2-4 ORIGINE ET ETAPES DE
L'ENDETTEMENT EXTERIEUR DU BENIN
Le Bénin a connu toutes les étapes de
l'endettement des pays du Tiers Monde en général et des pays
pauvres très endettés (PPTE) en particulier : l'endettement
extérieur dans les années 70 sur fond de guerre froide,
récession dans les années 80 et ajustement structurel sous la
coupe du FMI et de la Banque mondiale dans les années 90.
Au début des années 70, la stratégie de
développement béninoise consiste à industrialiser le
marché intérieur. Dans ce but, le pays se finance à
l'extérieur et lance trois grands projets : la Société
Sucrière de Savé (SSS), la Société de Cimenterie
d'Onigbolo (SCO) et le Projet Pétrolier de Sémè (PPS),
dont les deux premiers sont réalisés conjointement avec le
Nigéria. Parallèlement, la Banque mondiale financera une
trentaine de projets sous le régime d'alors. C'est le début de
l'endettement extérieur. Comme un peu partout dans le Tiers Monde
à cette époque, l'endettement extérieur du pays reste
limité du fait que les taux d'intérêt des emprunts sont
faibles. Mais lorsque les États-Unis décident de tripler leur
taux directeur en 1979, le choc sur les taux internationaux touche les pays du
Sud nouvellement endettés ; le Tiers Monde se retrouve avec des charges
de remboursement subitement élevées, tandis que les prix des
matières premières qu'il exporte fondent comme neige au soleil
sur les marchés mondiaux. Le Bénin ne fait pas exception : entre
1980 et 1985, le service annuel de sa dette extérieure passe de 20
à 49 millions de dollars, tandis que son produit national brut (PNB)
chute de 1,402 à 1,024 milliards et que le stock de sa dette explose de
424 à 817 millions. Ainsi, le rapport entre le stock de la dette et le
PIB du Bénin passe de 30 à 80% au cours de la première
moitié des années 80
Le pays accumule alors les
arriérés, c'est-à-dire qu'il devient incapable de remplir
ses obligations, et en 1989, année marquée par un déclin
des finances, le Bénin ne se voit proposer une assistance
extérieure qu'à la condition d'adopter un programme d'ajustement
structurel concocté par les experts du FMI. C'est ainsi que le 16 juin
1989, le pays signe son premier plan d'ajustement en échange d'une
facilité d'ajustement structurel renforcé (FASR) de 21,9 millions
de DTS (droits de tirages spéciaux du FMI). Au programme :
réduction des dépenses publiques et réforme fiscale ;
privatisation, réorganisation ou liquidation des entreprises publiques ;
réforme du secteur bancaire ; libéralisation ; obligation de ne
contracter que des emprunts à taux concessionnels (avec un
élément don d'au moins 35%) ; tout à l'exportation
concentrée sur quelques produits de base (cacao, coton, huile de palme,
café) ; etc. Parallèlement, dès le 22 juin 1989, le pays
signe un premier accord de rééchelonnement avec le Club de Paris
(cartel des pays créanciers) pour un montant de 199 millions de dollars
et reçoit un allégement de 14,1% de sa dette. Arrive alors la
transition démocratique qui offre aux populations béninoises
l'espoir de voir enfin leur émancipation s'amorcer.
Symbole des nouvelles relations liant le
Bénin "démocratique" au FMI, à la Banque mondiale et au
Club de Paris, les années 90 vont voir le pays multiplier les passages
devant les experts de Washington et les créanciers bilatéraux
(les cinq principaux créanciers bilatéraux du pays étant
la France, la Norvège, la Belgique, l'Italie et la Grande-Bretagne).
Dès le 1er août 1991, le pays signe un second plan d'ajustement
structurel, suivi le 18 décembre 1991, par la signature d'un nouvel
accord de rééchelonnement avec le Club de Paris. Le 25 janvier
1993, les deux premiers plans d'ajustement sont jugés "bons" par les
experts du FMI et un accord triennal (1993-1995) de facilités
d'ajustement structurel renforcé (FASR) de 65 millions de dollars est
signé, suivi le 21 juin 1993 par un troisième accord de
rééchelonnement avec le Club de Paris (sur un montant de 31
millions de dollars comprenant la dette précédemment
rééchelonnée).
Mais tous ces passages devant les créanciers
n'enrayent en rien la spirale de l'endettement extérieur. Si les
réformes néolibérales suivent leur cours de manière
méthodique, les accords à répétition ne font que
reporter en aggravant les charges de la dette béninoise. La raison en
est simple : d'une part, le pays est asphyxié par le fardeau d'une dette
en croissance continue, à un point tel qu'une des utilisations majeures
des nouveaux prêts est de financer le déficit du pays. C'est
l'effet "boule de neige", par lequel les nouveaux emprunts alourdissent la
dette existante. D'autre part, si les investissements financés par
l'extérieur s'accélèrent, les revenus du pays restent des
plus légers. Aussi, les emprunts extérieurs sont destinés
majoritairement au financement de l'administration et des infrastructures,
c'est-à-dire des secteurs d'investissement à long terme ne
générant pas de revenus immédiats.
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