WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La République tchèque : analyse de son "retour à l'Europe"

( Télécharger le fichier original )
par Audrey Arnoult
Université Lyon 2 - Master 2 en Sciences de l'Information et de la Communication 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. L'Humanité : une seule référence, l'histoire

Il y a très peu d'éléments sur l'identité nationale dans les articles de L'Humanité. La seule indication que nous trouvons est une référence historique. Amenée sans transition suite à un paragraphe sur les élections européennes, elle se résume à une phrase : « La révolution de velours menée par le dramaturge V. Havel a permis au pays de gérer assez sereinement le changement de régime, puis en 1993, la partition à l'amiable de la Tchécoslovaquie »161(*). Nous pouvons d'ores et déjà noter la présence du terme « régime » qui renvoie là aussi la nation politique. Cette référence historique est liée à l'histoire contemporaine de la République tchèque mais pas à la construction de la nation. Le quotidien se contente de mentionner deux événements auxquels est associée la République tchèque dans l'imaginaire des Français et ce, sans les expliciter. La façon dont L'Humanité présente l'histoire de la République tchèque semble confirmer l'idée d'une représentation stéréotypée des pays étrangers dans la presse française. R. Amossy définit le stéréotype comme « une représentation ou une image collective simplifiée et figée des êtres et des choses que nous héritons de notre culture ». Il est « le prisme à travers lequel les interactants perçoivent les membres d'un groupe étranger »162(*).

Un second élément a retenu notre attention. A deux reprises L'Humanité utilise le terme « bloc de l'Est » : la République tchèque fait partie des « nouveaux membres de l'UE issus du bloc de l'Est » et « la chute du bloc de l'Est ». Le terme « bloc de l'Est » nous rappelle la barrière symbolique dont parlait Miroslav Hroch et semble confirmer ses dires. En effet, même si L'Humanité parle de la « chute du bloc de l'Est », il ne fait que pérenniser dans les mentalités la division entre Europe occidentale et Europe de l'Est, ce que confirme l'emploi de l'expression « pays de l'Est »163(*) pour qualifier la République tchèque.

C. Le Figaro : une nation culturelle qui s'occidentalise

1. La République tchèque, un pays qui tend à s'occidentaliser

L'article intitulé « L'insoutenable légèreté des Tchèques »164(*) est le seul dans lequel figurent quelques éléments qui nous permettent d'analyser la représentation de l'identité nationale tchèque proposée par Le Figaro. Cet article se compose de deux parties que nous analyserons chacune séparément car elles renvoient à deux dispositifs discursifs différents165(*) qui ont une incidence sur le contenu. Dans la première partie, Le Figaro se focalise essentiellement sur trois éléments de l'identité nationale avec plus ou moins de précision : la culture, la gastronomie et la religion. Nous avons relevé différents mots appartenant au champ lexical de la culture : « le poids de la culture », « le cinéma », « l'art », « photographe », « exposition », « boîte de nuit », « musique alternative », « rythme », « télé réalité »... ainsi que des noms d'artistes ou d'intellectuels : Milos Forman, Jan Sverak, Antonin Dvorak, Milan Kundera... La présence de ce champ lexical dans le discours du Figaro appelle plusieurs remarques. En réalité, seuls deux termes pris dans leur contexte renvoient à la culture comme facteur constitutif de l'identité nationale : « le poids de la culture » (Le Figaro écrit « tu ne peux cependant renier le poids de la culture présente dans la conscience collective qui a forgé ton identité ») et l'art : « pour toi, l'art est la véritable histoire des nations ». Les autres termes cités renvoient certes à la culture mais à la culture contemporaine et plus généralement au mode de vie tchèque. Il nous semble donc que ce n'est pas dans une perspective identitaire que le quotidien évoque la place de la culture en République tchèque. Il entend montrer que ce pays, de part son mode de vie, se rapproche des standards occidentaux, un procédé qui est aussi celui de Libération. D'autre part, aucun terme relevant du champ lexical de la nation culturelle tels que langue, communauté... ne figure dans le discours ; ce qui confirme que ce n'est pas vraiment de la constitution de la nation tchèque dont nous parle le quotidien. Enfin, nous pouvons noter que rien n'est dit sur le théâtre, l'art qui a joué un rôle primordial dans la constitution de l'identité nationale et que tous les termes cités se rapportent au cinéma, à la photographie et à la musique. La culture n'est donc pas abordée dans une perspective identitaire mais dans l'objectif de décrire le mode de vie tchèque aujourd'hui.

La même stratégie est adoptée pour présenter la gastronomie : ce n'est pas l'aspect traditionnel qui importe Le Figaro mais l'évolution du mode alimentaire tchèque vers une cuisine occidentale. En effet, la cuisine traditionnelle est décrite en une phrase : « la cuisine traditionnelle, à base de viandes en sauce, de goulasch ou de knedlicky boulettes à base farine assez `étouffe-marxiste', relève parfois du suicide par la fourchette ». Cette phrase contraste avec la série de termes qui renvoient au mode alimentaire occidental : « plus équilibrée », « fruits et légumes » qui cependant « n'occupent qu'une petite place » dans l'alimentation tchèque et les cantines qui sont « plutôt mexicaines, italiennes ou chinoises ». Cette évolution du mode alimentaire est soulignée à deux reprises par le terme « désormais » qui marque une rupture avec les habitudes des années passées. Ensuite, la bière est clairement assimilée à un symbole de la République tchèque comme l'illustre la phrase suivante : « en digne représentante de ton pays, tu ne rechignes jamais devant une petite bière ». Toutefois, le quotidien souligne que le « mode de vie à la tchèque ne paraît guère des plus sains », une façon de dire que si le mode de vie tchèque a évolué, il n'égale pas encore celui des pays d'Europe occidentale. Si la gastronomie constitue bien une des composantes de l'identité nationale dans la typologie d'A-M. Thiesse, ce n'est pas dans une perspective identitaire que Le Figaro se focalise sur cet élément. Décrire les habitudes gastronomiques et plus généralement le mode de vie tchèque est une façon de souligner l'évolution accomplie mais aussi la différence qui subsiste entre les deux parties de l'Europe. La République tchèque est d'ailleurs qualifiée du « plus intellectuel des pays de cette Autre Europe », une expression qui accrédite l'idée de M. Hroch : la barrière symbolique entre l'Est et l'Ouest existe toujours.

Enfin, la religion est la dernière composante de l'identité nationale que le quotidien mentionne dans cet article. Cette référence peut, au premier abord, sembler paradoxale puisque nous avons expliqué que la religion n'a pas constitué pour le peuple tchèque un pôle d'identification primordial. L'analyse de cette dernière partie de l'article nous permet de comprendre la logique du Figaro : « les Tchèques sont toujours les plus athées d'Europe », le superlatif associé à la locution « toujours » accentuant cet athéisme. Comme Libération, il souligne avec toutefois moins d'insistance le mariage « de plus en plus tardif », « la multiplication des divorces » et le « taux de natalité [...] le plus bas du monde ». Ces différentes informations concernant le mode de vie tchèque sont énumérées à la fin de l'article mais ne font l'objet d'aucun commentaire. Cela semble confirmer ce que nous avons dit précédemment : la religion n'est pas évoquée par le quotidien dans une perspective identitaire mais dans l'optique de montrer que, par certains aspects, la République tchèque se rapproche des standards occidentaux.

* 161 L'Humanité, « Un pays à la loupe, la République tchèque », 26 avril 2004, p. 11

* 162 AMOSSY, Ruth, L'argumentation dans le discours : discours politique, littérature d'idées, fiction, Paris, Editions Nathan, 2000, p. 110

* 163 L'Humanité, « A Prague, l'indifférence domine », 18 mai 2004, p. 9

* 164 Le Figaro, « L'insoutenable légèreté des Tchèques », 22 juillet 2004, p. 29

* 165 Dans la première partie de l'article, le journaliste est l'énonciateur alors que la seconde partie du discours est consacrée à une interview.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld