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Dégénérescence morale: Une étude comparative de Gabriel Gradère et De Ferdinand Bringuet dans Les Anges Noirs de François Mauriac et La Retraite aux Flambeaux de Bernard C lavel

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par Virginie Blanche NGAH
Université Yaoundé I - Maà®trise en Lettres Modernes Françaises (Option Littérature) 2007
  

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III-3- Le temps de la déchéance

S'intéresser au climat de la déchéance c'est regarder les conditions atmosphériques et climatiques dans lesquelles agit le personnage décadent. Il peut arriver que le personnage soit influencé par l'atmosphère qui l'environne, puisque le temps atmosphérique et même climatique joue un rôle déterminant dans le conditionnement psychologique et dans l'action même du personnage.

Dans le premier texte, Gabriel se trouve à Paris dans un état de désolation immense, alors qu'un triste jour entrait par les vitres sales131(*). Il va quitter cette atmosphère oppressante pour se réfugier à Liogeats où malheureusement la situation semble pire. L'atmosphère et le climat qui règnent sont adaptés aux événements qui marquent le paroxysme de sa dégénérescence morale.

Le temps atmosphérique qu'est la nuit représente le danger, c'est un moment d'angoisse et de solitude. Le caractère sombre de ce roman se démontre par la grande récurrence de ce terme nuit qui y apparaît plusieurs fois. Il se trouve renforcé par l'utilisation du champ sémantique de l'obscurité, avec des mots tels que nocturnes, sombres, obscures, ténèbres.

Lorsque la nuit tombe à Liogeats, celle-ci met les personnages dans des situations diverses, ramenant certains à la position de prédateurs et d'autres à celle de proies. Le choix de Mauriac montre que la nuit, par opposition au jour, est le moment où se déroule l'éternel combat entre les forces du mal, Satan, et celles du bien, Dieu, entre  la puissance des ténèbres, le prince de ce monde132(*), et la Puissance divine. C'est pourquoi on peut voir en une même nuit, Alain Forcas à genoux dans sa cure, les mains jointes, priant et pleurant d'amour pour les pêcheurs133(*), tandis qu'au même instant, Gabriel se trouve à la gare de Liogeats, prêt à commettre un meurtre.

En homme avisé et décidé, Gabriel va à la gare juste au moment où il pleut pour chercher Aline qu'il étranglera quelques minutes plus tard. Non seulement il fait nuit, mais il pleut abondamment. Et à cause de ce climat la gare est déserte parce que par un temps pareil, personne n'a rien à faire dehors, ni pour le bien, ni pour le mal134(*)', en dehors du chef de gare qui s'y trouve. Grâce à cette nuit épaisse et pluvieuse, Gradère se dissimule sous son parapluie, sûr de n'avoir aucun témoin qui le verrait.

Les paramètres atmosphériques et climatiques jouent également en faveur de Ferdinand Bringuet dont la tragédie se déroule justement en une seule nuit. Le temps du récit en lui-même est celui de la guerre, ou du moins, de l'après guerre. C'est une période critique et imprécise pour les habitants de ce petit village, étant donné que l'ennemi allemand y est encore présent. À cette tension déjà existante, et causée par la guerre qui est l'événement le plus destructeur que le monde ait jamais connu135(*), viennent aussi s'ajouter des facteurs tels que l'atmosphère de la nuit et le climat pluvieux qui sévissent.

En dehors de la tension psychologique due à l'état d'alerte qui règne, et qui oblige les uns et les autres à se calfeutrer chez eux, s'adjoint l'atmosphère obscure de la nuit. C'est un moment où l'on doit se reposer paisiblement ; mais avec l'appréhension et l'angoisse occasionnées par la guerre et rehaussées par la pluie, tout semble réuni en faveur de la chute du personnage. De même que pour Gabriel, la nuit et la pluie sont des facteurs positifs à la déchéance de Ferdinand. L'obscurité favorise la perpétration d'actes qui en plein jour, n'auraient peut-être pas pu être accomplis ; et quand le SS entre dans la maison des Bringuet, Ferdinand remarque qu'il ne pleut plus. Cependant lorsque se déclenche la lutte entre Ferdinand et Klaus, la pluie se remet à tomber en redoublant d'intensité. Elle semble vouloir protéger Ferdinand en couvrant le bruit de son combat ; et à l'instant où Ferdinand réussit à maîtriser le soldat, le narrateur dit que la pluie tombe moins fort136(*).

Au moment où la pluie sort de scène, elle cède la place à la lune qui écarte les nuées. [...] La lune [qui] se cache à demi137(*) pour jouer sa partition avec sa  lumière qui [...] a quelque chose de tragique138(*). L'obscurité règne grandement et il faut que la lune vienne éclairer  cette nuit pleine de dangers, [...] cette nuit [qui] fait peur139(*). L'astre de la nuit se déploie alors pour venir en aide à Ferdinand et à ses compagnons ; et lorsque ceux-ci descendent vers le pont pour se débarrasser du corps du soldat, la lune se cache et reparaît alors qu'ils atteignent la rive.140(*) La personnification fait ressortir tous les jeux que font la pluie et la lune, actants qui participent véritablement à l'intrigue. La lune agit comme un projecteur braqué sur la scène qui commence une nuit où un gamin vêtu de noir est parti au fil de l'eau 141(*), et se termine  une nuit aux lueurs d'incendie 142(*), pendant laquelle Ferdinand va trouver la mort. On retrouve la nuit en amont et en aval de cette tragédie.

Chez Clavel, on ressent un peu d'extrapolation qui se manifeste à travers le style hyperbolique qu'il emploie, quand il parle de  cette nuit chargée de rumeurs sourdes [qui] va durer l'éternité.143(*) Une éternité de silence lourd et épais. Une éternité d'au moins dix secondes144(*). Il n'hésite pas non plus à faire usage de l'oxymore pour mettre en exergue certains faits ; aussi va t-il comparer Ferdinand et Maria enlacés, à un  bloc de tendresse douloureuse. 145(*)

À tout prendre, il s'avère que l'univers spatio-temporel a un impact sur l'humeur et la psychologie des personnages. En effet, l'espace qu'il soit ouvert ou clos, est délétère pour Gabriel et Ferdinand. Cet univers carcéral rend le personnage semblable à un animal apeuré et traqué. Le temps psychologique à travers les rétrospectives permet de trouver des causes et des signes de dégénérescence morale dans l'enfance de Gabriel Gradère et de Ferdinand Bringuet. L'époque de la guerre, de même que l'atmosphère de la nuit et le climat de la pluie apparaissent comme des facteurs positifs à la déchéance morale. Ils protègent le personnage en les excitant à la perpétration de l'acte criminel ; ce qui détériore ou aggrave la nature de leurs relations sociales avec autrui.

* 131 F. Mauriac, L.A.N., p. 51.

* 132 F. Mauriac, L.A.N., p.170.

* 133 Ibid., p.172.

* 134 Ibid., p. 161.

* 135 T. J. Scheff, Vengeance meurtrière, Les sentiments, le nationalisme et la guerre, op.cit., p. 128.

* 136 B. Clavel, R.A.F., p. 28.

* 137 Ibid., p. 93.

* 138 Idem.

* 139 Ibid., pp. 44-45.

* 140 Ibid., p. 85.

* 141 Ibid., p. 103.

* 142 Ibid., p. 117.

* 143 Ibid., p.40.

* 144 Ibid., p. 95.

* 145 B. Clavel, R.A.F., p.95.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams