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Le corps mis en scène dans une médiation théâtrale

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par Farida Amiou
Université Paris Denis Diderot, Paris VII - Master 1 de psychologie 2007
  

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-2.2.2) La dimension masochique chez Martine

Pour évoquer la question du masochisme, je m'aiderai des travaux de Benno Rosenberg et de Philippe Jeammet.

Le masochisme appartient au spectre de la sexologie mais est repris par Freud dans sa théorie sur les perversions sexuelles étendue à d'autres actes, autres que les perversions sexuelles33(*).

Freud couple le masochisme au sadisme, donnant ainsi naissance au « sadomasochisme », terme qui s'impose dans la terminologie psychanalytique.

Le masochisme est toujours suivi par le sadisme. Freud fait la relation entre le principe de plaisir et le masochisme, où demeure le plaisir de la douleur, de la souffrance : il y a plaisir du déplaisir.

Dans le masochisme, Freud explique que l'augmentation de la tension, de l'excitation devient jouissance, ce qui est l'inverse habituellement où l'augmentation des tensions et de l'excitation sont sources de déplaisir.

La notion de plaisir/déplaisir ne se réduit pas seulement à l'accroissement ou à l'abaissement d'une quantité de tension, car le plaisir sexuel consiste en une augmentation de la tension qui devient une source de plaisir (et non pas de déplaisir)34(*).

Le Principe de plaisir chez le patient masochique consiste en la transformation de la pulsion de mort en principe de plaisir, ce que Freud appelle « le principe de Nirvana ».

Le masochisme se découpe en masochisme érogène et masochisme moral. Le masochisme érogène est la forme à partir de laquelle les autres formes se déploient.

Le masochisme érogène est fondé sur la prise en compte de la pulsion de mort où le but est plutôt de trouver le moyen de ne pas la satisfaire, moyen, selon Freud, d'empêcher la satisfaction de la pulsion de mort et donc de la destruction.

Dans l'anorexie mentale, le masochisme vient se substituer à la satisfaction des besoins vitaux, mettant ainsi en jeu la vie de la patiente. C'est à ce moment précis que le masochisme devient mortifère. Dans cette pathologie, c'est le masochisme érogène du vécu de la faim qui est en cause35(*).

E.Kestemberg évoque « l'orgasme de la faim » qui consiste en l'investissement masochique de l'excitation de la faim par l'anorexie. Cette mise en jeu de la vie chez l'anorexique tient au blocage de la pulsion de vie dont la fonction est de permettre la satisfaction objectale.

Il y a sidération du fonctionnement normal de la libido et de l'autoconservation (pulsion de vie).

Il n'est pas permis de parler du masochisme sans aborder le masochisme moral qui caractérise l'organisation névrotique.

D'emblée, Benno Rosenberg propose de différencier le masochisme moral et la culpabilité. Il décrit la culpabilité comme une notion fondamentale et centrale dans l'organisation névrotique.

Le masochisme moral porte sur le masochisme propre du Moi qui demande une punition du Surmoi ou de l'extérieur : le désir du Moi est de se soumettre au surmoi.

Pour ce qui est de la culpabilité, elle est la conséquence d'un sadisme accru du Surmoi auquel le Moi se soumet. (Ici, pourrait-on dire que la culpabilité tient du fait que le Surmoi enjoint le Moi à « jouir »)

La différence entre les deux, réside dans le lieu de la satisfaction. Dans la culpabilité la satisfaction libidinale qui a son objet propre et la culpabilité fait suite à cette satisfaction. Concernant le masochisme moral, la satisfaction réside dans la culpabilité même, c'est ce sentiment de culpabilité qui est érotisée (investissement masochique).

Pour Philippe Jeammet, le masochisme donne une possibilité de délivrance de l'emprise de l'objet et de reprendre une position active de maîtrise36(*). C'est la menace qui pèse sur le Moi, sur l'identité qui semble être le moteur du masochisme. Le masochisme est un moyen de maîtrise sur une menace identitaire et de dissolution du Moi et dans ce cas présent, devient « gardien de la vie » en tant qu'ultime défense d'un Moi débordé face à la reddition et l'abandon au pouvoir de l'objet qui lui permet un triomphe par l'autodestruction sur l'objet décevant.

Cette conduite masochique de « sauvegarde » rend l'adhésion aux soins bien difficiles. Avec Martine, l'équipe doit négocier avec cette part là, peut-être avec l'idée de trouver une autre béquille à lui proposer pour qu'elle puisse abandonner toutes ses conduites masochiques.

Martine de par son anorexie, invite à réfléchir sur la dimension masochique que revêt son symptôme. En effet, ce qu'elle s'inflige avec force et constance la place en tant qu'objet qui s'auto-maltraite. Elle semble prise dans une spirale jouissive, où la douleur viendrait combler son vide interne causé par l'absence, ou un trop plein de l'objet maternel. Il me semble important de préciser que ça pourrait être la symbolisation du manque qui fait cruellement défaut chez ces patientes.

Dans l'anorexie, mais aussi dans la boulimie, les patientes peuvent avoir de vraies crises de « gavage » afin de se vider (vomissement, purge anale ou diurétique...): il s'agit là, de se remplir pour se vider. Cette purge, au delà de la fonction de « vidange » peut confiner au-delà de la recherche de sensation, à la quête d'une douleur physique (se manger les joues, pressions abdominales, se mutiler,...) et s'organiser dans des conduites à risque et dans des automutilations répétées, répondant à un caractère impulsif-compulsif, Maurice Corcos range du côté de l'auto-sadisme, un « sadisme réfléchi », actif. Il y a ici défense narcissique par répression des affects engendrés par l'objet empiétant le territoire psychique du sujet lui même. Cet auto sadisme semble correspondre à un retour sur soi d'un sadisme dirigé vers le représentant de l'objet. Il ne s'agit pas uniquement d'automutilations à forme de scarifications, en effet les réactions du sujet face à l'insuffisance de l'objet, envahissant par son absence, biaisent le sentiment de continuité et provoquent une menace d'annihilation. Il y a aussi plus précisément une tentative d'exclusion du « membre malade » (représentant de l'objet), en soi, témoignant bien du trouble identitaire massif face au sentiment de possession par un objet.

Ceci place le sujet dans un paradoxe, c'est-à-dire qu'il est rempli d'une absence. L'angoisse contre laquelle lutte cet auto sadisme reste plus proche de l'ordre de l'abandon dans la défusion. Surtout elle s'apparente à une corporéïsation de la menace séparation-castration. D. Anzieu: « La souffrance masochiste avant d'être érotisée secondairement et de conduire au masochisme sexuel et moral, s'explique d'abord par une alternance brusque , répétée et quasi traumatique , (avant la marche, le stade du miroir, la parole), de sur-stimulation et de privation du contact physique, de satisfaction et de frustration du désir d'attachement par rapport au moi-peau, le narcissisme primaire correspond à l'expérience de la satisfaction ; le masochisme primaire, à l'épreuve de la souffrance »37(*)... Le fantasme originaire du masochisme consiste en une illusion d'une même peau appartenant à l'enfant et sa mère, peau comme représentant de leur fusion, de leur symbiose (est-ce que les coupures de Martine seraient une tentative de s'arracher à la peau maternelle où elle reste collée, telle un membre siamois ?),... le processus de défusion et d'accès de l'enfant à l'autonomie entraine une rupture et une déchirure de cette peau commune. L'auto-érotisme interviendrait telle une parade contre un risque de désorganisation somatique. Il témoigne de la permanence de la dépendance à l'objet et donc de ce qui fait sa vulnérabilité c'est-à-dire sa solitude fondamentale.

B. Rosenberg explique la sortie du masochisme érogène primaire par la voie de l'auto sadisme, ce qui permettrait la désexualisation et la culpabilité, par conséquent la constitution d'une névrose. Ce qui peut entrainer l'échec dans la constitution d'un masochisme « gardien de la vie », au sens d'un masochisme contenant dans la sphère psychique les envies autopunitives récupératrices de l'objet au lieu de les agir dans le corps. Dans les services d'adolescents souffrant de troubles du comportement alimentaires, ce qui est souvent remarqué c'est que la douleur physique qu'ils s'auto-infligent (mutilations), stoppe le processus en parvenant à lever pour un temps le déni de la réalité du risque vital.

Mais qu'en est-il du masochisme moral où le sujet aimé-haï disparaît pour laisser place à l'investissement de la souffrance (à l'inverse du masochisme érogène ou le masochisme primaire érotisé permet de conserver le commerce avec l'objet dans la haine). C. Chabert propose, à partir de son expérience dans les TCA la construction suivante : « le masochisme moral s'ancre, dans la re-sexualisation oedipienne, à une conviction incestueuse déterminant une angoisse majeure de perte d'amour et un retournement haineux, contre le moi, des attaques destructrices visant l'objet. C'est l'impossible mise en scène de la rivalité avec la mère, certes, mais surtout l'impossible confrontation à la passivité qui engage la version mélancolique des fantasmes de séduction... Au delà de l'expiation mortifiante à laquelle elle se soumet, c'est la mère qui est visée et atteinte du fait de la prévalence narcissique des indentifications »38(*). Elle envisage le gommage de la féminité en rapport avec un inceste insuffisamment refoulé qui fait retour dans des scènes masochistes. Elle évoque une attaque désobjectalisante et une attaque des investissements libidinaux en regard de cette problématique.

Attaques qui correspondraient à un refus de se voir constituer comme source de désir de l'autre.

Maurice Corcos émet l'hypothèse que pour les formes graves archaïques de TCA l'attaque désobjectalisante sur le corps propre indifférencié, vise en regard d'une possession par le corps maternel, à un refus d'un même corps.

« L'identification narcissique à la mère a généré une indifférenciation »39(*). Notamment au niveau de l'espace corporel. Ainsi le masochisme moral pourrait correspondre à l'investissement de la souffrance infligée au corps de la mère indifférencié d'avec le sien. Le fantasme de destruction haineuse de la mère (parce que la mère en termes de représentation se joue du côté du corps sinon on se place du côté de l'objet de désir du père) relié dans un premier temps à la psyché semble prendre une dimension agie sur un corps indifférencié d'avec l'objet. Après une phase de déconnexion psychique, l'investissement de la souffrance (masochisme moral) marquerait la fin de la lutte entre sujet et objet. La souffrance devient l'ultime représentante de la mère insuffisante. Le sujet investit la souffrance. La volupté de la douleur remplace l'absence, remplit ce trou creusé par une mère absente, frustrante.

Martine est comme aliénée au manque à être de l'objet, ou à son absence, toutes deux déniées, et surinvesties.

Ce qui vient révéler le symptôme anorexique, à son principal destinataire, la mère, est son inassimilation de nourritures inconsistantes de n'être pas affectives et son avidité pour l'obscur objet du désir maternel. Pourtant ce que l'anorexique offre à sa mère est un corps squelettique, quasi cadavérique l'obligeant à une attention soutenue et à l'expression d'un désir de vie pour son enfant (c'est le symptôme que l'adolescent adresse à sa mère, tel un message qui viendrait se compléter une fois encore de cette figuration imaginaire phallique du corps longiligne). Ici, la mère de Martine est davantage inscrite dans une démarche mortifère envers sa fille, tout en ébauchant un désir de vie pour elle en tenant à ce que cette dernière ait ses règles (règles en tant que signifiant de la vie, du désir, de la féminité), elle l'aliène à une place de malade moribonde ne pouvant quitter l'hôpital qu'une fois les règles revenues, elle l'assigne, ainsi, à une place de « malade incurable et incapable de donner la vie », puisque non réglée. Cette mère là, semble dans une double contrainte (ou bien, une demande d'être comblée imaginairement par son enfant une fois devenu adolescent re-sexualisé, tout devient comme une certaine représentation phallique allant aussi du côté d'une maîtrise de la faim tel un défi lancé à la mère) , elle enveloppe Martine dans une chrysalide solide et hermétique. « Ces transactions mère-enfant, font penser à une dimension psychique mélancoliforme chez la mère que la patiente aurait perçue et figurerait physiquement, l'éprouvé corporel étant la matière même de la représentation. »40(*)

* 33 ROUDINESCO. E et PLON. M. Dictionnaire de la psychanalyse. Fayard, 2000

* 34 Freud.S ; « Le problème économique du masochisme » in Névrose, Psychose et perversion, Puf, trad J.pontalis. pp. 283-297

* 35 B.Rosenberg ;

* 36 P.Jeammet : « L'énigme du masochisme » in L'Enigme du Masochisme. PUF, 2000 pp. 31-67

* 37 ANZIEU Didier. (1985) Le Moi-peau. Paris, Dunod.

* 38 C.Chabert : Le fémini mélancolique, p.45

* 39 CORCOS Maurice. « Le féminin et le maternel dans l'anorexie mentale. Une passivité créatrice : ceci n'est pas une femme » conférence du 03/06/2004

* 40 CORCOS Maurice. « Le féminin et le maternel dans l'anorexie mentale. Une passivité créatrice : ceci n'est pas une femme » conférence du 03/06/2004

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