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Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à  l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique


par Grégory Ode
Université de Paris I Panthéon - Sorbonne - Master d'économie 2005
  

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Les grands principes de fonctionnement de la BCE : indépendance et transparence

Au cours des trente dernières années, les principales banques centrales ont acquises une indépendance dont il n'y avait que deux exemples auparavant : la FED et la Bundesbank. Ce détachement des autorités monétaires vis-à-vis du politique a pour objectif principal de donner une plus grande objectivité et crédibilité à la politique monétaire, détachée ainsi de toute pression extérieure. En particulier, l'indépendance doit permettre une plus grande maîtrise de l'inflation dans la mesure où les autorités monétaires ne subissent pas de pressions externes liées aux conséquences de la désinflation. Il est vrai qu'une politique monétaire objective, en considérant que l'objectivité soit une condition d'efficacité, implique un certain détachement des autorités monétaires vis-à-vis du politique. A titre d'exemple, on peut mentionner que, dans les années 1970, au moment où la priorité mondiale était à la désinflation, la France resta en marge de cette tendance pour des raisons d'ordre politique. En effet, les politiques désinflationnistes impliquent une austérité monétaire qui n'est pas sans conséquences sur l'économique et le social. C'est pourquoi, dans un contexte électoral « difficile », le gouvernement de Raymond Barre refusa à l'époque, à la fin des années 1970, de faire les frais d'une politique monétaire rigoureuse qui aurait été jugée impopulaire :

« En 1979, les pays capitalistes industrialisés n'en étaient pas à ce point. Mais les inconvénients d'une inflation relativement forte commençaient bientôt à devenir gênants [...] La désinflation [...] devenait l'objectif prioritaire de la plus grand puissance économique du monde bientôt imitée par la plupart des autres pays capitalistes industrialisés » ; « Toujours est-il que, appelé au pouvoir en 1976 pour `assainir' l'économie [...] Raymond Barre ne parvint ni à l'un ni à l'autre : personne au fond n'était prêt à payer le prix effectif de la désinflation, en termes d'emplois et de production » ; « Pour des raisons électorales essentiellement : pas questions, pour le gouvernement barriste, de creuser sa tombe en prenant ce genre de mesures avant des élections que l'on savait difficiles »132(*).

Ainsi, peut se justifier l'indépendance, même s'il faut prendre en compte, semble t-il, les aspects négatifs que pourrait revêtir une politique monétaire trop désintéressée, c'est-à-dire trop éloignée de la société concernée. Effectivement, l'indépendance est peut-être nécessaire, mais toujours est-il que la politique monétaire doit conserver une certaine légitimité, nous pourrions dire un « caractère humain » qui ne la distancie pas d'une appréciation démocratique133(*).

Il n'en reste pas moins que, selon la théorie économique, l'indépendance de la banque centrale doit en premier lieu servir la stabilité des prix ; ce qui s'accorde bien avec l'objectif assigné au SEBC. Ainsi, en diminuant les anticipations inflationnistes et en éliminant le risque d'incohérence temporelle134(*), l'indépendance des autorités monétaires permet de stabiliser l'environnement monétaire tout en garantissant sa crédibilité et celle de l'unité de compte. Cette stabilité permet notamment d'atténuer les primes de risque qui se greffent aux taux d'intérêt des marchés financiers :

« Ces derniers (les marchés financiers) peuvent infliger des primes de risque au taux d'intérêt d'un pays. Ces primes ne dépendent pas seulement des fondamentaux observables (taux d'inflation, taux de change, taux de croissance, équilibre extérieur...) mais peuvent naître d'une insuffisance de crédibilité accordée aux décisions monétaires. Or l'indépendance permet de reconstruire cette crédibilité et donc de réduire les primes de risque, voire de les annuler »135(*).

Pour ce qui est de l'indépendance de la BCE, celle-ci revêt trois formes. D'abord, pèse sur la BCE une interdiction formelle de financer tout déficit budgétaire. Cette disposition, qui marque la fin des recettes de seigneuriage, s'est appliquée à partir du 1er janvier 1994 pour les Etats membres de l'Union européenne. Par ailleurs, l'indépendance de la BCE réside dans l'irrévocabilité de ses membres par une autorité publique. Ainsi, les gouverneurs, élus pour un mandat minimum de cinq ans, ne peuvent être sanctionnés, si ce n'est que pour « incapacité ou faute grave et suivant une procédure complexe »136(*). Cette forme d'indépendance abstrait les membres de la BCE de toute sanction populaire. Enfin, ces derniers n'ont pas le droit de recevoir d'instruction émanant de leur environnement politique (pouvoirs publics, institutions communautaires...).

Cette dévolution de souveraineté des Etats membres envers la BCE est un acte fort en significations et en conséquences. La BCE est aujourd'hui une institution souveraine et, en tant qu'organe indépendant du pouvoir politique, elle prend seule les décisions en matière de politique monétaire. D'ailleurs, comme on le verra par la suite, la configuration actuelle pose des difficultés au policy mix de la zone euro. Autrefois droit régalien appartenant au prince ou à la puissance publique, le pouvoir d'émettre et de gérer la monnaie est aujourd'hui confié à des institutions compétentes, neutres et objectives. La BCE peut alors être assimilée à un « juge impartial » qui procède à une gestion objective de la monnaie, conformément aux objectifs qui lui ont été fixés. Cette évolution est le résultat d'un acte politique fort et, en pratique, qui se traduit par des résultats contrastés sur le plan des performances économiques.

Ceci étant, le principe d'indépendance a pour contrepartie celui de transparence. Ainsi, l'indépendance ne doit pas représenter une menace et une perte de contrôle absolue pour les Etats membres de l'eurosystème. De ce fait, la BCE, en tant qu'institution indépendante, doit justifier un minimum ses pratiques tout en conservant un maximum d'autonomie et de liberté d'action. Ce faisant, sa transparence contribue à assurer sa crédibilité, sa prévisibilité et son auto-discipline. Selon Robert Raymond, cela implique deux règles qui sont des corollaires du principe d'indépendance. La première de ces règles stipule que l'indépendance se délimite à l'exercice du mandat et aux pouvoirs tels que définis par le traité. En dehors de ce périmètre, il peut y avoir concertation entre la BCE et la sphère publique. Quant à la deuxième règle, elle oblige la BCE à s'exprimer sur ses choix de stratégies et sur ses actions. Cela est d'autant plus important qu'à la différence d'une décision jurisprudentielle, ses décisions ne sont pas passibles de recours ou d'appel.

Concrètement, le principe de transparence se traduit de différentes manières. En ce qui concerne la BCE, cela a pris la forme de publications officielles et d'invitations aux réunions. Ainsi, le président du Conseil et un membre de la Commission peuvent assister aux réunions du Conseil des gouverneurs. Réciproquement, le président de la BCE peut participer aux réunions du Conseil lorsque celui-ci délibère sur des questions relatives aux objectifs et aux missions du SEBC (Art. 113/109 B du traité). Par ailleurs, l'article 114.2/109 C.2 du traité prévoit que la BCE dispose de deux sièges au Comité économique et financier, institution chargée de superviser et de conseiller le Conseil et la Commission sur l'état économique et financier de l'Union. De plus, les membres du Directoire peuvent être entendus par le Parlement européen, soit à l'initiative des premiers, soit à l'initiative des seconds. Aussi, certains gouverneurs des banques centrales nationales peuvent être auditionnés par leurs parlements respectifs. Encore, la BCE se doit de publier par le biais de communiqués ses décisions monétaires. Dans ce dernier cas, elle est totalement libre d'être explicite ou non. En pratique, les membres de la BCE procèdent également à des conférences de presse ; ils participent également à des colloques et font régulièrement des discours. Enfin, la BCE se trouve dans l'obligation juridique de publier un rapport sur les activités du SEBC au moins chaque trimestre, une situation financière consolidée chaque semaine et un rapport annuel à l'attention du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.

Au total, la BCE dispose d'une indépendance effective et s'astreint au principe de transparence. Elle reste libre d'être explicite ou non lors de l'explication de ses actes. Elle communique mais n'a pas à se justifier ; l'anonymat et l'intégrité de ses membres sont garantis lors de la prise de décision. Enfin, elle n'engage pas sa responsabilité au cours de ses actions. Ce faisant, par l'indépendance et la transparence, la BCE cherche à obtenir une certaine crédibilité à l'égard des agents, crédibilité dont elle se prémunit pour atteindre l'objectif de stabilité des prix qui lui est assigné statutairement. Ainsi, une banque centrale crédible est une banque centrale capable de maintenir et de préserver la valeur de la monnaie, ce qui assure en partie le maintien de la confiance (éthique) des agents en la monnaie et concoure à établir un environnement économique stable, conformément à la doctrine monétariste dont la BCE est imprégnée137(*) :

« Le principe de l'indépendance de la BCE est censé garantir la pérennité de la poursuite de l'objectif de lutte contre l'inflation, ce qui renvoie aux conceptions libérales de la politique monétaire fondée sur les hypothèses d'anticipations rationnelles des agents et la notion de `crédibilité' au sens de Kydland et Prescott. Cette notion de `crédibilité' constitue le coeur de l'argumentation en faveur de l'indépendance des banques centrales : si la politique monétaire discrétionnaire (définie comme une politique active, interventionniste et changeante en fonction des objectifs poursuivis) est inefficace, c'est qu'elle n'est pas crédible aux yeux des agents. Il faut donc remplacer la politique économique active et interventionniste par la règle, c'est-à-dire le respect de principes intangibles et non modifiables au gré de la conjoncture »138(*).

Dans cette même optique, nous verrons par la suite que la BCE est empreinte de principes monétaires libéraux, dérivés du monétarisme, qui peuvent, conjointement avec d'autres principes qui sont ordonnés par les positions de la BCE, potentiellement miner la confiance éthique qui légitime l'euro.

* 132 Denis Clerc, Inflation et croissance (précédemment cité) : p. 106 ; 107 ; 108.

* 133 Cette remarque peut s'appliquer à l'euro car, comme nous le verrons, contrairement aux autres grandes banques centrales, la BCE semble entachée d'un déficit démocratique qui l'écarte de certaines préoccupations sociales fondamentales. Ainsi, certains économistes, tel que Jean-Pierre Fitoussi (La règle et le choix. De la souveraineté monétaire en Europe, Seuil, Paris, 2002), ont dénoncé ce manque de légitimité démocratique de la BCE.

* 134 La suppression de ce risque a bien été mise en évidence au sein de la littérature des dernières decennies :

- Finn Kydland et Edward Prescott, Rules rather than discretion : the inconsistency of optimals plans in Journal of political economy, 1977.

- Robert Barro et David Gordon, A posture theory of monetary policy in a natural rate model in Journal of political economy, 1983.

- Kenneth Rogoff, The optimal degree of commitment to an intermediate monetary target in The quarterly journal of economics, 1985.

* 135 Denise Flouzat, Les stratégies monétaires (précédemment cité) : p. 52.

* 136 Robert Raymond, L'euro et l'unité de l'Europe (précédemment cité) : p. 68.

* 137 Ce point sera développé ultérieurement dans la réflexion.

* 138 Arcangelo Figliuzzi, L'économie européenne (précédemment cité) : p. 87, 88.

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