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L'apport du Web 2.0 à la solidarité numérique

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par Destiny TCHEHOUALI
CUFR Champollion / Université Toulouse II - MASTER II Professionnel E-Administration et solidarité numérique 2008
  

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3. Les limites du « Social Networking » et du Web 2.0

Les différentes applications du Web 2.0, on l'a vu, permettent et organisent une nouvelle utilisation d'Internet. Laquelle utilisation semble d'ailleurs se centraliser sur VOUS (« You »), internautes. « Et parce que vous prenez le contrôle des médias globaux, parce que vous fondez et modelez la nouvelle démocratie numérique, parce que vous travaillez sans contrepartie financière et parce que vous battez les professionnels sur leur propre terrain, la personnalité 2006 élue par le Time c'est vous. » (Time Magazine, 13/12/2006).

L'accélération de l'équipement numérique et la démocratisation des outils technologiques ont effectivement favorisé l'émergence d'un Web communautaire et participatif permettant de relier des individus sur des plates formes de réseau social en ligne47. Selon Danah Boyd48, "Un site de réseau social est une catégorie de site web avec des profils d'utilisateurs, des commentaires publics semi-persistants sur chaque profil, et un réseau social public naviguable ("traversable") affiché en lien direct avec chaque profil individuel." Cette définition de Danah Boyd démontre que derrière le « VOUS » du Time Magazine se cache le « MOI » de chaque individu : Le Web 2.0 est-il aussi communautaire qu'il le paraît ? Les réseaux sociaux sont-ils de véritables lieux d'intelligence collective ? N'y a-t-il pas finalement plus d'enjeux et d'intérêts individuels que de valeurs de partage ou de solidarité derrière ce Web qui se veut plus collaboratif ? Le degré de collaboration et de coopération est- il aussi fort pour qu'on puisse espérer que le Web 2.0 contribue au renforcement de la solidarité numérique ? En effet, la fascination générale et l'engouement populaire caractérisant le succès de ces réseaux sociaux ne doivent pas occulter les limites du phénomène. Il importe dans ce travail (sans toutefois nous y attarder) de scanner globalement la sphère du « social networking » afin d'en cerner tous les contours et de pouvoir (par la suite) clairement y positionner le projet du portail francophone mondial de la solidarité numérique, objet de mon stage.

Figure 7 : Les 6 degrés de Séparation49

47 Selon la définition du Wikipédia, « Le réseautage social (qui doit être distingué du concept de réseau social en sociologie) se rapporte à une catégorie des applications d'Internet pour aider à relier des amis, des associés, ou d'autres individus employant ensemble une variété d'outils. Ces applications, connues sous le nom de "service de réseautage social en ligne" (en anglais social networking) deviennent de plus en plus populaires ».

48 http://www.danah.org/

49 Théorie de Frigyes Karinthy évoquant la possibilité que toute personne sur le globe peut être reliée à n'importe quelle autre au travers d'une chaîne de relations individuelles comprenant au plus cinq autres maillons.

La première faiblesse du Web 2.0 qu'on évoque souvent est celle de la sécurité et de la fiabilité. Elle est souvent intrinsèque à d'autres problèmes, notamment ceux de la confidentialité, de la traçabilité et de la confiance. Du point de vue de la sécurité, on reproche par exemple, aux nouvelles techniques de programmation telles que AJAX50 de supprimer certains contrôles de sécurité pour ne pas diminuer la réactivité de l'interface51. Il semblerait donc que plus l'ergonomie de l'application est légère et moins il y a de sécurité et de filtrage de données (du côté client). En matière de confidentialité, la solution trouvée par le réseau professionnel Linkedin est d'utiliser comme point de départ du réseau les connaissances existantes. Ainsi, chaque membre est sensé renseigner l'ensemble de ses contacts professionnels, qui, s'ils l'acceptent, deviennent membres à leur tour. Les contacts directs constituent un cercle de relations de premier degré et les relations des relations (ou amis de mes amis) constituent un cercle de second degré à partir duquel la mise en relation devient payante. Le Web 2.0 n'est donc pas ouvert à tous les niveaux et certains nouveaux services ou des communautés dites « spécialisées » (ou communautés isolées d'utilisateurs exclusifs) permettent, en effet, de distinguer les cercles de proches entre eux. Ceci va à l'encontre de la philosophie du partage de données et de la découverte d'autrui, mais encourage le repli sur soi, l'isolement sur le Web ou l'entretien des réseaux de connaissances déjà existants. Or un réseau doit se développer pour exister. En même temps, c'est un facteur qui pourrait intéresser les personnes qui cherchent à éviter l'aspect tout ouvert du Web 2.0 et qui souhaitent préserver leur intimité ou vie privée dans des sous-réseaux restreints.

Concernant la question de la « confiance », plusieurs interrogations méritent d'être posées : Quels signes (sémiologie du design du Web 2.0) pourraient nous amener à mesurer la fiabilité des informations, et la loyauté des échanges dans les présentations de soi sur les plateformes relationnelles ? Comment peut-on avoir la certitude que l'ami de mon contact est véritablement son ami ? A qui ou à quoi faire confiance sur le Web 2.0 ? Voilà quelques questions basiques que ne se posent pas forcément les jeunes avant d'accepter des amis sur des réseaux sociaux comme MySpace, Linkedin ou facebook. Selon une étude récente, "96 % des adolescents américains participent à un réseau social au moins une fois au cours d'une semaine. Les filles y seraient d'ailleurs plus nombreuses que les garçons. »

50 « Même si Ajax en soi n'est pas source de nouvelles vulnérabilités, elle permet de reproduire de vieilles erreurs plus facilement. Comme les failles que connurent les PC il y a une dizaine d'années, ces failles peuvent être corrigées par la formation et le partage des best practices des développeurs » (source : Zdnet, 4 août 2006).

51 FEIL Renaud, « Le Web 2.0 : Plus d'ergonomie...et moins de sécurité », Journée Sécurité des Systèmes d'Informations (OSSIR), 22 Mai 2007.

La question de la confiance sur les réseaux sociaux du Web 2.0 est peut-être aussi une question générationnelle, les jeunes étant les plus aptes à étendre très rapidement leur réseau social sans filtrer leurs cercles d'amis. Parfois, leur but c'est d'être celui qui possède le plus grand nombre d'amis comme si le nombre d'amis sur un réseau social était une mesure de sociabilité dans la vie réelle52. Or, l'éthique et la morale n'étant pas toujours sur le Web, les risques de tomber sur des personnes mal intentionnées ou des pervers ne sont pas à minimiser. Rappelons à cet effet que le scandale de l'automne 2007 (les "jardins de pédophiles" dans Second Life) est cité comme l'exemple du détournement du Web 2.0.

Outre les écueils de sécurité, de confiance, de fiabilité et les paradoxes qui font que de nombreuses personnes restent réticentes et distantes par rapport à la tendance Web 2.0, on retient également d'autres problèmes non moins importants tels que :

· Les droits d'auteurs : La philosophie 2.0 repose sur l'échange libre de contenus53. Or il y a des oeuvres originales, et des oeuvres de l'esprit qui sont parfois copiées sans le consentement de leurs auteurs, susceptibles d'engager des actions en justice.

· La pérennité ou viabilité économique des services 2.0 : Quel business model choisir entre gratuité (le tout gratuit), les services premium ou « freemium », et la publicité ?

· La dépendance vis-à-vis du Web 2.0 : Les sites de réseaux sociaux comme Facebook sont chronophages car ils mobilisent beaucoup de temps à consacrer au cercle d'amis et à la découverte ou à l'appropriation de certaines applications. On finit par y perdre son temps quand on tombe dans le piège du ludique et de la fascination immersive.

· La portabilité et le manque d'interopérabilité entre les différents services en ligne.

· L'absence de médiation porte préjudice à la fiabilité des contenus. Encore une fois le problème de confiance se pose. En effet, l'existence de modérateur n'entraîne pas de médiation automatique. Pour arriver à une pensée construite, il faudrait un travail de médiateur joué par des journalistes, des chercheurs, ou étudiants pour analyser, synthétiser et mettre en perspective les différentes contributions et réactions aux articles,...). En prenant parfois de la distanciation, les utilisateurs font bien la différence entre informations brutes sans valeur ajoutée (auxquelles ils ne réagissant pas) et informations fiables qui leur permettent de se fidéliser à des sources d'information enrichissantes.

52 On peut être un internaute disposant de milliers d'amis sur un réseau social en ligne sans pour autant avoir une facilité d'entrer en contact avec le voisin dans un cybercafé ou un lieu d'accès public (physique) à Internet.

53 Licence « Creative Commons » et Open Source


· La faible implication54 : Dans une société marquée par l'extrême individualisme, l'individu et l'ego constituent le moteur des échanges. Les enjeux de visibilité et de mise en scène de « soi » font que l'individu prime toujours sur le collectif. Les inscriptions sur des réseaux sociaux et dans des communautés en ligne restent souvent motivées par un besoin égoïste d'élargissement de son réseau d'influence et un besoin de connaissance de personnes partageant des points communs. La finalité est souvent plus sentimentale, amicale ou culturelle que professionnelle. Il n'est donc pas très étonnant qu'il y ait une très faible coopération et une collaboration superficielle sans amorce réelle d'une véritable dynamique d'intelligence collective, de co-écriture sur ces plates-formes de réseau social. Sur la figure ci-dessous, on constate que sur 100 personnes en ligne, 1 personne crée un contenu inédit, 10 interagissent avec ce contenu et l'enrichissent (commenter, recommander, noter, voter,... etc.) et 89 personnes consultent (consomment) le contenu.

Figure 8 : La règle des 1%

En définitive, les réseaux sociaux présentent de nombreuses limites et le Web 2.0 soulèvent de nombreuses ambiguïtés et paradoxes par rapport à l'utilisation qui est faite de ses outils. Autant ces outils peuvent faire office de mise en avant de l'ego, autant il peuvent s'avérer être de véritables plates-formes d'échanges et de construction d'une société de l'information plus solidaire. Si les potentialités du Web 2.0 sont exploitées à fond, il apporterait certainement une réponse à la fracture numérique en permettant un dialogue constructif et une culture de collaboration (co-écriture, coproduction,... etc.) entre les utilisateurs d'Internet des pays en développement et ceux des pays développés. Des outils comme le wiki doivent cependant s'accompagner d'une pédagogie d'usage et de comportement

54 « Le talon d'Achille du web 2.0 reste et demeure la faible participation des internautes : la «règle des 1 %», qui prévaut jusqu'à présent dans plusieurs études sur les usages des services du web 2.0, dit que les 2/3 des contenus proviennent seulement d' 1% des utilisateurs actifs. Et cette proportion pourrait bien baisser encore un peu à mesure que l'audience des sites participatifs augmente. » GUILLAUD Hubert, « Limites du Web 2.0 : une implication toujours faible », Mai 2007, http://www.internetactu.net/2007/05/02/limites-du-web-20-uneimplication-toujours-faible/

pour être bien utilisés et bien appropriés. Dans cette logique, malgré l'intuitivité et la facilité d'utilisation qu'on attribue aux outils et plateformes du Web 2.0, il faut reconnaître qu'il y a un risque indéniable de fracture cognitive Web 2.0 qui serait liée à la faible maîtrise de l'outil et au manque d'une cyberculture chez les internautes des pays en développement (par rapport à l'adoption rapide du Web 2.0 dans les pays développés). Encore faudrait-il que soit résolue dans les pays du Sud la question des infrastructures et de l'accès à Internet (conditionnant le nombre d'utilisateurs d'Internet et constituant l'un des principaux indicateurs de mesure de la fracture numérique entre le Nord et le Sud). Car au-delà des raisons culturelles liées à l'origine des réseaux sociaux et des plateformes existantes, c'est sans doute le faible taux d'accès à Internet, le manque d'une cyberculture, l'ignorance et le manque de sensibilisation aux avantages du Web 2.0 qui expliquent sur la carte ci-dessous la présence de nombreuses zones blanches (en Afrique, en Amérique Latine et en Asie) où pratiquement personne ne fréquente les sites de réseaux sociaux.

Figure 9 : La fréquentation des sites de réseaux sociaux dans le monde entier

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand