Section 2 : LA MISE EN PLACE D'UN VERITABLE PROCES
CONSTITUTIONNEL
A l'instar d'autres juridictions constitutionnelles, la cour
constitutionnelle est dotée de nombreuses compétences
d'attributions. Tout ne relève pas de sa fonction juridictionnelle.
Celle- ci représente cependant l'essentiel de son activité.
Si parler de procès constitutionnel à propos du
conseil constitutionnel français avait étonné, tellement
le conseil constitutionnel avait été l'objet de critiques,
notamment eu égard à la procédure suivie devant
lui168. La question ne pourrait se poser pour la cour
constitutionnelle congolaise qui dispose de véritable compétence
d'une cour. C'est notamment le cas, lorsqu'elle exerce cette compétence
relative à la responsabilité pénale du président de
la république et du premier ministre.
Mais pour autant, il convient de se poser la question de
savoir ce qu'est un procès avant de voir quel élément peut
nous permet de dire que la proposition de LO, organise un véritable
procès constitutionnel.
Le procès est traditionnellement présenté
comme une instance ouverte devant une juridiction. Se pencher sur la notion de
procès conduit inéluctablement à s'interroger sur les
critères de l'acte juridictionnel, émanant d'un organe statuant
en la forme juridictionnelle169.
Ainsi, en RDC, le procès sera organisé devant un
organe: la cour constitutionnelle avec un acteur essentiel, qui est le juge
constitutionnel (1). Toutefois, le procès
constitutionnel est-il un
procès comme tous les autres (2),
organisé selon les règles du droit privé ?
Telles sont les deux points que nous aborderons dans cette
section finale.
Paragraphe 1 : Le juge constitutionnel, acteur d'un
procès assez
original
Ayant déjà évoqué l'ouverture du
droit à la saisine, ce paragraphe sera consacré d'une part
à la recevabilité de la saisine (A) et d'autre
part à la procédure et au traitement de cette saisine
(B).
A) La recevabilité de la saisine par la cour
constitutionnelle
L'introduction d'un recours devant la cour constitutionnelle est
facilitée à bien des égards : D'abord, le
requérants n'est astreint à aucun droit de timbre, même si
aucun article ne spécifie la gratuité du timbre, mais c'est
déjà le cas pour les autres juridictions.
Ensuite, la représentation d'un avocat n'est pas
obligatoire, mais en vertu de l'article 35 , al, 1er LO , les parties peuvent
être représentées ou assistées de leurs avocats. Il
s'agit d'une possibilité que la LO laisse au choix des parties.
Par ailleurs, tous les courriers sont enregistrés par
ordre une fois déposé au greffe, suivant la date de
réception et les donnent un numéro d'ordre. Ils sont ensuite
transmis par le greffier à toutes les parties concernées pour les
conclusions.
Un délai de quinze jours est prévu entre la
transmission des conclusions et la communication au ministère public
pour avis, qu'il doit aussi rendre dans un délai de quinze jours. Avant
qu'il soit présenté au président de la cour (Art. 36, al 2
LO).
Aucune disposition légale n'interdit que des moyens
nouveaux puissent être soulevés au cours d'une procédure.
L'essentiel est que la cour soit, en tout état de cause, saisie avant
que le recours ne soit examiné en audience plénière.
En outre, la proposition de LO prévoit des
modalités de rejet pour irrecevabilité qui sont de
trois espèces: en premier lieu , lorsque le recours est manifestement
irrecevable ; en second lieu , si le recours est infondé ; enfin , si
la cause ne relève pas , de façon évidente , de la
compétence de
la cour .(Art.36,al,3 LO) .
De ce trois cas, seul le troisième paraît
concret, puisqu'il est aisé de rejeter une requête soumise
à la cour pour engager la responsabilité d'un parlementaire alors
que cela relève de la compétence de la cour de cassation.
Pour les deux autres cas, la question est plus difficile, comment
définir concrètement un recours infondé ? Les trois cas ne
sont ils pas associables au fond ?
Pour statuer sur la recevabilité d'un recours, le
président communique et réunis la chambre restreinte pour examen,
mais seulement lorsque qu'il estime que le recours est susceptible d'être
classé dans l'un ou l'autre cas de rejet de recevabilité.
La décision de la chambre restreinte statuant sur la
recevabilité est susceptible d'aucun recours. En effet, les
décisions de la cour ne sont susceptibles d'aucun recours en vertu de
l'article 42, al, 2 LO.
Enfin, la cour statue toujours en assemblée
plénière, et pour délibérer valablement, la
présence de tous ses membres est exigée. Toutefois, l'article 41,
al 1 LO, pose une limite à cette exigence. En effet, elle admet que la
cour puisse siéger et délibérer en cas d'empêchement
temporaire dument constaté de deux de ses membres. Ce qui ramène
le nombre à sept. Au bénin, il faut au moins la présence
de cinq membres pour que la cour délibère valablement 170.
Lorsque la cour est saisie d'une requête, âpres
avis du ministère public, le dossier est confié à un
rapporteur désigné par le président (Art. 38, al ,1er LO)
.Le rapporteur procède à l'instruction de l'affaire en vue d'un
rapport écris à soumettre à la cour (Art 38, al 2 LO).
Sans être l'objet d'une procédure définie
au préalable, l'attribution des dossiers aux rapporteurs par le
président est faite de façon à ne pas surcharger les uns
par rapport aux autres 171 . Et chaque juge constitutionnel, quelque
soit sa spécialité, est en mesure de participer pleinement aux
travaux de la cour.
170 Art. 19 du règlement intérieur de la cour
constitutionnelle Béninoise.
171 G. ILOKI. » le rôle du rapporteur dans la saisine
du juge constitutionnel » article paru dans le journal le progrès
N°02 du 15 janvier 2009
112 Ensuite, le rapporteur peut entendre, les parties ou toute
personne dont l'audition lui paraît opportune, il peut aussi solliciter
des avis par écris. Le rapport terminé, il est transmis aux
membres de la cour pour délibération. A ce niveau, l'article 38,
al, 5 est ambigu, puisqu'il nous apprend que le rapport est examiner par les
juges constitutionnels et communiqué au président afin qu'il fixe
la date de l'audience.
Mais que se passera si les juges délibèrent contre
le rapport du rapporteur?
Le président est il tenu de fixer la date de
l'audience, même si une délibération négative a
été émise par les membres de la cour ? Par ailleurs,
puisque le rapport est lu par le rapporteur lors de l'audience, une
délibération positive n'est-elle pas obligatoire ? , auquel cas,
il conviendra de le préciser.
Cependant, en vertu de l'article 41, al, 2 LO, les
délibérés sont secrets c'est donc dans le silence d'un
vote à huit clos que se décide la délibération. Il
convient de souligner que l'alinéa 6 permet la divulgation des opinions
divergentes à la fin de l'arrêt.
Toutefois, cet alinéa ne va pas aussi loin comme aux
USA, en effet le nom de l'auteur de l'opinion divergente n'est pas
divulgué. Il s'agit d'un juste milieu entre le système
français ou l'unité des conseillers constitutionnels
prévaut avec pour conséquences, l'interdiction de divulgation de
toute opinion divergente et le système américain, ou les opinions
divergentes sont divulguées et les noms des auteurs aussi.
Ainsi, l'exercice efficace de l'action juridictionnelle oblige
son auteur à observer, outre les règles de compétences
précédemment analysées, les conditions de
recevabilité du recours. A défaut de respecter les
réglés relatives aux conditions d'introduction, le juge
constitutionnel refusera d'examiner au fond la démande172.
B) La procédure et le traitement de la saisine
recevable devant le juge constitutionnel
113 président de la république, le premier
ministre, les présidents des assemblées parlementaires nationaux
en vertu de l'article 37, al, 1er LO. En outre, lorsque le recours vise le
contentieux constitutionnel des provinces, le gouverneur et l'assemblée
provinciale sont informés (alinéa 2 du même article).
Conformément à l'article 37, al, 1er LO, les
parties ont accès au procès par écrit, en fournissant
à la cour des renseignements complémentaires à la
requête, soit des documents devant lui permettre de rendre sa
décision.
La procédure contradictoire est essentielle pour le bon
déroulement de l'instance, il s'agit aussi d'un principe garantissant
équité du procès.
C'est pourquoi en France, la procédure contradictoire
avait renforcée la juridictionnalisation de la procédure devant
le conseil constitutionnel 173 . Même si, dans le cas du
conseil constitutionnel français, la procédure contradictoire
n'était garantie que dans le contentieux électoral, mais
dotée d'une puissance de contagion évidente, la contradiction
applicable dans le contentieux électoral, devient rapidement essentielle
au contrôle des lois, avec le développement des recours
institutionnels motivés 174 . En effet ces derniers ont
contraint le juge à organiser de manière empirique et
systématique des échanges d'observations.
La contradiction est donc un élément
déterminant, quant la juridictionnalisation d'un organe, mais surtout
qu'elle est le principal moyen d'assurer le respect des droits de la
défense.
Pour autant, la procédure mise en place en RDC dans le
procès en inconstitutionnalité peut-elle être
définie comme pleinement ou seulement partiellement contradictoire ?
Au regard de l'article 35, al, 1er LO, la procédure est
contradictoire. Mais, on peut être amené à conclure que le
procès en inconstitutionnalité tel que mis en place en RDC n'est
que partiellement contradictoire. Et ceci eu égard à la
procédure de type inquisitoriale de la cour, aux pouvoirs
d'investigation très étendus du rapporteur désigné
et au caractère secret de l'instruction.
114 Toutefois, ces propos doivent être
tempérés par le fait qu'en vertu du même article, les
parties ont la possibilité de se faire assister par toute personne
compétente.
Par ailleurs, pour rendre plus transparente la
procédure, les audiences de la cour sont publiques sauf lorsque cette
publicité peut être dangereuse pour l'ordre public et les bonnes
moeurs, c'est ce résulte de l'alinéa 3 du même article.
Une dernière question mérite d'être
évoquée : il s'agit de l'égalité des armes. Quelles
sont les pièces constitutives de la procédure? Certaines
pièces sont-elles exclues delà procédure ? Toutes les
pièces sont-elles transmises ou accessibles aux parties ? En l'absence
d'une pratique de la cour ou d'un règlement intérieur fixant
expressément ces différents points nous ne pouvons y
répondre.
Cependant , l'on peut croire que le règlement
intérieur de la future cour s'orientera dans le sens de la
simplicité comme l'a fait la proposition de LO : par exemple , comme au
Bénin , une simple lettre remplissant les condition de validité
d'un recours ,peut conduire à une procédure 175 ou encore ,le
système de communication de pièces n'est pas admise en
matière de contrôle de constitutionnalité .
Enfin, la haute juridiction est tenue de rendre ses
décisions dans des délais constitutionnels
prédéfinis. Ceux-ci varient selon que la cour constitutionnelle
intervient comme juge électoral, ou comme juge des normes.
Toutefois, l'article 40 al, 1er LO fixe un délai dans
lequel la cour constitutionnelle doit statuer. Ce délai est de trente
jours à compter du dépôt du recours. En cas d'urgence et
à la demande du gouvernement, il peut être ramené à
huit jours francs.
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