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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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5. Libération : la prise en charge occultée

Le quotidien ne parle pas réellement de la prise en charge et de ses enjeux, aucun article n'y étant entièrement consacré. Nous trouvons quelques allusions qui ne font l'objet que de quelques lignes dans quatre articles mais elles ne nous permettent pas de définir précisément la position du journal. Par exemple, Libération écrit que l'anorexie « est une maladie psychique qui doit être suivie médicalement »676(*) cependant, il ne détaille pas la façon dont la patiente doit être prise en charge.

a) L'anorexique comme anti-sujet

Dans un premier article, le quotidien délègue la parole à une psychiatre qui reconnaît que « la médecine a pu faire des erreurs dans le traitement de ces pathologies, mais aujourd'hui les aspects psychiatriques aussi bien que somatiques sont pris en charge »677(*). Ici, les « erreurs » font sans doute référence aux traitements endocriniens utilisés au début du XXème siècle qui ont entraîné la mort d'un certain nombre de malades, ou encore à l'isolement qui s'est révélé être inefficace dans le traitement de l'anorexie. Cet expert préconise un mode de prise en charge globale comme la plupart des médecins aujourd'hui. Elle ajoute que l'anorexie leur pose « un problème déontologique : soigner des gens qui ne le veulent pas ». Elle présente donc de façon implicite les rapports entre soignants et patients comme des rapports conflictuels, une lutte entre d'un côté un devoir faire et un vouloir faire (celui de médecins) et de l'autre un ne pas vouloir faire (l'actant sujet refuse d'être pris en charge). Autrement dit, le programme narratif du corps médical s'oppose au programme narratif de l'anorexique. Enfin, elle termine en disant que « c'est long, on stagne, mais on ne les laisse pas tomber. Ce serait de la non-assistance à personne en danger ». Elle met en valeur à la fois la difficulté de la prise en charge des anorexiques mais aussi la détermination des soignants qui juridiquement mais aussi moralement doivent agir. Il est intéressant de noter qu'ici la prise en charge ne dépend pas des compétences du corps médical puisqu'ils ont à la fois le savoir faire, le devoir faire et le vouloir faire mais du vouloir faire de l'actant sujet. Par le biais de cette psychiatre, Libération nous livre une vision assez réductrice de la prise en charge des anorexiques qui ne correspond qu'à l'un des trois programmes narratifs possibles : la patiente refuse les soins. Cependant, le discours est ambiguë car aucun indice ne nous dit si la malade refuse d'être prise en charge ou résiste aux soins une fois hospitalisée. L'exemple des créateurs de sites pro-anorexiques vient renforcer l'idée d'une anorexique comme anti-sujet (par rapport au programme narratif des médecins). En effet, la psychiatre les qualifie d'« électrons libres » et de « personnes en souffrance qui refusent les soins ». Ces paroles d'un expert clôturent l'article, ce qui peut laisser penser que derrière l'avis d'une psychiatre c'est son opinion que leur journal nous donne. Nous avons remarqué que dans ces deux articles, la parole est donnée aux médecins qui témoignent de la difficulté de soigner des patientes anorexiques mais les discours ne nous livrent aucun témoignage de malades. Cette conception de la prise en charge se poursuit dans le reste du corpus.

Dans un second article l'anorexie est présentée comme un « véritable défi pour les spécialistes (pédopsychiatres et psychanalystes principalement) » qui doivent « comprendre le fonctionnement psychique de ces patientes qui `meurent de plaisir' ». Cette citation est empruntée à P. Jeammet qui insiste sur la difficulté et parfois l'incapacité des médecins à comprendre l'anorexie. Cependant, là ne réside pas toute la difficulté de la prise en charge. Si l'aspect psychique est effectivement un enjeu majeur pour le corps médical, la prise en charge nutritionnelle avec toutes les stratégies de résistance que peut opposer la malade est tout aussi importante. Libération fait allusion à la structure hospitalière du service de P. Jeammet, que présente le livre, et mentionne les parents, considérés comme « `alliés du traitement' » notamment grâce à la mise en place de « groupes de parole dans lesquels ils s'écoutent et s'aident entre eux ». Il est difficile de dire si l'usage des guillemets traduit une mise à distance ou s'il signifie simplement que cette expression est celle de P. Jeammet.

L'étude des articles du corpus nous permet de faire deux autres remarques par rapport à la façon dont Libération aborde la prise en charge. Un journaliste écrit que Caroline n'« est pas prête à reprendre du poids »678(*). Par cette courte phrase, le journal rappelle que la prise en charge thérapeutique dépend en grande partie du malade et qu'elle n'est bénéfique que si la patiente collabore au projet de soins. Accepter de manger à nouveau marque le début de la guérison. Alors que dans ce récit l'anorexique semble dans une attitude de refus de la prise en charge (cela n'est pas dit explicitement mais nous pouvons supposer que si elle refuse de reprendre du poids, elle s'oppose également à la prise en charge), un autre article nous présente le cas de figure inverse. Libération écrit que « Katja a décidé de se soigner, pour dit-elle, `sauver [sa] fille' et ensuite pour [se] `sauver [elle]-même' »679(*). La malade prend la décision d'être hospitalisée, autrement dit l'actant sujet change de programme narratif puisque son objet n'est plus de maigrir mais de guérir. Il faut préciser que nous sommes face à un cas de figure particulier puisque cette anorexique n'est pas adolescente mais adulte.

Ces deux exemples n'occupent que quelques lignes dans l'ensemble du corpus cependant, il nous a semblé intéressant de les mentionner parce que le quotidien n'aborde quasiment pas la phase de la prise en charge de l'anorexie ; les rares indications dont nous disposons sont à cet égard relativement importantes.

* 676 Libération, A Berlin, le couvert est mis pour les sans-appétit ; restau. Unique en Europe, le Sehnsucht est dédié aux anorexiques, 3 février 2005, p. 27. 

* 677 Libération, 20 août 2001, p. 15.

* 678 Libération, 28 avril 2005, p. 30.

* 679 Libération, A Berlin, le couvert est mis pour les sans-appétit ; restau. Unique en Europe, le Sehnsucht est dédié aux anorexiques, 3 février 2005, p. 27. 

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius