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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 1. Les éléments du modèle européen

Le modèle européen735, inspiré par Hans Kelsen736, est principalement caractérisé par la concentration du contentieux constitutionnel (A) et le caractère direct du contrôle (B).

A. La concentration du contentieux constitutionnel

La concentration est un principe de la justice constitutionnelle à Maurice (a). Elle obéit aussi à une particularité (b).

a. La similitude entre le système mauricien et le modèle européen

Le système concentré ou centralisé de contrôle signifie qu?un seul organe étatique est autorisé à exercer les pouvoirs d?un juge constitutionnel. En ce sens, selon le modèle autrichien, une seule juridiction, souvent spéciale et en dehors de la hiérarchie des tribunaux, est dotée du pouvoir de contrôler la constitutionnalité de la Loi. Le contentieux constitutionnel se distingue nettement du contentieux de droit commun. Ce monopole permet d?assurer un

734 Le contrôle des Lois est prévu par plusieurs articles de la Constitution de Maurice. V. les articles 2, 17, 45-1, 81-1-a et c, 83, 84, et 119.

735 FAVOREU Louis, cité note 391.

736 KELSEN Hans, cité note 448.

équilibre entre le principe de la séparation des pouvoirs qui nécessairement récuse toute immixtion du juge dans le pouvoir législatif, et la théorie de l?ordre juridique hiérarchisé qui fonde le constitutionnalisme, plus exactement, le contrôle de constitutionnalité737.

Ce modèle européen n?a pas été en soi introduit à l?île Maurice. L?idée d?instaurer un Conseil Constitutionnel doté d?un pouvoir suspensif des Lois a été écartée par Stanley A. De Smith. Mais une solution assez proche de la finalité d?une juridiction spécialisée a été retenue. Le contentieux constitutionnel est du ressort exclusif de la Cour Suprême locale dans la hiérarchie des juridictions strictement mauriciennes. Elle peut exercer ce pouvoir selon deux procédures. Elle peut être saisie directement par les justiciables aux fins d?examiner une Loi de manière objective738 et, sur renvoi, par une juridiction inférieure d?une question constitutionnelle préjudicielle739. La contestation de la régularité d?une Loi étant un litige important et grave, le constituant a voulu habiliter les seuls hauts magistrats à trancher les litiges y relatifs. Les juges inférieurs doivent renvoyer toute question d?interprétation d?une norme constitutionnelle à la Cour Suprême.

b. Les atténuations

La comparaison avec le modèle européen mérite d?être tempérée. La concentration du contentieux au profit de la seule Cour Suprême n?est pas absolue et est assortie d?une limite essentielle. Comme dans toutes les autres matières, la Cour Suprême est en contentieux constitutionnel soumise au contrôle du Comité Judiciaire740. Celui-ci peut statuer en cassation sur toute interprétation des normes constitutionnelles par la Cour Suprême741. Le contrôle

737 «Le système de contrôle centralisé correspond à une manière différente de concevoir la séparation des pouvoirs... Aux yeux de Montesquieu et de Rousseau... toute interprétation des Lois par des juges... constituait en conséquence un empiétement sur le pouvoir exclusif qu?avait le législateur de créer le droit. Aujourd?hui encore, même s?il a été reconnu souhaitable d?instituer un certain contrôle sur la constitutionnalité des Lois, on continue à voir dans ce contrôle une fonction de caractère essentiellement politique», CAPPELLETTI Mauro: «Le pouvoir des juges», Economica, 1990, 397 p., v. p. 201.

738 Article 81-1-2 CM.

739 L?article 84-1 CM dispose que: «Lorsqu?une question concernant l?interprétation de la Constitution est soulevée devant une cour de justice de Maurice... et que la cour estime que la question touche un point de droit important, la Cour Suprême renvoie cette question à la Cour Suprême».

740 La Cour Suprême peut agir comme une juridiction de première instance. V. CSM: 10 octobre 1972, Virahsawmy c/ The Commissioner of Police, MR, 1972, pp. 255 à 260, le Chef-Juge Sir Latour-Adrien rédacteur de l'arrêt.

741 L?article 81-1-a CM dispose qu?un «pourvoi contre les décisions de la Cour d?Appel ou de la Cour Suprême devant le Comité Judiciaire existe de plein droit... à l?encontre des décisions définitives dans toute procédure civile ou pénale sur des questions d?interprétation de la Constitution».

constitutionnel peut s?exercer en deux temps et par deux juridictions de hiérarchie différente, ce qui constitue une sorte de contrôle à double détente.

Aussi, cette particularité mauricienne crée un effet contraire à l?objectif même du système centralisé de contrôle juridictionnel de la Loi. Le système concentré a pour mérite d?assurer une certaine sécurité juridique des normes législatives par opposition au système diffus qui laisse planer le doute sur la constitutionnalité des Lois tant que la juridiction suprême ne s?est pas prononcée. Dans le système centralisé, une seule juridiction statue et clarifie la situation. Sa décision a une valeur absolue et l?unité jurisprudentielle est maintenue à son comble742. Or, le duopole mauricien peut créer l?exacte situation inverse. La Cour Suprême locale peut déclarer inconstitutionnelle une Loi, qui par voie de conséquence est écartée, voire disparaît de l?ordre juridique, et les juges de la Downing Street peuvent redonner vie à la Loi déclarée non conforme743. Ce système de double contrôle peut appeler des réserves du fait du risque de l?instabilité juridique qu?il comporte mais demeure néanmoins nécessaire à l?unification de la jurisprudence constitutionnelle.

La deuxième caractéristique du modèle européen, le contrôle direct, à la différence du premier, ne souffre d?aucune exception en droit mauricien.

B. Le contrôle direct

Le contrôle direct de la Loi ou la voie d?action (direct control of legislative action) est nécessairement une caractéristique du modèle européen, notamment français, dans la mesure où cette modalité du contrôle est inexistante dans le modèle américain. Il convient d?analyser la voie d?action telle qu?elle s?est développée à Maurice (a) et les règles de procédure de sa mise en oeuvre (b) afin d?apprécier son efficacité.

a. La voie d'action

742 ROUSSEAU Dominique, cité note 27, v. p. 23.

743 CJCP: 23 juillet 1992, The Governement of Mauritius c/ Union Flacq Sugar Estates Company Ltd., WLR, 1992, vol. 1, pp. 903 à 912, affaire de Maurice, Lord Templeman rédacteur de l'arrêt. La Cour Suprême avait sanctionné une Loi portant sur la direction des sociétés commerciales pour violation du droit constitutionnel de propriété. Mais le Comité Judiciaire, en cassation, a renversé la décision de la Cour locale et considéré la Loi constitutionnelle.

V. également CJCP: 26 mars 1984, Attorney-General c/ Momoudou Jobe, WLR, 1984, vol. 3, pp. 174 à 185, affaire de la Gambie, Lord Diplock rédacteur de l'arrêt. La Cour Suprême de la Gambie avait déclaré une Loi conforme à la Constitution. La Cour d?Appel avait infirmé la décision des premiers juges. En cassation, le Comité Judiciaire avait déclaré la Loi partiellement conforme.

La voie d?action est conçue à Maurice comme le moyen principal du déclenchement du procès constitutionnel tant elle est largement ouverte744. Le recours peut être intenté par des particuliers. A l?inverse du système français, aucune autorité n?est expressément investie d?un tel pouvoir. Le système permet une certaine démocratisation du mode de contrôle juridictionnel de la Loi, conformément à la tendance observée dans les grandes démocraties occidentales de conférer à la justice constitutionnelle une légitimité qui lui est souvent déniée. Le système mauricien permet aux citoyens de contrôler sur le plan juridique, les pouvoirs publics745 en habilitant le juge de première instance et le juge de cassation de contrôler de façon abstraite la norme dont la constitutionnalité est critiquée746.

La Constitution mauricienne prévoit deux modes d?exercice de la voie d?action. La distinction a peu d?intérêt mais doit être soulignée. L?article 17 de la Constitution permet à la Cour Suprême de prendre toute mesure appropriée pour faire cesser toute violation des droits contenus dans le chapitre deux de la Loi Fondamentale747, s?il n?existe, selon le juge londonien, d?autre voie de recours juridictionnel748. L?article 83 confère à la Cour Suprême des pouvoirs similaires pour faire respecter les dispositions résiduelles de la Constitution749.

744 GLOVER Victor, Sir, GOSK: «L?universalité des droits fondamentaux et la diversité culturelle», in Colloque International sur l?Effectivité des Droits Fondamentaux dans les Pays de la Communauté Francophone organisée par AUPELF-UREF à Maurice le 28 septembre au 1er octobre 1993, 18 p., v. p. 12.

745 «Le vote... est à la fois l?acte par lequel le peuple exprime sa volonté et celui par lequel il délègue l?expression, pour un temps déterminé, à des représentants. Cette délégation aboutit à un abandon de son pouvoir de décision entre deux élections. Les cours constitutionnelles atténuent cette logique-là du vote. La délégation n?est plus un abandon dans la mesure où les cours, en statuant au nom de la souveraineté populaire, adoptent une référence qui les met en position de faire prévaloir cette dernière, de restaurer la volonté populaire en rétablissant la soumission de la volonté représentative», ROUSSEAU Dominique, cité note 27, v. p. 45.

746 La voie d?action permet aussi de juridiciser et de purifier le débat politique entre la majorité et l?opposition. Celle-ci, comme tout citoyen, détient le pouvoir de saisir le juge pour contester les lois adoptées par la majorité.

747 Cette article dispose dans son alinéa premier que: «Quiconque allègue que l?une des dispositions 3 à 16 a été, est ou est susceptible d?être violée à son encontre, pourra, indépendamment de tout autre recours légalement possible, s?adresser à la Cour Suprême pour faire respecter ses droits».

748 La rédaction de l?article 17 CM est ambiguë. En dépit des dispositions de l?alinéa premier, le second alinéa prévoit que le juge peut ne pas exercer ses pouvoirs si le requérant dispose d?autres voies de recours. CJCP: 11 décembre 1995, J. Subramanien c/ The Government of Mauritius, affaire mauricienne, Sir Micheal Hardie Boys rédacteur de l'arrêt. Il fait ressortit que: «A constitutional action is not an appropriate vehicle for a contractual or tortious claim, nor indeed for judicial review, which has procedural requirements of its own».

749 La distinction entre l?article 17 et l?article 83 est curieuse et répond à peu de rationalité. CSM: 26 avril 1982, A. R. Mahboob c/ The Government of Mauritius, MR, 1982, pp. 135 à 143, le Chef-Juge Sir Maurice Rault rédacteur de l'arrêt principal. V. l?opinion concurrente du juge Glover. Il dit que: «I confess that I do not see the reason for the distinction», p. 143.

C?est pourquoi un règlement de la Cour du 1er juin 1990 a rapproché davantage les deux dispositions constitutionnelles dans leur mise en oeuvre quant aux conditions de délai et de forme. Il demeure que la saisine de la Cour soit encore plus souple dans le cadre de l?article 17.

Le juge mauricien dispose des pouvoirs pratiquement illimités pour faire cesser toute atteinte aux droits fondamentaux. Il peut annuler la norme incriminée ou donner toute injonction tendant à l?inexécution de la loi litigieuse750. La Loi réformée sur les Cours de 1945 confère à la Cour Suprême les mêmes pouvoirs que ceux dont dispose la Haute Cour anglaise751. Allant même plus loin, la Cour a estimé que son pouvoir dépasse celui des cours anglaises car elle est investie du rôle de gardien de la Constitution752. Cette compétence permet à la Cour de déroger aux principes de la procédure administrative anglaise753 au cas où les règles du contentieux sont inadaptées au contentieux constitutionnel.

b. Les règles de procédure

On peut penser que les dispositions des articles 17 et 83 de la Constitution permettent au juge d?exercer un contrôle a priori de la Loi. Ces articles peuvent être mis en oeuvre dès lors qu?il y a un risque vraisemblable qu?une norme constitutionnelle soit «susceptible d?être violée». Mais la Cour Suprême a privilégié le contrôle a posteriori de la Loi et a expressément écarté toute idée de contrôle a priori. On se prendra à regretter cette négation par la Cour Suprême de ses compétences. On voit mal en quoi la procédure existante, la saisine du juge des référés (judge in chambers) en vue de lui demander d?ordonner au Parlement de ne pas légiférer ou au Chef de l?Etat de ne pas donner son assentiment à la Loi, avait apparu aux juges mauriciens comme une entorse trop manifeste au principe de la séparation des pouvoirs754. Les juges,

750 L?article 17-2 CM dispose que «(la Cour Suprême) pourra faire telles injonctions (orders) et délivrer telles ordonnances (issue such writs) qui lui semblent appropriées pour faire respecter ou assurer le respect des dispositions de l?article 3 à 16».

751 L?article 17 de la Loi de 1945 dispose que «The Supreme Court shall have original jurisdiction to hear, conduct and pass decisions in civil suits, actions, causes, and any matter may be brought and may be pending before the Supreme Court and the judges shall sit and proceed to and conduct and carry on business in the same manner as the High Court of Justice in England and its judges».

752 CSM: 2 juin 1993, Attorney-General c/ Ramgoolam, LRC, 1993, vol. 3, pp. 82 à 93. Le juge Lallah rédacteur de l'arrêt. Selon le juge: «We also indicated, however, that our Constitution has conferred on the Supreme Court a fundamental jurisdiction concerning constitutional matters unknown to the courts in the United Kingdom and that Erskine May necessarily had to be read subject to the particular jurisdiction which the Constitution has so vested in the Supreme Court», ibid., p. 85.

753 CSM: 31 janvier 1973, Vallet c/ Ramgoolam, cité note 303. Le juge Garrioch indique que lors d?un contrôle de constitutionnalité et «where the form of redress applied for is an order of mandamus, the court should and will, as far as possible, follow the English principles applicable to that order (but) it is obvious that, having regard to its special powers and duties under the Constitution, the Court may find it necessary to evolve principles of its own, in certain circumstances, which may not always accord with those applicable in England», ibid., p. 34.

754 CSM: 9 novembre 1973, Lincoln c/ The Governor of Mauritius, MR, 1973, pp. 290 à 291, le juge Rault rédacteur de l'arrêt. Dans cette affaire, le juge, statuant en référé, rejette la requête d?injonction à l?Assemblée Législative et au Gouverneur-Général de ne pas continuer l?examen d?un projet de loi constitutionnelle visant à supprimer les élections législatives partielles. Le juge a indiqué que: «If a Court of law sought to prevent or even delay the introduction of a bill, it would not be exercising a judicial power, but usurping a legislative function», ibid., p. 291. L?effet de cette jurisprudence mérite d?être relativisé en ce sens que la décision de la Cour a été

pour la plupart formés en Angleterre, sont encore, semble-t-il, assujettis à un certain dogme même fictif de la souveraineté de la Loi. A l?inverse, le Comité Judiciaire, statuant sur un litige en provenance de Hongkong s?est montré moins réticent au développement d?un véritable contrôle a priori755. Sa jurisprudence n?a pas été suivie par le juge local d?autant que les justiciables mauriciens ne l?ont pas invoquée.

Il convient de faire ressortir néanmoins, que la Cour Suprême de Maurice a utilisé libéralement ses pouvoirs pour développer le contrôle a posteriori. La politique de la Cour a été de simplifier l?exercice des recours en suivant certains développements opérés au sein de la justice administrative britannique et surtout la jurisprudence libérale et audacieuse du Comité Judiciaire756. Ainsi, par exemple, la notion d?intérêt à agir (locus standi)757 n?est plus appliquée strictement aux simples individus. Le contrôle constitutionnel est considéré comme un litige d?intérêt public (public interest litigation) et le droit d?agir est étendu aux demandeurs simplement idéologiques758. La Cour Suprême exige un intérêt à agir d?autant plus réduit que la violation de la Loi Fondamentale apparaît importante.

Il ne faut pourtant pas céder à la tentation de conclure que cette ouverture du prétoire a permis la création d?une sorte de recours populaire (actio popularis) comme il avait été le cas en Angleterre dans les années soixante-dix à propos du contrôle de la légalité des actes administratifs (judicial

rendue pendant une période d?état d?urgence et à propos d?une loi constitutionnelle quelques années seulement après l?indépendance. Le Parlement siégeait comme une assemblée constituante.

Le juge mauricien n?a pas retenu la solution française du contrôle juridictionnel de la Loi. Cette solution pourait, selon nous, être transposée à Maurice. La saisine de la Cour pourrait avoir lieu après adoption de la Loi par l?Assemblée et le Chef de l?Etat donnerait éventuellement son accord après décision de la Cour.

755 CJCP: 15 avril 1970, Rediffusion (Hong-Kong) Ltd. c/ the Attorney-General, AC, 1970, pp. 1136 à 1170, affaire de Hongkong, Lord Diplock rédacteur de l'arrêt.

756 CJCP: 30 avril 1985, Herbert Bell c/ The Director of Public Prosecutions, WLR, 1985, vol. 3, pp. 73 à 84, affaire de la Jamaïque, Lord Templeman rédacteur de l'arrêt. Le juge londonien écrit que: «The Solicitor-General... submits that the application to the Supreme Court should have been made by writ and not by notice of motion. Without entering into a consideration of the rules of procedure which apply in Jamaica and are best determined by the Courts in Jamaica, their Lordships reject this submission. The applicant fairly raised before the appropriate court his complaint that his fundamental right guaranteed by the Constitution had been infringed», ibid., p. 77.

757 SCHIEMANN Konrad, Sir: «Locus standi», PL, 1990, pp. 342 à 353.

758 CSM: 31 janvier 1973, Vallet c/ Ramgoolam, cité note 303. Le juge Garrioch souligne que: «We think that in a matter of such great public interest, as in the present case is in our view, no useful purpose will be gained by insistence of form which would have consequence only to postpone a decision on its merits», ibid., p 35. Le juge applique dans cette affaire une jurisprudence du Conseil Privé. V. CJCP: 25 juillet 1967, Mohamed Samsudeen Kariapper c/ S. S. Wijensinha, cité note 718.

La même attitude est adoptée dans CSM: 29 octobre 1986, Noordally c/ Attorney-General, LRC, 1987, vol. constitutional, pp. 599 à 606, le juge Glover rédacteur de l'arrêt. V. également CSM: 23 janvier 1995, Rama Valayden c/ The President of the Republic, Le Mauricien, 24 janvier 1995, p. 9, les juges Rajsoomer Lallah, V. Boolell et Y. K. J. Yeung Sik Yuen rédacteur de l'arrêt.

review of administrative action). Lord Denning, Président de la Division Civile de la Cour d?Appel anglaise (Master of the Rolls) avait affirmé que tout sujet de sa Majesté avait qualité pour faire respecter le droit759. A Maurice, la Cour Suprême a estimé qu?un simple intérêt au respect de la Constitution ne suffit pas pour que la requête soit recevable. La seule qualité d?électeur ne suffit pas pour contester l?éventuelle discrimination opérée entre deux députés démissionnaires760. Cette solution est tout de même proche de celle appliquée actuellement en Angleterre en matière de contrôle des actes administratifs. L?ouverture opérée par Lord Denning a été relativisée par le législateur britannique761.

Par ailleurs, les conditions de forme régissant le contrôle par voie d?action ont été simplifiées et unifiées depuis 1990762. Auparavant, l?article 17 de la Constitution (concernant la protection des droits fondamentaux) devait être invoqué par la voie d?assignation (writ of summons)763 et l?article 83 (portant sur les articles résiduels de la Constitution) sous la forme d?une pétition (by way of petition)764. Désormais la procédure classique d?assignation est étendue à l?application de l?article 83765.

Le délai pour agir par la voie d?action était limité à six mois à compter de l?entrée en vigueur de l?acte766. La Cour, conformément à sa politique d?ouverture n?avait accordé à ce délai aucun caractère impératif et le distinguait de la forclusion. Le juge pouvait ne pas prononcer une fin de non-recevoir même si ce délai était expiré767. Ce délai de six mois correspondait à celui retenu en Angleterre pour déclencher un recours en annulation d?un acte administratif

759 CA: 14 avril 1976, Regina c/ Greater London Council, ex parte Blackburn, All ER, 1976, vol. 3, pp. 184 à 200, Lord Denning rédacteur de l'arrêt principal. Il écrit ceci: «Je considère ceci comme un principe constitutionnel très important. Lorsqu?un ministère ou une autorité publique est en train d?enfreindre le droit ou presque d?une façon qui offense ou injurie des milliers de sujets de Sa Majesté, toute personne qui a été offensée ou injuriée peut porter le cas à l?attention des cours», ibid., p. 192.

760 CSM: 14 mai 1974, Lincoln c/ Governor-General, MR, 1974, pp. 112 à 127, le juge Garrioch rédacteur de l'arrêt.

761 L?article 53 de la Loi anglaise sur la Cour Suprême de 1981 (Order 53 of the Supreme Court Act 1981) exige que le requérant justifie d?un intérêt suffisant. V. FLOGAITIS Spyridon: «Administrative law et droit administratif», LGDJ, 1986, 256 p., v. p. 172 et s.

762 Colom Jacques, cité note 557, v. p. 92 et s.

763 L?assignation (writ of summons) constitue le mode classique d?introduction d?une affaire en justice.

764 La saisine par la voie de pétition est indirecte. Le requérant doit obtenir d?un juge (en chambre) l?autorisation de saisir la Cour.

765 V. Les règles sur la protection des normes constitutionnelles par la Cour Suprême (Supreme Court Constitutional Relief Rules) de 1990.

766 Article 8 des Règles sur la protection des normes constitutionnelles de 1967 (Constitutional Rights Application For Redress or Relief Rules).

767 CSM: 5 juin 1981, Monty c/ Public Service Commission, MR, 1981, pp. 244 à 253, le juge Glover rédacteur de l'arrêt. Selon la Cour: «We are not dealing with a Statute of limitation or a period of extinctive prescription laid down in the Code Napoléon, but with those procedural rules which govern application for judicial review», ibid., p. 246.

pour violation d?une Loi. Mais une réforme locale de 1990 a réduit, comme dans la nouvelle réglementation de la procédure anglaise du contentieux administratif, le délai à trois mois.

*

Au terme de cette présentation un constat s?impose. Le modèle mauricien de la voie d?action est libéral et très ouvert. Le droit de saisine est large. Tout citoyen justifiant d?un intérêt peut saisir le juge constitutionnel en vue de censurer une Loi. Ce droit constitue une garantie essentielle du maintien de l?Etat de droit.

Cependant, la richesse et l?ingéniosité du constitutionnalisme mauricien ne sont pas réduites aux seuls bienfaits du système européen. Le contrôle constitutionnel peut aussi être déclenché selon les modalités du modèle américain.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo