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Les évolutions récentes du constitutionnalisme en RDC

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par Vievient MANANGOU
Université de Cergy-pontoise - Master 2 de droit public option transformation de l'Etat 2009
  

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Paragraphe 2 : Les compétences élargies du président

« Une institution est, sans doute, une histoire, une idée faite corps, des intérêts contraires coagulés, mais aussi des hommes ; et pour celui qui la dirige, le souci de l'institution se confond nécessairement avec le souci de soi »22.

Cette affirmation de Dominique ROUSSEAU est d'autant plus vraie qu'aux USA, la cour suprême s'identifie toujours à son président : cour Marshall, cour Warren... de même au Bénin la tendance est à cette personnalisation de l'institution constitutionnelle : cour Dossou23.

Certes, il n'est pas dans la tradition française de donner à une juridiction le nom de la personne qui la préside, néanmoins les noms des présidents qui ont marqué l'histoire du conseil constitutionnel par leur reformes comme Roger FREY24 président du conseil constitutionnel pendant l'ouverture de la saisine aux parlementaires en 1974 ou encore la présidence de Robert BADINTER 25marqueront à jamais l'histoire de la justice constitutionnelle française.

Ainsi, la notoriété et la compétence du président d'une cour qui plus est constitutionnelle est indispensable au bon fonctionnement de l'institution mais surtout elles permettent de mieux faire accepter les décisions de cette cour à l'opinion publique et politique .C'est pourquoi, les prérogatives du président de la cour et la manière dont il est désigné sont deux éléments essentiels.

La proposition de loi organique de la commission politique administrative et judiciaire de l'assemblée nationale congolaise fait un double choix : d'abord celle d'une élection du président par ses pairs (A) .Ensuite d'une extension des pouvoirs de celui-ci (B)

A) Un Qrésident élu

22 D.ROUSSEAU « la doctrine Badinter et l démocratie » P.1 1

23 Maître R.DOSSOU est président de la cour constitutionnelle Béninoise depuis le 6 juin 2008

24 R.FREY fut président du conseil constitutionnel français de 1974 à 1983

25 R.BADINTER fut président du conseil constitutionnel français de 1986 à 1995

21 L'article 7 de la proposition de loi organique stipule que le président de la cour constitutionnelle est élu au scrutin majoritaire à deux tours à bulletin secret par ses pairs pour une durée de trois ans renouvelable une seule fois.

La question de l'élection du président de la cour constitutionnelle par ses pairs est un choix démocratique qui mérite d'être signalé .Il est vrai qu'un certain nombre d'Etats africains comme le Congo Brazzaville ou le Cameroun ont fait le choix inverse c'est-à-dire, celui de la nomination du président de la cour ou du conseil constitutionnel par le président de la république.

Ce choix inspiré par le modèle français est tout aussi contestable que le mode de nomination des membres de la cour ou du conseil, essentiellement politique. Il est vrai qu'en France, certains présidents de cette institution furent des grands juristes comme Robert BADINTER, d'autres durent d'avantage cette fonction à leur rapports personnels avec le président c'est la cas de MM MAZEAUD et DEBRE qui étaient des vieux amis du président CHIRAC , cela peut conduire à douter de l'objectivité et de l'efficacité du conseil.

Ainsi contrairement aux autres constitutions européennes qui associent toujours le parlement à la nomination des membres des cours constitutionnelles d'une part et d'autre part laisse le choix du président de ces institutions aux pairs ; le système français importé dans des nombreux Etats africains est source de vives polémiques en Afrique et en France.

A titre d'exemple, la nomination de monsieur Gérard BINTSOUNDOU26 à la tête du conseil constitutionnel au Congo Brazzaville avait suscité une vive réaction de l'opposition congolaise. Ce monsieur étant l'un des plus proches collaborateurs du président de la république du Congo M SASSOU .Pour l'opposition il s'agissait d'une part, de contrôler la cour constitutionnelle pour peser sur le contentieux électoral qui est la principale mission la cour au Congo.

Par ailleurs, M BINTSINDOU étant entendu comme témoin assisté en France sur l'affaire des disparus du Beach du fleuve Congo27.

22 Cette nomination lui permettait de bénéficier de l'immunité juridictionnelle dont bénéficie les juges constitutionnels au Congo Brazzaville.

La proposition de loi organique de la commission fait le choix d'une démocratisation de la cour constitutionnelle en donnant la possibilité aux juges constitutionnels d'élire leur président. Cependant, un certain nombre d'interrogations subsistent, et la proposition de loi organique de la commission n'y répond point.

D'abord la question de la durée du mandat du président élu : celui-ci est de trois ans renouvelable une fois selon l'article 7 de la proposition de loi organique .l'article 5 de la même proposition de loi précise que le mandat des juges constitutionnels est de neuf ans. La combinaison des articles 7 et 5 de la proposition de loi organique nous permet de nous interroger sur la pertinence de la réduction du mandat présidentiel qui est de trois ans et en cas de deux mandats de six ans. Il y'a comme une interdiction tacite de pouvoir présider la cour constitutionnelle pendant neuf ans, pourquoi ? L'efficacité du mandat ne serait elle pas mieux préservée en fixant un mandat correspondant au mandat des juges constitutionnels c'est-à-dire neuf ans ? La question du renouvellement ne se poserait pas puisque résolue par la coïncidence des mandats.

Ensuite, se pose la question de la composition du corps électoral. Cette question ne se pose pas pour les autres démocraties occidentales notamment parce qu'il y'a un statut unique des juges constitutionnels .

Dans le cas de la cour constitutionnelle en République démocratique du Congo, la diversité de magistrats constitutionnels nous permet de nous interroger sur ceux qui auront le droit de participer à l'élection du président de la cour. Car outre les neuf membres de la cour constitutionnelle, celle-ci est composé des magistrats du parquet et des conseillers référendaires, dont le statut n'est pas clairement définis , sont-ils des juges ? Auquel cas, ils doivent participer à l'élection du président de la cour.

23 Mais il semble que sans être très clair, l'article 7 réserve l'élection du président de la cour aux seuls membres désignés selon la procédure prévue par l'article 2 de la proposition de loi organique.

Ainsi il reviendra au législateur organique de régler ces ambiguïtés en précisant le statut des autres magistrats de la cour constitutionnelle.

B) Les prérogatives du président de la cour constitutionnelle

« ...chaque président transmet au conseil, une part de lui-même, une part de ses convictions, de sa philosophie ... »28 cette affirmation de Dominique Rousseau n'est valable que lorsque le texte organisant le fonctionnement et l'organisation de la cour ou du conseil constitutionnel, donne un certain nombre de pouvoirs au président de ladite cour .

En France, ni la constitution de 1958, ni la loi organique N°58-1067 sur le conseil constitutionnel ne précisent les pouvoirs du président du conseil constitutionnel et notamment sur l'administration du conseil, seul l'article 16 de la loi organique pose que le président du conseil est l'ordonnateur du budget .

Cette absence d'attributions précises du président du conseil français contraste avec les pouvoirs dont disposent les présidents des autres cours constitutionnelles européennes .Cela s'explique sans doute aussi par le budget, les moyens matériels et en personnel qui reste très faible en France par rapport aux autres cours constitutionnelles, qui ont, il est vrai des compétences plus importantes.

La proposition de loi organique de la commission politique, administrative et judiciaire (C.P.A.J) de l'assemblée nationale de la RDC fais le choix inverse du conseil constitutionnel français.

Le président de la future cour constitutionnelle congolaise, disposera d'un ensemble de pouvoirs

28 D.ROUSSEAU .OC. P 19

24 assez variés et sera à ce titre un acteur incontournable à la fois dans l'administration de la cour mais également tout au long de la procédure du procès constitutionnel.

On retrouve dans la plupart des Etats africains, des présidents des cours ou conseils constitutionnels aux pouvoirs réduits ou quasi-inexistants. C'est le cas au Cameroun, ou le président du conseil constitutionnel, n'a presque aucun pouvoir administratif et d'ailleurs, le secrétariat général du conseil constitutionnel camerounais est presque lié au président de la République Camerounaise qui en fixe par un décret les modalités de fonctionnement et choisi de façon discrétionnaire celui qui on aura la charge, c'est ce qui résulte des alinéas 1 et 2 de l'article 10 de la loi du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du conseil constitutionnel Camerounais .

Toutefois, la proposition de loi organique de la C.P.A.J de la RDC s'inspire des quelques Etats africains qui accordent une place majeure au président de la cour. L'exemple le plus probant venant du Bénin. En effet dans ce pays , pionnier et exemple de la démocratie constitutionnelle en Afrique , la loi organique N°3 1--009 portant organisation de la cour constitutionnelle , fait du président de ladite cour , le principal acteur de l'organisation administrative de la cour constitutionnelle en lui accordant le pouvoir de nomination de l'ensemble des services rattachés à la cour ; c'est ce qui résulte de la combinaison des articles 2,39,12,16,17,19,20.Par ailleurs ,il dispose d'un pouvoir de proposition de nomination du secrétaire général de la cour constitutionnelle qui est du reste nommé par décret pris en conseil des ministres .

C'est dans ce sens que s'oriente la proposition de la C.P.A.J de l'assemblée nationale de la RDC .

Il convient à cet effet de distinguer les pouvoirs qui relèvent de l'administration générale de la cour ; et ceux relevant de la participation du président dans la procédure du procès constitutionnel.

25

a)Un président administrateur

D'après les alinéas 3 et 4 de l'article 7 de la proposition de loi organique, « le président de la cour est chargé de l'administration de la cour » « il dirige le personnel mis à la disposition de la cour ». Ces deux alinéas font du président de la cour le maillon essentiel quant au fonctionnement administratif de celle-ci. Par ailleurs pour le permettre de bien accomplir sa tache administrative, le président est assisté d'une part d'un greffe, c'est ce qui ressort de la lecture de l'article 16 de la proposition de loi organique ; et d'autre part, des conseillers référendaires avec des attributions assez imprécises mais placé sous l'autorité du président de la cour comme le stipule l'article 19 de la même proposition de loi.

Comme c'est le cas dans l'ensemble des cours et conseils constitutionnels, c'est le président de la cour qui réunit la cour comme le précise l'article 34 et c'est également à lui qu'est notifié la démission d'un membre, cependant, il doit informer, le président de la République, le président du sénat le président de l'assemblée nationale et le président du CSM de la démission du membre ; c'est ce qui résulte de l'article 30 de la proposition de loi organique.

Le président est aussi l'ordonnateur du budget de la cour. L'article 8 de la proposition de loi ajoute que le projet de budget de la cour est transmis au CSM qui à son tour le transmet au gouvernement. Le 2e alinéa de cet article semble poser une limite au projet du budget de la cour, car il précise que l'inscription au budget général de l'Etat ne se réalisera que si le projet de budget de la cour respecte les équilibres imposés par la loi de finance. Cet alinéa soulève au moins deux interrogations : pourquoi la cour constitutionnelle ne pourrait elle pas faire parvenir directement son projet de budget au gouvernement au lieu de passer par un intermédiaire ? Est ce un moyen d'affirmer l'autorité du CSM sur la cour ?

Ensuite, pourquoi ne confie t-on pas de manière explicite au président de la cour la compétence
de proposer le budget ? Puisque l'on sait qui lui reviendra d'arbitrer sur les priorités

26 budgétaires .Lui confier ce rôle, devrait contribuer à affirmer un peu plus son autorité sur l'ensemble de la cour.

A ce propos, le législateur organique congolais, pourrait s'inspirer du modèle Béninois, dans lequel l'article 18 de la loi organique portant sur l'organisation et le fonctionnement de la cour constitutionnelle, fait du président de la cour constitutionnelle, à la fois l'auteur du projet de budget de la cour et l'ordonnateur des dépenses. Une t-elle précision parait mieux adaptée que la formule congolaise qui fait de l'ensemble de la cour constitutionnelle l'auteur du projet du budget en droit alors qu'en fait c'est le président qui en sera le principal auteur .

Au delà des compétences administratives du président, celui -ci joue un rôle non négligeable tout au long de la procédure du procès constitutionnel. Il convient de souligner qu'il ressort de la LO N°08/013 portant organisation et fonctionnement du

CSM, que le président de la cour constitutionnelle est de droit président du CSM.

b) Le président : principal acteur du procès constitutionnel

La proposition de loi organique fait du président et de ces services des vrais remparts contre des recours de complaisance. En effet après réception du dossier par le greffe, celui-ci le fait parvenir au président de la cour, qui dans ces conditions devient, un véritable filtre. L'article 36 de la proposition de loi lui permet d'examiner préliminairement le dossier et si ce dernier constate que le dossier et soit irrecevable , soit infondé ou encore si il juge que la cour est incompétente à statuer , il peut communiquer le dossier à la chambre restreinte pour un nouvel examen .

Il joue dans ces conditions le rôle d'un verrou difficilement contournable ou presque incontournable puisque c'est lui qui doit fixer d'après l'alinéa 5 du même article la date de l'audience .

27 Il revient donc au président soit de constater la pertinence du dossier et de fixer au plus vite la date de l'audience soit d'en douter auquel cas il le transmet à la chambre restreinte pour un nouvel examen.

L'un des acteurs essentiels sinon indispensables du procès constitutionnel est le juge rapporteur .En effet le rapporteur d'une affaire doit briller par sa connaissance du dossier, une virtuosité argumentative et un pragmatisme, il doit faire en sorte que son rapport soit accepté par l'ensemble des membres de la cour.

Le rôle du juge rapporteur est essentiel, même dans des pays comme la France ou les opinions dissidentes ne sont pas rendues publiques et la recherche du consensus toujours espéré, ce rôle reste de premier plan, c'est pourquoi la désignation du juge rapporteur est loin d'être un pouvoir honorifique ou symbolique.

L'article 38 alinéa 5 de la proposition de loi organique confie cette compétence ou président de la cour, qui devra choisir, sans doute en fonction des compétences de ses collègues par rapport à chaque affaires mais, sans doute aussi en fonction de son intime conviction quant à la capacité du juge choisi de défendre un sujet ou un autre.

Enfin en vertu de l'article 41 de la proposition de loi organique, la voix du président est prépondérante en cas de partage de voix, cette prérogative n'est pas non plus anodine. Il peut arriver, que dans les grands sujets qui divisent l'opinion, la cour soit elle-même divisée en deux bloc égaux auquel cas toute l'importance de ce pouvoir que l'article 41 accorde au président de la cour prendra sens. Toutefois, s'il est vrai que la proposition de loi organique accorde des pouvoirs élargis au président de la cour constitutionnelle, elle ne va aussi loin que dans d'autre pays .Ici encore l'exemple du bénin est édifiant.

Contrairement à la plupart des pays africains inspiré par l'article 7alinéa 4 de la constitution française de 1958 qui confie l'intérim de la présidence de la république, au président du sénat en cas de vacance du pouvoir.

28 Tirant les leçons de l'importance majeure de la cour constitutionnelle dans le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et dans la protection des libertés, Le constituant Béninois ne laisse donc pas à la cour la seule possibilité de constater la vacance du pouvoir comme en France, mais fait du président de la cour constitutionnelle l'intérimaire du président en cas de vacance du pouvoir et ce sur le fondement de l'article 50 de la constitution de 1990.

Certes , la proposition de la C.P.A.J ,élargie les pouvoirs du président de la cour pour en faire un véritable manager , elle est à certains égard pas assez ambitieuse qu'au Bénin et par ailleurs un certain nombre d'élément contribuant à affirmer l'autorité du président de la cour et à faciliter sa gestion administrative doivent être clairement précisé par le législateur organique nous pouvons à titre d'exemple citer le corps des conseillers référendaires dont le rôle n'est pas précisé dans la loi mais aussi le rôle exact du président lors de la conception du budget de la cour .

Paragraphe 3 : un statut garantissant l'impartialité et l'independance des juges

Comme nous l'avons vu dans les paragraphes précédents, les nominations des membres de la future cour constitutionnelle congolaise sont politiques même l'intervention du CSM ne garantie le pluralisme.

La question de la politisation des cours ou conseils constitutionnels s'est toujours posée partout : en France ou le mode de désignation porte à critique mais aussi dans les Etats comme l'Espagne ou l'Allemagne ou pourtant le système de désignation est censé être plus démocratique .

Comme il est difficile de lutter contre la politisation, l'une des meilleurs garanties d'indépendance et d'impartialité est le statut des juges et leur situations une fois nommés.

Selon Esmein « l'indépendance est la condition , sinon suffisante du moins nécessaire de l'impartialité , celle qui fera non pas que les juges soient impartiaux mais qu'ils ne soient pas

29 empêchés de l'êtres ».Cette obligation d'un statut garantissant indépendance et impartialité est pris en compte dans la proposition de loi de la C.P.A.J de l'assemblée Nationale (AN) de la RDC .

Ainsi, « la où il n'y a pas de magistrats indépendants, il n'y a que des délégués du pouvoir »cette opinion de Royer-Collard ne peut, à l'évidence, s'appliquer aux membres de la cour constitutionnelle, qui disposent en contrepartie de leur obligation de réserve, des moyens d'accomplir leur missions en toute liberté29 .

L'indépendance des membres de la cour devrait être d'abord assurée par leur mandat long et non renouvelable (A), ensuite, une série d'incompatibilités garantira à la fois l'indépendance et l'impartialité(B).

A)Un mandat long et non renouvelable : gage d'indépendance

Le mandat long et non renouvelable est un élément essentiel pour une cour constitutionnelle pour au moins deux raisons :

d'abord elle permet aux juges constitutionnels de travailler sereinement dans la durée et ainsi de forger des techniques de travail acceptable par tous .

Ensuite , elle permet aux juges d'être à l'abri des invectives du responsable ou du camp politique auquel ils doivent leurs nominations.

D'après l'article 5, al,1er LO de la C.P.A.J de le l'AN de la RDC , les juges constitutionnels sont nommés pour un mandat de neuf ans non renouvelable .Il ne peuvent être révoqués et comme ils ne peuvent aussi être renouvelés, il bénéficient de ce qu'on appelle l'inamovibilité : définit par Esmein comme étant : « le fait de ne plus rien à craindre ni à attendre de l'autorité de nomination » il s'agit d' un véritable gage d'indépendance .

La longueur du mandat (neuf ans) est une durée assez normale dans une cour constitutionnelle

29 J et J-E. GICQUEL « Droit constitutionnel et institutions politiques » 22e édition P.741

30 et le fait que le mandat soit non renouvelable, est indispensable pour qu'ils ne cherchent pas à plaire à ceux qui les ont désignés30.

L'alinéa 2 du même article précise que la cour constitutionnelle est renouvelable par tiers tous les trois ans .Il s'agit d'éviter une rupture de méthodes et de jurisprudence consécutive à l'alternance.

La proposition de loi organique s'oriente dans le sens des grandes démocraties occidentales en accordant aux juges constitutionnels un mandat long pour faire leur travail de façon stable et non renouvelable pour mieux échapper aux pressions politiques.

C' est le cas en Allemagne où le mandat est encore plus long (douze ans) et à longueur du mandat, il convient d'ajouter la condition d'âge à l'entrée (40 ans minimum et 68 maximum).

En Espagne, le système est similaire, le mandat est de neuf ans, le tribunal constitutionnel est renouvelé par tiers tous les trois ans mais il y'a la possibilité d'être reconduit au tribunal mais pas immédiatement.

En Afrique subsaharienne , le principe des mandats long et non renouvelable pour les juges constitutionnel est presque acquis .Dans la plupart des pays c'est ce système qui prévaut : au Cameroun l'article 7 de la loi N°2004/004 pose le principe d'un mandat de neuf ans non renouvelable pour les conseillers constitutionnels ; au Burkina Faso, l'on retrouve dans les articles 2,3 et 4 de la loi organique N°01 1-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition , attributions et fonctionnement du conseil constitutionnel d'une part , le mandat unique de neuf ans et d'autre part l'inamovibilité des conseillers constitutionnels .

Il convient de souligner que dans deux pays si le principe est aussi clairement affirmé, il n'en demeure pas moins qu'il existe deux petites différences : d'abord à Madagascar ou le principe posé par l'article 89 alinéa 2 de l'ordonnance N°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la haute cour constitutionnelle , accorde un mandat de six ans non renouvelable aux juges constitutionnels et au Bénin ou l'article 115 de la constitution de 1990

31 stipule que le mandat du juge constitutionnel est de cinq ans , mais ce mandat de cinq ans est renouvelable une fois, pour autant la cour béninoise est l'une des meilleures en Afrique à la fois par rapport à sa jurisprudence et à son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique quelque soit par ailleurs les alternances.

Le non renouvellement de mandat se présente , objectivement comme , un gage d'indépendance par rapport à l'autorité de nomination .Toutefois , en cas de vacance, consécutive à la démission , prévue par l'article 30 de la proposition de loi organique ou en cas d'incompatibilité politique (articles 24) , une personne est nommée par l'autorité intéressée .Elle achève le mandat commencé .A l'expiration du terme normal, ce membre peut être renouvelé pour un mandat entier de neuf ans si le remplacement a été inférieur à trois ans .c'est ce qui ressort de la lecture de l'article 33 de la proposition de loi organique .

Cette disposition peut encourir la suspicion, au cas où la même autorité de nomination ne se résoudrait à la reconduction de celui-ci.

Seule la pratique nous révélera si nos interrogations sont fondées dans une telle circonstance.

Il est évident qu'en ce qui concerne le mandat, la C.P.A.J n'innove pas mais choisit la sécurité en optant pour ce qui existe et fonctionne bien en Afrique comme ailleurs .

Cependant, une interrogation mérite d'êtres soulevée :

La question de la révocabilité des juges constitutionnels est loin d'être aussi claire qu'elle y parait. Sont-ils révocables ? Et si oui par qui ? L'on a évoqué l'inamovibilité mais c'est simplement que l'on présume qu'ils sont irrévocables pendant l'exercice de leur mandat.

comme en France ou aucun article de la loi organique sur le conseil constitutionnel ni le texte même de la constitution ne prévoit, l'irrévocabilité, seule l'absence de désignation d'une autorité compétente pour révoquer un conseiller constitutionnel, permet de dire qu'ils sont irrévocables. Cette présomption en France n'a jamais été violée, parce que la France est une vieille démocratie ou la culture des contres pouvoirs est admise, même si la légitimité du conseil a

32

parfois été remise en cause.

Dans un pays comme la RDC où la justice constitutionnelle et la démocratie sont des nouveautés, il aurait fallut que cette question soit tranchée par un article prévoyant cette irrévocabilité. C'est d'ailleurs déjà le cas au Burkina Faso ou l'article 3 de la loi organique sur le conseil constitutionnel pose l'impossibilité de révocation des conseillers constitutionnels et au bénin ou l'article 115 pose le même principe.

B) Réserves et Incompatibilités gage d'indépendance et d'impartialité

Comme le mandat long et non renouvelable, l'obligation de réserve et le régime d'incompatibilité est un élément qui garantie l'indépendance des juges constitutionnels.

De ce point de vue, la plupart des constitutions modernes déterminent un régime d'incompatibilité et de réserve pour d'une part, lutter contre la confusion de pouvoirs et des intérêts et d'autre part, permettre au juge d'être totalement dévoué à sa fonction.

La proposition de loi organique de la C.P.A.J de l'AN de la RDC va dans ce sens .

Toutefois, il convient de souligner l'absence d'une prestation de serment pour les juges constitutionnels congolais. Cette absence est assez étonnante pour un pays ou la justice brille par sa dépendance au pouvoir politique est d'autant plus contestable que dans la plupart des pays en occident ou Afrique , la prestation de serment existe.

La prestation de serment est un acte par lequel ,les futurs juges constitutionnels s'engagent à exercer leurs fonctions en toute impartialité et indépendance .A titre d'exemple , en France l'article 3 de la organique sur le conseil constitutionnel prévoit qu'avant leurs entrées en fonction , les membres du conseil constitutionnel jurent de remplir fidèlement leurs fonctions et de garder secret les délibérations et les votes ; au Mali , c'est l'article 2 de le loi organique portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle qui stipule que les membres

33 de la cour constitutionnelle prêtent serment lors d'une cérémonie solennelle devant le président de la république enfin l'article 12 de la loi organique portant organisation et fonctionnement du conseil constitutionnel au Burkina Faso prévoit aussi une prestation de serment .

Pourquoi la proposition de loi organique de la C.P.A.J de l'AN de la RDC ignore cette prestation ? Et pourtant à l'origine, la proposition de loi organique initiée par l'honorable député Mohamed BULE GBANGOLO BASABE 31 déposée le 30 octobre 2007 à l'AN ; prévoyait dans son article 7 une prestation de serment des membres de la cour constitutionnelle devant le président de la république, l'assemblée nationale et le sénat. Pourquoi cette proposition n'a-t-elle pas été retenue par la C.P.A.J ? Peut être que cette prestation n'étant une obligation constitutionnelle ne pouvait être retenue ? Mais la C.P.A.J a pris certaine liberté par rapport à la constitution sur d'autres sujets, pourquoi ne pouvait-elle s'affranchir encore une fois, même si l'objectif de notre propos n'est pas d'encourager ce genre d'entorse à la jeune constitution congolaise mais néanmoins toutes ces questions restent sans réponses.

Ainsi, si les juges constitutionnels congolais ne sont pas astreints à prêter serment devant le président de la république, ils ont tout de même une obligation de réserve qui pèse sur eux.

a) Une obligation de réserve

D'après l'article 24 de la proposition de loi organique, pour préserver leur indépendance et leur dignité, les juges constitutionnels ont une obligation générale de réserve dans l'exercice de leurs fonctions. Cette obligation de réserve se manifeste concrètement par une absence de prise de position publique sur des questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet des décisions de la cour .Cette obligation s'impose aussi pour les membres de la cour constitutionnelle qui exerceraient en même temps des fonctions de professeurs d'universités. Ils ne peuvent être

31 M.M.BULLE GBANGOLO BASSABE est député d'opposition membre du mouvement pour la libération du Congo ,

34 consultés sur les mêmes questions relevant des prérogatives de la constitutionnelle, c'est ce qui résulte de la lecture de l'article 25 de la même proposition de loi.

Le 3e alinéa du même article interdit aux juges constitutionnels d'adopter des attitudes ou comportements tendant à démontrer leur appartenance politique ou syndicale en participant à des manifestations politiques partisanes ou syndicales. L'obligation de réserve est un principe assez partagé par la plupart des systèmes constitutionnels .En France, en Allemagne, en Espagne mais aussi en Afrique ou des pays comme le Bénin, le Congo Brazzaville... prévoit une obligation de réserve pour les membres du conseil ou de la cour constitutionnelle.

Il s'agit d'un principe indispensable, car comment imaginer une cour constitutionnelle censée trancher, en faisant respecter la constitution, être constitué des personnalités exerçant par ailleurs, une totale liberté quant à leurs interventions publiques au risque de contredire les décisions de la cour constitutionnelle .Il en va à la fois de la crédibilité de l'institution, de son efficacité et de son indépendance.

Cette indépendance doit encore être garantie par des incompatibilités

b) Le régime des incompatibilités

Ces incompatibilités visent à assurer l'indépendance de la cour constitutionnelle, et, par suite, à renforcer l'autorité de l'institution32

Conformément à l'article 17 de la proposition de loi organique, il est interdit aux membres de la cour constitutionnelle d'exercer d'autres fonctions publiques, l'alinéa 2 du même article précise cette interdiction en nommant les administrations concernées.

Par fonctions publiques, la proposition de loi entend :

des fonctions gouvernementales, et des entreprises d'Etats .Dans cet alinéa, la proposition de loi
innove en maintenant l'interdiction jusqu'à deux ans après la sortie de la cour constitutionnelle

32 S.LOUIS FERMERY « la constitution commentée article par article « 12e édition .P 122

35 .Cette interdiction prolongée peut s'expliquer par le souci d'éviter des démissions d'opportunités ou encore des arrêts de complaisance en faveur du pouvoir politique dans le but d'obtenir un poste à la sortie de la cour.

De même, l'article 28 pose expressément les fonctions qui sont incompatibles avec la fonction de juge constitutionnel : en sus des fonctions posées par l'article 26 , est ajouté l'exercice de tout emploi public, civil ou militaire ; est également incompatible , l'exercice d'un mandat électoral. L'article 29 semble admettre qu'un juge constitutionnel puisse exercer un service public si cela est prévu par la loi .

Cette disposition assez controversée pousse à s'interroger sur la distinction que font les auteurs de la proposition de loi entre les fonctions publiques et le service public ? L'alinéa 2 du même article pose l'interdiction de l'exercice d'une quelconque activité professionnelle ou commerciale et ce, même par personnes interposées.

Reste la question des sanctions en cas d'incompatibilité, c'est l'article 31 qui prévoit la sanction .En effet la cour constitutionnelle constate d'office la démission de ses membres qui accepterait exercer une fonction ou une activité incompatible avec le statut de juge constitutionnel .Cette sanction s'appliquer aussi en présence de la perte de droits civiques et politiques ou de l'empêchement définitif par suite d'incapacité physique.

Le régime des incompatibilités parce qu'il favorise l'impartialité et l'indépendance des juges a été repris par l'ensemble des pays qui ont une cour constitutionnelle et notamment en Afrique. Toutefois, ce régime tel que fixé par la proposition de loi garantie t-elle pour autant l'indépendance ?

Il semble que la rédaction de certaines incompatibilités prêtent à la confusion c'est le cas nous l'avons évoqué de la différence entre le service public et les fonctions publiques par ailleurs les juges constitutionnels ne bénéficient pas d'une immunité fonctionnelle.

Il est vrai qu'en France les conseillers constitutionnels ne bénéficient pas d'une immunité

36 personnelle, c'est ce qui ressort notamment de l'affaire DUMAS mais ils ont un statut assez protecteur.

Or la proposition de loi fixe un grand nombre d'obligation aux juges constitutionnel sans leurs accorder la protection nécessaires .Dans la proposition de l'honorable Bulle , l'article 8 faisait des membres de la cour constitutionnelle des justiciables , en premier et dernier ressort devant la cour de cassation .

Cette proposition non retenue ne répond pas à la question, même si il est vrai qu'un début de réponse était donnée dans la mesure où le juge compétent pour connaître des litiges contres les membres du conseil était désigné .en l'espèce , il s'agit de déterminer les garanties Judiciaires que le statut de juge constitutionnel accorde et le texte nous dit rien ou presque . L'expérience nous dira si les députés congolais ont eu raison d'accorder aucune protection fonctionnelle pour les juges, mais une autre solution était possible .

En regardant ce qui se fait dans la matière dans le continent , nous avons des nombreux exemples , nous allons en prendre deux :

d'abord au Mali ou l'article 7 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle pose le principe selon lequel , les membres de la cour constitutionnelle peuvent être poursuivis, détenus ou jugés en matière pénale qu'après avis de la cour constitutionnelle elle-même .En pratique , il s'agit d'un vrai filet protecteur qui permet au juge d'échapper à toutes pressions judiciaire fantaisiste ou simplement relevant de sa vie privée ; ce filet de protection peut être utile notamment , lorsqu'un juge constitutionnel est désigné comme rapporteur d'une affaire et en même temps est sous la menace d'une procédure judiciaire , la cour peut mettre en attente son avis pour laisser le temps au juge de finaliser son dossier sereinement ;ce qui contribuera sans doute à empêcher un travail bâclé sous la pression .Ce principe à toutefois une limite , il s'agit d'un cas de flagrant délit dans ces conditions , l'avis de la cour constitutionnelle avant le déclenchement d'une procédure n'est plus requise .

37 Ensuite au Burkina Faso, où l'article 5 de la loi du 27 avril 2000 pose le même principe avec la même exception, sauf que cet article ajoute une obligation d'information du président de la cour dans les quarante huit heures en présence d'un cas de flagrant délit .

Ces deux protections spécifiques n'existent pas pour le juge constitutionnel congolais.

Dans le silence des textes, c'est le régime exorbitant de droit commun des magistrats qui s'applique mais le juge constitutionnel n'est un magistrat commun, ni dans son statut ni dans sa fonction.

Toutefois, ni l'obligation de réserve, ni le régime des incompatibilités sont véritablement des remparts contre les excès de certains juges ou conseillers constitutionnel :

en France ,V GISCARD D'ESTAING n'a pas toujours respecté cette obligation de réserve de même, Mme Simone VEIL s'est placée en congé du conseil pour soutenir le oui au referendum sur la constitution européenne.

En définitive, la compatibilité sera appréciée au regard de l'obligation générale des conseillers de s'abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l'indépendance et la dignité de leurs fonctions33. Un juge constitutionnel relève d'abord et souvent de sa propre conscience plus que d'un statut.

Tableau 1 : Tableau récapitulatif 1

Membres nommés (Art 158 de la constitution de 2006 et Art 2 de la proposition de loi)

 

Autorités de Nomination

 

Président de la République : il nomme les neuf membres de la cour constitutionnelle

doivent être

(art

dont trois de sa propre initiative .Deux membres sur trois, désignés par lui des juristes, issus du barreau, de l'enseignement universitaire ou de la magistrature 4 de la proposition de loi organique).

Parlement réunis en congrès : désigne trois membres .Un des trois membres

doit être (art 4 de la

 

juriste issu du barreau, de l'enseignement universitaire ou de la magistrature proposition de loi)

Conseil supérieur de la magistrature : il désigne trois membres qui

sont issus du

pouvoir judiciaire (art 4 de la proposition de loi)

Le président de la cour constitutionnelle est élu par ses pairs, il à voix prépondérante en cas de partage. IL a en charge l'administration de la cour et est l'ordonnateur du budget (art 7 et 8 de la proposition de loi organique).

Tableau 2 : Tableau Récapitulatif 2

Cour constitutionnelle

Garantie d'indépendance

Mandat long de 9 ans non renouvelable. (art 5) Inamovibilité sauf démission volontaire (art30) ou d'office prononcée par la CC (art 30 a 2).

Les juges sont soumis à une obligation de : réserve (art 24), neutralité (art 25 a 2) et d'impartialité

(art 25a 3).

Incompatibilités

Incompatibilités Politiques (art27et28)

Incompatibilités Professionnelles (art29)

Membre du Gouv, même deux ans après sa sortie de la cour ; mandat électoral

; appartenance à un parti politique.

Aucune activité professionnelle ou commerciale même par personne interposée.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard