de résolution de ces conflits. Ces travaux sont principalement des ouvrages généraux, des mémoires, des thèses, des articles et des rapports des activités ou d'étude.

Jean-Paul GILG dans son article51, commence par délimiter son étude. Son étude s'étend sur trois (3) provinces du Tchad : le Kamen, le Batha et le Chari-Baguirmi. Ces régions sont en réalité des zones d'élevage par excellence. Ils regroupent plus de 75 % de l'effectif bovin et 60 % du troupeau ovin-caprin. Dans un premier temps, Jean-Paul GILG essaye de faire ressortir les causes de la mobilité pastorale dans ces régions. Il remarque que c'est sont les conditions climatiques et leurs conséquences qui poussent les pasteurs à se déplacer. À ce propos, il dit ceci : « le climat n'a d'influence sur l'élevage que dans la mesure où, par son agencement et aussi par la nature argileuse des terrains de dépressions, favorise l'accumulation et la stagnation des eaux de pluie. Avec l'eau, nous touchons à l'une des

50 FRAGNIERE (Jean-Pierre) cité par DINGAM-OUDAL RATEBAYE (Edmond) Les acteurs internationaux et la gouvernance de la commune de ville de N'Djamena : le cas du PNUD et de l'AFD, Mémoire de Master en Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement, p. 10.

51 Jean-Paul GILG, Mobilité pastorale au Tchad occidental et central, les Cahiers D'ETUDES AFRICAINES, École Pratique des Hautes Etudes - Sorbonne, sixième section des sciences économiques et sociales, 1963, pp. 491-510.

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conditions essentielles de l'élevage. En effet, la subsistance du bétail nécessite la présence simultanée de deux éléments : l'eau et le pâturage. Eau et pâturage ne sont, toutefois, accessibles au bétail que si les conditions de salubrité sont satisfaisantes, que si la mouche tsé-tsé, vectrice de maladies graves, les trypanosomiases, est absente. Eau, pâturage et salubrité sont en général, conditionnés par le climat, et plus particulièrement le volume et l'étalement dans le temps des précipitations d'une part, par l'attitude et la nature des terrains d'autre part ». Dans un second temps, l'auteur passe en revue des différentes formes de nomadisme pastorale. Avant d'exposer les différentes formes de nomadisme pastoral de Jean-Paul GILG, nous faisons un arrêt sur une des principales caractéristiques de ce phénomène. Dès l'entame de la seconde partie, il écrit ceci : « Un mouvement pendulaire accompagnant le déplacement du front pluvieux et amenant les groupements d'éleveurs dans le sud et le nord est sa caractéristique la plus nette ». Pour lui, il existe trois formes de mobilité pastorale que sont le nomadisme qui est un simple mouvement pendulaire accompagnant le déplacement du front pluvieux pratiqué par les Bororo et les Arabes du Tchad central qui ciblent les mukhal 52 et qui se caractérise par la dispersion ; le semi-nomadisme des Kréda et des Kecherda et les déplacements des agriculteurs-éleveurs qui sont conditionnés par des problèmes d'eau et commandés par les conditions de salubrité et de cycles de culture. Même si Jean-Paul GILG dans son article n'attaque pas directement les conflits liés à la mobilité pastorale, ces travaux nous ont éclairés sur plusieurs points. Les pratiques et les systèmes d'élevage qu'il retrace nous ont permis de saisir avec plus d'aisance les causes qui peuvent survenir de ces déplacements.

SOUGNABE Pabamé53 dans son mémoire de DEA, présente d'abord le territoire comme espace de confrontation entre les agriculteurs et les éleveurs, il affirme à ce sujet : « à travers le fait de nommer les lieux, de les décrire, et de les opposer à tels espaces se réalise une forme de territoire pertinent pour l'acteur. On retrouve les marquages d'appartenance à travers l'histoire de la vie " je suis né ici " » et la négociation comme mécanisme de règlement de ce conflit. Ensuite, il explore les pratiques de culture et d'élevage, base de compréhension des conflits agriculteurs/éleveurs. Dans une partie de son travail, il analyse les

52 Itinéraires de transhumance, les mukhal sont les couloirs larges de quelques kilomètres, jalonnés de mares et points d'eau temporaires qui sont, par tradition, la propriété d'un groupe donné, jalonnés aussi par des marchés importants. C'est un terme en arabe tchadien largement compris par les agriculteurs et les éleveurs.

53 SOUGNABE (Pabamé), Le conflit agriculteurs/éleveurs dans la zone soudanienne : le cas du Moyen Chari au sud du Tchad, Mémoire de DEA, Espace, Société et Logiques Économiques et de Diplôme d'Ingénieur d'Agronomie Tropicale, Université de Toulouse le Mirail, septembre 2000, 87 p.

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conflits agriculteurs/éleveurs comme un phénomène multidimensionnel en ce sens qu'il y a une multitude d'acteurs qui sont impliqués dans ces conflits. A ce titre, on peut lire dans son travail ceci : « compte tenu du caractère rural de son économie, qui se repose sur l'agriculture et l'élevage, le Tchad a depuis longtemps vécu des conflits. Des conflits d'intérêt mais aussi d'autorité entre les membres de différentes communautés. Il peut s'agir de conflit entre agriculteurs/agriculteurs, éleveurs/éleveurs ou agriculteurs/éleveurs ou encore entre les différents chefs (traditionnels, administratifs ou militaires). En fin, il présente les mécanismes par lesquels ces conflits peuvent être résolus. Pour lui, il n'existe pas au niveau national, un mécanisme spécifique pour la résolution des conflits agriculteurs/éleveurs et se penche sur le comité de dialogue et d'entente de Kyabé et le comité de dialogue et d'entente de Bédjondo qui sont des comités locaux de règlements des conflits entre les agriculteurs et les éleveurs dans le Moyen-Chari.

André MARTY, Pabamé SOUGNABE, Djonata DJATTO et Aché NABIA54 dans leur d'étude, comme l'indique d'ailleurs le titre de leur rapport, s'intéressent aux causes des conflits liés à la mobilité pastorale au Tchad dans sa généralité et essayent de proposer des mesures d'atténuation à ces conflits. Avant d'entrer dans le vif du sujet, ces auteurs font un diagnostic des conflits liés à la mobilité pastorale, ils relèvent que ces conflits ne se limitent pas seulement entre les éleveurs et les agriculteurs ou les agriculteurs et les pêcheurs mais vont jusqu'avec l'Etat et les ONG. Ensuite, ils passent en revue des causes de ces conflits. Ils affirment ceci : « les causes des différents conflits identifiés au Tchad sont à replacer dans la dynamique que connaissent les pays sahélo-soudaniens, dynamique issue des perturbations climatiques, de la poussée démographique et de l'extension des surfaces agricoles due en partie à la mécanisation. Tous ces facteurs ont porté un coup dur aux pratiques de la mobilité pastorale. Parmi les causes de cette mauvaise cohabitation entre les différents utilisateurs, notamment entre les agriculteurs sédentaires et les éleveurs transhumants, l'obstruction des couloirs de transhumance par les agriculteurs et le non-respect de ces couloirs par les éleveurs sont évoqués par les uns et les autres comme facteurs déclencheurs de ces conflits. D'autres facteurs notamment l'institutionnalisation du conflit, sa mauvaise gestion et le pluralisme des droits et des instances de régulation rendent encore la situation plus complexe ». Dans la dernière partie de leur travail, ils proposent des mesures d'atténuation. Avant d'en

54 MARTY (André) et al., Causes des conflits liés à la mobilité pastorale et mesures d'atténuation, Rapport d'étude régie par la convention CDT 3000 et financé par la République du Tchad et l'Agence Française de Développement, juin-septembre 2010, 123 p.

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venir à ces propositions, ils font quelques remarques importantes parmi lesquelles le fait que les autorités sont partiales dans la résolution de ces conflits, les parties en conflit aspirent à ce que l'Etat soit véritablement garant du droit et de la paix sociale. Les chefferies sont marginalisées par l'Etat dans la résolution de ces conflits. S'agissant des mesures d'atténuation proposées par ces experts, ils proposent que l'Etat soit animé d'une volonté politique de prévenir et de résoudre ces problèmes de manière juste, former et informer les populations sur les conflits liés à la mobilité pastorale, préparer un code pastoral et redynamiser les structures décentralisées de l'Etat en les plaçant au centre de la résolution de ces confits.

Sabrina BEELER dans son ouvrage55 s'intéresse aux conflits entre les agriculteurs et les éleveurs au nord-ouest du Mali. Après avoir situé le contexte et les caractéristiques générales de la zone d'étude, l'auteur démontre l'importance du pastoralisme. Il démontre en profondeur que les éleveurs, lors des déplacements exploitent mieux les ressources naturelles que sont les terres, les pâturages, les résidus des champs, les mares et les puits pastoraux. Il ajoute que, l'utilisation de ces ressources est réglementée par des « conventions locales » mais il déplore le fait que ces conventions soient de moins en moins respectées par les entités en présence. Ensuite, il se penche sur les conflits entre les communautés dans la zone. Il distingue deux types de conflit que sont les relations conflictuelles à l'intérieur des communautés et les conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. Parmi les conflits à l'intérieur des communautés, il énumère les litiges fonciers, les conflits latents qui sont des conflits de générations et les oppositions entre les éleveurs sédentaires et les étrangers. Pour la deuxième catégorie de conflits, il s'efforce à trouver les causes. Ainsi, il trouve les causes en allant à la rencontre des concernés. Pour les éleveurs sédentaires peuls, ces conflits surviennent en raison des espaces limités destinés aux pâturages, à la non-reconnaissance de plusieurs campements et hameaux, à l'obstruction des pistes et alentours des mares par des champs. Du point de vue des agriculteurs soninkés, les dégâts des champs constituent le problème majeur, surtout durant les années de médiocre pluviométrie. En fin, il analyse la réglementation des conflits. Il fait ressortir les différents moyens de réglementation que sont la négociation entre les deux parties, la négociation devant le chef de village et ses conseillers, l'intervention de la marie et le tribunal de justice. Dans même la pensée, il s'intéresse à la réglementation des conflits avant la décentralisation. Il démontre dans ce sous-titre que la

55 BEELER (Sabrina), « Conflits entre agriculteurs et éleveurs au nord-ouest du Mali », Londres, Preses of International Institue of Envirnonment and Development, 2006, 42 p.

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réglementation des conflits était plus facile avant la décentralisation. Il affirme à cet effet que « toutes les personnes interviewées sont unanimes : auparavant, selon la majorité avant la décentralisation, il était plus facile de résoudre les problèmes entre parties opposées. On pardonnait plus facilement l'erreur de l'autre et on amenait moins vite les affaires devant la justice. Selon les informateurs, les gens n'y voyaient pas un intérêt économique et les amendes n'étaient pas trop élevées. Les autorités coutumières qui réglaient les conflits étaient plus respectées, et la corruption était moins répandue qu'aujourd'hui. La première instance chargée de la résolution des conflits était, depuis la colonisation, le chef de village. Pendant la colonisation, les cas qui dépassaient son niveau étaient amenés devant le chef de canton. » Il s'arrête sans donner les raisons pour lesquelles, la décentralisation a rendu difficile la résolution des problèmes. Cet auteur, bien qu'il n'aborde certaines questions en profondeur, il nous a permis d'avoir des éclaircissements sur les « conventions locales » et le règlement des conflits entre ces groupes avant le processus de décentralisation du Mali.

HIYA MAIDAWA Moustapha, ANDRES Lucavic, YAMBA Boubacar et LIBAILLY Philippe dans leur article56, comme on l'entend dans le titre même de l'article, ils essayent de synthétiser la mobilité pastorale au Sahel et en Afrique de l'Ouest. Avant d'entrer dans le vif de leur sujet, ils consacrent une grande partie à la définition de la mobilité pastorale en mobilisant plusieurs auteurs et le code pastoral du Niger. Dans un premier temps, ils démontrent que la mobilité pastorale est une meilleure méthode pour la pratique de l'élevage extensif en ce sens qu'elle favorise une meilleure mise en valeur des ressources naturelles dans les zones arides et semi-arides. Ils disent à cet effet que : « cette activité (mobilité pastorale) se place au carrefour des enjeux d'ordre économiques pour sa sécurisation et sa mobilité ainsi que les enjeux d'aménagement du territoire, malgré ces quelques bouleversements à partir des années 1970-1980 ». Par cette transition, ils commencent à démontrer les contraintes auxquelles fait face la mobilité pastorale. Parmi ces contraintes, ils mentionnent en bonne place le manque ou le retard de la pluviométrie, les sécheresses récurrentes qui obligent les éleveurs à aller dans les zones du sud comme lieu de refuge. Ensuite, ils évoquent des difficultés d'ordre humain telles que la montée de l'insécurité grandissante au Sahel aggravée par les menaces d'Al-qaïda au Magreib Islamique et les attaques de Boko-Haram. Dans un deuxième temps, dans un sous-titre intitulé :

56 HIYA MAIDAWA (Moustapha) et al., Mobilité pastorale au Sahel et en Afrique de l'Ouest : essai de synthèse, Journée Scientifique de l'Université Abdou Moumouni de Niamey, 2016, p. 16, [En ligne] PDF disponible sur http://hdl.handle.net/2268/194584 ;

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« Mobilité pastorale : entre usage rationnel et stratégie résiliente », ils retracent les stratégies développées par les pasteurs pour surmonter ces contraintes. Pour eux, d'une part les éleveurs développent des alliances socio-foncières et intercommunautaires telles que les assistances mutuelles, la dot, la dette, les confiages, les dons et la solidarité collective à travers l'islam etc. avec une structuration sociale bien définie pour lutter contre les difficultés d'ordre humain. D'autre part, l'élevage mobile s'adapte véritablement aux crises et aléas en Afrique et dans le monde entier. Les éleveurs s'ajustent aux mutations écologiques et spatiales tout en utilisant la mobilité comme tactique de survie. Elle est utilisée pour faire face aux sécheresses, les épidémies, les modifications de parcours etc. Dans une troisième et dernière partie, les auteurs font une lecture entre les mutations foncières et la mobilité pastorale. Tout au long de cette partie, ils démontrent que la question foncière au Sahel et en Afrique de l'Ouest présente des enjeux complexes avec des rivalités qui constituent une menace réelle de la paix sociale.

Mahaman MOHA dans son article57 après avoir présenté géographiquement le Niger, s'intéresse en premier lieu aux relations qui existent entre les agriculteurs et les éleveurs hors des périodes de crise à Roumbou-Sakabal58. Dans la littérature, très peu d'acteurs se sont basés sur les relations hors crises, autrement dit les relations non-conflictuelles. La majorité absolue des auteurs que nous avons eus à parcourir s'intéressent aux relations conflictuelles entre ces deux entités. Il montre qu'hors crise, les relations entre les agriculteurs et les éleveurs sont des relations de complémentarité. Cette complémentarité se manifeste par le pacage des animaux dans les champs déjà récoltés des agriculteurs, l'abreuvement des animaux, l'exhaure et l'exploitation des points d'eau pendant la saison sèche dans les localités d'agriculture extensive, la vente d'animaux et l'achat des céréales. En deuxième lieu, il s'intéresse aux relations conflictuelles entre les agriculteurs et les éleveurs. L'auteur démontre que les relations entre les deux entités peuvent se dégrader lors des dégâts sur les champs des agriculteurs par les animaux des éleveurs, l'occupation des alentours des mares en saison froide par les cultures de contre-saisons de manioc, de calebassier..., la surexploitation des puits villageois par les éleveurs, l'extension des champs d'agriculteurs sur l'espace pastoral et les vols d'animaux. En troisième lieu, MOHA s'intéresse à la manifestation de la crise à Roumbou-Sakabal. C'est une crise qui a touché toutes les touches sociales de la population

57 MOHA (Mahaman), Les relations entre agriculteurs et éleveurs en contexte de crise alimentaire à Roumbou-Sakabal, Afrique contemporaine 2008/1, n° 225, pp. 137-159.

58 C'est un village du département de Dakoro, qui est le plus grand département des cinq que compte la région de Maradi, au Niger.

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mais les éleveurs ont été les plus exposés à cette crise. Dans cette crise, les éleveurs faisaient face à une pénurie d'aliments pour les animaux, une forte mortalité du bétail, la détérioration des termes d'échange avec les agriculteurs, la désorganisation sociale des pasteurs et l'accentuation des conflits autour de la gestion des ressources naturelles. En quatrième et dernier lieu, dans un sous-titre intitulé : « Quelques relations entre les éleveurs et agriculteurs : stratégies de survie à Roumbou-Sakabal », l'auteur énumère et détaille les stratégies développées par les agriculteurs et éleveurs pour faire face à cette crise. Il cite la transhumance vers le sud après des ententes avec les populations locales, la décapitalisation du bétail (les prix d'animaux peuvent aller 150 000 F CFA à 15 000 F CFA), les pasteurs ne vendaient ni n'achetaient les animaux et enfin la pratique de la viande boucanée « banda » qui consistait à abattre les animaux souffrants et sécher leur viande et revendre.

Dans tous les travaux cités et la plupart des travaux relatifs aux conflits liés à la mobilité pastorale, les auteurs ont fait l'effort de faire ressortir les causes, les acteurs, les mécanismes de résolution de ces conflits. Rares d'auteurs mettent en relation les conflits liés à la mobilité pastorale, le développement et la gouvernance. La particularité de notre travail serait donc, de tenter de faire ressortir les impacts de ces conflits sur le développement et la gouvernance. C'est ce manque que nous cherchons à combler dans nos recherches.

B. LA PROBLÉMATIQUE

D'après Pierre BOURDIEU, Jean Claude CHAMBODERON et Jean Claude PASSERON, « un objet de recherche si partial et si parcellaire soit-il ne peut être défini et construit qu'en fonction d'une problématique théorique permettant de soumettre à une interrogation systématique les aspects de la réalité mis en relation par la question posée ».59

La problématique est selon Michel DEAUD « l'ensemble construit, au tour d'une question principale, (...) et des lignes d'analyse qui permettrons de traiter le sujet choisi ».60

Ainsi nous dégagerons le problème de recherche (1), les questions de recherches (2) et les hypothèses (3).

59 BOURDIEU (Pierre), CHAMBODERON (Jean-Claude) et PASSERON (Jean-Pierre) cités par DINGAM-OUDAL RATEBAYE (Edmond) op cit. p. 20.

60 BEAUD (Michel), « L'art de la thèse, comment préparer et rédiger une thèse de doctorat, un mémoire de DEA ou une maitrise ou tout travail universitaire », Paris, La Découverte, 2003, p. 38.

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1.Problème

À l'instar de la plupart des pays africains où l'agriculture, l'élevage et la pêche sont les principales activités économiques, les insurrections entre ces groupes sont persistants. Les éleveurs de la zone septentrionale descendent progressivement dans la zone la zone méridionale du pays, ils sont à la recherche des conditions favorables aux animaux. Ce déplacement dans la zone méridionale, zone à vocation agricole ne passe sans des problèmes. Les animaux lors de leur déplacement détruisent les champs, les filets de pêche et côtoyant les aires protégées. En plus, les usagers des ressources naturelles, ne sont pas toujours d'accord sur le bien-fondé du partage de ces ressources entre eux, ce qui crée des conflits perpétuels entre eux. Tantôt les insurrections entre ces usagers déclenchent tantôt les tensions sont abaissées. C'est un phénomène multidimensionnel fortement politisé que nous aurons à analyser. Bien qu'existant avant, ce phénomène a pris une allure inquiétante au début de l'année 2014 dans le Mayo-Kebbi Ouest.

2.Questions de recherche

Nous formulons une question principale (a) et des questions secondaires de recherche (b) qui nous permettrons de notre sujet.

a. Question principale de recherche

L'adoption du code pastoral a permis de diminuer un peu les tensions même s'il reste très contesté par les agriculteurs. Toutefois, ce code n'a pas mis un terme à ces conflits de longues dates. Les récents affrontements entre les agriculteurs et les éleveurs dans la zone de Gagal sont une parfaite illustration. Dès lors, quels sont les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance de la province du Mayo-Kebbi Ouest et quelles solutions préconiser pour limiter ces derniers ?

b.Questions secondaires de recherche

Quels sont les impacts économiques et sociaux des conflits liés à la mobilité pastorale dans la province du Mayo-Kebbi Ouest ? Quels sont les obstacles qui empêchent une bonne gestion des conflits liés à la mobilité pastorale ? Qu'est-ce que l'État central et les Collectivités peuvent pour limiter les impacts de ces conflits ?

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3 .Hypothèse

L'hypothèse peut être envisagée comme une réponse anticipée que le chercheur formule à sa question spécifique de recherche. BRIAMS et al. le décrive comme un énoncé déclaratif précisant une relation anticipée et plausible entre les phénomènes observés ou imaginés.61

Afin de répondre à cette interrogation, nous formulons des réponses provisoires. Elles peuvent être en partie ou en totalité confirmées dans nos développements ou même infirmées. Pour les interrogations soulevées au sujet des conflits liés à la mobilité pastorale dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, nous formulons une hypothèse principale (a) et des hypothèses secondaires (b).

a. Hypothèse principale

Les conflits liés à la mobilité pastorale affectent de manière négative le développement économique et social mais surtout la bonne gouvernance de la province du Mayo-Kebbi Ouest, des mesures profondes sont nécessaires pour atténuer les impacts de ces conflits.

b. Hypothèses secondaires

Les conflits liés à la mobilité pastorale occasionnent la destruction de l'environnement, des champs et des crimes et cruautés sur les animaux d'élevage. La politisation, la gestion des conflits, la pluralité des instruments juridiques et des acteurs de l'application de ceux-ci sont les problèmes de gouvernance qui constituent des difficultés pour la bonne des conflits liés à la mobilité pastorale. L'Etat peut soutenir une gestion consensuelle et décentralisée de l'espace et des conflits et améliorer les mécanismes de gestion des conflits et les Collectivités Autonomes ayant reçu des compétences et des ressources peuvent également renforcer leur communication, la sensibilisation et l'éducation des populations pour limiter les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale.

C. CADRE THÉORIQUE

La théorie du conflit est une théorie qui postule que la société ou l'organisation fonctionne de manière antagoniste du fait que chaque participant et les groupes d'individus luttent pour maximiser leurs avantages.

61 MACE (Gordon) et PETRY (François), « Guide d'élaboration d'un projet de recherche », Montréal, Presses de l'Université Laval, 2017, 172 p.

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Cette théorie est la plupart du temps appliquée en vue d'expliquer le conflit entre les classes sociales, la lutte des classes du prolétariat contre la bourgeoisie ainsi que pour les idéologies capitaliste contre socialisme. La théorie essaie de réfuter le fonctionnalisme. En effet, il n'est pas question de considérer que les sociétés et les organismes fonctionnent de sorte que chaque individu ou groupe joue un rôle spécifique, comme des organes dans le corps.

Il y a des hypothèses de base radicale (la société est éternellement en conflit, ce qui pourrait expliquer le changement social), ou base modérée (la coutume et les conflits sont toujours mélangés). La version modérée tient compte du fonctionnalisme puisqu'elle accepterait ce même jeu négatif d'institutions sociales.

L'essence de la théorie du conflit est mieux résumée par la structure de la pyramide classique dans laquelle une élite dicte des limites aux masses plus grandes. Toutes les positions, lois, et traditions principales dans la société sont conçues pour soutenir ceux qui ont traditionnellement été dans la puissance, ou les groupes qui sont perçus être supérieurs dans la société selon cette théorie.

La théorie peut être appliquée à grande échelle, comme le gouvernement des Etats-Unis ou de la Russie soviétique ou à petite échelle à l'instar d'un club d'organisations, d'une école ou d'une église...

La théorie de conflit a été élaborée notamment au Royaume-Uni par Max GLUKMAN et John REX, aux Etats-Unis par Lewis A. COSER et Randall COLLINS, et en Allemagne par Ralf DAHRENDORF, tous étant plus ou moins influencés par Karl MARX, Ludwig GUMPLOXICS, Vilfredo PARETO, Georg SIMMEL et d'autres pères-fondateurs de la sociologie européenne.

Comme nous l'indique le titre de notre thème, la théorie du conflit est le cadre théorique le plus approprié pour nous faciliter la compréhension de ce phénomène. Elle nous donne cette facilité à exprimer le jeu de la diversité d'acteurs et de désigner une situation sociale où les acteurs divers agissent, dans le but de préserver leurs avantages par un certain nombre de mécanismes. La théorie du conflit, cadre théorique de notre étude se justifie par sa capacité à nous faciliter la compréhension des bases conflictuelles, ainsi que les interactions entre les éleveurs, les agriculteurs et les pêcheurs. Elle nous permet également de comprendre les relations entre les acteurs et même entre les acteurs et les autorités traditionnelles, administratives et militaires.

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Dans notre travail, nous appliquons la théorie de conflits pour exprimer le jeu de la diversité d'acteurs et d'explorer profondément une situation sociale (les conflits liés à la mobilité pastorale) où les acteurs divers agissent, dans le but de préserver leurs avantages, par un certain nombre de mécanismes.

D. LA MÉTHODE DE RECHERCHE

La méthode de recherche que nous retenons pour mener à bien notre étude, est l'interactionnisme stratégique. Les relations sociales sont faites d'interaction. Les interactionnistes centrent leurs analyses sur les interactions62. L'interactionnisme cherche à construire une nouvelle façon d'analyser le social à partir de l'hypothèse selon laquelle les individus sont des sujets conscients. Ils proposent d'expliquer le social par des actions où l'action a un sens pour les individus.

Michel CROZIER et Erhard FRIEDRENG63 suggèrent pour la compréhension des actions collectives à partir des comportements d'intérêts individuels et parfois contradictoires entre les acteurs.

Pour Jacques ROJOT64, l'important est de réaliser la pertinence de cinq concepts fondamentaux de la théorie de l'interaction : l'acteur, l'objet, les ressources, les contraintes et la stratégie pour mieux cerner l'action des acteurs. Il souligne à cet effet : « il est postulé que les acteurs ont toujours des objectifs. Il n'y a pas d'acte gratuit, le comportement de chacun dans une situation organisationnelle est toujours orienté par les buts. Chacun est actif dans une direction qu'il suit vers ses propos objectifs »

Pour mieux comprendre l'interactionnisme, nous passons en revue des cinq concepts principaux de la théorie de l'interactionnisme de ROJOT.

L'acteur : c'est un individu ou groupe d'individus membre d'une communauté qui pose des actes selon les objectifs qu'il vise. Plus simplement, l'auteur est la personne qui est à l'origine de quelque chose. Dans le champ de notre étude, les acteurs des conflits liés à la mobilité pastorale sont : les usagers (les éleveurs, les agriculteurs, les bouviers et accessoirement les pêcheurs) et les institutions étatiques et non-étatiques. Les premiers concernés sont les éleveurs, qui sont les propriétaires de bétail. Ces éleveurs, dans la zone du

62 Les actions réciproques entre les individus.

63 CROZIER (Michel) et FRIEDRENG (Erhard) cité DJINGAM-OUDAL RATEBAYE (Edmond) op cit. p. 28.

64 ROJOT (Jacques), cité par DJINGAM-OUDAL RATEBAYE (Edmond) op cit. p. 28.

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Mayo-Kebbi Ouest sont les peuls et les haoussas, tous des musulmans. À ceux-ci, il faut ajouter les commerçants, des militaires, les administrateurs qui sont détenteurs des capitaux investis préférentiellement dans le bétail. C'est sont ceux-là que le code pastoral nomme expressément « les propriétaires de capital-bétail ». Les seconds sont les agriculteurs. Ces agriculteurs sont des sédentaires. Dans la région, à part les groupes sus cités, tous les groupes sont des agriculteurs, chrétiens et animistes. Il y a une autre catégorie d'acteurs, souvent négligée par tout le monde, pourtant ils sont les acteurs les plus importants, c'est sont les bouviers. Ils sont les employés des éleveurs et c'est eux qui sont au-devant de la scène. Ils sont malproprement qualifiés d'éleveurs. Les derniers usagers concernés sont les pêcheurs, ces derniers entrent en conflit avec les éleveurs transhumants quand les animaux, au passage détruisent les filets de pêche. Les conflits entre les éleveurs et les pêcheurs sont assez rares, car le Mayo-Kebbi Ouest n'est pas une zone d'intense pêche, excepté le Lac Léré. Même si ces conflits ont eu lieu autrefois autour du Lac Leré, ils restent très limités. Les institutions étatiques entrent en conflit avec les pasteurs lors des déplacements, quand les animaux des éleveurs côtoient les aires protégées (forêts classées, réserves de faune, forêts sacrées, parcs nationaux, sanctuaires...). Ces conflits peuvent également opposer les pasteurs transhumants aux institutions non-étatiques à l'instar des ONG.

L'objectif : c'est l'idéal qu'un acteur veut atteindre en posant un acte. Tout acte posé est en réalité pour atteindre un but plus ou moins manifeste, les objectifs ne sont jamais clairs, ni explicites voire contradictoires, c'est là tout le sens du célèbre dicton « il n'y a pas d'acte gratuit ». C'est en considérant ce dicton que les agriculteurs refusent catégoriquement de comprendre l'argument le plus souvent avancé par les éleveurs. Les éleveurs prétendent toujours que, c'est à leur insu que les animaux détruisent les champs. L'objectif des éleveurs, c'est d'avoir en suffisance de pâturages et de l'eau pour les animaux. Les agriculteurs quant à eux ont pour objectif de protéger leurs champs de toute dévastation. Pour leur tour, les pêcheurs ont pour objectif de préserver aussi longtemps que possible les filets pour avoir une quantité suffisante de poissons.

Les ressources : c'est sont des moyens dont disposent les acteurs pour la réalisation de leurs objectifs. C'est ainsi que le code pastoral parle de ressources pastorales, qui sont l' « ensemble des ressources clés nécessaires à l'alimentation des animaux en élevage extensif. Exemple : l'eau, le pâturage, les résidus de cultures, le foin stocké, les terres

salées... »65 Pour les agriculteurs, les ressources sont constituées des terres cultivables, les tracteurs, la houe, l'eau... et en fin pour les pêcheurs, les ressources sont les eaux, les filets, les pirogues, les bâches...

Les contraintes : c'est des choses qui empêchent aux acteurs d'atteindre leurs objectifs, elles peuvent être propres ou externes à l'auteur. Leurs importances sont proportionnelles aux objectifs à réaliser. Dans le cadre de notre étude, la majorité de ces contraintes sont naturelles. C'est d'ailleurs ces contraintes qui sont à l'origine de la mobilité pastorale au rang desquelles la diminution de la pluviométrie, l'accroissement de la population, le retard des pluies... Pour les agriculteurs, ces contraintes sont le retard des pluies, le manque d'espaces pour cultiver, le manque de moyens modernes de culture, les criquets pèlerins, les oiseaux dévastateurs... Pour les pêcheurs, les contraintes sont entre autres le retard des pluies, le tarissement des lacs ou rivières, le manque de moyens modernes de pêche...

La stratégie : est l'action de l'auteur, qui pour réaliser une action, prend en compte les ressources disponibles et les contraintes auxquelles il sera confronté dans une situation donnée. Ainsi, toutes ces communautés ont développé des stratégies dans leur domaine respectif. Les stratégies des éleveurs sont la politique de contrôle foncier, la recherche d'équilibre économique... Pour leur part, les agriculteurs ont développé des stratégies telles que l'appropriation des terres, la tendance vers une gestion individuelle, la pratique de l'élevage, la préservation du niveau de vie, la recherche de la sécurité alimentaire et des revenus monétaires... et les pêcheurs ont développé cette stratégie de s'adonner aux cultures riveraines, l'occupation de l'espace lacustre...

L'interactionnisme stratégique nous a permis ainsi de connaitre les acteurs des conflits liés à la mobilité pastorale, leurs objectifs, leurs ressources, les contraintes auxquelles ils sont confrontés et leurs stratégies. Dans le cadre de notre travail, nous utilisons l'interactionnisme pour expliquer la difficile cohabitation entre ces communautés, motivées chacun par des intérêts personnels.

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65 Article 4 du code pastoral.

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E. LES TECHNIQUES DE RECUEIL ET D'ANALYSE DES DONNÉES

Pour prétendre atteindre une vérité scientifique, il faut nécessairement l'utilisation des techniques. Pour mener à bien notre travail, nous utilisons des techniques de recueil (1) et d'analyse des données (2).

1. Les techniques de recueil de données

Les données de notre travail ont été recueillies à travers des techniques documentaires (a) et les techniques de terrain (b).

a. La technique documentaire

Parlant de la documentation utilisée dans ce travail, nous avons fait recours aux documents écrits (i) et aux documents électroniques (ii).

(i) Les documents écrits

Dans cadre de nos recherches sur ce sujet, les documents écrits utilisés sont pour l'essentiel :

- Des ouvrages généraux portant sur les conflits liés à la mobilité pastorale, les conflits agriculteurs/éleveurs et les conflits sur les ressources naturelles ;

- Des travaux universitaires notamment les thèses et les mémoires portant sur les conflits liés à la mobilité pastorale, les conflits agriculteurs/éleveurs et les conflits sur les ressources naturelles ;

- Des rapports des ONG et des organisations internationales sur les conflits liés à la mobilité pastorale, les conflits agriculteurs/éleveurs et les conflits sur les ressources naturelles ;

- Des coupures de presse et les revues scientifiques portant sur les conflits liés à la mobilité pastorale, les conflits agriculteurs/éleveurs et les conflits sur les ressources naturelles.

(ii). Les documents électroniques

Il faut entendre par documents électroniques, tous les documents gravés sur des supports autres que le papier notamment la radio, la vidéo et l'internet. S'agissant des documents électroniques utilisés dans notre travail, compte tenu de la révolution opérée en matière de stockage des données scientifiques, l'internet a été pour nous, le plus utilisé lors des recherches. Par le biais de l'internet nous avons pu consulter d'innombrables documents

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tels que les ouvrages généraux, des thèses, des mémoires, des articles, des rapports d'activité en lien avec notre thème.

b. La technique de terrain

Le terrain est une étape obligée dans la recherche, car il confirme nos écrits. Le terrain est à la fois objet et notion66. Au titre d'objet, il est le temps et le lieu de l'observation et de construction d'un rapport personnel du chercheur avec le sujet de ses recherches. En tant que notion, le terrain signifie l'ensemble de postures et de pratiques de recherche, par essence variés, visant à rapprocher le chercheur d'une réalité palpable, mesurable, parfois même jusque-là inconnue de lui au préalable. Dans le cadre de notre travail, les principales méthodes de recherche utilisées sont :

L'étude de cas, encore appelée monographie est l'analyse approfondie d'un phénomène complexe, dans un lieu ou un espace donné67. Le cas peut être une organisation, un événement, un individu, un groupe que l'on veut étudier en détail. Dans nos recherches, cette méthode nous paraît important dans la mesure où le phénomène complexe (conflits liés à la mobilité pastorale) nécessite des investigations profondes pour faire ressortir les impacts réels de ces conflits sur le développement et la gouvernance dans la province et d'en proposer des solutions.

L'enquête est le recueil des données auprès d'un échantillon d'individus ou de situations68. L'enquête est une des principales méthodes de recherche. L'enquête quantitative apporte une information étendue et si l'échantillon est constitué selon les règles de l'art son résultat est généralisable. L'enquête qualitative apporte des éléments plus directs et plus approfondis sur une réalité plus restreinte. De ces éclairages sur l'enquête, son utilisation dans nos travaux de recherche nous est incontournable. L'enquête est importante dans notre travail, dans la mesure où elle nous permet d'avoir des données, auprès d'un échantillon d'acteurs de ces conflits. Pour enrichir notre travail, nous utilisons une enquête mixte c'est-à-dire réunissant les éléments de l'enquête quantitative et de l'enquête qualitative.

66 NKOT (Fabien), Cours de Méthodes en Science Politique, Master I, Université de Yaoundé II-SOA, 2019/2020, p. 26, inédit.

67 Ibid.

68 Ibid.

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La méthode ethnographique est une observation globale et dans la durée d'un phénomène ou d'une population par contact direct du chercheur avec la réalité69. Cette méthode est plus utilisée par les ethnographes qui vont étudier les moeurs d'un peuple. La méthode consiste à décrire aussi finement que possible, grâce à l'observation et l'entretien avec les personnes rencontrées, les faits. L'avantage de cette méthode est d'apporter une grande richesse d'informations et d'analyses. La méthode ethnographique est la troisième et dernière méthode utilisée dans nos travaux de recherche. L'importance de son utilisation ressort du fait qu'elle nous met en contact direct avec la réalité. Elle nous amène à la rencontre des principaux acteurs des conflits liés à la mobilité pastorale et des acteurs impliqués dans la prévention et la résolution70 de ces derniers. Elle nous met en contact direct avec ces derniers par le biais de l'observation et des entretiens.

2. Les techniques d'analyse des données

Dans le cadre de nos recherches, pour une exploration minutieuse des données recueillies, nous avons fait recours à une technique d'analyse des données mixte c'est-à-dire alliant la technique d'analyse des données quantitatives (chiffres) et la technique d'analyse des données qualitatives (discours et textes). L'analyse des données aura comme conclusion soit la vérification des hypothèses posées au départ (ou leur invalidation), soit une interprétation globale fournissant une réponse à tout ou une partie des questions posées au départ71.

F. L'ARTICULATION DU TRAVAIL

Notre travail se divise en deux parties contenant chacune deux chapitres. Dans un premier temps nous nous attèlerons sur les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance (Première partie) et dans un second temps nous proposerons des mesures d'atténuation des impacts de ces conflits (Seconde partie).

69 Ibid.

70 Les acteurs impliqués dans la prévention et résolution des conflits liés à la mobilité pastorale sont : les autorités administratives (le gouverneur, le préfet et le sous-préfet), militaires (brigadiers, policiers...) les autorités traditionnelles (les chefs de canton, les représentants des chefs de canton) et les représentants des ONG.

71 NKOT (Fabien), op cit. p.15.

PREMIÈRE PARTIE :

LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE SUR LE

DÉVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE

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Comme tout conflit armé, les conflits liés à la mobilité pastorale peuvent freiner le développement d'un pays, en particulier dans le cas des pays à faible revenu (dont le Tchad). Les effets de ces conflits peuvent se ressentir aussi bien à l'échelle locale que nationale. Elles entravent la production agricole, menacent les infrastructures sociales, économiques et matérielles. Elles également sont un ferment d'insécurité et entrainent des migrations à grande échelle. Les denrées alimentaires qui se raréfient sont utilisées comme arme stratégique par les parties en conflit, plaçant les civiles dans des situations de famine.72 Il ressort de cette vision de la FAO que les conflits ont d'énormes impacts sur le développement et la gouvernance locale. Nous analyserons tour à tour les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement de la province du Mayo-Kebbi Ouest (Chapitre I) et démontrer que les conflits liés à la mobilité pastorale sont des effets de la mauvaise gouvernance la province (Chapitre II).

72 Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale, « Conflits et développement : un défi pour la réalisation des Objectifs du Millénaire », Document d'information, Domaine prioritaire pour une action interdisciplinaire : Prévention, atténuation des catastrophes et plans d'intervention, secours et redressement après une situation de crise (DPAI-REHAB), trente-et-unième session, Evénement spécial : Incidence des conflits et de la gouvernance sur la sécurité alimentaire et rôle et adaptation de la FAO à l'appui de la concrétisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, du 23 au 26 mai 2005 pp 3-4, [En ligne] PDF disponible sur http://www.fao.org, consulté le 26 mai 2021.

LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE SUR LE

DÉVELOPPMENT DE LA PROVINCE DU

MAYO-KEBBI OUEST

CHAPITRE I :

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Le développement local s'appréhende comme un processus par lequel « un territoire génère en son sein même des potentialités pour son propre développement tant économique que social et politique, des dynamiques de projet, de mobilisation et de changement »73. Pour atteindre cet objectif, les élus locaux doivent élaborer des stratégies de développement à partir d'une évaluation des possibilités réelles des populations et des moyens dont ils disposent. Si les acteurs locaux semblent incapables d'élaborer des stratégies de développement et lutter contre les maux qui minent le territoire, il y aura des conséquences délétères sur la vie des citoyens. Dans ce sens et en se basant sur la définition suivante du développement : le développement fait référence globalement à l'ensemble de transformations techniques, scientifiques, démographiques, sociales, etc. qui ont pour conséquences d'améliorer la qualité et le cadre de vies des habitants d'une région, d'un pays ou au-delà de tout un continent, il a une connotation économique et sociale74, nous remarquons que les conflits liés à la mobilité pastorale freinent le décollage économique de la province (Section 1) et mais ont aussi et surtout des impacts sociaux très négatifs (Section 2).

SECTION 1 : LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ SUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA PROVINCE

Le Mayo-Kebbi Ouest est une province dont l'économie repose principalement sur l'exportation des produits agricoles notamment le maïs, l'arachide et le sésame dans les autres provinces du pays et même vers les pays voisins (le Cameroun et le Nigeria notamment) et l'exportation sur pied des boeufs vers les mêmes pays. Les conflits liés à la mobilité pastorale ont d'impacts négatifs sur l'économie de la province. Ces impacts sont très nombreux mais les plus délétères sont relatifs à l'environnement (Paragraphe I) et des crimes et cruautés sur les animaux et la détérioration des échanges entre les agriculteurs et les éleveurs (Paragraphe II).

73 THOENIIG (Jean-Claude), L'action publique locale entre autonomie et coopération, Quel avenir pour l'autonomie des collectivités locales ?, Caisse de Dépôts (dir), Éditions de l'Aube, 1999, p. 107.

74 TALLA (Marius), Cours de Marketing des projets de développement et techniques de plaidoyer, Master II Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement, Université de Dschang, juin 2021, p. 4, inédit.

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PARAGRAPHE I : LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE

Dans les conflits liés à la mobilité pastorale, les pertes économiques pour la province sont toujours énormes. La détérioration de l'environnement d'une manière générale (A) et la destruction des champs plus spécialement (B) causent énormément des manques à gagner sur le plan économique pour la province.

A. La détérioration de l'environnement

La pratique du développement s'accompagne de plus en plus de préoccupations de protection de l'environnement des populations. Il s'agit de préoccupations qui sont inscrites dans une trajectoire dont l'origine remonte à la Conférence de Stockholm sur les établissements Humains et qui prennent toute leur importance lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement ou « Sommet de la Terre » de Rio de Janeiro en 1992 et plus tard, à l'occasion de la Conférence des Nations Unies pour le développement durable qui s'est tenu à Johannesburg en 2002. Le but de toutes ces rencontres internationales étaient de concilier le développement et la protection de l'environnement. Elles ont mis sur pied la notion de « développement durable », car la course à la production conduit à une dégradation irréversible de notre environnement75. Ces conférences font naître également une véritable religion de la protection de l'environnement. La protection de l'environnement est un enjeu primordial pour le gouvernement de la République du Tchad. Il s'apprécie par les mesures de protection de l'environnement. Mais cette protection est fortement menacée lors des conflits liés à la mobilité pastorale. À cet effet, l'UNODC, le Secrétariat de la CITES, Interpol, l'Organisation Mondiale des Douanes et la Banque Mondiale ont créé en 2010 le Consortium International sur la lutte contre la criminalité faunique, avec pour objectif de « fournir les services coordonnés pour aider les pays à lutter contre le crime envers la faune ». La mobilité pastorale constitue une des principales menaces qui pèsent sur l'environnement après l'orpaillage clandestin et devant le front pionner agricole et le braconnage76.

75 KEUTCHEU (Joseph), Cours d'Etude d'impact, audit et bilan des projets et des actions de développement, Master II Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement, Université de Dschang, novembre 2020, p. 7, inédit.

76 REMADJI NGAKOUTOU (Etienne), « Manuel de Sensibilisation et de Formation des responsables des Administrations Publiques Impliqués dans la Lutte Anti-Braconnage dans la Région du Mayo-Kebbi Ouest », octobre 2014, N'Djamena, CUIN, p. 21.

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Les éleveurs lors des déplacements dans la province du Mayo-Kebbi Ouest côtoient les aires protégées77 (forêts classées, réserve de faune, forêts sacrées, parc national, sanctuaires...). Les aires protégées sont les « pierres angulaires » des stratégies nationales et internationales de conservation. C'est ainsi que qu'elles font depuis 2004, l'objet d'un programme spécial au sein de la convention sur la biodiversité. Les aires protégées sont des outils de maintien in-situ d'écosystèmes, d'habitats naturels et semi-naturels des populations viables et certaines espèces d'animaux et arbres dans leur environnement naturel. L'homme n'est pas exclu des aires protégées, c'est d'ailleurs lui qui assure la gestion. Il a une place importante sous des conditions spécifiques. Il y accède sans y devenir un facteur d'appauvrissement, de pollution, de dérangement ou de piétinement. Au Tchad, le réseau d'aires protégées est composé de trois (3) parcs nationaux : le Parc National de Zakouma, le Parc National de Manda et le Parc National de Sena-Oura ; sept (7) réserves de faune : Ouadi Rimé-Ouadi Achim, Fada Archei, Aboutelfane, Siniaka-Minia, Bahr-Salamat, Binder-Léré et Mandélia ; une (1) réserve de biosphère : le Lac Fitri ; un site de patrimoine mondial : Ounianga ; deux (2) forêts classées ; sept (7) domaines de chasse : Domaine de Douguia, Domaine de l'Aouk, Domaine de Melfi, Domaine de Kouloudia, Domaine de Barh Erguig, Domaine de Chari-Onoko et Domaine d'Algue du Lac78. Parmi les aires protégées du Tchad, un parc national sur les trois, le Parc National de Sena-Oura, une réverse de faune sur les sept, la réverse de Binder-Léré et une forêt classée sur les deux, celle de Yamba Berté sont dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. En effet, ces espaces sont des zones de concentration de biodiversité floristique et faunique. Elles sont caractérisées par la relative abondance de la végétation et des cours d'eau, la présence des formations rupicoles le long des cours d'eau. Elles représentent aux yeux des éleveurs des îlots de pâturages de bonne qualité pendant la saison sèche. La pratique des feux précoces d'aménagement favorise également les repousses fraiches d'herbacées pérennes très recherchées par les éleveurs à cette période de l'année. Ces zones ne sont pas officiellement accessibles aux éleveurs mais sont l'objet de plusieurs incursions du bétail transhument, sources de nombreux conflits entre les transhumants et les gestionnaires de ces aires protégées. Les cas de la forée classée de Yamba Berté où dans le but de conservation de l'environnement l'Etat a décidé de priver les populations locales et les transhumants des ressources naturelles de cet espace. Ceci fut ressenti par ces derniers comme

77 Tout espace dont l'accès au bétail est soit interdit soit règlementé en vue de la protection des espèces dont il contient, article 4 alinéa du code pastoral du Tchad.

78 REMADJI NGATOUKOU (Etienne), op cit. pp. 8-11.

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une injustice grave, au point de les pousser à des incursions dans la forêt et le Parc National de Sena-Oura. Le Parc de Sena-Oura est traversé périodiquement par les pasteurs et occasionnant une destruction importante du parc dont de l'environnement. Ces cas sont suffisamment illustratifs de la destruction de l'environnement lors des conflits liés à la mobilité pastorale. Dans ces espaces protégés, les animaux détruisent les arbrisseaux, les bouviers pratiquent les mutilations d'arbres, les animaux sauvages sont menacés dans leur habitat. Les animaux sauvages ne peuvent pas être dans un même endroit que les boeufs. Dès que les boeufs viennent dans une zone, les animaux sauvages de cette zone fuient les lieux. Si les animaux vivent dans une zone, les cours d'eau et des mares de cette zone tarissent très rapidement. Ils occasionnent également l'ensablement des cours d'eau. 79

Le pastoralisme est considéré comme responsable de la destruction de l'environnement en ce qu'il concourt à la dégradation des sols et à l'accélération de la désertification. La concentration des animaux autour des points d'eau et de surpâturage entraine une détérioration du sol, suivi d'une pollution de la nappe phréatique et une dégradation des parcours80. À travers les littératures, l'élevage est aussi considéré comme source d'émission de gaz à effet de serre conduisant à l'appauvrissement et à la pollution des ressources avec un impact sur la biodiversité81. Certaines recherches82 ont montré les impacts environnementaux de l'élevage sur le sol et l'érosion avec des effets directs sur la végétation et les ressources en eau. Ce sont là, des points négatifs soulignés à l'encontre de la pratique du pastoralisme.

Au-delà de l'image négative portée par l'élevage dans les débats courants, la mobilité pastorale peut contribuer à la durabilité écologique et à celles des ressources naturelles qu'elle utilise en zone aride et semi-aride83. Contrairement à ce que pensent beaucoup de scientifiques, l'élevage mobile est un système d'exploitation des ressources flexibles. Cet

79 KENNONG (Pallou), technicien supérieur des eaux et forêts travaillant à la Délégation Régionale de l'Environnement de la Province du Mayo-Kebbi Ouest, lors d'un entretien que nous avions eu à passer avec lui en date du 17 mai 2021.

80 CARRIERE (Marc) et TOUTAIN (Bernard), « Utilisation des terres de parcours par l'élevage et infractions avec l'environnement », Paris, Maisons-Alfort cedex-France, février 1995, p. 31.

81 DUMONTIER (Pierre) et al, 2013 ; BENHAMMOU (Farid) 2014 et LEAD/FAO, 2006.

82 CARRIERE (Marc), « Impact des systèmes d'élevage pastoraux sur l'environnement en Afrique et en Asie tropicale et sub-tropicale aride et sub-aride », Élevage et Environnement à la Recherche d'un Équilibre, Scientific Environmental Monitoring Group, Universität des SaarlandesInstitut für Biogeographie, Saarbrücken, juin 1996, 70 p.

83 BLANFORT (Vincent), « Impact des systèmes d'élevage pastoraux sur la séquestration du carbone (C) en milieux tropicaux semi-arides - cas du Ferlo sénégalais, 2011 », [En ligne] disponible sur http://www.supagro.fr, consulté le 24 avril 2021.

élevage permet de bien gérer le pâturage afin d'éviter le risque de surpâturage et de dégradation de l'environnement. Aussi, les systèmes pastoraux mobiles ont fait témoignage de leur efficacité économique et environnementale, permettant une meilleure régénération de la végétation. Bien qu'il existe quelques avantages de la mobilité pastorale sur l'environnement d'une manière générale et des champs particulièrement mais les inconvénients de celle sont plus nombreux.

B. La destruction des champs

Les différends autour des dégâts dans les champs sont nettement les plus nombreux en zone soudanienne. Dans toutes les localités84 que nous avons visitées dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, les agriculteurs comme les éleveurs, les autorités administratives, militaires et traditionnelles, ont signalé les destructions comme une des plus graves conséquences des conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. Il s'agit des dégâts occasionnés dans par le bétail des éleveurs transhumants ou autochtones. La destruction des champs peut être volontaire ou involontaire ou bien provoquée c'est-à-dire occasionnée par les « champs pièges ». Elle est involontaire quand les animaux sortent à l'insu des propriétaires et des bouviers, souvent la nuit pour détruire les champs. Elle est volontaire quand les éleveurs conduisent sciemment leurs troupeaux dans un champ pour se venger d'une des actions sues citées. La destruction involontaire est souvent réglée à l'amiable ou chez les chefs traditionnels, les leaders religieux, le chef du groupement des éleveurs ou le chef du groupement des agriculteurs. C'est la destruction volontaire des champs qui entraine souvent des conséquences drastiques sur le plan économique et social. Lors des conflits entre agriculteurs et éleveurs, des milliers d'hectares de champ sont détruits. La destruction des champs peut aller jusqu'à créer la pauvreté et des pénuries alimentaires importantes. Ce qui fait que les denrées alimentaires augmentent de prix. Ces destructions champêtres qui sont en nette progression ces dernières années, sont au centre des préoccupations tant des agriculteurs que des éleveurs qui se rejettent les responsabilités. Les boeufs pâturent en brousse, côtoient étroitement les champs en route ou clôturés en brousse. Pour les agriculteurs cette situation résulte du refus délibéré des éleveurs de respecter les usages établis en la matière. Les éleveurs sont accusés de rester tout le temps avec leurs animaux dans les villages alors que les champs ne sont pas encore récoltés. Les éleveurs sont, en effet, censés emmener le gros de leur troupeau au loin en pâturage, or, ils pâturent toute l'année autour des villages.

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84 Pala, Bara, Carrière, Mbaïla-Mbïla et Soudjé.

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Il faut également noter qu'il est difficile de retrouver les éleveurs/bergers qui commettent les dégâts. Les bergers des citadins sont, en effet, installés dans les campements précaires auprès des villages d'agriculteurs avec leurs troupeaux et sont prêts à s'en aller en cas de dégâts sans crier gare85. D'après les informations que nous avons recueillies sur le terrain, la plupart des destructions de cultures surviennent accidentellement. Elles sont les conséquences du manque de vigilance des bergers, ou d'éleveurs débordés par le grand nombre d'animaux. L'âge du berger (s'il est mineur) et le nombre important des animaux dans le troupeau pour un berger sont aussi cités comme causes des incursions des animaux dans les cultures. D'autre part, les éleveurs ne respectent pas la date de libération des champs pour entreprendre le retour des animaux dans les villages.

Dans les ferriques86, l'élevage prime sur l'agriculture et la chefferie traditionnelle (chef de ferrique) prend toujours le parti des éleveurs à cause de leur niveau économique important lors des conflits liés aux dégâts des champs. Les agriculteurs ne sont pas dédommagés ou ne le sont pas à leur juste valeur. Les agriculteurs dorment même parfois dans les champs pour surveiller leurs cultures ou leurs récoltes de peur de dégâts. En effet, les bergers peuvent de nuit ouvrir les clôtures pour y faire pénétrer les animaux. Parfois l'ampleur de la dévastation est grave, tout le champ est dévasté. C'est la raison pour laquelle on leur interdit systématiquement la vaine pâture quand une parcelle n'est pas totalement récoltée. Certains reconnaissent la présence des troupeaux avant la libération des champs. « Avant, les animaux sont pâturés en brousse loin des champs dans des espaces consacrés à cet effet par les chefs de canton, mais maintenant il est très difficile voire impossible pour un éleveur de vivre seul en brousse à cause de l'insécurité grandissante » nous dit un propriétaire de bétail vivant à Pala et exerçant d'autres activités commerciales dont ses boeufs sont non loin de Bara.

Les éleveurs quant à eux estiment que la question des dégâts champêtres, au-delà de ces aspects, est aussi liée à la restriction d'un certain nombre de droits à eux implicitement reconnus. Il s'agit notamment des couloirs de passage et aires de repos et de parcage qui ont été systématiquement colonisés par les champs rendant ainsi périlleux le déplacement des troupeaux et la limitation des possibilités des animaux pour trouver des aires de repos. Ils se

85 KOUSSOUMNA LIBA'A (Natali), « Étude sur les conflits agro-pastoraux dans les régions camerounaises du Nord, Adamaoua et Est », Maroua, Rapport final pour le compte du Groupe de la BAD, le HCR et la Fédération Luthérienne Mondiale, août 2016, p. 44.

86 Regroupement des campements d'éleveurs ayant à leur tête un chef désigné par le sous-préfet territorialement compétent.

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plaignent aussi de certains actes que posent, selon eux, délibérément les agriculteurs pour les amener à commettre les dégâts. Il s'agit selon les termes utilisés par les éleveurs des « champs pièges » ou « champs de provocation » ou encore « champs à problèmes » autour des cours d'eau ou dans les espaces réservés aux pâturages clôturés pendant la saison pluvieuse.

Les dégâts des champs s'expliquent par le fait que, le système d'élevage qui est purement traditionnel et de type extensif et est loin d'être maitrisé. Les animaux en pâture ne trouvent plus de pâturages laissés entre les champs et la zone tampon des parcs. Aussi, l'occupation anarchique des terres par les agriculteurs, qui obstruent les pistes de bétail est également un facteur qui occasionne les dégâts des champs.

La seule source de revenu des agriculteurs ruraux voire des agriculteurs citadins est le gain sur la vente des récoltes. La destruction des champs met dans un désarroi total les propriétaires des champs. Cette destruction entraine directement la pauvreté. La situation de pauvreté ne semble pas s'améliorer dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Bien au contraire, la pauvreté réelle augmente, surtout en ce qui concerne la pauvreté monétaire. Vu sur cet angle, la pauvreté signifie un manque d'accès ou un accès limité aux ressources financières et matérielles ou surtout des services institutionnels offerts par l'Etat ou la communauté en général.

La province du Mayo-Kebbi Ouest est l'une des zones d'agriculture par excellence du pays dont les produits sont exportés dans d'autres provinces et même des pays voisins. La plupart des agriculteurs vendent une partie de la récolte et consomment le reste en attendant la saison prochaine. La destruction des champs lors des conflits diminue ou anéantit carrément les récoltes, entrainant directement une insécurité alimentaire endémique. Les conflits liés à la mobilité ont d'innombrables impacts négatifs sur l'agriculture qui se manifestent notamment par la destruction des champs mais aussi sur l'élevage qui se manifestent par les crimes et cruautés sur les animaux.

PARAGRAPHE II : LES CRIMES ET CRUAUTÉS SUR LES ANIMAUX ET LA DÉTÉRIORATION DES TERMES D'ÉCHANGE ENTRE LES AGRICULTEURS ET LES ÉLEVEURS

Les crimes et cruautés (A) sont des actes très graves perpétués sur les animaux lors des conflits. Ils entrainent des véritables pertes économiques pour les éleveurs. Ces crimes et cruautés détériorent également les échanges entre les agriculteurs et les éleveurs (B) qui

devraient être des acteurs complémentaires et des maillons essentiels de l'économie de la région.

A. Les crimes et cruautés sur les animaux

Le bétail est la principale source de revenu des éleveurs. Les pasteurs, lors des conflits se trouvent confrontés à de nombreux défis. Au premier rang desquels se trouve la protection de leurs moyens d'existence. Les blessures sur les animaux et les tueries d'animaux sont devenues les modes opératoires des agriculteurs pour se venger contre les dévastations des champs par les animaux lors des conflits.

Les animaux subissent des blessures de tout genre lors des conflits liés à la mobilité pastorale. Les acteurs de ces blessures sur les animaux sont les agriculteurs. Les blessures et les tueries d'animaux sont rares que les destructions des champs mais des cas très graves ont été enregistrés dans la province. Ces blessures conduisent même à la mort les animaux. Les agriculteurs qui surprennent les animaux dans leur champ, préfèrent se rendre eux-mêmes justice. Les actes sont souvent perpétrés après plusieurs avertissements ou des règlements à l'amiable. En effet, les bergers abandonnent souvent les animaux seuls en brousse. Lorsqu'ils entrent dans les champs des agriculteurs et que ces derniers les y trouvent, à défaut de les conduire chez le chef du village, ils les frappent avec le bâton mais le plus souvent avec des objets tranchants tels que la machette87. Ce qui engendre des blessures très graves sur les animaux. Qui pis est, des fois ces objets sont trempés dans les substances toxiques qui tuent les animaux au moindre contact. Les agriculteurs sont accusés de blesser les animaux, mais on ne sait jamais qui le fait. Dans ce cas, l'éleveur porte plainte contre inconnu. Les bergers alertent alors leurs « patrons » qui s'en vont se plaindre directement à la brigade la plus proche, comme le souligne le conseiller économique du gouverneur de la Province du Mayo-Kebbi Ouest. Il va loin en disant : « les jugements chez les commandants de brigade n'ont jamais satisfaits les agriculteurs, d'ailleurs ces derniers sont pour la plupart des propriétaires de bétail. » Ce choix exaspère d'autant plus les agriculteurs, lorsque leurs champs sont détruits, privilégient le règlement de proximité c'est-à-dire à l'amiable ou auprès du chef de village qui est souvent aussi agriculteur ou proche des agriculteurs.

Le bétail est un principal maillon de l'économie du Tchad d'une manière générale et de la province du Mayo-Kebbi Ouest particulièrement. Il constitue la seule source de revenu

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87 KOSSOUMNA LIBA'A (Natali), op cit. p. 48.

des pasteurs. Le gain des éleveurs se repose essentiellement sur la vente du bétail ou des produits dérivés du bétail (lait, peau, viande...). Les éleveurs ont délaissé le mode de vie assurant leur substance pour adopter un mode de vie fondé sur une économie monétaire. Ils ne disposent d'assez de moyens pour se faire un revenu si ce n'est la vente du bétail ou de ses produits. Les blessures sur les animaux et la tuerie de ces derniers mettent dans un désarroi total les propriétaires de bétail. Ce phénomène entraine directement la pauvreté. La situation de pauvreté ne semble pas s'améliorer dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Bien au contraire, la pauvreté réelle augmente, surtout en ce concerne la pauvreté monétaire. Vu sur cet angle, la pauvreté signifie un manque d'accès ou un accès limité aux ressources financières et matérielles ou surtout des services institutionnels offerts par l'Etat ou la communauté en général. Elle frappe même extrêmement la population tchadienne dans sa généralité croissante (4,2 millions d'habitants en 1975 ; 9,4 millions en 2004 et 11,2 millions en 2009). L'IDH s'est établi en 2010 à 0,295 et en 2011 à 0,328 plaçant le pays respectivement au 163ème sur 169 pays et 183ème rang mondial sur 187 pays étudiés88.

Les crimes et cruautés sur les animaux réduisent la reproduction chez les animaux dans la mesure où les animaux blessés ou tués meurent des fois avec leurs petits.

Les actes barbares sur les animaux influencent aussi très négativement sur la vente des produits dérivés de l'élevage. Les produits du bétail qui sont la seconde source de revenu pour les éleveurs sont principalement la viande et le lait. Ce sont généralement les éleveurs qui répondent au besoin de la population de la province en viande. Les boeufs des pasteurs sont moins chers que les boeufs des éleveurs sédentaires. C'est pourquoi les bouchers achètent plus les boeufs des pasteurs. Chaque jour, au moins dix (10) boeufs sont abattus à l'abattoir de Pala. Le lait des vaches est vendu dans toutes villes de la province par les filles et les femmes de ces éleveurs. Chaque famille vend en moyenne vingt (20) libres de lait par jour, quinze (15) libres en lait frais et cinq (5) libres en lait caillé. Cette vente du lait est très rentable. Chaque femme ou fille venue vendre le lait rentre au moins avec cinq mille francs.

Les conflits liés à la mobilité pastorale occasionnent la disparition de certaines espèces de bétail. Ces espèces uniques et irremplaçables et leur disparition, irréversible, peut avoir des conséquences importantes sur l'économie de la province. Tel est cas des boeufs de races soudaniennes dont les échantillons sont ramenés par les grands éleveurs pour reproduction de

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88 REMADJI NGATOUKOU (Etienne), op cit. p. 17.

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ces espèces dans la province. Actuellement avec la sensibilisation des différents services (Délégation des Droits de l'Homme de la Province)89 l'ampleur de ce phénomène commence à régresser. Toutefois, ces crimes et cruautés sur les animaux n'ont pas pris fin et détériorent les termes d'échange entre les agriculteurs et éleveurs.

B. La détérioration des termes d'échange entre les agriculteurs et les éleveurs

Lorsque la saison des pluies s'annonce, les nomades quittent le Sud et reviennent chez eux, accompagnent les animaux qui séjournent quelque temps sur les terres qui doivent être prochainement mises en culture, afin qu'elles soient convenablement fumées. Pendant cette période, les éleveurs circulent librement dans les champs. Ils ont depuis longtemps tissé des relations étroites avec les agriculteurs chez lesquels ils descendent. Ils parquent leurs troupeaux dans les champs de ces agriculteurs. Ces derniers profitent de la fumure organique. En compensation, les éleveurs reçoivent de ceux-ci protection, mais aussi récompense sous forme de son pour le bétail. Plusieurs types de relations se sont développés entre les agriculteurs qui sont sédentaires et les agriculteurs nomades notamment : le pacage, l'abreuvage des boeufs, le commerce de bétail, le ravitaillement en céréales...90

Ces relations bilatérales entre les agriculteurs et éleveurs se manifestent le plus souvent par le pacage. Lors de la descente des éleveurs dans la province du Mayo Kebbi-Ouest, ils s'installent auprès des villages et pâturent leurs boeufs dans les champs déjà récoltés. Ces relations de complémentarité pérennes se sont développés entre eux et certains villages, chaque chef de famille a son éleveur. Les éleveurs, une fois dans la zone campent dans les champs de leurs alliés sédentaires. La préoccupation majeure des éleveurs pendant la sèche est l'abreuvement des leurs animaux. Dans le Mayo-Kebbi Ouest dont la plupart des habitants sont agriculteurs, il n'existe pas des puits pastoraux malgré la nouvelle concentration des éleveurs dans la région. Les puits villageois servent des points d'abreuvement des animaux. Pour abreuver les animaux dans un village, il faut l'autorisation du chef de village ou le chef de terre.91 Ces chefs reçoivent de fois des veaux lors du retour

89 Notamment la Tournée de Sensibilisation et de Pacification de la Population dans les vingt (20) cantons de la province du Mayo-Kebbi Ouest du 1er au 30 octobre sur les thématiques : les enlèvements des personnes contre rançon, les conflits intercommunautaires, les conflits confits, les conflits agriculteurs/éleveurs etc. qui a vraiment porté de fruits. Cette tournée a été initiée par la Délégation Provinciale des Droits de l'Homme de la Province du Mayo-Kebbi Ouest.

90 MOHA (Mahaman), Les relations entre agriculteurs et éleveurs en contexte de crise alimentaire à Roumbou-Sakabal, Paris, Afrique Contemporaine, 2008/1 N° 225, pp. 137-159.

91 Dans les villages où la tradition donne plus de pouvoir au chef de terre au détriment du chef de village en matière de gestion foncière du village.

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des éleveurs dans leurs zones. Une autre relation de complémentarité entre les agriculteurs et les éleveurs est la vente d'animaux et l'achat des céréales par les éleveurs et vice-versa. Les éleveurs ont souvent besoin des céréales pour leur propre nourriture mais aussi pour donner aux animaux. Ces derniers étant nomades et ne produisant pas les céréales ventent les animaux et achètent des céréales chez les agriculteurs. Les agriculteurs pour leur part, ont besoin d'animaux soit pour la pratique de l'agriculture soit pour profiter des produits dérivés de l'élevage (lait et viande), eux aussi n'étant pas pour la plupart des propriétaires d'animaux achètent les animaux chez les éleveurs mobiles. Ces derniers vendent les animaux moins chers que les éleveurs sédentaires.

En cas de conflit, toutes ces relations favorables à l'économie de la province sont détériorées. En ce qui concerne le pacage, les éleveurs, quel que soient les relations précédentes, ils ne peuvent plus venir s'installer auprès des villages dont ils ont eu des problèmes avec l'un des ressortissants par crainte de représailles. Ainsi, les relations bilatérales entre ces derniers prennent fin causant des manques à gagner des deux côtés. Parlant des relations d'abreuvement des animaux, elles se détériorent également en cas de conflit. Un éleveur mobile ayant des différends avec les ressortissants du village dans lequel ils abreuvent ses animaux en saison sèche ne peut plus venir dans ce village.

En fin, s'agissant du troisième type de relation entre les agriculteurs et les éleveurs (échange des produits) sont aussi mis en mal lors d'un conflit entre les entités. Les agriculteurs ou les éleveurs ayant des précédents avec une famille n'achètent, ni ne vendent leurs produits à ces derniers. Dans cet esprit, les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale qui sont plus économiques deviennent de plus en plus sociaux.

SECTION 2 : LES IMPACTS SOCIAUX DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ

PASTORALE

Les conflits liés à la mobilité pastorale ont des impacts sociaux dévastateurs parmi lesquels les violations de droits humains (Paragraphe I) et la mise en mal de la sécurité des personnes dans la province et la désorganisation sociale des pasteurs (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS

Les conflits liés à la mobilité pastorale sont des situations dans lesquelles les violations des droits humains sont très fréquentes. Dans chaque conflit, des milliers de

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citoyens sont blessés ou perdent la vie (A) mais aussi et surtout beaucoup d'autres droits humains sont mis en mal (B).

A. Les blessures et les pertes en vie humaine

L'interactionnisme stratégique nous conduit à remarquer que les conflits liés à la mobilité pastorale sont attisés par les intérêts partisans. En plus, ils sont également attisés la circulation incontrôlée des armes et des ressentiments vieux comme le monde dans l'environnement rural. Les pouvoirs publics semblent incapables face l'escalade de la violence et le pays continue de payer un lourd tribut en vie humaine.

Selon « Le Répertoire de foyers des conflits, des violations des droits humains et quelques pistes de solutions »92 du premier trimestre de l'année 2021, sur les dix (10) conflits recensés, dans chaque conflit, il y a eu au moins trois (3) morts et cinq (5) blessés.

Le droit à la vie est un droit fondamental reconnu par la constitution de la République du Tchad en son article 17 qui dispose : (1) « La personne humaine est sacrée et inviolable » ; (2) « Tout individu a droit à la vie, à l'intégrité de sa personne, à la sécurité, à la liberté, à la protection de sa vie privée et ses biens » et les instruments internationaux de droits humains dont le Tchad fait partie notamment la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 qui dit « Toute personne a droit à la vie ». Ce droit ne peut être assuré que si l'Etat crée des conditions nécessaires à la garantie de la sécurité des personnes et garantit le droit à une vie décente. C'est le sens de l'article 11 aliéna 1 et 2 du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Ce phénomène est accentué par l'apparition des nouveaux éleveurs c'est-à-dire les autorités administratives et militaires propriétaires de bétail. Ces derniers ne sont pas sur le terrain. Ils ont des bouviers qui travaillent pour eux, ces bouviers sont souvent choisis parmi les anciens éleveurs et les fils des éleveurs de la communauté peule ou haoussa. Ces éleveurs sont armés par ces autorités sous prétexte de protection. Les bergers sont des « vrais provocateurs » selon le langage des agriculteurs. Ils font entrer les animaux dans les champs sciemment car ils savent sur qui ils comptent en cas de conflit. Ces bouviers ne peuvent pas être attaqués sur le terrain par les agriculteurs parce qu'ils détiennent une arme de guerre et

92 C'est un document élaboré par le Délégué Provincial des Droits de l'Homme à l'attention du Gouverneur de la Province du Mayo-Kebbi Ouest qui répertorie les conflits et les violations des droits humains et essaye de proposer des solutions à ces derniers.

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quand le problème ira un peu plus loin, les patrons prendront la relève. Ces bouviers n'hésitent même pas à tirer à bout portant sur les personnes avec lesquels ils sont en conflit, la plupart succombent de suite des blessures. Comme nous le dit un agriculteur de Carrière, il est fort probable qu'on t'ôte la vie dans ton champ pour avoir dit un mot qui ne plait à un bouvier. Qui plus est, les éleveurs peuls utilisent les flèches trempés dans les matières toxiques pour tirer sur les ennemis en cas de conflit. Ces flèches tuent au moindre contact, c'est ce qu'on appelle en droit l'homicide volontaire. La plus grave des atteintes aux droits humains est l'homicide volontaire mais lors des conflits liés à la mobilité pastorale d'autres droits humains sont également violés.

B. Les autres violations des droits humains

Lors des conflits, aucun droit humain n'est respecté. Les violations des droits partent la perte de la vie humaine aux arrestations et détentions illégales en passant par les préjudices physiques.

S'agissant des droits économiques, sociaux et culturels, civils et politiques, il faut noter l'efficacité des garanties constitutionnelles des droits de l'homme et des libertés fondamentales : les droits civils et politiques consacrés par les principaux instruments internationaux sont intégrés dans le corpus de la constitution. Mais dans la pratique tout diffère, tous ces droits mentionnés en noir sur blanc dans la constitution sont bafoués lors des conflits liés à la mobilité pastorale. L'article 18 de la constitution de la République du Tchad dispose : « Nul ne peut être soumis, ni à des services ou traitements dégradants et humiliants, ni à la torture », l'article 19 de la constitution dans le même élan dispose : « L'esclavage, la traite des êtres humains, le travail forcé, la torture physique ou morale, les traitements inhumains, cruels, dégradants et humiliants, les violences physiques, les mutations génitales féminines, les mariages précoces ainsi que toutes les autres formes d'avilissement de l'être humain sont interdites », et l'article 21 est bref et concis : « Nul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude ». Ces trois passages de la constitution consacrent le droit au respect de l'intégrité de tout citoyen. Par ces dispositions, le constituant tchadien condamne fermement toute atteinte illégale à l'intégrité physique. Dans le premier, il interdit absolument les services ou traitements dégradants et humiliants, et la torture. Dans le second, il interdit avec la même rigueur l'esclavage, la traite des êtres humains, le travail forcé, la torture physique ou morale, les traitements inhumains, cruels, dégradants et humiliants, les violences physiques, les mutations génitales féminines, les mariages précoces ainsi que toutes les autres

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formes d'avilissement de l'être humain. Dans le troisième, il interdit formellement l'esclavage et la servitude. Le législateur énumère l'article 21 de la constitution pour besoin d'insistance, car les deux pratiques sont déjà interdites dans les articles 18 et 19. Les droits sus cités sont mis en mal lors des conflits liés à la mobilité pastorale. Les éleveurs nomades, en déplacement achètent sur place des enfants mineurs pour garder leurs boeufs. Ils les traitent comme des bêtes de somme. Ces enfants sont vendus par leurs parents avec la complicité des autorités locales. En guenilles, chaussures usées au pied, les yeux rouges et mine renfrognée, ces enfants essaient tant bien que de regrouper des troupeaux d'environ deux cent (200) boeufs. L'âge de ces enfants bergers varie dans la plupart des temps de treize (13) à neuf (9) ans. Il existe dans la région des centaines d'enfants gardiens des boeufs de moins de dix-huit

(18) ans. Ils doivent garder les boeufs pour subvenir aux besoins de leur famille et
particulièrement de leur père qui bénéficie des avantages sur le dos de ces enfants. Ces enfants bouviers ont chaque année un veau pour un troupeau de cinquante (50) à cent (100) boeufs et une somme de quinze mille (15 000) francs en guise de récompense. Ils parcourent des milliers de kilomètres à pieds, ils conduisent des fois les boeufs jusqu'à Adoumri au Cameroun qui est un carrefour de vente des boeufs dont les commerçants viennent du Tchad, du Cameroun, de la Centrafrique, de la République Démocratique du Congo et du Nigéria. Ces enfants sont de plus en plus maltraités par les propriétaires des boeufs, ils sont souvent ligotés et frappés par ces derniers. Loin de leurs parents, ces enfants sont obligés de reprendre le chemin de la brousse avec les animaux. Ils passent de fois plus de trois jours sans rien manger et leurs moments de repos sont en fonction de ceux des bêtes. « L'esclave n'a pas droit à la nourriture » répondent les propriétaires des boeufs lorsque les bouviers réclament de quoi à se mettre sous la dent, les moins cyniques leur remettent en guise de ration alimentaire journalière un peu de pâte de mil et du lait caillé.93 Ils doivent se contenter des fruits sauvages et boire, comme les bêtes dont ils ont la garde, les eaux insalubres des mares et des marigots. Ils dorment la nuit parmi les boeufs à même que le sol. Plus, ils n'ont jamais accès aux soins, malheur à celui qui tombera malade. « Un jour, j'étais tellement malade et un agriculteur m'a donné les médicaments. Il m'a trouvé couché sous un arbre, en pleine brousse où je n'avais plus la force de contrôler les boeufs. Il m'a ainsi aidé juste pour l'amour de Dieu, si cet homme ne me donnait les médicaments j'allais mourir, mes parents sont à plus 200 km d'ici » dit un enfant bouvier qu'on a rencontré à la sortie de Carrière sur la route de

93 ARTIDI (Claude), Les « enfants bouviers » du sud du Tchad, nouveaux esclaves ou apprentis éleveurs ?, Cahiers d'Etudes africaines, Volume 45, Cahier 179/180, 2005, p. 717.

Fianga. Dans ces conditions inhumains et dégradants, certains ne pouvant pas supporter abandonnent le troupeau et fuient. Malheureusement, ils sont très vite rattrapés et reconduits dans les troupeaux par les propriétaires des boeufs qui sont pour la plupart des militaires et des administrateurs qui convoitent le sud du pays pour l'élevage qui sera un complément à leurs salaires. La chance de ces enfants d'échapper des mains de ces propriétaires est très mince. Cette question a été soulevée en 1993 lors de la Conférence Nationale Souveraine94 et reprise au Forum National Inclusif de 2018 mais il n'y a pas encore de manifestations pour pallier à ce phénomène.

Tous les droits relatifs à la justice sont mis en mal lors des conflits liés à la mobilité pastorale. L'article 22 de la constitution dit : « les arrestations et détentions illégales et arbitraires sont interdites ». Lors des conflits, les arrestations illégales sont innombrables. Les agriculteurs sont de plus en plus les victimes de ces arrestations. La plupart des éleveurs sont les autorités administratives (gouverneur, préfet sous-préfet) et militaires (Commandant de zone, commandant de brigade, commissaire de police...) et des proches des militaires. Ceux-ci dès qu'un problème éclate contre les agriculteurs, ils arrêtent automatiquement ces derniers et les conduisent soit à la brigade soit au commissariat de police où ils sont détenus sans accès à la justice durant des semaines voire des mois. Plus grave, ils sont conduits à la maison d'arrêt sans passer devant un juge. C'est tout à fait contraire à l'article 23 de la Constitution qui dispose : « Nul ne peut être détenu dans un établissement pénitentiaire s'il ne tombe sous le coup d'une loi pénale en vigueur ». L'article 26 de la Constitution est clair : « La peine est personnelle. Nul ne peut être rendu responsable et poursuivi pour un fait non commis par lui ». Mais la responsabilité pénale collective est très fréquente dans la province du Mayo-Kebbi Ouest notamment lors des conflits liés à la mobilité pastorale. Quand une personne est recherchée pour une responsabilité, un de ses proches est arrêté pour contraindre le coupable à revenir. Cette pratique est contraire à l'article 26 de la Constitution. L'article 27 de la Constitution interdit plus clairement la responsabilité collective en ces termes : « Les règles coutumières et traditionnelles relatives à la responsabilité pénale collective sont interdites ».

D'autres droits fondamentaux relatifs à la justice sont également foulés au pied notamment la présomption d'innocence et l'accès même à une justice satisfaisante. Pour le premier cas, l'article 25 de la Constitution de la République du Tchad dispose : « Tout

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94 Ibid.

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prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la suite d'un procès régulier offrant des garanties indispensables à sa défense ». Tant qu'un jugement de condamnation définitive n'est pas intervenu, l'inculpé doit être considéré comme innocent même s'il existe contre lui des indices graves et concordants de culpabilité. En outre, il revient à celui qui accuse d'apporter les preuves de la culpabilité, le doute profitant à l'accusé. La présomption d'innocence qui est un droit fondamental qui est méconnue quand les conflits opposent les riches propriétaires des boeufs aux pauvres agriculteurs. L'agriculteur est jeté en prison avant que sa culpabilité ne soit établie par une juridiction compétente. Pour le second, il ressort clairement de la Constitution du Tchad que la loi assure à tous les hommes le droit de se faire justice. Ainsi, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, la justice doit être accessible au justiciable. La justice n'est pas accessible à tous citoyens surtout lors des conflits liés à la mobilité pastorale. La corruption perpétuée par les nantis, la lenteur, le coût de la justice font qu'elle n'est pas accessible à tous. En second lieu, le justiciable doit avoir confiance à ses juges. Pour dire autrement, le justiciable doit être jugé par un juge indépendant et impartial. Cette confiance du justiciable envers ses juges est loin de s'établir car l'argent a tout gâté comme le dit dans le langage de la province.

L'article 28 de la Constitution tchadienne dispose : « Les libertés d'opinion et d'expression, de communication f...] de circulation f...] sont garanties à tous ». L'alinéa 1 de l'article 7 du code pastoral dispose : « La mobilité pastorale à l'intérieur du territoire national est une liberté reconnue à tout éleveur dans le respect de la réglementation nationale en vigueur et des us et coutumes de la zone d'accueil », cette disposition vient en complément à l'article 28 de la constitution pour garantir la mobilité pastorale. Par ces dispositions, le constituant tchadien proclame la liberté d'aller et de revenir qui comprend la liberté de mouvement. La liberté de mouvement dont il est question renvoie à la liberté de circulation à l'intérieur du pays, bien que libre, elle peut être soumise au contrôle d'identité au niveau des barrières de police ou de gendarmerie. C'est sont là les restrictions à la liberté d'aller et de revenir qui sont fixées pour des raisons de sécurité intérieure, d'ordre public et même de santé publique. S'il faut apprécier la clarté de ces dispositions qui garantissent la liberté de circulation, toute fois la réalité diffère. Les éleveurs en mobilité subissent toute forme de tracasserie, dans les villages où ils passent, leurs biens subissent des violences physiques qui vont des blessures jusqu'à la mort de l'animal des fois, le vol de bétail etc.

Le droit de propriété est un droit fondamental. C'est le droit de posséder des biens, d'en jouir à l'effet de réaliser sa destinée personnelle en s'appropriant tant socialement

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qu'économiquement. L'Etat ne peut en priver l'individu que dans les cas où l'intérêt général est mis en cause. Dans ce cas, on parlera d'expropriation pour cause d'utilité publique. L'Etat qui exproprie pour cause d'utilité publique devra indemniser le propriétaire. Elle est inviolable et sacrée. L'article 45 de la Constitution est sans ambiguïté : « la propriété privée est inviolable et sacrée ». Le principe est que la propriété est un droit imprescriptible et sacré de l'homme, pourtant la réalité diffère. On constate une inégalité flagrante en matière de propriété surtout lors des conflits liés à la mobilité pastorale. La destruction des champs par les éleveurs ; les blessures et les tueries d'animaux par les agriculteurs sont des graves violations du droit de la propriété privée. Ces violations des droits humains sont étroitement liés à la mise en mal de la sécurité des personnes dans la province et à la désorganisation sociale des pasteurs.

PARAGRAPHE II : LA MISE EN MAL DE LA SÉCURITÉ DES PERSONNES DANS LA PROVINCE ET LA DÉSORGANISATION SOCIALE DES PASTEURS

Les conflits liés à la mobilité pastorale sont des facteurs de mise en mal de la sécurité des personnes dans la province (A) et désorganisent socialement les pasteurs (B).

A. La mise en mal de la sécurité des personnes dans la province

L'insécurité généralisée qui sévit dans la province du Mayo-Kebbi Ouest depuis plus de dix (10) ans ne laisse pas indifférent les éleveurs pasteurs. La présence des bandits armés de grand chemin dans les brousses où les éleveurs mobiles font pâturer les boeufs entretiennent cette insécurité. Les plus grandes victimes des enlèvements contre rançons sont ces éleveurs ou leurs bouviers. Le premier risque pour les éleveurs ou les bouviers est celui de l'atteinte à leur intégrité physique. Dans la province, nombreux sont de cas d'assassinat d'éleveurs, tentant de rentrer dans leurs territoires d'attache. Il y a également les risques de rackets et spoliation pour les éleveurs. Les éleveurs sont souvent victimes de vol d'une partie ou la totalité de leurs troupeaux. Les éleveurs sont obligés de se soumettre aux lois de ces « forces négatives » qui les contraignent de les verser des taxes forfaitaires afin de bénéficier de leur faveur voire de louer leurs services pour la protection du bétail. Pour ceux qui résistent, les membres de leurs familles sont pris en otage contre rançons. En 2016, il y a dans la province vingt un (21) enlèvements ont été perpétrés par les malfrats et trente-quatre (34) prises d'otage contre rançons. Un total de 13.500.000 de F CFA de rançons a été versé aux

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malfrats95. Plus de la moitié des victimes de ces crimes sont des éleveurs. Tous ces risques obligent en ce moment les éleveurs à s'installer non loin des villages et des grands centres afin de se sentir en sécurité. Mais en faisant ceci, ils prennent le risque de se retrouver à proximité des champs, ce qui favorise des dégâts de culture, source de conflits avec les agriculteurs, mettant de nouveau à péril la cohabitation déjà fragile.

Les attaques collectives des campements des éleveurs peuls ou haoussas soit par les agriculteurs qui se vengent de la destruction des champs soit par des bandits armés dont le but est de prendre les otages contre rançons sont très fréquentes. Les attaques collectives des campements sont souvent injustifiées, car on y arrive très difficilement à établir réellement que les champs ont été détruits par les boeufs de tel ou tel autre troupeau. Dans les situations pareilles, les agriculteurs sous les effets de la colère agissent en allant attaquer les ferriques des éleveurs les plus proches et la rétorque des éleveurs n'attend pas aussi. Les agriculteurs et les éleveurs sont méfiants les uns envers les autres, chacun se prépare pour riposter en cas d'attaque. Ce qui crée une menace d'insécurité et une insécurité réelle.

Dans leur déplacement, les boeufs côtoient les aires protégées comme ci-haut mentionné, ce qui met en conflit les écogardes et les éleveurs. Quand les boeufs entrent les parcs nationaux ou les forêts classées, des négociations sont entamées entre ces deux acteurs. La plupart des écogardes considérant les conditions dans lesquelles ils travaillent acceptent les avances des éleveurs. Les écogardes récalcitrants n'acceptant pas les avances des éleveurs sont élimés par ces derniers qui se regroupent en une dizaine de personnes et attaquent collectivement les écogardes. Il y a aussi une menace d'insécurité du côté des éleveurs, car les écogardes sont équipés par l'Etat pour défendre l'environnement. Ils ont à leur disposition une arme de guerre avec des munitions et un téléphone tokaï. Les écogardes n'hésitent pas à tirer à balle réelle sur les éleveurs avec lesquels ils sont en conflit. Quand c'est possible de négocier, les éleveurs négocient la paix avec de l'argent ou les têtes des boeufs.

La détention illégale d'armes de guerre par les éleveurs et leurs bouviers aggrave cette insécurité. Ces armes servent de défense pour les éleveurs qui parcourent des milliers de kilomètres avec les boeufs et en cas de conflit avec les agriculteurs ces mêmes armes sont utilisées pour perpétuer des dégâts sur les agriculteurs. Cette détention d'armes par les éleveurs crée des sentiments d'insécurité chez les agriculteurs. En plus de ces armes de

95 Compte rendu de la première réunion annuelle régionale de sécurité dans la province du Mayo-Kebbi Ouest du 02 Mars 2017, p. 3.

guerre, les flèches souvent trempées dans des matières toxiques détenues par les éleveurs peuls et haoussas créent ce sentiment d'insécurité chez les agriculteurs car les flèches tuent au moindre contact. La présence des malfrats dans les brousses créent aussi chez les éleveurs un sentiment d'insécurité. Cette insécurité à la longue entraine la perte du bétail et cette perde du bétail est synonyme de désorganisation sociale chez les pasteurs.

B. La désorganisation sociale des pasteurs

Les conflits liés à la mobilité pastorale ont eu des conséquences très graves sur la vie des éleveurs. Plusieurs éleveurs ont perdu complètement leurs animaux. Les conséquences de ces pertes vont effectuer pendant de nombreuses années les populations les plus touchées. C'est ainsi que des éleveurs transhumants se sont sédentarisés dans la vallée, perdant ainsi leur mode de vie pastorale. Au niveau individuel, les pertes ont été si sévèrement ressenties que cela s'est accompagné de perte de repères socio-psychologiques.96 Pour la plupart d'éleveurs, les animaux ne sont pas juste une richesse mais des compagnons de longues dates. Il n'est pas rare de voir dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, des éleveurs devenir fous après avoir perdu une partie ou la totalité de leur troupeau. Certains, quand ils perdent les animaux n'arrivent pas à faire un autre travail, ils ne se sentent à l'aise qu'à côté des animaux. C'est la raison pour laquelle, la plupart des anciens éleveurs ayant perdu leurs animaux sont recrutés par les propriétaires des boeufs bien placés en ville pour garder leurs animaux où ils sont récompensés chaque année avec une somme de quinze mille (15.000) F CFA et un veau.

Une manifestation de la désorganisation des éleveurs est la paupérisation. Les éleveurs

tchadiens sont depuis un temps affectés par un processus de paupérisation. Cette
paupérisation est provoquée par une diminution importante de l'effectif de troupeaux. Le cheptel des familles était estimé à deux-cent (200) têtes de boeufs au début des années 2000 mais aujourd'hui, on l'estime de soixante-dix (70) à cent (100) bêtes de boeufs.

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96 MOHA (Mahaman), op cit.

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CONCLUSION DU CHAPITRE I

En guise de conclusion de ce chapitre, nous pouvons retenir que les conflits liés à la mobilité ont des conséquences fâcheuses sur le développement économique et social de la province. Les conséquences de ces conflits ne favorisent pas un décollage économique effectif de la province et maintiennent celle-ci dans une pauvreté endémique inexplicable malgré toutes ses richesses. Sur le plan économique, ils affectent l'économie verte dans son ensemble et particulièrement les champs. En plus de ces impacts sur l'environnement et l'élevage, lors des conflits à la mobilité pastorale, les animaux sont victimes des crimes et cruautés humains et il y a une détérioration des termes d'échange entre les agriculteurs et les éleveurs. Sur le plan social, ils mettent en péril la sécurité des personnes et de leurs biens, la désorganisation sociale des pasteurs et la violation de tous les droits humains protégés par une multitude d'instruments nationaux et internationaux. Le développement d'une localité va de pair une bonne gouvernance, à voir de près tous ces impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sont entretenus par la mauvaise gouvernance. Alors, quels sont les impacts de la mauvaise gouvernance sur ces conflits ? Une réponse pertinente à cette question nous oriente à démontrer que les conflits liés à la mobilité sont des effets de la mauvaise gouvernance.

CHAPITRE II :

LES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITE

PASTORALE, EFFETS DE LA MAUVAISE

GOUVERNANCE

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Les conflits liés à la mobilité pastorale sont une manifestation de mauvaise gouvernance de la province du Mayo-Kebbi Ouest particulièrement et du Tchad d'une manière générale. Ils détruisent la gouvernance de la province et freinent tous les efforts des gouverneurs qui souhaitent installer un système de gouvernance basé sur la transparence de la gestion des affaires publiques de la province. Parmi ces facteurs qui aggravent les conflits d'une manière générale et les conflits liés à la mobilité pastorale d'une manière particulière, il y a d'une part la politisation et la mauvaise gestion des conflits (Section 1) et d'autre part la pluralité des instruments juridiques dans la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale (Section 2). C'est sont réelles difficultés de lutte contre les conflits liés à la mobilité pastorale.

SECTION 1 : POLITISATION ET MAUVAISE GESTION DES CONFLITS

Les conflits liés à la mobilité pastorale s'aggravent par le fait que les conflits sont politisés (Paragraphe I) et de la mauvaise gestion de ces derniers (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : POLITISATION DES CONFLITS

Les conflits liés à la mobilité pastorale sont politisés par la tendance à la bipolarisation des conflits en clivage nord/sud et musulman/chrétien (A) et par le soutien aveugle des élus locaux, des hommes politiques, des hommes d'affaires voire les autorités administratives aux protagonistes (B).

A. La bipolarisation des conflits en clivage nord/sud et musulman/chrétien

Comme tous les problèmes dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, les conflits liés à la mobilité pastorale ont tendance à être bipolarisés en nord/sud et en musulman/chrétien. Au Tchad, le nord du pays est peuplé des musulmans majoritairement éleveurs et commerçants. Ces éleveurs du nord, compte tenu du manque ou du retard de la pluviométrie au nord du pays et de la croissance du nombre de bétail descendent au sud du pays dont les conditions de l'élevage sont réunies en saison sèche et remonter au nord en saison pluvieuse. Les agriculteurs du sud pensent que les éleveurs envahissent leur territoire et qu'ils surexploitent les ressources naturelles de leur territoire. En plus de cela, les séries de crises qui ont secoué le Tchad depuis son accession à l'indépendance ont porté des rudes coups à l'autorité de l'Etat et ont agi profondément sur le tissu de coexistence pacifique entre les éleveurs et les agriculteurs. L'Etat tchadien ne parvient pas à assurer l'équilibre entre le monopole des

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agriculteurs et des éleveurs.97 Ces crises ont contribué à la bipolarisation de toute chose en nord/sud et musulman/chrétien dont les conflits agriculteurs/éleveurs. Ces mots (nordiste, sudiste, musulman et chrétien) sont utilisés pour diviser les tchadiens, c'est pourquoi certaines crises prennent très rapidement des tournures des conflits religieux ou régionalistes. Les agriculteurs et éleveurs sont devenus méfiants des uns vis-à-vis des autres. Quand un problème oppose un agriculteur du sud et un éleveur du sud, le problème est rapidement réglé chez les chefs traditionnels de la localité car c'est une population homogène qui obéit à la même tradition et la même religion. Mais au contraire quand le problème oppose un éleveur originaire du nord et un agriculteur originaire du sud la résolution de celui-ci devient de plus en plus complexe. Les éleveurs refusent de résoudre les problèmes chez les chefs traditionnels qui sont eux-mêmes des agriculteurs ou les proches des agriculteurs. Ils trouvent toujours que les jugements de ces chefs sont impartiaux et les agriculteurs quant à eux rejettent catégoriquement les jugements devant les commandants de brigade ou les autres autorités militaires et administratives qui sont des propriétaires de bétail ou des proches des nantis éleveurs, des commerçants bien placés en ville pour la plupart. La quasi-totalité de ces commandants de brigade qui se succèdent dans la province du Mayo-Kebbi Ouest sont des originaires du nord et musulmans, ils ne font jamais un jugement indépendant et impartial selon tous les agriculteurs rencontrés. Il existe une autre dimension de ce clivage qui est plus grave et qui constitue une réelle menace à la cohabitation des populations dans la province, c'est l'opposition entre musulmans et chrétiens de la province. Dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, il y a des autochtones qui sont des musulmans (les peuls). Même si les problèmes entre les agriculteurs chrétiens et animistes et les éleveurs peuls musulmans n'ont pas les mêmes ampleurs que les problèmes entre les agriculteurs du sud et les éleveurs originaires du nord, ils sont plus complexes que ceux qui opposent les agriculteurs et les éleveurs chrétiens ou animistes. Ces protagonistes sont des fois soutenus dans ces conflits par les élus locaux, les hommes politiques et des hommes d'affaires.

97 Document MEC, Programme visant l'amélioration des relations et la résolution des conflits entre éleveurs et cultivateurs au Tchad, 2007, p. 33.

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B. Des conflits maintenus par le soutien des élus locaux, des hommes politiques et des hommes d'affaires

Un autre facteur et non des moindres qui influence le comportement des protagonistes, c'est le soutien de certains élus locaux. Le conflit entre agriculteurs et éleveurs est devenu le cheval de bataille des revendications des leaders politiques98. Les conflits agriculteurs/éleveurs sont causés, animés et maintenus par les hommes politiques. Le défunt président de la République Idriss Deby Itno disait ceci en 2019 dans un discours : « Les conflits intercommunautaires ne sont pas simplement localisés dans une seule province du Tchad mais pratiquement sur l'ensemble du territoire. C'est un phénomène qui est quelque part initié ici à N'Djamena par des hommes politiques. Je pense que nous devrions engager une guerre totale contre ceux qui portent des armes illégalement et contre ceux qui sont à l'origine des morts d'hommes dues à ces conflits sur l'ensemble du territoire.» Cette allocution du président Deby prouve à suffisance que le gouvernement est conscient du rôle que jouent les leaders politiques dans l'aggravation des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Lors d'un déplacement dans le sud du pays, Saleh Kebzabo, leader de l'Union Nationale pour la Démocratie et le Renouveau (UNDR) principal parti de l'opposition dit dans un discours : « Défendez vos villages ! Les sudistes sont désarmés. Eux, ils sont armés. Deby ne nous aime pas. Personne ne va vous protéger contre eux. Ils sont armés, défendez-vous et ne vous laissez pas faire »99. Ces propos de l'opposant Kebzabo ne sont pas favorables au vivre-ensemble. Ces leaders tapis dans l'ombre tirent les ficelles de ces conflits. Ce discours est un gravissime même si la situation est grave. Il appelle à une véritable action pour mettre fin à ce phénomène qui endeuille des familles tchadiennes presque de manière cyclique100.

Les élus locaux, s'ils veulent favoriser le renouvellement de leur mandat, doivent composer avec l'opinion du groupe majoritaire. Dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, les groupes majoritaires sont les agriculteurs, c'est pourquoi ces derniers ne manquent le soutien des députés et des conseillers municipaux. Certains élus mènent des actions de développement

98 MARTY (André) et al. op cit. p. 58.

99 Nous avons eu ces propos de Saleh Kebzabo dans un audio de vingt-sept (27) minutes qui a fait le tour de la toile tchadienne.

100 Journal le Sahel, Fini l'hypocrisie et les intentions masqués ? Les agendas cachés sortent du terroir des politiciens, [En ligne] disponible sur www.lesahel.td, consulté le 30 mai 2021.

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de leur terroir mais dans le but d'allier la grande partie de la population à leur parti font preuve de partialité dans la gestion des conflits agriculteurs et éleveurs.101

Les hommes d'affaires financent mêmes les protagonistes depuis la capitale. C'est le cas du conflit ayant opposé les agriculteurs aux éleveurs dans le village Tehauré, canton Doué, Département de El-Ouya, sous-préfecture de Lamé rural où un agriculteur du nom Patalet Keudeu Laya âgé de soixante-sept ans a été battu à mort dans son champ et est retrouvé par les éleveurs peuls. Un ferrique des éleveurs voisin au village est accusé par la population. 102 Dans ce conflit, les hommes d'affaires ressortissants de cette sous-préfecture ont dépensé des sommes colossales pour le retrouver les criminels qui ont tué leur frère, cette affaire a fait plus d'un an à la justice. Des exemples peuvent être multipliés dans toutes les sous-préfectures de la province. Les hommes d'affaires se regroupent et collectent de l'argent pour aider leurs frères qui ont des problèmes à la justice. Qui pire est, ces hommes d'affaires convainquent leurs frères ne pas laisser tomber les problèmes même s'ils sont conscients que les leurs sont fautifs et arrivent des fois même à faire triompher leurs frères grâce à la mauvaise gouvernance.

PARAGRAPHE II : MAUVAISE GESTION DES CONFLITS

L'erreur la plus abondante dans la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale est la méconnaissance des acteurs autour de ces conflits (A), la corruption et les fortes amendes lors de règlement de ces conflits sont aussi des effets de la mauvaise gouvernance (B).

A. Le flou au tour des acteurs des conflits

Lorsqu'on pose mal un problème, on ne contribue plus à le résoudre103. Le plus grand problème dans la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale, c'est la méconnaissance des acteurs en présence. On a tendance à ne voir que les agriculteurs et les éleveurs. Avant de donner des détails sur les acteurs de ces conflits, il est intéressant de connaitre le sens du mot acteur. L'acteur dans un conflit est un individu ou groupes d'individus membre d'une communauté qui pose des actes selon les objectifs qu'il vise. Plus simplement, l'auteur est la personne qui est à l'origine de quelque chose. La théorie du conflit nous permet de remarquer

101 MARTY (André) et al. ibid.

102 Rapport de la Délégation des Droits de l'Homme sur le répertoire des foyers des conflits et des violations des droits humains, 2019, pp. 5-6.

103 ATCHÉNÉMOU (Avocksouma Djona), Quand un problème est mal posé, lu le 25 novembre 2020, page Facebook.

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avec aisance que les acteurs en présence sont nombreux et chacun lutte pour préserver ses intérêts. Les acteurs des conflits liés à la mobilité pastorale sont : d'une part les éleveurs et les bouviers qu'on peut qualifier d'acteurs actifs, car c'est eux qui sont à la source de tout problème du fait qu'ils se déplacent avec les animaux qui causent des dégâts au long de leur trajet et d'autre part les agriculteurs, l'Etat et accessoirement les pêcheurs qu'on peut qualifier d'acteurs passifs qui subissent les dommages causés par les animaux. Les éleveurs entrent en conflit avec les agriculteurs lorsque les animaux détruisent les champs de ces derniers, avec les l'Etat lorsque les animaux en déplacement côtoient les aires protégées et avec les pêcheurs lorsque les animaux détruisent les filets de pêche. La première catégorie d'acteurs, c'est sont les éleveurs, qui sont les propriétaires de bétail. Ces éleveurs, dans la zone du Mayo-Kebbi Ouest sont les peuls et les haoussas, tous des musulmans. À ceux-ci, il faut ajouter les commerçants, les militaires, les autorités administratives qui sont détentrices des capitaux investis préférentiellement dans le bétail. C'est sont ceux-là que le code pastoral nomme expressément « les propriétaires de capital-bétail ». La deuxième catégorie d'acteurs, c'est sont les agriculteurs. Ces agriculteurs sont des sédentaires. Dans la région du Mayo-Kebbi Ouest, à part les groupes sus cités, tous les groupes sont des agriculteurs, chrétiens et animistes. Il y a une autre catégorie d'acteurs, souvent négligée par tout le monde, pourtant ils sont les acteurs les plus importants, c'est sont les bouviers. Ceux-ci sont les employés des éleveurs et c'est eux qui sont au-devant de la scène. Ils sont malproprement qualifiés d'éleveurs. La dernière catégorie d'acteurs, c'est sont les pêcheurs. Ces derniers entrent en conflit avec les éleveurs transhumants quand les animaux, au passage détruisent les filets de pêche. Les conflits entre les éleveurs et les pêcheurs sont assez rares, car le Mayo-Kebbi Ouest n'est pas une zone d'intense pêche, excepté le Lac Léré. Même si ces conflits ont eu lieu autre fois autour du Lac Leré, ils restent très limités. L'Etat est un acteur incontournable dans les conflits liés à la mobilité pastorale, car il est souvent en conflit avec les éleveurs quand les animaux entrent dans les aires protégés. Les écogardes sont souvent tués et abandonnés en pleine brousse par les groupes d'éleveurs. Ce flou au tour des acteurs des conflits liés à la mobilité pastorale, la corruption et les fortes amendes lors de règlements des conflits sont des freins à la bonne gouvernance.

B. La corruption et les fortes amendes lors de règlement des conflits

Lors de règlement des conflits liés à la mobilité, les parties sont confrontées à plusieurs contraintes au premier rang desquelles la corruption et fortes amendes. Les chefs traditionnels sont les premières autorités qui tentent de résoudre les problèmes entre les

agriculteurs et les éleveurs. Ces autorités sont corrompues de telle sorte que la population ne les fait plus confiance. Les chefs traditionnels reçoivent des différents cadeaux de la part de la population. Ces cadeaux sont pour la plupart reçus par ces chefs avant que les problèmes ne déclenchent. C'est en quelque sort des investissements corruptifs des populations. Il n'est pas rare de voir les agriculteurs donner une partie importante de leur récolte au chef de canton, au chef de village ou au chef de terre. Les éleveurs qui séjournent dans une zone donnent des veaux à ces chefs traditionnels du territoire d'accueil lors de leur retour dans leur zone d'origine. Ces chefs qui reçoivent ces cadeaux ont une obligation morale de se pencher du côté de leur bienfaiteur lorsque celui-ci se présente devant lui pour un problème. Les autorités administratives (sous-préfet, préfet et gouverneur) et les autorités militaires (particulièrement les commandants de brigade) ne sont non plus épargnées par ce phénomène de corruption endémique. Il suffit de faire des propositions concrètes à ces autorités pour gagner un jugement. Devant les autorités administratives et militaires, c'est sont généralement les éleveurs qui gagnent les jugements car ils sont pour la plupart des nantis et qui ont l'élevage comme deuxième ou troisième source de revenu. Cette corruption est devenue générale et n'épargne aucune institution même la justice. La justice est devenue un lieu où les plus offrants gagnent toujours les procès. Les justiciables mettent en gage des têtes d'animaux et d'autres biens ou donnent des sommes colossales au juge en passant souvent par les huissiers qui leur facilitent la tâche pour que ces derniers leur donne raison lors d'un jugement. Certains activent leurs relations personnelles, leurs liens de parenté avec les juges ou leurs proches pour que les jugements soient en leur faveur.

Qui plus est, des fortes amendes en nature ou en espèces sont demandées à l'agriculteur et à l'éleveur juste pour grossir leurs comptes et leurs propres troupeaux et ne servent pas ou peu aux victimes pour la réparation de dommages causés.104 Cette pratique est la favorite des commandants de brigade qui pour la plupart sont des propriétaires de bétail dans la zone où ils sont affectés. Ces commandants, quand ils arrivent dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, leur première intention c'est d'élever les boeufs et faire grossir progressivement leur troupeau ou remplir leurs comptes bancaires avant qu'ils ne soient affectés dans une autre province moins propice ou démit de leur fonction. Le poste de Commandant de Brigade de Pala est un poste juteux très convoité par les proches du régime où les personnes affectées peuvent profiter de la pluralité des instruments juridiques de la

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104 MASSALBAYE, 1999 cité par MARTY (André) et al, p. 60.

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gestion des conflits liés à la mobilité pastorale, manier le droit et se remplir les poches, les comptes bancaires et les troupeaux.

SECTION 2 : PLURALITÉ DES INSTRUMENTS JURIDIQUES DANS LA GESTION DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE

Le droit est perçu comme un instrument dont chaque peuple se dote pour réguler la vie en société. Il a un caractère général et impersonnel. La société tchadienne est composite et l'économie de ce pays est basée essentiellement sur l'agriculture et l'élevage. Ces dernières années les tenants de ces secteurs sont en perpétuel conflit au lieu d'être complémentaires. Pour les règlements de ces conflits, plusieurs droits entrent dans le jeu. Ces droits peuvent cohabiter (Paragraphe I), ou être conflictuels (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES DIFFÉRENTS DROITS EN VIGUEUR

La population de la province du Mayo-Kebbi Ouest est cosmopolite et multi-religieuse. L'économie de la province se base essentiellement sur l'agriculture et l'élevage. Les conflits entre ces groupes sont très fréquents. Les agriculteurs et les éleveurs sont soumis au même droit moderne (A) mais chaque groupe ou sous-groupe est régi par un droit qui est dicté par la coutume ou la charia (B).

A. Le droit moderne

Le droit moderne est le droit positif en république du Tchad, c'est le droit applicable. C'est le droit qui régule les différentes facettes de l'activité humaine. C'est un droit hétérogène, autrement dit le droit moderne est applicable à tout tchadien quelque en soit son origine et sa religion. Le droit moderne réglemente des matières aussi diverses que variées que sont entre autres le régime foncier, l'environnement, l'agriculture, l'élevage, les droits de l'homme, les libertés publiques et contient des dispositions ayant vocation à régir les conflits liés à la mobilité pastorale. Nous commencerons par la constitution et suivre avec les autres lois règlementant des domaines sus cités.

? La constitution est la norme suprême de la République du Tchad, le texte fondamental auquel doivent se conformer les autres sources de droit interne (lois, règlements...). La constitution délimite les rôles de l'Etat et des citoyens. Chacun d'eux a des droits et devoirs. L'Etat protège les personnes physiques et morales dans leur existence, leurs activités économiques, sociales et leurs biens. Il garantit les libertés fondamentales des citoyens : le droit à la libre circulation, le droit à la propriété privée le droit à la vie etc. Il assure à tous

l'égalité devant la loi, devant la justice et les autres administrations. Les dispositions de la Constitution bénéficient à tous et s'appliquent à tous de la même manière.

y' Le code civil est l'ensemble de textes régissant les matières de droit civil : la famille, les obligations, les contrats, la responsabilité civile contractuelle et délictuelle etc. La responsabilité contractuelle est engagée lorsque l'un des contractants cause un tort à l'autre en ne pas remplissant ses engagements. En effet, les relations contractuelles librement consentis doivent être profitables aux parties. Si par l'agissement fautif d'une partie, un dommage est causé à l'autre partie, cette dernière a droit à une réparation (Articles 1146 et 1147). Dans le cadre de notre thème, le code civil a de nombreuses dispositions régissant les relations entre les acteurs en présence lors des conflits liés à la mobilité pastorale. Prenons un exemple, un contrat de gardiennage a été conclu entre un bouvier et un éleveur dans la zone de Pala. Le salaire convenu est la remise d'un boeuf pour trois mois de travail. Après neuf (9) mois de travail, le bouvier qui devrait recevoir trois (3) boeufs, n'a rien. Le bouvier ayant exécuté ses obligations et l'éleveur refusant d'exécuter les siens dépose une plainte. Le Tribunal de première instance a condamné l'éleveur à remettre les trois (3) boeufs convenus, après témoignages des parents du bouvier devant lesquels le contrat avait été conclu. L'article 1384 alinéa 1 du C. civ. précise : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ». l'alinéa 3 du même article précise par exemple « les maîtres et commettants pour les dommages causés par leurs domestiques et leurs proposés ». En deux ans d'activité, le juge de paix de Léré a traité quatre (4) cas de conflits ayant opposés des agriculteurs locaux aux éleveurs nomades sur la responsabilité du fait de leurs animaux105. En application des articles sus cités, le juge a demandé aux éleveurs de réparer les dommages causés par leurs animaux.

y' Le code pénal, en ce concerne les conflits liés à la mobilité pastorale prévoit deux contraventions. L'article 349 dudit code dispose : « seront punis d'une amende de 500 F à 20.000 F inclusivement et pourront l'être en outre de l'emprisonnement jusqu'à 15 jours au plus : les torts et dommages volontaires ». Les torts et dommages volontaires dont parle le code pénal sont d'une part, ceux qui, hors les cas prévus à l'article 340, auront abattu, mutilé ou écorché des arbres dont ils ne sont pas propriétaires et d'autre part, ceux qui auront fait ou laissé passer des bestiaux sur le terrain d'autrui, ensemencé ou chargé de récoltes en quelle saison que ce soit.

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105 MARTY (André) et al. op cit. p. 65.

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? Le code pastoral est une loi qui a pour objectif de déterminer les principes fondamentaux en matière de pastoralisme en République du Tchad. Dans un premier temps, il traite des obligations de l'Etat et des Collectivités Autonomes en matière de pastoralisme. Ces obligations sont entre autre : l'obligation d'aménager les couloirs de transhumance, les voies d'accès du bétail au pâturage, les points d'eau, les cures salées et les marchés à bétail. Ensuite, il détermine les droits d'accès aux ressources pastorales que sont l'eau, les pâturages, les cures salées et les aires protégées dans les conditions déterminées par ce code. Il régule également les relations entre les pasteurs, les propriétaires de capital-bétail et les bergers. Et enfin, il traite de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits liés aux ressources naturelles.

Le droit moderne est complété par des lois spécifiques qui ont chacune des dispositions relatives à la mobilité pastorale : la législation foncière de juillet 1967, la loi n°038/PR/96 du 31 décembre 1996 portant code du travail, la loi n°14/PR/98 du 17 août 1998 définissant les principes généraux de la protection de l'environnement, la loi n°016/99 du 18 août 1999 portant code de l'eau, la loi n°7/PR/2002 du 5 juin 2002 portant Statut des Communautés Rurales, la loi n°33/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l'Etat et les Collectivités Autonomes, la loi n°14/PR/2008 du 10 juin 2008 portant régime des forêts, de la faune et des ressources halieutiques etc. Dans la plupart des pays africains, en plus du droit moderne, il existe un droit vers lequel les citoyens aiment se pencher, ce droit peut être traditionnel ou religieux comme le droit islamique.

B. Le droit coutumier et le droit musulman

Le système foncier coutumier met l'accent sur l'appartenance de la terre aux groupes sociaux dont les plus étendus sont les tribus, les clans, les lignages. À l'intérieur de ces groupes, les terres sont reparties entre famille pour leur permettre de cultiver et d'exploiter. La collectivité a un droit de propriété et l'individu a un droit d'usage, de jouissance ou d'usufruit. La présence de pasteurs nomades qui ont tendance à se sédentariser remet fondamentalement en cause ce droit coutumier. Les éleveurs s'installent où ils veulent sans demander le chef de village la jouissance ci-dessus décrit et sans payer les redevances coutumières. Une autre faille du droit coutumier est l'oeuvre des chefs de canton ou de village qui vendent eux-mêmes l'espace communautaire alors qu'ils sont chargés de le protéger. Au lieu d'en céder la jouissance ou l'usage, ils transfèrent la propriété. Ces transactions sont à moyen ou long terme source de conflit. Il faut aussi relever que cette pratique est contraire à

la Constitution de 2020 qui indique en son article 176 aliéna 2 : « Toutefois, les coutumes contraires à l'ordre public ou celles qui prônent l'inégalité entre les citoyens sont interdites. » Sur cette base, les pasteurs nomades disposeraient des mêmes droits sur la terre que les autochtones106. À Léré, dans le département de Lac-Léré, le lac et les plaines sont les propriétés du Gong, autorité coutumière supérieure des Moundang. Les principaux utilisateurs des pâturages sont le Gong lui-même pour l'entretien de sa cavalerie, les propriétaires des boeufs de labour et les éleveurs (originaires de Léré). Pour accéder aux plaines inondables, il faut remettre des chèvres au Gong de Léré.

Le droit musulman ou la sharia est un droit appliqué dans la partie septentrionale du Tchad. Ce droit est exporté également dans le sud du pays mais difficilement applicable en matière de gestion des conflits liés à la mobilité pastorale du simple fait que le plus souvent ces conflits opposent des personnes d'origine et de tradition différentes. La province du Mayo-Kebbi Ouest n'est pas régie par le droit musulman. Toutefois, dans le département de Mayo Binder, c'est ce droit qui prévaut en grande partie. Compte tenu de la diversité de la population de la province du Mayo-Kebbi Ouest, tous ces droits prévalent même à des degrés différents qui des fois se complètent des fois se contredisent.

PARAGRAPHE II : LA COHABITATION ET LES CONFLITS DES DROITS

Comme nous l'avons souligné ci-haut, il existe une diversité de normes juridiques relatives à la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale. Ces droits cohabitent des fois (A), le droit moderne peut avoir des convergences avec le droit coutumier ou le droit musulman, de même que le droit coutumier et le droit musulman peuvent avoir des similitudes voire être complémentaires. Ces droits peuvent avoir des conflits entre eux (B) de la même manière qu'ils cohabitent.

A. La cohabitation des droits

Les différents droits intervenant dans la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale sont le droit coutumier, le droit musulman et le droit moderne. Le droit coutumier est le droit applicable dans la partie méridionale du pays. Elle se base sur la coutume comme norme de référence. Le droit musulman est ce droit applicable dans la zone septentrionale du pays, elle se base sur les normes islamiques pour prévenir et régler les conflits. Contrairement à ces

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106 BONFIGLIOLI A. « Réflexions sur le foncier au Tchad », 1989, cité par André Marty et al op cit. p.78.

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droits qualifiés de « traditionnels », le droit moderne est le droit positif au Tchad, il s'applique à tous sans voir d'où vient le justiciable ou quelle religion il pratique. Il est incarné principalement par la justice moderne. Les différents droits en vigueur au Tchad ont beaucoup de similitudes puis qu'ils ont tous pour objectif de sécuriser les personnes et leurs biens. En ce qui concerne la gestion des conflits liés à la mobilité, s'ils sont gérés par les chefs traditionnels de la province, ces derniers appliquent le droit coutumier.

Selon les dispositions de l'article 215 de la Constitution, les autorités traditionnelles et coutumières sont les collaboratrices de l'administration. Cette disposition constitutionnelle est complétée par celles de l'ordonnance n° 04/PR/2008 portant Statuts et Attributions des autorités traditionnelles et coutumières. En matière conflictuelle, elles ont un double rôle :

- Le plan judiciaire, les autorités traditionnelles et coutumières sont chargées de collaborer à la recherche des auteurs de crimes, délits et contraventions, de procéder à l'attestation des criminels, des délinquants et leur remise aux autorités administratives et judiciaires.

- Sur le plan civil et coutumier, les autorités administratives et judiciaires disposent du pouvoir de conciliation.

Le droit moderne, le droit traditionnel et le droit musulman ont tous pour but de rendre justice aux citoyens et sont complémentaires jusqu'à ce qu'un des droits refuse la reconnaissance d'une valeur pourtant incontournable dans l'autre.

B. Les conflits des droits

Sur le même territoire, le juge applique le droit moderne notamment le droit positif et les chefs traditionnels appliquent le droit coutumier. Les pasteurs nomades exigent et obtiennent le plus souvent l'application du droit islamique soit entre eux, soit entre eux et les communautés non concernées par ce droit.

Les cultivateurs de toute la zone méridionale font recours au droit coutumier pour régler les conflits entre eux. L'esprit de ces coutumes est de ne pas percevoir ni exiger une compensation financière en cas de crime. Le sang n'a pas de prix pour ces communautés.

Cette situation de pluralité de droit est très accentuée dans la province du Mayo-Kebbi Ouest où le peuple Moundang, Zimé et Gamabaye ne connaissent pas le monnayage du sang alors que les pasteurs nomades et une partie de la population autochtone (le peuple peul) réclament l'application de la dia. À la lumière du conflit entre un bouvier et un agriculteur à

Déli dans le Logone Occidental en date du 29 novembre 2009 que nous allons expliquer les conflits entre le droit coutumier et le droit musulman d'une manière générale et la question de monnayage du sang particulièrement sont à la recrudescence des conflits liés à la mobilité pastorale. Le 29 novembre 2009, une bagarre éclate entre un bouvier et un agriculteur sans qu'il y ait preuve de dévastation de son champ, l'agriculteur tue le bouvier. Le lendemain, une deuxième bagarre éclate entre les deux communautés. La brigade a enregistré des blessés de part et d'autre. Le soir du même jour, les éleveurs ont constaté la disparition d'un de leurs. Alertées, les autorités traditionnelles, administratives et militaires se sont rendues le lendemain sur les lieux et ont organisé une battue dans la brousse et ont retrouvé le corps du disparu. Un des parents de la victime présent sur les lieux, donne un coup de machette au chef de village et le blesse grièvement. La bagarre a pu, une troisième fois, être évitée grâce à un tir de sommation du Commandant de Brigade présent sur les lieux. Le fils du chef de village blessé organise des représailles. Ils investissent la brousse, tuent trois bouviers et abattent quatre boeufs. Les autorités provinciales et locales, le juge d'instruction, les agents de l'ONDR, la presse, les parents des dernières victimes se sont rendus sur les lieux pour constater les derniers crimes. Un cadavre se trouvait dans un champ de sésame récolté, un deuxième sous un arbre et un troisième au bord de la route. Il n'y a eu ni dévastation, ni traces des boeufs dans le champ de sésame. Dans cette affaire, le juge d'instruction a un rendu une ordonnance de non-lieu partiel et transmission des pièces au parquet général pour poursuite. Vingt-six (26) personnes sont accusées pour meurtre, assassinat et complicité d'assassinat dont deux (2) femmes. Le juge a demandé l'inculpation de quatre (4) d'entre eux pour assassinat, sept (7) pour complicité d'assassinat, un (1) pour meurtre. Les deux femmes sont mises en liberté provisoire. L'une est veuve avec six (6) orphelins, l'autre est enceinte de plus de six (6) mois. Les parents des victimes ont réclamé huit (8) millions de dia par victime. Les cultivateurs refusent de verser la somme réclamée. Ce refus serait à terme source d'un autre conflit.107

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107 MARTY (André) et al. op cit. p.10.

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CONCLUSION DU CHAPITRE II

À l'issu de ce chapitre, nous pouvons conclure que la mauvaise gouvernance affecte très négativement les conflits liés à la mobilité pastorale au point d'être un élément aggravateur de ceux-ci. Cette mauvaise gouvernance dans la gestion des conflits à la mobilité pastorale se manifeste par la non-maitrise des acteurs en présence par les autorités administratives, civiles et militaires, la corruption, les fortes amendes lors de règlement des litiges et en fin par la pluralité des instruments juridiques de la gestion de ces conflits. C'est sont ces facteurs qui vouent à l'échec les efforts du gouvernement à travers leurs représentants qui sont les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets qui essayent bien que mal à restaurer un climat de paix et de quiétude pour les populations. La plupart des gouverneurs nommés dans la province ont pour priorité de leur feuille de route la sécurité des personnes et de leurs biens. Pour mettre terme aux impacts négatifs des conflits liés à la mobilité pastorale dans la province qui prennent des nouvelles ampleurs depuis 2014 et instaurer une paix civile durable entre les communautés, il faut penser à des mesures profondes d'atténuation de ces impacts.

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CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

Au terme de cette partie, il apparait que les conflits liés à la mobilité pastorale ont d'innombrables impacts, négatifs pour la plupart dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Ces conflits impactent grandement et d'une manière négative le développement et la gouvernance de ladite province. En parlant des impacts économiques de ces conflits, on peut retenir la destruction de l'environnement et plus particulièrement des champs en ce qui concerne l'agriculture. En ce qui concerne l'élevage, on peut retenir les crimes et cruautés sur les animaux de la part des agriculteurs et la détérioration des termes d'échange entre les agriculteurs et les éleveurs qui sont les bases de l'économie de la province. On peut y ajouter les impacts sociaux tels que la mise en mal de la sécurité des personnes et de leurs biens et la désorganisation sociale des pasteurs. S'agissant des impacts de la mauvaise gouvernance, le moins qu'on puisse dire est que les conflits liés à la mobilité pastorale sont maintenues et alimentés par les autorités administratives, civiles et militaires. La corruption, les fortes amendes lors de règlement des litiges et la pluralité des instruments juridiques sont les canaux par lesquels ces conflits sont maintenus et alimentés. On y voit un manque de volonté de la part du gouvernement d'appuyer les initiatives ayant pour but de diminuer ces conflits. Tous ces impacts ont maintenu et continuent de maintenir la province dans un marasme économique. Pour finir avec ces conflits et propulser un développement économique à l'attente des populations, il faut aller à la base et proposer des mesures d'atténuation originales prenant en compte les aspirations des populations. Alors, quels seraient ces mesures ? C'est la question qui nous conduira à analyser dans la seconde partie de notre mémoire les mesures d'atténuation des conflits liés à la mobilité pastorale dans la province du Mayo-Kebbi Ouest.

SECONDE PARTIE :

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES

IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE

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Les conflits à la mobilité pastorale au Tchad ne datent pas d'aujourd'hui, ils ont existé avant même que le Tchad n'accède à l'indépendance. C'est dans le souci de les atténuer que le Premier Ministre d'alors Ngarta Tombalbaye avait promulgué la loi n° 4 du 31 octobre 1959 portant réglementation du nomadisme et de la transhumance en République du Tchad. Ils ont été évoqués lors de la Conférence Nationale de 1993 et des deux Forums Nationaux Inclusifs respectivement en 2018 et 2020 pour que le gouvernement prenne des mesures pour les diminuer mais ces conflits existent et continuent d'endeuiller des familles jusqu'à présent. Dans cette seconde partie de notre thème nous essayerons de proposer des mesures concrètes pour atténuer les impacts économiques, environnementaux, sociaux et sécuritaires de ces conflits dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Ces mesures seront d'abord au niveau de l'Etat central (Chapitre III) et en suite dans la perspective de la décentralisation c'est-à-dire dans les Collectivités Autonomes (Chapitre IV).

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES

IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE AU NIVEAU DE

L'ÉTAT

CHAPITRE III :

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Garantir la sécurité aux personnes vivant sur son territoire et protéger leurs biens est une mission régalienne de l'Etat. La notion de sécurité des personnes et des biens se trouve incontestablement depuis quelques temps sous les feux de l'actualité, quand l'on songe par exemple aux textes adoptés dans ce domaine ces dernières années ou à l'ordonnance relative à l'état d'urgence à l'est du pays qui ont amené le gouvernement à faire référence à la « gravité des atteintes à la sécurité publique.» Ce discours a pris une ampleur exceptionnelle avec les dernières attaques des rebelles du FACT (Front pour l'Alternance et la Concorde au Tchad). Toutefois, cette notion n'a rien de nouveau contrairement à celle de la sécurité juridique par exemple.108 Face à la montée en puissance du phénomène des conflits liés à la mobilité pastorale, l'Etat doit prendre des mesures pour faire face à ces derniers. Pour y arriver, l'Etat peut dans un premier temps soutenir une gestion consensuelle et décentralisée de l'espace agropastoral et des conflits (Section 1) et dans un second temps, compte tenu de la multitude d'acteurs qui interviennent dans l'application des textes dans le monde rural, déterminer le champ d'intervention exact de ces derniers (Section 2).

SECTION 1 : SOUTENIR UNE GESTION CONSENSUELLE ET DÉCENTRALISÉE DE L'ESPACE AGROPASTORAL ET DES CONFLITS

Dans la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale, l'Etat est responsable de tout et de rien. Autrement dit, il est présent dans toutes les phases de règlement de ces conflits mais apporte rarement satisfaction aux parties lésées. L'Etat doit transférer certaines compétences aux Collectivités Autonomes pour aller un peu plus loin dans le processus de décentralisation enclenché. Pour prévenir et mieux gérer les conflits liés à la mobilité pastorale, l'Etat doit accompagner un zonage de l'espace (Paragraphe I) dont la compétence reviendrait aux Collectivités Autonomes avec une forte participation de la population et privilégier une gestion consensuelle de ces conflits (Paragraphe II) qui peut être facilité par les chefs traditionnels et coutumiers.

108 JACQUINOT (Nathalie), Le juge administratif et la sécurité des personnes et des biens, in : Qu'en est-il de la sécurité des personnes et des biens ? Mutations des Normes Juridiques n° 7, Presses de l'Université de Toulouse 1 Capitole, 2008, p. 92.

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PARAGRAPHE I : LE ZONAGE DE L'ESPACE

L'Etat tchadien doit faire du zonage un principe majeur de la gestion de l'espace pour mieux prévenir les conflits liés à la mobilité pastorale. Le zonage est une technique qui permettra de lutter très efficacement contre les conflits agriculteurs et éleveurs, mais malheureusement l'Etat ne fait rien dans ce sens. Les chefs de canton, les chefs de village et les chefs de terre essayent bien que mal à zoner leurs territoires de compétence respectives pour lutter contre ces conflits. Avant de voir la nécessité d'impliquer les populations dans le zonage, (B) nous mettrons un accent particulier sur la consistance du zonage (A).

A. Consistance du zonage

Le zonage dont il sera question dans le cadre des conflits liés à la mobilité pastorale consiste à découper la terre en portions exclusivement affectées soit à l'élevage soit à l'agriculture. Il reste une stratégie importante à la fois pour la sécurisation des activités pastorales et agricoles et pour la prévention des conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. Dans de nombreux pays en Afrique109 où les deux activités sont les principaux maillons de l'économie, l'approche de zonage s'est avérée un passage obligé dans la recherche d'un consensus autour du partage de l'espace, bien que les facettes et les degrés de réussite sont différentes. Nous proposons une approche différente de celle du Burkina Faso qui a objectif de sédentariser les pasteurs en créant des zones spécifiques à l'élevage à l'exemple celle de Doubégué. Convaincu des avantages de la mobilité pour les animaux au Tchad et compte tenu des aléas climatiques, le zonage que nous proposons a pour objectif de lutter contre les conflits en déterminant des zones spécifiques à l'élevage et à l'agriculture pendant la saison pluvieuse. Ces secteurs doivent cohabiter et être complémentaires mais la séparation de l'agriculture et de l'élevage n'est pas une solution viable.110

Dans une perspective strictement pastorale, l'utilité du zonage se manifeste notamment en saison des pluies, pendant le cycle végétatif des cultures pluviales. L'existence des espaces complètement libres d'implantation de champs est une condition nécessaire pour assurer une alimentation rationnelle, libre de tout stress, et pour ainsi atteindre les paramètres zootechniques souhaités. En même temps, l'existence de ces espaces garantit que le bétail

109 La République Centrafricaine est l'un des premiers pays en Afrique à adopter le système de zonage avant qu'elle n'accède à l'indépendance.

110 ELODIE (Robert), Les zones pastorales comme solutions aux conflits agriculteurs/pasteurs au Burkina Faso : l'exemple de la zone pastorale de la Boubégué, Dynamiques des campagnes tropicales Cahiers d'Outre-Mer, n° 249, Janvier-Mars 2010, pp. 50-51.

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reste, pendant cette période, à l'écart des zones de cultures, pouvant ainsi permettre à celles-ci de finir leur cycle sans perturbations en termes de dégâts par le bétail.

En saison sèche, le problème se pose un peu différemment. Les animaux sont attirés aussi par les zones agricoles du fait des réserves pastorales dans les bas-fonds, de l'accès aux points d'eau permanents, le pâturage post-récolte des champs etc. Dans la région du Mayo-Kebbi Ouest, c'est sont les cultures de contre-saisons, autrement dit la culture pluriannuelle du sorgho et du manioc qui s'oppose à l'ouverture des zones agricoles aux troupeaux pendant la saison sèche mais avec une réelle implication des populations, cette difficulté peut facilement être surmontée.

B. L'implication des populations dans le zonage

Les relations entre les communautés et l'Etat dans la mise en oeuvre des projets de développement sont tantôt conflictuelles tantôt harmonieuses. Comme dans tous les projets de développement d'ailleurs, il faut impérativement impliquer les acteurs concernés au processus de zonage. Cette implication des acteurs consistera de préférence à les laisser eux-mêmes, de manière conjointe définir les critères de délimitation. Cette approche permet d'aboutir à des zonages plus fonctionnels qui pourraient tenir compte d'un ensemble de critères auparavant peu considérés comme les besoins futurs en terres fertiles, l'accès à des points d'eau permanents, les mises en défens nécessaires liés à la dégradation etc.111

Afin de pallier aux problèmes de champs pièges le long des couloirs de passage des animaux, la délimitation et le balisage des couloirs créeraient des situations moins ambiguës, rendant cette pratique plus difficile. Quant à l'utilisation des zones agricoles en saison sèche par le bétail, les règles à mettre en place pourraient être conçues de manière plus souple. Bon nombre d'éleveurs nous ont confirmé lors de notre tournée, que lorsque les bases de partage de l'espace entre éleveurs et agriculteurs sont saines et qu'il existe des règles conjointement et réciproquement respectées, l'écartement des troupeaux des champs pérennes posait beaucoup moins de problèmes. Pour les cultures de contre-saisons de sorgho et de manioc, la confection des clôtures, une pratique répandue à travers toute l'Afrique, est une solution envisageable pour réduire les risques de divagation. Au cas où cette possibilité d'accéder à la zone agricole serait accordée aux éleveurs, il serait cependant important qu'un dispositif de conservation sur

111 GOTHARD (Alain Guy Ghislain), La gestion des conflits entre agriculteurs et éleveurs dans la commune de Navaka, Mémoire de Master, École Supérieure Digitale, Paris, 2012, p. 76.

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les dates d'ouverture et de fermeture soit convenu, ainsi, même si des conflits éclatent, ils peuvent facilement être gérés d'une manière consensuelle.

PARAGRAPHE II : GESTION CONSENSUELLE DES CONFLITS LIES A LA

MOBILITE PASTORALE

Dans les conflits liés à la mobilité pastorale, les belligérants optent soit pour les règlements formels soit pour les règlements traditionnels. Les règlements formels des conflits surtout s'il s'agit des conflits liés à la mobilité pastorale se passent soit à la Brigade soit à la justice. Les règlements traditionnels que peuvent être les règlements à l'amiable (A) ou devant les autorités traditionnelles (B) offrent de nombreux avantages aux populations concernées. Par conséquent, ils doivent être privilégiés au détriment des règlements dits formels.

A. Privilégier le règlement des conflits à l'amiable

Compte tenu de la malhonnêteté des commandants de brigade qui, à chaque occasion veulent profiter des paisibles citoyens pour remplir leurs poches ou gonfler leurs troupeaux ; de la lenteur, du coût élevé, de la dépendance de la justice, du fait que des chefs traditionnels et coutumiers soient corrompus et partiaux ; les citoyens en conflit doivent privilégier les règlements à l'amiable sans frais, rapides et consensuels. Ils s'effectuent directement entre l'agriculteur victime et l'éleveur responsable des dégâts et vice-versa. C'est une entente mutuelle entre deux parties, sans intervention ni d'une tierce personne, ni des autorités, ceci pour éviter que l'affaire ne monte à un niveau supérieur, qui ne rendrait pas forcément plus transparent ou plus satisfaisant. Le règlement à l'amiable est de loin l'arrangement le plus utilisé en cas de dévastation de cultures, les blessures sur les animaux, notamment dans le cas des dégâts de peu d'importance. On aurait cru que la tension latente qui règne entre les agriculteurs et les éleveurs ces derniers temps rendrait cette démarche plus rare et plus difficile, mais la pratique des rackets systématiques par les autorités pousse les deux entités à continuer à privilégier ce mode de règlement. Il est difficile d'en estimer la fréquence mais le nombre de règlements à l'amiable parait nettement supérieur à celle des autres règlements. Plusieurs interlocuteurs ont souligné qu'il serait toujours mieux de se mettre d'accord sans interférence de tiers et de déterminer la hauteur des dédommagements dans un processus de négociation. L'Etat doit aider les paysans à régler leurs problèmes tant qu'il est possible à l'amiable, ce type de règlement a d'innombrables avantages pour les parties. L'Etat doit appuyer cette démarche en se rassurant qu'avant chaque jugement devant ses instances (la

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police, la gendarmerie, la justice, la sous-préfecture etc.) que les parties ont essayé un arrangement à l'amiable qui n'a pas abouti. Son but étant d'assurer une vie paisible aux citoyens, l'Etat doit renvoyer les agriculteurs et les éleveurs à régler leurs problèmes entre eux tant qu'il y a cette possibilité.

Les négociations tiennent généralement compte des dégâts causés mais également de la capacité financière de celui qui les a causés. Cette méthode comporte beaucoup d'avantages. Elle permet aux parties de discuter de manière plus informelle du différend auquel ils font face. En effet, ce caractère informel permet d'aborder ouvertement des facteurs, tels que les intérêts, les besoins, les contraints, les inquiétudes ou les circonstances, qui sont importants pour les parties mais qui ne seraient pas pertinents à titre de preuve dans un processus d'arbitrage112. La plupart des agriculteurs estiment cependant que la somme versée ne représente pas la valeur réelle des dégâts, tandis que les éleveurs estiment qu'ils sont victimes de surestimations systématiques. En effet, les éleveurs se voient souvent contraints d'accepter des dommages surévolués et de payer pour avoir la paix sociale. La plupart d'entre eux préfèrent un arrangement rapide pour se débarrasser de l'affaire et continuer leur chemin. Cependant, à l'heure actuelle la plupart de paysans ont tendance à vouloir saisir les autorités traditionnelles.

B. Renforcer les capacités des autorités traditionnelles et coutumières pour la gestion des conflits

Dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, sont considérées comme des autorités traditionnelles, les chefs suprêmes113, le Lamido114, les chefs de cantons, les chefs de village, les chefs de ferriques ou les représentants de ces chefs dans une localité. Les litiges entre agriculteurs et éleveurs ne sont soumis à ces autorités que, quand les deux parties n'ont pas pu s'entendre à l'amiable. Les mésententes surviennent généralement quand l'éleveur estime que les dégâts ont été surestimés par l'agriculteur ou quand après s'être entendu sur un montant de dédommagement, l'éleveur tarde à s'en acquitter.

112 LIVEMOIS (Cynthia Colas), Réflexion sur les avantages et désavantages des modes de règlements de différends offerts par le CRDSC, juin 2015, [En ligne] PDF disponible sur http://www.crssc-sdrcc.ca, consulté le 21 juin 2021.

113 Les chefs suprêmes dans la zone septentrionale du pays sont très nombreux et l'équivalent des sultans dans le nord du Nord. Dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, il y a deux chefs suprêmes le Gong de Léré et Lamé tous de la communauté Moundang.

114 Le Lamido est un chef suprême des peulhs, il a le même rang que le Gong dans la province, il réside à Binger, c'est d'ailleurs le seul chef suprême des peulhs du pays.

Dans ces cas, l'affaire est tout d'abord portée devant le chef du village sur le territoire duquel se situe la parcelle détruite. Ce n'est que quand celui-ci n'arrive pas à concilier les deux parties que la plainte est orientée chez le chef de canton territorialement compétent. Soulignons que dans beaucoup de cas, cette procédure n'est pas toujours respectée. En effet, il arrive que le chef de canton et le chef suprême soit directement touchés par des plaintes, sans que le chef de village sur le territoire duquel les cultures ont été dévastées ne soit au courant de l'affaire. Très rares autrefois, pour plusieurs raisons principalement le fait que les éleveurs ne sont pas souvent d'accord des jugements de ces derniers, le nombre de plaintes déposées auprès des autorités traditionnelles, à en croire les concernés, serait multiplié dans les cinq (5) dernières années. Théoriquement, dès qu'une de ces autorités traditionnelles reçoit une plainte concernant les dégâts aux cultures, elle doit dépêcher sur les lieux une équipe composée des techniciens de l'ONDR et de ses conseillers pour constater les faits. Le constat en question consisterait en l'évaluation de la superficie dévastée et en l'identification des différents types de cultures qui s'y trouvent, afin de déterminer le coût des dommages subis par l'agriculteur. C'est les agents de l'ONDR qui les seuls compétents à pouvoir déterminer le coût des dommages que l'éleveur doit payer. C'est ce montant qui constitue le dédommagement qu'exigent les chefs traditionnels à l'éleveur au profit du propriétaire du champ, en compensation du préjudice subi. Mais dans les faits, toutes ces dispositions ne sont généralement pas respectées. Le plus souvent, soit les techniciens de l'ONDR sont mis à l'écart, et l'affaire est tranchée au gré des conseillers des chefs (inexpérimentés) envoyés par ce dernier pour constater les faits sur le terrain. Dans ces conditions, les amendes découlent plus du hasard que d'une évaluation objective. Selon les éleveurs, les dommages seraient surestimés de façon structurelle au profit non seulement du paysan mais aussi des chefs et leurs conseillers qui en tireraient un profit. Un des plus grands soucis dans la gestion des conflits agriculteurs et éleveurs est que dans l'évaluation des dégâts champêtres, seuls les techniciens de l'ONDR115 sont compétents et que les techniciens de l'élevage sont mis à l'écart. C'est une injustice flagrante envers les éleveurs. L'Etat doit veiller à ce que les ingénieurs des deux secteurs soient impliqués dans l'évaluation des dégâts, même si les techniciens de l'élevage n'ont pas les compétences qu'il faut pour évaluer les dégâts, ils doivent au moins représenter les éleveurs. L'Etat doit porter main forte à ces chefs qui font de leur mieux pour que la population vive paisiblement. Ils sont manqués de moyens financiers, matériels et de ressources humaines. Ils utilisent des fois leurs propres moyens pour rendre

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115 Les techniciens de l'ONDR sont des ingénieurs agronomes.

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service à l'Etat ou des fois, ils sont rémunérés par les usagers. Pour rendre indépendants ces chefs des usagers, il faut que l'Etat les rémunèrent à leur juste valeur, car un chef dépendant des miettes des citoyens rend des jugements moins clairs et partiaux, l'Etat doit impérativement améliorer les conditions de travail de ces derniers.

SECTION 2 : AMÉLIORATION DES MECANISMES DE GESTION DES CONFLITS

Les mécanismes de gestion des conflits liés à la mobilité pastorale sont défaillants. Les textes qui encadrent la mobilité pastorale ne favorisent qu'une catégorie d'acteurs en l'occurrence les éleveurs et par conséquent nécessitent une nette amélioration (Paragraphe I) pour propulser les deux secteurs de l'économie nationale. Le champ d'intervention des acteurs qui participent à la résolution de ces conflits est flou. L'Etat doit faire un effort d'harmonisation des textes régissant le monde rural et de détermination du champ d'intervention exact des acteurs d'application de ces textes (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I - AMÉLIORATION DES TEXTES EN VIGUEUR

Le principal texte qui encadrait la mobilité pastorale de 1959 à 2014 était la loi n° 4 du 31 octobre 1959. À partir de 2014, un code pastoral fut adopté, il a pour objet de déterminer les principes fondamentaux en matière de pastoralisme en République du Tchad116, vu que le dispositif en vigueur à savoir la loi n°4 du 31 octobre 1959 portant réglementation du nomadisme et de la transhumance est tombée en désuétude117. Pour tous les observateurs tchadiens, ce code est partial et ne favorise que le pastoralisme. Ces allégations s'avèrent vraies, c'est pourquoi une révision de celle-ci est impérative (A). Pour arriver à un climat de paix entre les agriculteurs et les éleveurs, l'Etat peut appuyer l'élaboration des codes pastoraux locaux (B) en conformité avec le code pastoral de la République prenant en compte les réalités de chaque localité.

A. Réviser le code pastoral

Le code pastoral du Tchad a été très controversé dès le début de son adoption. Il a été adopté en 2014 par l'Assemblée Nationale mais après un tollé général de la population, ce code a été retoqué par le Président de la République. Au début de l'année 2015, une nouvelle loi portant code pastoral a été adoptée par l'Assemblée Nationale après une seconde lecture.

116 Article 1 du code pastoral de la République du Tchad

117 Rapport de la Commission Développement Rural et Environnement du 7 novembre 2014

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Malgré toutes ces controverses sur la loi, le code pastoral n'a jamais satisfait une partie de la population, les agriculteurs et fait la part belle aux éleveurs. Beaucoup d'agriculteurs pensent que « Le code pastoral a pour but de transformer le sud du Tchad en un grand champ de pâture au bétail des éleveurs du nord » à la suite du discours du député et président du parti UNDR (Union Nationale pour le Renouveau et la Renaissance) à l'Assemblée Nationale en septembre 2015 rapporté par le Journal Abba Garde. Ce code n'a jamais fait l'unanimité malgré qu'il a passé trois fois devant l'Assemblée Nationale. Il doit être révisé pour palier à ce problème de partialité. Tout le monde est aujourd'hui conscient que les conflits agriculteurs/éleveurs ont été aggravés par le phénomène de nouveaux éleveurs c'est-à-dire les autorités administratives civiles et militaires qui pratiquent l'élevage ou l'agriculture intensive dans le sud du pays. Lors d'une interview accordée à Info235, le Secrétaire Général du PDL (Parti pour la Démocratie et les Libertés) dit ceci : « Les administrateurs civils et militaires sont devenus des éleveurs possédant plusieurs milliers de têtes de bétail. Ils louent les services des bouviers à qui ils donnent armes et minutions.» Conscient de ce phénomène, le député NDIGUINDJITA DODIH KEMTOBAYE a envoyé un texte d'amendements comportant un titre et trois nouveaux articles à la Commission Développement Rural et Environnement réunie le 7 novembre 2014 pour proposer une nouvelle version du code pastoral. Il propose : (1) Les autorités administratives civiles et militaires et le personnel des forces de défense et de sécurité détendeurs de capital-bétail seront interdits de pratiquer l'élevage et l'agriculture extensifs dans le ressort territorial de l'exercice de leur fonction. (2) Les autorités administratives civiles et militaires et le personnel des forces de défense et de sécurité détenteurs de capital-bétail seront interdits de s'ingérer dans le règlement pacifique des conflits survenus entre les usagers des ressources naturelles sauf cas de trouble à l'ordre public. (3) Les autorités administratives civiles et militaires et le personnel des forces de défense et de sécurité, responsables ou complices de pratiques incompatibles avec l'exercice de leur fonction tel que stipulé dans le « code pastoral nouveau » seront relevés d'office de leur fonction dans les quinze (15) jours francs qui suivent la constatation des faits par un agent assermenté de l'Etat et seront radiés de l'effectif de leur corps d'origine. Ils doivent être passibles de poursuites judiciaires. Le capital-bétail sera mis à la disposition des établissements pénitentiaires et hospitaliers ou à l'armée pour servir l'alimentation des effectifs. Ces amendements ont été rejetés par le gouvernement en raison de la sensibilité du problème dit-il. Un tel amendement ne peut passer devant la présidente de la Commission Développement Rural et Environnement de l'Assemblée Nationale, le ministre en charge de l'Elevage et de l'Hydraulique ou même le Président de la République qui sont tous eux-

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mêmes des éleveurs. Nous pensons que ces amendements sont idoines pour diminuer les conflits liés à la mobilité pastorale et nous déplorons le refus délibéré de l'Etat par quel moyen que ça soit d'interdire l'élevage et l'agriculture extensifs aux autorités administratives civils et militaires dans leur zone d'affection.

L'article 46 de ce code postule : Les normes de maillage à observer pour l'implémentation des puits pastoraux sont les suivants :

- En zone saharienne : 50 kilomètres entre deux points d'eau ; - En zone sahélienne : 25 kilomètres entre deux points d'eau ; - En zone soudanienne : 25 kilomètres entre deux points d'eau.

Cette disposition du code est perçue comme arbitraire par les populations du sud du fait qu'elle ne respecte pas les réalités de la zone soudanienne. La zone saharienne est une zone moins habitée et n'est pas une zone d'agriculture extensive dont les normes de maillage ne posent pas de problèmes, de même que la zone sahélienne. Dans la zone soudanienne, les réalités diffèrent nettement, elle est une zone d'agriculture extensive et la densité de la population est importante. Une distance de 25 kilomètres entre les puits pastoraux occasionnait des destructions fréquentes des champs. Dans le premier code pénal, cette distance était de 12,5 kilomètres, après des amendements de la part de la majorité des députés du sud, elle a été ramenée à 25 kilomètres.

L'article 43 dudit code dispose : « Il est fait obligation aux agriculteurs de clôturer à tout moment les parcelles maraîchères.» Lors du débat autour du code pénal à l'Assemblée Nationale, le député HAROUN KABADI par ailleurs président de cette assemblée a suggéré la reformulation de l'article en : « Il est fait obligation aux agriculteurs de construire des clôtures des champs ». La commission a rejeté cet amendement en avançant l'argument suivant : la construction des clôtures des champs est source de destruction de l'environnement. L'idée derrière « clôturer les champs » est qu'elle peut se faire avec les branches d'arbres ou arbustes épineux et l'idée derrière « construire des clôtures » est qu'elle peut se faire avec un mur en briques et tout autre moyen que l'agriculteur juge efficace. Le fait que le code pastoral refuse la construction des clôtures des champs sous prétexte de destruction de l'environnement est pour beaucoup, une manière où l'Etat après avoir garanti tout le domaine national à l'élevage fait de leurs champs des espaces de pâturage aux animaux. Cet état d'esprit de clivage dans le code pastoral peut être au moins atténué avec des codes locaux.

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B. Appuyer l'élaboration des codes locaux

Depuis quelques années, l'établissement de conventions locales constitue un outil privilégié pour de nombreux intervenants en Afrique, afin de formaliser des accords locaux sur le partage de l'espace et des règles de conduite en matière de l'utilisation des ressources naturelles. Une convention locale de gestion des ressources naturelles peut être définit comme un accord écrit ou non, entre deux ou plusieurs acteurs locaux notamment les groupes sociaux, les administrations locales, les services techniques et les ONG, définissant les règles d'accès et d'utilisation de leurs ressources en vue de leur conservation ou leur exploitation rationnelle et durable.118 De telles dispositions pourraient être complétées par des plates-formes agriculteurs et éleveurs au niveau local. Il s'agit d'une forme juridique souple pour réglementer la cohabitation des deux groupes, qui est à la hauteur des acteurs locaux et qui s'intègre bien dans le contexte de la décentralisation entamée en prenant en compte les réalités de chaque localité. L'avantage de ces codes réside notamment dans le degré élevé d'appropriation des dispositions de gestion par les principaux acteurs concernés, à cause du caractère conjoint de leur élaboration. De ce fait, l'acceptabilité et la probabilité d'être respectés risquent d'être comparativement beaucoup plus élevées qu'au niveau des dispositions nationales unilatérales imposées par décrets ou arrêtés ministériels. La validation juridique de ces conventions locales et leur reconnaissance en tant que réglementations obligatoires peuvent parfois être complexes. A priori, les Collectivités Autonomes détentrices des compétences transférées par l'Etat sont les lieux privilégiés pour leur adoption finale par le biais soit du Conseil Municipal soit du Conseil Régional. Le débat sur la valeur juridique des conventions locales est très fréquent. Alors que les uns119 s'escriment à trouver dans les textes de lois, les fondements juridiques des conventions locales, les autres120 insistent sur le caractère illégal, ou plutôt le caractère illicite de ces pratiques121. C'est là où l'Etat peut vraiment venir en appui à ces collectivités en les aidant à adopter des codes multilatéraux et originaux prenant en compte les aspirations des populations et même aller plus loin en harmonisant les textes régissant le monde rural et en déterminant le champ d'intervention exact des acteurs d'application de ces textes.

118 DJIRE (Moussa), les Conventions Locales au Mali : outils de gestion durable des ressources naturelles, Rapport de « Réussir la décentralisation », Bamako, octobre 2003 p. 31.

119 Konaté, 1998 et 2000 ; Sanogo 2002.

120 Dicko, 2002.

121 Moussa DJIRE, op cit.

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PARAGRAPHE II : HARMONISATION DES TEXTES RÉGISSANT LE MONDE RURAL ET DÉTERMINATION DU CHAMP D'INTERVENTION EXACT DES ACTEURS DE L'APPLICATION DE CES TEXTES

Il y a une multitude de textes régissant le domaine rural. Cette multitude de textes va de pair avec une multitude d'acteurs intervenant dans la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale. Harmoniser les textes qui encadrent la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale (A) et déterminer le champ d'intervention exact des acteurs d'application du droit dans le monde rural (B) sont une manière de faciliter aux usagers le processus de règlement de ces conflits.

A. Harmonisation des textes en vigueur dans le monde rural

Les textes en vigueur dans le monde rural sont très nombreux comme nous l'avons détaillé dans un paragraphe consacré à cet effet. Il s'agit notamment de la Constitution, le Code Pastoral, le Code Civil, le Code Pénal, la Législation foncière de juillet 1967, la Loi n°038/PR/96 du 31 décembre 1996 portant code du travail, la Loi n°14/PR/98 du 17 août 1998 définissant les principes généraux de la protection de l'environnement, la loi n°016/99 du 18 août 1999 portant code de l'eau, la Loi n°7/PR/2002 du 5 juin 2002 portant statut des Communautés Rurales, la loi n°33/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l'Etat et les Collectivités Autonomes, la Loi n°14/PR/2008 du 10 juin 2008 portant régime des forêts, de la faune et des ressources halieutiques. En plus de ces textes du droit positif tchadien, on peut citer le droit conventionnel développé dans les zones d'intervention du PRODALKA où quatre conventions ont été signées entre 1995 et 2008 parmi lesquelles on peut citer la convention locale de gestion des couloirs de transhumance dans la partie ouest de la réserve de faune Binder-Léré de juillet 1995. Sur le plan international, le Tchad fait partie de la convention régissant l'Union Économique de l'Afrique Centrale du 5 juillet 1994 qui, en son article 2 préconise « la création d'un marché commun fondé sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes », le contrôle de la Communauté Économique du Bétail, de la Viande et des Ressources Halieutiques (CEBEVIRHA) de la CEMAC pour le bétail et la Convention du 28 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ratifié par le Tchad par ordonnance n°018/PR/90 du 28 juillet 1990. Tous ces textes rendent complexes les procédures de règlement des conflits liés à la mobilité pastorale et donnent une plus grande marge d'appréciation aux juges et par conséquent rend les jugements de ces derniers moins crédibles aux yeux des justiciables. Une harmonisation des textes nationaux régissant le monde rural s'impose en s'inspirant de ce

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qu'a fait le Cameroun pour trouver une « solution » à la crise anglophone en fusionnant les textes antérieurs pour avoir un code général des Collectivités Autonomes prenant en compte les spécialités de la partie anglophone. De la même manière, le Tchad peut fusionner tous ces textes ci-haut cités pour avoir un code pastoral prenant en compte les particularités de chaque région. Cette harmonisation des textes peut être précédée d'un Dialogue National en vue de rechercher des voies et moyens pour atténuer les conflits liés à la mobilité pastorale et poser les jalons d'une vraie paix civile entre ces protagonistes de tout temps. Les acteurs d'application de ces textes sont aussi nombreux que les textes.

B. Déterminer le champ d'intervention exact des acteurs d'application du droit dans le monde rural

La multitude d'acteurs organisant le monde rural va de pair avec la multitude des textes. Ces acteurs sont entre autres les chefs traditionnels et coutumiers (chefs suprêmes, Lamido, chefs de canton, chef de village et chef de ferrique ou leurs représentants), les autorités administratives civiles (gouverneur, préfet, sous-préfet) et militaires (policiers et brigades notamment pour ce cas) et les acteurs judiciaires. Tous ces acteurs interviennent dans la résolution des conflits liés à la mobilité pastorale mais aucun texte ne précise leur champ d'intervention exact. Lors d'un conflit, les protagonistes saisissent qui ils veulent et cela pose souvent problème. Les agriculteurs (originaires de la région pour la plupart d'entre eux) veulent amener leurs problèmes chez les chefs traditionnels qui selon eux, incarnent leurs traditions. Les éleveurs par contre évitent ces chefs dits traditionnels. Pour eux, ce sont des agriculteurs ou des proches des agriculteurs et ne rendent jamais des sentences impartiales. Les éleveurs (venant du nord pour la plupart et majoritairement de religion musulmane) veulent toujours être jugés à la brigade et cette fois-ci, ce sont les agriculteurs qui fuitent ces brigadiers pour les mêmes raisons. L'Etat peut rendre accessible d'une autre manière ces acteurs en traçant une itinéraire en suivant l'esprit des instances de la justice moderne. En d'autres termes, l'Etat peut faire de telle sorte que pour tout conflit lié à la mobilité pastorale, les protagonistes avant la saisine de qui que ça soit essayent un arrangement à l'amiable. En cas de non succès de cet arrangement, ils peuvent saisir les chefs traditionnels et coutumiers, en cas d'insatisfaction d'une partie, ils peuvent saisir la brigade ou les autres autorités administratives civiles et militaires. La justice sera saisie en dernier lieu. À chaque fois qu'on saisit un acteur pour un règlement de conflit, il doit exiger un procès-verbal de l'acteur qui lui est inférieur hiérarchiquement sans lequel il ne peut pas rendre un jugement. C'est une manière d'imposer la suivie des voies qui vont conduire à la justice. En faisant ceci, l'Etat

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rend service aux usagers et se rend service lui-même. Il rend service aux usagers parce qu'il les épargne le plus que possible de la lenteur et du coût élevé de la justice et se rend service dans la mesure où les problèmes arrivent chez lui avec quelques pistes de solutions proposées soit par les usagers eux-mêmes soit par les chefs traditionnels par le biais des procès-verbaux établis à chaque fois qu'un acteur tente de résoudre un problème.

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CONCLUSION DU CHAPITRE III

Pour finir, nous pouvons retenir de ce troisième chapitre portant sur les mesures d'atténuation des conflits liés à la mobilité pastorale au niveau de l'Etat que, pour atténuer ces conflits ce dernier doit soutenir une gestion consensuelle et décentralisée de l'espace agropastoral en aidant les Collectivités Autonomes à zoner leur espace agropastoral en des zones spécifiques à l'agriculture et des zones spécifiques à l'élevage. Ces zones doivent impérativement être respectées surtout pendant la saison des pluies. Il doit également soutenir une gestion consensuelle des conflits en privilégiant les règlements des conflits à l'amiable et en renforçant les capacités des autorités traditionnelles et coutumières en matière de gestion des conflits et surtout en les rendant moins dépendants des citoyens lambda. Pour être plus efficace, l'Etat doit également penser à améliorer et harmoniser les textes régissant le monde rural et déterminer par une loi le champ d'intervention exact des acteurs d'application de ces textes. La décentralisation entamée par le Tchad depuis les années 1996, voudrait que l'Etat accompagne les Collectivités Autonomes à l'accomplissement de certaines tâches administratives en les transférant les compétences nécessaires. Dans cet état d'esprit, ces collectivités peuvent eux aussi initier des mesures d'atténuation des conflits liés à la mobilité pastorale. C'est dans ce sens que, nous avons consacré le second chapitre de la seconde partie aux mesures d'atténuation des impacts des conflits liés à la mobilité pastorale dans la perspective de la décentralisation.

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES

IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE DANS LA

PERSPECTIVE DE LA

DÉCENTRALISATION

CHAPITRE IV :

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Le Tchad est un Etat unitaire décentralisé. Il a deux niveaux de décentralisation que sont les communes et les provinces. Comme le recommande les sacro-saints principes de la décentralisation, l'Etat doit transférer certaines de ses compétentes aux Collectivités Autonomes. Les collectivités étant plus proches des populations et connaissant mieux les besoins de ces derniers, l'Etat doit les accompagner pour garantir la sécurité et la quiétude à la population de leur terroir. Ayant reçu des compétences de la part de l'Etat, les Collectivités Autonomes doivent multiplier des initiatives pour garantir la sécurité des personnes et de leurs biens dans la province. Dans cet esprit et pour lutter contre les conflits liés à la mobilité pastorale, les Collectivités Autonomes dans lesquelles ces conflits sont fréquents peuvent mettre sur pied un système communautaire d'alerte précoce (Section 1) et un plan de communication, de sensibilisation et d'éducation des populations (Section 2) dans les localités où elles sont territorialement compétentes.

SECTION 1 : MISE SUR PIED D'UN SYSTÈME COMMUNAUTAIRE D'ALERTE PRÉCOCE

L'objectif premier d'un système d'alerte précoce est de permettre aux individus et aux communautés de réagir à temps et de manière appropriée aux dangers afin de réduire les risques de décès, de blessures, de pertes matérielles et de dégâts. Les alertes doivent réussir à faire passer le message et à inciter les personnes en danger à agir. Pour réussir la mission de ce système communautaire d'alerte précoce, la communication lors des alertes, (Paragraphe I) la connaissance des risques et les mesures d'intervention (Paragraphe II) doivent être des priorités.

PARAGRAPHE I : LA COMMUNICATION LORS DES ALERTES

La communication lors des alertes précoces est la condition sine qua non pour la réussite du système d'alerte précoce. Pour remplir les conditions d'une communication profitable à la population, cette dernière doit être efficace (A) et ses moyens (B) doivent être connus de tous.

A. Efficacité de la communication

La diffusion est la fourniture de messages d'alerte, mais on parle de communication que lorsque l'information est reçue et comprise. Le fondement de toute communication des messages d'alerte reposera sur le format et la formation des messages, sur les méthodes de diffusion, sur l'éducation et la préparation des parties prenantes, ainsi que sur la

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compréhension des risques qu'elles courent. La définition classique de l'efficacité est le fait de « produire l'effet attendu, d'atteindre son but, d'aboutir à des résultats utiles. », donc une communication efficace est une communication qui atteint son objectif.122

Les messages d'alertes efficaces doivent être courts, concis, compréhensibles et exploitables, ils répondront aux interrogations « quoi ? », « où ? », « quand ? », « pourquoi ? » et « comment réagir ? ». Les volontaires doivent rester cohérents au fil du temps. Il faut concevoir les messages d'alerte en fonction des besoins précis des utilisateurs visés. L'utilisation d'un langage clair avec des phrases courtes et simples améliore la compréhension du message de la part des utilisateurs. En outre, l'information la plus importante du message doit être présentée en premier lieu, suivie des autres renseignements.

Une communication efficace des risques et des alertes exige de connaître les destinataires. Dans toutes les localités de la province, les populations sont très variées, avec des origines, des expériences, des perceptions, des circonstances et des priorités différentes. Il faut donc tenir compte de cette diversité lors de toute tentative de communication. Lors de l'émission des messages d'alertes, il convient donc d'identifier les préoccupations de la communauté touchée de façon à protéger leurs intérêts (par exemple les instructions visant à protéger le bétail) avec des moyens aussi efficaces que possibles.

B. Les moyens de communication

Il faut prévoir des moyens de communication afin de répondre aux besoins individuels des communautés qui couvrent toute la population concernée. Ils peuvent reposer sur divers formats (textes, graphiques, messages audio) et moyens (radios, tambours, téléphones, crieurs, hauts parleurs des mosquées, alertes visuelles et même des messagers à pied et à dos de cheval pour les lieux isolés) en fonction des circonstances. Les alertes doivent être diffusées au travers de différents canaux pour s'assurer qu'elles parviennent au plus vite aux utilisateurs finaux. Du reste, la communication est aussi fortement améliorée lorsque des messages d'alerte cohérents proviennent de plusieurs sources fiables. Des sensibilisations fréquentes peuvent se révéler efficaces au déclenchement d'une réaction de la population.

122 Le bloc du management et développement personnel, « Les secrets d'une communication efficace ! » [En ligne] sur www.management.efe.fr/2016/12/19/secrets-dune-communication-efficace/ 19 décembre, 2016, consulté le 13 juin 2021.

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Les réseaux de diffusion des alertes doivent être connus de tous les destinateurs et doivent de préférence être cohérents pour les différents types d'alerte pour minimiser le risque de confusion ou de malentendu chez les utilisateurs. Il faut que la transmission des alertes soit fiable et que les utilisateurs en accusent réception. La transmission ne sera ainsi que si les volontaires chargés d'alerte ne connaissent les risques que les populations encourent et adoptent des bonnes mesures d'intervention.

PARAGRAPHE II : CONNAISSANCE DES RISQUES ET LES MESURES D'INTERVENTION À ADOPTER

La connaissance des risques qui pèsent sur les populations (A) et adopter des bonnes mesures d'intervention (B) sont des conditions complémentaires à l'efficacité et aux moyens de communication pour un système d'alerte précoce qui a pour mission de protéger les vies et les biens des populations.

A. Connaissance des risques

Pour que le système d'alerte précoce réponde aux attentes des populations, il faut que ceux qui mènent des actions dans ce cadre connaissent les risques que courent les populations. Sans connaître les risques, aucune solution concrète ne peut être proposée. Les informations concernant les dangers et la vulnérabilité sont essentielles pour presque tous les aspects et presque toutes les étapes d'une gestion des risques des conflits par l'action de l'homme. Le risque est résultat de l'interaction entre un phénomène dangereux et les éléments menacés au sein de la communauté qui sont vulnérables face à un tel impact.123 Les populations et les autorités responsables de la gestion des risques doivent être informées du rôle du système communautaire d'alerte précoce. Il convient de préciser la chaîne de diffusion et les responsabilités des parties concernées dans un plan local d'intervention. Au sein de leur structure et en fonction des différents types de risques possibles pour les différents lieux, les populations et les responsables administratifs et civils doivent identifier et désigner les volontaires qui émettent des alertes et diffusent les informations. Pour les dangers localisés, la communication accordera probablement plus confiance à des informations provenant d'une

123 AMADA (Kennedy), « Renforcement des capacités des systèmes d'alerte précoce et de réaction rapide au niveau local tout en garantissant la participation des leaders traditionnels, des femmes et des jeunes à travers une formation en analyse et rapportage », Rapport de l'Activité 1.3.1 du projet « soutenir les mécanismes de consolidation de la paix au niveau communautaire et l'inclusion des jeunes dans les zones situées à la frontière entre le Cameroun et le Tchad», Mai 2019, p. 45.

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personne disposant de connaissances de la localité plutôt que d'un étranger qui pourrait ne pas être suffisamment sensible aux besoins sur place et qui se maitriserait pas les mesures d'intervention.

B. Les mesures d'intervention

Si l'on veut que le Comité de Vigilance qui a été fusionné au Conseil des Sages et des Personnes Ressources réponde aux aspirations des populations notamment diminuer les conflits liés à la mobilité pastorale, il faut renforcer ses capacités à régir aux conflits. L'éducation et la sensibilisation du public, la participation des parties prenantes, la présentation des alertes et leur communication contribuent à l'adoption d'une réaction appropriée à l'alerte. Il est possible d'accroitre le niveau de préparation de la communauté à réagir aux dangers naturels grâces à son éducation. Il convient de familiariser les individus avec les dangers, les moyens de diffusion, la signification des alertes et les mesures à prendre pour diminuer les pertes et les dommages. Cela doit être fait bien avant que les conditions dangereuses ne forment. Le potentiel de réaction approprié des individus est considérablement amélioré lorsqu'ils sont informés des risques qu'ils courent et des actions qu'ils peuvent mener pour sauver leur vie et leurs biens en cas d'urgence. La sensibilisation aux dangers naturels ne doit pas être négligée aussi à tous les niveaux dans les communautés. La sensibilisation des communautés sur la prévention et des modes de règlement de conflit est très importante et surtout quand les comités de vigilance ou d'autres organisations villageoises sont impliqués dans la gestion. Quand elle est suivie de la mise en place d'un plan de communication, de sensibilisation et d'éducation des populations concernées, elle deviendra plus bénéfique pour ces dernières.

SECTION 2 : MISE EN PLACE D'UN PLAN DE COMMUNICATION, DE SENSIBILISATION ET D'ÉDUCATION

Les Collectivités Autonomes manquent d'initiatives dans lesquelles elles envoient des délégations pour communiquer avec les populations sur les attentes de ces derniers. Pour faire face aux nombreux conflits dont la population est victime, les collectivités doivent mettre sur pied un plan de communication (Paragraphe I) et de sensibilisation et de d'éducation (Paragraphe II) des populations. Les populations à travers leurs représentants ou même directement peuvent être impliquées dans la gestion des conflits.

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PARAGRAPHE I : LE PLAN DE COMMUNICATION

Ce plan de communication aura pour objectif principal d'instaurer une paix civile entre les agriculteurs et les éleveurs qui sont des groupes antagonistes qui ne s'entendent jamais, des ennemis jurés. Les Collectivités Autonomes doivent promouvoir et restaurer la paix civile entre les agriculteurs et les éleveurs (A) en faisant table rase du passé. Il ne suffit pas seulement de faire table rase du passé mais il faut également multiplier les initiatives pour encourager le vivre-ensemble qui permettra de combattre les conflits à la racine (B).

A. Promouvoir et restaurer un climat de paix civile entre agriculteurs et éleveurs

La restauration de la paix civile entre les agriculteurs et les éleveurs s'impose comme préalable à toute activité de développement, notamment dans les zones où les manifestations de conflit ont largement dépassés les simples querelles de dévastation de champs ou des blessures sur les animaux et ont pris des tournures inquiétantes avec des morts d'homme, des actes de vengeance et de clivage nord/sud ou musulman/chrétien. Les phénomènes des attaques collectives des campements d'éleveurs afin de s'emparer de leurs biens, puis le sentiment de complicité des autorités locales, des familles notables, puis des autres citoyens qu'on croyait indemnes de ce genre de phénomènes, ont laissé des empreintes profondes, qu'il faut surmonter.

La meilleure manière pour parvenir à un climat de paix sociale est celle de la multiplication des tournées ou des ateliers locaux entre agriculteurs et éleveurs. En effet, l'historique de l'encadrement des populations rurales montre bien que l'habitude courante est celle d'aborder les deux groupes de manière séparée. Ce clivage déjà, ne favorise pas une paix durable. Certaines autorités militaires et administratives ne font jamais les choses dans le sens d'un règlement des conflits mais alimentent ceux-ci plutôt, ils préfèrent gérer le désordre car c'est rentable. Les deux parties ne peuvent pas arriver par leurs propres forces à organiser des tournées ou ateliers de pacification, il faut impérativement l'appui d'une tierce instance pour faciliter les réunions de concertation entre elles. Si la majorité de personnes pensent qu'il faut l'intervention de l'Etat à travers les Délégations des Droits de l'Homme, nous pensons plutôt à des instances neutres, comme les ONG, les projets, puis d'autres acteurs de la société civile. L'Etat peut se limiter à un rôle de tutelle. Les ateliers et les tournés de pacification devront porter sur le diagnostic des problèmes opposant les deux parties, puis sur l'ébauche de solutions visant la conciliation et la cohabitation pacifique.

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En cas de conflits violents, graves ou persistants, les ateliers de concertation pourraient être précédés par des initiatives de médiation des conflits. Cette approche, qui vise la réconciliation entre les groupes concernés à partir d'une démarche active de consultation et de négociation, exige l'intervention des personnes expérimentées dans le domaine. Les outils des « commissions de vérité et de réconciliation»124, puis des « pardons collectifs », expérimentés dans un certain nombre de pays en Afrique et en Occident, pourraient servir d'une certaine inspiration. Au Tchad, l'opportunité pour des interventions en termes de médiation de conflits ne se présente que localement, jamais les médiations de conflits ont fait l'objet des conférences ou des ateliers nationaux. En marge de la Conférence Nationale Souveraine de 1993 et des deux Forums Nationaux Inclusifs de 2018 et 2020, les conflits liés à la mobilité pastorale et surtout les conflits agriculteurs et éleveurs ont été abordés mais jamais ils n'ont retenus l'attention de l'exécutif.

Cette approche nationale pourrait dans un deuxième temps être complétée par la facilitation, toujours par l'intermédiaire des institutions neutres, des tournées ponctuelles au niveau local (Sous-Préfecture, Département, Province,) en réunissant autour d'une table l'ensemble des acteurs concernés au niveau rural (autorités politiques, administratives, coutumières, tribunaux, gendarmerie, plates-formes villageoises, techniciens, organisations socioprofessionnelles, etc.). Ces tournées devraient permettre de faire table rase sur les malversations de part et d'autre du passé et de discuter sur les principes d'une cohabitation pacifique entre éleveurs et agriculteurs d'un côté, mais aussi entre ces deux parties et les différents acteurs de l'Etat.

B. Encourager le vivre-ensemble

Promouvoir et restaurer un climat de paix entre les agriculteurs et les éleveurs est une très bonne initiative pour garantir une paix durable. Pour maintenir durablement cette paix, il faut multiplier des initiatives encourageant le vivre-ensemble. Dans chaque province, la Délégation en charge des droits humains peut instaurer un Prix Provincial de cohabitation pacifique. Il doit être décerné à toutes les personnes oeuvrant dans ce sens, les particuliers, les autorités traditionnelles, militaires et administratives, responsables religieux, politiques, les entreprises, les associations et toutes les organisations, les fonctionnaires, les commerçants,

124 La commission de vérité et de réconciliation est une juridiction ou une commission non juridique mise en place après des périodes troubles politiques, guerres civiles, dictature, conflits violents ou persistants, qui pour objectif d'aider les sociétés pour sortir de crise. Elle a été expérimenté dans de nombreux pays notamment l'Afrique du Sud, la Tunisie, le Burundi, le Canada, la Cote d'Ivoire etc.

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les élus locaux etc. promettant le vivre-ensemble par les actions qu'ils mènent et respectant eux-mêmes les droits humains. L'objectif dudit prix serait de : respecter, encourager et promouvoir, vulgariser les régimes des droits humains et de la cohabitation pacifique, améliorer le brassage entre les populations et amorcer le développement par le respect de la cohabitation.

En plus de ce prix de cohabitation pacifique, dans chaque province, on peut instaurer une journée de vivre-ensemble en paix provinciale en s'inspirant de celle des Nations Unies étant donné que nous n'avons vu aucune manifestation du 16 mai dite journée internationale du vivre-ensemble en paix dans les provinces ni même au niveau national. D'après l'ONU « le vivre-ensemble en paix, c'est d'accepter les différences, être à l'écoute, faire preuve d'estime, de respect et de reconnaissance envers autrui et vivre dans un esprit de paix et d'harmonie ».125 Comme celle des Nations Unies, la Journée Provinciale du Vivre-ensemble en Paix sera un moyen de mobiliser régulièrement les efforts de la province en faveur de la paix, de la tolérance, de l'inclusion, de la compréhension et de la solidarité, et l'occasion pour tous d'exprimer le désir profond de vivre et d'agir ensemble, unis dans la différence et dans la diversité, en vue de bâtir une société viable reposant sur la paix, la solidarité et l'harmonie126. Cette journée peut être célébrée chaque année à la place de l'indépendance de Pala, chef-lieu de la province sous l'autorité du gouverneur de la province. La Délégation des droits l'homme et le protocole du gouverneur peuvent s'en charger de l'organisation dudit événement. Il va falloir impliquer les chefs de canton, les chefs de village et les chefs de ferrique pour qu'ils passent à leur tour le message aux populations profondes. Pour y arriver, chaque communauté doit continuer à agir en faveur de la réconciliation afin de contribuer à la paix et au développement durable, notamment en collaborant avec les communautés, les chefs religieux et d'autres parties prenantes, en prenant des mesures de réconciliation et de solidarité et en incitant les êtres humains sensibilisés et éduqués au pardon et à la compassion.127

PARAGRAPHE II : LE PLAN DE SENSIBILISATION ET D'ÉDUCATION

Un plan de sensibilisation et d'éducation est une action qui peut être entreprise par les Collectivités Autonomes en complément au plan de communication pour prévenir les conflits

125 Cette définition est celle de l'Assemblée des Nations Unies réunie le 8 décembre 2017 pour l'adoption de la résolution A/RES/72/130 proclamant le 16 mai Journée Internationale du vivre-ensemble en paix.

126 ONU, Journée Internationale du vivre-ensemble en paix 16 mai, [En ligne] www.un.org/fr/obdervances/living-in-peace-day, consulté le 18 juin 2021.

127 Ibid.

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liés à la mobilité pastorale. La sensibilisation et l'éducation des populations (A) répondront aux attentes de l'administration et des administrés que si elles sont suivies de la mise en place des plates-formes de cohabitation (B) qui vont pérenniser ses acquis (de la sensibilisation et l'éducation).

A. Sensibilisation et éducation des populations concernées

Les organisations de la société civile, notamment les ONG pourront apporter positivement leur concours à la recherche des solutions aux conflits liés à la mobilité pastorale et surtout les conflits agriculteurs et éleveurs en menant des sensibilisations. Leur contribution relève particulièrement de leur compétence en matière de pacification de la population. Les ONG religieuses et des organisations socioprofessionnelles ont des facilités à passer des messages de paix et de vivre-ensemble, car elles sont plus proches des populations. Les projets de développement peuvent agir dans le sens de la sensibilisation des parties prenantes afin de garantir l'impact de leurs interventions.

Ces acteurs, pour mener à bien ces sensibilisations doivent maîtriser les procédures en vigueur en matière de gestion des conflits liés à la mobilité pastorale et sensibiliser les populations dans ce sens c'est-à-dire les apprendre leurs droits et surtout les procédures de gestion des conflits. L'ignorance de ces procédures peut constituer un sérieux handicap pour les agriculteurs et les éleveurs. Aussi, la plupart des citoyens sont très souvent perdus dans leur démarche, avec à terme le découragement et la frustration. Ils perdent du temps et dépensent d'argent et aucun résultat. La connaissance des procédures pourrait être améliorée à travers des ateliers et conférences où les associations et les groupements villageois doivent prendre part. Pour impacter les populations et surtout compte tenu du taux d'analphabétisme dans la province, ces conférences peuvent être animées en français, en arabe et aussi et surtout dans les langues locales.

Les éleveurs ont plus besoin de connaître leurs droits car ces derniers, lors des déplacements sont victimes de toutes les sortes d'abus des hommes en tenue. C'est pourquoi il est indispensable d'instruire ces éleveurs sur leurs droits. Les éleveurs subissent des peines ou s'acquittent d'amendes qu'ils n'auraient pas dû payer s'ils avaient été au courant des textes juridiques en vigueur. L'enseignement des règles élémentaires de droit aux populations villageoises leur permettrait de mieux se défendre des autorités qui profitent souvent de leur naïveté pour les racketter. Ces enseignements pourraient s'effectuer sous forme ludique (théâtre, sketchs, etc.), de projection de films, etc. Ils seraient plus accessibles à ces derniers si

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les sketchs et filmes se passent en langue locale et pérennisés par des plates-formes de cohabitation.

B. Création des plates-formes de cohabitation

L'instauration de la paix sociale entre les agriculteurs et les éleveurs ne pourra pas se limiter aux simples ateliers ou conférences de pacification. En réalité ces ateliers et conférences ne constituent qu'une étape de la consolidation de la paix entre les agriculteurs et éleveurs. Ils ne doivent donc pas rester des initiatives vides mais s'insérer dans une stratégie à long terme. Dans cet esprit, les conférences et les ateliers pourraient converger vers des plates-formes ou cadres permanents de réflexion et de concertation. Composées de manière paritaire par des représentants des deux groupes en place, en particulier des sages, ces plates-formes pourront jouer un rôle primordial dans la réflexion sur l'avenir de la cohabitation, c'est-à-dire la détermination des modalités pratiques et des mesures à prendre pour la prévention des futurs conflits. Les chefferies traditionnelles des deux côtés, étant les acteurs classiques dans le traitement des conflits, doivent de préférence être des membres d'office de ces cadres. S'il faut apprécier à sa juste valeur la mise en place du Conseil des Sages et des Personnes Ressources (CSPR) qui correspond à cet esprit de cadre, cependant, il reste beaucoup à faire pour que ce cadre soit une plate-forme qui peut garantir une paix durable. D'abord pour sa composition, les membres qui sont au nombre de huit (8) sont insuffisants, certains chefs traditionnels sont exclus, il n'y a pas des places exclusivement réservées à eux. Le président du conseil est désigné par le gouverneur de la province. Son objectif qui est d'instaurer une quiétude entre les communautés pour une paix durable. Son rôle d'éveil, de surveillance, d'information et de sensibilisation tout en servant au développement de la province est noble mais les lacunes ci-haut mentionnées doivent être réparées pour qu'elle puisse arriver à ses missions. Le CSPR est siégé à Pala, loin des agriculteurs et des éleveurs si ces derniers ne viennent pas eux-mêmes solliciter son aide. Le CSPR peut désigner une représentation permanente dans chaque canton de la province pour être plus proche des populations. Au niveau du canton, le CSPR doit prendre en compte les traditions de chaque localité pour mieux prévenir les conflits.

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CONCLUSION DU CHAPITRE IV

En somme, à la fin de ce chapitre, il importe de retenir qu'à la suite de l'Etat, les Collectivités Autonomes peuvent prendre des mesures pour diminuer les conflits liés à la mobilité pastorale sur leur territoire. Elles peuvent notamment mettre sur pied des systèmes communautaires d'alerte précoce avec une communication efficace dont les moyens seront connus de tous, dont les volontaires chargés de la communication maîtriseront les risques et connaitront les mesures à adopter pour intervenir. Elles peuvent aller plus loin en mettant en place des plans de communication, de sensibilisation et d'éducation des populations qui peuvent aboutir à l'instauration des plates-formes de cohabitation pacifique qui permettront de pérenniser les acquis des plans de communication, de sensibilisation et d'éducation. Ils peuvent instaurer sur leur territoire, une paix civile durable entre les agriculteurs et les éleveurs qui sont en perpétuel conflit et encourager le vivre-ensemble par des conférences, des ateliers et des forums, des journées de paix et des prix provinciaux appelant sur la table toutes les couches de la société.

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CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

En résumé, dans cette seconde partie de notre mémoire consacrée aux mesures d'atténuation des impacts des conflits liés à la mobilité pastorale, il était question pour nous de voir les mesures que peuvent être prises pour atténuer les impacts de ces conflits. Il ressort après analyse que, l'Etat et les Collectivités Autonomes peuvent chacun prendre des mesures allant dans ce sens car garantir la sécurité des personnes et les biens de ces derniers qui vivent sur leur terroir est une de leurs missions régaliennes. L'Etat peut arriver à satisfaire cette mission en soutenant une gestion consensuelle et décentralisée de l'espace agropastoral et des conflits, en améliorant et harmonisant les textes régissant le monde rural et déterminer le champ d'intervention exact des acteurs d'application de ces textes. Les Collectivités Autonomes en poursuivant les actions de l'Etat au niveau local peuvent, elles aussi aller dans le sens d'atténuer les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale en mettant sur pied des systèmes communautaires d'alerte précoce et des plans de communication, de sensibilisation et d'éducation des populations dont les acquis peuvent être pérennisés par la mise en place des plates-formes de cohabitation pacifique dans lesquelles tous les acteurs seront conviés.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Arrivé au terme de notre rédaction portant sur les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, il est temps de faire un bilan succinct de nos observations.

Il était question pour nous d'analyser les impacts des conflits sur le développement et la gouvernance dans la province et faire des propositions concrètes pour atténuer les impacts de ces conflits afin garantir une vie paisible aux citoyens. Pour y arriver, l'Etat et les Collectivités Autonomes rencontrent assez de difficultés. Ces problèmes sont issus eux-mêmes de la mauvaise gouvernance, c'est sont notamment : la corruption, les fortes amendes lors des règlements des conflits, l'incompétence des autorités administratives et militaires, la politisation des conflits, le soutien des élus locaux, des hommes d'affaires et des hommes politiques aux protagonistes, la pluralité des instruments juridiques dans la gestion des conflits... Ces problèmes empêchent tout règlement acceptable des conflits.

Pour des raisons méthodologiques, nous nous sommes intéressé dans un premier temps aux impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance de la province. Il s'agit de la première partie dans laquelle nous avons essayé de faire ressortir les impacts proprement dits de ces conflits sur le développement et la gouvernance dans le premier chapitre. Des observations issues de ce premier chapitre, il en découle qu'il existe des barrières pour la bonne gestion de ces conflits. C'est qui nous a amené à parler de ces difficultés, tous, des effets de la mauvaise gouvernance au deuxième chapitre. À l'issu de cette première partie, nous avons constaté que les conflits liés à la mobilité pastorale sont des oppositions très persistantes ces dernières années avec des conséquences drastiques à tous les niveaux. Des solutions pour atténuer les impacts de ces conflits d'imposent. C'est pourquoi tout au long de la deuxième partie, nous avons proposé des mesures d'atténuation des impacts de ces conflits. Dans le troisième chapitre, nous avons proposé des mesures d'atténuation au niveau de l'Etat qui a pour mission régalienne de garantir la sécurité des personnes et de leurs biens. Dans le quatrième chapitre, nous avons proposé des mesures dans la perspective de la décentralisation, étant donné que les Collectivité Autonomes ont reçu des compétences de la part de l'Etat pour améliorer les conditions de vie des citoyens.

Globalement, les constatations qui se dégagent de notre étude montrent que nos hypothèses n'ont pas été les fruits d'un hasard, car elles ont été vérifiées à travers les données quantitatives et qualitatives avec lesquelles nous nous sommes servis dans notre travail et montrent que les conflits liés à la mobilité pastorale ont des impacts négatifs, pour la plupart

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du temps sur le développement économique et social et sur la gouvernance dans la province et que ceux-ci nécessitent des pistes d'amélioration.

Après avoir traité les problèmes qui ont préoccupés dans cette recherche, il nous a semblé indispensable de proposer des solutions palliatives pour diminuer les effets de ces conflits. Il s'agissait en fait des mesures d'atténuation. Ces mesures se situent à deux niveaux, au niveau de l'Etat central et au niveau des Collectivités Autonomes. Au niveau de l'Etat, ces mesures peuvent concerner le soutien de l'Etat à une gestion consensuelle de l'espace agro-pastoral, renforcer les capacités des autorités traditionnelles et coutumières en matière de gestion des conflits, améliorer les textes régissant le monde rural, déterminer le champ d'intervention exact des acteurs intervenant dans la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale, appuyer l'élaboration des codes locaux respectant les traditions et les pratiques de cette province... Au niveau des Collectivités Autonomes, ces mesures peuvent concerner la mise en place d'un système communautaire d'alerte précoce efficace avec des moyens et des mesures d'intervention connus de tous, dans lequel les risques réels qui pèsent sur les populations doivent être identifiés. Elles peuvent concernés également l'instauration de la paix civile entre les différents groupes, encourager le vivre-ensemble, sensibiliser et éduquer les populations en créant des plates-formes de cohabitation pacifique.

La compilation des données ayant concouru à la rédaction du présent travail ont été rendu possible grâce à un travail qui nous transportées à la réalité de la pratique sur le terrain notamment au gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest et les villages et ferriques dans lesquels les conflits liés à la mobilité pastorale sont récurrents. Nous avons à cet effet, dans le cadre de notre stage recueilli les données qualitatives et quantitatives, non seulement auprès des services du gouvernorat, mais également auprès des populations et les autorités traditionnelles et coutumières pour connaitre les causes, les modes de règlement, les impacts sur l'agriculture, l'élevage, l'environnement, la sécurité des personnes et la manifestation de ces conflits liés à la mobilité pastorale.

En somme, les conflits liés à la mobilité pastorale ont d'innombrables impacts négatifs sur le développement et la gouvernance dans la province. Ces impacts sont la destruction des champs, la destruction de l'environnement, les blessures et la tuerie d'animaux, la détérioration des termes d'échanges entre les agriculteurs et les éleveurs, la désorganisation sociale des pasteurs, les violations des droits humains, la mise en mal de la sécurité des personnes et de leurs biens, eu égard des informations que nous avons reçues et confirmées et les témoignages des populations concernées sur le terrain. En plus des impacts de ces conflits sur le développement et la gouvernance de la province du Mayo-Kebbi Ouest, nous nous

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préoccupons par l'épineuse question de la transfrontalité des conflits liés à la mobilité pastorale. Malgré qu'il existe quelques traités et accords internationaux régissant la mobilité pastorale sur le plan sous-régional, des milliers d'éleveurs tchadiens croupissent dans les prisons des pays voisins. En fait, comment le Tchad compte assurer la sécurité des éleveurs dans la mobilité pastorale transfrontalière ? Quelles sont les actions menées par les pays de la CEMAC pour sécuriser la mobilité pastorale ?

ANNEXES

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Guide d'entretien avec les responsables des services du gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest

Annexe 2 : Guide d'entretien avec les agriculteurs Annexe 3 : Guide d'entretien avec les éleveurs Annexe 4 : Les photos illustratives

Annexe 5 : Carte climatique du Tchad

Annexe 6 : Carte de végétation du Tchad

Annexe 7 : Code pastoral de la République du Tchad Annexe 8 : Attestation de stage

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Annexe 1: Guide d'entretien avec les responsables des services du gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest.

GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES RESPONSABLES DES SERVICES DE LA

PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST.

Je m'appelle ALI SALEH SOULEYMANE, je suis un stagiaire aux services du Gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest. Je mène des recherches sur : « Les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance dans la province du Mayo-Kebbi Ouest ».

À cet effet, je souhaite avoir des informations relatives à ce sujet dans votre service.

Je vais vous rassurer que toutes les informations que vous mettez à notre disposition resteront confidentielles et essentiellement destinées à la science. Elles ne seront utilisées que dans le cadre de notre travail de recherche.

1- Comment naissent les problèmes entre les agriculteurs et les éleveurs dans le Mayo-Kebbi Ouest ?

2- Quels sont les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur l'économie de la province du Mayo-Kebbi Ouest ?

3- Quels sont les impacts sociaux de ces conflits développement et sur la gouvernance de la province ?

4- Quels sont les personnes les plus exposées aux conséquences de ces conflits ?

5- Quelles sont les mesures prises par votre service pour limiter les impacts de ces conflits ?

Tout en espérant que vos portes nous seront toujours ouvertes pour les renseignements complémentaires, veillez agréer Monsieur/Madame, l'expression de nos remerciements pour votre bonne compréhension et votre disponibilité.

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Annexe 2: Guide d'entretien avec les agriculteurs

Je m'appelle ALI SALEH SOULEYMANE, je suis un stagiaire aux services du Gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest. Je mène des recherches sur : « Les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance dans la province du Mayo-Kebbi Ouest ».

À cet effet, je souhaite avoir des informations sur vos relations avec les éleveurs mobiles.

Je vais vous rassurer que toutes les informations que vous mettez à notre disposition resteront confidentielles et essentiellement destinées à la science. Elles ne seront utilisées que dans le cadre de notre travail de recherche.

1- En quelle période les éleveurs descendent dans votre zone ?

2- Comment naissent les problèmes entre vous et les éleveurs dans le Mayo-Kebbi Ouest ?

3- Qu'est-ce que l'Etat, les Collectivités Autonomes font pour que vous viviez en paix ?

4- Comment vous sécurisez vos champs ?

5- Quelles sont les conséquences de ces conflits sur vos vies et vos biens ?

6- Après un conflit, est-il facile de revenir au meilleur sentiment avec les personnes avec lesquelles vous avez eu des différends ?

7- Quels sont les personnes les plus exposées aux conséquences de ces conflits ?

8- Comment vous réglez les problèmes entre vous et les éleveurs et quels sont les acteurs qui interviennent dans ces règlements ?

9- Parmi ces acteurs vous saisissez qui en premier lieu et pourquoi ?

10- À votre niveau, qu'est-ce que vous faites pour prévenir et régler les conflits entre vous en ne recourant à personne ?

Tout en espérant que vous seriez disponibles pour nous donner des renseignements complémentaires en cas besoin, recevez nos remerciements pour votre bonne compréhension et votre disponibilité.

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Annexe 3: Guide d'entretien avec les éleveurs

Je m'appelle ALI SALEH SOULEYMANE, je suis un stagiaire aux services du Gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest. Je mène des recherches sur : « Les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur le développement et la gouvernance dans la province du Mayo Kebbi Ouest ».

À cet effet, je souhaite avoir des informations sur vos relations avec les agriculteurs.

Je vais vous rassurer que toutes les informations que vous mettez à notre disposition resteront confidentielles et essentiellement destinées à la science. Elles ne seront utilisées que dans le cadre de notre travail de recherche.

1- En quelle période vous descendez dans votre zone soudanienne et pourquoi ?

2- Quels sont avantages de la mobilité pastorale ?

3- Quelles difficultés rencontrez-vous lors des déplacements ?

4- Comment surmontez-vous ces difficultés ? Qui vous vient en aide ?

5- Autrefois, les éleveurs en déplacement s'arrêtaient dans la zone sahélienne, vous vous rappelez des années dans lesquelles les éleveurs ont commencé à aller dans la zone soudanienne dès fois jusqu'aux frontières avec le Cameroun et la République Centrafricaine ?

6- Comment naissent les problèmes entre vous et les agriculteurs dans la zone soudanienne ?

7- Qu'est-ce que l'Etat, les Collectivités Autonomes font pour que vous viviez en paix ?

8- Quelles mesures prenez-vous pour que vos animaux ne détruisent pas les champs des cultivateurs lors vos déplacements dans le sud ?

9- Quelles sont les conséquences de ces conflits sur vos vies et vos biens ?

10- Sentez-vous en sécurité lors des déplacements ?

11- Utilisez-vous des objets de quelque nature pour vous défendre en cas d'attaque ?

12- Après un conflit, est-il facile de revenir au meilleur sentiment avec les personnes avec lesquelles vous avez eu des différends ?

13- Quels sont les personnes les plus exposées aux conséquences de ces conflits ?

14- Comment vous réglez les problèmes entre vous et les agriculteurs et quels sont les acteurs qui interviennent dans ces règlements ?

15- Parmi ces acteurs vous saisissez qui en premier lieu et pourquoi ?

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16- À votre niveau, qu'est-ce que vous faites pour prévenir et régler les conflits entre vous en ne recourant à personne ?

Tout en espérant que vous seriez disponibles pour nous donner des renseignements complémentaires en cas besoin, recevez nos remerciements pour votre bonne compréhension et votre disponibilité.

Annexe 4: Les photos illustratives

Lors d'un échange avec les sages de BIRDJI-BAOU (30 avril

2021).

Chef de ferrique de Gonkaria (au milieu) photo prise le 2 avril 2021 dans la chefferie.

Femmes et filles peuls et haoussas qui ont
quitté les ferriques pour aller le lait en ville.
Photo prise le 3 avril 2021 à l'entrée ouest de
Pala.

Photo prise avec un enfant bouvier
de neuf (9) ans, au ferrique de
Ouro-Dolé (30 avril 2021).

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Des éleveurs et agriculteurs réunis autour du chef de ferrique et du chef de village pour écouter la tendance d'un jugement (5 mai 2021).

Agriculteurs (E) et éleveurs (E) que nous avons eu
mettre ensemble pour connaitre les actions qu'ils
mènent chacun de leur côté pour prévenir les conflits
(12 mai 2021).

Lieu d'habitation d'un éleveur dans le ferrique de BIRDJI-DAOU (30 avril 2021).

Quelques habitants du ferrique de SOUDJÉ avec lesquels nous avons eu des échanges (10 mai 2021).

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NB : les huit photos illustratives sont des photos filmées par nous-même lors de notre stage à Pala, chef-lieu de la province du Mayo-Kebbi Ouest.

Annexe 5 : Carte climatique du Tchad

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Annexe 6: Carte de végétation du Tchad

Annexe 7: Code pastoral de la République du Tchad

RÉPUBLIQUE DU TCHAD Unité - Travail - Progrès

PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE

Loi N° IPR/2014

PORTANT CODE PASTORAL

Vu la Constitution ;

L'Assemblée Nationale a délibéré et adopté en sa séance du ................. Le Président de la République promulgue la Loi dont la teneur suit

TITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES

,Chapitre I : De l'objet et du champ d'application

Article 1PY: La présente Loi portant Code pastoral, a pour objet de déterminer les principes fondamentaux en matière du pastoralisme en République du Tchad.

Article 2: La présente Loi s'applique à l'élevage pastoral des espèces bovines, ovines, caprines, camélines, équines et asines.

Sont exclus du champ d'application de cette Loi les aspects liés à la santé animale, à l'exploitation du bétail et à sa commercialisation_

Chapitre Il : De la définition de la politique en matière de pastoralisme

Article 3 : L'Etat est responsable de la définition de la politique générale en matière de pastoralisme.

Chapitre Ill : Des définitions

Article 4 : Au sens de la Loi, on attend par

· Accords sociaux : ensemble des us, coutumes et pactes par lesquels les groupes sociaux ayant un lien de sang ou non s'acceptent et échangent à travers des obligations de solidarité réciproques. Ces accords sociaux sont fondés ou non sur des alliances ;

· Alliances : Conventions (formelles ou informelles) sociales à travers lesquelles deux ou plusieurs groupes sociaux se définissent des formes de solidarité, d'entraides et d'obligations en rapport avec l'espace et les ressources naturelles ;

· Aire de pâturage ; espace traditionnellement réservé aux pâturages ;

1

·

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Aire de séjour : site d'accueil des animaux en saison sèche à l'étape ultime de la transhumance ;

· Aire de stationnement : espace bien pourvu en ressources pastorales sur lequel se reposent momentanément les animaux avant de poursuivre la transhumance

· Aire protégée : tout espace dont l'accès au bétail est soit interdit soit réglementé en vue de la protection des espèces qu'il contient ;

· Berger : toute personne qui garde et conduit les animaux aux pâturages et aux points d'abreuvement ;

· Couloir de transhumance : tout itinéraire reliant la zone de pâturage du terroir d'attache au pâturage des zones d'accueil ;

· Cures salées : terme désignant par défaut les sites de gisements de natron sur lesquels les animaux séjournent en saison de pluies. Ce sont égaiement des sites où des caravanes de pasteurs viennent séjourner aux fins d'approvisionnement en natron ;

· Domaine public naturel de l'État : ensemble des cours d'eau permanents ou non, des lacs, étangs et sources dans la limite des plus hautes eaux avant débordement ainsi qu'une bande de ZS mètres au-delà de cette limite, des îles, ilots, bancs de sable et atterrissements se formant dans les fleuves, les nappes d'eau souterraine, des gîtes minéraux et miniers et des forêts classées ;

· Droits d'accès aux ressources : ensemble de dispositions formelles ou informelles permettant à un groupe de pasteurs d'accéder aux ressources naturelles et d'y revendiquer des droits d'usage communautaire ;

· Nomadisme : tout déplacement imprévisible dans te temps et dans l'espace des hommes et des animaux à la recherche de pâturages et de l'eau d'abreuvement ;

· Pasteur : tout éleveur qui tire ses principaux revenus d'un élevage pratiqué suivant un mode d'utilisation des ressources fondé sur la mobilité ;

· Pâturages : ensemble des ressources naturelles principalement végétales habituellement utilisées pour assurer l'alimentation des animaux ;

· Pastoralisme : mode d'élevage fondé sur la mobilité permanente ou saisonnière du cheptel ;

2

· Piste â bétail: corridor qu'emprunte le bétail pour accéder aux ressources pastorales. Il désigne aussi les itinéraires des opérations de convoyage d'animaux de commerce ;

· Point d'abreuvement : point d'eau pouvant être utilisé pour l'abreuvement des troupeaux ;

· Propriétaire de capital-bétail: toute personne détentrice des capitaux investis préférentiellement dans le bétail ;

· Ressources pastorales : ensemble des ressources clés nécessaires à l'alimentation des animaux en élevage extensif. Exemple : l'eau, le pâturage, les résidus de cultures, le foin stocké, les terres salées...

· Site sacré : endroit utilisé pour les cérémonies d'initiation traditionnelle ou pour l'organisation des cultes traditionnels ;

· Terroir d'attache : unité territoriale à laquelle restent attachés les pasteurs lorsqu'ils se déplacent à l'occasion de la transhumance et vers laquelle ils y retournent;

· Terroir d'accueil : unité territoriale déterminée et reconnue vers laquelle convergent les pasteurs en saison sèche à la recherche des ressources pastorales ;

· Transhumance : déplacement cycliques des animaux et/ou groupes sociaux à la recherche des ressources pastorales rythmés par les saisons. Elle peut être pratiquée au niveau national ou transfrontalier;

· Zones de concentration : sites pourvus de ressources naturelles clés vers lesquelles affluent les animaux pendant une période de l'année.

Chapitre IV : Des principes fondamentaux

Article 5: L'Etat a l'obligation de promouvoir toutes formes de l'élevage.

Article b : L'Etat garantit l'accès aux ressources pastorales situées en dehors des propriétés privées et des aires protégées, dans les conditions prévues à l'article 10.

Article 7 : La mobilité pastorale à l'intérieur du territoire national est une liberté reconnue à tout éleveur dans le respect de la réglementation nationale en vigueur et des us et coutumes de la zone d'accueil.

Au niveau sous-régional, elle est régie par des accords et conventions inter-Etats.

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Article 8 : L'Etat a l'obligation d'assurer un accès équitable aux ressources

pastorales sans distinction d'origine, de race, de sexe ou de religion.

Article 9 : Les éleveurs disposent d'un droit d'usage sur les ressources pastorales situées sur leur territoire d'attache et leur territoire d'accueil. L'exercice de ce droit d'usage n'exclut pas l'accès des autres usagers A ces ressources.

Un décret d'application interministériel précisera les différentes zones en fonction de leur vocation sur l'ensemble du territoire national.

Article 10 : Il est fait obligation aux éleveurs de participer a une gestion rationnelle et durable des ressources pastorales avec le souci de la préservation des droits des générations présentes et futures. Tout éleveur a le devoir de respecter et de protéger l'environnement.

Article 11.: Les activités minières et pétrolières qui ont pour conséquence la perte de droits d'usage pastoraux entraînent l'indemnisation ou la compensation des titulaires de ces droits.

Article 12 : L'espace pastoral constitué des couloirs de transhumance, de pistes à bétail, des aires de stationnement, des pâturages et des ouvrages hydrauliques ne peut faire l'objet d'une appropriation privée.

Article 13 : Les éleveurs ont droit, dans leurs déplacements, au respect de leur vie privée et de leurs biens, en particulier le bétail.

Article 14: Tout conflit susceptible d'être engendré par l'utilisation des ressources pastorales doit d'abord faire l'objet d'un règlement devant les instances ou institutions de proximité prévues à cet effet.

Article 15: Dans leurs .déplacements, les éleveurs ont une obligation permanente de surveillance et de contrôle de leur bétail. Ils veillent au respect des biens d'autrui dont les champs.

Article 16: il est interdit d'obstruer les couloirs de transhumance, les pistes à bétail et les voies d'accès à l'eau, identifiés, répertoriés et matérialisés, reconnus comme tels ou faisant l'objet d'un accord.

Article 17 : En tout endroit et à tout moment, les communautés pastorales et leurs organisations doivent être associées aux divers processus

décisionnels affectant les ressources pastorales d leur disposition.

TITRE 1i : DE LA GESTION DE L'ESPACE PASTORAL

Chapitre I : De la mobilité des animaux

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Section 1 : Des obligations de l'Etat et des Collectivités Territoriales Décentralisées

Article 18: L'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées ont l'obligation d'aménager des couloirs de transhumance pour assurer le déplacement du bétail entre les terroirs d'attache et les zones d'accueil. L'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées ont égaiement l'obligation d'aménager des voies d'accès du bétail aux pâturages, aux points d'eau, aux cures salées et aux marchés à bétail.

Article 19 : L'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées mettent en place des centres de secours en matière de santé et de sécurité le long des couloirs de transhumance, à proximité de grands marchés â bétail et dans les zones de concentration de bétail.

Article 20: L'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées aménagent des points d'eau et des aires de stationnement le long des couloirs de transhumance.

Section 2: De l'identification, de la délimitation et de la matérialisation des couloirs de transhumance et des pistes â bétail

Article 21 : Les couloirs de transhumance existants à la date d'entrée en vigueur de la présente loi doivent être recensés, réhabilités en priorité, et classés dans le domaine public national.

Article : Les pistes à bétail existantes â la date d'entrée en vigueur de la

présente loi doivent être recensées, réhabilitées en priorité, et classées dans le domaine public de la Région où elles se trouvent.

Article 23 : A la demande du Gouvernement ou des usagers, de nouveaux couloirs de transhumance peuvent être créés dans une Région selon un processus participatif impliquant les Conseils Régionaux, les Conseils Départementaux, les Communes, [es Communautés Rurales, les organisations professionnelles de pasteurs et les autorités traditionnelles.

Il revient au Conseil Régional, sollicité par le Ministère en charge de l'Elevage pour la création de couloirs de transhumance, après concertation avec les organes énumérés à l'alinéa précédent, de faire à l'Etat des propositions d'identification et de délimitation.

Sur la base de la délibération du Conseil Régional, le Gouvernement adopte par voie de décret les couloirs de transhumance qui lui sont proposés et procède à leur classement dans le domaine public national.

L'Etat veille à une bonne jonction, au plan national, des différents couloirs de transhumance.

5

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Un décret d'application détermine les modalités de consultation des différents organes précités.

Article 24 : A la demande du Gouverneur de Région, de nouvelles pistes â bétail peuvent être créées dans les Départements selon un processus participatif impliquant le Conseil Départemental, les Communes, les Communautés Rurales, les Organisations professionnelles et les Autorités Traditionnelles.

Il revient au Conseil Départemental sollicité par le Gouverneur, après concertation avec les organes énumérés à I'alinéa précédent, de faire au Gouverneur des propositions d'identification et de délimitation des pistes à bétail. Sur la base de la délibération du Conseil Départemental, le Gouverneur adopte par voie d'Arrêté la proposition d'identification et de délimitation des couloirs de transhumance.

Les autorités de la Région se substituent à tout Conseil Départemental qui n'a pu présenter dans les délais requis sa délibération relative à la proposition d'identification et de délimitation de pistes pastorales locales.

Le Gouverneur adopte par voie d'Arrêté les pistes à bétail qui lui sont proposées et procède à leur classement dans le domaine public régional.

Le Gouverneur veille à une bonne jonction, au plan régional, des différentes pistes à bétail.

Article 25 : L'Etat se substitue à tout Conseil Régional qui n'a pu présenter dans les délais requis sa délibération relative à la proposition d'identification et de délimitation de couloirs de transhumance.

Article 26 : Quelle que soit la région traversée, la largeur d'un couloir de transhumance ou d'une piste à bétail doit permettre tout ce qui est nécessaire pour en user, dont la fluidité dans la circulation des troupeaux.

E1rticle 27 : Tout document d'urbanisme ou d'aménagement du territoire ne saurait méconnaître l'existence d'un couloir de transhumance lorsque celui-ci traverse ou contourne une agglomération urbaine.

Article 28 : Dès lors que le couloir de transhumance a été crée, le Ministère en charge de l'Elevage procède sans délai à l'organisation de sa matérialisation.

Dés lors que la piste à bétail a été créée, les autorités de la Région procèdent sans délai à l'organisation de sa matérialisation.

Articje 29 : L'Etat a l'obligation de viabiliser les couloirs de transhumance et les pistes à bétail par des points d'eau, des aires de stationnement et des services sociaux de base dont la santé et l'éducation.

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Article 30 : L'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées veillent à la sécurisation des couloirs de transhumance à vocation transfrontalière.

Section 3 : Du régime juridique

Article 31 : Les couloirs de transhumance régulièrement classés dans le domaine public national et les pistes â bétail classées dans le domaine public de la Région sont inaliénables et imprescriptibles.

Lorsqu'un couloir de transhumance ou une piste pastorale locale fait l'objet d'un déclassement, il tombe dans le domaine privé de l'Etat ou de la Région selon le cas.

Article 32 : L'Etat et ses services déconcentrés en charge de l'élevage ont l'obligation de veiller à ce que les couloirs de transhumance et les pistes pastorales locales respectent leur destination.

Article 33: L'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées contribuent à la mise en place des mécanismes de gestion concertée des couloirs de transhumance et des pistes à bétail.

Chapitre II : Des aires de stationnement

Article 34 : Il revient à chaque Conseil Régional, après concertation avec les Conseils Départementaux et les Communautés Rurales traversées par un couloir de transhumance, d'identifier et de délimiter les aires de stationnement le long de ce couloir. Celles-ci relèvent de son domaine public.

Article. 35: La gestion des aires de stationnement relève du Conseil Régional par le biais de ses services techniques.

Article 36 : Le séjour sur une aire de stationnement est à titre temporaire. Le séjour sur une aire de stationnement ne crée aucun droit de propriété sur l'espace occupé ni sur la fumure laissée.

Article 37 : Toute aire de séjour doit être dotée des points d'eau, d'une école nomade et des services de santé humaine et animale mobiles.

Chapitre 1n: De l'insertion des transhumants dans les zones d'accueil

Article 38 : L'accueil des transhumants dans une zone d'accueil se fait sur la base des accords sociaux passés avec les populations autochtones dans le respect de leurs us et coutumes.

Article 39 : Lorsqu'ils transhument dans les zones qui ne leur sont pas familières, les éleveurs sont tenus de s'informer auprès des autochtones pour éviter de faire pâturer les animaux dans les sites sacrés et les aires protégées.

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Article 40 : L'accès aux points d'eau privés et communautaires dans une zone d'accueil se fait sur la base d'un accord avec les propriétaires ou les gérants. Une contribution à l'entretien des infrastructures peut être

demandée.

Article 41 : li est fait obligation aux services publics des zones d'accueil de garantir aux transhumants l'accès aux services sociaux de base notamment de santé humaine et animale et d'éducation.

Chapitre IV : De l'insertion des transhumants dans les zones agricoles

Aricle 42 : II est institué, pour prendre en compte la nécessité d'une bonne intégration entre l'agriculture et l'élevage, un système de fermeture et de libération des champs de cultures pluviales en zone agricole.

Les dates de fermeture et de libération des champs sont déterminées dans chaque Région par un Arrêté du Gouverneur après concertation avec le Conseil Régional, le Conseil Départemental, les Communes, les Communautés Rurales, les Organisations Professionnelles d'agriculteurs et

d'éleveurs.

Article 43:1! est fait obligation aux agriculteurs de clôturer à tout moment les parcelles maraîchères.

Article 44: Dans les zones de culture de décrue, les agriculteurs et les éleveurs ont l'obligation de veiller à leurs champs et animaux de jour et de

nuit.

Article 45 : L'agriculteur qui souhaite bénéficier de la fumure des animaux peut autoriser le parcage dans son champ.

Chapitre V : De l'hydraulique pastorale

Article 4 a : Les normes de maillage à observer dans l'implantation des puits pastoraux sont les suivants :

- En zone saharienne : 50 kilomètres entre deux points d'eau ;
- En zone sahélienne : 25 kilomètres entre deux points d'eau ;

- En zone soudanienne : 25 kilomètres entre deux points d'eau.

Article 42: Les ouvrages d'hydraulique pastorale sont constitués :

- des puits à usage pastoral, publics ou forés à l'initiative des communautés et des personnes de bonne volonté ;

- des stations de pompage ;

- des mares à vocation pastorale spécialement aménagées à cet effet.

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Article 48 ; Afin de sécuriser la mobilité du bétail transhumant ou d'ouvrir de nouveaux pâturages inexploités par manque de points d'eau, l'Etat a l'obligation de creuser des mares à vocation pastorale.

Article 49 : Il est interdit d'implanter des villages sédentaires dans la zone d'emprise des points d'eau pastoraux énumérés aux articles 47 et 48.

TITRE Ill : DES DROITS D'ACCES AUX RESSOURCES PASTORALES

Article 50 : Les éleveurs ont le droit d'accéder et d'exploiter librement les ressources pastorales situées dans les zones pastorales pour l'alimentation de leurs animaux.

Dans les zones non pastorales, ils peuvent accéder à ces ressources dans les règles et les conditions prévues par la réglementation en vigueur.

L'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées assurent l'accès équitable aux points d'eau aménagés.

Chapitre I : De l'accès â l'eau

Article 51 : Les eaux relevant du domaine public naturel de l'Etat, à savoir les cours d'eau permanents ou non, les lacs, les mares et sources, sont accessibles sans restriction au bétail à travers des pistes à bétail ou des servitudes librement consenties par les riverains ou résultant d'un accord avec les organisations d'éleveurs, et sans perception de taxe ou de redevance.

Les éleveurs utilisateurs des eaux relevant du domaine public naturel sont tenus de s'en servir rationnellement dans le respect des droits des autres usagers.

Article 52 : Les mares à vocation pastorale creusées dans les conditions définies à l'article 48 sont à l'usage exclusivement pastoral. Elles ne sauraient être exploitées à d'autres fins.

Article 53 : Les puits traditionnels, réputés appartenir à une communauté, ne sont accessibles au bétail qu'avec l'autorisation des représentants de cette communauté. Il en est de même des puits privés.

Article 54 : Les ouvrages hydrauliques réalisés sur financement public ou à l'initiative d'une Organisation Internationale, d'une Organisation Non Gouvernementale, d'un donateur privé sont à l'usage de tout éleveur pour l'abreuvement de son troupeau, dans le respect des règles et conditions en vigueur.

Article 55 : L'Etat a l'obligation de préserver l'usage multifonctionnel des ouvrages de retenue des eaux de ruissellement en zone pastorale.

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Article 56 : Tout usager d'un point d'eau a l'obligation de l'entretenir.

Article 57: Les bénéficiaires des points d'eaux aménagés peuvent

participer au frais d'entretien selon les modalités définies d'entente partie avec tous les utilisateurs et les autorités décentralisées.

Article 58: Les Collectivités Territoriales Décentralisées, les services déconcentrés de l'Etat, les autorités traditionnelles et les organisations d'éleveurs, d'agriculteurs et de pêcheurs, le cas échéant, apportent leur concours pour la mise en place des comités de gestion de points d'eau afin de réduire ies conflits entre les différents usagers.

Article 59: Les eaux de pluie peuvent être recueillies par tout occupant d'une aire de stationnement, d'un campement ou de tout espace pour l'abreuvement du bétail.

Article 60 : Les communautés Rurales, en concertation avec les services déconcentrés du Ministère en charge de l'élevage, du Ministère en charge de l'Environnement et du Ministère en charge de l'Aménagement du Territoire, les Organisations d'éleveurs, d'agriculteurs et de pêcheurs, délimitent, en cas de nécessité, dans les eaux de surface, des zones exclusivement réservées aux activités de pêche.

Chapitre lI : De l'accès aux pâturages

Article 61 : L'accès aux ressources Fourragères est libre sous réserve du respect des droits des autres usagers.

Article 6Z : L'accès aux résidus culturaux au profit des éleveurs est régi par les accords et alliances sociaux ainsi qu'au respect du calendrier de libération de champs.

Article 43 : Les champs mis en jachère ne peuvent être accessibles au bétail, qu'avec l'accord express de leurs propriétaires.

ArtisgAcents : Le pâturage dans une forêt privée se fait avec l'accord de son propriétaire.

Article 65 : L'accès du bétail dans les zones insulaires se fait sur la base des accords sociaux existants entre les parties concernées.

Article 66 : Le pâturage peut-être momentanément suspendu par décision du sous-préfet territorialement compétent, sur proposition d'une Communauté Rurale, sur un périmètre bien défini pour permettre la coupe de paille et l'élagage des arbres aux fins de coffrage des puits traditionnels et de construction d'habitation.

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Article 67: Aucune autorité administrative, traditionnelle ou militaire n'est autorisée à percevoir une taxe ou une redevance liée à l'utilisation des pâturages.

Chapitrent : De l'accès aux cures salées

Article 68: Les cures salées réputées n'appartenir à aucune personne publique ou privée sont accessibles sans restriction au bétail.

Article 69 : Les cures salées placées sous la gestion d'une communauté ne sont accessibles au bétail qu'avec l'accord de celle-ci.

Article 70 : Les cures salées qui entrent dans le patrimoine privé d'un particulier ne sont accessibles au bétail qu'avec l'autorisation de son propriétaire.

Chapitre 1V : De l'accès aux aires protégées.

Article 71: En cas de crises pastorales aiguës, l'Etat à l'obligation de mobiliser toutes les ressources nationales pour y faire face.

Un décret d'application pris en conseil de ministre précisera à titre exceptionnel les modalités d'accès aux aires protégées.

TITRE IV : DES DROITS ET OBLIGATIONS DES PASTEURS, DES PROPRIETAIRES DE CAPITAL-BETAIL ET DES BERGERS

Chapitre I : Du Pasteur

Article 7Z : L'Etat a l'obligation d'assurer la sécurité du pasteur et de ses biens.

Article 7a.: L'Etat a l'obligation d'adapter les dispositifs nationaux de prévention et de gestion de crises résultant de la sécheresse, de la famine, des épizooties et épidémies aux particularités des communautés pastorales.

Artiçle 74: Les pasteurs sont obligatoirement impliqués dans les concertations touchant à la gestion des ressources pastorales.

Chapitre ll : Des propriétaires du capital-bétail

Article 75 : Le propriétaire de capital-bétail dispose des mêmes droits et devoirs que le pasteur dans l'accès aux ressources pastorales.

Article 76: Le propriétaire de capital-bétail, qui ne participe pas à la transhumance, est dans l'obligation de désigner parmi les bergers conduisant le troupeau son mandataire en mesure de le représenter dans les actes civils et dans toutes les procédures devant les instances de concertation, de conciliation ou devant la justice. Il s'agit d'un mandat express susceptible d'être présenté à tout moment.

ll

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Chapitre lu : Du berger

Article 77 : Nul ne peut être recruté comme berger avant l'âge de dix huit ans révolu.

Article 78 : La rémunération du berger doit résulter d'un accord librement conclu avec le propriétaire du capital-bétail dans le respect de la législation en vigueur en matière d'emploi de la main d'oeuvre.

Article 79 : Le berger, qu'il soit recruté par un propriétaire de capital-bétail ou employé dans le cadre d'une exploitation familiale, a droit à un traitement humain.

Article 80: Le berger salarie a l'obligation de conduire le troupeau en toute responsabilité et de lui apporter tous les soins nécessaires.

TITRE V : DES ORGANISATIONS PASTORALES

Article 81~: Les organisations pastorales sont membres de droit de toutes les instances paritaires mises en place au niveau local, régional ou national pour assurer la gestion des ressources pastorales.

Article 82: Les organisations pastorales et leurs structures faîtières bénéficient des programmes de renforcement des capacités basés notamment sur la formation, l'appui à la dynamique organisationnelle et le développement d'échanges d'expériences.

TITRE VI: DE LA PREVENTION, DE LA GESTION ET DU REGLEMENT DES CONFLITS LIES AUX RESSOURCES NATURELLES

Chapitre 1 : De la prévention des conflits

Article $3 : Les instances traditionnelles communautaires constituent les cadres privilégiés pour la prévention, la gestion et le règlement à l'amiable des conflits liés à l'utilisation des ressources naturelles.

Article 84: L'Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées encouragent, en cas de nécessité, la création de cadres de concertation intercommunautaire regroupant les représentants ou association d'agriculteurs, d'éleveurs et de pêcheurs le cas échéant.

Les instances de concertation développent une politique tendant :

à l'instauration d'une culture de paix entre tous les utilisateurs des ressources naturelles ;

à une cohabitation pacifique ;

au respect des us et coutumes des populations des zones d'accueil et d'attache ;

12

125

- au respect du calendrier de fermeture et de libération des champs ;

- à faciliter l'insertion des éleveurs transhumants dans les zones d'accueil et d'attache.

Elles peuvent faire des propositions pour une meilleure organisation de l'espace pastoral et une meilleure gestion des ressources naturelles entre les éleveurs, les agriculteurs et les pêcheurs.

Elles mènent des campagnes de sensibilisation sur le droit en vigueur en matière de pastoralisme.

Article 85: Les instances de concertation peuvent élaborer des conventions locales de gestion concertée des ressources naturelles servant de cadre pour un règlement de conflits.

Chapitre ll : Du règlement de conflits

Article 86 : Dans tout conflit relatif à l'utilisation des ressources pastorales où il n'y a pas atteinte à l'ordre public, la recherche d'une conciliation doit être privilégiée.

Article 87 : La procédure de conciliation se fait soit devant les instances communautaires traditionnelles soit devant les structures mises en place dans le cadre d'une convention locale de gestion de ressources naturelles.

Article 88 : Tout litige ayant abouti à une conciliation entre les parties doit être considéré comme définitivement réglé ; un procès-verbal est dressé à titre de constat.

Article : Dans tout conflit lié à l'utilisation des ressources naturelles, il

n'est fait recours qu'aux juridictions compétentes qu'en cas d'échec de la procédure de conciliation.

Article 90. : Le droit commun de la responsabilité civile est celui applicable pour le Règlement des litiges résultant du fait personnel ou pour les dommages causés par les animaux.

Chapitre Ill : Des infractions et sanctions

Article 91 : Constituent un délit au sens de la présente loi et est puni d'un emprisonnement de un (1) mois à six (6) mois, d'une amende de 50.000 à 200.000 franc :

- Tout acte de cruauté en vers un animal pour avoir divagué dans un champ ou pour s'être abreuvé dans un point d'eau faisant partie d'une propriété ;

- Le fait d'avoir volontairement fait paltre le bétail dont on a la garde dans un champ, une parcelle maraîchère et verger;

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- Les auteurs des obstructions volontaires des pistes à bétail, des couloirs de transhumance et des voies d'accès à l'eau ;

- Ceux qui auront volontairement conduit le troupeau sur un site sacré ;

- Ceux qui auront volontairement laissé le troupeau détruire les filets de pêche dans des zones réservées à cet effet ;

- Ceux qui auront installé les filets de pêche dans des zones réservées à l'abreuvement du bétail.

Article 92 : Constitue un délit au sens de la présente loi et est puni d'un emprisonnement de un(1) â trois (3) ans et d'une amende de 200.000 à 500.000 francs :

le fait d'incendier volontairement une zone de pâturage ; l'utilisation des produits toxiques empoisonnant les eaux d'abreuvement et le pâturage ;

toute destruction des infrastructures pastorales, notamment les ouvrages hydrauliques ;

tout traitement dégradant de bergers salariés.

TITRE Vll : DES DISP0SITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 93 : En attendant la mise en place et le fonctionnement des organes délibérants des Collectivités Territoriales Décentralisées, à savoir le Conseil régional, le Conseil Départemental, les Communautés Rurales, leurs attributions, dans le cadre de cette loi, sont exercées par les services déconcentrés de l'Etat.

Article 94 : l'Etat a l'obligation d'accompagner l'évolution de l'élevage pastoral vers l'élevage moderne.

Article 95 : Les modalités d'application des dispositions de la présente loi sont fixées par décret pris en conseil des Ministres sur proposition du Ministre en charge de l'Elevage et de l'Hydraulique.

Article 96: La présente Loi abroge toutes dispositions contraires notamment la Loi N° 04 du 31 Octobre 1959, sera enregistrée, publiée au journal Officiel de la République et exécutée comme Loi de l'Etat.

N'Djamena, le

IDRISS DEBY ITNO

14

Annexe 8 : Attestation de stage

UNITE - TRAVAIL- PHOGREN

REPUBLIQUF Di; TCHAD

Conseil Militaire dc Transition

Présidence du Consed

Pritnature

Nlinisrere de l'Administration du Territoire Et dei la Décentralisation

Province du Mayo-liebbi ouest Secrétariat General

No0, PCMn' /PM/MATH /PM1{o/SC3 /soV t

ATTESTATION DE FIN

/E,

Je soussigné HASSANE Province du \la)'o-Kebbi Ducs SALEI [ SOULEYMANE, F Locale, Décentralisation l'Université de Dschan Académique d'un (01)

luverneur de la , Monsieur ALI outi-ernance entent à

1) a suivi un Stage de notre institution.

En foi de quo' .rë- attestation de fin de stage lui

eur

Le G

19 Mai 20l1

HASSANE S

127

INE

est établie pour : e r ce que de droit.

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128

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V- ARTICLES

- ARTIDI (Claude), « Les enfants bouviers » du sud du Tchad, nouveaux esclaves ou apprentis éleveurs ?, Cahiers d'Etudes africaines, Volume 45, Cahier 179/180, 2005, pp. 713-729 ;

- DONGMO (Aimé Landry), HAVARD (Michel), MBIANTOUM (Mathurin), NJOYA (Aboubakar) (dir), Responsabilité sociétale et étatique dans la gestion des terroirs et des relations agriculture - élevage au Nord - Cameroun : vers un cadre de concertation, Yaoundé, Revue Scientifique de l'IRAD, 2007, pp. 8-85 ;

- ELODIE (Robert), Les zones pastorales comme solution aux conflits agriculteurs/pasteurs au Burkina Faso : l'exemple de la zone pastorale de Doubégué, Dynamiques des campagnes tropicales, Cahiers d'Outre-Mer, 2010, pp. 47-71 ;

- GILG (Jean-Paul), Mobilité pastorale au Tchad occidental et central, Paris, in les Cahiers D'ETUDES AFRICAINES, École Pratique des Hautes Etudes - Sorbonne, sixième section des sciences économiques et sociales, 1963, pp. 491-510 ;

131

- JACQUINOT (Nathalie), Le juge administratif et la sécurité des personnes et des biens, in : Qu'en est-il de la sécurité des personnes et des biens ? Mutations des Normes Juridiques n° 7, Presses de l'Université de Toulouse 1 Capitole, 2008, 91-105 ;

- KONARE (Daouda) et COULIBALY (Mamadou) (dir), Evaluation des Impacts de la Transhumance sur les Ressources Pastorales au sud du Mali dans la Commune Rurale de Dabia (Cercle de Kéniéba), European Scientific Journal Edition, Volume 15, N° 21, 2019, pp. 202-227 ;

- MOHA (Mahaman), Les relations entre agriculteurs et éleveurs en contexte de crise alimentaire à Roumbou-Sakabal, Pais, Afrique Contemporaine, 2008/1 N° 225, pp. 137-

159 ;

- THOENING (Jean-Claude), L'action publique locale entre autonomie et coopération, Quel avenir pour l'autonomie des collectivités locales ?, Caisse de Dépôts (dir), Éditions de l'Aube, 1999, pp. 103-128.

VI- TEXTES JURIDIQUES

- Code civil du Tchad ;

- Code pastoral du Tchad ;

- Code pénal du 9 juin 1967 ;

- Constitution de la République du Tchad ;

- Convention de la Communauté Economiques du Bétail, de la Viande et des Ressources

Halieutiques (CEBEVIRHA) de la CEMAC ;

- Convention du 28 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ratifié par le Tchad par

ordonnance N° 018/PR/90 du 28 juillet 1990.

- Convention locale de gestion des couloirs de transhumance dans la partie ouest de la

réserve de faune Binder-Léré de juillet 1995 ;

- Convention régissant l'Union Economique de l'Afrique Centrale du 5 juillet 1994 ;

- Législation foncière de juillet 1967 ;

- Loi n°4 du 31 octobre 1959 portant réglementation du nomadisme sur le territoire de la

République du Tchad ;

- Loi N° 019/PR/2019 portant ratification de l'ordonnance n°043/PR/2018 du 31 Août

2018 portant orientation Agro-Sylvo-Pastorale et Halieutique ;

- Loi n° 14/PR/98 du 17 août 1998 définissant les principes généraux de la protection de

l'environnement ;

132

- Loi n°14/PR/2008 du 10 juin 2008 portant régime des forêts, de la faune et des ressources halieutiques.

- Loi n°33/PP/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l'Etat et les Collectivités Autonomes ;

- Ordonnance N° 038/PR/2018 portant création des Unités Administratives et des Collectivités Autonomes ;

- Ordonnance N° 04/PR/2008 portant Statuts et Attributions des autorités traditionnelles et coutumières ;

VII- RAPPORTS D'ACTIVITES ET D'ÉTUDES

- AMADA (Kennedy), « Renforcement des capacités des systèmes d'alerte précoce et de réaction rapide au niveau local tout en garantissant la participation des leaders traditionnels, des femmes et des jeunes à travers une formation en analyse et rapportage », Activité 1.3.1 du projet « soutenir les mécanismes de consolidation de la paix au niveau communautaire et l'inclusion des jeunes dans les zones situées à la frontière entre le Cameroun et le Tchad», Mai 2019, 61 p ;

- DJIRE (Moussa), « les Conventions Locales au Mali : outils de gestion durable des ressources naturelles », Rapport de Réussir la décentralisation, Bamako, octobre 2003, 89 p ;

- FERRARI (Florence) et ALHASCARI (Solkem), « Gestion des ressources naturelles et gestion des conflits sur les ressources naturelles : quelles améliorations possibles ? », étude réalisée dans le cadre du Projet d'appui à la prévention des conflits et à la coexistence pacifique au Tchad, septembre 2016, 31 p ;

- IGAD, Projet Cartographie, évaluation et gestion des ressources en eaux transfrontalières dans la sous-région IGAD, Tome II, Composante socioéconomique, décembre 2011 ;

- KOUSSOUMNA LIBA'A (Natali), « Etude sur les conflits agro-pastoraux dans les régions camerounaises du Nord, Adamaoua et Est », Rapport final pour le compte du Groupe de la BAD, le HCR et la Fédération Luthérienne Mondiale, Maroua, août 2016, 129 p ;

- MARTY (André), SOUGNABÉ (Pabamé), DJATTO (Djonata) et NABIA (Aché), « Causes des conflits liés à la mobilité pastorale et mesures d'atténuation », Rapport d'étude régie par la convention CDT 3000 et financé par la République du Tchad et l'Agence Française de Développement, N'Djamena, juin-septembre 2010, 123 p ;

133

- OCEDE, « Défis au Sud », Rapport de la Commission du Sud, Paris, Économica, 1990, Rapport de l'OCDE/CAD, Paris, 1994, 334 p ;

- République Démocratique du Congo, « Projet d'Appui au Développement Intégré de l'Economie Rurale », par le Groupe d'Etudes et d'Interventions, septembre 2019, 22 p ;

- République Démocratique et Populaire d'Algérie, Rapport du projet : « Développement Local et Démocratie Participative Capdel », 2016, 88 p ;

- République Populaire et Démocratique d'Algérie, Rapport de clôture du Programme de Développement Intégré des Provinces de Taounate, Al Hoceima, Chefchaouen, Tetouan et Larache ; 2009-2011, 40 p ;

- République du Tchad, « Elevage pastoral : une contribution durable au développement et à la sécurité des espaces sahelo-sahéliens », Ndjamena (Tchad), Actes du Colloque, 27-29 mai 2013, 162 p ;

- République du Tchad, Rapport de la Commission Développement Rural et Environnement de l'Assemblée du Tchad, 7 novembre 2014, 34 p ;

- Réseau Ouest-Africain pour l'Edification de la Paix, « Atténuer les conflits agropastoraux en Afrique de l'ouest : La nécessité de réviser les moyens d'actions pour l'application effective des recommandations », rapport thématique, Avril 2020, 8 p.

VIII - COURS POLYCOPIÉS

- KEUTCHEU (Joseph), Cours de « Développement Local et Gestion de l'Interculturalité », Master II Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement, Université de Dschang, janvier 2021, inédit ;

- KEUTCHEU (Joseph), Cours d' « Etude d'impact, audit et bilan des projets et des actions de développement », Master II Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement, Université de Dschang, novembre, 2020, inédit ;

- KEUTCHEU (Joseph), Cours de « Méthodologie de rédaction d'un mémoire », Master II « Gouvernance Décentralisation et Développement », Université de Dschang, juin 2021, inédit ;

- NKOT (Fabien), Cours de « Méthodes en Science Politique », Master I, Université de Yaoundé II-SOA, 2019/2020, inédit ;

- TALLA (Marius), Cours de « Marketing des projets de développement et techniques de Plaidoyer », Master II Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement, Université de Dschang, juin 2021, inédit ;

134

- YEBEGA NDJANA (Nicolas), Cours de « Sociologie des conflits », Master I-Stratégie, Défense, Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes au Centre de Recherche d'Etudes Politiques et Stratégiques, Université de Yaoundé II-SOA, 2019-2020, inédit.

IX - WEBOGRAPHIE

- Banque mondiale, « La gouvernance collaborative », site de la Banque Mondiale, [En ligne], http://www.worldbank.org/wbi/gouvernance/fra/about-f.htm#approach , consulté le 23 novembre 2020 ;

- Banque mondiale, « Tchad - Vue d'ensemble », site de la Banque Mondiale, [En ligne] disponible sur www.banquemondiale.org/fr/contry/chad/overview#1 ; consulté le 24 mai 2021 ;

- BARMA (Yacouba), « La mauvaise gouvernance freine le développement en Afrique », [En ligne] https://latribune.fr ; consulté le 27 décembre 2020 ;

- BLANCFORT (Vincent), « Impact des systèmes d'élevage pastoraux sur la séquestration du carbone (C) en milieux tropicaux semi-arides - cas du Ferlo sénégalais », 2011 [En ligne] disponible sur http://www.supagro.fr ; consulté le 24 avril 2021 ;

- Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale, « Conflits et développement : un défi pour la réalisation des Objectifs du Millénaire, Document d'information, Domaine prioritaire pour une action interdisciplinaire : Prévention, atténuation des catastrophes et plans d'intervention, secours et redressement après une situation de crise (DPAI-REHAB) », trente-et-unième session, Evénement spécial : Incidence des conflits et de la gouvernance sur la sécurité alimentaire et rôle et adaptation de la FAO à l'appui de la concrétisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, du 23 au 26 mai 2005, [En ligne]PDF disponible sur http://www.fao.org ; consulté le 26 mai 2021 ;

- DEHAIS (Fréderic) et PASQUIER (Philippes), « conflit : vers une définition générique », 2000 [En ligne] PDF disponible sur http://oatao.univ-toulouse.fr consulté le 8 juin 2021 ;

- HIYA MAIDAWA (Moustapha), BOUBACAR (Yamba), LEBAILLY (Philippe) et LUDOVIC (André) (dir) ; « Mobilité pastorale au Sahel et en Afrique de l'Ouest : essai de synthèse », Journée Scientifique de l'Université Abdou Moumouni de Niamey, janvier 2016, [En ligne] PDF disponible sur http://hdl.handle.net/2268/194584, consulté le 6 avril 2021 ;

135

- Journal le Sahel, « Fini l'hypocrisie et les intentions masqués ? Les agendas cachés sortent du terroir des politiciens », [En ligne] disponible sur www.lesahel.td ; consulté le 30 mai 2021 ;

- Le bloc du management et développement personnel, « Les secrets d'une communication

efficace ! » [En ligne] sur www.management.efe.fr/2016/12/19/secrets-dune-
communication-efficace/ 19 décembre 2016, consulté le 13 juin 2021 ;

- LEBLON (Anaïs), « Le patrimoine pastoral au prisme de la décentralisation politique », Géographie et cultures, 79/2011, [En ligne] depuis le 25 février 2013, https://journals.openedition.org/gc/362 ; consulté le 17 janvier 2021 ;

- LIVEMOIS (Cynthia Colas), « Réflexion sur les avantages et désavantages des modes de règlements de différends offerts par le CRDSC » juin 2015, [En ligne] PDF disponible sur http://www.crssc-sdrcc.ca, consulté le 21 juin 2021 ;

- ONU, Journée Internationale du vivre-ensemble en paix 16 mai, [en ligne] disponible www.un.org/fr/obdervances/living-in-peace-day, [En ligne] consulté le 18 juin 2021 ;

- Union Européenne, « Gouvernance européenne : un livre blanc », site officiel de la

Commission Européenne, [En ligne], disponible sur http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2001_0428fr01.pdf, consulté le 23 novembre 2020 ;

- United Nations, Gouvernance for sustanaible human developement, site du PNUD, [En ligne] disponible sur http://mirror.undp.org/magnet/policy/chapter1.htm#b consulté le 23 novembre 2020.

X- AUTRES

- Compte rendu de la première réunion annuelle régionale de sécurité dans la région du Mayo-Kebbi Ouest, mars 2017, 14 p ;

- Document MEC, Programme visant l'amélioration des relations et la résolution des conflits entre éleveurs et cultivateurs au Tchad, 2007, 89 p ;

- Recensement général de l'élevage de la République du Tchad du mai 2018 ;

- Rapport de synthèse sur la situation des droits de l'homme et de la cohabitation pacifique du Mayo-Kebbi Ouest, rédigé par la Délégation provincial des droits de l'homme de ladite province ;

- Répertoire de foyers de conflits, des violations des droits humains et quelques pistes de solutions, 6 p.

136

TABLE DE MATIERE

SOMMAIRE viii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

I. CONTEXTE DU SUJET 2

II. CLARIFICATION DES CONCEPTS DU SUJET 4

1. Impact 4

2. Conflit 5

3. Mobilité pastorale 7

4. Gouvernance 8

5. Développement 10

III. CONSTRUCTION DE L'OBJET DE L'ÉTUDE 12

1. Délimitation de l'étude 12

a. La délimitation matérielle 12

b. La délimitation temporelle 12

2. La justification du choix de l'étude 13

3. L'intérêt du sujet 13

IV. PRÉSENTATION DU LIEU DE STAGE : LE GOUVERNORAT DE LA

PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST 14

V. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE 18

A. LA REVUE DE LA LITTÉRATURE 18

B. LA PROBLÉMATIQUE 24

1.Problème 25

2.Questions de recherche 25

a. Question principale de recherche 25

b.Questions secondaires de recherche 25

3 .Hypothèse 26

a. Hypothèse principale 26

b. Hypothèses secondaires 26

C. CADRE THÉORIQUE 26

D. LA MÉTHODE DE RECHERCHE 28

E. LES TECHNIQUES DE RECUEIL ET D'ANALYSE DES DONNÉES 31

1. Les techniques de recueil de données 31

a. 137

La technique documentaire 31

(i) Les documents écrits 31

(ii). Les documents électroniques 31

b. La technique de terrain 32

2. Les techniques d'analyse des données 33

F. L'ARTICULATION DU TRAVAIL 33

PREMIÈRE PARTIE : 34

LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE SUR LE

DÉVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE 34

CHAPITRE I : 36

LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE SUR LE

DÉVELOPPMENT DE LA PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST 36
SECTION 1 : LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ SUR LE

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA PROVINCE 37
PARAGRAPHE I : LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE 38

A. La détérioration de l'environnement 38

B. La destruction des champs 41
PARAGRAPHE II : LES CRIMES ET CRUAUTÉS SUR LES ANIMAUX ET LA DÉTÉRIORATION DES TERMES D'ÉCHANGE ENTRE LES AGRICULTEURS ET LES

ÉLEVEURS 43

A. Les crimes et cruautés sur les animaux 44

B. La détérioration des termes d'échange entre les agriculteurs et les éleveurs 46
SECTION 2 : LES IMPACTS SOCIAUX DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ

PASTORALE 47

PARAGRAPHE I : LES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS 47

A. Les blessures et les pertes en vie humaine 48

B. Les autres violations des droits humains 49
PARAGRAPHE II : LA MISE EN MAL DE LA SÉCURITÉ DES PERSONNES DANS LA

PROVINCE ET LA DÉSORGANISATION SOCIALE DES PASTEURS 53

A. La mise en mal de la sécurité des personnes dans la province 53

B. La désorganisation sociale des pasteurs 55

CONCLUSION DU CHAPITRE I 56

CHAPITRE II : 57

138

LES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITE PASTORALE, EFFETS DE LA MAUVAISE

GOUVERNANCE 57

SECTION 1 : POLITISATION ET MAUVAISE GESTION DES CONFLITS 58

PARAGRAPHE I : POLITISATION DES CONFLITS 58

A. La bipolarisation des conflits en clivage nord/sud et musulman/chrétien 58

B. Des conflits maintenus par le soutien des élus locaux, des hommes politiques et des

hommes d'affaires 60

PARAGRAPHE II : MAUVAISE GESTION DES CONFLITS 61

A. Le flou au tour des acteurs des conflits 61

B. La corruption et les fortes amendes lors de règlement des conflits 62
SECTION 2 : PLURALITÉ DES INSTRUMENTS JURIDIQUES DANS LA GESTION

DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE 64

PARAGRAPHE I : LES DIFFÉRENTS DROITS EN VIGUEUR 64

A. Le droit moderne 64

B. Le droit coutumier et le droit musulman 66

PARAGRAPHE II : LA COHABITATION ET LES CONFLITS DES DROITS 67

A. La cohabitation des droits 67

B. Les conflits des droits 68

CONCLUSION DU CHAPITRE II 70

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 71

SECONDE PARTIE : 72

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE 72

CHAPITRE III : 74

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE AU NIVEAU DE L'ÉTAT 74
SECTION 1 : SOUTENIR UNE GESTION CONSENSUELLE ET DÉCENTRALISÉE DE

L'ESPACE AGROPASTORAL ET DES CONFLITS 75

PARAGRAPHE I : LE ZONAGE DE L'ESPACE 76

A. Consistance du zonage 76

B. L'implication des populations dans le zonage 77
PARAGRAPHE II : GESTION CONSENSUELLE DES CONFLITS LIES A LA MOBILITE

PASTORALE 78

A. Privilégier le règlement des conflits à l'amiable 78

139

B. Renforcer les capacités des autorités traditionnelles et coutumières pour la gestion des

conflits 79

SECTION 2 : AMÉLIORATION DES MECANISMES DE GESTION DES CONFLITS 81

PARAGRAPHE I - AMÉLIORATION DES TEXTES EN VIGUEUR 81

A. Réviser le code pastoral 81

B. Appuyer l'élaboration des codes locaux 84
PARAGRAPHE II : HARMONISATION DES TEXTES RÉGISSANT LE MONDE RURAL ET DÉTERMINATION DU CHAMP D'INTERVENTION EXACT DES ACTEURS DE

L'APPLICATION DE CES TEXTES 85

A. Harmonisation des textes en vigueur dans le monde rural 85

B. Déterminer le champ d'intervention exact des acteurs d'application du droit dans le

monde rural 86

CONCLUSION DU CHAPITRE III 88

CHAPITRE IV : 89

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA

MOBILITÉ PASTORALE DANS LA PERSPECTIVE DE LA DÉCENTRALISATION 89
SECTION 1 : MISE SUR PIED D'UN SYSTÈME COMMUNAUTAIRE D'ALERTE

PRÉCOCE 90

PARAGRAPHE I : LA COMMUNICATION LORS DES ALERTES 90

A. Efficacité de la communication 90

B. Les moyens de communication 91
PARAGRAPHE II : CONNAISSANCE DES RISQUES ET LES MESURES

D'INTERVENTION À ADOPTER 92

A. Connaissance des risques 92

B. Les mesures d'intervention 93
SECTION 2 : MISE EN PLACE D'UN PLAN DE COMMUNICATION, DE

SENSIBILISATION ET D'ÉDUCATION 93

PARAGRAPHE I : LE PLAN DE COMMUNICATION 94

A. Promouvoir et restaurer un climat de paix civile entre agriculteurs et éleveurs 94

B. Encourager le vivre-ensemble 95

PARAGRAPHE II : LE PLAN DE SENSIBILISATION ET D'ÉDUCATION 96

A. Sensibilisation et éducation des populations concernées 97

B. Création des plates-formes de cohabitation 98

CONCLUSION DU CHAPITRE IV 99

140

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 100

CONCLUSION GÉNÉRALE 101

ANNEXES 104

LISTE DES ANNEXES 104

BIBLIOGRAPHIE 105






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle