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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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Chapitre 1

Le projet de loi sur l'immigration

dans le temps des évènements.

I. La construction médiatique de l'espace du débat

Il convient d'examiner pour commencer l'articulation principale de notre corpus. Le discours politique que nous étudions combine un thème et un espace de communication. Le thème, nous l'avons dit, est celui de l'immigration, et comme nous le montrerons dans le dernier chapitre celui de l'identité nationale. L'espace de communication est celui du débat public, de l'échange et de la confrontation de représentations politiques, d'imaginaires politiques autour du thème. Dans cette modalité de l'espace public, le temps est un mécanisme essentiel car il impose le réel d'un calendrier dans le débat symbolique. Or cette temporalité du débat est indéniablement liée au temps des médias qui, en imposant leur agenda, instaurent les acteurs, orientent le débat et fondent l'espace public.

Médias, acteurs, et débat.

Tout d'abord, il faut revenir sur le rôle des médias dans la construction de l'espace public. A partir des travaux d'Habermas22(*), il faut souligner que l'existence même de l'espace public est liée à la présence des médias. En effet, Habermas définit l'espace public comme un espace de communication, d'échange symbolique de représentations et de construction d'une opinion politique. La publicité devient alors une condition de visibilité et d'existence dans cet espace de l'indistinction où le sujet porte davantage un projet politique qu'une identité.

Les médias sont des acteurs importants du champ du débat public auquel ils donnent une forme, un langage, pour donner une consistance symbolique au fait politique. Ils font sens en donnant une signification aux évènements qui n'auraient pas d'existence sans le discours journalistique. En effet, leur première fonction consiste à produire une information sur le réel du monde à travers laquelle ils construisent l'espace public. Ici, les médias produisent un discours sur d'autres acteurs de l'espace public, ceux qui se trouvent dans une logique de pouvoir. Parce qu'ils mettent en parallèle et qu'ils relient les évènements les uns aux autres, les médias permettent la construction d'un maillage de sens pour offrir aux acteurs qui recherchent l'information des outils afin d'appréhender d'une manière globale le fait politique. Ici, ils sont l'espace de la médiation entre les acteurs politiques et les citoyens, les lecteurs.

Les médias : une communication engagée au coeur de l'information.

Derrière la notion d'espace public, il y a la notion de lieu symbolique. L'espace public n'est pas le réel mais les médias proposent une construction symbolique du réel. De surcroît, ils projettent leur imaginaire de l'espace public sur les représentations qu'ils en donnent, c'est pourquoi certains acteurs politiques, liés au réel du pouvoir sont littéralement exclus de ces espaces publics médiatés.

Dans le cadre du débat sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, nous proposons d'appréhender l'espace public du débat comme le fruit d'une division engagée du réel, division non remise en question par une idéologie du journalisme associant à une construction symbolique les valeurs de vérité, d'information, de critique ou même de subversion.

Derrière notre corpus d'articles de presse (Le Monde, Libération, l'Humanité) existe implicitement une orientation commune dans l'instauration de l'espace du débat malgré certaines oppositions idéologiques fortes. Si elle ne prend pas explicitement position, l'énonciation journalistique s'apparente à une forme de communication politique lorsqu'elle tend à susciter l'adhésion des lecteurs. Lors de l'élaboration de l'information, les médias mettent en place des stratégies afin de donner une place au lecteur. Mieux, comme pour les acteurs du débat, ils instituent leurs lecteurs en acteurs dans l'espace public. C'est ainsi que lors du référendum sur le projet de traité constitutionnel en 2005, les médias prirent position pour le « Oui », ils se sont engagés en 2006 contre le projet d' « immigration choisie ». Par conséquent, l'énonciation élaborée fait en sorte que les lecteurs s'inscrivent « naturellement » dans l'opinion portée par les journalistes. Les journaux de notre corpus adoptent tout trois une position similaire de rejet de la loi en discussion.

La posture de l'Humanité est radicale, le quotidien du Parti communiste place le déroulement du débat parlementaire au second plan pour ouvrir une discussion sur le thème de l'immigration. Ainsi, le 10 janvier 2006 paraît un dossier spécial intitulé : « Un projet dangereux sous le sceau de l'utilitarisme ». L'interview de Fernanda Marrucchelli, membre du Conseil national du PCF est révélatrice de l'ensemble du traitement du débat par le quotidien :

« On aurait tort de considérer cette politique comme une dérive ou une restructuration de plus. Elle porte tous les caractères structurels d'un projet de société libérale. Ce qui se construit contre les migrants se construit contre la société tout entière, par la pénalisation de tous les mouvements sociaux, sur un racisme bien habillé, si banalisé qu'il déclenche de moins en moins de prise de positions nettes. »

Libération institue également son lecteur en acteur de la lutte contre le projet de loi, mais individualise une opposition au futur candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy. On trouvera alors des articles traitant des « bons immigrés vantés par Sarkozy », du « parfait petit manuel pour expulser les clandestins » ou encore de la « croisade contre la loi Sarkozy sur l'immigration ».

Pour sa part, Le Monde a offert une couverture très importante à l'évènement, alternant informations juridiques, entretiens avec des intellectuels et des universitaires opposés à la position de Nicolas Sarkozy et des articles soutenant la dangerosité du projet de loi. Il faut bien préciser que le journal Le Monde est le seul quotidien à disposer d'une journaliste spécialisée dans les questions migratoires, Laeticia Van Eeckhout. Cette spécialisation transparaît dans un traitement très rigoureux et la mise en avant des incohérences gouvernementales. Le Monde dénonce ouvertement un projet dangereux « au dépens de l'intégration ». D'où cet article intitulé « Les limites de l'immigration choisies », dans lequel la journaliste offre à son lecteur des clefs d'opposition :

« Sous couvert de promouvoir une « immigration choisie », le projet de loi de M. Sarkozy se justifie en fait avant tout par son volet visant à « resserrer les boulons », selon les termes utilisés au ministère de l'Intérieur, contre « l'immigration subie ». 

Avant de conclure :

« On peut en tout cas douter que ces mesures améliorent l'image de la France, dans un contexte d'économie mondialisée. Si les étrangers sont identifiés à des fraudeurs potentiels, les migrants les plus qualifiés pourraient continuer de préférer le Canada, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, à une France, frileuse et repliée sur elle-même, voire perçue comme xénophobe. »

En trois mois de médiatisation du débat, l'Humanité et Libération ne laisseront pas une seule fois la parole aux défenseurs du projet de loi. Seul Le Monde offrira à son audience un entretien avec Nicolas Sarkozy intitulé « L'immigration choisie est un rempart contre le racisme » et un dialogue sur sa plateforme internet avec Thierry Mariani, rapporteur du projet de loi autour de la question « La France doit-elle choisir ses immigrés ? ». Ces deux interventions ont eu lieu le 27 avril 2006, jour choisi par le ministre de l'Intérieur pour défendre son projet dans tous les grands médias. Notons également que Le Monde a publié une tribune à Jacques Toubon, missionné par le Président de la République pour créer la Cité nationale de l'Histoire de l'immigration, dans laquelle il s'oppose à Nicolas Sarkozy et enjoints les parlementaires à ne pas rejeter le modèle d'intégration républicain.

* 22 HABERMAS, Jürgen, L'espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, 1993 (1962).

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery