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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 2. La procédure

Le procès au Comité Judiciaire est très formaliste et comporte deux grandes phases successives. Nous étudierons d?abord les actes de procédure (A) et ensuite la structure de l?instance (B). Le même aspect de lourdeur apparaît également ici. L?accomplissement des actes de procédures nécessite l?intervention de plusieurs autorités afin de préparer le débat contradictoire devant les juges londoniens et de permettre à ce qu?il se déroule de façon tout à fait honorable et digne de la contestation finement organisée.

A. Les actes de procédure

Après avoir obtenu l?autorisation de saisine, l?appelant envoie un dossier (record) au Comité Judiciaire (a) et ultérieurement produit les mémoires (b).

623 BENTWICH Norman, cité note 41, v. p. 127.

624 Article 6-1 des Règles sur le Comité Judiciaire de 1982.

a. L'envoi du dossier

Le dossier est minutieusement préparé sous le contrôle de la Cour locale625. Tous les documents nécessaires, et ceux-là seuls, doivent trouver place. Le dossier doit être établi en format 21,0 X 29,7 cm (A4) et avec des caractères déterminés626. Si le dossier est imprimé hors Angleterre, notamment à Maurice, trente exemplaires doivent en être adressés par le demandeur au pourvoi au secrétariat-greffe du Conseil Privé, dont un certifié par le greffier de la Cour locale. S?il est imprimé en Angleterre, il suffit au greffier de la Cour locale d?en envoyer un seul exemplaire certifié conforme627. Cette différence de traitement est frappante. On se prendra à regretter que cette discrimination, qui relève d?un autre temps, n?a pas été supprimée en cette fin du vingtième siècle.

Le demandeur au pourvoi est tenu de faire diligence et envoyer le dossier dans le temps attribué par la Cour locale, faute de quoi l?autorisation d?appel, qui est provisoire, pourra lui être rapportée ou la requête pourra être déclarée irrecevable par le juge londonien628.

Le demandeur au pourvoi doit aussi comparaître (enter in appearance) devant le secrétariat-greffe et en aviser le défendeur. Il peut se faire représenter par un des avoués (solicitors) britanniques. Seuls ceux-là ont droit d?accomplir les actes de procédure devant le tribunal de la Downing Street. L?exclusion des avoués mauriciens se comprend. Pour des raisons d?ordre pratique, il faut que le mandataire soit constamment disponible pour suivre la procédure, fonction difficile à remplir par un avoué exerçant sa profession à Maurice.

b. Le dépôt de la pétition d'appel et la production des mémoires

Dans un délai de deux mois, à partir de l?arrivée du dossier à Londres, le demandeur au pourvoi doit déposer sa pétition d?appel (lodge his petition of appeal)629. Celle-ci est en réalité un résumé de la procédure suivie sur le plan local, duquel est exclue toute argumentation sur le fond de l?affaire630. Après l?avoir déposée, le demandeur au pourvoi a obligation d?en signifier une copie au défendeur dès que celui-ci a comparu. Au cas où il n?a pas comparu dans les

625 Article 8-1 de l?Ordonnance sur les recours mauriciens au Conseil Privé du 12 mars 1968.

626 Annexe A des Règles de 1982, cité note 619.

627 Article 14-1, ibid.

628 CJCP: 27 juillet 1979, Dorothy Roulstone c/ O. L. Panton, WLR, 1979, vol. 1, pp. 1465 à 1468, affaire de la Jamaïque, Lord Russel of Killowen rédacteur de l'arrêt.

629 Article 29-a des Règles sur le Comité Judiciaire de 1982, citées note 619.

630 Article 30, ibid.

deux mois suivant le dépôt de la pétition, le demandeur peut demander que l?affaire soit entendue par défaut631.

Ensuite, les parties doivent préparer un mémoire (the case). Le mémoire est rédigé et signé par l?avocat. Il doit obéir à des règles de formes strictes632 et être établi en vingt exemplaires633 et remis au secrétariat-greffe du Conseil Privé. Cinq exemplaires doivent être signifiés au défendeur au pourvoi. Celui-ci dispose d?un délai d?un mois, à compter de la signification, pour remettre au secrétariat-greffe un mémoire en réponse.

Le mémoire, acte de procédure très important, contient les moyens (reasons and contentions) invoqués contre la décision attaquée et les conclusions. En principe, un point de droit ne peut être soulevé pour la première fois devant les Sages du Whitehall. Cette règle étant non écrite, les Lords judiciaires peuvent dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu?il est question de l?intérêt même de la justice, y déroger634 et statuer sur le point soulevé en demandant, le cas échéant, le point de vue de la Cour locale635.

Il faut noter que la procédure peut être annulée d?office et le demandeur considéré comme débouté s?il n?a pas fait les diligences nécessaires (dismissal of appeal for non-prosecution). Aussi, le demandeur peut se désister et retirer son pourvoi (withdraw his appeal) en informant le secrétariat-greffe de sa décision636.

Après l?étude des actes de saisine du tribunal londonien, il convient, suivant l?ordre chronologique de la procédure, de s?arrêter sur la structure de l?instance.

B. La structure de l'instance

A ce stade, l?affaire est en l?état d?être jugée. Afin de conserver au débat toute sa sérénité et loyauté, dignes des juges de cassation, des règles précises régissent le procès. Il serait évidemment hors de propos d?entrer dans le détail

631 HALSBURRY?S LAWS OF ENGLAND, cité note 100, v. p. 375, paragraphe 802.

632 Article 61 des Règles sur le Comité Judiciaire de 1982, citées note 619.

633 Article 62, ibid.

634 CJCP: 19 février 1996, Consolidated Investment and Enterprises Ltd. c/ The Commissioner of Income Tax, affaire de Maurice, Lord Browne-Wilkinson rédacteur de l'arrêt et CJCP: 19 mai 1975, Eaton Baker c/ The Queen, WLR, 1975, vol. 3, pp. 113 à 131, affaire de Jamaïque, Lord Diplock rédacteur de l'arrêt.

635 CJCP: 18 février 1992, Ali c/ Regina, LRC, 1992, vol. constitutional, pp. 401 à 411, affaire de Maurice, Lord Keith of Kinkel rédacteur de l'arrêt.

636 Articles 32 et 33 des Règles sur le Comité Judiciaire de 1982, citées note 619.

de la pratique. Mais du moins peut-on dégager les grandes orientations qui l?inspirent et qui caractérisent la Haute Instance.

Il convient dès lors d?exposer comment se déroule l?audience (a) et les débats oraux (b).

a. Les règles de l'audience

La date de l?audience est fixée par le secrétaire-greffier du Conseil Privé mais il est d?usage de rechercher un accord avec les représentants des parties637. La composition du tribunal est arrêtée par le Lord-Chancelier en accord avec le Lord-Président du Conseil.

Pour les besoins de l?audience, les juges obtiennent au préalable un volume substantiel de documents: le dossier, la pétition d?appel et les mémoires. Autrefois, il n?était pas d?usage que les Lords judiciaires aient lu les documents de l?affaire avant l?audience mais la pratique actuelle veut qu?ils prennent connaissance du dossier avant l?ouverture des débats.

La police de l?audience est conférée au président de séance (the Presiding Law Lord), en principe le doyen des Lords, qui dirige et ouvre les débats. Il donne la parole aux parties ou à leurs représentants pour qu?elles soutiennent leurs arguments. Les avocats ont tendance à s?adresser au président de séance, sauf quand ils répondent à une question d?un autre Lord638. Le président peut jouer un rôle fondamental et déterminant en dirigeant à sa guise les débats. Il peut mettre l?accent sur les points de droit qu?il veut bien faire ressortir et, par là même, orienter la réflexion de ses collègues-assesseurs.

La parole est d?abord donnée à l?avocat du demandeur au pourvoi, puis à celui du défendeur. Selon certains avocats au Conseil639, l?avocat du demandeur peut, par ce biais, disposer d?un avantage sur son adversaire, car devant les Lords, la façon de présenter les faits et d?ouvrir les débats est très cruciale640.

637 L?accord n?est pas facile à trouver d?autant que des avocats à la Cour de Port-Louis pourraient être amenés à effectuer un long voyage pour venir à Londres.

638 Selon Lord Guest: «... the tendency of the discussion is very largely governed by the presiding judge», in PATERSON Alan, cité note 513, v. p. 67.

639 Entretien avec Maître Riyad DOOKHY de Gray?s Inn, avocat au Conseil Privé et à la Chambre des Lords.

640 Selon Maître Louis Bloom-Cooper QC, «the way the case is opened, the first two hours, particularly if the law Lords have not read the case, is crucial», in PATERSON Alan, cité note 513, v. p. 57.

A l?issue des interventions des parties, le Comité Judiciaire peut autoriser ou même ordonner un second exposé des arguments des parties lorsque l?espèce soulève des difficultés juridiques considérables ou lorsque le juge a soulevé d?office un point de droit sur lequel il souhaite entendre les parties. Ainsi, l?audience peut s?étaler sur plusieurs jours641. En principe, les Lords écoutent avec grande attention et courtoisie aux exposés des avocats mais le président de séance peut écourter (to curtail) les observations présentées par une partie lorsque la juridiction s?estime éclairée642.

b. Les débats oraux

Les débats oraux revêtent devant les Lords judiciaires une suprématie et une importance essentielle malgré la technicité et la précision du contentieux de l?appel ultime. La prestation orale des parties permet de débrouiller et expliquer les points essentiels du litige. La procédure devant le Comité Judiciaire étant contradictoire et non inquisitoire, la plaidoirie est l?acte majeur de l?avocat et, de ce fait, est illimitée en théorie. Il s?agit pour les parties d?emporter la conviction des juges643 contrairement à ce qui se passe devant la Cour de Cassation française644 où l?essentiel est constitué dans les conclusions écrites des avocats, ou encore, contrairement au Conseil Constitutionnel français où l?audience et de surcroît la plaidoirie des auteurs de la saisine sont exlues. Les Lords judiciaires, pour statuer, attachent beaucoup d?importance à la plaidoirie. Les Sages de la Downing Street se disent sensibles à la parole de l?avocat.

L?importance de l?oralité ne doit pas surprendre. Dans les pays de Common Law, la justice, bien que très formaliste, cherche à être soustraite de tout caractère bureaucratique et impersonnel. L?admission de l?élément oral de la procédure permet d?humaniser le litige même de droit public. Cette conception emporte notre conviction. Le principe de l?oralité constitue une garantie de bonne justice et l?exemple des juridictions d?assises en est la meilleure preuve. Avec l?oralité, le contradictoire est mieux assuré.

641 CJCP: 2 novembre 1993, Earl Pratt c/ Attorney-General, WLR, 1993, vol. 3, pp. 995 à 1016, affaire de Jamaïque, Lord Griffiths rédacteur de l'arrêt. Dans cette affaire l?audience a duré 11 jours.

642 La formule utilisée par les Lords est la suivante: «Leurs Seigneuries ne voudraient vous inquiéter davantage...» («Their Lordships would not trouble you any further...»).

643 Le débat oral s?apparente plutôt à une conversation très courtoise entre l?avocat et les juges qu?à un débat entre les représentants des deux parties de sorte qu?on l?a même qualifié de «conversation entre gentilshommes sur un sujet d?intérêt commun», PATERSON Alan, cité note 513, v. p. 50.

644 PERROT Roger, cité note 450, v. p. 505.

Au Comité Judiciaire, où principalement seuls les éminents avocats qui ont été élevés au grade de Conseiller de la Reine plaident, ces derniers y mettent en oeuvre tout un art de persuasion et d?argumentation645. Il arrive que des Lords judiciaires acquièrent une autre vision de la solution à donner au litige à la fin de l?audience.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe