Paragraphe 2. L'autorité des juges du
Comité Judiciaire
En Angleterre, les juges supérieurs, principalement les
Lords, bénéficient d?un très grand prestige qui n?est pas
purement théorique ou symbolique501 mais tout à fait
réel. La Common Law contraint les justiciables au respect des juges (A).
Ceux-ci jouissent, par convention, d?une très grande autorité
morale (B).
A. Les moyens juridiques de se faire respecter
Les juges du Comité Judiciaire ont le pouvoir de se
faire respecter (a) et de faire respecter leur institution et le fonctionnement
de la justice (b) par l?application des règles juridiques anglaises
relatives à l?atteinte à l?autorité de justice
(contempt of Court)502.
501 Lors de l?ouverture solennelle des cours chaque automne,
les juges de la Cour Suprême de Justice arrivent en grande procession en
costume d?apparat.
502 Ce droit est classiquement divisé en, d?une part,
l?atteinte de nature civile (par exemple, le refus d?exécuter une
décision de justice) et, d?autre part, celle de nature pénale,
sous la forme d?un délit (par exemple, l?outrage à un magistrat).
Il paraît qu?en Common Law la notion d?atteinte à
l?autorité de justice est bien plus large que les notions d?entrave au
fonctionnement de la justice et l?atteinte à l?autorité de la
justice des articles 434-24 et suivants du Nouveau Code Pénal
français.
«L?atteinte à l?autorité de justice est
basée sur les principes les plus larges, notamment celui que les cours
ne peuvent pas et ne permettront aucune ingérence dans le fonctionnement
de la justice. Son application est universelle», CA: 17 juillet 1987,
Attorney-General c/
a. La protection de la personne du juge
Les juges sont protégés contre des critiques
à l?égard de leurs personnes dans l?exercice de leur
fonction503. Le fait de porter atteinte à la dignité
ou au respect dû à la fonction d?un magistrat constitue un outrage
sévèrement puni par la Common Law504. Celle-ci a
prévu une forme rapide et simplifiée de sanction de tout outrage
commis à l?audience (contempt in the face of the
Court)505. Il revient aux juges en formation de jugement de
statuer eux-mêmes et sur le champ sur tout propos ou agissement
considéré comme outrageant et de sanctionner l?auteur. Dans le
cadre de ce contentieux, les juges en formation de jugement agissent à
la fois comme juges et parties et dérogent aux grands principes de la
procédure pénale anglaise.
L?outrage à un juge peut aussi être commis par
des paroles ou écrits de toute nature rendus public, en dehors de
l?audience. Ce sont notamment les commentaires visant à jeter le
discrédit sur l?intégrité d?un juge. Par exemple, selon la
jurisprudence, le fait d?accuser le Lord-Chef-Juge d?avoir agi arbitrairement
et illégalement constitue au sens de la Common Law un
outrage506. Le discrédit est un abus de la
critique507.
Les juges anglais sont en général très
bien respectés et ils recourent rarement à la procédure
dérogatoire au droit commun (summary procedure) pour
sanctionner les abus. Il n?y a eu que quatre ou cinq cas d?outrage à un
juge depuis un siècle et il faut remonter loin dans le temps pour
trouver des décisions de justice sur le sujet.
b. La protection de l'institution judiciaire
La Common Law réprime tout discrédit jeté
sur une institution de justice (scandalising the court) et sur les
décisions juridictionnelles. Le mode
Newspaper Publishing, All ER, 1987, vol. 3, pp. 276 à 315,
Sir John Donaldson rédacteur de la décision principale.
V. MILLER C. J.: «Contempt of Court», Oxford, Clarendon
Press, 1989, 492 p.
503 MACKAY of Clashfern, Lord, The Right Honourable: «The
Administration of Justice», Londres, Stevens and Sons, The Hamlyn
Lectures, 1994, 91 p., v. p. 2.
504 Sir Alfred Denning (plus tard Lord Denning) soutint qu?il
est essentiel que l?indépendance des juges soit reconnue et
acceptée parce que: «If they should be libelled by traducers, so
that people lost faith in them, the whole Administration of Justice would
suffer», DENNING Alfred, Sir: «The Road to justice», Londres,
Stevens and Sons, 1955, 118 p., v. p. 73.
505 L?outrage commis à l?audience désigne
l?entrave commise devant le juge et qu?il a lui-même vue. Il n?a pas
besoin de recourir aux témoignages pour être persuadé. V.
DENNING Lord: «The due process of law», Londres, Butterworth, 1980,
263 p., v. p. 5.
506 MILLER C. J., cité note 502, v. p. 366.
507 CJCP: 22 juillet 1899, McLead c/ St. Aubyn, AC, 1899, pp. 549
à 562, affaire de St. Vincent, Lord Morris rédacteur de
l'arrêt.
d?expression du discrédit importe peu. Il peut
être le fait des actes, paroles, écrits ou images de toute nature.
Par contre, le discrédit doit être proféré dans des
conditions de nature à porter atteinte à l?autorité de la
justice tout entière. Prise en tant qu?institution, elle est atteinte
à travers les critiques visant la décision émanant d?une
juridiction.
Néanmoins, la Common Law autorise l?expression des
critiques même virulentes d?une décision ou du fonctionnement des
cours de justice, notamment les commentaires techniques, publiées dans
les revues juridiques spécialisées. Critiquer un jugement pour
des motifs de droit ne saurait être considéré comme une
atteinte à l?autorité de justice508. La Common Law ne
supprime pas la liberté de la presse509 et ne
considère pas le judiciaire comme infaillible510.
Enfin, il convient de faire ressortir que la Common Law
englobe dans la notion d?entrave au fonctionnement de la justice tout refus
d?un justiciable ou autre autorité publique d?exécuter ou de
concourir à l?exécution d?une décision ou ordonnance d?un
juge ou d?obéir à son ordre.
B. L'autorité morale des juges du
Comité Judiciaire
En dehors des obligations de la Common Law, l?état des
moeurs en Grande-Bretagne impose aux justiciables et praticiens du droit un
respect, voire une admiration511, envers les hauts magistrats, en
particulier les Lords judiciaires (a). L?autorité morale accordée
par les juridictions à leurs décisions traduit parfaitement cette
autorité (b).
a. La révérence à l'égard des
Lords judiciaires
Nous avons vu que les Lords judiciaires constituent un petit
groupe de juristes clos faisant partie de la noblesse britannique. Les
praticiens et théoriciens du droit entretiennent peu de relations avec
eux en dehors de leurs
508 CJCP: 2 mars 1936, Ambard c/ Attorney-General, AC, 1936, pp.
322 à 337, affaire de Trinité et Tobago, Lord Atkin
rédacteur de l'arrêt.
509 Sur la liberté de la presse de critiquer les
institutions judiciaires v. GOODHART Arthur L.: «Newspapers and contempt
of court», HLR, 1935, vol. 48, pp. 885 à 910.
510 «We do not fear criticism, nor do we resent it... It
is the right of every man, in Parliament or out of it, in the press or over the
broadcast, to make fair comment, even outspoken comment, on matters of public
interest. Those who comment can deal faithfully with all that is done in a
court of justice. They can say that we are mistaken and our decisions are
erroneous», CA: 26 février 1968, Regina c/ Metropolitan Police
Commissionner, ex parte Blackburn n° 2, All ER, 1968, vol. 2, pp. 319
à 321, Lord Denning rédacteur de l'arrêt.
511 Lord Hewart disait en 1936 que les juges de Sa Majesté
étaient universellement admirés. V. PANNICK David: «The
Judges», Oxford University Press, 1987, 255 p., v. p. 174.
fonctions512. La doctrine s?abstient de critiquer
sévèrement les Lords tant elle leur doit un grand
respect513.
Selon une ancienne règle coutumière de la
déontologie des avocats britanniques, un avocat à la barre devant
une formation composée de Lords judiciaires ne devait invoquer à
l?appui de ses arguments aucune autorité doctrinale
britannique514 ou une décision de justice d?une cour
inférieure dans la mesure où aucune autorité, notamment
celle des théoriciens, ne pouvait être supérieure à
celle des Lords515. Cette règle non écrite obligeait
les avocats à présenter comme les leurs les arguments doctrinaux.
Les Lords, dans leurs décisions, faisaient très rarement
référence à la doctrine alors que les juges de la Cour
Suprême des Etats-Unis d?Amérique et ceux des autres pays de
Common Law l?invoquaient fréquemment516.
Cette règle de non-référence est
tombée en désuétude à partir des années
soixante avec le développement de l?Etat providence. Lord Reid fut
particulièrement attentif aux opinions des théoriciens du droit
(academic lawyers)517 et l?influence de la doctrine fut
déterminante dans certaines affaires décidées par les
Lords518. Au Comité Judiciaire, les références
à la doctrine sont désormais fréquentes même en
matière de Common Law519.
512 Ce caractère très élitiste et
renfermé du système judiciaire anglais permet de protéger
davantage les institutions juridictionnelles et valoriser les décisions
de justice.
513 PATERSON Alan: «The law Lords», Londres, Macmillan,
1982, 288 p., v. p. 12.
514 C?était la règle dite de
non-référence devant les Lords (non-citation rule before the
Lords).
515 Monsieur Alan Paterson relève dans son étude
que peu de Lords lisaient les revues juridiques. L?auteur cite même un
cas où un avocat faisait référence aux écrits de
Albert Venn Dicey lors de sa plaidoirie. Le Lord-Chancelier Jowitt lui demanda:
«What have the views of Professor Dicey to do with us ? Is he an authority
?», PATERSON Alan, cité note 513, v.p. 220.
516 Cette attitude des Lords du Conseil Privé fut
sévèrement critiquée pour son irrationalité. V.
ELLIOT J. H. S.: «Appeals from overseas to the Privy Council», MLR,
1963, pp. 311 à 315.
Par ailleurs, Sir Robert Megarry, membre du Comité
Judiciaire, écrit que: «It cannot be right to allow an English
judge to decide a point of law in ignorance of the fact that, say the High
Court of Australia or the Supreme Court of Canada has recently decided just the
opposite... If a rash generalisation is permissible, it could be said that
English judgments tend to be stranger on principle and reasoning than are
exhaustive of the authorities, whereas Commonwealth judgments devote more space
to the authorities», MEGARRY Robert E., Sir: «Lawyer and litigant in
England», Londres, Stevens and Sons, 1962, 205 p., v. p. 162.
517 REID Lord: «The Judge as a law-maker», JSPTL,
1972, pp. 22 à 29. Lord Reid écrit que: «We turn a blind eye
to the rule that an academic writer is not an authority until he is dead,
because then he can no longer change his mind», ibid., p. 22.
518 PATERSON Alan, cité note 513, v. p. 16 et 17.
519 CJCP: 14 février 1994, Evan Rees c/ Richard Alfred
Crane, cité note 427. Lord Slynn rédacteur de l'arrêt, se
réfère aux travaux des Professeurs Wade et De Smith sur le droit
administratif.
La règle de non-référence n?a pas
été formellement abolie. Monsieur Alan Paterson cite dans son
étude l?affaire CJCP: 15 février 1971, Sigismund Palmer c/ The
Queen, WLR, 1971, vol. 2, pp. 831 à 846, affaire de Jamaïque, Lord
Moris of Borth-y-Gest rédacteur de l'arrêt, dans laquelle Lord
Avonside, président de la formation de jugement du Comité
Judiciaire, interdit à un avocat la citation d?un passage de l?ouvrage
de Monsieur le Professeur Gordon sur le droit pénal écossais. V.
PATERSON Alan, cité note 513, v. p. 17.
Par ailleurs, les avocats au Conseil Privé, en tant
qu?auxiliaires de justice, doivent participer de manière responsable
à l?administration de la justice. Ils ne doivent présenter des
moyens frivoles et inconsistants qui manifestement n?auraient aucune chance
d?être retenus par les Lords judiciaires. Dans l?affaire Chel Mohamed c/
E. A. Ahmad de l?île Maurice, les Lords ont souligné que l?avocat
du demandeur au pourvoi n?a pas invoqué, à juste titre, devant le
Comité Judiciaire le grief selon lequel l?élection
contestée n?était pas libre et loyale, argument avancé
devant la Cour Suprême locale520. De même dans l?affaire
Wong Ng, le Procureur Général (Solicitor-General) de
Maurice ne défendit devant les Lords la jurisprudence erronée de
la Cour Suprême521. Les avocats ne doivent recourir qu?aux
arguments pertinents (tenable arguments) pouvant valablement
influencer les Lords. Pour faire respecter ce principe et sanctionner l?emploi
des moyens surabondants et inutiles, les Lords peuvent attribuer les frais de
procédure aux dépens de la partie fautive522.
b. L'autorité de leurs décisions
Les décisions du Comité Judiciaire sur saisine
des justiciables mauriciens s?imposent aux pouvoirs publics et à toutes
les autorités juridictionnelles mauriciens. Le Comité Judiciaire
étant au sommet de la hiérarchie des institutions judiciaires
mauriciennes, ses décisions ne sont susceptibles d?aucun recours en
droit interne. Selon la règle du précédent, principe issu
de la Common Law, la Cour Suprême locale est liée par la
jurisprudence du Tribunal de la Downing Street intervenue en contentieux
mauricien. Le principe du précédent interdit aux juges locaux de
s?arroger du pouvoir d?opérer un revirement de jurisprudence
élaborée par le juge londonien523. Les juges locaux ne
sont non plus autorisés à atténuer les effets d?un
précédent de la Haute Instance londonienne par la technique de
distinction des cas de l?espèce. Le
520 CJCP: 22 mars 1994, Chel Mohamad c/ Essouf A. Ahmed, WLR,
1994, vol. 1, pp. 697 à 707, affaire de Maurice, Lord Slynn of Hadley
rédacteur de l'arrêt. Il souligne que: «It should be said at
once that this second contention was rejected by the Supreme Court and very
properly not pursued by Mr Cox on behalf of the petitioners before the Judicial
Committee», ibid., p. 700.
521 CJCP: 20 juillet 1987, Pierre Simon André Sip Heng
Wong Ng c/ The Queen, WLR, 1987, vol. 1, pp. 1356 à 1360, affaire de
Maurice, Lord Griffiths rédacteur de l'arrêt. Il souligne que:
«It should be said at once that the Solicitor-General very properly did
not seek to uphold their convictions», ibid., p. 1358.
522 PATERSON Alan cité, note 513, v. p. 29.
523 «So long as there is an appeal to their Lordships?
Board or to the House of Lords, the Court of Appeal should... leave it to the
final appellate tribunal to correct any error in law which may have been crept
into any previous decision of the Court of Appeal. Neither their Lordships?
Board nor the House of Lords is now bound by its own decisions and it is for
them, in very exceptional cases in which this Board or the House of Lords has
plainly erred in the past, to correct those errors, just as it is for them
alone to correct errors of the Court of Appeal», CJCP: 25 juin 1979,
Attorney-General of St. Christopher c/ John Reynolds, WLR, 1980, vol. 2, pp.
171 à 189, affaire des Antilles anglaises, Lord Scarman rédacteur
de l'arrêt, v. p. 186.
Comité Judiciaire casse systématiquement les
arrêts de la Cour Suprême de Maurice qui méconnaissent ses
précédents524. Par contre, le juge mauricien
revendique le droit d?écarter un précédent du
Comité Judiciaire intervenu antérieurement à
l?entrée en vigueur de la Constitution de 1968 si celui-ci est contraire
à la Norme Fondamentale525.
Aussi, les décisions du Comité Judiciaire
rendues hors contentieux mauricien ne lient pas le juge local en vertu du
principe selon lequel le Comité Judiciaire, statuant sur une affaire,
agit en tant que l?autorité suprême du seul pays d?où
provient le recours526 sauf s?il a statué, dans la
décision en question, sur un texte de loi similaire à celui que
le juge local a à en connaître527.
Cependant, il y lieu de souligner que le Comité
Judiciaire, attribuait à ses précédents une
autorité obligatoire (binding authority) dans toutes les
colonies de l?Empire. Sa politique consistait à unifier les droits des
diverses colonies528. Il ne poursuit plus une telle finalité.
Il agit désormais en tant que tribunal des Etats souverains. Il ne faut
pas pourtant pas conclure que ses décisions rendues en contentieux
étranger n?ont aucune valeur morale. Le juge mauricien est appelé
à suivre la ligne jurisprudentielle du Comité Judiciaire pour ne
pas courir le risque de cassation de ses arrêts.
Enfin, il convient de faire ressortir que les décisions
du Comité Judiciaire jouissent d?une grande autorité en
Grande-Bretagne du fait qu?elles sont l?oeuvre des Lords judiciaires, les plus
hauts magistrats britanniques529. L?analyse faite par les Lords
judiciaires du Comité Judiciaire et leurs
524 CJCP: 2 décembre 1987, M. Moraby c/ The Queen,
affaire de Maurice, Lord Bridge of Harwich rédacteur de l'arrêt et
CJCP: 11 novembre 1991, Curpen c/ Regina, LRC, 1992, vol. criminal, pp. 120
à 125, affaire de Maurice, Lord Goff rédacteur de
l'arrêt.
525 L?Ordonnance royale de 1968 sur l?indépendance de
Maurice (The Mauritius Independence Order 1968) prévoit en son
article 5 que les lois antérieures sont maintenues sous réserve
de leur mise en conformité à la Constitution. V. CSM: 27 juillet
1972, Director of Public Prosecutions c/ Masson, MR, 1972, pp. 204 à
216, le juge Ramphul rédacteur de l'arrêt.
526 ROBERTS-WRAY Kenneth, Sir: «Commonwealth and colonial
law», Londres, Stevens and Sons, 1966, 1008 p. L?auteur y écrit
que: «... when determining an appeal from one country, (the Judicial
Committee) is not sitting as part of the judicial hierarchy of other countries
within its jurisdiction, from which the conclusion is to be drawn that the
courts of other countries are not obliged to follow its own decisions»,
ibid., p. 573.
527 CSM: 7 décembre 1981, Société United
Docks c/ Government of Mauritius, LRC, 1985, vol. constitutional, pp. 805
à 821, le Chef-Juge Sir Maurice Rault rédacteur de l'arrêt.
Il fait observer que: «The decisions of the Privy Council are binding upon
us when they apply Mauritian law. In the Malaysia case, they were construing
Malaysian law, and their decision would be binding only if it were first shown
that, on the point in issue, Malaysian law and Mauritian law are
identical», ibid., pp. 811-12.
528 CJCP: 10 octobre 1951, Fatuma Binti Mohamed Bin Salim
Bakshuwen c/ Mohamed Bin Salim Bakshuwen, cité note 138.
529 MARSHALL H. H.: «The binding effect of decisions of
Judicial Committee of the Privy Council», ICLQ, 1968, pp. 743 à
749.
conclusions sont souvent suivies par les juges
anglais530 et les Lords eux-mêmes en formation
juridictionnelle à la Chambre des Lords531.
530 HC: 8 février 1962, Regina c/ Patents Appeal
Tribunal, ex parte Swift and Company, QBD, 1962, vol. 2, pp. 647 à 664,
le Lord-Chef-juge Parker rédacteur de l'arrêt. Il souligne qu?il
est important que le droit anglais et les droits d?origine anglaise soient
identiques: «That desirability must result in a tendency of our courts to
follow those (of the Privy Council) decisions if it is possible to do
so.»
531 «Les décisions du Conseil Privé ont une
autorité presque aussi importante que celle de la Chambre des Lords.
Ainsi, les grands arrêts en matière de responsabilité de
l?Administration sont des décisions du Conseil Privé statuant
comme cour suprême de la Nouvelle-Zélande et de Hongkong...»,
BELL John: «Le droit adminsitratif comparé au Royaume-Uni»,
RIDC, 1989, pp. 887 à 892, v. p. 888. V. également THE DIGEST:
«Annotated British, Commonwealth and European cases», Londres,
Butterworth and Company, 1992, 51 vol., v. vol. 30, pp. 373 à 375.
*
Les développements qui précèdent nous
conduisent à constater que les membres du Comité Judiciaire ne
constituent pas un simple corps au sein de l?Etat mais exercent bien un pouvoir
comparable aux pouvoirs législatif et exécutif. La fonction de
juger en Angleterre n?est pas simplement un aspect de la fonction publique. La
position sociale des membres du Comité Judiciaire est exceptionnelle.
Une fois nommé, le Lord judiciaire devient détenteur d?un pouvoir
totalement autonome. De sorte que, par exemple, toute idée pour les
hauts magistrats britanniques, et les Lords judiciaires par excellence, de
présenter une revendication professionnelle par la voie syndicale est
une incongruité absolue. Les Lords sont assimilés au pouvoir et
pratiquent le pouvoir.
Le juge du Comité Judiciaire exerce une fonction
indépendante, exclusive de toute subordination au moment de la prise de
sa décision. Pourtant, son autonomie, si forte soit-elle, ne n?est pas
si apparente du point de vue organique tant la structure à laquelle il
appartient est complexe.
La nature du Comité Judiciaire est à
définir. Il a lieu de voir, comment, au-delà et en vertu
même de la complexité de la structure du Tribunal de la Downing
Street, la justice londonienne acquiert une dimension exceptionnelle, voire une
magnificence. Dans ce même ordre d?idées, nous examinerons le
fonctionnement du Comité Judiciaire.
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