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Le corps mis en scène dans une médiation théâtrale

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par Farida Amiou
Université Paris Denis Diderot, Paris VII - Master 1 de psychologie 2007
  

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-2.1.3) Anorexie et automutilation : Une mise à l'épreuve du féminin chez Martine:

« On apprend ses limites en faisant l'expérience de la douleur et du plaisir » (Freud, 1929)

Cette jeune fille tant par son anorexie que par ses scarifications met son corps au service d'une communication de l'indicible.

Par son comportement alimentaire anorexique, Martine parvient à gommer les caractères sexuels pubertaires (aménorrhée). Maurice Corcos27(*) explique que la problématique centrale dans les troubles du comportement alimentaire est la lutte contre la séparation. Ne pas avoir ses règles permet de rester le petit enfant de sa mère : « ...Corps pour une large part indifférenciée d'avec le corps maternel quand il n'est pas vécu purement et simplement comme une extension ou un morceau détaché de corps maternel »28(*).

Martine est collée psychiquement à sa mère, malgré les demandes paradoxales et les mouvements mortifères de celle-ci. En exemple de demande paradoxale il y a celle où la mère enjoint sa fille d'avoir ses règles avant de sortir de l'hôpital. Les professionnels des troubles des conduites alimentaires ont observé que le retour de celles-ci n'était pas systématiquement au rendez vous dès que le poids attendu était atteint. Maurice Corcos explique dans son article que les menstruations sont tributaires d'un lâcher prise des symptômes anorexiques, elles reviennent, notamment, à des moments dépressifs où les défenses deviennent moins rigides.

Ce qui est intéressant chez Martine, c'est l'apparition de préoccupation autour d'une maternité. En effet, elle évoque à plusieurs reprises son désir d'avoir des enfants et interroge l'équipe sur un délai de retour de ses règles.

L'aménorrhée chez Martine peut traduire à la fois un désir de rester fusionnée à sa mère et un désir de grossesse (qu'elle évoque lors des entretiens médicaux). En effet, chez la femme, la grossesse est caractérisée par une aménorrhée. Mais le désir de rester collée à sa mère, chez Martine, est très prégnant, car quand l'idée d'une maternité est abordée, elle exprime le souhait d'avoir 3 enfants : un garçon et 2 soeurs...comme sa mère.

En tout cas, comme me l'a précisé son psychiatre traitant, c'est par cette préoccupation autour du désir de grossesse que Martine fut mobilisable quant à une reprise de poids auquel le retour des règles est subordonné, en partie.

En plus de son anorexie, Martine se livre à des scarifications qui pourraient correspondre, chez elle, à une angoisse désorganisante et térébrante.

« La peau, elle n'est pas médiatrice de langage, elle est langage. La peau appartient à la voix qui en parle, elle est corps de cette voix qui s'adresse à autrui, dans son impossible déliaison aux mots qui tragiquement s'en séparent. »29(*) (DR Eliane Corrin, Dermatologue à Paris)

Ce corps, qui au commencement est celui de l'enfance porté par la mère, au moment de l'adolescence (temps des orages pulsionnels et émotionnels) fait revivre sous la forme pubertaire l'empreinte informe de la sexualité infantile.

Les symptômes de Martine impliquent le corps, entre anorexie et scarification, quelque chose semble s'inscrire de l'indicible qu'elle tente de montrer. Comme si son corps devenait une « table » où elle inscrirait des éléments de son être.

Par cet acte d'automutilation, n'aurait-il pas chez elle une tentative de conjurer le sort jeté sur elle par le pubertaire. Pubertaire qu'elle tente de gommer avec ses conduites alimentaires restrictives.

Il est intéressant de faire le lien avec son anorexie en ce sens que ses automutilations peuvent avoir une fonction de purge, tout comme les vomissements. Les jeunes filles ayant recours à ces automutilations décrivent bien la fonction de décharge de cette dernière, induite par la douleur et par surtout l'écoulement du sang.

Martine semble vouloir évacuer (par ses vomissements et ses scarifications) tout ce qui rentre (la nourriture) et ce qui demeure en elle (le sang).

En écrivant, une image d'un « corps- passoire » me vient à l'esprit. Ce corps passoire d'où jaillit la substance vivante. Image d'un corps sans contenant, se vidant de son contenu, faute de limite pour le retenir.

Martine semble dans une vidange permanente de l'objet interne maternel, faute de pouvoir s'en séparer.

Lors des remaniements de la puberté, l'adolescent subit et ce, en plus de la désorganisation identitaire, le retour des pulsions agressives, enfouies jusqu'ici dans les profondeurs de son Ça. Ainsi, sa violence fondamentale (Bergeret, 1984) vient alimenter une nouvelle violence, qui rejoint le courant pulsionnel, et réactive les fantasmes oedipiens de l'enfance. L'adolescent se retrouve envahi par des fantasmes incestueux qui ravivent chez lui l'angoisse de castration. Pour se défendre contre ces menaces, le jeune sort de sa position infantile passive et se met à agir les objets qu'il perçoit comme persécutant. Il attaque alors fantasmatiquement et parfois réellement l'image de son corps sexué ainsi que les objets incestueux, responsables selon lui du mal-être qu'il ressent. Si le Moi de l'adolescent est suffisamment solide et que son environnement, non seulement résiste à ses attaques, mais aussi le soutient dans cette étape, l'agressivité ressentie peut être progressivement intégrée à sa vie psychique. L'élaboration des différents conflits peut alors s'engager et aboutir, à terme, à l'établissement de sa nouvelle identité adulte.

Dans le cas contraire, le jeune qui n'a pu établir, dans la prime enfance, de lien suffisamment sécurisant avec ses objets, se retrouve à l'adolescence, dangereusement débordé par les remaniements de la puberté. La sexualisation de son corps d'une part et les mouvements régressifs que lui impose le Ça d'autre part, ravivent chez lui une problématique de dépendance insupportable. Il éprouve un besoin de rapproché et de réassurance presque vitale de la part de ses objets, au moment où la menace de transgression oedipienne est la plus virulente. Ce paradoxe dépendance-autonomie crée un écart narcissico-objectal au sein du Moi adolescent qui ressent la menace imminente de son effondrement. Sans la fonction de contenance de l'environnement et de soutien à l'intégration de sa violence interne, le jeune se retrouve écrasé sous le poids de la persécution, et cherche dans le recours à la violence, hétéro ou auto-agressive, le moyen d'y survivre. Plus la dépendance à l'objet est forte et plus les mouvements de régression et de désindividuation que le jeune subit sont puissants. Le passage à l'acte, hétéro et/ou auto-agressif, devient alors un moyen de réguler la distance à son environnement qu'il n'arrive plus à assurer au niveau intrapsychique, d'éprouver ses limites et de substituer à la quête des émotions celles des sensations, davantage maîtrisables.

L'une des problématiques centrales de l'adolescence, qu'est la séparation traverse l'histoire Martine. Ce processus, qui s'opère principalement en deux temps, ébranle plus ou moins fortement, dès la maturation sexuelle, le Moi de l'adolescent et le pousse à faire appel à l'ensemble de ses défenses pour assurer le maintien de sa cohésion interne. L'agir et le vécu dépressif sont ainsi employés, dans le développement normal, simultanément comme décharge et élaboration des tensions intrapsychiques. Cependant, quand la menace de l'effondrement est imminente, le Moi peut faire appel à d'autres défenses, plus extrêmes, comme la scarification.

La scarification est une « altération intentionnelle, consciente et directe des tissus de l'organisme, sans volonté de mourir » (Richard, 2005)30(*). Ces altérations sont principalement des coupures, faites avec des objets extérieurs (compas, ciseaux, bout de verre, cigarette ...) ou avec son corps propre (ongle, dent). Les brûlures, les morsures, les érosions cutanées, peuvent également être intégrées dans ce mode spécifique d'automutilation. Martine qui s'inflige ces blessures choisit généralement une ou deux zones corporelles, comme cibles privilégiées à savoir les bras et les avant-bras, sur lesquelles elle inscrit son mal-être, de façon plus ou moins profonde, mais sans réel intention suicidaire.

Pour D. Anzieu, « la peau est une enveloppe du corps, tout comme le Moi tend à envelopper l'appareil psychique » (Anzieu, 1985). Elle est plus qu'un simple organe, car elle « fournit à l'appareil psychique les représentations constitutives du Moi et de ses principales fonctions » (Anzieu, 1985). La peau revêt de multiples fonctions.

La première fonction de la peau est une fonction de soutien et de maintenance, qui donne au corps et au psychisme, solidité et unité. Elle se développe par l'intériorisation du « holding » maternel (Winnicott, 1962). Deuxièmement, la peau est contenante. Les répétitions des « handling » (Winnicott, 1962) de l'environnement permettent au bébé de ressentir son enveloppe comme un sac qui concentre ses sensations, ses représentations... Pour D. Anzieu, deux angoisses naissent de la carence de cette fonction : l'angoisse d'une excitation pulsionnelle diffuse (non identifiable et non localisable) et l'angoisse d'un Moi-peau passoire. Ensuite, la peau possède une fonction de pare-excitation. Initialement, la mère remplit ce rôle jusqu'à ce que « le Moi en croissance (...) trouve sur sa propre peau un étayage suffisant pour assumer cette fonction » (Anzieu, 1985). Un excès d'excitation ou, au contraire, un déficit lors de l'établissement de cette qualité peut entraver le développement de l'auto-érotisme infantile et donc, à terme, sa future sexualité adulte. La peau assure également la fonction d'individuation du Soi, donnant ainsi à chaque personne le sentiment d'être un individu unique. Si cette faculté n'a pu s'établir correctement ou qu'elle est remaniée à travers les âges, elle donne naissance à un « sentiment d'étrangeté » (Freud, 1933), lié à un effacement, plus ou moins important, des limites de soi. En outre, l'enveloppe dispose d'une intersensorialité, attestant d'un « sens commun » (Anzieu, 1985). Par défaut, elle donne naissance à des angoisses de morcellement et de démantèlement. La peau est également une surface de soutien de l'excitation sexuelle. Elle permet, par les éprouvés sensoriels, la découverte progressive des zones érogènes, de la différence des sexes et de leurs complémentarités. Son manque d'étayage, dans la prime enfance peut entraîner des conséquences similaires à la carence de la pare-excitation. Ensuite, la peau est une surface de stimulation permanente qui permet « la recharge libidinale du fonctionnement psychique, le maintien de la tension énergétique et sa répartition inégale entre les sous-systèmes psychiques » (Anzieu, 1985). Les angoisses qu'elle peut faire émerger sont des angoisses d'explosion de l'appareil psychique ou des angoisses de Nirvâna. Enfin, la peau a une fonction d'inscription des traces sensorielles tactiles. « Le Moi-peau est le parchemin originaire, qui conserve, à la manière d'un palimpseste, les brouillons raturés, grattés, surchargés, d'une écriture « originaire » préverbale faite de traces cutanées » (Anzieu, 1985).

Certains adolescents qui se coupent disent ne pas ressentir la douleur de l'acte. D'autres, au contraire, recherche dans cet éprouvé, un moyen de soulager la tension psychique, d'expérimenter leurs limites et leurs enveloppes corporelles. Selon B. Richard, « la douleur physique n'est (...) qu'un moyen au service d'une autre fin » (2005). Les adolescents qui se scarifient ne recherchent pas le plaisir masochique de la douleur, mais plutôt une façon d'apaiser leur mal-être. Au contraire, pour d'autres auteurs, la scarification est un « acte masochiste par excellence ». A l'adolescence, le jeune subit des mouvements régressifs importants qui peuvent l'amener à se replier dans l'auto-érotisme. Pour Ph. Jeammet, ce n'est pas le plaisir de se couper qui est recherché par l'adolescent mais plutôt le plaisir d'échapper, pendant l'acte, au contrôle que l'objet a sur lui : « la relation masochique et la souffrance maintiennent les frontières et contrôlent l'objet » (1983). En se coupant, l'adolescent lutte contre l'effacement de ses limites et contre une dépersonnalisation.

* 27M.CORCOS. « Approches psychosomatiques de conduites addictives alimentaires » in Dialogue, 2005 pp.97-109

* 28Ibid

* 29 MASSON.C, COEN .A, GHOZLAN.E, KAUFMANN.F, MAILLARD.C, WOLKOWICZ MG. (2004) : Shmattès : La Mémoire par le rebut, Lambert-Lucas, Limoges, 2007 P352

* 30 B.RICHARD. « Les comportements de scarifications chez l'adolescent » in Neuropsychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Vol 53, N°3, 2005. pp.134-141

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera