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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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4. L'Humanité : des facteurs socioculturel, individuel et environnemental

L'Humanité ne consacre pas un article spécifique aux facteurs de l'anorexie mais aborde cette question de façon plus ou moins explicite dans quatre articles. Trois destinateurs sont mis en avant : le facteur socioculturel, le facteur psychologique et le facteur environnemental. Cependant, le quotidien privilégie nettement l'hypothèse d'un facteur socioculturel qui apparaît dans trois récits. Les facteurs psychologique et environnemental ne sont évoqués que dans un témoignage que L'Humanité nous rapporte au discours direct. Les propos de cette ancienne anorexique ne sont donc pas ceux du quotidien mais contribue à construire la figure du destinateur.

a) Les médias, destinateur de l'anorexie

Le terme de « facteur socioculturel » n'est pas employé explicitement par le journal mais différentes expressions suggèrent que l'apparition de l'anorexie est liée à un contexte sociocuturel particulier. Le quotidien pointe un doigt accusateur sur les médias et plus particulièrement la presse magazine comme l'illustre la phrase suivante : « ne lisez pas les magazines féminins ». L'injonction à ne pas faire reflète le danger que peut représenter la lecture des magazines ; « ces journaux-là »422(*), un « - » qui connote un certain mépris. A cause du « reflet que leur renvoie les médias », de « l'image du physique masculin idéal »423(*) que diffuse la presse magazine, les femmes et les hommes risquent de devenir anorexiques. Le quotidien sous-entend qu'en lisant les magazines, les lectrices/lecteurs sont incité(e)s à faire un régime pour ressembler aux modèles qu'ils « admirent ». Le terme « régime » ne figure pas dans cet article cependant, la corrélation entre régime et anorexie est explicitement mentionnée dans d'autres discours.

Un deuxième article dénonce le rôle de la presse magazine qui « balance la photo d'un mannequin anorexique »424(*). Nous pouvons penser qu'ici le qualificatif d' « anorexique » ne renvoie pas à la maladie mais à l'apparence physique. Les mannequins sont parfois si minces qu'elles donnent l'impression d'être anorexique. L'expression « mannequin anorexique » porte en elle-même l'accusation du journal. En effet, ces modèles sont censés symboliser la beauté, la perfection alors que l'anorexique se distingue par sa maigreur. Il y a donc un paradoxe que le journal souligne grâce à cet oxymore. Il dénonce ainsi les canons de beauté d'aujourd'hui, véhiculés par la presse magazine féminine. Ainsi, « femmes » et hommes sont soumis(e)s à « la pression médiatique », à une véritable « dictature »425(*). Les termes de « pression » et « dictature » sont relativement forts et soulignent l'emprise sous laquelle sont les lectrices/lecteurs de ce type de presse. Nous pouvons noter qu'ici le récit de L'Humanité s'oppose à celui de La Croix qui rejetait ce terme de « dictature », préférant croire à la liberté individuelle et laisser une place à l'origine psychologique de la maladie.

Les normes corporelles que véhicule la presse magazine incitent les femmes à faire des régimes que le quotidien évoque non sans ironie. C'est avec une « boulimie maladive » que les médias se ruent « sur les dernières nouvelles en matière de régime », comme si le travail de la presse consistait à nous livrer les innovations les plus récentes dans ce domaine. Afin de mettre en valeur le ridicule de cette « compétition », le journal énumère différents titres de unes que proposent les magazines : « `Maigrir là où vous voulez' », « `Les régimes à la mode' », « `Spécial minceur' »... L'injonction à faire un régime se « décline à l'infini sur les pages glacées des magazines »426(*).

L'accusation du journal se poursuit dans un troisième article : les magazines sont montrés du doigt parce qu'ils érigent des « néo-Kate Moss [...] en idéal féminin » et le quotidien précise que cette dernière a « pourtant rendu publique ses souffrances causées par son anorexie ». La presse magazine est donc doublement accusée : non seulement elle diffuse des photos de mannequins dont la morphologie incite les femmes à faire des régimes mais en plus certains de ces modèles sont anorexiques donc malades. Il faut préciser que l'expression « mannequin anorexique » que nous avons mentionnée précédemment est ambiguë. En donnant l'exemple de Kate Moss, le journal nous rappelle que certains mannequins sont vraiment anorexiques cependant, il nous semble possible qu'il recourt à ces termes pour signifier également la maigreur des mannequins. L'imposition de normes corporelles n'est pas propre à la presse magazine et dans le même article, L'Humanité accuse aussi la télévision. Le journal prend pour exemple la série Ally Mc Beal dont l'héroïne est une « femme `moderne' », « avocate au profil filiforme, qui rétrécit à mesure que les épisodes avancent »427(*). Le quotidien dénonce là encore avec ironie la minceur de la jeune femme. Cette « norme du corps [serait] dictée aux femmes par une société viriarcale qui fâchée de nous céder peu à peu le droit de choisir notre maternité, voudrait nous imposer nos formes »428(*), une phrase qui n'est pas sans rappeler l'argument énoncé par les féministes anglo-saxonnes. Dans les deux articles que nous venons n'évoquer, le quotidien explicite le lien entre l'influence de la presse magazine et l'anorexie en évoquant la « pression médiatique [qui] a parfois des conséquences dramatiques »429(*), l'« auto-harcèlement » auquel ne peuvent échapper les femmes quel que soit leur poids et les « angoisses et frustrations quotidiennes » qu'elles ressentent, dont « l'expression ultime » est « l'anorexie/boulimie »430(*).

* 422 L'Humanité, 7 avril 1993.

* 423 Idem.

* 424 L'Humanité, 1er avril 1999.

* 425 Idem.

* 426 Idem.

* 427 L'Humanité, 7 septembre 2000.

* 428 Idem.

* 429 L'Humanité, 1er avril 1999.

* 430 L'Humanité, 7 septembre 2000.

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