1.2. Selon la conception moderne
Les temps modernes en philosophie étaient
marqués par une controverse entre les empiristes et les rationalistes.
Les premiers disaient qu'on ne peut connaître que grâce à
l'expérience sensible et les seconds soutiennaient la thèse selon
laquelle seule la raison peut nous aider à accéder à la
connaissance de quelque chose.
La découverte d'Isaac Newton concernant les lois de la
mécanique rationnelle qu'il expose dans sa célèbre
Philosophiae Naturalis Principia Mathematica,
l'invitation que Descartes adressait à toute l'humanité
d'être « maître et possesseur »24 de la
nature, la publication du Novum organum par Bacon sont là les
quelques idées et découvertes qui ont donné à la
modernité son impulsion. Cependant l'on peut se poser la question de
savoir quelle est l'importance de ces découvertes dans
l'évolution des rapports homme-nature dans le monde occidental.
Nous pouvons répondre à cette question en deux
volets :
22 Ibid.
23 M. YOUNES, Les repères islamiques pour
la protection de l'environnement, in « l'Islam aujourd'hui »
N°20 Revue périodique de l'Organisation Islamique pour
l'Éducation, les Sciences et la Culture (ISESCO), p.5.
24 R. DESCARTES, Discours de la
méthode, commentaires et notes par J.-M. BEYSSADE, coll. «
Livre de poche », Ed. de Brodard et Taupin, Paris, p. 163.
En premier lieu, les progrès de l'astronomie,
progrès dû au développement des appareils d'observation,
les découvertes qui vont de Copernic à Galilée, de Kepler
à Newton et Laplace, « sont synonymes d'un changement majeur en ce
qui concerne la position de l'homme dans le monde (le cosmos)
»25 . La terre qui était jadis considérée
comme le centre de l'univers ne l'est plus grâce à la
découverte de Nicolas Copernic qui formule la conception
héliocentrique de l'univers. Ainsi, « le paradigme
ptolémaïque qui était pris pour un dogme tombe finalement en
désuétude »26 . Il laisse ainsi entrevoir qu'il
pourrait en être pareil pour d'autres vérités tenues
jusqu'alors pour inattaquables.
En second lieu, les rationalistes tels que Descartes et
d'autres instaurèrent le primat de la raison. Descartes va plus loin
jusqu'à réduire l'homme à la res cogitans,
c'est-à-dire la chose pensante. L'homme se définit
désormais par sa capacité de penser et le reste n'est pas
important. Ainsi il invite l'homme à devenir maître et possesseur
de la nature. Bacon, de son côté, est « la première
figure de la philosophie postmédiévale en Grande-Bretagne. Il est
apparu comme le fondateur de la science moderne, sa modernité
résidant dans l'importance qu'il accorde à l'observation et
à l'expérience, dans la conception inductive nouvelle, dans
l'union étroite qu'il établit entre science et technique dans le
but d'assurer le règne de l'homme sur la nature »27.
Grâce à l'expérience, les empiristes se
rendent compte que le monde et tout ce qu'il contient ne sont plus qu'objet
d'étude dont les secrets n'attendent que d'être
dévoilés. Il en découle aussi que « l'univers, le
corps humain, le corps de l'animal et le reste de la nature sont des
mécanismes »28 dont il faut étudier le
fonctionnement, grâce à la méthode inductive, afin de les
maîtriser.
« Purser et al. montrent que ce changement dans la
perception du monde non humain a commencé pendant la renaissance, au
XVème siècle, lorsque les peintres italiens prennent
l'habitude de représentations géométrisées, et
placent
25G.-G. ARSENE, Op.cit, p.13.
26 Ibid., p.13.
27 J. RUSS (dir), Dictionnaire des philosophes,
2ème édition, Ed. Armand Colin, Paris, 2002, p.
46.
28 G.-G. ARSENE, Op.cit, p.13.
dans leurs peintures les éléments naturels en
conformité avec des règles d'une harmonie
géométrique »29.
Sur le plan économique, beaucoup d'économistes
pensent que les animaux, la terre, les mers, les fleuves, les plantes
cultivées sont des ressources de matières premières,
uniquement, et rien de plus.
Il nous faut aussi noter que le remplacement de
l'énergie musculaire par l'énergie mécanique :
résultat de la thermodynamique, le développement des techniques
d'expérimentation, le développement des laboratoires, ont accru
le pouvoir de manipulation des éléments de la nature à un
niveau jusque là jamais vu. L'utilisation des machines et des
énergies provenant de la combustion du charbon et du pétrole a
permis à l'homme de braver ce qui était considéré,
jadis, comme sacré dans la nature.
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