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Approche comparative de la conception des droits de l'homme dans la philosophe africaine et dans la philosophie politique contemporaine en occident

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par Julien Rajaoson
Sciences Po Grenoble - Master 2008
  

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1°) Du discours populiste

En tant que peuple ou en tant que groupe, l'identité collective est néfaste pour la pensée249(*). Le fondamentalisme américain, israélien, ainsi que celui du monde arabe, pose non-pas le problème d'une identité culturelle mais bien de l'identité collective dans son assertion politique et révolutionnaire250(*). « (...) l'appel au peuple prend sa signification principale de se fixer sur le national. Il s'agit d'un appel au peuple tout entier - supposé homogène (en deçà des divisions en classes) - qui se confond avec la nation rassemblée, dotée d'une unité substantielle et d'une identité permanente »251(*). Si les sociétés sont comprises comme un tout, comment peuvent-elles constituer un tout en mesure de les surplomber ? La fusion des sociétés en entité internationale est problématique sur le plan intuitif, et l'analogie est possible avec des individus voulant fonder une Nation252(*). Cependant, peut-on concevoir une fusion des esprits par le biais de la passion253(*) ? Dans sa « Psychologie des foules » Gustave Lebon a analysé son objet de recherche à travers le prisme révolutionnaire. L'âme collective de Lebon peut former une foule psychologique lors de laquelle les membres perdent leur individualité au profit d'une âme collective qui les fait penser, sentir et agir dans un sens autre que celui qu'ils le voudraient individuellement, alors que la conscience politique est censée élever le libre examen. L'image de l'individu pris dans la foule est comparable à un grain de sable emporté par le tumulte des vagues.

2°) Le holisme comme ennemi de la démocratie

Le « Nous » ne peut exister qu'en tant qu'objet, dans la même logique que le boulangisme, la foule veut être un objet manipulé par les voeux d'un homme. La foule est circonscrite par les discours de l'orateur qui s'adresse à elle, puis elle se constitue conformément à ses souhaits, en somme chacun exige d'être noyé et submergé par la passion des autres et par la voix du chef254(*). Sa rhétorique oriente le regard de la foule dans le sens qu'il aura décidé ; l'exaltation des passions identitaires, n'a de prix que la passivité de l'esprit, ainsi le phénomène identitaire ne peut en aucun cas être conçu comme une activité humaine désaliénante ou en mesure de favoriser son autonomie.

La passion en politique est un instrument destiné à l'action, et non une fin en soi. Y a-t-il une rationalité des passions humaines ? En elle-même l'art oratoire est neutre, il est un organon pratique de l'homme politique « La pratique sans théorie est aveugle ; la théorie sans pratique est vide »255(*). L'éthos et le pathos sont des preuves immédiates de l'assentiment de la foule partisane, et par extension celle du peuple souverain. L'orateur s'adresse donc en premier lieu à celui qui va décider256(*) (Sans nécessairement adhérer aux théories politiques holistes, nous pouvons citer un cas où le communisme en Afrique n'a pas été synonyme d'échec257(*)). Si on extirpe le moment de la passion durant les discours face à l'agora, on transmute ce dernier en dialogue rationnel entre philosophe « Comment empêcher, au moment où le peuple est interrogé, qu'il circule à travers lui aucune espèce de passion collective ? »258(*). Autrement dit, la philosophie politique contient une part de cet élément susceptible de détruire ce que la Raison a pu édifier.

L'orateur habile se sert de lieux communs puissamment ancrés dans la société civile afin de susciter la haine ou l'empathie. Il fait mine de figurer un dépassement de son propre camp au moyen de sa superbe259(*), alors que ce qui est visé, c'est l'espace émotionnel laissé vacant par le candidat adverse « Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres »260(*). En définitive, on est en droit de se demander si la passion est toujours irrationnelle ? A priori, ce n'est pas le cas, dans le sens où nous avons parfois de bonnes raisons de les éprouver. De plus, la finalité de l'orchestration des passions est de produire un jugement ou de le transformer en éveillant d'autres aspects de la nature humaine. Sans que la constitution du « Nous » puisse être qualifiée de projet intellectuel, il y a effectivement une fusion des esprits lors de son émergence.

Faute de pouvoir être totalement écarté de la philosophie africaine, l'afrocentrisme ne doit rester qu'une voie, qu'un courant parmi les autres. En s'inscrivant dans la logique du néoréalisme régissant les Relations Internationales, l'afrocentrisme s'octroie la capacité de capter presque sans partage l'héritage historique, philosophique et politique pour nourrir arbitrairement son propre paradigme intellectuel basé sur la fondation épistémologique261(*). « Notre contribution à la fin de ce siècle est d'introduire dans la philosophie africaine le paradigme de la traversée qui est complémentaire à celui de la fondation »262(*). L'idée de traversée concerne celle de l'esprit, qui ne souffre d'aucune barrière disciplinaire, ni de contraintes intuitives à propos de la vérité, « C'est en désirant la vérité à vide et sans tenter d'en deviner d'avance le contenu qu'on reçoit la lumière. C'est là tout le mécanisme »263(*), d'où la pertinence de vouloir défendre ce que Giddens et Mbembé nomment « la vie » ou les décisions individuelles dont elle est l'objet. « La vie » est l'objet indéfinissable par définition, sur lequel Achille Mbembé a fondé sa théorie progressiste en renonçant aux tendances essentialistes qui nuisent à la pratique.

Sur ce point, il rejoint Rorty, « Pour les pragmatistes, si quelque chose d'utile doit être dit de la vérité, c'est dans le vocabulaire de la pratique plutôt que dans celui de la théorie, de l'action plutôt que de la contemplation »264(*). La théorie critique de la philosophie africaine, a tout intérêt à trouver des valeurs empiriques sur lesquelles elle pourra baser son argumentation, plutôt que de renforcer son édifice intellectuel sur le plan métaphysique comme le fait l'afrocentrisme265(*). Sans doute aurait-on raison de concevoir la démocratie comme une valeur, et non comme un principe pur266(*).

* 249 Kwamé Nkrumah, Le Consciencisme, éd. Payot, Paris, 1965, p. 120 : « La révolution sociale doit donc s'appuyer fermement sur une révolution intellectuelle, dans laquelle notre pensée et notre philosophie soient axées sur la rédemption de notre société. Notre philosophie doit trouver ses armes dans le milieu et les conditions de vie du peuple africain. C'est à partir de ces conditions que doit être crée le contenu intellectuel de notre philosophie. L'émancipation du continent africain, c'est l'émancipation de l'homme ». La force et la verve rhétorique de Nkrumah est indéniable, cependant il passe littéralement à côté de son projet d'émancipation en appuyant sa réflexion sur cette idée holiste de « peuple ».

* 250 Molefi Kete Asante, op. Cit, p. 9 du chapitre 1 sur Les Fondements Essentiels : « L'Afrocentricité est l'élément fondamental de la régénération humaine. Dans la mesure où elle fait partie de l'existence des millions d'Africains sur le continent et dans la Diaspora, elle deviendra révolutionnaire. Elle a un but, conférant un sens réel de destinée, fondée sur l'histoire et l'expérience. L'état psychologique de l'Africain sans Afrocentricité est devenu un sujet de grande préoccupation. Au lieu de regarder vers l'extérieur à partir de son propre centre l'individu non-afrocentrique se comporte de façon négativement prévisible. Les images, symboles, styles de vie et façons d'être de cet individu sont contradictoires et de ce fait même, s'opposent à une croissance et à un développement individuels et collectifs ».

* 251 Pierre-André Taguieff, L'illusion populiste. Essai sur les démagogies de l'âge démocratique, éd. Flammarion, mars 2007, p. 227 sur Le populisme identitaire

* 252 Elungu P. E. A, op. Cit, p. 70 dans la partie sur L'Afrique à la recherche de son idéologie, se référer au moment intitulé Le Panafricanisme : « En Afrique, le panafricanisme reste lié à Kwamé Nkrumah. C'est lui, en effet, qui l'a importé ; c'est lui qui, le premier, a lutté avec ardeur sans pareille pour sa réalisation, (...) »

* 253 Ama Mazama, op. Cit, p. 178 dans La Philosophie africaine : « Le principe fondamental de la philosophie africaine est celui de l'unité de l'être. En effet, l'articulation première de la métaphysique africaine est l'énergie cosmique qui traverse et habite tout ce qui est au monde. Cette énergie cosmique dont tout participe, les humains comme les animaux, les plantes comme les minéraux, les objets comme les phénomènes, fournit une essence commune à tous et de ce fait même, assure l'unité fondamentale de tout ce qui est ».

* 254 Molefi Kete Asante, op. Cit, p. 19 : «L'Afrocentricité ne vous convertit pas en faisant appel à la haine ou à la convoitise, à la rapacité ou à la violence. En tant qu'idéologie consciente la plus élevée, elle affirme ses principes, motive ses adhérents et gagne les prudents par la force de sa vérité ».

* 255 Kwamé Nkrumah, op. Cit, p. 13 au chapitre sur le Consciencisme

* 256 Elungu P. E. A, op. Cit, p. 71 dans la partie a°) Du panafricanisme au nationalisme : « Parti du panafricanisme comme idée, Nkrumah doit déboucher sur le panafricanisme comme réalité. Ce chemin est long et périlleux. En fait, Nkrumah a fait beaucoup mais n'est pas arrivé au bout du parcours, il a été renversé en cours de route par les forces mêmes qui devaient servir à la réalisation de son rêve ».

* 257 Sous la direction de Yénouyaha Georges Madiéga et Oumarou Nao, Burkina Faso. Cent ans d'histoire, 1895-1995, Tome 2, éd. Karthala-P.U.O sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery, 58500, Clamecy, décembre, 2003, p. 1275 au 2- Les politiques de développement auto-centré (1983-1987) : « Dans une stratégie de développement auto-entretenu, le taux de croissance recherché doit être optimum sous réserve du maintien de l'indépendance de l'économie nationale. Le rôle du plan devient central. L'investissement public se réalise aussi dans le secteur productif. L'Etat contrôle le capital privé par le biais d'un code des investissements restrictif. La priorité est accordée aux facteurs de productions internes : le choix des technologies intermédiaires est prôné. (...) L'application de cette politique de développement auto-centrée a donné des résultats : le taux de croissances des importations diminue de 4,2 à 0,9 %, celui des consommations publiques de 4,9 à 0,9 %, des consommations privées de 3,6 à 3,2 % ; le taux de croissance de la production baisse de 3,5 à 2,5 %. En revanche, le taux de croissance des exportations augmente de 0,5 % ». (Voir le tableau situé à la page suivante p. 1276 où il est indiqué que de 1980 à 1987 le PIB était de 5,6%, la production industrielle (PID) de 3,9% et la production agricole (PAG) de 6,1%. Jusqu'à aujourd'hui, le Burkina Faso n'a jamais connu un bilan économique aussi positif que sous l'ère de Thomas Sankara).

* 258 Simone Weil, Note sur la suppression générale des parties politiques, éd. Climat, Paris, mars, 2006, p. 34

* 259 Simone Weil, op. Cit, p. 24 : « Ainsi sur le continent d'Europe le totalitarisme est le péché originel des partis. C'est d'une part l'héritage de la Terreur, d'autre part l'influence de l'exemple anglais, qui installa les partis dans la vie publique européenne ». Bien que ce soit à demi-mots, il est véritablement question de la vie politique, quelque soit la nature de l'organisation politique, celles-ci sont néfastes pour la pensée elles la cloisonnent de par ses dogmes idéologiques. Et pour le continent africain, cette question est d'autant plus importante, car quand bien même le clivage gauche/droite sera dépassé, n'oublions pas qu'il n'est souvent qu'un prétexte pour dissimuler des clivages ethniques tels que : Merina/Antefasy à Madagascar, Utu/Tutsi au Rwanda.

* 260 Simone Weil, op. Cit, p. 35

* 261 Martin Bernal, Black Athena. Les racines afro-asiatiques de la civilisation classique, Volume II Les sources écrites et archéologiques, traduit de l'américain par Nicole Genaille, éd. PUF, 73, avenue Ronsard 41100 Vendôme, novembre 1999, p. 9 : « Deux journaux d'extrême droite, le New Criterion et le National Review, ont attaqué ma position politique. Dans le premier, le critique, qui avait clairement lu Black Athena et réfléchi sur l'ouvrage, admettait qu'il puisse contenir des arguments intéressants (...) »

* 262 J. G. Bidima, op. Cit, p.123 dans son oeuvre La philosophie négro-africaine.

* 263 Simone Weil, op. cit, p. 51

* 264 Richard Rorty, Conséquences du pragmatisme, éd. Seuil, Paris, novembre, 1993, p. 303 au chapitre 9 intitulé Pragmatisme, relativisme et irrationalisme

* 265 Richard Rorty, Objectivisme, relativisme et vérité, éd. PUF, 73 avenue Ronsard, 41100 Vendôme, mars, 1994, p. 201 dans la 3ème partie sur La priorité de la démocratie sur la philosophie : « Dans la mesure où il ne croit pas qu'en matière de théorie politique, nous ayons besoin de nous considérer comme les détenteurs d'une essence qui précède l'histoire, Rawls n'admettrait pas, avec Sandel, qu'une théorie de la nature du sujet moral, en un certain sans nécessaire, non contingent et antérieur à toute expérience particulière puisse nous être de quelque utilité ». Nous pouvons remarquer par ailleurs, que la notion de démocratie est absente de la philosophie afrocentriste.

* 266 Richard Rorty, op. Cit, p. 192 : « Ce compromis jeffersonien sur la relation de la perfection spirituelle et de la politique publique présente deux aspects. Sous son aspect absolutiste, il stipule que tout être humain, toute révolution particulière mise à part, possède la totalité des croyances que réclame la vertu civique. Ces croyances ont leurs sources dans une faculté humaine universelle : la conscience, dont la possession définit l'essence humaine spécifique de tout être humain. C'est cette faculté qui confère à l'individu sa dignité et ses droits. Mais il existe aussi un aspect pragmatique, aux termes duquel l'individu qui découvre dans sa conscience des croyances en accord avec la politique commune, mais que les croyances qu'il partage avec ses concitoyens ne permettent pas de sacrifier sa conscience sur l'autel de l'intérêt public ». Sur ce point Rorty valide notre argumentation précédente sur l'utilité des croyances spirituelles, si celles-ci peuvent renforcer l'individu aux côtés d'autres éléments.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein