Théorie de la
déficience II : Infériorité culturelle
Une autre explication de la pauvreté appelée
hypothèse de la culture de pauvreté (Culture-of-poverty
hypothesis) soutient que les pauvres sont qualitativement différents du
reste de la société, en parlant des valeurs et de styles de vie
et que ces différences culturelles expliquent la pauvreté
continue. En d'autres mots, les pauvres, en s'adaptant à leurs
conditions de dénuement, se révèlent plus permissifs
d'élever leurs enfants, mois expressifs, plus de fatalisme, moins
enclins à s'intéresser à l'éducation formelle que
les riches. Ainsi, la théorie montre la forte implication des
défauts de moyens de vie dans la pauvreté. De ce point de vue,
les pauvres ont une sous-culture des valeurs (subculcure in values)
qui diffèrent radicalement de celles des autres classes sociales.
Edward Banfield, un éminent politologue, montre que la
différence entre les pauvres et les riches est simplement
culturelle : les pauvres ont une orientation vers le
présent (present-time orientation) à l'inverse des riches qui
sont orientés vers le futur (future-time orientation). Il précise
que l'orientation au présent des pauvres n'est pas fonction de la
situation de désespoir dans laquelle ils vivent. Pourtant, il semble
peu probable que les pauvres ne voient guère de raison de se plaindre de
leurs taudis : qu'en est-il de la saleté, les rats, la
promiscuité, le taux élevé de la mortalité
infantile ? Qu'en est-il du chômage et du manque
d'opportunités de mobilité ? Ce sentiment d'être
piégés semble être la cause primaire de l'orientation
hédoniste des pauvres au présent. Si les structures
étaient changées, de sorte que les pauvres pouvaient voir que le
travail acharné et les gratifications différées portaient
leurs fruits, ils se seraient orientés vers le futur.
Les critiques de l'hypothèse de la culture de
pauvreté montrent que les pauvres sont une partie intégrante de
la société des Etats-Unis ; ils n'abandonnent pas les
valeurs dominantes de la société mais, plutôt, ils les
conservent tout en tenant une autre série de valeurs. Cette série
alternative de valeurs est le résultat d'une adaptation aux conditions
de pauvreté. Elliot Liebow, dans une étude classique des
afro-américains de classe inférieure a abordé le
problème dans le même sens :
Dans cette perspective, enfant de la rue -street corner
man - n'apparaît pas comme une carrière d'une tradition culturelle
indépendante. Sont comportement n'apparaît pas plus comme un
moyen de réaliser des objectifs distinctifs, les valeurs de sa propre
sous-culture ou la conformité à ses modèles, mais
plutôt comme un moyen d'essayer d'accomplir beaucoup d'objectifs et
beaucoup de valeurs de la plus large société, d'échouer
à le faire et de dissimuler son échec des autres et de
lui-même, au mieux de sa possibilité (Liebow,
1967 :222).
Beaucoup d'américains croient que la pauvreté
est la combinaison des facteurs biologiques et culturels. Judith Chafel a
passé en revue de nombreuses études sur les croyances des
américains et conclut qu'ils considèrent les privations
économiques comme un état auto-infligé,
emmenant beaucoup plus des facteurs personnels (à l'exemple de l'effort,
de l'habileté) que des structures externes (à l'exemple d'un
marché d'emploi défavorable, du racisme). La pauvreté est
vue comme inévitable, nécessaire et juste (Chafel,
1997 :434).
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