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Le bouddhisme theravada, la violence et l'état. Principes et réalités

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par Jacques Huynen
Université de Liège - DEA Histoire des religions 2007
  

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L'Indochine : milieu physique, peuplement, brahmanisation, bouddhisation

Physiquement la péninsule consiste en une série de chaînes montagneuses orientées globalement nord-sud, séparées par cinq grands fleuves ; d'ouest en est : l'Irrawady, le Sittaung, la Salween, le Ménam (Chaophraya) et le Mékong. Cette structure, assez semblable à celle de l'Inde131(*), avec ses larges plaines alluviales et un régime de moussons favorable à la culture humide du riz132(*), exerça une influence déterminante sur le peuplement. Elle entrava aussi les rapports commerciaux entre les différentes nations qui s'y aménagèrent une niche mais ne suffit pas à prévenir les tentatives d'invasion, de conquête ou de vassalisation qui ponctuèrent l'histoire de la région133(*).

Dès avant les débuts de l'ère chrétienne, la péninsule subit l'influence de la culture indienne à partir des côtes où les commerçants indiens--dont certains étaient sans doute bouddhistes134(*)--établirent très tôt des comptoirs non seulement à l'ouest sur les côtes du Golfe du Bengale et de la Mer Adamantine mais aussi à l'est, sur la Mer de Chine. Ces développements aboutissent au IIe siècle à l'émergence, à l'est de la péninsule, de deux états hindous qui à travers leurs avatars devaient durer plus d'un millénaire : le Funan--auquel on peut faire remonter les états khmère ou kamboja (VIe), angkorien (IXe-XVe) puis cambodgien moderne--et le Champa--actuel Vietnam central et du sud--qui devait résister à la pression vietnamienne jusqu'à son anéantissement par cette dernière au XVIIe EC135(*). Elle pénétra aussi par le Nord-Ouest (Bengal, Assam, Birmanie). De toutes parts donc, sauf à partir du Vietnam au nord-est, l'influence indienne s'exerce sur la péninsule.

Alors que, entre le VIe et le XIe, le bouddhisme déclinait en Inde ou était ré-absorbé par la structure sociale de l'hindouïsme, mahayana et theravada devaient connaître une deuxième expansion en Indochine et en Insulinde (Indonésie). Le Sud de ce qui est maintenant la Birmanie et le centre-Ouest de la Thaïlande était occupé par les Môns convertis au theravada dès le VIe siècle, par des Indiens du Sud. L'Est de la Thaïlande contemporaine et le Cambodge étaient dominés par des états où dominait le brahmanisme : le Funan --dont l'influence s'étendit jusqu'à la péninsule malaisienne, puis les Khmères. Le centre-Nord de la Birmanie était déjà occupés par des peuples proto-birmans, dont les Pyus qui, venant du Tibet oriental, rencontrent les Môns au VIIe EC dans la vallée de l'Irrawaddy, leur empruntent le theravada et fondent Sirikhetta/Sri Ksetra (Prome) à l'embouchure du fleuve avant de disparaître en tant qu'entité séparée au IXe sous les coups des Thaïs. Dans l'Est de la Birmanie et le Nord de la Thaïlande différentes branches du groupe ethno-linguistique thaï, provenant du Nanchao au Yunnan, avaient en effet entamé leur descente vers le sud en suivant les vallées mentionnées ci-dessus, empruntant le bouddhisme theravada et son terreau brahmanique aux Môns, les occupants précédents.

Si on trouve témoignage de la présence d'un hinayana de langue sanscrite (non-theravada) au Funan entre le IIIe et le VIe 136(*) et dans le royaume pyu de Sri Kshetra au VIII e137(*), ce dernier siècle voit surtout l'expansion du mahayana vers le Nord-Ouest (Pagan) de la Birmanie actuelle, à partir du Bengale des Pâla, et par voie maritime vers le Cambodge138(*) et Java où la dynastie des Sailendra s'en réclame explicitement.

Comme en Inde, l'économie des collines et plateaux est sensiblement différente de celle des vallées où les ressources alimentaires--riz et poisson--abondent, permettant une économie de subsistance avec un surplus. Dans les collines ce surplus est maigre ou inexistant. C'est dans les vallées que les premiers états--souvent une ville et un arrière-pays plus ou moins étendu--apparurent. Le sangha , dépendant pour sa survie alimentaire du soutien de sociétés rurales ou urbaines jouissant d'un minimum d'organisation et produisant un surplus, leur fut très rapidement associé. En échange il apporte au pouvoir la légitimité religieuse et morale que la force ne suffit pas à lui assurer. Même dans les collines, lorsque le bouddhisme y est présent, c'est souvent dans les étroites vallées qui les irriguent et où un peu de culture humide est encore possible.

Sur les pentes et les crêtes couvertes de jungles, l'animisme originel reste dominant, souvent jusqu'à nos jours. Les ethnies et groupes linguistiques de ces collines, apparentés à ceux du Sud-Ouest de la Chine, lui aussi encore fortement tribal, conservèrent avec ces derniers leurs rapports commerciaux anciens. Ils étaient considérés comme des barbares par la population indianisée et bouddhisée des vallées139(*).

L'Indochine représente, parmi les pays d'Asie où le bouddhisme s'est répandu, la seule région où il a d'emblée joué un rôle dominant dans la formation de l'état, malgré l'influence que le brahmanisme joua au Cambodge et au Funan (Sud du Vietnam) jusqu'au XIIe siècle. Au moment où le theravada singhalais commence à l'emporter, à partir du XIe EC, seules les régions côtières ont été touchées par l'influence civilisatrice de l'Inde et connu une brahmanisation qui devait rester superficielle.

L'intérieur de la péninsule par contre, ce qui devait devenir la plus grande partie du territoire de la Birmanie, de la Thaïlande et du Laos contemporains, restait le domaine de tribus vivant encore à l'ère néolithique. Le ou les modèles theravada n'en auront que plus de facilité à s'imposer sur cette tabula rasa.

* 131 .Le voyageur Gerard VAN WUSTHOF dont le récit (1641-1644) fut traduit par le célèbre explorateur du Mékong Francis GARNIER, parle du Laos et du Cambodge comme de  « l'Inde orientale ». Cf Francis GARNIER, « Voyage de Wusthof au Laos » in Société de Géographie, sept.-octobre 1871, 11-19. Ré-imprimé séparément par The Royal Netherlands Ambassy, Bangkok 1997-2006.

* 132 .Trévor LING, Buddhist Civilisation in India and Ceylon, Temple Smith, 1973.p. 44 et sq.

* 133 .Xavier ROZE, Géopolitique de l'Indochine, Paris, Economica, 2000, p. 63.

* 134 .G.COEDÈS, Les Etats hindouisés d'Indochine et d'Indonésie, Paris, E. De Boccard, 1964 p. 52.

* 135 .Les Vietnamiens atteignent le Delta du Mékong en 1620 mais ne prennent Saïgon qu'en 1699. Cf P.BROCHEUX, Du conflit d'Indochine aux conflits indochinois, p. 165.

* 136 G.COEDÈS, op. cit., p. 120.

* 137 Paul MUS, L'angle de l'Asie, Paris, Coll. Savoir, 1977, p. 177.

* 138 Premier document épigraphique attestant la présence du mahayana au Cambodge au VIIIe EC. Ibidem, p. 178.

* 139 Trevor LING, 1973, p. 3.

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