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Le collectionneur: un acheteur, un consommateur

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par Adil Elkhoutabi
Université Mohamed V - Agdal - Rabat - Ecole Doctorale de Gestion 2006
  

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Partie 2 :

Le comportement d'achat du collectionneur

A. Délibération et décision

a. Bases motivationnelles de la délibération

Toute activité implique les notions de motivation, buts et moyens, besoins et mobiles. Tous les collectionneurs ont du mal à exposer leur but conscient.

b. Besoin en informations

Le collectionneur a besoin comme calmant de connaître à l'avance ce qui va sortir sur le marché. Il reproche au système commercial (surtout chez les grandes surfaces) de n'être jamais au courant des prochaines arrivées.

L'avantage des magasins spécialisés est qu'ils leurs fournissent à l'avance un catalogue publicitaire des prochains arrivages. Le collectionneur se fabrique une image mentale, à partir des photos, de ce qu'il va voir et peut-être acheter. Tous se « délectent » à anticiper ce qu'ils vont acquérir.

c. Besoin d'achat

Le désir et l'excitation intérieur doivent-ils l'emporter ou bien faut-il renoncer à un objet au nom du bon sens ?

Le grand dilemme entre la passion et la raison est bien présent.

Le collectionneur essaie souvent de remettre à d'autres la responsabilité de la prise de décision, ce qui l'empêche de se sentir coupable.

B. Achat, consommation et satisfaction du collectionneur

Muensterberger explique que « le besoin fondamental de refaire le plein, pour se sentir bien, est temporairement suspendu à une trouvaille ou une acquisition nouvelles. L'euphorie provoquée par un achat heureux se dissipe obligatoirement tôt ou tard. Une fois que l'objet a été incorporé à la collection et que la sensation affective initiale, la joie, la fierté, la nouveauté se sont émoussées, le souvenir inconscient de désirs anciens refait surface, selon le processus mental du retour du refoulé. La réalité est sans cesse mise à l'épreuve, et le sujet retrouve son impatience caractéristique jusqu'à ce qu'il découvre un nouvel objet »

d. L'achat

i. Récit d'acquisition

Le récit de la recherche et de l'acquisition, chez tous les collectionneurs, fait penser à une histoire d'aventures, à un roman d'amour et de magie. Ils revivent instantanément le moment passé.

ii. Achat compulsif

Il montre une sorte d'obstination qui semble se cacher derrière une préoccupation compulsive qui, comme toute action compulsive, est façonnée par des pulsions irrationnelles.

Etant donné que c'est une victoire sur l'angoisse et la peur de la perte, c'est une nécessité que l'expérience de recherche, d'acquisition se renouvelle sans cesse.

Les périodes où il achète moins, il se dit être « calmé » mais seulement calmé car il existe une caractéristique commune à tous les collectionneurs : l'absence de point de saturation.

iii. Lieu, type de commerce

Un collectionneur « fait » les brocantes, les bourses aux collections, les collect shops. Il achète également des objets de moindre valeur dans les supermarchés quand il ne trouve rien ailleurs et qu'il est en manque.

Il utilise Internet, les moteurs de recherche et les sites de ventes aux enchères (iBazar, e-Bay)

Il fait du troc avec ses contacts. Ils achètent, revendent, échangent des objets mais entre collections différentes.

Il se déplace, voyage, il existe même des voyages collectionneur organisés.

iv. Relation avec les vendeurs

Le commerçant est un fournisseur d'objets magiques. La relation entre le collectionneur et le marchand est différente du rapport habituel entre client et vendeur.

C'est un atout considérable pour le commerçant, dont le rôle est proche de celui d'un médecin, d'un prêtre ou d'un chaman. Chaque collectionneur a le sentiment d'avoir été choisi, d'être le client préféré.

v. Critères de choix des objets

1. La quantité

La quantité semble avoir une forte importance pour le collectionneur. Il indique principalement le volume que représente sa collection.

La quantité a souvent une fonction défensive. On peut comparer cela aux provisions de nourriture qu'une personne pourrait faire pour se prémunir face à une guerre, famine.

De plus, les collectionneurs ont coutume de se livrer à des surestimations. On voit très vite qu'il n'a pas de notions de grandeur, de taille.

2. La qualité

La rareté, l'ancienneté et la provenance semblent être les 3 facteurs de la qualité d'une pièce.

La rareté, l'importance de l'objet se rattachent davantage à une représentation narcissique La rareté des pièces augmente la valeur des objets. Aussi, les collectionneurs ne choisissent pas tous de collectionner des pièces rares.

Ces derniers doivent avoir besoin de se soulager plus fréquemment. Ils choisiront alors une collection de timbres, d'ours en peluche, de cartes téléphoniques plutôt qu'une collection de météorites, de meubles Louis-Philippe.

La rareté tend à augmenter la valeur d'un objet, on s'attend alors à ce que les collectionneurs recherchent des pièces difficiles à trouver. Et pourtant, c'est presque le contraire qui se produit. Il est prouvé que certains collectionneurs ont tendance à se désintéresser de certaines catégories d'objets quand l'offre diminue. Il est donc capital qu'il y ait un apport plus ou moins régulier. Cet apport doit être considérer comme un remède magique.

La provenance : Même si la qualité a une forte importance, pour mieux se soigner, le collectionneur recherche aussi la diversité ( allant jusqu'à acheter parfois, des imitations japonaises ou chinoises) et la quantité.

e. La consommation

Dans son fondement même, la passion du collectionneur repose sur un paradoxe étonnant : La folle consommation du collectionneur, à laquelle il semble prendre grand plaisir, n'a, à priori, d'autre but que l'achèvement de la collection, c'est à dire la fin de cette course consumériste !

Ce n'est pas tant sur les objets qu'il possède que le collectionneur s'agite, mais sur ceux qu'il n'a pas et rêve d'acquérir, on dit alors du collectionneur qu'il navigue sur le flot de l'insatisfaction sans jamais pouvoir se reposer sur la berge de l'assouvissement.

A partir du moment ou, comme je l'ai démontré, une collection c'est avant tout un fatras d'objets recouvert des projections imaginaires du possesseur, ce n'est pas tant que les collections sont achevables ou pas (1O), mais plutôt que le propre du collectionneur passionné, hé bien, c'est que sa passion à lui, est incomblable. Décréter sa collection terminée relève souvent plus de la lassitude que d'un but atteint.

Lorsque Alain Delon liquide sa série de tableaux aux enchères, annonçant sa collection finie, on peut être surpris de sa décision, pourquoi en effet, vend il ce qu'il a eut tant de mal à cumuler ? La réponse vient immédiatement par voie de presse : Alain Delon liquide ses tableaux pour entamer une collection... De statuettes.

Le cas d'Alain Delon n'est pas rare, chacun d'entre nous a probablement déjà entendu parler de ces abandons aux enchères d'une collection complète, justement peut être, parce qu'elle était achevée. Il y a dans ce type d'exemple, le signe que la démarche, la recherche des objets à collectionner, semble plus importante que les objets eux mêmes ; mais ne peut on pas y voir aussi une forme de déception ? Déception entre l'image que le collectionneur se faisait de son trésor lorsqu'il serait complet et le spectacle concret de sa collection finie. Un peu comme si le Nirvana tant attendu, ne se révélait, une fois le puzzle complété, qu'une illusion face à des objets enfin réintégré à leur juste place de chose.

La consommation dans vue d'un autre coté se matérialise dans l'exposition et l'emplacement.

La collection est généralement exposée de façon à ce qu'elle soit mise en valeur.

Cependant on distingue entre les « collectionneurs placard » des « collectionneurs vitrine » : les premiers, introvertis et méfiants, ne montrent jamais leur collection ; les seconds, extravertis et parfois exhibitionnistes, ne parlent que d'elle.

La consommation de sa collection est essentiellement vécue comme une expérience visuelle.

Le collectionneur : Un consommateur maniaque

D'après Muensterberger, « l'obsession de la perfection peut être liée à des peurs irrationnelles ou être la manifestation de défenses destructrices, ou encore servir à amortir la peur inconsciente d'être soi-même imparfait ».

Ceci se voit très nettement chez la majorité des collectionneur dans leur façon de consommer.

f. La satisfaction

Un collectionneur interviewé par Muensterberger résume très bien cette sensation de satisfaction : « L'enchantement le plus profond pour le collectionneur est d'enfermer des objets à l'intérieur d'un cercle magique dans lequel ils sont immobilisés tandis que le frisson ultime, le frisson de l'acquisition, passe sur eux.[...] Il suffit de regarder un collectionneur disposer des objets dans une vitrine. Au moment où il les tient dans ses mains, on dirait qu'il voit à travers eux, dans leur lointain passé, comme s'il était inspiré ».

Muensterberger avoue n'avoir jamais rencontré de collectionneur qui, consciemment ou non, ne ressente une certaine culpabilité à cause de ses « frivolités », une fois l'acte passé.

Une éternelle insatisfaction

Le collectionneur est un éternel insatisfait, c'est un projet d'accumulation sans fin.

C'est une caractéristique principale de certains collectionneurs : l'absence de point de saturation. Même si leur goût change et si leur intérêt se déplace vers d'autres types d'objets, ils ne s'arrêtent jamais. Mais rien à voir avec ce que les psychanalystes freudiens définissent comme un « trouble obsessionnel compulsif ». « Nous sommes tous compulsifs ! explique le psychiatre Robert Neuburger2(*). A des degrés divers, bien sûr.

C'est pourquoi le «collectionnisme» n'est ni un comportement pathologique ni une maladie.

On peut même dire que c'est un traitement en soi ! La preuve en est que bien des collectionneurs sont déprimés lorsqu'ils ont terminé une collection.

Mais il leur suffit d'en commencer une nouvelle, et la dépression disparaît... »

* 2 Robert Neuburger : «Les Nouveaux Couples» (Ed. Odile Jacob, 1997).

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon