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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 1. L'obtention de l'autorisation de saisine du Comité Judiciaire

Le pourvoi au Comité Judiciaire appelle quelques commentaires. A l?inverse du système français du pourvoi en cassation, le recours à Londres n?est pas ouvert automatiquement aux parties à l?instance qui a conduit à la décision attaquée. La procédure est lourde. Mais, à y regarder de plus près, elle se justifie par le caractère exceptionnel du recours. Elle permet aussi d?accorder au litige toute son importance et sa civilité.

Le pourvoi à Londres est soumis à une condition: l?obtention de l?autorisation de saisine. Celle-ci peut être délivrée soit par la Cour locale, la Cour Suprême de Maurice (A), soit, le cas échéant, par le Comité Judiciaire lui- même (B).

A. Autorisation délivrée par la Cour Suprême de Maurice

A la fin d?une affaire jugée par la Cour Suprême, la partie succombante peut demander l?autorisation de porter l?affaire devant le Comité Judiciaire. La Cour locale elle-même exerce un filtrage593. Le législateur britannique a estimé que la Cour qui a rendu la décision que l?on se proposait de frapper d?un recours est la mieux placée pour se prononcer, au cours d?un procès distinct, sur l?opportunité d?accorder l?autorisation de saisine. Ce système de filtrage est très serré et s?explique par l?étendue de la compétence territoriale du juge londonien.

Deux cas de figure se présentent. Dans certaines matières prévues, la Cour a une compétence liée et doit accorder l?autorisation (a) et dans d?autres matières, la Cour dispose d?une compétence d?appréciation souveraine (b).

a. La compétence liée de la Cour de Maurice

592 On exprime l?extinction de l?instance par la formule suivante: «Lorsque la décision est prononcée, le juge cesse d?être juge (lata sententia desinit esse judex)».

593 C?est ce qui en partie explique le faible nombre de recours au Comité Judiciaire.

Les affaires dans lesquelles la Cour locale a une compétence liée pour accorder l?autorisation, le droit britannique594 leur a consacré l?expression de recours de plein droit (appeal as of right). Ces affaires sont expressément prévues par la Constitution mauricienne de 1968, et éventuellement des Lois ordinaires. Nous savons que les recours existent de droit contre les décisions définitives en matière d?interprétation d?une norme constitutionnelle, dans tout litige d?un montant supérieur à RPM 10,000 595 et en matière du contentieux des élections législatives596. Ces dispositions, selon le Comité Judiciaire, doivent être interprétées strictement597 mais le juge mauricien s?estime contraint d?accorder l?autorisation dans les cas mentionnés quand bien même que le pourvoi apparaisse futile et vexatoire598. La demande d?autorisation doit être enregistrée au rôle de la Cour Suprême dans un délai de 21 jours à compter du prononcé de l?arrêt du dernier ressort599. Ce court délai se justifie par le fait qu?on ne saurait admettre que la chose jugée puisse rester en suspens. Il correspond à ce qui est nécessaire à la partie perdante pour apprécier l?opportunité du recours à Londres. Un juge (unique) de la Cour Suprême statuera sur la requête et accorde éventuellement une autorisation conditionnelle de se pourvoir (conditional leave to appeal)600. Le demandeur au pourvoi doit, dans un délai ne dépassant pas quatre-vingt-dix jours, déposer une somme, déterminée par le juge, en cautionnement601 et s?engager à faire toute diligence pour suivre la procédure602 afin d?obtenir une autorisation définitive de recours (final leave to appeal). Au cas contraire, la Cour peut rapporter son autorisation603. La Cour peut, en outre, autoriser en toute discrétion604

594 V. par exemple les Règles sur le Comité Judiciaire de 1925.

595 Article 81 CM.

596 Article 37-6 CM et 48 A de la Loi sur la représentation du peuple (Representation of People Act) de 1968.

597 CJCP: 16 juin 1994, Alceo Zuliani c/ Verson S. Veira, WLR, 1994, vol. 1, pp. 1149 à 1155, affaire de St. Christopher et Nevis, Lord Nolan rédacteur de l'arrêt.

598 CSM: 18 mai 1970, Ramdharry Insurance Company Ltd. c/ O?Shea, MR, 1970, pp. 114 à 115, le juge Latour-Adrien rédacteur de l'arrêt. «As guardian of the Constitution, the Court is bound to give effect to the applicant?s right no matter what its views as to the merits of the appeals may be», ibid., p. 114.

599 Article 3 de l?Ordonnance sur les recours mauriciens au Conseil Privé du 12 mars 1968, in ATTORNEY-GENERAL?S OFFICE, cité note 219, vol. 1, p. 71 et s.

600 L?Ordonnance de 1968 prévoit que la décision du juge peut être frappée d?appel devant une formation composée de trois juges. Dans la pratique, si le juge unique rejette la demande, l?appelant tend à demander l?autorisation auprès du Comité Judiciaire.

601 Le montant fixé peut être amoindri par la Cour même après l?expiration du délai de quatre- vingt-dix jours. V. CSM: 15 décembre 1986, De Boucherville c/ Regina, MR, 1986, pp. 237 à 240, le juge Glover rédacteur de l'arrêt.

602 Article 4, de l?Ordonnance de 1968, cité note 599.

603 Article 11, ibid.

604 CSM: 2 avril 1993, Ah Chuen c/ Ah Chuen, MR, 1993, pp. 1 à 8, le Chef-Juge Sir Victor Glover rédacteur de l'arrêt.

l?exécution de la décision frappée de recours même si elle a accordé l?autorisation de saisir le Comité Judiciaire605.

Ainsi, dans les affaires relevant de la compétence liée de la Cour Suprême, les pouvoirs du juge local sont en apparence médiocres, mais peuvent, par le biais de la fixation du cautionnement et l?exécution provisoire de la décision frappée d?appel, dissuader les plaideurs à intenter des recours à Londres.

b. La compétence quasi discrétionnaire de la Cour Suprême

La Cour Suprême de Maurice a, si l?affaire en question ne relève pas d?un des cas expressément prévus par un texte de loi, un pouvoir quasi discrétionnaire d?accorder l?autorisation de se pourvoir au Comité Judiciaire. Selon la Constitution, la Cour délivre une permission de saisine si elle estime que l?affaire relève d?une «grande importance générale ou publique ou autrement»606. La notion de grande importance générale ou publique est interprétée strictement par la Cour locale. Une affaire qui intéresse une grande communauté religieuse607 ou qui est médiatique608 peut ne pas relever d?une importance générale ou publique. Cette notion signifie plutôt que l?affaire doit impliquer une difficulté juridique, un problème de droit sérieux à propos de l?application des principes généraux et qui est susceptible de comporter de grandes conséquences pour l?avenir. Par exemple, une grande divergence de vue entre les juges de la Cour Suprême lors d?une affaire confère à celle-ci le caractère important609. En revanche, la Cour Suprême a revendiqué que le terme «autrement» de la Constitution lui permet d?autoriser un pourvoi lorsque le cas de l?espèce présente des difficultés techniques même s?il n?est pas d?une importance générale610. Sa discrétion est dans ce cas totale. La Cour veut dans certains cas faciliter la saisine du Comité Judiciaire afin que sa décision puisse davantage être légitimée.

605 CSM: 26 janvier 1880, Boulanger c/ Martin, DCSM, 1880, pp. 13 à 15, le Chef-Juge A. G. Ellis rédacteur de l'arrêt. V. également CSM: 15 décembre 1993, Ramphul c/ Bodhea, MR, 1993, pp. 370 à 371, le juge Lallah rédacteur de l'arrêt.

606 Article 81-2-a CM et article 70 A nouveau (Loi de 1990) de la Loi de 1945 sur les Cours.

607 CSM: 6 décembre 1915, Marie c/ Congrégation des Hindous de Maurice, 1916, DSCM, pp. 88 à 94, le juge Sir A. Herchenroder rédacteur de l'arrêt.

608 CSM: 11 septembre 1924, Corson Lagesse c/ Colonial Government, DSCM, 1924, pp. 96 à 99, le juge Serret rédacteur de l'arrêt.

609 CSM: 3 février 1992, Regina c/ Kristanah, MR, 1992, pp. 17 à 21, le juge Lallah rédacteur de l'arrêt.

610 CSM: 21 mars 1940, The Surtee Soonee Musulman Society c/ Mamode Nazroo, MR, 1940, vol. 2, pp. 14 à 17, le juge G. Tracey Watts rédacteur de l'arrêt.

Les mêmes critères sont appliqués dans les affaires pénales611.

B. Autorisation délivrée par le Comité Judiciaire

Le Comité Judiciaire, du fait de son essence royale, conserve un pouvoir absolu et même exorbitant612 d?accorder aux parties une autorisation dite «autorisation spéciale» (ou «autorisation extraordinaire») de recours (special leave to appeal).

Nous envisagerons l?étendue de la compétence du Comité d?accorder l?autorisation telle qu?il l?a définie lui-même (a) et ensuite, les modalités de demande de l?autorisation (b).

a. L'étendue de la compétence

Que la compétence du Comité Judiciaire est générale n?est guère douteux. Il suffit, pour s?en convaincre, de savoir que le juge londonien peut accorder une autorisation d?accès à son prétoire dans trois cas: dans les affaires pour lesquelles la Cour Suprême a refusé de donner l?autorisation, dans celles où elle n?a pas le pouvoir d?en donner, ce qui est purement théorique, et, en dernier lieu, dans celles où il s?agit d?interjeter appel d?une décision d?une cour inférieure à la Cour Suprême613. Il est évident que ces cas d?ouverture ne limitent en aucune manière sa compétence mais consacre son caractère global.

Ces compétences appellent toutefois quelques commentaires. Le Comité Judiciaire n?a jamais largement ouvert son prétoire. Il soumet l?autorisation spéciale à des règles de fond strictes. En matière de droit privé et public, l?autorisation est accordée, outre dans les cas expressément prévus par la Constitution, lorsque le litige soulève une question d?intérêt général (matters of dominant public interest)614 ou un point de droit important, même si le montant du litige est inférieur à celui prévu pour le pourvoi. Ces critères peuvent être rapprochés de ceux utilisés par le juge local.

611 CSM: 15 janvier 1991, Sans Souci c/ Regina, MR, 1991, pp. 204 à 205, le juge Glover rédacteur de l'arrêt.

612 Il peut, par exemple, sur simple saisine par voie de pétition ordonner, quelques heures après le prononcé de la décision de dernier ressort, le sursis de l?exécution d?une sentence de mort. V. CJCP: 13 juin 1995, Thomas Reckley c/ Minister of Public Safety and Immigration, WLR, 1995, vol. 3, pp. 390 à 396, affaire des Bahamas, Lord Browne-Wilkinson rédacteur de l'arrêt. V. également, CJCP: 26 juillet 1994, Guerra c/ The State, TLR, 29 juillet 1994, pp. 441 à 442, affaire de Trinité et Tobago, Lord Nolan rédacteur de l'arrêt.

613 Article 81-5 CM: «Aucune disposition du présent article n?affectera tout droit du Comité Judiciaire d?accorder une autorisation spéciale pour l?exercice d?un pourvoi contre toute décision rendue par une cour quelconque en matière civile ou pénale».

614 CJCP: 20 mars 1960, R. S. Lopes c/ N. K. V. Chettiar, AC, 1968, pp. 887 à 894, affaire de la Malaisie, Vicomte Dilhorne rédacteur de l'arrêt.

Le Comité Judiciaire, du fait de son éloignement géographique, est réticent à trancher de simples hypothèses d?école (academic questions) ou des questions juridiques abstraites615. Il rejette toute demande ne comportant que des intérêts doctrinaux616.

En matière pénale, selon une jurisprudence séculaire, l?autorisation spéciale n?est accordée que dans des cas exceptionnels617, notamment lorsqu?il apparaît qu?il y a dans le litige une violation de la procédure ou que les principes fondamentaux de justice (principles of natural justice) n?ont pas été respectés618. Il faudrait, en sus, qu?une grande injustice ait été commise. Une simple violation non substantielle des formes entraînerait l?octroi de l?autorisation extraordinaire que s?il apparaît qu?elle peut comporter des conséquences néfastes ou résulter en une sentence injuste.

b. Les modalités de demande de l'autorisation spéciale

La demande de l?autorisation spéciale est faite par voie de pétition619 dans la mesure où la délivrance de l?autorisation est par excellence une prérogative régalienne. La pétition, en six exemplaires, doit être adressée dans le plus bref délai620 à partir du prononcé de l?arrêt contre lequel l?appelant désire se pourvoir. Dans des cas exceptionnels, par exemple, lorsqu?un revirement de jurisprudence a été opéré, le juge londonien peut accorder une autorisation longtemps après le prononcé de la décision en dernier ressort621.

La pétition doit être motivée. Elle expose la nature du procès, le fondement de la décision attaquée et les raisons pour lesquels le demandeur au pourvoi considère la décision comme erronée et tout élément touchant à l?importance ou l?intérêt public de la question soulevée622. La pétition est débattue à l?audience devant une formation de trois juges. Le Comité Judiciaire

615 CJCP: 24 juillet 1967, Australian Consolidated Press c/ Uren, All ER, 1967, vol. 3, pp. 523 à 538, affaire de l?Australie, Lord Morris of Borth-y-Gest rédacteur de l'arrêt.

616 CJCP: 20 juillet 1992, Mastan E-Allam Bhewa c/ The Government of Mauritius, affaire de Maurice, Lord Keith of Kinkel rédacteur de l'arrêt.

617 CJCP: 19 mars 1887, In re Abraham Mallory Dillet, AC, 1887, pp. 459 à 470, affaire de l?Honduras britannique (Bélize), Lord Watson rédacteur de l'arrêt.

618 CJCP: 6 mars 1914, Ibrahim c/ The King, cité note 408.

619 Article 3 des Règles sur le Comité Judiciaire du 24 novembre 1982.

620 Article 4, ibid.

621 CJCP: 2 novembre 1993, Trevor Walker c/ The Queen, WLR, 1993, vol. 3, pp. 1017 à 1021, affaire de la Jamaïque, Lord Griffiths rédacteur de l'arrêt. Dans cette affaire, plusieurs condamnés attendaient à être pendus. Entre-temps, le Comité Judiciaire avait interdit certaines exécutions de la sentence de mort.

622 Article 3-1-a des Règles sur le Comité Judiciaire de 1982, citées note 619.

peut aussi statuer par défaut de représentation du défendeur au pourvoi623. Le Comité Judiciaire rendra sa décision non-motivée au vu des seuls éléments produits sans se prononcer sur le fond de l?affaire. Si le juge londonien conclut à l?octroi de l?autorisation spéciale, il fixe la caution à fournir par l?appelant624 et statue éventuellement sur l?exécution provisoire de la décision attaquée.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand