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Le bouddhisme theravada, la violence et l'état. Principes et réalités

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par Jacques Huynen
Université de Liège - DEA Histoire des religions 2007
  

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Ceylan et le Siam

Au XIe siècle l'influence khmère se répand dans la Thaïlande centrale ainsi qu'on le voit à Sukhodaya mais non dans le royaume môn de Haripuñjaya au Nord, déjà theravada152(*). Les Thaïs arrivent du Nanchao dans le Yunnan en deux vagues ; au XIe EC d'abord et ensuite, fuyant les Mongols, au XIII e. Ils fondent deux petits états Muan Bang Yang et Muan Rat, vassaux des Khmères contre lesquels ils finissent par se révolter fondant le royaume de Sukhodaya (Sukhothai, où l'on peut encore voir de nos jours les vestiges du bouddhisme mahayana mêlé de brahmanisme que pratiquaient les Khmers).

Les premiers acteurs d'un développement du theravada dans ce qui est maintenant la Thaïlande sont donc les Môns du Nord (autour de ce que seront plus tard Chiang Mai et Chiang Rai). C'est au XIIIe EC, à Sukhodaya, que les premiers rapports avec Ceylan ont lieu, par l'intermédiaire de la Birmanie basse et centrale, à l'occasion de l'introduction d'un lignage de moines forestiers (araññavasi) qui devait se propager jusqu'au Laos à Luang Prabang (HAZRA, 1981, p. 142). À partir du XIVe EC un sangha singhalais urbain se développe à Sukhodaya. Après la destruction de cette ville par les Birmans et la fondation du royaume thaï de Ayutthaya au XIV e, les rapports entre ce nouveau royaume thaï et Ceylan continuent.

A la même époque dans le Sud profond de l'actuelle Thaïlande des contacts avaient peut-être lieu avec le mahayana par l'intermédiaire du royaume malais de Vijayanagara (1336-1565) dont le centre était Siridhammanagara, l'actuelle Chaya.

Rapports entre Ceylan, le Cambodge et le Laos

Au XIe EC, au Cambodge, sous Suryavarman le mahayana et le brahmanisme dominent mais le theravada est présent (HAZRA, 1981, p.175). Sous son successeur Udayâdityavarman le sivaïsme domine du Champa à Pagan dans le Nord-Ouest de la péninsule. Suryavarman II, constructeur de Angkor, est visnouïte. Au XIIe EC, avec Jayavarman VII, on assiste à un retour du bouddhisme et particulièrement du bouddhisme theravada puisqu'un des fils du roi, comme nous l'avons dit ci-dessus (p. 82), sera ordonné à Ceylan ; à partir de cette époque les rapports entre le Cambodge et Ceylan s'intensifient, d'abord à travers la Birmanie.

Le XIIIe EC voit la fin de l'influence khmère au centre du Siam et en Birmanie. Par contre l'influence siamoise s'exerce au Cambodge, accompagnée d'un renforcement du theravada, à moins que comme le pense L.P. BRIGGS (Ancient Khmer Empire, Philadelphia, 1951) cette montée du theravada y soit due à des moines môns fuyant les Siamois. Comme nous l'avons déjà dit, la première inscrition en pâli au Cambodge date de 1309153(*). Quels qu'en soient les acteurs, le theravada au Cambodge comme partout ailleurs en Indochine, sauf au Vietnam, finira par évincer complètement mahayana et brahmanisme. Dès le XVIe EC, Angkor est complètement « théravadisé », avant le déclin de la puissance khmère au XVIIIe EC. Au XIVe EC, accompagnant la fondation du premier royaume laotien, le theravada se répand au Laos amené par des moines singhalais venant du Cambodge (HAZRA, 1981, p. 183-185). Bientôt toute l'Indochine, à l'exception du Vietnam, sera theravada, au moment même où l'Indonésie s'islamise.

La principale explication de cette victoire du theravada sur le syncrétisme brahmaniste-bouddhiste est que la brahmanisation de l'Indochine resta un phénomène superficiel lié aux classes dirigeantes où l'élément indien était important--une « importation de luxe » écrit G. COEDÈS154(*)--qui ne structure pas vraiment une société restée animiste, tribale, pratiquant le culte des ancêtres, et fondamentalement égalitaire sous un couvert brahmaniste155(*). Par contre l'égalitarisme theravada, la doctrine de la rétribution des actes, et de la transmigration, déjà présente dans l'animisme, n'eurent pas de mal à les imprégner profondément. En d'autres termes, comme le dit Paul MUS156(*) le système des castes n'y a pas entamé la société, il n'a « guère joué que dans le `monde royal', avec ses artisans et serviteurs concentrés dans la `cité' ». Un peu plus loin (p. 124-125) il ajoute:

La grande révolution du douzième-treizième siècle, au Cambodge comme au Japon, c'est en effet un certain recours au peuple, une plus grande part prise par celui-ci à une religion qui devient nationale, au lieu d'être comme avant « manière de cour ». [...] Le fait majeur [...] à Angkor, c'est l'invasion des monuments de la religion royale par le petit peuple : il est partout au long des bas-reliefs des galeries historiques, au Bâyon ; le contraste est total avec l'art hindouïsant initial qui représentait des mythes et des dieux [...] Maintenant, des portraits succèdent à ces représentations conventionnelles. Là où on voyait précédemment que des types, apparaissent des gens.

Par ailleurs Jayavarman VII dans une inscription sanscrite écrit que « c'est la douleur du peuple et non la sienne propre qui fait la souffrance d'un roi. » Jayavarman VII organisa aussi un service d'assistance médicale qui comprenait cent et deux hôpitaux, « langage qu'évidemment le peuple n'avait nul besoin de lettres sanscrites pour comprendre » commente P. MUS (p. 125).

A propos de la structure sociale de l'Indochine, citons encore L. FRÉDÉRIC (op.cit.) pour qui il n'existe pas de noblesse dans les cours indochinoises de l'époque d'Angkor (IXe-XIVe) car aucune charge n'y est héréditaire, sauf celle de souverain; les castes existent bien théoriquement mais elles sont beaucoup plus poreuses qu'en Inde (p. 99-100) et il existe beaucoup de « mariages mixtes », particulièrement entre la famille régnante et certaines lignées de brahmines (p. 339). La vraie distinction était entre esclaves et hommes libresdéfinis comme propriétaires de jure ou de facto de la terre dont ils vivaientainsi qu'entre classes d'âge, comme dans les sociétés animistes, mais le passage d'une catégorie à l'autre était possible (p.194)157(*). De même les femmes jouissaient de l'égalité légale (p. 195). À ce sujet R.LINGAT158(*) montre qu'en Asie du Sud-Est le mariage est une association de propriété plus qu'une union de personnes. Dans cette association la femme est l'égale de l'homme, ce qui est incompatible avec les conceptions indiennes ou chinoises (han).

Il montre ainsi qu'en général159(*) l'Asie du Sud-Est n'adopte des dharmashâstra que la forme procédurale et non la substance160(*).

Après l'éviction du brahmanisme du Cambodge au XIVe EC « la cour royale conserva toujours, au Cambodge comme en Thaïlande, des chapelains brahmanes (appelés Bâkus au Cambodge) chargés des rites d'Etat ». Ces brahmines « présidaient au sacre du roi, étaient les gardiens de l'épée sacrée, symbole du pouvoir royal » (L.FRÉDÉRIC, p. 340) mais ne fondèrent jamais des « dynasties de brahmanes » (Ibid., pp. 99-100). Si, pratiquant l'endogamie, ils constituaient bien, techniquement, une caste, ils ne jouissaient pas comme en Inde d'une supériorité rituelle sur le roi dont ils n'étaient que les « employés ».

Angkor, trop vulnérable devant les entreprises siamoises, sera abandonné pour Pnom Penh en 1431. Vijaya, capitale traditionnelle du Champa est prise par les Vietnamiens en 1471 mais il faudra attendre le XVIIe pour qu'ils atteignent le delta du Mékong et anéantissent le peu qui reste alors du Champa en tant qu'état. En 1499 a lieu la dernière ambassade javanaise en Chine. Dès 1520 l'islam triomphe à Java, peu après que les Portugais se soient emparés de Malacca (1511).

Pour consolider nos repères avant de poursuivre, concluons que si les premiers agents de l'influence indienne en Indochine furent peut-être des navigateurs bouddhistes161(*), ce fut le brahmanisme qui en profita d'abord au Champa, au Funan, et dans le Nord-Ouest birman. Ce n'est qu'à partir du VIIIe siècle que le mahayana s'y affirme en même temps qu'en Indonésie avant que le theravada finisse à partir du XIe à conquérir tout le terrain, sauf au Vietnam, au même moment où l'islam se répand en Indonésie.

Conflits entre états bouddhistes theravada

Jusqu'au XIe EC l'histoire de la péninsule indochinoise est celle de la résistance des peuples môns contre l'expansionnisme khmère venant de l'Est. À partir du XIe EC les défis viennent du nord-ouest (poussée des peuples birmans) et du nord-est (poussée des peuples thaïs). Une fois les Khmères définitivement éliminés du centre de la péninsule et refoulés vers le Sud-Est, dès le XIIIe EC, le champs est libre pour les affrontements internes entre Birmans et entre Thaïs, puis entre Thaïs et Birmans qui fera l'essentiel de l'histoire du sous-continent pendant la période moderne jusqu'à la colonisation de la Birmanie.

Sur fond de ce mouvement long, les nombreux conflits entre états theravada ont souvent eu des raisons variées, commerciales, politiques ou territoriales ; un des premiers de ces conflits, fut celui entre Parâkramabâhu (1153-1186) roi de Ceylan et Alaungsithu roi de Birmanie qui voulut interdire le passage d'éléphants à destination du Cambodge (HAZRA, 1981, p. 80). Mais ils eurent aussi des raisons religieuses, ou en revêtirent le prétexte (HAZRA, 1981, p. 164-165). Une des premières tentatives d'invasion du royaume d'Ayutthaya au XVIe EC avait pour objectif de s'emparer d'éléphants blancs dont la possession était un des signes distinctifs d'un dhammarâja ou souverain bouddhiste (HAZRA, p.120 et 165). Après qu'Ayutthaya au XVIe eut été prise par les Birmans, le Sâsanavamsa nous apprend que Anekasetibhinda (Bayin Naung) envoya le Théra Saddhammacakkasâmi au Siam en compagnie du prince Anuruddha pour y « purifier la religion » (HAZRA, 1981, p. 138-139). Le Cûlavamsa mentionne deux invasions de Ceylan par un Chandrabhânu, roi javaka de la péninsule malaisienne (région de la moderne Chaya en Thaïlande du Sud) désireux de s'emparer d'une statue du Bouddha réputée miraculeuse mais il est vrai que ce roi était sans doute mahayaniste car c'est en sanscrit qu'il est nommé dans une inscription trouvée à Chaya.

* 152 K.L.HAZRA, 1981, pp. 132-151.

* 153 G. COEDÈS, op. cit., p. 411.

* 154 Ibidem, p. 225.

* 155 Ibidem, pp. 70, 225 et 396.

* 156 op.cit., p. 114.

* 157 La seule exception étant, au Cambodge, les esclaves phnong, ostracisés sur une base ethniques, car considérés comme « sauvages ». Les enfants d'une femmes phnong restaient esclaves qui que soit leur père (L. FRÉDÉRIC, op.cit., p. 216).

* 158 LINGAT R., Les régimes matrimoniaux du Sud-Est de l'Asie ; T.I : Les régimes traditionnels, Paris, E. de Brocard, 1952.

* 159 LINGAT R., « La conception du droit dans l'Indochine hinayaniste », BEFEO 44, 1, 1951.

* 160 Voir résumé de ces idées de LINGAT dans A.GLEDHILL, The International and Comparative Law Quarterly, vol. 4, n° 1 , January 1955, pp. 78-80.

* 161 G. COEDÈS, op.cit., p. 124.

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