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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 1. La colonisation

L?histoire de l?île Maurice se confond avec la succession des colonisateurs. L?île fut, peut-être, visitée au Moyen Age, par les arabes, puis repérée au

185 L?île Maurice fut le pays organisateur du Sommet de la francophonie en octobre 1993. V. Le Monde, 9 octobre 1993, p. 9

seizième siècle par les portugais186. Les hollandais prirent possession de l?île en 1596 mais ne s?y installèrent qu?en 1638187. Cette première occupation laissa à l?île Maurice son nom Mauritius?188. D?autres colons avaient essayé de s?y installer en 1644, mais l?entreprise échoua189. Les néerlandais abandonnèrent définitivement l?île en 1710.

Cinq années après, l?occupation française commença. Celle-ci laissa une marque profonde dans la sociologie et dans le système juridique de l?île, nommée Isle de France (A). Bien que la colonisation française fût antérieure à toute affirmation des pouvoirs de la Haute Instance londonienne à l?égard de Maurice, il convient, pour la compréhension du développement du droit mauricien, de s?y arrêter.

En 1810, les britanniques succédèrent aux français190 (B) et le Conseil Privé affirma sa compétence.

A. La période française

Nous étudierons la colonisation française à l?île Maurice en deux périodes successives, à savoir, d?abord, celle relative à l?Ancien Régime (a) et, ensuite, celle qui dure de la Révolution de 1789 à la fin de l?occupation française (b).

a. Sous l'Ancien Régime

Les premiers colons français vinrent à l?île Bourbon (aujourd?hui île de la Réunion) en 1721. L?île de France était concédée à la Compagnie (française) des Indes. L?île n?était constitutionnellement considérée que comme la propriété

186 Les portugais appelèrent l?île Maurice Cierne? et l?île Rodrigues, toujours une dépendance de Maurice, Diego Rodrigues? et d?autres îles Chagos?, qui font constitutionnellement partie du territoire mauricien. V. article 111-1-c de la Constitution mauricienne.

Sur l?histoire de l?île Rodrigues v. LANGELLIER Jean-Pierre: «L?île Rodrigues, cendrillon des Mascareignes», Le Monde, 2-3 février 1992, p. 6.

Une polémique oppose le gouvernement mauricien avec son homologue britannique sur la souveraineté mauricienne sur l?île de Diégo Garcia. V. ORAISON André: «Les avatars du BIOT, le processus de l?implantation militaire américaine à Diégo Garcia», APOI, 1979, pp. 117 à 207.

187 L?île Maurice permettait aux hollandais de se ravitailler sur leur longue route aux Indes.

188 On présume que ce nom dérive de Maurice de Nassau.

189 Le peuplement fut insuffisant. On comptait à peine 300 occupants, esclaves compris, dont deux fois plus d?hommes que de femmes. V. TOUSSAINT Auguste: «Histoire de l?île Maurice», PUF, Que sais-je ?, 1971, 128 p., v. p. 26.

190 L?île Maurice fait donc partie de ces pays qui ont subi une occupation coloniale effectuée dans le désordre. V. CONAC Gérard, «La vie du droit en Afrique» in CONAC Gérard, cité note 18, v. p. XIII. «Les crises et les conflits européens n?ont pas manqué d?avoir leur contrecoup en terre africaine. Des territoires ont changé de souveraineté pour passer du vaincu au vainqueur... Ainsi, plusieurs Etats africains ont-ils été marqués par l?empreinte de deux, voire trois colonisateurs», ibid.

privée de la Compagnie191. La Compagnie exploita mal sa concession192, et l?île fut rétrocédée au Roi de France en 1764.

La contrôle de l?île par le Roi de France prit effet à partir du 14 juillet 1767 lorsque débarquèrent à Port-Louis les premiers administrateurs royaux. Ils étaient deux: un Gouverneur-Général nanti de l?autorité suprême et du commandement des forces navales et militaires, et un Intendant chargé plus particulièrement de l?administration des finances. Les deux représentants du Roi assumaient, en outre, en commun un certain nombre de tâches, avec cependant voix prépondérante du Gouverneur-Général.

L?administration royale instaura de nouveaux tribunaux, les juridictions royales, qui jugeaient en première instance. Un Conseil Supérieur statuait en appel sur recours contre des décisions de ces dernières.

b. Depuis la Révolution française

Malgré son éloignement géographique, la Révolution française de 1789 eut des répercussions sur l?organisation judiciaire et politique de l?île193.

Les colons revendiquèrent et obtinrent rapidement le droit de gérer eux- mêmes les affaires de l?île. Une Assemblée de quelques soixante membres fut convoquée en avril 1790, et fut légalisée sous le nom d?Assemblée coloniale par un décret de la Constituante (juin 1789-octobre 1791)194. La République fut proclamée en février 1793 par l?Assemblée coloniale195.

Les bases des institutions de la Constituante, inspirées du principe de la séparation des pouvoirs, étaient reproduites localement. Le pouvoir législatif

191 NAPAL D.: «Les Constitutions de l?île Maurice», Port-Louis, Mauritius Archives Publications, 1962, 150 p., v. p. 1 à 18 sur l?histoire constitutionnelle de l?île Maurice et particulièrement la page 1 sur la Compagnie.

192 Les soldats étaient indisciplinés. L?île de France était dans une situation lamentable par rapport à l?île Bourbon. Toutefois, Mahé de Labourdonnais débarqua à l?île de France en 1735 et transforma considérablement la colonie en moins de cinq ans. Il aménagea Port-Louis en un centre de construction maritime et créa la première sucrerie à Pamplemousses. V. TOUSSAINT Auguste: «Histoire de l?île Maurice», cité note 189, v. p. 38.

193 MARRIER D?UNNIENVILLE Raymond: «Histoire politique de l?isle de France: 1789-1791», Port-Louis, Mauritius Archives Publications, 1975, 193 p.

194 FAVOREU Louis: «L?île Maurice», Encyclopédie Politique et Constitutionnelle, BergerLevrault, 1970, 117 p., v. p. 22.

La Constituante, consacrant le principe de la suprématie de l?Assemblée, était hostile à l?affermissement du pouvoir royale. V. GICQUEL Jean: «Droit constitutionnel et institutions politiques», Monchrestien, Domat droit public, 14e édition, 1995, 806 p., v. p. 441. et v. aussi CHEVALLIER J. J. et CONAC G.: «Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à nos jours», Dalloz, 1991, 1028 p., v. p. 27 à 54.

195 FAVOREU Louis: «L?An I de la République mauricienne», pp. 26 à 28, in UNIVERSITY OF MAURITIUS: «Reflexion on the Republic», Le Réduit, 1992, 35 p.

était exercé par l?Assemblée coloniale de l?isle de France, le pouvoir exécutif par les représentants du Roi et le pouvoir judiciaire par les tribunaux.

Les dénominations de Juridictions royales? et Conseil Supérieur? furent remplacées respectivement par celles de Tribunaux de Première Instance et de Tribunal d?Appel. Comme le Roi portait le titre de Roi des français et non plus Roi de France, les juges locaux étaient désormais choisis par les justiciables et non plus désignés par le Roi196. Par ailleurs, sous le Directoire, un Tribunal de Commerce fut établi et l?Assemblée adopta le Code Pénal du 25 septembre 1791197.

Sous l?Empire Napoléonien (1799-1814), les bases du droit privé mauricien furent posées avec la promulgation à l?île de France des trois codes napoléoniens: le Code Civil, le Code de Procédure Civile et le Code de Commerce.

Le Code Civil fut promulgué le 1er Brumaire An XIV (23 octobre 1805) par un arrêté du Général Capitaine Decaën intitulé «Arrêté supplémentaire au Code Civil, pour étendre son application aux isles de France et la Réunion». Toutefois, ce code fut adapté à la division de la population de l?île de France en trois catégories: les blancs, les gens de couleurs et les esclaves198. Le Code de Commerce fut promulgué le 14 juillet 1809, à l?exception de certaines dispositions d?importance secondaire eu égard aux conditions locales199.

B. La période anglaise

Les Mascareignes, malgré leur petitesse constituaient un avant poste bien situé pour contenir la résistance française contre la poussée anglaise dans l?Inde200. Les anglais lancèrent une attaque contre l?île de la Réunion en juillet 1810. Les français n?offrirent aucune résistance tant les anglais étaient numériquement les plus forts.

196 TOUSSAINT Auguste: «Histoire du droit et des institutions de l?île de France et de l?île Bourbon jusqu?en 1815», pp. 35 à 42, in CONAC Gérard (dir): «Etudes de droit privé français et mauricien», Annales de la Faculté de droit d?Aix en Provence, PUF, 1969, 230 p., v. p. 38.

197 Ibid.

198 Les esclaves demeuraient les biens meubles?. V. MARRIER D?UNNIENVILLE Raymond: «L?évolution du droit civil mauricien», pp. 89 à 108, in CONAC Gérard : «Etudes de droit privé français et mauricien», cité note 196, v. p. 93.

199 ROBERT André: «L?évolution du droit commercial mauricien», pp. 109 à 125, in CONAC Gérard: «L?évolution du droit privé français et mauricien», cité note 196.

200 Monsieur Pitt, très clairvoyant, avait déclaré que: «Tant que les français tiendront l?île de France, les anglais ne seront pas les maîtres de l?Inde», in TOUSSAINT Auguste, cité note 189, v. p. 77.

Aussitôt, l?île de France devenait la prochaine cible. En décembre 1810, la flotte anglaise effectua un débarquement sur la côte nord de l?île après avoir été battue sur mer à la bataille de Vieux Grand Port. Les français capitulèrent entre les mains du Général Sir John Abercomby le 3 décembre 1810.

Le nouveau colonisateur, conformément à sa tradition, maintint la population française assujettie à ses lois (a) tout en procédant progressivement à la réforme de certaines institutions (b).

a. L'application des codes français

L?Acte de Capitulation signé par les Commandants anglais et français le 3 décembre 1810 conservait aux habitants de l?île de France leurs religion, lois et coutumes?201 en application de la jurisprudence de principe posée par Lord

M ans field202.

L?anglicisation de l?île Maurice, préconisée en 1828 par la Commission des Colonies Orientales nommée par le ministre britannique des colonies, n?a jamais eu complètement lieu en ce sens que la conquête anglaise n?avait pas été suivie d?un afflux d?immigrants anglais. Les codes français demeuraient en vigueur et le Comité Judiciaire, devenu juridiction suprême de l?île, avaient dans un appel venant du Canada, étendu aux colonies une règle posée par la Chambre des Lords selon laquelle un code de lois devait être interprété sans restrictions ni adjonctions203. Le Comité Judiciaire veilla en général avec soin l?application correcte des codes français204 et reconnaissait les autorités jurisprudentielles et doctrinales françaises205 dans la mesure où le droit français, contrairement aux autres droits autochtones, était dans la finalité très proche de la Common Law.

201 La Cour Suprême de Maurice confirma en 1902 que le droit d?un pays conquis demeurât jusqu?à ce qu?il fût changé par le conquérant. V. CSM: 15 septembre 1902, The Colonial Government c/ Veuve Laborde, MR, 1902, pp. 19 à 71, le juge Brown rédacteur de l'arrêt.

Par le Traité de Paris du 30 mai 1814, l?Angleterre accepta de rendre à la France la Réunion, mais conserva en toute propriété et souveraineté l?île de France et ses dépendances, notamment les Seychelles et l?île Rodrigues?. L?île de France reprit son nom néerlandais de Mauritius? (Maurice en français).

202 Cour du Banc du Roi: 1774, Campell c/ Hall, cité note 117.

203 CL: 5 mars 1891, The Governor and Company of the Bank of England c/ Vagliano Brothers, AC, 1891, pp. 107 à 172, Lord-Chancelier Halsburry rédacteur de la décision principale. Le Comité Judiciaire étendit le principe de cet arrêt aux colonies dans CJCP: 23 juillet 1892, Robinson c/ Canadian Pacific Railways Company, AC, 1892, pp. 481 à 490, affaire de Canada, Lord Watson rédacteur de l'arrêt.

204 CJCP: 21 février 1883, The Heirs of Martin c/ Marie Boulanger, LJPC, 1883, pp. 31 à 35, affaire mauricienne, Lord Blackburn rédacteur de l'arrêt. Dans cette affaire il était question de l?application de l?article 474 du Code de Procédure Civile.

V. aussi FLOISSAC V. F.: «The interpretation of the Civil Code of Saint Lucia», RGD, 1983, pp. 409 à 489.

205 CJCP: 29 janvier 1873, Emma Lagesse c/ Lucie Allard, LJPC, 1873, pp. 37 à 45, affaire de Maurice, Sir James W. Colville, rédacteur de l'arrêt. Le juge cite des articles des revues Sirey et Dalloz.

L?Administration britannique locale n?avait jamais été fermement désireuse de supprimer les codes napoléoniens au profit de la Common Law. Malgré la présence ultérieure de juges anglais à la Cour Suprême de Maurice, le droit substantiel demeurait tel qu?il était en 1810. Toutefois, le législateur introduisit de profondes réformes dans deux domaines: celui de la procédure et du mode d?administration des preuves par les tribunaux206. Les Règlements Intérieurs de la Cour (Rules of Court) d?inspiration strictement anglaise succédèrent aux règles de procédure civile et pénale207. Le droit anglais de la preuve avait vite reçu l?adhésion des juges et des auxiliaires de justice. Dès 1843, le terme anglais de preuve (evidence) était admis dans le langage du barreau mauricien208.

Les juges locaux appliquaient le Code Civil209 à la lumière des arrêts de la Cour de Cassation française210, tout en gardant une indépendance vis-à-vis de la juridiction suprême de l?ancienne métropole. Dans l?affaire Mungroo c/ Dahal de 1937211, le juge Le Conte de la Cour Suprême de Maurice refusait d?appliquer le revirement de la jurisprudence des Chambres réunies de la Cour de Cassation française à propos d?une interprétation de l?article 1384 alinéa premier du Code Civil212 en matière de responsabilité du fait des choses dans l?affaire Jand?heur213. Les arrêts de la Cour de Cassation n?avaient désormais qu?une forte autorité morale (persuasive authority) et non obligatoire à l?égard du juge local et celui-ci ne voulait trahir sa nouvelle fidélité et loyauté au Comité Judiciaire et était lié par ses décisions214.

206 HAREL Pierre: «L?Angleterre et la loi civile française à l?île Maurice», thèse, Paris, 1889, 215 p. et MARRIER D?UNNIENVILLE Raymond: «L?évolution du droit civil à l?île Maurice», thèse, Aix en Provence, 1968, publiée chez Best Graphics Ltd, 1995, 436 p.

207 Avec cette réforme, par exemple, l?organe du Président de la Cour ne dirigeait plus les débats. D?autres réformes furent fondamentalement incompatibles avec le Code Civil. Une Ordonnance de 1945 sur les cours autorisa, par exemple, l?emploi des jurés dans les procès civils.

208 MARRIER D?UNNIENVILLE Raymond: «L?évolution du droit civil mauricien», in CONAC Gérard (dir), cité note 198, v. p. 106.

209 VENCHARD L. E.: «Le Code Civil annoté», Port-louis, Law Publishers Ltd., 1983, 789 p.

210 CSM: 24 février 1952, The Queen c/ L?Etendry, MR, 1953, pp. 15 à 36, Sir Francis Herchenroder rédacteur de l'arrêt. Le juge fait dans cet arrêt une abondante référence au droit français et soutient que: «...we see no valid reason for departing from the normal rule of construction laid down time and again by this Court and which is to the effect that when our law is borrowed from French law we should resort for guidance as to its interpretation of French doctrine and case law», ibid., p. 29 et s.

211 CSM: 4 novembre 1936, Toolseeram Mungroo c/ Seejooparsad Dahal, MR, 1937, pp. 43 à 139, Juge Le Conte rédacteur de l'arrêt. L?arrêt est traduit en français par Attias C. in RDPros, 1982, pp. 307 à 345.

212 ANGELO A. H.: «The Mauritian approach to article 1384 of the French Civil Code», CILJSA, 1971, pp. 57 à 71.

213 CCF: 13 février 1930, Jand?heur c/ Les Galeries Belfortaises, DP, 1930, vol. 1, p. 129.

214 «Quand ces juridictions (françaises) interprètent un texte incertain, il nous faut hésiter très longtemps avant de statuer à l?encontre de leur opinion. Mais si nous considérons qu?elles ont atténué un texte de loi ou ajouté à ses dispositions, nous ne devons certainement pas les suivre. Si nous sommes dans l?erreur, l?autorité convenable pour nous remettre dans le droit chemin est le Comité Judiciaire du Conseil Privé à Londres», in CSM: 4 novembre 1936, Toolseeram

L?anglicisation du Code Pénal n?a que partiellement eu lieu. Le Code Pénal de 1791 fut remplacé en août 1838 par un code basé essentiellement sur le droit pénal français d?alors. Le Code, qui est toujours en vigueur, fut rédigé à la fois en français et en anglais, étant entendu qu?en cas de divergence entre les deux textes, le premier primerait215. Mais cette prédominance du français ne dura longtemps. Une Ordonnance en Conseil de 1842 disposait que toute modification législative et toute nouvelle loi devraient être rédigées en anglais. L?évolution du droit civil et du droit pénal s?opérait désormais dans un contexte anglais. Certaines nouvelles lois françaises furent traduites et reproduites par le législateur. Les termes quasi-intraduisibles furent reproduits entre parenthèse dans les lois nouvelles et ce ne fut qu?en 1962 que la Couronne permît les réformes en français lorsqu?il s?agissait des textes d?origine française

216.

b. Le développement institutionnel

Si le droit privé et le droit pénal de l?île Maurice de source française témoignèrent d?une résistance sélective à l?égard du colonisateur britannique, le droit public anglais s?implanta sans grande difficulté217. Les autorités anglaises effectuèrent une greffe juridique sur le droit francais de Maurice. Elles supprimèrent progressivement presque toute référence aux normes d?origine française en matière de droit public en agissant au cas par cas selon les besoins du moment.

Dès 1831, la Cour d?Appel de l?île Maurice fut reconnue officiellement sous le nom de Cour Suprême218. Mais en mai 1851, en vertu d?une Ordonnance en Conseil, la Cour d?Appel fut supprimée et remplacée par la Cour Suprême qui était alors dotée des mêmes pouvoirs que la Cour du Banc du Roi (King's Bench)

Mungroo c/ Seejooparsad Dahal, cité note 211. Pour une analyse de l?arrêt, v. DOMAH Gupt Satyabhooshan: «Une analyse des droits français, anglais et mauricien en matière de la responsabilité du fait des choses», thèse, Aix Marseille, 1979, 229 p., v. p. 164 à 166.

215 VENCHARD L. E.: «Le Code Pénal annoté», Port-Louis, Best Graphics Ltd, 1994, 3 vol., 2404 p. Les annotations font références à la jurisprudence et aux articles du Code Pénal français. V. également KENYON Careton W.: «Mauritius: the law of criminal procedure», Washington D.C., Library of Congress, Law Library, 1983, 45 p.

216 V. L?Ordonnance en Conseil de 1962 sur le langage des lois.

217 V. DAYOCHAND Napal: «British Mauritius: 1810 à 1948», Port-Louis, 1985, 278 p.

218 L?Ordonnance en Conseil du 13 avril 1831 dispose que: «Where it is necessary to make provision for the better administration of justice in His Majesty?s island of Mauritius and its dependencies, His Majesty doth therefore, by and with the advice of His Privy Council, order and it is hereby ordered that His Majesty?s Supreme Court of Civil and Criminal Justice within the said colony, called the Cour d?Appel?...».

et la Cour d?Equité (Court of Equity)219. Le Tribunal de Première Instance fut aussi aboli et sa compétence absorbée par la Cour Suprême. Celle-ci comportait désormais trois juges. Un pourvoi contre un arrêt de la Cour Suprême pouvait être fait au Conseil Privé dans les matières de £ 1,000 et au-dessus220. En 1894, le montant du litige pouvant faire l?objet d?un appel au Comité Judiciaire (the appellate value) fut fixé à RPM 10,000.

L?anglicisation des institutions judiciaires fut achevée avant l?accession de l?île Maurice à l?indépendance. La langue anglaise devint la langue officielle des tribunaux en 1945221. Aussi, le ministère public, créé sous l?Empire Napoléonien en 1808 et dirigé par le Procureur-Général, fut complètement anglicisé dans son organisation au point d?être dénaturé 222.

Quant aux institutions politiques, la Couronne reproduisit fidèlement les institutions britanniques à l?île Maurice223 comme dans les autres colonies224. Elle y implanta, au cours de l?évolution constitutionnelle de l?île, le régime parlementaire et représentatif225. Il fut créé, avant l?indépendance, un Conseil Exécutif, le gouvernement, dirigé par le Premier qui était nommé par le Gouverneur «selon les conventions observées en Grande-Bretagne». Cette

219 De même, la Loi sur les Cours (Courts Act) du 7 mai 1945 dispose en son article 17 que la Cour Suprême a les mêmes pouvoirs que la Haute Cour de Justice anglaise in ATTORNEYGENERAL?S OFFICE: «Revised laws of Mauritius», Port-Louis, Précigraph, 1981, vol. 2, pp. 5 à 37.

220 Le Comité Judiciaire déclina sa compétence en matière de divorce dans un appel de Maurice, v. CJCP: 9 mai 1844, Alceste Florentin Antoine D?Orliac c/ La Dame D?Orliac, ER, Privy Council, vol. 13, pp. 347 à 349, affaire de Maurice, Lord Brougham rédacteur de l'arrêt, rapporté par Edmund F. Moore.

221 La Loi du 7 mars 1945 sur les Cours dispose néanmoins en son article 131 que toute personne peut de droit communiquer aux cours inférieures en français.

Selon une anecdote, la vieille du jour où la langue anglaise devenait obligatoire, Maître Antelme, qui plaida devant la Cour d?Assises, prolongea sa plaidoirie jusqu?à minuit. Lorsque minuit sonna à l?horloge de la Cathédrale en face de la Cour, il s?arrêta et reprit sa plaidoirie en anglais. V. BOULAN F.: «L?organisation judiciaire de l?île Maurice», APOI, 1976, pp. 197 à 211, v. p. 200.

222 L?Ordonnance de 1957 abolit les postes de Procureur-Général et ses substituts et les remplaça par ceux du ministre de la justice (Attorney-General), du Soliciteur-General (Solicitor-General), le fonctionnaire en chef du parquet, et des avocats du parquet (State Counsels). La Loi du 30 décembre 1808 sur le Ministère Public demeure toujours en vigueur. V. ATTORNEY-GENERAL?S OFFICE, cité note 219, vol. 4, p. 7. Sur le ministre de la justice, v. DOOKHY Riyad et DOOKHY Parvèz: « L?attroney-General est-il un député ?», Le Mauricien, 17 août 1995, p. 11.

223 LEBLANC Jean-Claude: «La vie constitutionnelle et politique de l?île Maurice de 1945 à 1968», mémoire de troisième cycle, Faculté de droit de Tananarive, 1968, 167 p.

224 Seule la deuxième Chambre parlementaire anglaise, la Chambre des Lords, ne fut jamais exportée dans les dominions et colonies. V. WIGHT Martin: «British Colonial Constitutions», Oxford, Clarendon Press, 1952, 471 p.

225 BAILEY Sydney D.: «Parliamentary government in the Commonwealth», Londres, Hansard Society, 1951, 217 p.

formule signifiait que le Gouverneur désignait celui qui commandait la majorité au Conseil Législatif226 aux fonctions de Premier.

Ainsi, donc, à la fin de la colonisation anglaise, le droit mauricien fut fortement métissé. A ce titre, nous pouvons conclure avec Monsieur le Professeur Xavier Blanc-Jouvan qui affirme que ce qui caractérise le droit mauricien «c?est surtout qu?il réalise une sorte de synthèse en entre deux systèmes qui s?opposent sur le terrain de la technique juridique et qui appartient... à deux familles différentes»227. Le colonisateur anglais avait maintenu dans l?ensemble le droit privé d?origine française considéré à certains égards comme la législation personnelle des habitants et qui, même maintenue en l?état, ne pouvait porter atteinte à l?exercice de la souveraineté des anglais sur l?île228. A propos des institutions publiques et administratives, le colonisateur avait établi ses propres organes afin d?assurer sa domination229 jusqu?à l?accession de l?île Maurice à l?indépendance.

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