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Les limites de la vision occidentale du vivant

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par Mathieu Néhémie
Université Blaise Pascal - Master 2 Philosophie 2007
  

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Conclusion générale

Nous pensons avoir montré que la science moderne, en l'occurrence la biologie, pose un certain nombre de problèmes épistémologiques mais aussi métaphysiques. La place de la conscience humaine dans la nature n'a pas fait l'objet de réponses satisfaisantes de la part des neurosciences, au contraire elle est devenue presque plus problématique. Pour la génétique comme pour les diverses théories de l'évolution, force est de constater que l'homme entretient une continuité homogène avec le reste de la biosphère. Il est, de plus, maintenant assez clair qu'on ne peut traiter la subjectivité en admettant encore qu'il ne s'agit que d'une exception humaine. L'originalité de l'esprit humain ne correspond à aucun fait scientifique et le positiviste devrait en faire l'économie. Puisque l'on doit considérer les organismes vivants comme des objets physiques auxquels il n'est nécessaire de rajouter aucun principe vital, ceux-ci étant tout de même imprégnés, dans tous leurs fonctionnements, d'une finalité indéniable, on ne peut plus considérer l'objet physique comme de la matière complètement inanimée. La physique semble aller dans ce sens car elle a de plus en plus de mal à distinguer la construction mentale du scientifique de l'objet physique qu'il étudie, du moins n'apporte-t-elle plus vraiment d'argument au naturaliste.

On est alors en droit de penser, comme Descolla et, en un sens, comme Leibniz également, que ce sont les postulats ontologiques de notre schème de pensée qui génèrent tous ces problèmes épistémologiques. Non pas qu'il faille adopter un point de vue positiviste qui se dispense de toute considération métaphysique, car nous avons montré comment la science, puisqu'il lui est toujours nécessaire de définir ses objets, doit inévitablement prendre pied dans une ontologie particulière. Il est vain, selon nous, d'envisager une démarche scientifique exempte de considérations métaphysiques. Autrement dit, tout problème épistémologique peut être considéré comme inextricablement lié à des problèmes métaphysiques.

Pour solutionner les uns comme les autres, il peut donc être intéressant d'opérer un glissement ontologique vers un schème de pensée différent. Mais il ne s'agit pas là de rechercher dans l'histoire de la philosophie ou dans l'ethnographie une cosmologie qui nous satisfasse, il ne serait en effet pas très judicieux de chercher une ontologie, que ce soit le système leibnizien ou un animisme traditionnel, à adopter pour remplacer purement et simplement notre schème de pensée actuel. Au contraire, à la manière de Leibniz, la solution se trouve sûrement davantage dans la reconstruction d'une ontologie nouvelle en accord avec les données des sciences empiriques et fondée sur la prise en compte des limites des ontologies précédentes, qu'elles soient animistes, naturalistes ou autre.

Par exemple on peut estimer que la question de l'union de l'âme et corps se trouve solutionnée si l'on envisage certains aménagements ontologiques de type animiste et leibnizien. Le problème de l'union de l'âme et du corps consiste traditionnellement à comprendre comment notre conscience, que l'on peut difficilement reléguer au rang d'illusion, peut prendre place dans un monde dont la substance est une matière inanimée. Cette question est donc coexistante au naturalisme et n'a de sens que dans celui-ci. En effet, si on envisage le monde comme composé de substances spirituelles, notre âme peut être à la fois l'une d'elles et une structure organisée de substances, sans que cela ne pose de problème métaphysique majeur.

Narby, remarque comment les scientifiques japonais, parce qu'ils appartiennent à une société de souche fortement animiste, ont beaucoup moins de réticence à parler d'intelligence lorsqu'ils isolent un comportement particulièrement astucieux chez une espèce vivante. Cela pourrait nous indiquer comment les attributs que l'occident n'accorde qu'aux humains pour distinguer ceux-ci du reste de la nature, relève plus de la sémiotique que de particularités biologiques réelles. Ainsi l'équivalent du terme intelligence en japonais, chi-sei, n'est pas teinté du même anthropocentrisme ancestral et ne présente donc pas la même ambiguïté que le terme intelligence lorsqu'il est appliqué à l'ensemble du vivant. On remarquera que cette ouverture d'esprit concernant l'intelligence animal a permis aux travaux japonais sur la cognition animale de se placer à la pointe des recherches sur le sujet.

Étant donné que nous avons entrepris de critiquer la pensée occidentale, nous avons tenté d'utiliser un maximum les acquis empiriques de la science plutôt que les arguments des philosophes qui ont forgé cette pensée occidentale. Montrer les limites de la science occidentale à partir de celle-ci pourra aussi bien être considéré par certains comme une erreur majeure, que comme une preuve magistrale par d'autres. On peut même y voir une tautologie stérile mais c'est sans compter que si l'on admet une intériorité essentiellement comparable à la nôtre à toutes les formes de vie, voire à tous les existants de ce monde, nos modalités morales d'interaction avec notre environnement devront être entièrement reconsidérées.

Les problèmes éthiques posés par la biologie ne se limitent pas au clonage ou à l'avortement. Les données qu'accumulent les sciences de la vie depuis Darwin tendent à bousculer un pan entier du socle ontologique de la morale occidentale. La légitimité de l'humanisme peut être considérée comme ébranlée. Non pas qu'il doive être remplacé par un critère d'identification plus restreint, mais plutôt par un critère plus large.

L'objectif n'est pas de considérer l'animal ou le végétal comme l'humanisme considère l'homme. Nous pouvons seulement admettre que nous appartenons à un écosystème où notre équilibre biologique nécessite que nous consommions d'autres formes de vie. On peut voir un paradoxe dans le fait d'accorder un statut moral à des entités vivantes et s'en nourrir en même temps mais c'est sans compter que des cultures animistes composent avec cette difficulté depuis des milliers d'années. Rappelons comment Descolla distingue les modes de relation entre termes équivalents et ceux entre termes non équivalents. Il estime bien entendu que l'animisme entretient très majoritairement des relations entre termes équivalents avec les autres habitants du monde. C'est pourquoi les animistes ne pratiquent que très rarement l'agriculture ou l'élevage qui correspondent davantage à des modes de relation entre termes non équivalents. Lorsque l'on mesure à quel point notre civilisation est devenue dépendante de ses modes de relation qui font de toute entité non-humaine, et parfois même de l'homme lui-même, l'objet d'une industrie plutôt que le sujet d'une relation sociale, on comprend aisément pourquoi la rationalité occidentale met en oeuvre tant d'efforts pour maintenir une statut moral supérieur à l'humanité.

La science peut intervenir dans un certain nombre de débats métaphysiques, comme le statut de l'âme ou la nature substantielle du monde, mais la morale elle-même, comme l'a judicieusement montré Kant, n'est pas un objet de science. Nous n'estimons pas déterminer ici comment doivent moralement être traités tel ou tel non-humain. La morale étant perpétuellement l'objet de débats philosophiques, l'idée que nous soulevons ici est seulement d'introduire la question des entités non-humaines dans nos jugements et raisonnements moraux et de traiter de la légitimité qu'il y a à attribuer une valeur morale supérieure à une espèce comme le racisme le fait avec certains peuples.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry