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Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à  l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique


par Grégory Ode
Université de Paris I Panthéon - Sorbonne - Master d'économie 2005
  

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Les avantages attendus de l'euro pour les nations européennes : les espoirs de prospérité

Comme on l'a dit précédemment, la naissance de l'euro ne peut être comprise correctement sans considérer l'ensemble d'un processus plus large, le processus d'intégration européen, qui débuta dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, l'avènement de la monnaie unique constitue une étape logique et essentielle d'un mouvement qui portait en lui l'ambition de faire de l'Europe un seul et même marché. L'intégration économique ne devait pas être à l'initiale une priorité absolue mais, dans les faits, force est de constater que la construction européenne est en premier lieu un « phénomène économique ». Nous verrons justement ultérieurement que l'Europe souffre de carences politiques et sociales importantes et potentiellement préjudiciables pour l'union monétaire. Hormis les avantages économiques attachés à l'euro qui seront examinés plus tard, il convient de souligner que l'union monétaire résulte elle-même d'une évolution longue et progressive.

Ainsi, au commencement de la monnaie unique européenne, on trouve l'Union européenne de paiements (UEP). Créée au début des années 1950, l'UEP se veut être la première forme de coopération monétaire européenne destinée à faciliter le règlement des soldes des balances des paiements entre les Etats membres de l'OECE95(*) :

« Disposant de fonds en or et en dollars provenant de l'aide américaine et des contributions des Etats membres, l'UEP centralise les soldes positifs et négatifs des flux commerciaux qui se compensent en grande partie. Ce système favorise la reprise du commerce intra-européen en levant les hypothèses du manque de devises et de l'absence de convertibilité entre monnaies européennes »96(*).

Par la suite, avec la dissolution du système de Bretton Woods et, dans un contexte de relance de construction européenne, fut créé en 1972, lors des accords de Bâle, le serpent monétaire européen. La mise en place du serpent avait pour objectif de réduire les marges de fluctuation entre les monnaies européennes. Pour cela, les monnaies européennes devaient évoluer de manière groupée au sein du tunnel de Washington, créé en 1971, dans le but de stabiliser l'évolution des cours des monnaies autour du dollar, monnaie de référence internationale. Toutefois, avec les dévaluations successives du dollar et, avec le choc pétrolier de 1973 et ses conséquences sur les économies européennes (inflation, déficits commerciaux...), la fin du serpent et le flottement généralisé des monnaies se réalisèrent fin 1973. Le flottement des changes fut officialisé avec l'adoption des accords de la Jamaïque en janvier 1976. Suite aux accords de la Jamaïque, le Système monétaire européen fut mis en place en 1976 sur la base de quatre principes fondateurs : une unité monétaire européenne servant de numéraire pour le mécanisme des taux de change (ECU97(*)), un mécanisme de change et d'intervention98(*), des mécanismes de règlement99(*) et des mécanismes de crédit100(*). Le SME a permis une certaine stabilité des taux de change intra-communautaires. Cependant, la révision possible des cours-pivots générait une incertitude irréductible sur l'évolution possible des taux de change. De même, les marges de fluctuation autorisaient des variations non négligeables des monnaies, déstabilisatrices pour l'économie européenne. Néanmoins, peu à peu, le SME a assuré une certaine convergence dans la conduite des politiques économiques, notamment dans la lutte contre l'inflation. Cependant, il comportait certaines failles qui l'ont progressivement mené à sa perte, notamment en termes de lutte contre le chômage. En effet, la conduite de politiques monétaires d'austérité a fait de l'espace économique européen une zone de « basse pression économique », selon les termes d'Arcangelo Figliuzzi, sous grande influence du fonctionnement monétaire allemand101(*). A partir de septembre 1992, une crise particulièrement grave, aboutissant à des changements de parité, mit en cause le bien-fondé du SME. Deux monnaies en sortirent, la livre sterling et la lire italienne, tandis qu'un élargissement des marges de fluctuation amenait à reconsidérer les principes fondateurs du SME. Paradoxalement, dans un contexte de changes quasi flottants, les pays firent preuve de discipline, affichant une réelle volonté d'aller ensemble de l'avant, de bonne augure pour la marche amorcée vers l'union monétaire. Ceci étant, selon Arcangelo Figliuzzi, l'élément déterminant à l'origine du passage à l'euro a été l'instauration du marché unique qui se devait d'être accompagné, d'une manière ou d'une autre, d'un approfondissement du processus de coopération monétaire européen :

« Cependant, c'est sans doutes la signature par les Douze, en février 1986, de l'Acte unique européen modifiant le traité de Rome et prévoyant la création d'un vaste marché intérieur européen pour le 31 décembre 1992, qui explique le fort regain d'intérêt pour l'idée d'approfondissement de l'union monétaire [...] il apparaît de plus en plus clairement que la réalisation d'un marché unique doit être prolongée par une forme [...] d'union monétaire »102(*).

Ce faisant, l'instauration de l'euro liant depuis le 1er janvier 2001 douze pays, les autres membres de l'Union européenne étant logiquement appelés à entrer dans la zone euro à terme, présente plusieurs avantages en matière économique. Ces avantages avaient été présentés dans le cadre du rapport Emerson, publié en 1990 : suppression des coûts induits par la conversion des monnaies103(*), éradication des risques de change, élimination des primes de risques intégrées dans les taux d'intérêt des pays à monnaies faibles, avènement de l'euro comme monnaie internationale, meilleure répartition du pouvoir monétaire européen (disparition de la suprématie de la Bundesbank), élimination des risques d'inflation importée liés aux dévaluations et tendance à la stabilité des prix.

La Commission européenne recense, quant à elle, dans un document publié en 2003104(*), trois principaux avantages liés à la mise en place de l'union économique et monétaire. Le premier de ces avantages réside dans l'élimination de toutes les contraintes liées au change, ce qui profite à l'ensemble des agents économiques. Le second consiste en un renforcement, à terme, de la concurrence. Cet accroissement de la concurrence, facteur d'efficacité et de compétitivité, doit notamment faire pression sur les prix. Enfin, le troisième avantage mis en avant est lié à l'avènement de l'euro comme monnaie de référence internationale. Cette reconnaissance de l'euro doit, entre autres, permettre aux entreprises appartenant à la zone euro de libeller plus souvent leurs factures en euros lors de leurs transactions avec le reste du monde.

Au final, l'euro apparaît comme une monnaie essentiellement fonctionnelle. A la lumière de près de soixante années d'intégration économique en Europe, l'instauration de la monnaie unique se révèle être une étape « logique », devant davantage intégrer les marchés européens. Le but recherché, à terme, est de faire de l'Europe une zone monétaire optimale105(*). Ainsi, l'euro se fonde sur des espérances de prospérité et de bien-être individuel lié à l'avènement d'un vaste marché intérieur européen capable de faire contrepoids au marché américain. « Né dans les marchés », il est empreint d'une logique de consommateur et non d'une logique de citoyen, comme le souligne Jean-Michel Servet :

« Il est symptomatique qu'une des premières plaquettes officielles d'information sur l'euro (diffusée en France à partir de novembre 1997) se soit appelée `l'euro et moi', titre de grande taille avec en sous-titre de petite taille `l'euro fait la force'. Un tel titre privilégiait de façon évidente les rapports privés à la monnaie. Cette individualisation des utilisateurs se traduisait aussi dans ce même document, largement diffusé par le ministère en charge de l'économie, par l'illustration non de photos de groupes en situation d'échange ou de communication, mais de personnages séparés les uns des autres. Loin de consacrer l'euro comme une expression communautaire [...] certains ont cru pouvoir agir par la monnaie, pensée à tort comme un instrument essentiellement économique et privé, en vue d'unifier l'Europe par la multiplication des échanges commerciaux. Nombreux sont les projets d'adaptation des populations à l'euro, qui ont tourné peu ou prou autour de la fonctionnalité de l'objet monétaire dans les usages privés des consommateurs [...] Une logique de l'intérêt individuel a ainsi été en quelque sorte instrumentée par les promoteurs de la `monnaie unique européenne' »106(*).

Cette remarque est essentielle car dans l'approche qui est la nôtre, comme nous le verrons par la suite, l'euro se fonde sur une confiance d'ordre éthique ou économique stricto sensu, en s'affranchissant de toute attache symbolique :

« La création de l'union monétaire en janvier 1999 a entraîné des changements profonds dans les marchés, qui ont induit des restructurations spectaculaires parmi les grandes entreprises. Mais justement, il s'agit de marchés, pas de sociétés civiles ni de nations. Il existe un sentiment répandu que l'euro est un instrument de la dictature des marchés, un cheval de Troie de la mondialisation économique » ; « La conception de la monnaie développée dans ce livre permet de ne pas être surpris par l'ambivalence des attitudes que suscite l'arrivée de l'euro. Dans la théorie économique fondée sur le présupposé d'une valeur exprimée dans les prix réels d'équilibre, la monnaie est un objet économique sans impact sur l'équilibre du système. L'intégration économique européenne est un processus purement `réel' de mobilités de facteurs de productions et d'intensification de la concurrence pour aboutir à un système de prix d'équilibre commun. Une fois ce processus accompli, l'Europe sera devenue une zone monétaire optimale [...] Mais, on a longuement montré dans ce livre que la monnaie n'est pas seulement le régulateur des marchés. C'est une institution bien plus profonde des sociétés [...] C'est un opérateur de la cohésion sociale qui dépend d'une confiance par laquelle se réalise la reconnaissance d'une appartenance à une même communauté de paiements. Mais le sens de l'appartenance est fondé sur des valeurs collectives dont les nations sont dépositaires [...] La tension entre l'espace économique de l'euro et la diversité des nations fait l'originalité de l'euro par rapport aux monnaies nationales »107(*).

Il en ressort que l'euro se dévoile comme étant une monnaie originale. Issue d'un processus d'intégration des marchés, la monnaie unique européenne semble résultée d'un choix rationnel de fonder une union économique et monétaire sur la base d'avantages renvoyant à la logique marchande et, au-delà, à la sphère strictement économique. Monnaie orpheline de souveraineté politique, l'euro semble avoir l'audace de s'affranchir de toute forme de confiance symbolique pour se rapporter exclusivement à l'économique. Tel est le pari de l'euro : monnaie dépourvue de consistance sociale et politique, fondant sa souveraineté sur des espérances de prospérité économique.

* 95 L'Organisation européenne de coopération économique (OECE) était chargée de répartir les subsides de l'aide Marshall.

* 96 Arcangelo Figliuzzi, L'économie européenne, Bréal, Rosny, 2003 : p. 71. Arcangelo Figliuzzi est agrégé de sciences sociales et professeur de chaire supérieure en classes préparatoires aux écoles de commerce.

* 97 European Currency Unit, l'ECU était constitué d'un panier de monnaies communautaires dont les montants étaient déterminés selon l'importance économique de chaque pays. C'était par rapport à lui qu'étaient établis les « cours-pivots » de chacune des monnaies européennes.

* 98 Chaque monnaie possédait un « cours-pivot », déterminé par rapport à l'ECU, qui définissait des marges de fluctuation à plus ou moins 2,25 %.

* 99 Le Fonds européen de coopération monétaire (FECOM) permettait une mise en commun d'une partie des réserves des pays membres de la CEE et assurait une compensation multilatérale entre banques centrales.

* 100 Des mécanismes de crédit spécifiques avaient été mis en oeuvre dans le cadre du SME pour permettre aux pays membres de faire face aux différents problèmes de financement qu'ils pouvaient rencontrer.

* 101 L'influence du système monétaire allemand pouvait s'expliquer, selon Arcangelo Figliuzzi, par la force et la réputation de la monnaie allemande, et, par la grande crédibilité de la Bundesbank, banque centrale indépendante.

* 102 Arcangelo Figliuzzi, L'économie européenne (précédemment cité) : p. 76, 77.

* 103 Ce qui a abouti, selon la Commission, à une économie annuelle estimée entre 0,3 et 0,4 % du PIB total des pays de la CEE (soit 13,7 à 19,8 milliards d'euros).

* 104 Commission européenne, Cap sur la croissance. L'économie de l'Union européenne (précédemment cité).

* 105 Cette notion sera analysée ultérieurement.

* 106 Jean-Michel Servet, Promesses et angoisses d'une transition monétaire in L'argent (précédemment cité) : p. 265.

* 107 Michel Aglietta et André Orléan, La monnaie entre violence et confiance (précédemment cité) : p. 292 ; 293.

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