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enjeux et limites de la microfinance dans un contexte de lutte contre la pauvreté: Etude à partir du CPS Diourbel

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par Serigne Cheikh FALL
Ecole Nationale des Travailleurs Sociaux Spécialisés- Dakar - Diplôme d'Etat en Travail Social 2006
  

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1-3 Revue critique de la littérature

Depuis le début de son expansion vers les années 70, le secteur de la microfinance a fait l'objet d'une attention particulière de la part de la communauté scientifique. C'est ainsi qu'il faut comprendre les écrits relativement importants qui traitent du sujet, lesquels écrits ont trouvé à travers le contexte d'aggravation de la pauvreté, un terreau fertile pour exploiter les champs en friche du « secteur financier pour les pauvres ».

Notre attention sera portée sur les deux niveaux d'analyse que sont la littérature théorique et la littérature expérimentale. Et pour ce qui concerne ce dernier niveau, nous allons passer à un inventaire et un examen critique autour des points suivants :

- La question de recherche, l'hypothèse ou l'objectif général

- La méthodologie de la recherche

- Les résultats obtenus

- Et enfin l'analyse critique.

Ndiadé Demba (1996) dans « Etude des caisses villageoises d'épargne et de crédit encadrées par le Programme Intégré de Podor (PIP) : cas de Changaï et Wouro Madiiw », Mémoire de fin d'étude, ENTSS.

La région nord du Sénégal est par excellence une zone d'intervention de projets de développement parmi lesquels le Programme Intégré de Podor (PIP) qui y encadre des caisses villageoises d'épargne et de crédit. L'intérêt d'une étude des caisses de Changaï et Wouro Madiiw a amené Ndiadé Demba, à travers cette étude de cerner les résultats des CVEC dans la perspective d'une plus grande efficacité de leur système d'épargne et de crédit.

L'étude devrait permettre au chercheur d'identifier le mode d'utilisation des crédits tels qu'ils sont préconisés par les responsables des CVEC, d'identifier le mode d'utilisation des crédits pratiqués par les bénéficiaires, de saisir les démarches de remboursement des prêts pratiqués et enfin de cerner les correspondances entre mode d'utilisation préconisé et celui pratiqué.

Le chercheur a adopté une recherche de type exploratoire, descriptif.

La technique d'échantillonnage appliquée à la recherche est l'échantillon à choix raisonné, qui selon l'auteur lui permet de régler le problème de la répartition des adhérents suivant les deux critères que sont le type d'adhésion et le sexe de ces derniers.

Pour ce qui concerne la taille de l'échantillon, elle représente le 1/3 de la population mère, soit 76 individus.

Les instruments de collecte des données sont constitués par le questionnaire, l'observation directe qui lui a servi de compléter les données tirées du questionnaire.

Ainsi, la méthodologie adoptée, l'auteur découvre que les crédits étaient prédestinés aux activités génératrices de revenus comme le commerce et la culture irriguée, qu'il y avait un écart entre les activités préconisées et celles pratiquées (40% des interviewés affirment) et qu'il y avait un clivage entre la logique de remboursement propre aux responsables de la caisse et la logique des adhérents qui ont des revenus faibles.

Le travail effectué sur les populations des villages de Wouro Madiiw et Changaï a permis de mieux cerner la problématique du financement des activités de la cible notamment à travers les services de crédits et de percevoir les deux logiques qui ne sont pas toujours en phase, entre les responsables du crédit et les bénéficiaires. Néanmoins, il serait intéressant pour l'auteur d'affiner l'analyse des activités réellement pratiquées afin de mieux s'apercevoir de leur degré de résistance face à une éventuelle stratégie de communication pour le changement de comportement (C.C.C.).

Ndiaye Bécaye (2000) dans « Contribution sur l'autonomie financière et la rentabilité des caisses d'épargne et de crédit encadrées par Enda-Graf. », Mémoire de fin d'études, déc.2000, ENEA

Le développement de la microfinance appelle de nouvelles interrogations et c'est ce qui pousse M.Bécaye Ndiaye à étudier les conditions d'autonomie financière et de viabilité des CEC encadrées par Enda-Graf dans la région de Dakar.

L'étude est réalisée sur le département de Dakar et elle comprend les hommes, les femmes et les groupements-Organisations-Associations (GAO) des seize caisses encadrées par Enda-Graf, les dirigeants de ces caisses, les employés et les dirigeants de la structure d'accueil, soit donc des cibles ultimes et des cibles intermédiaires.

L'échantillon comprend 200 personnes physiques ou morales enquêtées.

Les résultats obtenus révèlent ceci :

- des défaillances organisationnelles liées à la tenue des réunions, à la communication dirigeants-membres, et à la prise de décisions ;

- des défaillances techniques liées à la qualité des services rendus, à la formation des élus, à la planification et à la tenue des outils comptables ;

- des défaillances liées à la tenue du membership, dans la mobilisation de l'épargne, dans l'octroi des crédits, dans l'offre de services, et dans la gestion des coûts ;

- des capacités financières faibles pour favoriser l'autonomie financière des caisses.

Par ailleurs, dans l'exploitation de ces résultats l'auteur en est arrivé à infirmer l'hypothèse de départ concernant l'autonomie financière des caisses ainsi que leur viabilité.

La problématique abordée par l'auteur constitue sans conteste une préoccupation fondamentale dans le cadre de l'expansion des services financiers décentralisés et de leur apport dans le financement du développement. Il est en effet important pour les principaux bailleurs de fonds et les acteurs au développement de se pencher sérieusement sur les conditions d'autonomie financière des institutions de microfinance et de leur viabilité financière afin de permettre à celles-ci de poursuivre sans difficultés leurs missions d'élimination de l'exclusion financière. De ce point de vue, le travail de M. Ndiaye contribue à mieux cerner les pesanteurs qui pèsent sur l'atteinte de ces objectifs. En outre le « design de recherche » répond globalement aux critères de scientificité qui s'imposent pour un tel exercice. Néanmoins, abordant les recommandations stratégiques pour une meilleure viabilité financière et une meilleure autonomie des caisses, l'auteur passe sous silence ce qui constitue à l'heure actuelle l'une des préoccupations les plus aiguës du milieu microfinancier c'est-à-dire l'inadéquation entre les taux d'intérêt jugés élevés appliqués par les IMF et les revenus modestes des populations cibles dans une perspective de viabilité. Ceci est d'autant plus préoccupant que la caution solidaire qui s'était jusque là substituée aux garanties matérielles, tend à être remise en cause par cette viabilité financière surtout que cette dernière valorise les biens matériels à la place de l'engagement moral précisément dans les villes où la modernité a fortement altéré la pression du groupe comme le pense Aminata Ndiaye (Ndiaye Aminata, « la microfinance dans la lutte contre la pauvreté, MEMO Maîtrise sociologie, UGB, Saint Louis , 2001).

Bukam, Elisabeth Kamdem, « Tontines ou Schwa Banques des Pauvres », Abidjan, 1997,2 ème édition

A travers une perspective historique, des chercheurs se sont penchés sur les fondements communautaires en matière de lutte contre la pauvreté notamment en Afrique. Parmi ces chercheurs, Elisabeth Kamdem Bukam pour qui la forte adhésion des populations aux institutions endogènes (schwas) inversement proportionnelle à leur adhésion aux institutions exogènes (les caisses populaires) mérite explication. Et c'est à travers une étude datant de 1997 qu'elle tente d'apporter des éléments de réponse

Avec une recherche de type comparatif, l'auteur choisit une zone où les deux formes d'institutions y sont présentes en parallèle et crées presque au même moment.

Le travail auquel le chercheur est parvenu a été présenté en cinq parties principales.

- la première partie est consacrée à la présentation de la zone de Nylon. Dans ce chapitre, l'auteur décrit le milieu physique, humain et les différentes activités qui permettent de comprendre les différentes interactions des partenaires dans la zone notamment les groupes cibles des tontines et des caisses populaires.

- La deuxième partie a permis de décrire la genèse du système tontinier, de son évolution dans la zone et de son implantation ; toutes choses qui expliquent sa réussite économique.

- Le troisième chapitre est plus pratique car il fait une présentation des pratiques tontinières dans la zone, illustrée par une analyse de cinq expériences de tontines de la zone d'étude.

- Quant au quatrième chapitre, il se consacre à une étude comparative entre la caisse populaire et la schwa/tontine, ainsi que des expériences d'intégration des deux systèmes visibles à Nylon.

- Le chapitre qui clôt l'ouvrage présente une troisième voie à travers l'expérience en cours dans le bidonville Nylon afin de tirer des conséquences en vue de promouvoir une évolution plus fiable de ces deux systèmes au sein de la population, ce que l'auteur propose comme exemple ailleurs.

La présentation des résultats de l'étude faite par Madame Elisabeth Kamdam Bukam présente un intérêt pédagogique certain surtout en ce qui concerne la tentative de clarification conceptuelle ainsi que la perspective historique du phénomène tontinier à travers le monde.

Ceci a permis de constater la diversité des formes tontinières suivant les objectifs visés, du nombre de membres (petites tontines, moyennes tontines ou grandes tontines), suivant la profession des membres (tontines de femmes d'affaires, des fonctionnaires, des paysans, des éleveurs...), en fonction du but visé (on parlera de tontine d'argent, de projet, de société, de solidarité...).

L'auteur nous fait découvrir à travers cette exploration des formes de tontines, une réalité présente au Cameroun où selon le chercheur, les tontines se distinguent les unes les autres soit par la nature de la cotisation (cotisations en travail, en monnaie, en biens...), par le mode d'attribution du tour (par tirage au sort, par consensus) par le degré de rentabilité du projet (à montant fixe, par enchères).

Par ailleurs, l'auteur montre que la tontine n'est pas une exclusivité africaine et en citant Henry Desroches29(*) , développe la thèse selon laquelle on en trouve des pratiques diverses en Asie, en Europe et en Amérique.

La richesse du travail et son intérêt pour la découverte des mécanismes d'épargne et de crédit en Afrique ont permis de mieux s'interroger sur la survie de la greffe occidentale sur une réalité déjà africaine.

Cependant, des réserves peuvent être émises quant à l'assurance des chances de succès dont fait montre l'auteur en ce qui concerne la généralisation du troisième modèle tel qu'il est préconisé, ceci d'autant plus qu'elle ne s'appuie que sur un seul exemple réussi pour conclure à une généralisation à plus grande échelle.

Toujours sur ces critiques de fonds, on peut relever une tendance à une documentation singulière qui s'est fait sentir précisément quand il s'est agi de dater l'apparition de la tontine en Europe par l'entremise du banquier italien LORENZO TONTI. En effet, sur la date Elisabeth Bukam avance celle péremptoire de 1653 au moment où d'autres chercheurs comme M. MATTHIEU GASSE HELLIO (dans « les tontines dans les pays en voie de développement » op.cit.) nuancent leur certitude en proposant la date approximative de « vers 1650 ».

Olga Didi « Capacité de réponse des mutuelles d'épargne et de crédit dans l'amélioration de l'environnement social et économique des femmes : L'exemple de la MEC de l'unité 26 des Parcelles Assainies de Dakar », ENTSS, DAKAR, 2005 

- Si la viabilité financière est préoccupante pour certains chercheurs du secteur microfinancier, il n'en est pas moins de la capacité de réponse du système financier décentralisé comme le privilégie le chercheur Olga Didi dans son mémoire de fin de cycle à l'Ecole Nationale des Travailleurs Sociaux Spécialisés (E.N.T.S.S.). En effet, l'auteur cherche à analyser l'environnement socio-économique des femmes bénéficiaires, à analyser aussi les capacités de réponses de la mutuelle d'épargne et de crédit dans l'amélioration de l'environnement socioéconomique des femmes et enfin à proposer des axes pour renforcer les capacités de réponses de la MEC en vue d'une amélioration de l'environnement socioéconomique de ces femmes.

- La recherche a permis de découvrir la prédominance des femmes âgées (83.3%), de femmes mariées (63%) du fait, selon l'auteur de la conjoncture économique difficile.

Les activités développées sont le commerce (80%) suivi de la couture (10%).

En ce qui concerne les capacités de réponse de la mutuelle dans l'amélioration de l'environnement socioéconomique des femmes, les résultats révèlent que 10 femmes ont demandé et obtenu leur crédit une fois, soit 33% de l'échantillon ; 23% l'ont obtenu deux fois ; 16,7% l'ont obtenu trois fois, même pourcentage pour ceux qui l'ont obtenu quatre fois. Le nombre de femmes bénéficiaires de prêts plus de cinq fois est de trois seulement soit 10%.

Le tableau montre que plus de la moitié des enquêtés a bénéficié de plus de deux prêts. L'auteur souligne le chemin de croix pour obtenir un crédit, ce qui selon lui dissuade le plus souvent les bénéficiaires à demander un nouveau crédit.

En ce qui concerne les montants obtenus, les pourcentages les plus significatifs concernent les montants compris entre 100000 et 300000FCFA avec le taux de 66,7%.Les montants dépassant trois cent mille (300.000 F) représentent un pourcentage de 6,6%, ce qui est dérisoire comparé au 66,7% au encore au 26,7% qui concerne ceux qui ont entre dix mille et quatre vingt dix neuf mille francs.

Le crédit a permis à ces femmes de se motiver au travail, de faire de l'épargne et des investissements. L'acquisition d'un meilleur statut social, le développement de l'épargne pour certaines qui disent avoir développé des activités rentables qui engendrent des revenus qu'elles peuvent garder au niveau de la mutuelle comme épargne.

Le travail mené par Olga Didi nous a permis de mieux réajuster notre perception sur le statut de la femme dans la société sénégalaise et particulièrement son potentiel d'engagement et d'initiatives si les conditions lui sont aménagées. Cependant malgré l'apport important pour la recherche, il nous semble opportun, pour mesurer avec objectivité les capacités de réponses de la mutuelle, de procéder à une identification des besoins réels de la cible femme et de manière absolue et non en rapport avec le montant du crédit disponible.

Diop, Amadou, « Microfinance et lutte contre la pauvreté : Cas des grands réseaux du Sénégal », ENEA, 2005.

La lutte contre la pauvreté par la microfinance a emporté l'adhésion des milieux financiers et dicte les orientations de la recherche en ce sens. Amadou Diop s'y est penché avec comme objectif de pérenniser les IMFs et étendre leurs offres de services aux plus pauvres. Il s'est agi d'évaluer la pauvreté, la contribution de la microfinance dans la lutte contre la pauvreté, de déterminer les limites et les contraintes de la microfinance et enfin de trouver les voies et moyens pouvant permettre de faciliter la pérennité et l'offre de services aux plus démunis.

Les résultats auxquels est parvenu Diop montrent que malgré une forte adhésion des populations aux SFD, le sociétariat est encore dominé par des membres issus des milieux urbain et périurbain. La zone rurale ne semble pas trop préoccuper les SFD du moins si on se fie au faible niveau de financement de la principale activité du monde rural qu'est l'agriculture (5%), comparé au commerce, à la restauration et à l'hôtellerie (58%) et au transport (37%).

Les objectifs de pérennisation et d'autonomie financière sont encore loin d'être atteints du fait d'une trop grande confiance accordée aux pauvres car pour l'auteur, plus les pauvres sont ciblés, plus les risques de disparaître sont élevés chez les SFD. Ce sont en outre des institutions à capacité institutionnelle faible. Les ressources financières sont insuffisantes pour assurer aux institutions de microfinance la réalisation du double objectif de rendre service aux pauvres et de pérennisation.

L'intérêt du travail de Amadou Diop est proportionnel à la préoccupation grandissante des milieux financiers du monde entier à relever le défi de la pérennisation. La pérennité du système requiert une vision stratégique claire et surtout une organisation transparente, efficace et acceptée par tous ; et c'est sur ces aspects que l'on attendait davantage d'attention de la part de M.Diop. Il nous semble allé de soi que c'est dans une appropriation effective de l'outil microfinancier dans sa genèse par les populations elles-mêmes que dépend sa pérennité. Et la transparence est un gage d'engagement pour les populations qui n'ont pas attendu l'envol de la microfinance vers les années 80 pour faire face à leurs difficultés par des pratiques communautaires comme la tontine. Selon Hellio Gasse Matthieu  les tontines dans les pays en voie de développement constituent la forme la plus connue et la plus répandue de finance informelle et connue sous le nom d'association rotative d'épargne et de crédit. Longtemps ignorées, ces pratiques tontinières existent pourtant depuis des décennies, et elles constituent un réservoir d'épargne important pour les pays en développement.

Elles se sont développées, ont évolué pour s'adapter à leur environnement et leur rôle est d'autant plus important aujourd'hui qu'elles semblent avoir réussi là où les banques ont échoué, à savoir mobiliser l'épargne domestique. Au Sénégal on peut citer l'expérience menée par le MINISTERE DU DEVELOPPEMENT SOCIAL à travers les caisses populaires d'épargne et de crédit de Sine Saloum -expérience de Njiby- Mais s'il faut reconnaître avec HELLIO GASSE un rôle prééminent des tontines dans le financement du secteur informel, il faut cependant se désoler de constater que le niveau de leur financement n'est pas encore satisfaisant et ne permet pas encore la transformation des ressources courtes en emplois longs pour financer les besoins de développement. La finance informelle ne finance que très peu l'acquisition de biens d'investissement.

L'apport du travail de M. GASSE HELLIO dans la contribution d'une meilleure connaissance du phénomène tontinier dans les pays en développement est appréciable. En effet, il est partagé maintenant par la communauté scientifique que des études fouillées sur les pratiques d'économie sociale dans ces pays sont rares, ce qui a trop longtemps fait penser que la microfinace était une nouveauté pour les pays en développement et particulièrement en Afrique. Ce travail a donc l'avantage de rétablir une vérité historique. Néanmoins on peut au crible de l'analyse se rendre compte de négligence assez manifeste de règles de validité scientifique notamment en la partie qui concerne la méthodologie de recherche qui passe complètement sous silence des éléments importants comme le processus de collecte de données, la description précise de l'univers de l'enquête, la population à l'étude ainsi que l'échantillonnage.

Par ailleurs les résultats n'ont pas laissé apparaître la place qu'occupent les unités d'analyse, ce qui aurait permis de mieux crédibiliser l'étude et lèverait toute velléité d'interprétation de nature purement culturaliste ou propagandiste comme c'est souvent le cas concernant les faits de culture relatifs aux africains.

Somme toute, on peut relever l'intérêt d'une telle publication pour l'enrichissement de la connaissance mais nous ne pouvons manquer d'émettre les réserves qui s'imposent quant à sa valeur fondamentalement scientifique.

Vincent Fernand (1994) dans « FINANCER AUTREMENT les associations et ONG de développement du Tiers Monde » pense que rechercher l'alternative dans un monde marqué par la victoire des forces capitalistes constitue un « impossible réalisme », mais c'est justement cette utopie dont parlait Edgar Morin (Terre, Patrie, par Edgar Morin et Anne Brigitte Kem, Edition du Seuil, Paris, 1992, 116 pages.) qu'il faut transformer en réalité. Pour l'auteur, il s'agit de rechercher une alternative par la voie de l'économie sociale et solidaire basée sur les hommes et la satisfaction de leurs besoins et qui selon lui, permettra un partage des moyens de production et des revenus, mais également du pouvoir de décision. C'est comme ça seulement que les organisations de développement pourront tendre vers leur autonomie financière et se détourner de l'aide internationale. Les organisations de développement et leurs dirigeants devraient se mettre à l'avant-garde du combat pour l'orientation vers la production pour la création d'une épargne qui, réinvestie à son tour ajoutera une plue value nécessaire au développement.

Par ailleurs, l'auteur consacre une bonne partie de son travail aux outils et instruments novateurs pour réaliser la stratégie de mobilisation et de capitalisation des organisations de développement. Il s'agit des outils pour mobiliser les ressources locales comme l'inventaire villageois, la monographie régionale ou de la ville, le fonds de solidarité des élites pour leur village et des outils pour mobiliser l'épargne locale.

Il pose l'effort propre comme condition du crédit mais note que cet effort propre n'est pas nécessairement financier : on peut accorder sa confiance à un groupe local motivé et bien organisé et qui a prouvé ses compétences et sa volonté de réussir. Pour l'auteur, accorder du crédit à un groupe qui ne pourra rembourser est à coup sûr « tuer » ce groupe. C'est pourquoi il remet au goût du jour la lancinante question : Le petit crédit a-t-il un effet d'entraînement pour le développement économique ?

La réponse à cette question déterminera certainement les stratégies futures d'accès des plus pauvres au crédit.

Les grands maux dont souffre le crédit ont également été abordés par Fernand Vincent et ont pour noms les taux d'intérêt élevés, la couverture des frais de gestion ainsi que le contrôle démocratique nécessaire dans l'attribution du crédit.

L'auteur présente avec un réel souci didactique avec de nombreuses études de cas, les différents outils de financement qui peuvent être utilisés pour le développement par les hommes et les femmes des pays du Sud. La richesse des cas présentés ainsi que leur intérêt permet de mieux se familiariser avec les outils innovateurs de l'économie sociale et solidaire. Cependant, force est de reconnaître que peu de place est laissée à l'analyse de la gouvernance des institutions de microfinance, laquelle gouvernance se pose aujourd'hui comme un défi majeur pour la survie de toute activité en direction des hommes et des femmes en proie à des difficultés de tous ordres.

Betty Wampfler (CIRAD-SAR) dans Grain de sel n°6 s'interroge en ces termes : Le micro-crédit est-il vraiment cette solution miracle pour laquelle le monde du développement s'enthousiasme si fort depuis quelque temps ?

Il est difficile d'apporter une réponse unique à une telle question de fond ; car pour l'auteur l'impact du microcrédit se trace entre autres sur des études en cours au Burkina Faso et en Albanie par CIRAD, au Niger par l'université allemande de Hohenheim, au Cambodge et au Vietnam par GRET.

Les effets positifs du microcrédit sont connus et reconnus de tous. L'achat d'une vache par exemple est un investissement productif à moyen terme et une recapitalisation des exploitations agricoles éprouvées par la sécheresse (Sahel) ou alors les bouleversements politiques (Albanie).

Si les effets positifs du microcrédit sont réels, l'auteur n'en minimise pas pour autant les conséquences plus complexes voire même négatifs. L'étude menée par l'université allemande de Hohenheim a révélé au Niger des situations où le crédit permettait aux femmes d'augmenter leur activité mais réduisait leur responsabilité pour l'entretien des enfants en bas âge. Les bébés étaient moins bien nourris que ceux des femmes qui n'avaient pas bénéficié de crédits. Ce qui conforte l'idée de l'auteur que le microcrédit n'est pas un outil miracle de développement. En effet, au-delà d'un certain seuil d'activité, il n'apporte plus de réponse au développement en raison de son montant limité et des échéances à court terme inadaptés à des projets rentables à moyen et long terme. En outre, parce qu'il profite davantage aux emprunteurs « riches » qu'aux emprunteurs les plus démunis, comme le montre une étude du Groupe de Recherche et d'Etudes Technologiques(GRET) en cours au Cambodge. Des conclusions de l'étude menée en 1994 par CIRAD dans les zones du Sahel, il découle que le microcrédit n'est en réalité qu'un outil parmi d'autres dans les stratégies des familles démunies.

C'est pour toutes ces limites que l'auteur nous invite en définitive à retenir que pour être pleinement efficace, le microcrédit doit s'appuyer sur d'autres formes de soutien au développement notamment l'organisation des marchés, la mise en place d'infrastructures, l'aide technique aux producteurs...

Stoleru Lionel « Vaincre la pauvreté dans les pays riches », Flammarion, Evreux, 1977 se propose de démontrer la possibilité de faire disparaître la pauvreté et la misère dans le monde grâce à la richesse accumulée par certains pays. Il s'interroge sur l'efficacité de la croissance dans le recul contre la pauvreté. En effet, pour l'auteur la pauvreté est une réalité complexe et très ambivalente quant à sa mesure et ses dimensions. Mais cette complexité ne doit pas nous amener à baisser les bras sur le combat que l'on doit lui consacrer surtout quand on sait que de la richesse a été accumulée et qui pourrait permettre de l'éradiquer.

Il pense notamment à l'impôt négatif relativement à la politique sociale dans un pays donné et pour cela, il décline volontiers les bénéficiaires, les gains à prendre en compte, la période de temps que prendra l'aide, la manière dont il faut s'y prendre pour faire la liaison avec l'impôt positif et enfin la manière d'éviter la fraude à ce niveau. L'impôt négatif consiste à mettre en place un système unique qui fasse payer des impôts aux riches et distribuer des allocations aux pauvres.

L'auteur termine son travail par dévoiler ce qu'il considère comme sa stratégie pour vaincre la pauvreté. Il préconise au coeur du dispositif, des aides en espèces à la fois aux personnes inaptes au travail (personnes âgées, handicapées), aux travailleurs pauvres et enfin aux personnes aptes au travail mais sans emploi.

Pour les premiers, il propose un revenu minimum garanti, un impôt négatif pour les travailleurs pauvres et un système d'allocations chômage pour les autres.

C'est par cette stratégie sociale des revenus que Stoleru envisage le combat contre la pauvreté en France, dispositif qui se présente à ses yeux comme la seule clef pour le rétablissement durable de l'équilibre économique et de la croissance.

L'oeuvre de Lionel Stoleru édité au deuxième trimestre de l'année 1977 est aujourd'hui encore plus qu'actuelle du point de vue de l'analyse de la pauvreté, notamment en sa définition et en ses différentes dimensions. L'intérêt du travail est aussi lié au questionnement pertinent sur la meilleure formule de système social applicable dans un pays en proie à des déséquilibres sociaux marquants comme c'est le cas aussi bien en France qu'aux Etats-Unis et en Angleterre mais aussi dans nos pays sous-développés qui ont de tout le temps souffert de politique sociale endogène.

C'est donc après un diagnostic exhaustif des besoins que les expériences pourraient s'avérer concluantes. Et c'est pourquoi Eric R. Nelson dans « Intermédiation financière en faveur du Pauvre », juillet 1999 s'est particulièrement intéressé aux besoins financiers du pauvre à travers une étude qui couvre la littérature mondiale. Pour cet économiste du développement, le besoin le plus important est l'accès à une alimentation adéquate, l'amélioration du standard de vie, l'obtention d'une source de revenus et la croissance, nécessitant l'accumulation d'actifs productifs, y compris le capital humain sous forme de santé, d'éducation et de formation.

* 29 Henry Desroches cité par Michel Lelart dans « Les formes traditionnelles de tontines en France »

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus