SECTION 2. EN DROIT PUBLIC
L?apport du Comité Judiciaire au développement
du droit public mauricien est considérable. Nous avons auparavant
analysé la contribution de la Haute Instance au contentieux
constitutionnel1136 et démontré comment elle a
participé à la mise en place d?un système effectif de
contrôle juridictionnel des Lois et des
1131 CSM: 19 octobre 1989, Goinsamy Chinien c/ The Queen, le
Chef-Juge Sir Victor Glover rédacteur de l'arrêt majoritaire.
1132 «We are of the view that the charges before us, be it
those of conspiracy or of those of sequestration, revolve around drug
trafficking», ibid.
1133 CJCP: 17 décembre 1992, Goinsamy Chinien c/ The
State, cité note 869.
1134 Ibid., p. 336. Les Lords appliquent en l?occurrence une
jurisprudence de la Chambre des Lords. CL: 20 octobre 1966, Verrier c/ Director
of Public Prosecutions, AC, 1967, pp. 195 à 224, Lord Pearson
rédacteur de l'arrêt principal.
1135 ALLEN Micheal J.: «Text-book on criminal law»,
Londres, Blackstone Press Limited, 1993, 2e édition, 396 p., v. p. 202
et s.
1136 V. Titre II, chapitre 1er du présent ouvrage.
actes administratifs dans les pays du Commonwealth. Il n?est
pas nécessaire d?en insister davantage. On délimitera notre
présente étude à l?examen de l?influence du Comité
Judiciaire sur la formation du droit public substantiel et fondamental de
l?île Maurice.
La protection des libertés fondamentales et le
fonctionnement des institutions publiques sont moyennement satisfaisants
à Maurice. Même si elle a connu à la fois l?esclavage et la
colonisation, l?île Maurice, à l?inverse des pays d?Afrique noire,
a efficacement réceptionné les valeurs de la démocratie
libérale. Plusieurs facteurs expliquent cette
réussite1137. L?absence d?une population autochtone n?a pas
nécessité une conciliation de la vision individuelle et
européenne des droits de l?homme avec les valeurs traditionnelles de la
tribu, comme en Afrique noire1138. Le développement
économique s?étant opéré assez rapidement à
partir de la fin des années quatre-vingts, l?application des droits de
l?homme et le respect de la démocratie politique n?ont pas
été longuement différés. L?impératif du
développement économique sur les droits civils et politiques n?a
pas survécu.
Il convient néanmoins au terme de cette
présentation de ne pas céder à la tentation de
considérer l?exception mauricienne comme étant l?antithèse
de la situation africaine. La réussite mauricienne n?est que relative et
certaines entorses aux valeurs de la démocratie libérale ont
été relevées et sanctionnées par le Conseil
Privé, qui, au surplus, a renforcé et consolidé les
principes. D?autres libertés et droits ne sont pas encore
consacrés, tels les droits économiques et sociaux1139
et les droits de l?homme de la troisième génération, mais
le mode d?interprétation téléologique des normes
constitutionnelles par le Conseil Privé pourrait permettre la naissance,
à partir du texte initial, des droits économiques et
sociaux1140.
Le nombre restreint de recours au juge londonien et la
disparité entre les matières traitées empêchent une
bonne classification de la jurisprudence londonienne en droit public. On s?en
tiendra dès lors, selon une commodité de présentation
choisie délibérément, à un regroupement des
décisions du Comité
1137 «Vous n?ignorez rien des joutes de la
démocratie. Vous en viviez les inconvénients. Mais à
côté de ces inconvénients quels avantages ! Avec le respect
des droits fondamentaux, la liberté d?expression, la liberté de
circulation... Vous avez réussi cette rencontre exceptionnelle entre la
démocratie et le développement. Comment ne pas aimer l?île
Maurice ?», François Mitterrand, le 12 juin 1990 à
Port-Louis in GICQUEL Jean, cité note 194, v. p. 405.
1138 MADIOT Yves: «Droits de l?homme», Paris, Masson,
1991, 230 p., v. p. 93 à 97.
1139 Un certain développement de l?Etat-Providence
(welfare state) a toutefois permis l?accès de tous les citoyens
à la santé et à l?éducation.
1140 ALLEN Tom: «Commonwealth Constitutions and implied
social and economic rights», RADIC, décembre 1994, pp. 555 à
570.
Judiciaire en deux parties, en droit administratif et droit
public institutionnel (sous-section 1) et en droit public des biens
(sous-section 2).
Sous-section 1. En droit administratif et public
institutionnel
Les Sages du Whitehall sont scrupuleux dans leur
contrôle des réglementations des libertés fondamentales par
les autorités publiques et des activités de l?Administration
(paragraphe 1). Aussi ont-ils revivifié la notion démocratique de
la dévolution du pouvoir ou de la doctrine de séparation des
pouvoirs (paragraphe 2).
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