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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 3. La création du Comité Judiciaire

Les juges siégeant dans les différents comités du Conseil Privé n?étaient familiers qu?avec le droit anglais88 alors qu?ils statuaient sur des affaires impliquant le droit de plusieurs familles juridiques. Ils avaient des difficultés techniques et il leur fallait chercher de l?aide de l?extérieur89. Le Conseil fonctionnait de manière défectueuse. Il fallait, pour que cette juridiction conservât son prestige, créer un corps judiciaire de grande valeur. Ainsi, la Loi de 1833 instituant le Comité Judiciaire au sein du Conseil Privé rationalisa la justice en matière coloniale (A). Accessoirement, la Loi consolida la compétence du Conseil en droit interne (B).

88 Auparavant, les juges statuaient sur des litiges commerciaux de Common Law. Avec le peuplement des colonies, les affaires avaient changé de nature et les juges durent appliquer les droits locaux.

89 Par exemple, en 1827, deux pourvois de l?Afrique du Sud dans lesquels étaient en cause le droit hollandais avaient été déférés à un juge hollandais et deux avocats parisiens. V. BURGE William, KC: «Observations of the supreme appellate jurisdiction of Great-Britain as it is now exercised by the Courts of the Queen in Council and the House of Lords», Londres, Saunders and Benning, Legal Pamphlet, 1841, 63 p., v. p. 21 à 23.

A. La rationalisation de la justice en matière coloniale

Le projet de loi de réforme de 1833 avait été inspiré par le Lord - Chancelier90 Henry Brougham91. L?objectif avéré était que la formation juridictionnelle du Conseil Privé fût composée de personnes connaissant non seulement la Common Law mais aussi des droits étrangers92. Selon la Loi de 1833 et des Lois ultérieures, le Comité Judiciaire du Conseil Privé ainsi créé, devait être composé de professionnels du droit, c'est-à-dire, à l?exception du Lord-Président du Conseil, des membres du Conseil qui avaient exercé de très hautes fonctions dans la magistrature: les Lords judiciaires (Law Lords)93, les Lords-Juges d?appel (Lords Justices of Appeal)94 et aussi de deux hauts magistrats des dominions95, de la Cour Suprême de l?Inde ou celle d?autres colonies. Les membres non-juristes du Conseil ne pouvaient y siéger pour trancher des litiges.

Aussi, la Loi, tout en posant le principe d?un droit de recours des justiciables des colonies au Conseil, juridicisait et uniformisait la procédure utilisée devant les anciens comités96.

Il convient de souligner que la Loi de 1833 régit encore aujourd?hui en grande partie le fonctionnement du Comité Judiciaire. Certaines de ses dispositions ont été réformées et complétées, notamment par l?Ordonnance en Conseil du 24 novembre 1982 intitulée «Règles sur la compétence d?appel du Comité Judiciaire»97.

Ainsi, l?institution du Comité Judiciaire, nouveau organe du Conseil Privé, était conçu pour assumer une fonction à la fois lourde et difficile. Il devait être une institution pouvant dire le droit à l?égard de plusieurs pays et systèmes juridiques. Etant une institution suprême, ses décisions devaient être

90 Le Lord-Chancelier exerce les fonctions d?un ministre de la justice.

91 SWINFEN David B.: «Henry Brougham and the Judicial Committee of the Privy Council», LQR, 1974, pp. 396 à 411 et HOWELL P. A.: «The Judicial Committee of the Privy Council 1833-1876, its origins, structure and development», Cambridge, Cambridge University Press, 1979, 262 p., v. p. 23 et s.

92 Le Lord-Chancelier Henry Brougham avait déclaré que: «... the judges (of the Privy Council) should be men of the largest legal and general information, accustomed to the study of other systems of laws besides our own, and associated with lawyers who have practised or presided in the colonial courts», in BURGE William, KC, cité note 89, v. p. 15-16. V. également HALDANE R. B.: «The work for the Empire of the Judicial Committee of the Privy Council», CLJ, 1921 -23, pp. 143 à 155.

93 Les Lords judiciaires sont membres de la chambre haute du Parlement britannique.

94 V. la Loi sur le Comité Judiciaire de 1881, in CRACKNELL D. G.: «Law students? companion, English legal system», Kent, Old Bailey Press, 1995, 320 p., v. p. 73.

95 V. la Loi de réforme du Comité Judiciaire de 1895, ibid., p.74.

96 Nous laisserons pour le moment cet aspect de la Loi pour le retrouver en son temps.

97 Judicial Committee (General Appellate Jurisdiction) Rules Order 1982, S.I, N° 1676. Cette Ordonnance annule celle de 1957.

d?une qualité supérieure à celles des juridictions qui lui étaient subordonnées. Le Comité Judiciaire fut créé pour permettre sans grande difficulté la soumission des pays conquis et leur population à la justice du Roi.

B. L'extension de la compétence d'attribution du Conseil en droit interne

La Loi de 1833 et d?autres Lois ultérieures ont élargi la compétence ratione materiae du Conseil Privé en droit anglais98. Il serait utile de mentionner, même très brièvement, l?exercice de ces compétences par le Comité Judiciaire. Nous serions incomplet si nous ne faisons un rapide panorama des attributions de la Haute Instance londonienne en droit anglais.

Le Comité Judiciaire est la juridiction de dernier ressort en matière d?amirauté et des prises maritimes. Il peut réviser les décisions de la Cour d?Amirauté. Cette compétence est tombée en désuétude depuis la fin des guerres avec l?Empereur Napoléon.

Par contre, le Comité Judiciaire statue encore aujourd?hui en matière ecclésiastique. L?Eglise d?Angleterre, qui s?était dégagée de sa dépendance à l?égard de Rome en 153399, est soumise au Roi et celui-ci, en tant que Chef de l?Eglise d?Angleterre, assure la justice ultime en la matière. Cette charge est conférée au Comité Judiciaire.

Par ailleurs, la Haute Instance londonienne exerce une juridiction de dernier ressort des décisions des Ordres de médecins, celui des dentistes et des opticiens. Il peut aussi être saisi d?une requête visant à destituer un député de son siège à la Chambre des Communes (House of Gommons) pour des raisons strictement disciplinaires100.

Enfin, le Comité Judiciaire peut agir pour le compte du Conseil Privé comme un conseil juridique à l?égard de la Couronne et du gouvernement. La Loi de 1833 dispose qu?il est loisible à Sa Majesté de déférer au Comité Judiciaire toute question pour avis par la procédure dite de consultation extraordinaire (special reference). C?est un moyen pour le gouvernement d?avoir l?opinion d?une

98 On attribue à Lord Brougham l?idée d?avoir élargi le domaine du Conseil Privé en droit interne dans le but d?absorber ultérieurement tout pouvoir juridictionnel de la Chambre des Lords.

99 Sur le sujet, v. MAUROIS André, cité note 72, v. p. 315 et s.

100 HALSBURRY?S LAWS OF ENGLAND: «The Judicial Committee of the Privy Council», Londres, Butterworths, 1975, 56 vol., v. vol. 10, pp. 355 à 389, v. p. 389. V. article 7 de la Loi de 1975 sur la destitution des membres de la Chambre des Communes (House of Commons Disqualification Act 1975).

haute autorité judiciaire sur un sujet'0'. Cette fonction consultative peut rapprocher le Comité Judiciaire du Conseil d?Etat français.

*

Telle est en résumé l?auguste histoire de l?origine du Comité Judiciaire du Conseil Privé. L?Angleterre a récupéré une institution d?origine française, imposée à elle par les normands. Bien que la Curia Regis, devenue Conseil Privé, eût évolué pratiquement en parallèle avec son homologue de l?Hexagone pendant des siècles, le Conseil du Souverain britannique devint, dans la deuxième phase de son histoire, un organe essentiel de la géostratégie des britanniques, ce qui conforta sa grandeur.

Il nous faut analyser la montée en puissance du Comité Judiciaire au sein de l?Empire britannique.

Sous-section 2. La montée en puissance du Comité Judiciaire

Le Comité Judiciaire demeurait un organe discret'02 de l?Empire britannique. En réalité, il exerçait une influence déterminante sur les colonies à la fois sur le plan politique et juridique'03 malgré l?existence au sein du gouvernement britannique des structures spécialisées tel le ministère des colonies (The Colonial Office). La politique des colonies faisait partie d?une sorte de domaine réservé du Souverain. Le rôle du Comité Judiciaire y était déterminant'04. Sa compétence était aussi vaste et immense que l?Empire britannique. Lorsque celui-ci s?agrandissait, la compétence du Comité Judiciaire s?étendait également.

Il semble donc qu?une étude du développement de l?Empire britannique (paragraphe 1) est importante à une bonne mise en valeur des compétences

101 V. par exemple CJCP: 7 mai 1958, Re Parliamentary Privilege Act 1770, AC, 1958, pp. 331 à 354, Vicomte Simmonds rédacteur de l?avis. Le Comité Judiciaire était dans cette affaire composé de sept Lords judiciaires.

102 Les grands ouvrages d?histoire sur l?Empire britannique n?évoquent jamais le rôle joué par le Conseil Privé.

103 «In the nineteenth century the Privy Council was seen as part of the... cement which bound the British Empire together as one coherent unit», CLARKE W. S.: «The Privy Council, politics and precedent in the Asia-Pacific region», ICLQ, 1991, pp. 741 à 756 v. p. 741.

104 «(The Judicial Committee was) the keystone of the great edifice of Imperial federation», Nebit Wallace in PIERSON G. Coen: «Canada and the Privy Council», Londres, Stevens and Sons, 1960, 115 p., v. p. 47.

Mr Reeve, Secrétaire du Conseil Privé, avait écrit en 1875 que: «The Supreme Appellate authority of the Empire or the realm is unquestionably one of the highest functions and duties of sovereignty. The power of construing, determining and enforcing the law in the last resort is, in truth, a power which overrides all other powers», in SWINFEN David B.: cité note 38, v. p. 3 8-39.

ratione loci et ratione materiae du Comité Judiciaire (paragraphe 2) et de son influence sur les différents systèmes juridiques de l?Empire. Cette démonstration pourrait, à première vue, nous éloigner de notre sujet mais il y a lieu, pour apprécier convenablement la montée en puissance du Comité Judiciaire dans le monde, de s?arrêter un instant sur le développement de l?Empire britannique. Le pouvoir de la Haute Instance londonienne dépendait directement de l?évolution de l?Empire.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote