WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Contribution d'une éthique de la discussion et de l'action à  la lutte contre la pauvreté à  l'échelle planétaire

( Télécharger le fichier original )
par Jean Barnabé Milala Lungala
Université de Kinshasa - Diplôme d'études supérieures(DES) 2005
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

UNIVERSITE DE KINSHASA

Faculté des Lettres et sciences Humaines

Département de philosophie

La contribution d'une éthique de la discussion et de l'action à la lutte contre la pauvreté à l'échelle planétaire

Par l'Assistant

Jean-Barnabé Milala Lungala

Travail de fin d'étude présenté en vue de l'obtention de titre de Diplômé d'études supérieures.

Directeur : Professeur Mutunda Mwembo

Année académique 2003-2004

REMERCIEMENT

Je remercie Dieu notre Père Céleste, Père de Jésus-Christ Notre Seigneur et Sauveur.

Je remercie particulièrement le Professeur Mutunda Nwembo pour la direction de ce travail.

Que tous les Professeurs qui m'ont formé trouvent ici l'expression de ma profonde reconnaissance. Les Professeurs Gambembo Fumu Wa Utadi, Kinyongo Geki, Mutuza Kabe, Tshiamalenga Ntumba,Elungu Pene Elungu, Mbambi Monga, Okolo Okonda, Mbolokala Imbuli, Ngwessia, Nzege Alaziamina, N'kwasa Bupele, Mbongopasi, Ngoma Binda, Mayola Mavunza, Kamwuiziku Wonzol et Mpoyi.

DEDICACE

Je dédie ce travail à ma femme Arlette Bongondo Kumbi

Pour tant d'amour et de soutien

A mon frère Kanyambu Kalama

Grâce à qui j'ai reçu la parole de Dieu droitement divisée

Et connu le ministère de la Voie internationale.

A mon regretté grand frère Tshimuanga Kalama

Que je reverrai au retour du Christ

Qui nous a laissé Arely Ekole Ntumba.

INTRODUCTION

1. Problématique.

La validité rationnelle universelle intrinsèque du Programme de lutte contre la pauvreté et son acceptabilité rationnelle, sa légitimité de principe, ne peuvent être d'office acquises sans un examen attentif de sa justification et de l'analyse des conditions de son application. Une telle objection exige un examen des présupposés empiriques, liés au processus des « conditions modernes »générales d'une part, et d'autre part, des présupposés internes d'un Etat tel qu'il doit être, qui appellent des normes éthiques de justice politique et d'un choix motivé d'un Projet de vie commune obligatoire d'un Etat moderne et complexe.

Une telle problématisation s'impose tant que le Programme de lutte contre la pauvreté gît dans une conditionnalité exprimée dans une proposition telle : « Pour toute forme de coopération multilatérale et bilatérale, ce Programme s'applique ou rien d'autre ». Un Etat démocratique poursuit toujours déjà nécessairement les objectifs de lutte contre la pauvreté dans le sens très extensif de ce terme tel qu'il englobe tous les secteurs de la vie. Y a- t-il une différence principielle entre un Etat cabré sur un Programme de cette nature et un Etat traditionnel ? Quel est le contenu civique et moral d'un tel Programme ? Quels sont les fondements de la validité, sinon la justification d'une telle théorie de lutte contre la pauvreté ? Est-ce pour des raisons morales ou stratégiques ou même idéologiques ? Les conditions de partenariat sont -elles justes et équitables ? Sinon faut-il partir des conditions équitables d'un partenariat juste et inégalitaire ? Pouvons - nous avoir une interprétation légitime de la dynamique de l'évolution des sociétés préindustrielles comme les nôtres vers des sociétés post-industrielles ?

L'éthique de la discussion concerne l'acceptabilité rationnelle motivée et la validité justifiée de la nécessité de la mise en oeuvre d'un tel Projet de vie,étant donné l'existence supposée des projets de vie concurrentiels.

Par delà l'extension possibles des pressuposés d'une théorie de l'éthique de la discussion elle-même (la socialité, l'égalité des partenaires dialogaux en ce qui concerne tant le devoir, la recherche de la vérité, la nécessité, la conformité au bon usage des expressions linguistiques utilisées, i.e., la conformité impliquée par la composante performative ou illocutoire de tout acte de parole), nous allons nous astreindre et nous en tenir à ce minimum.

Les philosophes peuvent revendiquer une compétence spéciale pour l'analyse des problèmes de la justice politique et, en particulier, des questions de la marginalisation sociale et de l'exclusion culturelle. Dans ce cadre, l' « éthique de la discussion », une des grandes théories philosophiques de notre temps, dont Karl-Otto Appel et Jürgen Habermas ont contribué à construire, tente de reconstruire à la hauteur du contexte contemporain la morale et la philosophie politique depuis l'antiquité grecque.

La question doctrinale centrale de cette éthique n'est plus la question existentielle de savoir comment mener une vie bonne, mais la question déontologique de savoir à quelles conditions une norme peut être dite valide. Autrement dit, le problème de l'éthique chez Habermas, se déplace de la question du bien, vers la question de la justesse, de celle du bonheur vers celle de la validité prescriptive des normes.

Par conséquent, dans l'éthique de la discussion, c'est la procédure de l'argumentation morale qui prend le pas sur l'impératif catégorique.

Dans nos sociétés investies par les médias, ce n'est pas le prolétariat international tentant de se substituer au sujet de l'Histoire, mais l'opinion publique qui doit réaliser un Programme d'émancipation en tant qu'Humanité. Or, l'espace public qui doit être homogénéisé se différencie, c'est un tissu d'une grande complexité, ramifié en une multiplicité d'arènes qui se chevauchent, aussi bien internationales que nationales, régionales, municipales ou subculturelles. Il est différencié en niveaux en fonction de la densité de la communication, de la complexité de l'organisation et de l'ampleur de rayon d'action. Ces différents niveaux allant de l'espace public épisodique du bistrot, des cafés et des rues, de l'espace public abstrait créé par les mass media et composé des lecteurs, d'auditeurs à la fois isolé et globalement spécialisés et de l'espace public organisé, en présence des participants, qui est celui des représentations théâtrales, des conseils de parents d'élèves, des concerts de rock, des réunions de partis ou des conférences ecclésiastiques, doivent former un espace autonome par rapport et à l'Etat et à la sphère économique. Cet espace doit partager une même culture politique tout en sauvegardant les identités subculturelles particulières.

Au demeurant, la pauvreté socio-économique contre la quelle des Programmes sont mises en route, est une des formes de marginalisation sociale, et de « paupérisation anthropologique » (une expression d'Engelbert MVENG), une situation particulière subséquente à la perte pour des peuples de leur histoire, de leur langue, de leur dignité, de leur humanité,...telle la situation d'esclavage et de colonisation, qui sont des un cas atypique d'exclusion culturelle,qui restent une situation d`oppression persistante et d'injustice avérée.

2. Hypothèses.

Le Programme de lutte contre la pauvreté doit obéir à une acceptabilité légitimante transparente de l'opinion publique en général, sinon spécialisée. Ce programme ne devient crédible que s'il est sans conditionnalité sinon à travers une conditionnalité bien négociée, inscrite dans un Partenariat juste et équitable. La dynamique locale exigée ne pose pas des problèmes en soi, ce sont les conditions de son application.

La théorie de l'agir communicationnel possède, une interprétation de la dynamique et du schéma de l'évolution de la modernité sociale et culturelle. Ce qui est le cadre théorique de notre analyse.

0.3. Approche méthodologique et délimitation du sujet.

Notre approche est reconstructive, critique, réflexive, et in fine post-analytique. Au niveau critique et réflexif nous analysons les différents concepts mis en jeu. Au niveau post-analytique nous nous attelons à donner une approche institutionnelle et procédurale parce que dans l'éthique de la discussion c'est la procédure de l'argumentation morale qui prend le pas sur l'impératif catégorique. D'un point de vue de la reconstruction méthodologique, pour nous, nous choisirons le concept de procédure des discussions et de négociations officielles et non officielles dans la définition et la réalisation des programmes et des fins collectives. Ainsi, verrons-nous ce qui permet d'institutionnaliser des procédures qui fixent les règles suivant lesquelles une coopération doit se dérouler afin de venir à bout de certaines tâches  et comprendre  les normes de procédure qui règlent la manière dont se prennent des décisions dans les organismes. 

Notre approche est un effort de réflexion qui tente de subsumer une conception, à l'occurrence celle des Programmes de lutte contre la pauvreté, dans ses présupposés et ses préalables.

Dans la ligne méthodologique spécifique de Jürgen Habermas, nous allons montrer la trame discontinue des traditions de pensées telles qu'elles structurent nos sociétés contemporaines. Toutefois, la reconstruction passe de cette étape de principes (de l'Etat de droit démocratique), au demeurant plus déterminante, pour se pencher sur la question de savoir comment faire circuler ces flux d'expertise dans la procédure de décisions. L'ordre social, la construction de la réalité sociale et l'intégration sociale se tiennent lorsque nous allons de l'éthique de la discussion à l`action.

Finalement, ramener cette conception aux conceptions devenues pertinentes, i.e. les rattacher au paradigme de la communication. Une telle tâche s'applique à toutes les formes de théories sociales dans leur ensemble, tant et si bien que pour Habermas les catégories philosophiques ne constituent plus un langage à part, ne forment plus, en tout cas, un système global, mais simplement des moyens permettant de reconstruire, et par là, de s'approprier la connaissance scientifique.

Reconstruire une idée, c'est la critiquer. Tel que nous le ferons avec l'idée de la paupérisation anthropologique. Le chercheur la « démonte », la déconnecte pour la soustraire quelquefois du chaos où elles gisent avec d'autres idées enchevêtrées qui assaillent nos sociétés. A l'issue d'une telle entreprise, lorsqu'elle est bien menée, jaillit de la lumière sur son origine, sa place et son dessein. Le philosophe procède ainsi pour rendre topique et proprement féconde la prégnance des principes, les idées dirigent le monde, entend- on dire.

Dans la même ligne, nous pouvons, à dessein, prolonger la reconstruction jusqu'au niveau des traditions de pensées africaines. Nombre des théories de la société et d'idées sociales rencontrent, en effet, de réelles limites quant à leur opérationnalisation en termes d'organe et de procédures de décision sociale.

La démocratie représentative a trouvé une forme procédurale et institutionnelle usuelle à partir des conceptions politiques classiques des temps modernes européens, qui ont donné à la souveraineté populaire une forme procédurale (i. e. les suffrages universels). Bien entendu, ces conceptions classiques de l'institutionnalisation des procédures démocratiques ne vont pas sans poser des problèmes aujourd'hui.

4. Plan de travail.

Mise à part une Introduction qui pourra circonscrire, la Problématique, les hypothèses et la Méthode à utiliser, le Premier Chapitre intitulé  la pauvreté comme préoccupation de la philosophie, passera en revue les questions préalables à la compréhension de notre sujet, notamment : les théories de l'Eudémonisme (Aristote) ; la problématique des inégalités ; le passage de l'impératif catégorique à la procédure morale de la décision  (Kant) ; les notions de travail, d'aliénation, de modernisation et d'émancipation (Kant, Weber, Arendt, Habermas) ; la problématique de la pauvreté anthropologique (MVENG) et enfin la théorie de la justice comme équité (J.Rawls).

Au deuxième Chapitre, que nous intitulons, évaluations des réponses au problème de la pauvreté, nous permettra d'exposer les points ci-après : une brève historique des théories du développement  ainsi que les Programmes d'Ajustement structurel et le paradigme actuel de la lutte contre la pauvreté.

Le troisième Chapitre, va s'apésantir sur l'éthique de la discussion en rapport avec la question : « Que devons nous faire » ?

Enfin, nous terminerons notre Dissertation par le Quatrième  Chapitre intitulé de la discussion à l'action, pour pouvoir illustrer concrètement les Plans d'actions issus des différents espaces discursifs intégrés du monde.

CHAPITRE PREMIER : LA PAUVRETÉ COMME PRÉOCCUPATION DE LA PHILOSOPHIE

1. Théories de L'Eudémonisme.

En son chapitre V, de l'Ethique à Nicomaque, Aristote utilise une méthode qui consiste à partir des définitions de sens commun, des sens contraires d'une seule notion, et monter peu à peu pour introduire des notions connexes. Il applique cette méthode à ce qu'il appelle la plus grande des vertus, c'est-à-dire, la justice. En effet, il définit la justice au sens commun : « par justice tout le monde entend la disposition par laquelle on est propre à faire ce qui est juste et à vouloir le droit ; de la même façon on entend par injustice la disposition par laquelle on commet l'injustice et on veut ce qui est injuste »1(*). Comme nous pouvons bien le remarquer, Aristote prend comme point de départ, deux définitions contraires d'un seul sujet. « Nous admettons ces définitions à titre de prémisse, dira-t-il par la suite»2(*). En effet, « en raison de la proximité de sens l'équivoque n'apparaît pas et n'est pas évidente comme dans le cas des termes dont les sens sont plus éloignés les uns des autres »3(*).

De proche en proche, Aristote atteint une définition plus avancée : « nous appelons juste ce qui produit et conserve le bonheur de la communauté politique ou les constituants de celui-ci »4(*). Le bonheur en ce lieu est ce qui constitue la toile de fond qui donne sens à la doctrine morale d'Aristote.

Les morales prescriptives se scindent habituellement en deux groupes,celles des morales dites absolutistes(ou déontologiques),dont les actions sont bonnes ou mauvaises en soi,et celles qualifiées des morales conséquentistes,dont les actions doivent ,en effet,être évaluées uniquement en rapport avec leurs résultats. L'utilitarisme est du second groupe, et en tant que tel, se fixe pour ultime fin : « le plus grand bonheur du plus grand nombre. » 5(*) L'utilitarisme antique renvoie à la philosophie grecque, spécialement à l'analyse de l'eudaïmonia, bonheur. L'eudémonisme est donc une philosophie morale, qui consiste en une recherche et à la possession du bonheur pour le Souverain Bien. Chez Aristote, dans Ethique à Nicomaque, le bonheur est pris comme l'activité de la raison, en ce qu'elle s'accompagne de santé, de la considération, des plaisirs et de la richesse, pour culminer dans la contemplation6(*). Or, le problème de l'éthique chez Habermas ,se déplace de la question du bien,vers la question du juste,de celle du bonheur vers celle de la validité prescriptive des normes.

Nous choisissons de prendre la conception aristotélicienne du bonheur telle qu'elle s'applique à la richesse au chapitre V de l'Ethique à Nicomaque. Aristote distingue de prime à bord les notions qui renvoient à la morale et celles qui relèvent de la philosophie politique. : « l'homme de bien n'est vraisemblablement pas toujours la même que le bon citoyen »7(*).

Rappelons que partant du sens commun, « la justice est souvent considérée comme la plus importante des vertus »8(*). Parce que dans la « justice toute vertu est réunie ». La justice fait ce qui est utile à un autre, soit au chef, soit à la communauté.

Finalement, il définit la justice comme étant « ce par quoi l'homme juste est dit agir selon un choix de ce qui est juste, et partager entre lui-même et autrui ou entre un homme et un autre) non pas de manière à avoir plus de ce qui est souhaitable, et que son prochain en ait moins (et inversement pour ce qui est nuisible), mais selon une égalité proportionnelle »9(*).

Le droit au sens de ce qui est placé droitement au milieu (se dit du Droit et de la monnaie), et « présuppose alors nécessairement quatre termes au moins : car les personnes pour qu'ils se trouvent être juste sont deux, et les choses dans les quelles consiste ce qui est juste sont deux ». De telle sorte que s'en suivent plusieurs principes : 

- « si les personnes sont inégales, elles n'auront pas des parts égales, et voilà d'où viennent des conflits et des accusations, soit quand des personnes égales ont et reçoivent en partage des parts inégales, soit quand des personnes inégales reçoivent des parts égales »10(*) ;

- « l'union du terme A au terme B et du terme C au terme D définit alors le juste distributif »11(*) ;

- le juste réside dans la proportion ;

- Celui qui commet l'injustice a plus de bien, celui qui est victime de l'injustice en a moins12(*) ;

- le droit dans la distribution des biens communs est toujours conforme à la proportion ;

- le Droit dans les échanges est quelque chose d'égal, l'injuste quelque chose d'inégal ;

- le grand est le milieu entre le plus grand et le plus petit, l'avantage et le dommage constituant respectivement le plus grand et le plus petit, le plus de bien et le moins de mal est un avantage, le contraire pour le dommage ;

- en cas des désaccord on a recours au juge, et aller vers le juge, c'est aller vers le droit : car le juge veut être comme le droit incarné.13(*)

Une série des conséquences sont inhérentes à la vie publique :

- la cité conserve son unité grâce à cette réciprocité ;

- les citoyens se maintiennent ensemble grâce à l'échange. La monnaie est apparue et elle est d'une façon un milieu ;

- s'il n'y avait pas de réciprocité il n'y aurait pas de communauté ;

- ni communauté sans échange, ni échange sans égalité sans commune mesure.

Aristote culmine dans les droits politiques proprement dits. Le droit politique concerne des gens qui forment une communauté de vie, sont égaux et libres en vue d'une certaine auto-suffisance. Pour ceux qui ne sont pas dans cette situation, il n'y a pas entre eux de droit politique. Le chef est le gardien, et s'il est le gardien du droit, il est aussi le gardien de l'égalité. Les règles de droit qui résultent de la convention de l'utilité sont comparables aux unités de mesure. Les règles de droit et des prescriptions légales se comportent comme l'universel à l'égard du singulier.14(*) Nous pouvons voir plus en détail cette question de l'inégalité qui résulte de l'injustice.

Bien de choses sont contestables de notre point de vue. L'ordre social de paradigme de la philosophe du langage dépasse une telle société qui basée sur l'agir téléologique et stratégique d'échange des biens communs, tant et si bien que cet ordre social suppose explicitement l'a priori de l'agir communicationnel orienté vers l'intercompréhension. Le nouvel ordre social chez Habermas, c'est l'instauration d'une communauté dialogale ou communicationnelle. Il se trouve qu'en Afrique cet ordre coïncide avec cette conception.

2. La problématique des inégalités.

Jean Jacques Rousseau,dans l'origine des inégalité parmi des hommes,affirme qu'il conçoit « dans l'espèce humaine,deux sortes d'inégalités :l'une ,que j'appelle naturelle ou physique,parce qu'elle est établie par la nature,et que consiste dans la différence des âges,de la santé,des forces du corps et des qualités de l'esprit ou de l'âme ;l'autre,qu'on peut appeler inégalité morale ou politique ,parce qu'elle dépend d'une sorte de convention,et qu'elle est établie ou du moins autorisée par le consentement des hommes. Celle-ci donne les différents privilèges dont quelques uns jouissent au préjudice des autres, comme l'être plus riche, plus honoré, plus puissants qu'eux, ou même de s'en faire obéir »15(*).

L' « égalité et la hiérarchie » sont des problèmes permanents de la philosophie. En effet, la priorité donnée à la notion de l'égalité dans les sociétés modernes n'empêche nullement celles-ci d'être traversées par les inégalités de richesse, de pouvoir, d'influence, etc.16(*)

Pour la tendance naturaliste, l'égalité, la liberté et la propriété sont déduites des conditions de la Création. Tout ce qui appartient en propre à un individu, ne peut lui être enlevé sans son consentement. Dieu a donné à tous les hommes la possession et la jouissance commune. 17(*)

Du point de vue de la compréhension profonde de l'histoire de la pensée moderne, il y a trois tendances à travers cette analyse : proche de la nature, celle qui est près de l'histoire ou une synthèse de deux. Il se remarque au Temps moderne européen, nettement le refus de la référence à la Nature au profit de calculs stratégiques de l'homo oeconomicus, une interminable expropriation du sujet.

« La pensée contemporaine tient volontiers pour évident que l'homme est un « être historique » et que cela restait méconnu de la philosophie antique. De Descartes et Hobbes aux lumières, la première modernité a tendu, au contraire, à se réclamer de la « Nature » et à réaffirmer contre l'autorité de l'histoire, les droits de la « Raison ». En effet, « pour s'en tenir à la philosophie politique, les grandes oeuvres des « Droits naturels modernes » se présentent comme une enquête sur la « Nature ». Du Léviathan à Hobbes, de Rousseau, « la genèse de l'Etat continue d'apparaître comme un processus rationnel, fondé sur la nature humaine, et non comme instrument pour penser l'historicité »18(*). La genèse ne doit rien à l'histoire. Ces présupposés éclairent donc la pensée des uns et des autres.

L'histoire semble parfois remplacée la nature comme problème central de la philosophe. Les lois « découlent de la nature des choses ». « On peut considérer que la place centrale que l'histoire a fini par occuper dans la philosophie moderne tient à la manière dont se pose dans celle-ci le problème ontologique des relations entre la « Nature » et  la « liberté »19(*). Il faut d'abord, comprendre comment l'action « libre » de chaque individu (qui suit sa nature propre ou qui au contraire, obéit à son « libre arbitre ») est conciliable avec la cohérence de l'ensemble : c'est le problème de la « théodicée » qui, de Leibniz à Hegel, va conduire de faire de l' « histoire » le véhicule de la « Raison » dont la ruse consiste à réaliser ses fins universelles à travers le jeu apparemment irrationnel des intérêts et des passions. « Il faut comprendre comment l'existence d'un être libre (dont l'action par définition irréductible à tout déterminisme naturel ) est possible dans l'histoire ;la « perfectibilité » dans la quelle Rousseau voyait le propre de l `homme va ainsi apparaître comme l'indice de la destination morale de l'Humanité(Kant ,Idée d'une histoire d'un point de vue cosmopolitique) et c'est à partir delà que l'on pourra comprendre ce qu'a voulu la Nature,qui ne fait rien en vain en nous donnant la Raison,qui ne fait pas notre bonheur(Fondement de la métaphysique des moeurs,1ère section) »20(*).

L' « être se déploie (et se voile) dans une histoire dont les époques sont radicalement hétérogènes parce qu'irréductible au principe de raison suffisante : on peut donc voir dans la pensée de l'Etre la négation de l'unité de la Nature au nom de la « différence » ;mais l'être ne peut mieux se comprendre qu'en méditant le sens originel de la Physis dont se fait encore l'écho la Physique d'Aristote,qui est « en retrait ,et pour cette raison jamais suffisamment traversée par la pensée,le livre de fond de la philosophie occidentale. »(Martin Heidegger, 1968)21(*)

A l'illusion platonicienne de la « vérité »absolue, Nietzsche oppose un « perspectivisme » qui n'est pas cependant un simple relativisme, ce qui nous ramène au « problème de la hiérarchie ». Le perspectivisme n'est pas égalitaire, parce que toutes les perspectives ne se valent pas, et c'est précisément cela qui permet à Nietzsche de dépasser l'antinomie de l'apparence et de la réalité, sans pour autant « admettre qu'il y ait une opposition radicale entre le vrai et le faux. » Si Nietzsche critique la fondation platonicienne de la vérité, c'est, pourrait-on dire, parce que chez lui la hiérarchie prend la place de la vérité.22(*) Il est illusoire de fonde l'inégalité, comme le faisait Platon, sur l'inégale capacité des hommes à parvenir à vérité ; il faut, au contraire, partir du fait de l'inégalité pour dépasser l'opposition entre vérité et apparence23(*).

La singularité de Nietzsche vient du fait qu'il se démarque de deux tendances : «  l'émancipation à l'égard de la tradition ne peut venir que d'une folie créatrice- et non de la raison critique (Aurore, §6 ; cf., chez Max Weber, l'analyse des relations entre la tradition et le « charisme »)24(*). Seul celui qui est apte à la domination est vraiment digne d'être libre. « Le problème de la hiérarchie » est celui-là même des « esprits libres »25(*). Dériver les formes politiques du rapport entre les puissances, au lieu de réduire le gouvernement au rang d' « organe du peuple. » La dévalorisation de la vie domine l'histoire de l'Occident dont le Christianisme a été le principal relais culturel.26(*) Au lieu de la culture qui crée au terme d'un dur processus de « dressage et sélection », la loi est valorisée comme instrument d'éducation.

La «  justice » qui veut la hiérarchie, doit aussi établir un équilibre entre les forces opposées et le plaidoyer de Nietzsche pour les « Maîtres » a surtout valeur de réparation, dans un monde dominé par les valeurs d égalitaires27(*).

A une société fondée sur l'agir stratégique d'échanges matériels nous opposons l'a priori d'un l'agir communicationnel. Bien que restant dans une perspective de l'historicité, ici nous opposons l'égalité des partenaires dialogaux qui, au moyen de l'interchangeabilité des rôles sociaux, s'éloigne de la hiérarchie. Tout cela à partir des présupposée de la structure du dialogue. En plus, Habermas développe en morale une position constructiviste : « le monde moral que, en tant que personnes morales nous avons à faire advenir, possède une signification constructive. C'est la raison pour la quelle la projection d'un monde social inclusif, constitué par les relations interpersonnelles bien ordonnées intervenants entre les membres, libres et égaux, d'une association s'auto-déterminant - traduction du Royaume des fins de Kant-,peut servir comme substitut à la référence ontologique à un monde objectif »28(*). Cette conception de la réalité inclut essentiellement la notion d'une communauté sans limites bien définies. Peirce explicite la vérité dans le sens d'une acceptabilité rationnelle, c'est-à-dire de la réalisation d'une prétention à la validité critiquable dans les conditions de communication d'un auditoire idéalement élargi dans l'espace social et dans le temps historique, et composé d'interprètes capables de jugement. 29(*)

Contre Nietzsche, « les problèmes n'est pas de devenir plus fort que l'autre, mais de le laisser emporter tous deux par la force de la vérité en présence. Le dialogue suppose dans une visée commune, un horizon commun d'interrogation »30(*).

La «  justice », comme nous l'avons vu, qui veut la hiérarchie, doit aussi établir un équilibre entre les forces opposées et le plaidoyer de Nietzsche pour les « Maîtres » a surtout valeur de réparation, dans un monde dominé par les valeurs d égalitaires31(*). Mais une telle attitude est-elle fondée ?

3. Homme : moyen ou fin ?

3.1. L'homme doit être une fin en soi.

Emmanuel Kant dispose qu'à cause de la nature de tout homme, d'être autonome, libre et raisonnable, il doit être considéré comme une fin en soi. L'homme dans son humanité est saint, il est de ce fait le sujet de la loi morale. « L'homme sans doute est assez profane mais l'humanité dans sa personne, doit être sainte pour lui »32(*).

L'autonomie et la liberté de l'homme constituent sa personnalité. Il se peut de ce fait, en aucun cas, être pris comme un moyen. « Ce n'est autre chose que la personnalité, c'est-à-dire la liberté et l'indépendance »33(*). Emmanuel Kant le réaffirme ce précepte :en effet,« dans la création tout entière, tout ce qu'on veut et ce sur quoi on a quelque pouvoir peut être employé simplement comme moyen, l'homme seulement, et avec lui toute créature raisonnable est fin en soi. C'est qu'il est sujet de la loi morale, qui est sainte en vertu de l'autonomie de sa liberté. Pour cette raison, toute volonté, même la volonté propre à chaque personne, dirigée vers la personne elle-même, est astreint à la condition de l'accord avec l'autonomie de l'être raisonnable, c'est-à-dire à ne le soumettre à aucun but qui n'est pas possible d'après une loi pouvant tirer son origine de la volonté du sujet passif lui-même, par conséquent à ne jamais employer le sujet simplement comme moyen, mais conjointement avec elle-même comme fin  »34(*).

L'homme ne peut être assujetti à un quelconque but qu'à condition que son accord motivé soit expressément pris en compte. Puisque, même le Créateur n'a jamais jugé de soumettre l'homme à la contrainte en violant son libre arbitre. L'homme est lié à la fin de sa vie. Il est soumis à sa propre volonté. Il « est soumis à sa propre personnalité, en tant qu'elle appartient en même temps au monde intelligible »35(*). « Nous imposons, poursuit-il, cette condition avec raison, même à la volonté divine, relativement aux êtres raisonnables qui sont dans le monde comme ses créatures, puisqu'elle repose sur la personnalité, par laquelle seule elles sont des fins en soi »36(*).

Critiquement, Emmanuel Kant valorise la nature humaine sans être conséquent, puisque la nature humaine est tout : animalité et raisonnabilité. Cette base ne peut être suffisante pour élever tout l'homme à cette dignité. La philosophie du langage place la moralité dans la procédure de la détermination collective des normes morales.

3.2. De l'impératif catégorique au primat de la procédure morale d'argumentation processuelle.

Les questions morales qui concernent le juste, et qui sont décidables au terme d'une procédure argumentative sont à distinguer des questions éthiques concernant les choix axiologiques préférentielles de chacun, par nature subjectifs. Kant développe une morale réaliste dans un monde objectif. La philosophie du langage développe une morale constructiviste qui suppose seulement un monde ontologique objectif, au niveau des présuppositions d'un monde idéal.

L'éthique de la discussion tente de défendre la prééminence du juste, (compris dans son sens déontologique), sur le bien. La question centrale de cette éthique n'est plus, la question existentielle de savoir comment mener une vie bonne, mais la question déontologique de savoir à quelles conditions une norme peut être dite valide. « Une éthique déontologique, comprend la justesse de normes ou de commandements comme analogue à la vérité d'une proposition assertorique. Cependant, la vérité morale de propositions déontologiques ne doit pas être assimilée à ce qui est fais dans l'intuitionnisme ou dans l'éthique des valeurs, à la validité assertorique de propositions descriptives »37(*). Par conséquent, dans l'éthique de la discussion, « c'est la procédure de l'argumentation morale qui prend la place de l'impératif catégorique »38(*).

Les hégéliens de droite voient plutôt cette question à partir de Hegel, celui qui se démarque de philosophie de la nature de Kant pour une philosophie de la culture de Hegel. Dans cette tradition, qu'en est - il au juste ?

4. Modernisation, travail, aliénation et émancipation (Kant, Weber, Arendt, Habermas).

Nous tentons de mettre en contribution ici, Max Weber, Karl Marx, Hannah Arendt, Habermas, et les autres auteurs connexes pour discuter de la modernisation dans une perspective plutôt hégélienne d'une philosophie de l'Histoire. Hannah Arendt semble avoir ceci de différent qu'elle élabore une Histoire faite concrètement des événements, moins avec des forces et des idées. Les « spéculations ont un sens dans la mesure où elles nous rappellent que l'Histoire est faite d'événements, et non pas de forces, ni d'idées au cours prévisible»39(*).

Quelle est l'avancée réalisée par Jürgen Habermas à propos de la notion de la rationalisation sociale par rapport à Max Weber? On peut se poser la question de savoir, est-ce pour Weber, le modèle téléologique d'action ou bien est-ce le concept d'interaction sociale, qui doit servir de fondement pour introduire les aspects de l'agir susceptibles de rationalisation? Pour Habermas, il nous faut « une théorie de l'activité communicationnelle si nous voulons assumer une reprise adéquate de la problématique de la rationalisation sociale, largement refouler depuis Weber hors de la discussion sociologique spécialisée ».40(*) Cette question nous semble être compréhensible à travers la position centrale de l'action stratégique d'échange dans la philosophie politique d'Aristote. En effet, l'objection d'un agir communicationnel reste la même, d'autant plus que pour Habermas l'interaction sociale postule en même temps l'intercompréhension langagière.

4.1. Les conditions modernes.

Hannah Arendt se sert de l'Histoire concrète pour décrire le processus inexorable dans le quel le monde s'est engagé depuis le Temps moderne européen. De tous les processus qu'elle décrit, celui qui semble le plus cynique est celui qui débouche sur la force irrésistible de tout avaler, la seule exception qui a résisté mais pervertie jusque - là est la réalité des Etats nations, qui plus, est une exception étonnante du processus. Aujourd'hui, ces Etats-nations ne semblent plus avoir les moyens de résister à l'inexorable processus.

La morale mise en place par Luther et Calvin engendra son contraire, l'expropriation des biens ecclésiastique et monastique, aboutit à l'accumulation des richesses, processus maintenu par la volupté des hommes et le processus biologique de procréation continue, et enfin engendra l'économie capitaliste et la révolution industrielle.

L'expropriation élimine la raison et les possibilités matérielles d'exister, le droit des autres hommes d'exister. Parce que pour Hannah Arendt, « la propriété, distincte de la richesse et de l'appropriation, désigne la possession privée d'une parcelle d'un monde commun et qu'elle est par conséquent la condition politique élémentaire de l'appartenance-au-monde ».41(*) C'est ce que Engelbert MVENG appelle l'annihilation anthropologique.

Au demeurant pour Hannah Arendt, « il est vain, naturellement, de se demander ce qu'aurait pu être l'évolution de notre économie sans cet événement dont l'influence a précipité l'Occident dans une Histoire telle qu'on l'a vu détruire la propriété dans le processus de son appropriation, les objets dévorés dans le processus de leur production, la stabilité du monde sapé dans un processus perpétuel de changement »42(*). Il s'agit de détruire pour accumuler des richesses. Il faut détruire les Indiens, les Juifs, animaliser les Noirs, pour créer des richesses, et prendre les richesses sociales des autres.

Il faut consommer les objets, puisque c'est de la nature humaine mondaine de consommer, en vue de maintenir la nécessité du processus de la production. Cette aliénation est un processus vital pour le monde moderne. « Dans les conditions modernes ce n'est pas la destruction qui cause la ruine, c'est la conservation, car la durabilité des objets conservés est en soi le plus grand obstacle au processus de remplacement dont l'accélération constante est tout ce qui reste de constant lorsqu'il a établi sa domination »43(*).

Tout cela obéit finalement à l'homme lui-même, au moi. L'affirmation majestueuse du moi. Puisque les besoins et les désirs sont inassouvis ; l'appropriation engendre une plus grande expropriation, ainsi continue le processus. C'est le « processus vital » de la société dira Marx. La classe des travailleurs est accaparée par le processus engendré originairement par l'aliénation du monde.

Disons le tout de suite ,que la lecture de Hannah Arendt est une critique de Temps moderne européen dont le ressort profond de cette vaste oeuvre d'aliénation du monde réside dans la perte du sens de la transcendance qui culmine dans la laïcité. Kant a cru fonder la métaphysique alors qu'il la ruinait.

En effet, pour Hannah Arendt, « l'époque moderne a commencé par une soudaine, inexplicable éclipse de la transcendance, de la croyance à l'au-delà »44(*). Autrement dit, « une tendance persistante de la philosophie moderne depuis Descartes, sa contribution la plus originale peut-être à la philosophie, est le souci exclusif du moi, par opposition à l'âme, à la personne, à l'homme en général »45(*).

Tout commence quelque part par l'expropriation et l'aliénation. Les « trois grands événements dominent le seuil de l'époque moderne et en fixent le caractère : la découverte de l'Amérique suivi de l'exploration du globe tout entier ; la Reforme qui, en expropriant les biens ecclésiastiques et monastiques, commença le double processus de l'expropriation individuelle et de l'accumulation de la richesse sociale ; l'invention de télescope et l'avènement d'une science nouvelle qui considère la nature terrestre du point de vue de l'univers »46(*).

Les trois étapes de cette aliénation sont :

1) La misère imposée à un nombre toujours grandissant de « pauvres travailleurs »que l'expropriation privait de la double protection de la famille et de la propriété. Il faut exproprier l'Eglise, détruire les Indiens, exproprier et décimer les Juifs, animaliser les Noirs, pour créer des richesses, et accumuler des richesses sociales.

2) La société remplace la famille comme sujet du nouveau processus vital. La classe sociale assura à ses membres la protection que la famille procurait autrefois aux siens.

3) La famille se transmue à la classe laborieuse et la propriété en Etat national au service du processus vital. De même que la famille et la propriété furent remplacées par la classe et le territoire national, l'humanité commence à se substituer aux sociétés nationales, la Terre aux territoires des Etats. C'est toujours une expropriation, parce que l'homme social ne possède pas la propriété collective comme la famille et l'homme du foyer possèdent leur propriété individuelle.

Dramatiquement, « la grandeur de la découverte de Max Weber à propos des origines du capitalisme est précisément d'avoir démontrer qu'une énorme activité strictement mondaine est possible sans que le monde procure la moindre préoccupation ni le moindre plaisir, cette activité ayant au contraire comme motivation profonde le soin, le souci du moi »47(*). Une aliénation par rapport au monde pour moi.

Le capitalisme est né de l'expropriation, en tant qu'il consiste « à priver certaines personnes de leur place dans le monde et à les exposer sans défense aux exigences de la vie, à créer à la fois l'accumulation originelle de la richesse et la possibilité de transformer cette richesse en capital au moyen de travail. Telles furent les deux conditions de l'avènement d'une économie capitaliste. »48(*) Le capitalisme et l'urbanisation forcent le transfert de la solidarité familiale vers une solidarité perverse de classes sociales,par ce fait même déracinent les travailleurs de leur sol et de la solidarité familiale élargie qui est fondée sur la propriété collective.

L'accumulation de richesse sociale est réintroduite dans le processus d'expropriation à grande échelle au lieu d'aboutir à une nouvelle répartition des richesses. Ce processus reste lié au principe qui lui a donné naissance : celui de l'aliénation par rapport au monde. Le processus ne peut continuer qu'à condition de ne laisser intervenir ni durabilité ni stabilité de-ce-monde, c'est la contradiction foncière du capitalisme régnant.

Tout est exproprié par le processus, la famille, le sol, les Etats -nations sujets au processus vital, aidé pour cela par le processus biologique des besoins et des désirs. On fît finalement dépendre de  la terre et du sang des aïeux les relations entre ses membres. La limite de ce processus est la propriété collective des Etats sapés à la base par l'expropriation individuelle. La perte de cette parcelle du monde que l'homme possédait en privé est centrale dans la déchéance.

En effet pour Habermas, Max Weber conçoit la modernisation de la vielle Europe comme le résultat d'un processus de rationalisation qu'il tente d'identifier au modèle capitaliste de modernisation. En fait, pour Hannah Arendt, le modèle capitaliste naît du processus d'expropriation individuelle et d'accumulation des richesses sociales, et simultanément avec la possession de l'outil de la science moderne qui permet l'exploitation du monde, notamment l'aliénation de l'Amérique et l'exploration du monde. 49(*)

Max Weber analyse la rationalisation ou la sécularisation sociale telle qu'elle est vécue et telle qu'elle s'effectue à l'âge moderne, au moyen de la notion de rationalité technique et scientifique. La science moderne telle qu'elle est mise en contribution dans d'exploration du monde.

Cette option, Weber le partage d'un côté avec Karl Max et de l'autre côté avec Horkheimer et Adorno. Pour K. Marx, la rationalisation technique et scientifique est incarnée dans la rationalisation des forces de production. Cependant, pour Hannah Arendt le processus de la production, aidé pour cela par le processus biologique des besoins et des désirs sans fin, ne répond qu'à sa propre logique. C' « est une prospérité prodigieuse qui ne dépend pas de l'abondance des biens matériels ni de quoi que ce soit de stable et de donné, mais simplement du processus de production et de consommation »50(*). Marx qualifie ce processus de « processus vital ».

Ainsi l'économie capitaliste et l'Etat moderne ne sont-ils que les systèmes d'activité rationnelle où se déploie socialement le rationalisme occidental.51(*) La science aide à la domination. Une éthique protestante d'expropriation y prend forme et la perte de la transcendance. Hannah Arendt va si bien le dire, « la grandeur de la découverte de Max Weber à propos des origines du capitalisme est précisément d'avoir démontrer qu'une énorme activité strictement mondaine est possible...ayant au contraire pour motivation profonde le soin, le souci du moi ». 52(*) Le ressort profond de cette exploitation se trouve dans l'homme.

Karl Marx théorise la société productiviste au moyen de la rationalité technico-instrumentale, dévalorisant par le fait même, la spécificité d'une rationalité normative, morale et culturelle. Il reconduit dans ses traits principaux les mêmes apories, avec une attitude cependant plus pessimiste à l'égard de rationalisation capitaliste. « L'expropriation, pour Hannah Arendt (qui sera à la base du capitalisme), consiste à priver certains groupes de leur place dans le monde et à les exposer sans défense aux exigences de la vie, a crée à la fois l'accumulation originelle de la richesse et la possibilité de transformer cette richesse en capital au moyen du travail »53(*).

En effet, pour Marx, le processus de rationalisation sociale suit un mouvement qui organise la production des biens en tant que production des valeurs d'échange sur base d'un travail salarié et intervient aussi dans un sens désintégrateur pour les conditions de vie des classes qui participent à ces transactions.54(*) Le processus de production, d'accumulation, de la banalisation des biens de ce monde obéit à sa propre loi.

Ainsi avec le progrès de processus de rationalisation, l'Etat et l'économie capitaliste en tant que sous-systèmes d'activité rationnelle cognitivo-instrumentale s'autonomisent-ils vis-à-vis des attentes des membres de ces sous-systèmes et vis à vis d'un fondement voulu éthique. L'administration, incarnation de l'Etat devient un système anonyme fermé, immunisé face à la volonté des masses. Les conditions de vie de la classe ouvrière se désagrégent par le fait de l'aliénation.

Les néo-marxistes, tels que Lukacs et Horkheimer, eux parlent en terme de déformation de la conscience interprétative du capitaliste qui assimile l'humain à des objets par le phénomène hégélien « d'objectivation » des rapport sociaux.

Théoriquement, ils vont donc tenter d'élucider le rapport entre la différenciation d'une économie capitaliste régie par les valeurs d'échange et la déformation de la conscience interprétative objectivante, utilisant pour ce faire le modèle du fétichisme de la marchandise.55(*)

La chosification des rapports sociaux comme critique de la rationalité calculatrice et formelle, sous la plume de Lukacs, est plus que dramatique et invite à l'insurrection sociale. Le progrès de réification, le devenir marchandise du travailleur annule certainement celui-ci tant qu'il ne se rebelle consciemment contre cette situation. Les coûts socio psychologiques externalités par la société, déchargés sur les individus, se manifestent sous plusieurs formes. Ils s'étendent sur un espace allant des maladies psychiques entrant dans la nosographie, névrose, phénomènes pathologiques chroniques, troubles psychosomatiques, problèmes de motivation et d'éducation, aux secteurs religieux de jeune et aux groupes de délinquants marginaux (incluant aujourd'hui le terrorisme anarchiste).56(*)

C'est cette situation singulière qui advient lorsque ce ne sont pas des valeurs, ni des normes éthiques ou l'intercompréhension dialogale qui coordonnent les actions sociales, à la place se substitue le médium de la valeur d'échange.57(*)

Habermas ne cède les pas à une vision objectiviste de l'Histoire, ni à une vision exclusivement productiviste de la société, et il reconnaît la spécificité des superstructures normatives de la tradition culturelle (droit, morale, religion, art,...), au lieu de les discréditer.58(*) Une société globale, doit prendre au sérieux la spécificité des superstructures normatives de la tradition culturelle, notamment le droit, la morale, la religion, l'art, le mythe en tant que modes de régulation sociale.

Le développement du capitalisme avancé exige un certain nombre de révisions. Plus encore, Habermas réagit en s'interrogeant « est-ce qu'en critiquant le caractère incomplet de la rationalisation qui se présente comme réification, on ne fait pas prendre conscience d'un rapport de complémentarité entre la rationalité cognitivo-instrumentale, d'une part, et la rationalité morale pratique et esthétique pratique d'autre part, de sorte qu'on pourrait y reconnaître le critère d'un concept non restreint de la pratique, nous pouvons dire, de l'agir communicationnel lui-même ».59(*)

Il va pousser la logique jusqu'au bout : l'économie et l'Etat se transforment en incarnation de la rationalité cognitive instrumentale, tout en soumettant d'autres sphères de vie à leurs impératifs, ils refoulent vers la périphérie tout ce dans quoi peut s'incarner la rationalité pratique, morale et esthétique.60(*) Le refoulement doit s'entendre par exemple comme impératifs du capitalisme avancé qui suspendent à ses guises toutes les autres sphères d'activité à l'échelle mondiale. En commençant par la sphère morale et juridique.

Il y a prééminence des aspects économiques qui imposent ses impératifs à d'autres sphères de vie sous forme de processus continu et global, et ayant des effets néfastes sur l'existence habituelle de nos sociétés et sur les Etats-Nations.

4.2. Le travail.

Le travail et le langage (la parole) doivent être pour Habermas exemptes de toute domination pour envisager un quelconque progrès social. Cette libération est pour cela la condition socio-historique de tout progrès social.61(*) Nous l'avons dit, le travail est soumis au processus primitif d'expropriation et d'accumulation des richesses.

Nous partons du postulat suivant lequel: « les processus du travail sont  l'éternelle nécessité naturelle de la vie humaine »62(*) Un travail naît des nécessités de la vie ne se confond pas avec la force de travail, celle qui fructifie les richesses et le capital. Or, les processus du travail par nécessité, cette création continuelle, cette production est la base du monde tel qu'il existe aujourd'hui.63(*) Le travail (l'emploi) doit être promu par le capital contre la tendance actuelle qui veut que le capital assujettisse ou élimine le travail.

D'un point de vue philosophique, la catégorie du travail acquiert le sens d'une pratique vécue en général qui constitue le monde. Cette conception se présente ainsi, surtout si nous interprétons les écrits anthropologiques de Marx en nous laissant guider par les analyses du monde vécu (Lebenswelt).64(*)

Jürgen Habermas cite Karl Marx tel qu'il donne une lecture instrumentaliste de la philosophie transcendantale.65(*) Ce n'est pas la combinaison de symboles effectués selon les règles, mais les processus sociaux de vie, la production matérielle et l'appropriation des produits, qui fournissent la matière que la réflexion peut prendre comme point de départ pour porter à la conscience les réalisations synthétiques fondamentales. C'est contre l'idéalisme de Kant que Habermas réagit.

Selon Habermas, après Marx, cet instrumentalisme transcendantal ne sera thématisé comme tel que par le pragmatisme américain.66(*)

Pour Habermas, deux activités restent au coeur des sociétés modernes : le travail et l'interaction communicationnelle. En effet, l'articulation anthropologique opposant travail (sujet au processus vital) et l'interaction sociale est au principe même de la réflexion de Jürgen Habermas, c'est elle qui commande la distinction entre « activité instrumentale » et « activité communicationnelle ».67(*) Ce couple contradictoire est donc partout à l'oeuvre aussi bien dans sa pragmatique universelle, dans son anthropologie que dans son épistémologie.

Au demeurant, « C'est chez Marx que Jürgen Habermas va chercher les bases de son anthropologie matérialiste.»68(*) La catégorie du travail doit acquérir le sens d'une pratique vécue en général qui constitue le monde. Cette conception se présente surtout si nous interprétons les écrits anthropologiques de Marx en nous laissant guider par les analyses du monde vécu (Lebenswelt) dans les écrits tardifs de Husserl au sens de savoir et savoir-faire oublié.69(*)

Dans le même ordre d'idée, la tradition théorique qui consiste à camper les catégories économiques au centre de la théorie sociale remonte à l'école économique classique avec Adam Smith, David Ricardo, John Mill,... Une telle tradition a l'avantage de présenter les lois invisibles qui déterminent la marche des sociétés modernes, contre la tendance régnante, depuis les contractualistes comme Hobbes, Rousseau,...qui imposent l'habitude de placer les catégories juridiques - vecteurs d'une intégration simplement intentionnelle- au centre de la théorie sociale. Cette reconstruction historique des théories sociales a l'autre avantage de présenter une intégration non intentionnelle mais réelle, de nos sociétés fondées sur les échanges. Habermas garde par ailleurs ce cap, même si nos sociétés ont engendré une image d'elles-mêmes, qui n'ont plus à proprement parler, ni sommet ni base.

Le système Habermas est tout aussi bien factuel que normatif, il fait cas des rapports de forces et des enjeux par le changement de perspective théorique liée à la tradition économique ,qui, en amont, dans la structure sociale, hypothèquent les pratiques langagières.

Au demeurant, selon Habermas, le travail désigne  une activité rationnelle par rapport à une fin, une activité instrumentale qui obéit à des règles techniques qui se fondent sur un savoir empirique. L'interaction, quant à elle, est médiatisée par des symboles. Elle se conforme à des normes en vigueur de façon obligatoire, qui définissent des attentes de comportements réciproques et doivent être nécessairement comprises par deux sujets agissants au moins. L'une et l'autre correspondent à des intérêts anthropologiques. Les actions instrumentales sont normalement insérées dans des relations d'actions communicationnelles (les activités productives sont en général organisées socialement). En réalité une action instrumentale et une interaction sont ouvertes à des valeurs communes.

4.3. La dimension libératrice de la domination.

Habermas insiste sur la dimension libératrice, celle d'une anticipation de la communication qui serait à la fois débloquée et exempte de domination. La référence à la domination sur le travail et du langage (parole libre), indique les conditions socio-historiques pour une dimension libératrice -une restriction à l'activité communicationnelle qu'il convient de dépasser. En même temps ces conditions théoriques dictent la conduite de Habermas qui prend à bras-le corps les sciences émancipatrices : la philosophie critique et la sociologie de compréhension linguistique ou la critique des idéologies.

La domination n'est pas exclusivement de l'ordre économique, elle se situe à plusieurs niveaux :

- le désechement du monde vécu contre les systèmes : la dialectique de la rationalisation et du progrès fait apparaître l'époque moderne comme un projet problématique : « le progrès » comporte un certain coût et on assiste à une « colonisation » du monde qui est nôtre vécu à travers les impératifs du système socio-économique avec la rationalité restreinte, technique et scientifique.

- aussi l'exigence d'un dialogue a-t-elle à connecter les deux moments : système socio-économique qui s'atomise sans dialogue  et société civile qui présuppose le siége de la vie.

- la domination bureaucratique (une contrainte dominante anonyme d'une administration qui se détache des attentes du peuple) et celle des élites.

Contre le capitalisme, Habermas reproche autrement son incapacité aujourd'hui de se domestiquer de façon pratique et morale à l'échelle planétaire au moyen de l'Etat providence et de l'écologie. « Le parti qui se croit victorieux ne parvient pas à se réjouir de son triomphe ».70(*) Finalement, il peint une situation sombre contre laquelle il faille mener un combat des gladiateurs: « face aux conflits primordiaux que constituent la limitation écologique de la croissance économique et la disparité croissante des conditions de vie du Nord et du Sud ;devant la tâche historiquement inédit d'introduire dans les sociétés naguère fondées sur le socialisme d'Etat , les mécanismes d'un système économique différentié ; sous la pression des flux migratoires venant des régions appauvries du Sud et aujourd'hui de l'Est ; compte tenu des risques que constituent les nouvelles guerres ethniques,nationales et religieuses,les chantages nucléaires et les luttes internationales pour le partage des richesses ».71(*)

Les évolutions et les continuités de la modernité sont décrites par Habermas dans quelques uns de ses écrits. Dans son ouvrage, Après Etat -Nation .une nouvelle constellation politique, Habermas présente une évolution des événements majeurs de l'époque contemporaine. Il présente la continuité des tendances longues qui caractérisent la modernité sociale contemporaine en trois grandes dates historiques : 1914,1945, et 1989. « Un consensus existe sur le fait qu'au « long » 19e siècle (1789-1914) a succédé un «  court » 20e siècle (1914-1989) » (72(*)) Seuls les Etats-Unis sont sortis renforcés de deux guerres mondiales, et de la guerre froide, au plan à la fois économique, politique, culturelle et militaire. Ils ont un investissement militaire de près de 800 milliard de dollar de part le monde : des déploiements des troupes, de flottes de guerre sur les mers et les océans, des bases militaires en Europe, en Asie, dont 6,7 milliard de dollar d'investissement en Afrique. Ils détiennent près de 51% de PNB mondial, près de quart des flux aériens du monde, etc. Ces résultats ont valu, au dire d'Habermas, au 20e siècle le nom de siècle « américain ».

La force la plus imposante qui dicte la césure calendaire est sans appel les différentes guerres. L'année 1945 est la serre chaude des idées sans la quelle l'innovation culturelle incontestable du siècle n'aurait guerre eu lieu. Le changement de climat obtenu en 1945 constitue l'arrière-plan des évolutions ultérieures. La décolonisation s'inscrit dans ce changement structurel nonobstant quelques résistances. « Dès 1945, l'empire du Japon vaincu n'est pas le seul à se désintégrer ; la même année, la Syrie et la lybie acquièrent leur indépendance .En 1947, les Britanniques se retirent de l'Inde ; l'année suivante a vu la naissance de la Birmanie, du Sri lanka, d'Israël et de l'Indonésie .Ont ensuite conquis leur indépendance les régions de l'Islam « occidental » de l'Iran au Maroc, puis, petit à petit, les Etats de l'Afrique centrale. »  73(*)

C'est à partir d'une raison globale et non restreinte :technique et scientifique que J. Habermas entreprend de valoriser les structures normatives, dévalorisées par Marx, comme le droit ou la morale elle-même et qu'il pense l'échéance d'une « identité collective » universelle à la quelle se trouvent maintenant confrontées nos sociétés ; c'est elle qui est à l'oeuvre comme espace idéal de dialogue à l'horizon de « l'opinion publique », présente dans les légitimations dont se soutiennent de plus en plus toutes les sociétés.74(*) Ce système semble être à la hauteur de l'expérience de notre temps parce qu' englobante.

Il reste que le dialogue démocratique est la seule voie permettant d'assurer la médiation politique entre notre pouvoir technique et notre vouloir « pratique » et d'échapper à l'illusion technocratique ou « décisioniste ».

Il n'est guère d'alternative institutionnelle à la démocratie, même si de grandes « démocraties occidentales des masses » se sont assez largement discréditées tant qu'il est vrai que la dictature du prolétariat n'est ni souhaitable ni même proprement possible.

Jürgen Habermas renvoie dos à dos et le marxisme et le capitalisme. Il propose une démocratie dite radicale : il tente de présenter « une tradition ( ) de l'idée de démocratie radicale telle qu'elle est développée par la théorie de la discussion.»75(*) La critique contre marxisme se focalise entre autre sur la théorie de la Révolution. Il y a trente ans, rappelle Habermas, « j'ai critiqué la tentative marxienne de transformer la philosophie hégélienne du droit en une philosophie matérialiste de l'histoire ». 76(*) La conséquence est qu'il s'est discrédité parce que tombant sous le coup des mêmes griefs : les droits comme expression des forces sociales, i.e. le droit colonial que l'on semble sans ménagement perpétuer dans certains Etats post-coloniaux.

Le marxisme n'abolirait pas les idéologies ! « En critiquant l'idéologie de l'Etat constitutionnel bourgeois, (Marx) a discrédité de façon si durable pour le marxisme à la fois l'idée même de la légalité et, par sa dissolution sociologique de ce qui faisait la base des droits naturels, l'intention de droit naturel comme tel, l'union entre droit naturel et Révolution s'est dissoute». Habermas va entreprendre de traiter cette question largement dans son livre intitulé Droit et démocratie. Entre faits et normes.

Chez Marx la critique de l'économie politique est une condition de libération des travailleurs qui sont dominés et exploités. 77(*) Les intérêts de classe sont véhiculés dans les différents types de savoir. Habermas s'y oppose pour évacuer les intérêts socio-historiques, pour mettre à la place les intérêts liés à l'espèce humaine.

Finalement pour Habermas, la construction de la réalité sociale est une question importante parce que les participants à un projet social doivent s'entendre eux-mêmes sur la forme de vie qu'ils veulent instaurer. En effet,si on comprend le « socialisme » comme « la quintessence des conditions nécessaires aux formes d'une vie émancipée, à propos desquelles les participants doivent eux-mêmes s'entendre, on voit que ce projet trouve lui-même son noyau normatif dans l'auto-organisation démocratique d'une société juridique »78(*).

5. La problématique de la pauvreté anthropologique (MVENG).

5.1. La paupérisation anthropologique en Afrique.

Pour MVENG, « la colonisation était un système de paupérisation anthropologique d'asservissement et de dépendance »79(*). Tout cela a été précédé par l'annihilation anthropologique à travers l'esclavage comme négation de ce qu'on appelle les droits de l'homme, la négation pure et simple de leur humanité. Le travail doit consister à extirper des expropriateurs les préjugés racistes d'autant plus que la Traite négrière opérée a été sur des bases d'une certaine religion  pour les « hommes sans âmes ». S'en sont suivis les « néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière le masque de la coopération »80(*).

Ce qui est plus important ce que « la pauvreté économique et sociologique dont souffre le peuple est le résultat de son aliénation par les forces d'exploitation et d'oppression »81(*). De là il est possible de lutter véritablement contre tous les maux qui y découlent : la discrimination sous toutes ses formes, le désarmement, les injustices sociales, le droit révolutionnaire des peuples.

L'homme africain incarne au cours des cinq derniers siècles, le type même du pauvre, du faible, de l'opprimé. Voilà donc la réalité africaine, telle qu'elle est vécue, ici, à tous le niveaux, dit-il82(*).

Il faut donc s'attaquer du mal à la racine, la cognée est à la racine de l'arbre : il faut s'attaquer à la racine du mal africain. Dans son livre intitulé, l'Afrique dans l'Eglise, paroles d'un croyant, il présente le problème africain comme la perpétuation de la dépendance.

Sa méthode est simple, elle consiste à analyser le contexte de l'Afrique pour y déceler sa singularité, « le point de départ est l'analyse du contexte dans le quel vivent les communautés concernées ». Ce contexte s'avère être un contexte d'oppression et d'injustice. La paupérisation anthropologique renvoie à une situation semblable, où « la condition humaine est une condition de précarité, de fragilité. ... Cette situation embrasse l'homme, tout homme, tous les hommes, à tous les niveaux »83(*).

Qu'il suffise de prendre quelques mots des poètes pour s'en rendre compte : « Dans l'Afrique des indépendances, ils sont légions, selon le mot du poète, ces princes ( ) qui sont venus nus de leur provinces, ont tout perdu, leur langue, leur histoire, leurs traditions, leurs arts, leur société, et tous les trésors spirituels qui ont fait la vitalité de leurs peuples. Il n'y a rien de plus tragique qu'un peuple qui a perdu ses racines, et qui se trouve, sans guide et sans soutien, livré à l'océan déchaîné de l'histoire contemporaine, à la merci de faux timoniers qui souvent ne sont que des tyrans ou d'aveugles aventuriers drogués par un pouvoir de marionnettes  manipulé de l'extérieur. Les pauvres d'Afrique ne sont pas seulement quelques clochards, quelques mendiants aux recoins des rues. Ce sont des peuples entiers, errants, dans la nuit, enivrés des slogans, bâillonnés, muselés, attelés à des trains fous, dans les scènes dantesques de désespoir.»84(*)

Les noirs ont été « assimilés aux bêtes de somme, et exploités pendant plus de trois siècles dans les plantations du nouveau monde »,85(*) au nom des falsifications bibliques, notamment la malédiction de Cham.

Puis vint la colonisation, préparée par la gigantesque campagne philanthropique de l'abolition de la Traite. L'Afrique en sortie exsangue et étranglée. Pour Léopold II de Belgique, un Jules Ferry de France, les africains sont de grands enfants, par conséquent le partage de l'Afrique est tout à fait normal86(*).

Une telle situation pour Engelbert MVENG est un aveuglement et une perversion ontologique pour une Europe qui se croit supérieure.87(*) Le refus aux autres d'être le créateur de leur destin, au nom du plus fort. Le destin des peuples noirs perpétue leur anéantissement anthropologique. Ayant passé loin de génocide, les noirs passent à l'ethnocide, c'est-à-dire à la mort de leur âme, de leur culture, de leur identité, au spectacle précipité de la fin de leur histoire, de la « fin des Temps »88(*).

L'assimilation elle-même abolissait notre identité et notre droit à la différence, c'était une des formes extrêmes de paupérisation anthropologique. 89(*) La philanthropie paternaliste nous revient sous la forme de lutte contre la pauvreté aujourd'hui.

Selon Engelbert MVENG l'étude systématique de la pauvreté en Afrique, n'a pas encore était faite.90(*) C'est une question épistémologique. Toutes les recherches portent sur le sous-développement, c'est-à-dire sur les aspects socio-économiques de la pauvreté. Tout cela n'est qu'un aspect seulement de la réalité africaine. L'échec de la décennie du développement, lancée par les Nations unies, a montré que pour l'Afrique, comme pour le reste du Tiers monde, la réalité est à la fois plus complexe et plus dramatique.

La paupérisation anthropologique est une situation et non un état. Nous avons perdu notre langue, notre histoire, nos traditions, nos arts, etc.91(*)

Les maux qui en découlent ont causé :

- l'absence de l'Afrique là où l'on décide de son destin, des grands centres de décision du monde parce que c'est le lot des faibles.92(*)

- la dépendance, au moyen des néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière le masque de la coopération.

- le vide spirituel. MVENG est décidément celui qui dit à tout le monde qu'en dépit du fait que la Tradition africaine est bien vivante dans des campagnes africaines, le vide spirituel est béant. En effet, « le vide spirituel est peut être la conséquence la plus dramatique de cette paupérisation. Ce vide fait de ravages dans des quartiers surpeuplés des villes, où le menu peuple, aux prises avec les dures réalités d'une la vie quotidienne souvent inhumaine, se laisse exploiter par les marabouts et les charlatans de toutes catégories. Même dans la campagne où la tradition n'est pas morte, les maîtres à penser, les maîtres à prier, les maîtres à guérir sont devenus rares »93(*). Cette idée est peut-être celle qui a fondé l'ossature de son combat. En effet, les peuples africains sont ceux habitués, « familiarisés avec une tradition millénaire de contact avec l'au-delà, et à qui le christianisme offre une piètre trop dépaysante, et une doctrine faite des formules momifiées, outrecuidantes94(*), inintelligibles » ! Je considère qu'il s'agit ici d'un christianisme confessionnel.

L'Afrique est débordée, « ce sont les familles qui implorent pour leurs enfants une éducation que ni l'Etat, ni l'école importée, ni la société traditionnelle, n'arrivent à leur donner »95(*).

« La pire misère c'est la déchéance morale ; la corruption, la vénalité qui rongent nos sociétés et nos institutions »96(*). L'Afrique « aux foules plongés dans l'ignorance, le sous-développement, la déchéance morale et la corruption,... »97(*). Les jeunes sont livrés à la fumée des idéologies.

Il faut donc s'attaquer à la racine de mal pour « rendre à l'homme africain sa dignité, son identité, sa présence au monde ».98(*)

5.2. La source de ces maux : de l'annihilation anthropologique à la paupérisation anthropologique.

MVENG nous situe dans deux péripéties : celle de la Traite des Nègres qui représente notre annihilation anthropologique et celle de la colonisation qui présente notre paupérisation anthropologique. « La colonisation, au fond est une nouvelle forme d'exploitation où le Noir va être être utilisé non dans les plantations d'Amérique, mais dans celles de son propre pays »99(*).

5.3. Les conséquences de ces maux.

La fragilité de l'Afrique pour MVENG est le résultat d'un impitoyable système de paupérisation structurelle et elle continue d'être alimentée par ces néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière le masque de la coopération. « Les maux qui en découlent ont causé pour l'Afrique, cette carence d'être, et cette multiple fragilité »100(*). Il découle donc de tout ceci « la fragilité de l'Afrique politique ; celle économique, sociologique, culturelle et spirituelle »101(*). La cognée est à la racine de l'arbre : Il faut s'attaquer à la racine de l'arbre.

Pour montrer l'ampleur et la profondeur des désastres, reprenons encore les paroles de ce regretté digne fils d'Afrique, Prêtre camerounais, Engelbert MVENG qui pose la question suivante : « Qui, en Afrique, est pauvre, et qui ne l'est pas ? Tout le monde vit dans l'incertitude et l'insécurité,les Chefs d'Etat et leurs ministres,les fonctionnaires,le soldat,le policier,le travailleur,le chômeur,le paysan,la population des villages, celles de la villes,... Tout échappe à l'homme africain ; il n'est sûr ni de son indépendance, ni des richesses de son sol et de son sous-sol. Il n'a le contrôle ni de son or, ni de son uranium, ni de son pétrole, ni de son cuivre, ni de ses diamants, ni de ses bois précieux, ni de son cacao, ni de son café, ni de sa banane, ni de son coton. Pour comble de malheur, la famille, la solidarité, l'autorité, l'encadrement tribal si chaud, si tonifiant, tout a été miné à la base par le système colonial, tout ou presque tout, a été pulvérisé »102(*).

Les causes historiques les plus profondes sont liées à la nature du système capitaliste depuis l'effondrement de la féodalité en Europe comme l'a si bien démontré Hannah Arendt.

6. Théories de la justice.

Dans le contexte de la recherche de fonder le refus de l'exploitation de l'homme par l'homme, John Ralws présente des principes philosophiques très pertinents. Le Professeur Mutunda Mwembo ressasse ces principes d'une admirable façon, en citant entre autre John Ralws. En effet, pour Mutunda, « il n'est donc pas question que des sacrifices soient imposés à des hommes et à des peuples pour le bien d'autres, comme cela s'est fait dans le contexte de l'exploitation de l'homme illustré par la colonisation et une certaine globalisation »103(*). John Ralws écrit : « Chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien être de l'ensemble de la société, ne peut être transgressée. Pour cette raison, la justice interdit que la perte de la liberté de certains puisse être justifiée par l'obtention, par d'autres, d'un plus grand bien »104(*).

D'autre part, John Ralws procède par une projection presque à vide d'un ordre de justice à installer à marche forcée. La distribution de la justice distributive qu'il préconise, telle qu'elle doit être faite au moyen des prix, du marché ou carrément par le gouvernement, démontrer des lieux d'ajustement qui appellent chaque fois un arbitrage. Sa terminologie rappelle en n'en point douter une conception très proche des Programmes d'Ajustement structurel.

Dans la théorie de la justice comme équité, John Ralws nous gratifie d'une construction philosophique sur des questions de jugement politique sur la fonction distributive du marché ou des prix. Il en présente la possibilité de réalisation et les possibilités d'ajustement en cas de problèmes ou d'inégalité indue sur la question de la redistribution. Il y a une distribution des tâches  entre une décision collective et le marché. Ici, émerge, de divergences entre une théorie cohérente et tentaculaire, et une théorie plutôt de plâtrage.

Dans le chapitre consacré à la distribution, de prime abord il prend des précautions d'usage : « nous ne nous occupons que de certains problèmes moraux de l'économie politique. Par exemple, je demanderai quel est, à long terme, le taux d'épargne adéquat, comment organiser l'impôt et la propriété, à quel niveau fixer le minimum social ? En posant ces questions, je ne cherche pas à expliquer ce que dit la théorie économique de fonctionnement de ces institutions, encore moins à y ajouter quoi que ce soit »105(*). Il s'agit de « tester les conceptions morales »106(*).

On peut donc voir, dit-il, « le rôle du marché pour décider de taux d'épargne et de l'orientation de l'investissement. Tous les régimes utilisent le marché pour repartir la consommation des biens. Dans le même sens,  les prix résultant de la concurrence dans les conditions normales soient justes et équitables. Cependant dans le cas des biens publics, cela échoue complément. Ici, nous recourons quant à nous, à la société civile au lieu du gouvernement tel qu'il le fait.

En effet, les Biens publics sont des conditions sine qua none de toute prospérité nationale sur les quels doit discuter la société civile. Ce sont ces Biens publics qui régulent véritablement l'économie de l'Etat. Parce que les marchés sont capables aussi bien de soutenir que de détruire le plein emploi, la sécurité de l'environnement, la santé publique, les services sociaux, l'enseignement, la diversité culturelle et la véritable concurrence. En effet, nous pouvons même dire que les Biens publics et la démocratie sont indispensables aux marchés (aux sociétés transnationales). Ainsi, « des biens aussi différents et manifestement publics que l'enseignement, la culture, le plein emploi, le bien-être social et la survie écologique (ne) devraient (pas) être livrés au secteur commercial aux fins d'arbitrage et de décision. »107(*)

Point n'est besoin de nous étendre plus longuement, nous nous en tenons à ce seul argument, qui, du reste est la pierre angulaire de cette Dissertation. Les ajustements tels que les préconise John Ralws dans un environnement néolibéral reste toujours problématiques. Nous allons voir tel que cela s'effectue par l'entremise des Programmes de lutte contre la pauvreté aujourd'hui, qui sont des Programmes d'ajustements structurels revisités.

CHAPITRE DEUXIÈME : EVALUATIONS DES RÉPONSES AU PROBLÈME DE LA PAUVRETÉ

1. Les origines lointaines des programmes de développement.

L'élaboration des programmes de développement aujourd'hui est la résultante d'une longue histoire qui remonte à la fin de la deuxième guerre mondiale. Nous allons en donner une brève historique. En effet, l'Aide aux pays appauvris par cette guerre, a engendré le discours du développement, notamment par l'élaboration d'un certain nombre des concepts, des catégories et d'idées (souvent morales). Ce discours a réussi à construire le premier monde, le deuxième monde et le troisième monde.

Les pays sous-développés sont ainsi définis sur base d'une échelle liée à la pauvreté, à la famine et au malheur. Les théories du développement seront de lors formalisées, qu'il suffise de parler de celle de W.W.Rostow (les étapes de la croissance économiques, 1960), qui par ailleurs sera critiquée pour avoir négligé les facteurs historiques, culturels et politiques des pays pauvres. Ajoutons à ces critiques celles plus décisives de la post-modernité, à la quelle Jürgen Habermas apportera sa touche. Plusieurs autres critiques seront formulées à l'instar de la théorie de la dépendance (Samir Amin), du système-monde (la semi-dépendance), et les théories des modes de production. Dans ces dernières, il sera conclu que par rapport aux nombreux pays pauvres, la cohabitation entre les modes de production locales et le mode de production capitaliste avait pour effet de renforcer un peu plus l'emprise de ce dernier sur les premiers. Le système capitaliste empêche le développement des pays pauvres.

Les années 80 ont marqué l'arrivée dans les sciences sociales du courant post-moderne sur lesquels nous nous sommes étalé déjà, dont la pensée stigmatisera l'influence des Lumières sur la science occidentale et la nécessité de nuancer cette philosophie. Habermas va plutôt tenter de les reconstruire.

L'augmentation de la pauvreté ,les menaces environnementales feront finalement que le développement soit abordé sous l'angle de la déconstruction du discours développement en portant plus attention aux particularités locales, à la diversité culturelle,aux mouvements sociaux comme acteurs réels dans la politique locale et régionale,en conservant la dialectique local et global, ... Tout aboutit à la prise en compte des savoirs locaux dans l'élaboration des programmes de développement ( principalement agraire et médical),sur les quels nous allons abondamment nous attarder.

2. Les Programmes d'Ajustement structurel.

2.1. Les aspects connexes : le sous-développement et les aspects socio-économiques de la pauvreté.

Ces genres d'études ont été longtemps de mise dans le monde.

Citons à titre d'exemple, le Programme de Kennedy pour la suppression de la pauvreté en Amérique, les programmes anti-pauvreté en Europe, en Angleterre et en France. Le phénomène de la pauvreté se révèle, dans les Tiers Monde plus compliqué. « Il faut reconnaître que l'étude systématique sur la pauvreté en Afrique, n'a pas encore été faite. Toutes les recherches portent sur le sous-développement, c'est-à-dire sur les aspects socio-économiques de la pauvreté »108(*). Pour les causes de multiples échecs de ce genre des programmes, qu'il suffise d'évoquer le Programme d'Ajustement structurel des années 1980.

Le consensus de la communauté internationale sur le Programme contre la pauvreté est attesté aujourd'hui. Bien entendu, une pauvreté socio-économique, c'est-à-dire le sous-développement persiste en Afrique, en tant que tel il est devenu structurel, plus encore à cause des exacerbations dues à la répression ou à la guerre. En effet, « la misère liée à la répression, à la guerre civile et à la pauvreté n'est plus un problème local ».109(*) Cette pensée de Jürgen Habermas donne le ton pour parer à l'illusion qui ferait de la misère des problèmes exclusifs à certaines contrées, en dépit de fait que l'extrême pauvreté est quand même l'apanage du Tiers-monde.

Aujourd'hui, après des multiples désastres sociaux des Programmes de Réajustement Structurel dans les Tiers - monde, réduction de la scolarité, mortalité infantile, augmentation de la pauvreté, une nouvelle génération des Programmes surgissent. Une vague de contestations sur le plan mondial s'organisent autour des mouvements aussi célèbres que les Alter-mondialistes et les autres, etc. Davos (Forum économique mondial), Porte Alegre (Forum social mondial), tous pour des raisons différentes sont tombés d'accord pour s'attaquer en priorité contre la pauvreté.

Le consensus international autour de la problématique du pauvre socio-économique est ce que nous appelons paradigme « pro-pauvre ». Cependant, le cinquième et tout dernier forum social mondial du genre tenu à Bombay en Inde n'est pas favorable aux FMI (Fond monétaire international) et à la Banque mondiale qui octroient l'ECS (l'évaluation conjointe des services), document qui permet d'entrer en Programme avec eux, pour la lutte contre la pauvreté et l'initiative PPTE (pays pauvres très endettés). La majorité des Aides et d'octroi de crédits à taux réduit, bilatéraux ou multilatéraux, se conclus sous leur égide.

Le Programme de lutte contre la pauvreté est pour certains critiques une machine néolibérale, qui octroi des fonds réduits à court terme qui ne permettent pas de gros investissements des infrastructures de base et autres (l'industrie lourde -pétrochimie, sidérurgie), le programme forme des mécanismes d'agression et de pillage.

En ce qui concerne la lutte contre la pauvreté,la mise en route des Programmes subséquents se focalise entre autre autour de trois axes principaux : le renforcement de la capacité institutionnelle, la nécessité d'un partenariat entre les institutions internationales, les agences des Nations Unies, la population à travers les ONG(les organisations non gouvernementales) nationales et les structures locales, les institutions religieuses, les ONG internationales et les gouvernants,et enfin l'exigence d'une approche qui puisse être participative. Un tel dispositif vise la mobilisation des moyens matériels, juridiques, politiques, sociaux disponibles de recouvrement des certains avantages sur le plan national et international, accroître la capacité de négociation à travers les alliances et la création des réseaux, etc.

Plusieurs actions peuvent être pensées pragmatiquement pour parer à la situation de pauvreté socio-économique. Il peut être envisagé en effet, une logique de la distribution de la culture (l'accès à l'enseignement et à l'instruction en vue d'une égalité de compétence), de la division du travail (la structure du travail entre hommes et femmes) et celle de procédures de décisions. Que le plus grand nombre aille une juste part aux biens sociaux.

La lutte contre la pauvreté doit permettre la mise en oeuvre d'une égalité de chances pour que les individus et les Etats puissent prendre eux-mêmes leurs initiatives. Une chance équitable dans la compétition entre les hommes et les Etats. Faciliter l'accès sans discrimination aux institutions existantes de systèmes éducatif et de l'emploi. Garantir l'égalité des chances quant aux ressources dans la concurrence à la fois pour l'achèvement de la formation professionnelle, pour l'emploi, pour le revenu, pour le prestige et pour le pouvoir politique.110(*) Une telle tâche de la distribution touche donc également à la structure des décisions dans une société moderne.

Tous ces programmes ont été longtemps essayés dans les pays riches sans des résultats spectaculaires. Le gros d'études sur la pauvreté aborde ce phénomène sous l'angle économique et sociologique.111(*)

Au demeurant, la pauvreté socio-économique contemporaine telle que perçue est due à plusieurs causes : à une insuffisance des ressources, à l'exclusion d'un mode de vie matériel et culturel dominant ou à la précarité de statut social. 112(*)

En effet, les indicateurs de la pauvreté contemporaine sont les suivants :

1) Les indicateurs symptomatiques traduisent la non accessibilité du pauvre à certains biens et services jugés indispensables pour la réalisation d'un niveau minimum de bien-être : consommation calorique, structure de dépenses, accès à l'eau potable, accès à l'éducation, accès au service de santé ;

2) Les indicateurs qui renvoient à l'incapacité du pauvre à gérer les moyens nécessaires à la réalisation de ses objectifs de bien-être : capacité de suivie et de revenus (opportunité d'emploi, d'entreprise,...), capacité de mobilisation et de participation (actes de solidarité), capacité de gestion du patrimoine naturel, culturel, bonne gouvernance.113(*) En effet, la pauvreté concerne d'une part, un pays en tant qu'il doit pourvoir à certains biens et services indispensables à la survie de la population et d'autre part, une personne physique qui peut être frappée de la pauvreté psychologique.

L'exclusion sociale, la misère et l'extrême pauvreté sont des problèmes de degrés différents. Cette situation est due dans certains cas au phénomène de domination, sous cet angle, elle est vécue avec acuité dans les tiers - monde et appelle une dimension libératrice. La nature de la pauvreté est perçue soit comme un phénomène monétaire, soit sociologique ou soit encore psychologique pour une personne physique ou morale (individu, ménage, pays).

Il existe plusieurs types de pauvretés socio-psycho-économique dans le monde. En effet, plusieurs critères sont mis en oeuvres pour mesurer le phénomène de la pauvreté ; ils sont soit de l'ordre alimentaire et diététique (la quantité de calorie à consommer), soit de l'ordre économique ou sociale :

1) La pauvreté économique, celle qui semble être la plus visible, se manifeste en tant que manque de capital monétaire ;

2) La pauvreté sociologique, est vécue plutôt comme, l'expression d'un déficit du capital humain et d'une carence en relations sociales ;

3) La pauvreté psychologique, est le manque de ressort personnel à compenser le déficit.114(*)

Comme nous pouvons bien le remarquer, le programme de lutte contre la pauvreté se focalise sur toutes ces catégorise de la pauvreté, et en tant que tel comporte une visée globale de la société : le programme veut palier à la carence de la consommation calorique, à la structure des dépenses ménagères, à l'accès à l'eau potable, à l'accès à l'éducation, à l'accès au service de santé, à la capacité de la gestion du patrimoine naturel, culturel et à la bonne gouvernance.

II.2.2. De la genèse de l'approche programme.115(*)

Nous nous proposons de présenter l'historique de l'approche programme à travers ses différentes phases.

Cette approche apparaît en 1991 au PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) et à la BIRD (Banque Internationale pour le reconstruction et le développement) au cours des débats sur la dimension institutionnelle du sous -développement. Le débat de la conférence annuelle de la Banque mondiale de Mars 1991 portait principalement sur la « gouvernance ». Au PNUD, cette « approche programme» trouve ses premiers développements conceptuels à Genève en 1991 et ses applications pratiques en 1992 avec les premières approches nationales des programmes en Côte d'Ivoire, Sénégal, Malawi, Rwanda, Gambie, qui consacre le renforcement des institutions, la participation populaire et la défense des droits de l'homme. Enfin, pour eux, toute reforme qui ne s'attache pas à réexaminer le système de gouvernance risque d'échouer. 

L'approche programme prend la configuration suivante :

- le développement humain durable,

- la dimension institutionnelle du développement (la capacité à

construire le développement),

- et une approche nationale du programme de développement.

Le Programme de lutte contre la pauvreté participe d'une dynamique multiple initiée par la communauté internationale. Il prend en compte les questions du sous-développement. En effet, les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) constituent un programme ambitieux de réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale.

Les experts ont fait remarquer notamment l'inexistence d'aucun plan concret ad hoc, en appellent à la mise en oeuvre d'une feuille de route qui prévoit :

- l'élaboration d'une stratégie nationale par chaque pays en voie de développement ;

- l'alignement du DSRP (Document de Stratégie pour la réduction de pauvreté) sur les OMD (objectifs du millénaire pour le développent) ;

- l'augmentation de l'Aide au développement ;

- l'ouverture des marchés des pays à revenu élevé aux profits des pays en voie de développement ;

- le financement de la recherche.

Par ailleurs, il existe plusieurs dimensions de l'Ajustement structurel tel qu'il a été déjà mis en oeuvre : la dimension économique, la dimension sociale et la dimension institutionnelle. Ces conceptions de l'Aide au développement et les Projets inhérents se succèdent sans garantie des résultats (assistance technique interne et résidente d'antan, les premiers plans d'Ajustements structurels des années 1980, et finalement une logique actuelle dite des Programmes).

Le programme de lutte contre la pauvreté est lié la question du sous-développement. Cette conception du développement  a une double dimension, il est humain et durable, il se réalise sous une approche dite institutionnelle du développement (ou d'Ajustement). En tant que telle elle renvoie à  la reforme des institutions par l'entremise de l'automatisation, de la modernisation, et de la participation accrue de la société civile à la gestion de l'économie nationale, et au problème de gouvernance, c'est-à-dire de démocratie, en vue de relier la croissance et la conflictualité. Nous allons également insister sur la question de la démocratie dans l'optique qui est la nôtre.

Une approche nationale des programmes est un corpus élargi de normes de développement qui risquent d'entrer en contradiction les uns avec les autres. Il est conçu comme une approche pragmatique, étape par étape, de la capacité à construire une gestion de développement.

En effet, l'an 2000, l'Assemblée générale des Nations Unies s'est fixée comme objectifs, l'abolition de l'extrême pauvreté et de la misère d'ici 2015. Pour ce faire, plusieurs solutions ont été envisagées pour les tiers-monde, le renforcement de la sécurité sociale, l'abolition de la dette extérieure, l'amélioration de l'instruction, la reforme et le renforcement des capacités des institutions, la réhabilitation des infrastructures de base qui constituent le Programme de lutte contre la pauvreté ou programme amélioré d'Ajustement structurel (PPTE).

CHAPITRE TROISIÈME : L'ÉTHIQUE DE LA DISCUSSION FACE À LA QUESTION : « QUE DEVONS NOUS FAIRE » ?

I. De la discussion et des questions connexes.

I.3.1. Le processus de traitement des problèmes.

Notre réflexion ici pourra tenter, à la suite de la structure de la procédure d'argumentation morale, une élucidation des mécanismes institutionnels à travers les processus de l'adoption des programmes adéquats, notamment ceux de la lutte contre la pauvreté, dans la version qu'en donnerait la théorie de la discussion au niveau national et donner le sens de cette entreprise au niveau international.

Pour cela, nous pensons qu'il est important d'abord de présenter cette vision des institutions, inspirée de la théorie de la discussion dans laquelle va s'insérer notre analyse. Toutefois il sied de bien le rappeler, la méthodologie de l'élaboration de l' « approche programme » est fondée sur la discussion et les négociations, la démocratie, le respect de droits de l'homme, la bonne gouvernance, la participation de la société civile, etc.

L'aliénation et l'émancipation des peuples ne dépendent plus seulement de l'ordre économique, elles tiennent aujourd'hui à la manipulation de l'espace publique investi par le pouvoir. En effet, l'approche du paradigme procédural de Droit et de la démocratie que présente Jürgen Habermas dans Droit et démocratie. Entre faits et normes, (116(*)) indique un modèle de traitement des problèmes de la société fondé sur la théorie de la discussion. Ce modèle s'élargit concrètement à plusieurs domaines. Notamment au processus des décisions de l'Administration publique et du Gouvernement ou du circuit complet que parcourt les avis et les décisions, c'est-à-dire, de la circulation de l'expertise à travers tout l'Appareil de l'Etat et de la société. La société ou carrément l'opinion publique en tant qu'elle peut exercer des multiples pressions.

Rappelons que le Gouvernement a l'avantage de disposer des moyens fiscaux, de la prérogative d'inscrire des points à traiter à l'ordre du jour des réunions des conseils des ministres, d'en établir les priorités, et surtout d'en décider. La société a l'avantage de conférer la légitimité, elle se compose concrètement du tissu associatif, des personnalités, de l'espace public, des communautés.

Finalement il est question de faire un usage adéquat de la rationalité collective tout entière, source d'efficacité plus accrue. Bref, il s'agit de la théorie qui explicite le processus de communication sociale en général sur des discussions spécialisées ou non spécialisées qui aboutissent à la formulation des programmes in fine.

Pour revenir au modèle procédural et au schéma institutionnel en question, le modèle que nous avons choisi, il se situe, pour le comprendre, sur un axe explicatif qui va du centre à la périphérie. Au centre, nous trouvons le coeur du système politique, qui est composé de système institutionnel : dont l'Administration (Gouvernement inclu), la Justice (les Cours et tribunaux), et les institutions que nous pouvons qualifier de la formation démocratique de l'opinion et de la volonté, entendez (les organismes parlementaires, les élections, les programmes politiques, la concurrence des partis, etc.).

A la périphérie interne de l'Administration publique : nous pouvons trouver les différentes institutions, notamment celles qui sont dotées de droit d'autogestion ou de fonction de contrôle, celles qui ont des compétences déléguées par l'Etat (les Université, les Instituts supérieurs, les centres de recherches, les sociétés d'assurance et leurs systèmes, les représentations corporatives, les Chambres professionnelles, les associations de bienfaisance, les fondations et j'en passe.)

A la périphérie externe du centre dans son ensemble : il y a des utilisateurs et des fournisseurs. Cela renvoie concrètement au pouvoir social (les communautés, le tissu associatif, les personnalités et l'espace public) et aux partenaires extérieurs.

Au demeurant, dans les critiques qui sont actuellement formulées contre les Documents de Stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP), qui restent les Documents de base qui donnent accès à la Facilité pour la réduction de la pauvreté et à la croissance (FRPC) ainsi qu'à l'initiative envers les Pays très endettés (PPTE), il est reproché notamment le fait que les DSRP sont influencés ,et parfois même préparés par les pays étrangers , la faible participation de la société civile, des ONG à la réalisation de DSRP alors qu'il doit être orienté vers un partenariat ,c'est-à-dire qu'il doit bénéficier de l'appui de tous les membres de la société civile ,organisation de la société civile (OSC) et des ONG . Rappelons que la RD Congo a conclu son DSRP- Intérimaire en 2002 et a conclut le DSRP final cette année 2005 avec les Institutions financières internationales.117(*) Ce qui a aboutit àl'échec.

La société civile fait entendre des problèmes sociaux, expriment des exigences, articulent les intérêts ou des besoins et exercent une influence sur la formulation des projets de loi ou sur des programmes vis-à-vis du Parlement et des Administrations, même par voie judiciaire. Ces fournisseurs forment des Associations qui représentent des intérêts de groupes, jusqu'aux groupes d'intérêts publics.

« Ces associations formatrices de l'opinion spécialisées dans la formulation des thèmes et de contributions et d'une façon générale dans l'exercice d'une influence publique, font partie de l'infrastructure propre à la société civile d'un espace public dominé par les mass media et qui (...) forment le véritable contexte périphérique.»118(*) Il faut noter qu'en dehors des élections, et donc en temps normal, l'espace public tel que dominé par les mass media constitue la périphérie de ce système institutionnel.

La discussion civique est l'acte fondamental de la démocratie.119(*) A la suite de Sondra Myers qui cite Vaclav Havel, nous soutenons la thèse selon laquelle « la démocratie est une discussion ( ) c'est toujours une question d'accord et de mobilisation et de compromis, ( ) et de mobilisation des instincts pour déterminer quel genre de compromis est acceptable et quel genre n'est pas. »120(*) La participation des citoyens à la discussion de questions publiques, en vue de prendre des décisions avisées, de résoudre des conflits, de rechercher des terrains d'ententes et d'affirmer leurs droits et de leurs responsabilités, est essentielle au progrès.121(*)

Le coeur de la société civile est en fait constitué par un tissu associatif qui institutionnalise, dans le cadre d'espaces publics organisés, les discussions qui se proposent de résoudre les problèmes surgis concernant les sujets d'intérêt national.

L'espace public est dominé à la fois par les mass media et les grandes organisations.122(*) L'espace public s'étend à des questions d'ordre politique. « L'espace public se décrit le mieux comme un réseau permettant de communiquer des contenus et des prises de position,et donc des opinions ;les flux de communication y sont filtrés et synthétisés de façon à se condenser en opinions publiques regroupées en fonction d'un thème spécifique »123(*). L'espace public se différencie, « c'est un tissu d'une grande complexité, ramifié en une multiplicité d'arènes qui se chevauchent, aussi bien internationales que nationales, régionales, municipales ou subculturelles ()différencié en niveaux en fonction de la densité de la communication,de la complexité de l'organisation et de l'ampleur de rayon d'action,allant de l'espace public épisodique du bistrot,des cafés et des rues,jusqu'à l'espace public abstrait créé par les mass media et composé des lecteurs ,d'auditeurs à la fois isolé et globalement spécialisés,en passant par l'espace public organisé ,en présence des participants,qui est celui des représentations théâtrales ,des conseils de parents d'élèves,des concerts de rock,des réunions de partis ou des conférences ecclésiastiques »124(*).

Toutefois,les structures communicationnelles de l'espace public sont liées aux sphères de la vie privée, la périphérie qu'est la société civile possédant, vis-à-vis des centres de la politique ,l'avantage d'une plus grande sensibilité pour la perception et l'identification des problèmes nouveaux. C'est au système politique que l'opinion publique abandonne le traitement spécialisé de ces questions.

Bien plus, les Biens publics sont des conditions sine qua none de toute prospérité nationale sur lesquels doit discuter la société civile. Ce sont ces Biens publics qui régulent véritablement l'économie de l'Etat contre l'envahissement des capitaux privés extérieurs. Parce que les marchés sont capables aussi bien de soutenir que de détruire le plein emploi, la sécurité de l'environnement, la santé publique, les services sociaux, l'enseignement, la diversité culturelle et la véritable concurrence. En effet, nous pouvons même dire que les Biens publics et la démocratie sont indispensables aux marchés (aux sociétés transnationales). Ainsi, « des biens aussi différents et manifestement publics que l'enseignement, la culture, le plein emploi, le bien-être social et la survie écologique (ne) devraient (pas) être livrés au secteur commercial aux fins d'arbitrage et de décision. »125(*)

Par ailleurs, l'intention de la pragmatique universelle par exemple, est de tenter de briser le prétexte d'un appareil de l'Etat qui agit pour et au nom d'un bien commun indifférencié. Il faut une société auto domestiquée par la participation de tous, au moyen de la discussion la plus large possible, au lieu d'une emprise anonyme d'une Administration centralisée des élites fermées à eux -mêmes, coupées des délibérations des peuples ou du pouvoir social (tissus associatifs, communautés, espaces publics et personnalités), le système déconnecté du monde vécu (de la tradition en dépit du fait que les citadins semblent toujours se situer assez distants de leur tradition souvent à fossiliser ) en tant qu'interactions humaines quotidiennes et continues, de la société civile et de l'opinion publique tout en les colonisant.

Cette brève explicitation est une des traductions de l'interprétation de la démocratie telle que donnée au moyen de la théorie de la discussion, parce qu'il y a l'exigence interne de l'argumentation (au Parlement) et l'exigence externe de la communication digne de ce nom (dans l'espace public et à travers l'opinion publique). Les flux communicationnels sont ainsi des medium régulateurs des décisions qui engagent pour ainsi dire le corps social, l'Etat et monde.

Nous pouvons bien remarquer qu'en fait, le pouvoir est ici fondé sur la communication. C'est sous la pression de l'opinion publique que les problèmes sont traités par les responsables politiques, y compris les problèmes de la pauvreté, telle qu'elle est devenue centrale dans la conduite de la chose de l'Etat dans les pays dits pauvres. Le fait de disposer d'un pouvoir social permet d'agir sur le processus politique. 126(*)

Ce point de vue qui est institutionnel tel que développé dans l'optique de la théorie de l'information et de la discussion présente plusieurs avantages : il y a ici le « mouvement canalisé » des informations à l'échelle de tout le système institutionnel, du pouvoir social et de l'appareil administratif. L'Etat ne prend une forme institutionnelle solide qu'à travers l'organisation administrative de la fonction publique.

I.3.2.De l'intérêt de la théorie de la discussion.

M.Kriel trouve la fécondité de la théorie de la discussion dans ce qu'elle «  défend une forme d'Etat fondée sur la discussion - autrement dit l'Etat constitutionnel démocratique - contre les théories politiques qui soumettent ses fondements philosophiques à une mise en cause principielle.»127(*) La théorie de la discussion, loin de remettre en cause les fondements de la théorie de l'Etat constitutionnel démocratique en cause, lui restitue son sens plein. En fait comprendre la cohérence et l'harmonie générale du système institutionnel.

C'est justement dans ce décor d'analyse que nous avons placé plus la question de la pauvreté socio-économique.

En effet, nous nous attelons à analyser le fonctionnement de la société civile et son importance parce que beaucoup des pays dits pauvres n'ont pas l'expérience d'une société civile organisée et efficace (des syndicats des corporations non corrompus et non infiltrés). Cette faiblesse et ses effets néfastes ont un impact sur des Etats ou des Administrations en crise, sur le processus collectif d'élaboration et de suivi des programmes.

Cette question-ci « Que devons-nous faire ? », lorsque analysée selon le modèle de Jürgen Habermas prend donc trois formes différentes : pragmatique, éthique et morale ; cela diffère selon que la collectivité poursuit une fin, veut acquérir un Bien public ou sinon si elle veut atteindre ce qui est juste.

Les questions pragmatiques se posent du point de vue d'un acteur qui cherche les moyens appropriés permettant de réaliser des fins et des préférences données. En effet, ces fins, peuvent faire problèmes si du point de vue éthico-politique (ici nous nous referons à la terminologie de Habermas), elles ne répondent pas à la forme de vie intersubjectivement partagée d'une communauté.

Dès lors, la question de la finalité à atteindre, question éthico-politique telle que les conçoit Habermas, appelle un éclaircissement quant à la vision que la communauté se fait d'elle-même : en fonction de quels idéaux les personnes devraient projeter leur vie commune ? L'angle éthique considère donc l'aspect éthico-éxistenciel en posant la question suivante au singulier: Qui suis-je ? Qui aimerais-je être ? Quelle forme de vie est bonne pour moi ? « La manière dont, tout en les développant de façon sélective, nous nous approprions les traditions et les formes de vie dans les quelles nous venons au monde, détermine les genres d'individu dans lequel nous nous reconnaissons à l'intérieur de ces traditions culturelles. »128(*) Les questions éthiques ne dépendent pas de fins ou de préférences subjectives mais indiquent les modes d'actions qui, à longue échéance et dans l'ensemble, sont « bons pour nous ».

De façon récapitulative, dans les discussions pragmatiques, nous examinons l'opportunité des stratégies d'action qui présupposent que nous sachions ce que nous voulons. Dans les discussions éthico-politiques nous examinons une configuration des valeurs en présupposant que nous ne savons pas encore ce que nous voulons en réalité.

Nous pouvons dire qu'une conception procédurale de la démocratique envisage la politique comme une controverse portant non pas simplement sur des questions de préférence, mais sur des questions de valeur,par exemple la corruption et les anti-valeurs. « Elle envisage la politique comme un processus fondé non pas simplement sur la volonté mais sur la raison, pas simplement sur le pouvoir mais sur la persuasion orientée vers un accord concernant la façon bonne ou juste, en tout cas acceptable, d'ordonner les aspects de la vie incluent les relations sociales et les caractères sociaux des gens. » 129(*) La discussion politique menée de façon continue possède également une force d'engagement pour la manière dont la domination politique sera exercée.130(*)

I.3.3. La transformation de la question éthique kantienne dans la résolution des problèmes.

Devant des problèmes,notamment ceux liés à la pauvreté , toute la collectivité et tous les acteurs partent donc ,d'une seule question moins individualiste que celle posée par Emmanuel Kant : « Que devons-nous faire ? ».

1) Premièrement, dans la terminologie de Jürgen Habermas, les discussions pragmatiques se limitent à échafauder des Programmes possibles.

2) Deuxièmement, les discussions éthico-politiques, sur base des discussions pragmatiques appellent la compréhension qu'un groupe a de soi-même, et de son identité, c'est-à-dire la réappropriation des traditions dans un esprit critique.

3) Troisièmement, les discussions morales sont totalement décontextualisées et universalisables.  

4) Quatrièmement, les discussions politiques, puisque englobantes, se posent d'abord sous la forme pragmatique d'un choix de finalités collectives en fonction de certaines orientations axiologiques et d'un examen attentif, au nom d'une rationalité fins- moyens ,des stratégies que le Législateur politique souhaite adopter 131(*).

Bien entendu, un tel travail suppose une bonne interprétation de la situation, d'une description adéquate du problème à résoudre, de l'obtention d'informations significatives et fiables, et du bon traitement de ces informations, effectué le cas échéant à l'aide d'une théorie.

Ramenées à des questions spécifiques ,les questions morales sont celles ayant trait à la politique sociale,à l'organisation de système scolaire ou encore à celui des soins médicaux,à la distribution des richesse,etc. Les questions éthiques sont celles liées à l'écologie, au réseau routier et à l'urbanisme, à l'exode rural, à la fuite des cerveaux, à la discrimination culturelle et ethnique, ou à la culture politique en général.

I.3.4. Les présupposés d'une approche post-analytique.

Notre démarche à ce niveau consiste à pouvoir présenter le Programme de lutte contre la pauvreté, par la suite tenter de montrer les points d'encrages avec la philosophie, spécialement la philosophie du langage, dans sa phase post-analytique ou discursive avec Jürgen Habermas. L' « approche programmes » dans la lutte contre la pauvreté renvoie à la primauté d'une philosophie de la vie qui englobe l'humain et le suprahumain, à la modernisation sociale, à la participation de la société civile, à la démocratie, à la gestion des conflits, tout en impliquant une large concertation de la dynamique interne sur les Projets, - l'aspect discursif constitue la stratégie de base de l'approche Programme -, tous ces éléments constitueront l'objet de notre Dissertation. C'est donc une étude globale.

L' « approche programme » des programmes non décrétés qui ont cours maintenant devaient être mise en oeuvre dans le contexte d'un environnement d'un Etat ordonné, réhabilité au nom de la dimension institutionnelle de l'Ajustement. Toute fois, en arrière -fond se profile le débat bien intéressant sur la nature du développement (le développement durable est de plusieurs cotés une vision nouvelle en ceci qu'elle est soucieuse de préserver la nature dans son ensemble). Cette approche est toute récente, elle demande à être explicitée.

L'humain signifie que l'homme est mis au centre, non seulement du point de vue des objectifs mais aussi de la méthode. « Durable » veut dire que l'environnement humain et physique doit être préservé tout en assurant le suivi des Programmes. Il y a ici le primat d'une conception de la vie qui englobe l'humain et le suprahumain.

Cette approche est nationale dans le sens où une expertise nationale est mise en place dès le lancement du programme et se substitue à l'expertise étrangère. Elle implique une large concertation ou de consultations sur les projets. Disons le tout de suite, c'est cet aspect discursif qui constitue la stratégie de base de l'approche Programme. En tant que tel elle anticipe énormément sur la philosophie post-analytique dont nous allons parler.

L'approche programme doit cohabiter avec les recommandations des programmes économiques à moyen terme, adoptés sous conditionnalité : privatisation, ouverture à l'échange international, réduction des dépenses publiques, etc.

Nous pouvons remarquer plus aisément que la conception du développement durable, bien que n'étant pas le sujet principal de notre Dissertation, coïncide avec la philosophie du langage. Au niveau du tournant pragmatique, elle postule la primauté de la communauté sur le sujet, et donc une anthropologie philosophique non individualiste à l'instar de l'anthropologie solipsiste inaugurée par Descartes et poursuivi par Kant.

La transformation de cette philosophie par la philosophie du langage nous donne de façon générale un cadre théorique très fécond capable de trouver des points d'ancrage pour ce faire. Déjà, lorsque nous partons de la question transformée de Kant, devant un problème : « Que devons nous faire ? », cette voie nous offre sans conteste des prolongements capables d'aborder cette question de la pauvreté.

Cette architecture théorique met ensemble la discussion et le monde vécu. « Le monde vécu dont les institutions sont une composante ,se présente comme un ensemble cohérent des convictions culturelles ,d'ordres légitimes et d'identités personnelles ,enchevêtrés les unes avec les autres et reproduites par le moyen de l'activité communicationnelle »132(*). Le concept de « monde vécu », riche d'occurrences, antidote à la synthèse transcendantale kantienne, englobe un type de savoir et de savoir -faire qui nourrissent les intelligences aptes à résoudre des problèmes récurrents de la société soucieuse de leur identité. « L'idée de la possibilité d'honorer les prétentions à la validité critiquables requiert des idéalisations qui soient opérées par les acteurs de la communication eux-mêmes et qui se trouvent du même coup, non plus au ciel transcendantal, mais sur le terrain même du monde vécu ».133(*)

Le concept de l'agir communicationnel, pour autant qu'elle renvoie à la discussion en vue d'une entente, offre lui aussi une des clés théoriques qui soutend une société réflexive, autoréflexive et éthiquement responsable dans la distribution des biens publics. Une discussion soit elle scientifique ou politique répond aux mêmes présupposés.

En outre, nous pouvons le dire ici, la communauté dialogale précède le « contrat social » ; elle est la condition de possibilité de celui-ci. D'un point de vue éthique, la philosophie post-analytique postule par le fait même, des normes tout compte fait éthiques ,sans les quelles tout dialogue est impossible.

Une anthropologie proprement communautaire et une éthique de la discussion sont des présupposés de notre recherche au niveau fondamental. La théorie de la discussion134(*), au niveau de la philosophie (du langage) appliquée, entendez les discussions et les négociations, forment la logique de base de la vie en commun et des institutions étatiques, dans l'optique qui est la nôtre.

I.3.5. L'Etat comme macro « je ».

Jürgen Habermas présente, selon les périodes, les missions qui incombent à l'Etat, des problèmes qui ont par ailleurs assez accru aussi bien quantitativement que qualitativement : par exemples, le contrôle de la pauvreté engendrée par le capitalisme, la domestication du pouvoir de l'Etat absolu et, enfin la prévoyance des risques entraînés par la science et la technique, et les déficits actuels de l'appareil de l'Etat (i.e.,la légalité de l'Administration, la séparation fonctionnelle des pouvoirs,...). 135(*) Nous allons tenter de discuter de ces points de vue d'Habermas sur base des principes de l'Etat de Droit.

L'ombre d'une philosophie du sujet plane sur les traditions de pensées jusque là dominantes. Le primat est accordé à l'Etat comme un macro « je ». L'Etat moderne opère justement comme un macro-individu providentiel qui vise la réalisation du bonheur de tous les individus indistinctement. Un appareil de l'Etat qui agit pour et au nom d'un Bien commun indifférencié.136(*)

Notre analyse, n'oublions pas, se fait à partir du Nous communautaire en tant qu'a priori de la communauté de la communication. Habermas partage en gros un même projet avec Karl Otto Apel en ceci qu'ils essaient de transformer la philosophie transcendantale kantienne en la détachant du sujet traditionnel pour l'ancrer dans les jeux du langage communicationnel ; ils partent tous à quelques exception près de l'a priori de la communauté de la communication. (137(*))

L'intention de la pragmatique universelle par exemple, est de tenter de briser le prétexte d'un appareil de l'Etat qui agit pour et au nom d'un bien commun indifférencié. Il faut une société auto domestiquée par la participation de tous, au moyen de la discussion politique la plus large possible, au lieu d'une emprise anonyme d'une Administration centralisée des élites auto formées, coupée des délibérations des peuples et du pouvoir social (tissu associatif, communautés, espace public et personnalités), le système déconnecté du monde vécu en tant que interactions simples, de la société civile et de l'opinion publique tout en les colonisant.

La politique doit mettre la gestion des informations à la base du processus politique et à la disposition de tous, pour dépasser les problèmes de nos démocraties existantes, notamment celui du paupérisme.

Aujourd'hui, les idées dominantes libérales sont incontestablement les plus assises et les plus institutionnalisées. Nous devrons perpétuellement mesurer le potentiel de raisonnabilité et de moralité de ces idées sociales à l'aune de leur efficacité ou gouvernabilité face à nos problèmes, tel celui de la pauvreté socio-économique.

I.3.6. Les principes de l'Etat de Droit dans la version de la théorie de la discussion.

Jürgen Habermas se propose de développer l'idée de l'Etat de droit et de la législation édictée légitimement, à travers les principes de l'Etat de droit.137(*) « Dans la mesure où, conformément à une structure qui est celle de la discussion ,la formation de l'opinion et de la volonté du Législateur politique est supposé s'effectuer dans les formes de communication qui permettent de donner ,sous différents aspects,une réponse rationnelle à la question « que devons-nous faire ? »138(*) Il s'agit des quelques principes suivants : le principe de la souveraineté populaire, le principe de la protection complète de l'individu, garantie par une justice indépendante, les principes de la légalité de l'Administration et du contrôle de celle-ci par la Justice et le Parlement ainsi que du principe de la séparation de l'Etat et de la société.

Ce principe de la souveraineté populaire pour être exhaustif, appelle d'autres principes subsidiaires qui peuvent être compris comme des présupposés: 139(*) Ce sont en effet, les principes garantissant l'existence des espaces publics autonomes, le principe de la concurrence des partis, et du principe parlementaire.

Tous les citoyens ne peuvent se « rassembler » au niveau d'interactions simples et directes pour dégager une décision unanime sur les programmes () et les lois, étant entendu que cela suppose la consultation et la prise de décision dans un débat face à face.140(*) La solution est alors offerte par le principe parlementaire consistant à créer des organes représentatifs qui délibèrent et décident.

A la lumière du principe de la discussion, ces questions de procédure doivent être réglées de telle façon que, d'une part, les présuppositions pour les discussions pragmatiques, éthiques et morales soient respectées, et de l'autre, que les conditions de négociations équitables puissent être respectées de façon suffisante.141(*)

Quelques présupposés :

- le principe de l'existence d'espaces publiques autonomes et non investis par le pouvoir, du principe de la concurrence des partis et du principe parlementaire ;

- l'institutionnalisation juridique de certaines procédures et de certaines conditions de communication qui permettent de recourir effectivement à des libertés communicationnelles égales ;

- les communications politiques des citoyens s'étendent à toutes les affaires d'intérêt public, mais elles finissent par déboucher sur les décisions des organes législatifs ;

- la publicité des débats parlementaires et le rôle de l'opinion informée dans le contrôle du Parlement ;

- la discussion est un processus qui a pour fonction de résoudre les problèmes ;

- toutes les questions, tous les thèmes et toutes les contributions qui ont une pertinence sont évoqués et traités, sur la base des meilleures informations et raisons accessibles, dans le cadre de discussion et de négociations ;

- les consultations sont programmées en fonction d'une décision à prendre, qui se déroulent entre personnes présentes dans un même lieu ;

- les arènes doivent être protégés par les droits fondamentaux ;

- le principe de la protection complète de l'individu doit être garanti par une justice indépendante ;

- le principe de séparation de pouvoir doit être préservé.

I.3.7. Le monde social.

Ici nous nous proposons de sélectionner quelques sujets importants qui nous serviront par la suite à l'analyse du monde social. Nous parlerons notamment des notions du capitalisme, de la démocratie, du journaliste, etc. Cette section tente de définir ces réalités dans la terminologie plus ou moins technique, liées au pouvoir social à proprement parler. En effet, il y a une sorte de hiérarchie qui s'établit dans le pouvoir social entre la société civile et l'espace public.

Nous énumérons tout simplement certaines de réalités qui s'impliquent. En effet, nous devons le savoir, ce n'est pas le capitalisme qui a engendré la démocratie. Le capitalisme a besoin de la démocratie, mais il ne sait ni la créer ni l'entretenir et il engendre fréquemment des conditions susceptibles de la miner. La démocratie est indispensable aux marchés s'ils veulent perdurer. Ils sont tout aussi capables de soutenir que de détruire le plein emploi, la sécurité de l'environnement, la santé publique, les services sociaux, l'enseignement, la diversité culturelle et la véritable concurrence.

La participation des citoyens à la discussion de questions publiques, en vue de prendre des décisions avisées, de résoudre des conflits, de rechercher des terrains d'ententes et d'affirmer leurs droits et de leurs responsabilités, est essentielle au progrès et au maintien de la démocratie.142(*) Le bon et responsable journaliste est celui qui « est prêt à renoncer à sa neutralité sur certains sujets, tels la question de savoir si la population participe, si un véritable débat intervient le moment où c'est nécessaire, si une communauté s'efforce de résoudre ses problèmes. »143(*)

I.3.8. La spécification de l'Etat et de la société civile dans la théorie de la discussion.

Cette section essaie d'introduire certaines autres réalités de la vie moderne qui conditionnent la marche de l'Etat et de la société. Pour notre gouverne,le concept de l'Etat renvoie à l'appareil de l'Etat ou à l'Administration publique, et la société en général quant à elle, renvoie au système des relations, structurées par l'économie du marché, des particuliers et de leur travail.144(*)

Le processus social est fondé sur l'autodétermination autonome de la société et sur la mobilisation de la société tout entière. En effet, pour la pratique de l'autodétermination que nous pouvons appeler civique, on suppose l'existence d'une société civile, base autonome, autrement dit indépendante de l'Administration publique et des échanges privés effectués par l'intermédiaire des marchés, et qui permet à la communication politique de n'être ni absorbé par l'appareil de l'Etat ni assimilé à la structure du marché.145(*)

Dans ce contexte, les droits politiques offrent aux citoyens la possibilité de faire valoir leurs intérêts privés, de façon à ce que ceux-ci finissent par constituer à la fois au moyen de vote, la composition des corps parlementaires, la formation du gouvernement et en s'associant à d'autres intérêts privés, une volonté politique capable d'exercer une influence sur l'Administration.146(*) Nous pouvons affirmer même le primat des droits liés à la communication sur les droits de l'homme en général.

Sous cet angle discursif, ce qui légitime l'existence de l'Etat n'est pas en premier lieu le fait de protéger des droits subjectifs égaux, mais de garantir un processus inclusif de formation de l'opinion et de la volonté, dans lequel des citoyens libres et égaux s'entendent à propos des fins et des normes qui correspondent à l'intérêt commun de tous.147(*)

Le droit de vote est interprété comme des contributions autonomes et des prises de position personnelles. Le droit de vote devient paradigme par excellence des droits ; ce n'est pas seulement parce qu'il est constitutif de l'autodétermination politique, mais parce que sa structure révèle le lien existant entre l'inclusion à une communauté des sujets ayant des droits égaux, et le droit individuel à faire des contributions autonomes et des prises de position personnelles.148(*)

Le mot -clé, comme nous pouvons bien le remarquer n'est autre que la communication, et communiquer sur base des informations fiables, des raisons valables, quelques fois au moyen de certaines théories. D'où la nécessité de la formation de l'opinion.

I.3.9.De la mondialisation.

Habermas définit la mondialisation comme étant le processus qui se manifeste par « l'extension croissante et l'intensification au-delà des frontières nationales à la fois des transports, des communications et des échanges. »149(*) Autant dire que ce processus aboutit à la montée de la sphère économique quelques fois non régulée au détriment du politique (contre le respect des frontières Etatiques). En effet, « L'éviction de la politique par le marché se traduit donc par le fait que l'Etat national faible perd progressivement sa capacité de protéger ses frontières, à recouvrer des impôts, à stimuler la croissance et à assurer par là la base de sa légitimité. Car on sait que, lorsque les Etats « sont abandonnés à la régulation par le marché, de nombreuses infrastructures de la vie publique et privée sont menacées de destruction et de dépravation »150(*).

Un tel processus affecte plusieurs secteurs de la vie, notamment l'Etat, conduit à exacerber la pauvreté. Mais en même temps, la pauvreté est de nature soit étatique soit individuelle. « Il va de soi que cela ne concerne pas seulement le noyau central de l'Etat social, à savoir la politique de redistribution, bien qu'elle soit de première importance pour la vie des citoyens. De la politique en matière de l'emploi et de celle qui est menée en faveur de la jeunesse jusqu'à la protection de la nature et à l'urbanisme, en passant par les politiques en matière de santé, de famille et de l'éducation,la « politique sociale » au sens large s'étend à tout l'éventail des prestations fournies par les organisations et les services qui apportent des biens collectifs et contribuent à la mise en oeuvre de conditions de vie d'ordre social,naturel et culturel ;il s'agit de ce point de vue de préserver du déclin l'urbanité et, d'une façon générale,l'espace public d'une société civilisée ».151(*)

Finalement, « la cohésion des communautés nationales est mise à l'épreuve par la mondialisation. Les marchés mondiaux et la consommation de masse, les médias et le tourisme de masse assurent la diffusion mondiale - ou du moins la connaissance - des produits standardisés d'une culture de masse qui porte majoritairement l'empreinte des Etats -Unis. »152(*) Ainsi définir la nature des biens que l'on veut devient ardu pour préserver son identité. Le conflit identitaire devient le moteur de l'histoire.

Pour Habermas, «  dans les sociétés complexes, ni la productivité d'une économie organisée en fonction du marché, ni la capacité de régulation de l'administration publique ne sont les ressources les plus rares. Les ressources qui demandent à être traitées avec ménagement sont avant tout celles de la nature, aujourd'hui au bord de l'épuisement, et de la solidarité sociale, en voie de désagrégation. » 153(*)

Toutefois, les droits fondamentaux, civiques et politiques, autorisent les citoyens démocratiquement unis à modifier par voie de législation leur propre statut. A la longue échéance, seul un processus démocratique qui munit les citoyens de droits à la fois appropriés et équitablement répartis pourra être considéré comme légitime et engendrer la solidarité.

I.3.10.L'Etat-nation.

L'institutionnalisation des organes politico- sociaux tels qu'ils se sont stabilisés au sein de la structure de l'Etat-Nation pose maintenant des problèmes face à la mondialisation économique.154(*) Produit de la centralisation monarchique et des révolutions modernes, l'Etat-Nation apparaît aujourd'hui bien mal adapté à l'intégration économique mondiale. Le contenu contrefactuel de l'autonomie républicaine subséquente n'a pu s'affirmer que parce qu'il a trouvé son « assise » dans les sociétés ayant la structure d'Etat-Nation. (154(*)) Avec la tendance évolutive sous le nom de « mondialisation » ,les principes centraux de la démocratie libérale -l'autonomie politique ,le demos ,la condition de « commun accord » , la représentation et la souveraineté populaire deviennent incontestablement problématiques.(155(*)) Au regard plus précisément de l'alternative « souverainisme/fédéralisme ».

I.3.11.De l'Afrique.

Dans la perspective africaine traditionnelle, une société peut être entendue comme une communauté discursive, une société à Palabre d'une part et d'autre part comme un sous-système en évolution - un Etat.

La palabre en Afrique était l'axe central autour de quoi la vie était vécue. Nous assimilons la palabre au paradigme de la communication. Les flux communicationnels sont ainsi aujourd'hui des mediums régulateurs des décisions qui engagent pour ainsi dire le corps social. Nous prolongeons cette réflexion philosophique africaine sur le concept de la palabre.

Il peut sembler étrange dans le cadre de cette théorie, pour la question mise à

l'étude de prendre comme point de départ la palabre. Au delà de l'institution parlementaire moderne, le principe de la discussion et de négociation restent au coeur de tout fonctionnement institutionnel moderne. Une reconstruction philosophique institutionnelle et procédurale systématique de l'Afrique traditionnelle faite à partir de la Palabre (autrement appelée discussion ou négociation) à la hauteur de l'expérience contemporaine s'impose.

En effet plusieurs réflexions ont eu à aborder cette pratique sociale fort fréquente en Afrique traditionnelle. Au demeurant, la palabre donne l'occasion d'une démonstration fort riche en littératures et genres fort mêlés (sentences, maximes, apophtegmes, proverbes, danses, dictons, proverbes, récits, légendes, devinettes, etc.).

La lutte contre la pauvreté,la version revue des Programmes d'ajustements structurels tant décriés , en tant que stratégie de mobilisation des moyens pour atteindre des fins collectives, se fait sous forme des programmes ou des projets coulés en forme des lois. Les contributions discursives des différents arènes (espaces publics, opinion publique, etc.), du Parlement et du Gouvernement le cas échéant, sont de ce fait d'une importance centrale ici.

II.3. 1. Quelques considérations théoriques par-delà la «  discussion ».

Au-delà de la limite des discussions, s'impose la négociation. Dans le cas des intérêts irréconciliables, il faudra comme nous le savons recourir aux négociations au lieu des discussions. En ce sens les négociations sont la limite des discussions. Ces deux réalités diffèrent sur un certain nombre des points. Les processus de négociation sont appropriés à des situations dans lesquelles les rapports sociaux de pouvoir ne peuvent pas être neutralisés comme les présupposent les discussions rationnelles.

Par leurs menaces et leurs promesses, les parties introduisent à l'interaction une force de négociation. Les négociations non réglementées visent des compromis et sont acceptables à certaines conditions, dont le fait de savoir que de tels compromis prévoient un arrangement qui est pour tous avantageux que l'absence de tout arrangement.

Dans les négociations politiques, les partis intéressés sont obligés de rendre leurs menaces et leurs promesses crédibles au moyen de leur pouvoir social. Autrement dit, l'input des voix et l'output du pouvoir correspondent à un seul et même modèle d'action stratégique : « A la différence  de délibération, l'interaction stratégique vise à réaliser la coordination plutôt que la coopération. Son medium n'est pas l'argumentation, mais la négociation. Les moyens de persuasion mis en oeuvre ne sont pas des revendications et des raisons, mais des offres conditionnelles de service et d'abstention ».156(*)

II.3.2. La fonction sociale et intégrative de l'herméneutique.

Disons le de prime abord que notre approche n'autorise pas une sorte de dualisme entre la raison pure et la raison pratique. Les paroles sont des actes. Nous prenons donc en compte la réalité du langage en tant qu'elle a une double articulation, la partie grammaticale et la partie performative. Les actes de langage (les promesses, les voeux, les aveux, les serments, les bénédictions, les prières, les ordres(dans un contexte social de travail collectif ),...) sont des actes sociaux. Ces actes de paroles sont mis en contribution pour coordonner l'action de différents acteurs. 157(*)

En effet, le monde en tant que somme des faits possibles ne se constitue que pour une communauté d'interprétation dont les membres, situés à l'intérieur d'un monde vécu intersubjectivement partagé, s'entendent sur quelque chose qui existe dans le monde.158(*) Ici Peirce se refaire au présupposé de la philosophie du langage selon lequel les limites de mon monde sont les limites de mon langage, et à chaque forme de vie correspond un langage.

S'installe ici la tension entre l'idée et le fait, validité et factualité, une communauté d'interprétation et un monde vécu, utile pour la compréhension de la réalité sociale. La transcendance ici est interne, immanente au langage même.

Ainsi, la théorie de la « situation de la parole » est -elle le point de départ chez Habermas pour comprendre les liens qui existent entre la construction de la réalité sociale (la communauté d'interprètes), la stabilité de l'ordre sociale et l'intégration sociale au niveau de ce qu'on appelle les actes de langage. Charles Sander Peirce développe le tournant linguistique en tenant compte de l'utilisation du langage, de la catégorie de la communication ou plus généralement de l'interprétation des signes comme étant le centre de sa philosophie, et Habermas tente de le mettre au centre de la théorie sociale.« Les présuppositions contrafactuelles des acteurs qui fondent leurs actions sur des prétentions à la validité, acquièrent une importance immédiate pour la construction et le maintien des ordres sociaux ».159(*)

Habermas débouche sur l'objet sociologique à partir de la compréhension herméneutique : l'intégration sociale et l'ordre social. «Dès lors qu'elle se fonde sur la compréhension du sens et voit que son domaine d'objet renferme (la)tension entre factualité et validité ,la sociologie doit réviser la conception empiriste qui est traditionnellement la sienne comme une science sociale reconstructive ».160(*) « Au moyen de cette pragmatique formelle Habermas développe l'analyse du monde vécu et le lieu de l'activité communicationnelle dans l'architecture théorique, entre discussion et monde vécu. Celui-ci est à la fois l'horizon des situations de parole et la source des opérations d'interprétation ; à son tour, il ne se reproduit qu'à travers des actes de communication. » 161(*)

Pour illustrer ce point nous présentons l'analyse de la base de la validité du discours à travers deux exemples. Les actions instrumentales sont normalement insérées dans des relations d'actions communicationnelles (les activités productives sont en général organisées socialement). 

Exemple 1. Un ordre est un acte de parole en tant qu'il contient une force illocutoire. Prenons la phrase impérative suivante :

« Je vous ordonne (par là même) de disposer de votre cigarette ».

Cette expression présuppose des normes reconnues, par exemple, les consignes de sécurité du trafic aérien international, ainsi qu'un cadre institutionnel qui, dans des situations déterminées, au moment de l'atterrissage, habilite des détenteurs d'une certaine position, à donner l'indication de ne plus fumer à un cercle déterminé de personne dans le cas présent, les passagers, en se referant à certaines prescriptions.162(*) Toute cette structure subséquente implicite constitue les conditions pragmatiques d'un agir dialogal, et par ce fait même les conditions de validité des expressions. «L'ordre que le destinataire tient pour réalisable rappelle que les participants de l'interaction s'expriment toujours dans une situation qu'ils doivent définir ensemble dès lors qu'ils agissent en vue d'une intercompréhension ».

Exemple 2. 

Le vieux maçon qui envoie un collègue plus jeune et récemment arrivé chercher de la bière ,qui lui demande de filer et de revenir à la minute,présuppose que pour les participants ,ici le destinateur et les collègues qui se trouvent à portée de la voix ,la situation est claire. 163(*)

Quelle est la situation de la parole ? La situation de la parole se présente sous les thèmes suivants :

-Plan d'action : ordre donné au nouveau collègue maçon.

-situation de l'action :

. Temporel : pause café,

. Spatial : la distance entre le chantier et le débit de boisson,

-Thème : petit déjeuner,

-But de ce thème : la fourniture en boissons,

-Cadre normatif : la hiérarchie du groupe des maçons,

-Définition la situation : si le plan d'action est irréalisable, les participants à l'interaction peuvent ensemble redéfinir le plan. Si le débit de boisson est assez éloigné pour la durée de la pause, le jeune collègue peut répondre : « je n'ai pas de voiture. » Les pathologies du dialogue peuvent être détectées ici parce que on ne peut tronqué les présupposés des actes de la parole.

Pour comprendre la réalité, Habermas théorise la société à la suite du paradigme de la philosophie du langage à travers les différentes phases du tournant linguistique, pragmatique et herméneutique. Au niveau du tournant strictement linguistique, l'objection centrale contre la philosophie de la conscience est dans la position suivante : « Nous ne sommes pas porteurs des pensées comme nous sommes porteurs de nos représentations. »164(*) En effet, les représentations sont les miennes ou les tiennes ; elles doivent être attribuées à un sujet identique dans l'espace et dans le temps, tandis que les pensées dépassent les limites de la conscience individuelle et conservent un contenu strictement identique, même si elles sont appréhendées par différents sujets, en des lieux et à des moments différents.

Or, les pensées sont articulées sous forme de propositions. Peirce développe le tournant linguistique de façon conséquente, en tenant compte du langage. Le concept binaire d'un monde représenté au moyen du langage est remplacé chez lui par le concept ternaire d'une représentation linguistique de quelque chose pour un interprète possible. Le monde en tant que somme des faits possibles ne se constitue que pour une communauté d'interprétations dont les membres ,situés à l'intérieur d'un monde vécu intersubjectivement partagé ,qui existe dans le monde ,s'entendent sur quelque chose. La communauté d'interprétations en tant savoirs communs d'arrière-plan, condition de possibilité d'un ordre social, renvoie au tournant herméneutique et pragmatique.

La situation de la parole est donc ici le point de départ pour comprendre la construction de la réalité sociale, la stabilité de l'ordre sociale et l'intégration sociale. Cette question est hautement existentielle en ceci que la problématique d'un ordre social qui prend sa source dans un paradigme philosophique dit instrumentaliste est finalement une des questions centrales d'Habermas. Il faut organiser l'héritage du monde non sur base des mécanismes individualistes et instrumentalistes, mais sur base d'une mentalité d'entente. Le 11 septembre 2001 en est un appel cynique et déplorable. Habermas entreprend de critiquer la philosophie de la conscience sur cette basse en fustigeant le teleologisme.

II.3.3. La communauté dialogale ou communicationnelle.

Le nouvel ordre social chez Habermas, c'est l'instauration d'une communauté dialogue ou communicationnelle. Cette dernière, est le dépassement d'une société fonctionnaliste basée sur l'agir téléologique, vers une communauté dialogale, qui opère avec l'agir communicationnel orienté vers l'intercompréhension. En effet, le dialogue authentique digne de ce nom, pense Habermas, est l'élément fondamental pour la socialisation de l'être humain. Par le lien illocutoire, Habermas a délimité les actions communicationnelles. « Les problèmes n'est pas de devenir plus fort que l'autre, mais de se laisser emporter ( ) par la force de la vérité en présence. Le dialogue suppose dans une visée commune, un horizon commun d'interrogation »165(*).

II.3.4. De l'évolution des contextes sociaux

La situation de la parole ne peut ignorer l'évolution des contextes, il y a d'abord : 1° Le changement structurel de la nature du travail dû à l'émergence du secteur d'activité fondé sur la science. Ce qui caractérise aujourd'hui les sociétés post-industrielles, c'est la naissance d'un quatrième secteur d'activité fondée sur la science, hormis les trois secteurs traditionnels.166(*) Ce secteur dépend des flux d'informations nouvelles et, en dernière instance, de la recherche et de l'innovation. L'innovation dépend à son tour d'une « révolution de l'éducation », qui non seulement supprime l'analphabétisme, mais conduit à une extension drastique du système d'éducation secondaire et universitaire. A partir de cela, un pays comme la Corée a réussi à passer, à l'espace d'une génération, de la société préindustrielle à la société postindustrielle. Un tel processus a accéléré en général, la migration de la campagne, dépeuplées par la productivité d'une agriculture mécanisée, à la ville. C'est une véritable rupture avec le passé.

2° Nos avons également, le développent démographique ou une croissance de la population, grâce aux progrès de la médecine, est un atout de puissance notamment pour les Etats.

3° Finalement, pouvoir nous approprier le progrès scientifique et technique. « Les nouvelles matières plastiques et les nouvelles formes d'énergie, les nouvelles technologies industrielles, militaires et médicales, les nouveaux moyens de transport et de communication qui, au cours du XXe siècle, ont révolutionné à la fois l'économie, les rapports sociaux et les formes de vie, sont fondées sur les connaissances scientifiques et les développements techniques du passé »167(*).

Conclusion partielle

A l'heure où l'Afrique est confrontée au problème de sa survie, de sa libération politique, économique et culturelle, la créativité signifie répondre en priorité aux questions théoriques posées pour la lutte et pour la liberté. C'est pourquoi sans nullement mettre en veilleuse le retour aux sources de l'Africanité, le philosophe africain devra en collaboration avec les philosophes du monde entier, de chercher les réponses théoriques originales aux questions reconnues universelles au sujet de l'homme, de son activité et de son destin. Contre ceux qui prônent une rupture aussi bien avec la tradition qu'avec la modernité, le Japon a bien tenu compte de sa tradition ! Identifier les ressources, se les réapproprier dans un esprit critique et désamorcer les pièges de la domination politique millénaire. Voilà la tâche de l'Africain aujourd'hui.

Nous prolongions justement la reconstruction jusqu'au niveau des traditions des pensées africaines. Il y a lieu de montrer la trame discontinue des traditions de pensées telles qu'elles structurent et déstructurent nos sociétés africaines. 168(*) Il faut identifier les différentes conceptions de l'histoire à partir de quoi reconstruire.169(*) Plusieurs théories de la société se chevauchent, l'effort de les distinguer à partir de certains principes distincts liés à chaque école théorique, se ferait justement sous le nom générique de « reconstruction philosophique ». En suite les ramener à des conceptions pertinentes.

Nous allons maintenant illustrer la théorie de la situation de la parole, notamment la théorie des Plans d'actions à travers des partenariats.

CHAPITRE QUATRIÈME : DE LA DISCUSSION À L'ACTION

Nous avons jusqu'ici cerné les différentes façons dont la philosophie a pris en charge le paradigme de la pauvreté. De la recherche universelle du bonheur humain au souci de l'équité, nous avons fait ressortir les différentes morphologies de la pauvreté qui se présentent sous la forme matérielle, sociale et anthropologique.

La philosophie problématise souvent des questions vitales et que la praxis s'efforce en suite de prendre en charge. C'est ainsi que de nombreux programmes d'actions se sont efforcés de répondre à la quête de l'homme pour la plénitude et de déployer un éventail diversifié d'armes face au combat contre la pauvreté.

Les hommes ne peuvent efficacement lutter contre la pauvreté que s'ils conjuguent leurs efforts à l'échelle mondiale, et font de la concertation et de la discussion l'espace privilégié des initiatives et des décisions relatives à la lutte contre la pauvreté.

Mais la concertation et la discussion menées dans un espace public de dialogue ne suffisent pas, comme une baguette magique à transformer les visions théoriques les plus judicieuses en résultats concrets et efficients. Il faut qu'à la discussion s'articule l'action planifiée. C'est ce que s'efforce d'illustrer ce dernier chapitre de notre Dissertation.

En ce qui concerne l'Afrique, l'articulation des actions efficientes sur les discussions concertées exige un renouvellement non seulement des paradigmes mais également celui des modes d'implication des femmes et des hommes d'Afrique dans des programmes d'actions de développement et de lutte contre la pauvreté. Cette implication concerne en priorité l'identification des problèmes à résoudre selon les aspirations particulières et les besoins des communautés qui vivent certes les vicissitudes universelles mais qui réalisent leur existence dans des conditions particulières où l'acuité de ces problèmes prend des résonances inégalement aiguës.

Il ne suffit pas d'identifier les problèmes et de les soumettre à la providence ou à la bienveillance d'une communauté internationale toujours prête à courir au chevet des pays pauvres. Les nations africaines doivent faire montre d'initiatives et des idées concrètes et clairvoyantes à faire prévaloir dans l'arène de la discussion.

Des plans de développement comme le NOPADA (le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique) représente des exemples des programmes d'action qui peuvent être mis en pratique de manière profitable au continent africain face au partenariat international.

Le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NOPADA) définit les secteurs prioritaires suivants :

- Infrastructures,

- Ressources humaines,

- Santé,

- Technologie de l'information et de la communication,

- Agriculture,

- Energie,

- Accès des exportations africaines aux marchés des pays développés.

Dans le secteur des infrastructures, les actions envisagées sont entre autres les suivantes :

- avec l'assistance des institutions spécialisées dans chaque secteur, mettre en place des cadres politiques et législatifs pour encourager la concurrence. Dans le même temps, créer de nouveaux cadres de réglementation et consolider la capacité de formation de personnes responsables de la réglementation afin de promouvoir l'harmonisation des politiques pour faciliter les connexions transfrontalières et l'élargissement du marché ;

- promouvoir la participation des communautés et des utilisateurs à la construction, l'entretien et la gestion des infrastructures, en particulier dans les régions urbaines et rurales pauvres,en collaboration avec les Initiatives de gouvernance du NOPADA.

Au niveau de l'Initiative pour la gouvernance économique et la gouvernance des entreprises, il devrait être institué une équipe des ministres de finance et des banques centrales chargée d'examiner les pratiques de gouvernance économique et de gouvernance des entreprises dans les différentes régions et pays en vue d'élaborer les normes et les codes de bonne conduite170(*). Un tel mécanisme de coordination qui lierait tous les pays membres au niveau continental favoriserait certainement une intégration avantageuse. A l'issue de quoi des mécanismes doivent être prévus afin de permettre à tous les pays membres de respecter les normes minimales et les codes de bonnes pratiques convenues mutuellement.

En ce qui concerne les technologies de l'information et de la communication,ce nouveau partenariat vise les actions suivantes :

- collaborer avec les institutions régionales comme l'Union panafricaine des télécommunications (UPAT) et Africa connection pour concevoir une politique et une législation modèle pour la réforme de télécommunication,ainsi que le protocole et des références permettant d'évaluer la préparation à l'utilisation des communications électroniques ;

- collaborer avec les institutions régionales pour consolider les capacités de réglementation ;

- mettre sur pied un réseau d'institutions de formation et de recherche pour consolider la base de compétence de haut niveau ;

- promouvoir et accélérer les projets existants visant à connecter les écoles et les clubs de jeunes ;

- collaborer avec les institutions de financement du développement en Afrique, les initiatives multilatérales (G8 DotForce, Equipe spéciale des Nations Unies) et les bailleurs de fonds bilatéraux pour mettre sur pied des mécanismes financiers visant à atténuer et à réduire le risque dans le secteur.

Dans le domaine de l'énergie, le programme prévoit de :

- mettre sur pied des équipes spéciales qui auront pour tâche de recommander des priorités et des stratégies de mise en oeuvre pour les projets régionaux, y compris la génération d'énergie hydro-électrique, les réseaux de transport d'énergie électronique et les gazoducs ;

- élargir la portée du programme de la communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) pour la conservation de l`énergie de la biomasse au reste du continent.

Dans le domaine de transport, le programme préconise de :

- mettre sur pied des commissions spéciales dans le domaine des douanes et de l'immigration afin d'harmoniser les passages de frontières et les procédures de délivrance des visas ;

- mettre en place et favoriser des partenariats entre les secteurs public et privé pour l'octroi de concessions pour la construction des ports, des réseaux routiers, des réseaux ferroviaires et de transport maritime ;

- promouvoir des partenariats entre les secteurs public et privé pour la rationalisation de l'industrie de transport aérien et le renforcement des capacités dans le domaine du contrôle du trafic aérien.

Dans le domaine de l'eau et de l'assainissement le programme se propose de:

- accélérer les travaux de projets sur les ressources en eau à multiples objectifs, comme par exemple l'étude du Secrétariat de la SADC de l'exploitation du fleuve Congo et l'Initiative du Bassin du Nil ;

- s'associer à l'initiative mondiale pour l'assainissement de l'environnement afin de promouvoir des méthodes et des projets sanitaires d'élimination des déchets ;

- appuyer le Programme Habitat des Nations Unies sur la conservation des ressources en eau dans les villes africaines.

Au niveau de l'agriculture,le NOPADA prévoit de :

- réduire la prépondérance des dépenses publiques dans les zones urbaines en Afrique en transférant des ressources des activités urbaines aux activités rurales ;

- créer des mécanismes souples pour accroître l'échange de l'information et du savoir-faire technique avec la communauté internationale ;

- améliorer la sécurité du régime foncier pour des autochtones, et promouvoir les réformes foncières nécessaires  dans le sens de partenariat avec l'Etat et les partenaires étrangers ;

- améliorer les mécanismes de crédit et de financement agricole ainsi que l'accès au crédit des petits exploitants et des agricultrices, si possible aux clans (dans le sens de l'expérience japonaise de la restauration de Meiji en 1868), d'autant plus que la problématique de régime foncier lui reste omniprésente ;

Dans le domaine de l'industrie extractive, le Programme prévoit de :  

- combattre le trafic mafieux continental contre le diamant sale et d'autres matières premières, au moyen des services spéciaux intégrés et des mécanismes de répression légale au niveau continentale en y associant les milieux des acheteurs internationaux;

- harmoniser et valoriser l'expertise continentale au moyen des rencontres spécialisées régulières;

- harmoniser les politiques et réglementations pour se conformer aux niveaux raisonnables convenus en matière d'exploitation, en terme de l'étendue de la cession, de la durée, de parts sociales investies par rapport à l `Etat hôte, la rétribution financière aux autochtones et à l'Etat,...

Dans le domaine de la manufacture, il est prévu dans le programme :

au niveau de l'Afrique de :

- procéder à une planification dans le processus de la création ou de renforcement des capacités de celles qui existent,des industries selon les besoins régionaux ou sous-régionaux  suite à une mise en commun des avoirs ;

au niveau international de :

- promouvoir les transferts de technologies nouvelles et appropriées vers les pays d'Afrique.

Dans le domaine des exportations de l'Afrique, les actions suivantes sont envisagées :

au niveau de l'Afrique de :

- promouvoir le commerce intra-africain afin que les pays d'Afrique se procurent sur le continent des importations qui provenaient jusqu'à présent du reste du monde ;

- promouvoir et améliorer les accords commerciaux régionaux, harmoniser les tarifs douaniers et les normes des produits.

au niveau international de :

- négocier des mesures et accords de facilitation pour améliorer l'accès des produits africains aux marchés du monde entier.

Dans le secteur privé le NOPADA envisage les actions suivantes:

au niveau de l'Afrique de:

- organiser le dialogue entre pouvoirs publics et secteur privé pour mettre au point une vision commune de stratégie du développement économique et supprimer les obstacles au développement au secteur privé ;

- améliorer l`accès à des capitaux en consolidant les programmes de microfinancement. Au niveau international :

au niveau international de :

- offrir une assistance technique pour contribuer à la promotion de petites et moyennes entreprises et de micri-entreprises.

Dans le domaine touristique, le programme se propose de :

- tirer meilleur parti possible de la forte demande inter-regionale d'activités touristiques en concevant des campagnes de marketing spécialisés pour les consommateurs ;

- forger des relations de coopération qui permettent de tirer parti d'un partage des connaissances tout en offrant une base aux autres pays souhaitant s'engager activement au niveau des activités relevant de tourisme ;

- commercialiser les produits touristiques africains, comme le tourisme d'aventure, l'écotourisme et le tourisme culturel.

Dans le secteur de l'éducation, le programme projette les actions suivantes :

- l'augmentation les dépenses gouvernementales effectuées dans le domaine de l'éducation par les pays africains ;

- accélérer l'introduction de l'informatique et de la télématique dans les écoles primaires ;

- examiner les capacités de recherche dont le continent a besoin dans chaque région et présenter des propositions à ce sujet.

Dans le secteur de la santé, il est prévu de :

- renforcer la participation de l'Afrique aux processus visant l'obtention de médicaments à des prix abordables notamment ceux auxquels sont engagés les compagnies pharmaceutiques internationales et la société civile internationale ;

- mettre en place des solides systèmes sanitaires ;

- encourager les pays africains à accorder la priorité aux soins de santé dans leurs propres budgets et à accroître progressivement à un certain niveau d'un commun accord ;

- mener une campagne en faveur d'un appui financier international accru pour lutter contre le VIH/SIDA et les autres maladies transmissibles ;

- améliorer pour tous les pays africains les infrastructures et la gestion des soins de santé.

Le développement de l'Afrique exige certes de grandes actions à l'échelle du continent, il ne faut cependant pas perdre de vue l'importance, l'utilité et l'efficacité de la coopération régionale. L'avenir de l'Afrique réside dans la conjugaison des énergies au niveau des programmes d'actions régionalement intégrés.

Il est regrettable que presque toutes les tentatives d'intégration régionale comme la CEPGL (communauté économique des pays de Grands Lacs)par exemple, aient été étouffés par des crises, des conflits armés, des rebellions et de malheureuses agressions entre Etats. Ces initiatives doivent être reprises, affermies à la faveur d'une paix durable et génératrice de développement et de restructuration. Les constructeurs de l'Afrique doivent s'inspirer des modèles constructifs comme celui esquissé par Cheik Anta Diop, dans les Fondements économiques et culturels d'un d'Etat fédéral d'Afrique noire.

Cet ouvrage-programme171(*) gravite autour de trois points saillants, qui constituent les trois parties du livre :

La première partie s'intitule : «Unité historique : restauration de la conscience historique africaine ».Cette unité doit se construire autour de l'exhumation et de l'animation de leur histoire, et du processus d'unification linguistique à l'échelle continentale. Il est donc question de travailler à l'essor d'une « seule langue africaine de culture et de gouvernement, devant coiffer toutes les autres ; les langues européennes, quelles qu'elles soient, restant ou retombant au niveau de langues vivantes de l'enseignement secondaire ».L'unité fédérale débute par l'intégration régionale de l'Afrique occidentale francophone et anglophone. Concrètement, un cartel de Présidents ou des Chefs d'Etat animerait un Etat fédéral caractérisé par le bicaméralisme, et l'égalité de sexe.

La deuxième partie intitulée : « Recensement des sources d'énergie » fait l'inventaire détaillé de toutes les sources d'énergie dont regorge l'Afrique : hydraulique, solaire, atomique, thérmo-nuclaire, éolienne, thermique des mers, marémotrice, de la houille rouge, de l'énergie thermique de volcan, et de l'énergie géothermique. Cet inventaire a pour objectif : « L'utilisation par les africains eux -mêmes, non pas pour créer des industries complémentaires de celles de l'Europe, mais pour transformer les matières premières que recèle le continent ».

La troisième partie s'intitule : « Industrialisation de l'Afrique noire »à partir de huit zones : le bassin du Congo, la zone tropicale (Sénégal, Mali, Niger), la région de golfe de Bénin, le Soudan nilotique -Grands Lacs - Ethiopie), le Ghana et la Côte d'Ivoire, le Bassin de Zambèze, La Guinée Sierra- Leone- Liberia, l'Afrique du Sud.

C.A.Diop finit par conclure que l'industrialisation de l'Afrique noire n'est réalisable que par l'unité politique ou tout au moins l'établissement d'Accords bilatéraux. Toutefois, il faudrait avant tout compter sur soi en créant une armée moderne afin de faire face soudainement aux tâches historiques qui pourraient nous attendre encore.

CONCLUSION

Notre réflexion a été un effort de clarification de la question de la pauvreté à travers un certain nombre des thèmes philosophiques. Au premier chapitre intitulé, la pauvreté comme préoccupation de la philosophie, nous avons passé en revue quelques notions de philosophie : la théorie de l'eudémonisme, qui, chez Aristote par exemple, énoncent que le juste conserve le bonheur de la communauté politique.

Nous avons également traité de la problématique des inégalités morale et politique. La priorité donnée à la notion d'égalité dans les sociétés modernes apparaît selon que l'égalité est déduite des conditions de la Création ou selon qu'elle est liée au problème ontologique des relations entre la « Nature » et la « liberté ».Nous sommes passés à la question de savoir : « l'homme est-ce un moyen ou une fin ? », il est en effet absolument une fin en soi. Nous soulignons la priorité que nous donnons à la procédure morale d'argumentation dans une morale issue du paradigme de la philosophie du langage au lieu de la morale prescriptiviste de l'impératif catégorique de Kant.

Sous l'éclairage de la post-modernité et de la néo-modernité, nous avons analysé les différentes conceptions de la modernisation, du travail, d'aliénation et d'émancipation. Il s'est avéré que la modernisation sociale s'est apparentée au processus du capitalisme en Occident. Le travail a été dévalué au point de devenir sujet du processus d'expropriation et d'accumulation des richesses sociales depuis les Temps modernes européens. Il est advenu finalement que l'aliénation et l'exploitation continuent

sans aucune possibilité de redistribution ; la famille s'étant transformée en classe laborieuse expropriée, en même temps laminée par la fragilisation de la solidarité de base. L'exigence d'émancipation devait être amorcée par le dialogue politique entre le pouvoir technique et le vouloir pratique, en libérant la parole et le travail du processus vital d'accumulation des richesses.

La pauvreté anthropologique, selon l'expression d'Engelbert Mveng,est un cas atypique de la pauvreté en Afrique,qui lui ravit son histoire,ses langues,son Art,et finalement son humanité ;elle garde l'Afrique dans la dépendance totale,dans l'oppression et l'injuste. Il faut donc sortir de cette oppression et de cette injustice avant toute autre initiative. Pourtant dans la même ligne,la théorie de la justice comme équité énonce un des principes de droits de l'homme selon lequel, nul ne peut être privé de sa liberté pour un plus grand bien de la communauté ou des autres.

Au deuxième chapitre, intitulé évaluation des réponses au problème de la pauvreté, nous avons scruté les résultats obtenus après l'application des Programmes d'Ajustement structurel, son origine et les différentes péripéties de son amélioration. Les résultats ont été globalement négatifs pour l'Afrique : la réduction de la pauvreté, le taux de la mortalité infantile très élevée, l'augmentation de la pauvreté, etc.

Au troisième chapitre, intitulé : l'éthique de la discussion face à la question : « Que devons nous faire ? », nous avons mis en exergue, la nécessité de la circularité de l'expertise générale de la société à travers le modèle procédural et le schéma institutionnel du centre à la périphérie, du système politique au pouvoir social et le rôle éminent de la société civile dans une régulation concurrente avec la mondialisation économique, des Biens publics et communs (enseignement, culture, environnement, eau, électricité, etc.).

Enfin, au tout dernier chapitre intitulé : de la discussion à l'action, nous avons illustré les initiatives concrètes que doit prendre l'Afrique par exemple pour éradiquer la pauvreté, à travers deux projets, celui de NOPADA (la Nouveau Partenariat de l'Afrique pour le Développement), et celui de Cheik Anta DIOP, sur l'Etat fédéral de l'Afrique noire.

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

(1) LES LIVRES DE Jürgen HABERMAS

1) Jürgen HABERMAS, Connaissance et intérêt, Gallimard, 1976,386p.

2) Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Gallimard,

Paris, 1997,554p.

3) Jürgen HABERMAS, Logique des sciences et autres essais, P.U.F., Paris,

1987,459p.

4) Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, rationalité de

l'agir et rationalisation de la société, T.1, éd.Fayard,

1987,448p.

5) Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, critique de la

raison fonctionnaliste, T2, éd.Fayard, 1987,480p.

6) Jürgen HABERMAS, Morale et communication, Cerf, Paris, 1987,213p.

7) Jürgen HABERMAS, Après Etat-Nation, une nouvelle constellation

politique, Fayard, Paris, 2000,201p.

8) Jürgen HABERMAS, l'éthique de la discussion et la question de la vérité,

Bernard Gasset, Paris, 2003, 278p.

(2) AUTRES LIVRES

8) Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne (the human condition),

traduit de l'américain par Georges FRASIER, partie 2,

Calmann-Lévy, Paris, 1961,324p.

9) Jean LACHIA, Ethique à Nicomaque, livre V (1-10)-la justice, Aristote,

Ellipses/Marketing S.A., 1998, 208p.

10) Emmanuel KANT, Critique de la raison pratique, François Picavet,

Introduction de Ferdinand Alquié, puf, 1943, 292p.

10) Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant,

L'harmattan, Paris, 1985, 297p.

11) John RAWLS, Théorie de la justice, éditions du Seuil, Paris, 306p.

(3) ARTICLES

12) MUSASA ULIMWENGU, U., « Comment les Kinois perçoivent-ils la

pauvreté dans Congo-Afrique, nov. 1998,

Kinshasa, 1998, Pp. 529-561.

13) Max KASONGO MWEY, « Cheik Anta DIOP, les fondements économiques et culturels d'un Etat fédéral de l'Afrique noire, Paris, Présence africaine, 1974 ,124 pages » dans les projets d'union africaine, bilans et perspectives, Alternative, oo5, juillet 2001, p.32.

14) MUTUNDA MWEMBO, « Des fondements philosophiques des droits de

l'homme », dans Traité d'Educations de l'Homme

en République Démocratique du Congo, Sous la

Direction de Prof. KALINDYE BYANJIRA, Editions

de l'Institut Africain des Droits de l'Homme et de la

Démocratie, Kinshasa, 2004, 70-81p.

(4) DICTIONNAIRES

15) André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de

la philosophie, 9°édition, PUF, Paris, 1962.

16) HUISMAN (Dir.), Dictionnaire des philosophes, PUF, Paris, 1984.

17) Philipe RAYMOND et Stéphane RIALS, (Dir.), Dictionnaire la philosophie

politique, puf, Paris, 1996.

18) Edouard PRIVAT, Dictionnaire des grandes philosophies, Toulouse, 1978.

(5) DOCUMENT

19) Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NOPADA), Octobre 2001, Abudja, Pp.13 - 54.

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENT 1

DEDICACE 2

INTRODUCTION 3

1. Problématique. 3

2. Hypothèses. 5

0.3. Approche méthodologique et délimitation du sujet. 5

4. Plan de travail. 7

Chapitre Premier : La pauvreté comme préoccupation de la philosophie 9

1. Théories de L'Eudémonisme. 9

2. La problématique des inégalités. 12

3. Homme : moyen ou fin ? 16

3.1. L'homme doit être une fin en soi. 16

3.2. De l'impératif catégorique au primat de la procédure

morale d'argumentation processuelle. 18

4. Modernisation, travail, aliénation et émancipation

(Kant, Weber, Arendt, Habermas). 18

4.1. Les conditions modernes. 19

4.2. Le travail. 26

4.3. La dimension libératrice de la domination. 29

5. La problématique de la pauvreté anthropologique (MVENG). 33

5.1. La paupérisation anthropologique en Afrique. 33

5.2. La source de ces maux : de l'annihilation anthropologique

à la paupérisation anthropologique. 36

5.3. Les conséquences de ces maux. 37

6. Théories de la justice. 38

Chapitre deuxième : Evaluations des réponses au problème de la

pauvreté 41

1. Les origines lointaines des programmes de développement. 41

2. Les Programmes d'Ajustement structurel. 42

2.1. Les aspects connexes : le sous-développement et les aspects

socio-économiques de la pauvreté. 42

II.2.2. De la genèse de l'approche programme. 46

Chapitre Troisième : L'éthique de la discussion face à la question :

« Que devons nous faire » ? 49

I. De la discussion et des questions connexes. 49

I.3.1. Le processus de traitement des problèmes. 49

I.3.2.De l'intérêt de la théorie de la discussion. 54

I.3.3. La transformation de la question éthique kantienne

dans la résolution des problèmes. 56

I.3.4. Les présupposés d'une approche post-analytique. 57

I.3.5. L'Etat comme macro « je » 60

I.3.6. Les principes de l'Etat de Droit dans la version de la théorie

de la discussion. 61

I.3.7. Le monde social. 63

I.3.8. La spécification de l'Etat et de la société civile dans la théorie

de la discussion. 64

I.3.9.De la mondialisation. 65

I.3.10.L'Etat-nation. 67

I.3.11.De l'Afrique. 67

II.3. 1. Au-delà de la limite des discussions. 68

II.3.2. La fonction sociale et intégrative de l'herméneutique. 69

II.3.3. La communauté dialogale ou communicationnelle. 73

II.3.4. Des remèdes 73

Chapitre quatrième : De la discussion à l'action 76

CONCLUSION 85

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE 87

TABLE DES MATIERES 89

* 1 Jean LACHIA, Ethique à Nicomaque, livre V (1-10)-la justice, Aristote,Ellipses/MarketingS.A.,1998, Paris, p.9.

* 2 Ibidem.

* 3 Ibidem.

* 4 Ibidem, p.10.

* 5 Philipe RAYMOND et Stéphane RIALS, (Dir.), Dictionnaire la philosophie politique, puf, Paris, 1996, P.711.

* 6 Edouard PRIVAT, Dictionnaire des grandes philosophies, Toulouse, 1978, p.144.

* 7 Jean LACHIA, op.cit., p.13.

* 8 Ibidem, p.11.

* 9 Ibidem, p.19.

* 10 Ibidem, p.14.

* 11 Ibidem.

* 12 Ibidem.

* 13 Ibidem, p.15.

* 14 Ibidem, Pp.17-21.

* 15 Jean Jacques ROUSSEAU, « Discours sur cette question proposée par l'académie de Dijon :

Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée

par la loi naturelle », dans oeuvres philosophiques de Jean Jacques

Rousseau, Garnier, PARIS, 1966, p.39.

* 16 Philipe RAYMOND et alii, op.cit., P.194.

* 17 Ibidem, Pp.354-355.

* 18 Philipe RAYMOND et alii, op.cit., P.428.

* 19 Ibidem, p.429.

* 20 Ibidem, p.430.

* 21 Ibidem.

* 22 Ibidem.

* 23 Ibidem.

* 24 Ibidem, p.432.

* 25 Ibidem.

* 26 Ibidem, p.433.

* 27 Ibidem, p.434.

* 28Jürgen HABERMAS, l'éthique de la discussion et la question de la vérité, Bernard Gasset, Paris,

2003, p.78.

* 29 Ibidem, p.29.

* 30) Jürgen. HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel. Rationalité de l'agir et rationalisation de

la société, Fayard, tome 1, Paris, p. 315.

* 31 Ibidem, p.434.

* 32 Emmanuel KANT, Critique de la raison pratique, François Picavet, Introduction de Ferdinand

Alquié, puf, 1943, p.92.

* 33 Ibidem.

* 34 Ibidem.

* 35 Ibidem, p.91.

* 36 Ibidem, P.93.

* 37 Jürgen HABERMAS, Morale et communication, Cerf, Paris, 1986, p.17.

* 38 Ibidem.

* 39 Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne (the human condition), traduit de l'américain par Georges FRASIER, partie 2, Calmann-Lévy, Paris, 1961, p.284.

* 40 Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, tome 1, p. 23.

* 41 Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne, p.285.

* 42 Ibidem, p.283.

* 43 Ibidem, p.284.

* 44 Ibidem, p.285.

* 45 Ibidem, p.286.

* 46 Ibidem, P .279.

* 47 Ibidem.,p.286.

* 48 Ibidem.

* 49Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, critique de la raison fonctionnaliste, T2, éd.Fayard, 1987, Paris, p.333.

* 50Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne, p.284.

* 51 Ibidem, p.160.

* 52Ibidem, p.286.

* 53 Ibidem, p.286.

* 54 Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, T.1, p.351.

* 55. Ibidem, p.361.

* 56 .Ibidem, p.374.

* 57 Ibidem, p.384.

* 58 Voir .HUISMAN (Dir.), Dictionnaire des philosophes, PUF, Paris, 1984, p.1126.

* 59. Ibidem, p.370.

* 60.Ibidem.

* 61Jürgen HABERMAS, Connaissance et intérêt, Gallimard, Paris, 1976, p.24.

* 62 Ibidem, p.67.

* 63 Ibidem, p.65.

* 64Ibidem, p.60.

* 65 Ibidem, p.19 (préface)

* 66 Ibidem, p.20.

* 67 Jürgen HABERMAS, Connaissance et intérêt, p.19.

* 68Ibidem.

* 69Ibidem, p.60.

* 70 Ibidem.

* 71 Ibidem.

* 72 Jürgen HABERMAS, Après Etat-Nation, une constellation politique, Fayard, Paris, p.19.

* 73 Ibidem, p.25.

* 74 Voir HUISSMAN (Dir.), Dictionnaire des philosophes, p.1130.

* 75 Ibidem, P.400.

* 76 Ibidem, p.11. 

* 77Ibidem, p.63.

* 78 Ibidem, P. 12.

* 79 Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, L'harmattan, Paris, 1985, p.207.

* 80 Ibidem, P.211.

* 81 Ibidem, p.202.

* 82 Ibidem, p.203.

* 83Ibidem, p. 201.

* 84 Ibidem, p.210.

* 85 Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, p.204.

* 86 Ibidem,p.204.

* 87 Ibidem,p.206.

* 88 Ibidem,p.206.

* 89 Ibidem, p.208.

* 90 Ibidem, p.209.

* 91 Ibidem, p.210.

* 92 Ibidem, p.211.

* 93Ibidem, p.211.

* 94 Ibidem.

* 95 Ibidem, p.212.

* 96 Ibidem, 212.

* 97 Ibidem, p.213.

* 98 Ibidem, p.213.

* 99 Ibidem, 205.

* 100 Ibidem, 211.

* 101 Ibidem, 211.

* 102Ibidem, 210.

* 103 MUTUNDA MWEMBO, « Des fondements philosophiques des droits de l'homme », dans Traité d'Educations de l'Homme en République Démocratique du Congo, Sous la Direction de Prof. KALINDYE BYANJIRA, Editions de l'institut Africain des Droits de l'Homme et de la Démocratie, Kinshasa, 2004, p.73.

* 104 Ibidem, cité par MUTUNDA, John RAWLS, Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1987, Pp.30-31.

* 105 John RAWLS, Théorie de la justice, éditions du Seuil, Paris, p.206.

* 106 Ibidem.

* 107 Benjamin BARBER, « Démocratie et économie de marché », dans La démocratie est une discussion, l'engagement civique dans les nouvelles démocraties et anciennes, Connectitut College, 1997, p.32.

* 108 Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, p.209.

* 109 Jürgen HABERMAS, Après l'Etat-nation, P.65.

* 110 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, p.449.

* 111 Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise, p.209.

* 112 MUSASA ULIMWENGU, U., « Comment les Kinois perçoivent-ils la pauvreté » dans Congo-Afrique, nov. 1998, Kinshasa, 1998, p. 529.

* 113 Ibidem.

* 114. MUSASA ULIMWENGU, U., « Comment les Kinois perçoivent-ils la pauvreté », dans

Congo-Afrique, nov. 1998, Kinshasa, p. 529.

* 115 http://www.un.org/french/millenniumgoals/index.html

* 116Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, P .381.

* 117 http:// w w w. Forestpeoples.org/FPProj

* 118 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, P .382.

* 119 SONDRA MYERS, « A Propos du Manuel », dans La démocratie est une discussion, l'engagement civique dans les nouvelles démocraties et anciennes,Connectitut College, 1997, p.viii .

* 120 Ibidem.

* 121 Ibidem.

* 122 Ibidem, p.394.

* 123 Ibidem, p.387.

* 124 Ibidem, p.401.

* 125 Benjamin BARBER, « Démocratie et économie de marché », p.32.

* 126 Ibidem, p.194.

* 127 Ibidem, p.177.

* 128 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, entre fait et norme, p.179.

* 129 Ibidem, p.296.

* 130 Ibidem, p.297.

* 131 Ibidem.

* 132 Ibidem, 37.

* 133Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie .Entre faits et normes, p.33.

* 134bidem, p.183.

* 135Ibidem, P .460.

* 136 Ibidem, P.17.

86. Voir .HUISMAN (Dir.), Dictionnaire des philosophes, p.98.

* 137Ibidem, P. 188.

* 138 Ibidem, p.189.

* 139 Ibidem, p.189-191.

* 140 Ibidem, P. 190.

* 141Ibidem.

* 142 Ibidem.

* 143 JAY ROSEN, «  Le journalisme public - premiers principes », dans La démocratie est une discussion, l'engagement civique dans les nouvelles démocraties et anciennes,Connectitut College, 1997, p.17.

* 144 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, p.292.

* 145 Ibidem, p.293.

* 146Ibidem, p.293.

* 147Ibidem, p.294.

* 148 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, p.295.

* 149 Jürgen HABERMAS, Après l'Etat-nation, P.54.

* 150 Ibidem, P.72.

* 151 bidem, P.72.

* 152 Ibidem, P.68.

* 153.Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, p.10.

* 154 Ibidem, p.46.

* 155 Ibidem.

* 156Ibidem, p. 296.

* 157Ibidem, p.31.

* 158 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, p.28.

* 159 Ibidem.

* 160 Ibidem,p.35.

* 161 Ibidem, p.36.

* 162 Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, critique de la raison fonctionnaliste, T2,

éd.Fayard, 1987,133.

* 163Ibidem.

* 164 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, p.24.

* 165) Jürgen. HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, tome 1, p. 315.

* 166 Jürgen HABERMAS, Après l'Etat-nation, P.14.

* 167 Ibidem, P.17.

* 168 Ibidem, P.130.

* 169 Jürgen Habermas partage en gros un même projet avec Karl Otto APEL en ceci qu'ils essaient de transformer la philosophie transcendantale Kantienne en la détachant du sujet traditionnel. Voir D. HUISMAN, (dir.), Dictionnaire des philosophes, P. 98.

* 170Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NOPADA), Octobre 2001, Abudja, Pp.13 - 54.

* 171 Max KASONGO MWEY, « Cheik Anta DIOP, les fondements économiques et culturels d'un Etat fédéral de l'Afrique noire, Paris, Présence africaine, 1974 ,124 pages » dans les projets d'union africaine, bilans et perspectives, Alternative, oo5, juillet 2001, p.32.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite